LUCERNE FESTIVAL 2009: Et le ciel s’est ouvert…Abbado à Lucerne (Août 2009)

 

Concerts ABBADO

Lucerne

12-22 Août

Programme 1 :

Prokofiev Concerto pour piano n°3, soliste Yuja Wang

Mahler Symphonie n°1

Programme 2 :

Mahler : Rückert Lieder

Mahler : Symphonie n°4

Magdalena Kozena, Mezzosoprano

Lucerne Festival Orchestra

Claudio Abbado


C’est désormais un rituel, le festival de Lucerne, le plus grand rassemblement d’orchestres internationaux au monde, pendant un mois et demi, s’ouvre sur 10 jours au cours desquels Claudio Abbado dirige le Lucerne Festival Orchestra pour quatre à cinq concerts et deux programmes. Rituel est le mot qui convient tant l’attente du public et la ferveur des musiciens  transforment ces moments en des pierres miliaires de l’histoire de l’interprétation musicale. La relation à Mahler du chef milanais est connue, elle accompagne toute sa carrière, depuis ses débuts, et pourtant, comme souvent chez Abbado, chaque concert est un moment tout neuf, où s’oublient toutes les interprétations précédentes, où s’explorent des chemins nouveaux, qui étonnent les musiciens eux-mêmes et frappent les auditeurs. Cette année, l’ouverture du Festival s’est faite avec la Symphonie n°1 de Mahler, et une fois encore, nous sommes projetés ailleurs. L’adhésion affectueuse de l’ensemble des musiciens se lit à la tension extrême pendant les exécutions, tension qui saisit aussi chaque spectateur, il n’est que d’entendre les silences qui suivent les dernières mesures, l’explosion finale des applaudissements, la standing ovation spontanée, les jets de fleurs. Nous sommes ailleurs, ailleurs parce que littéralement, on n’a jamais entendu cela…Dans les mains d’Abbado, une symphonie aussi rebattue que la Titan, œuvre dite de jeunesse, loin d’être cette explosion de sève juvénile dans une nature bouillonnante, devient le premier témoignage d’un parcours cohérent, fait de mélancolie, de tristesse, d’explosion, de refus, d’ironie terrible. Le début du 3ème mouvement, marche funèbre commençant par un incroyable mouvement à la contrebasse (Alois Posch !), est à ce titre absolument inoubliable. Cette couleur, qui porte en elle les 8 autres symphonies, fait de cette nature, thème central du Festival de cette année, non pas une nature sauvage et indomptée, mais au contraire une nature complètement transcendée par le regard de l’art, complètement domptée et sculptée, une nature à la Giorgione dans la « Tempête ». Et l’émotion impossible à contenir envahit la salle, à en hurler. L’émotion est pourtant un sentiment qui semble absent de l’interprétation de la jeune pianiste Yuja Wang, qui propose du concerto n°3 de Prokofiev (en première partie avant la Titan) une vision mécaniste, assez acrobatique, sans âme ni sensation. L’émotion est aussi ce qui manque à Magdalena Kozena, qui dans le second programme propose des Rückert Lieder une interprétation assez plate et sans véritable intérêt. Dans la quatrième de Mahler, son intervention au dernier mouvement est un peu plus sentie, mais on aimerait une voix moins faite, plus enfantine, plus claire. C’est une fois de plus l’orchestre qui stupéfie par sa domination technique, son engagement et la vibration qui en émane, cet orchestre qui vient par choix pour faire de la musique, en témoignent les effusions qui ponctuent chaque concert. Le contraste entre le nombre des pupitres en jeu et un son qui  est toujours contrôlé, qui sonne comme de la musique de chambre, qui s’étiole jusqu’aux limites de l’audible, des pianissimi qu’on pense impossibles à tenir, des musiciens qui sont aussi des solistes (Kolja Blacher dans l’adagio) c’est cela aussi la force de Claudio Abbado sur ses musiciens. La conjonction entre l’engagement personnel d’Abbado et l’impressionnante préparation des musiciens aboutit à ces trente secondes de silence, où l’on a l’impression que le ciel va s’ouvrir, qui précèdent l’explosion du public. Claudio Abbado est un univers, dit de lui Michael Haefliger, l’intendant du Festival de Lucerne, nous dirons qu’il est une planète à lui tout seul, sans aucun doute la plus fascinante et la plus belle de tout notre système musical.

 

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