OSTERFESTSPIELE SALZBURG 2010: GÖTTERDÄMMERUNG de Richard WAGNER au Festival de Pâques de Salzbourg, dirigé par Sir Simon RATTLE, mise en scène de Stéphane BRAUNSCHWEIG (Le 5 avril 2010)

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Le cycle est clos. Une aventure de quatre ans, partagée avec Aix-en-Provence, dont on espère voir un jour la présentation en cycle complet, car on se sent un peu orphelin de ne l’avoir vu que par épisodes. Bernard Foccroule à Aix ne semble pas avoir été séduit par l’aventure du Ring en Provence, initiée par Stéphane Lissner, même s’il confesse que le succès des Berlinois a été le plus gros succès jamais obtenu par des concerts à Aix. Ce qui est exceptionnel à Aix est “ordinaire” si on ose dire à Salzbourg puisque les berlinois y sont (presque) chez eux. Il reste que monter un Ring est un défi peu commun, et c’est pourquoi on aimerait que l’aventure ne reste pas sans lendemain et ne se range pas dans le tiroir aux souvenirs. Même si la mise en scène de Braunschweig ne m’a pas vraiment convaincu, on ne peut vraiment apprécier un travail scénique sur le Ring que si on le voit d’affilée. J’ai aimé ces deux moments, découvrir à Aix et entendre à Salzbourg: on n’a jamais la même impression. Acoustiquement, je trouve que la fosse d’Aix est sonore, trop sonore, et couvre souvent les voix. Ici rien de semblable et les équilibres reprennent leurs droits. L’impression a donc été sensiblement différente entre les deux lieux. Et le même spectacle se regarde dans un autre contexte.
On sait que Sir Simon Rattle est un wagnérien apprécié, ses Tristan, ses Parsifal ont laissé à Vienne ou à Amsterdam des traces durables et positives. Dans l’ensemble, son Ring a été salué par la critique, focalisée en France sur la qualité de l’orchestre, plus peut-être que par l’approche du chef. Il reste que l’entreprise est un succès. Une fois de plus à Salzbourg, Ben Heppner a déclaré forfait: l’enregistrement à peine sorti de Siegfried, distribué ici aux membres bienfaiteurs, reprend les représentations de Salzbourg, avec Lance Ryan, sans doute le meilleur Siegfried d’aujourd’hui. C’est Stefan Vinke qui  remplace en ce printemps Heppner pour Götterdämmerung. Puisque Heppner a toujours chanté à Aix et jamais à Salzbourg (la Provence en été lui va sans doute mieux que le Salzburger Land au Printemps), on aura ainsi eu l’occasion de comparer trois Siegfried, ce qui renforce encore l’intérêt.

Las! Alors que le Götterdämmerung vu à Aix ne m’avait pas déplu- je l’avais même mis aux côtés de Rheingold pour l’approche scénique ( Walküre et Siegfried m’avaient plutôt déçu) la représentation du 5 avril a apporté bien des déceptions et des doutes. D’abord, au contraire des autres jours, j’ai trouvé que certains pupitres de l’orchestre manquaient de concentration, notamment dans les cuivres (à l’exception des cors). On a entendu beaucoup d’approximations, des problèmes de justesse et d’attaques. Certes, la prestation d’ensemble reste de très grand niveau, mais par rapport aux autres soirs on était incontestablement un ton en dessous.
J’ai des doutes ensuite sur l’interprétation de Sir Simon Rattle: un de mes interlocuteurs germaniques m’a dit – et je ne suis pas loin de le suivre: “L’oeuvre resiste à tout, même à une interprétation médiocre”. Il ne se dégage aucune émotion, et le premier acte (notamment) était – un comble- ennuyeux. On n’arrivait pas entrer dans l’oeuvre. la direction à elle seule ne peut être responsable de ce sentiment très mitigé, mais je ne pense pas que le chef ait su entraîner dans une vision marquante l’ensemble des forces artistiques. c’est toujours très construit, très spectaculaire mais souvent aussi trop fort, sans vraie motivation, et sans aucune mais aucune poésie.
Il est vrai aussi que Rattle n’est pas aidé par une distribution inégale, dont il est responsable: je trouve scandaleux que ce Festival, qui vend les billets parmi  les plus chers du monde, ose afficher une Gutrune (Emma Vetter) criarde, à la voix courte, sans aucun intérêt, et s’adresse pour Brünnhilde à une chanteuse certes affichée dans de nombreux théâtres, mais qui n’est pas c’est le moins qu’on puisse dire une Brünnhilde habitée. Katharina Dalayman n’a pas une voix homogène, rien dans le grave, complètement opaque, et toute la voix  se concentre sur l’aigu, avec une impression pénible de cri et non de chant. Dans ces conditions, aucune interprétation, aucune émotion, aucune poésie. Un seul exemple: toutes les grandes Brünnhilde soignent la fin de la première partie du récit finaldu troisième acte, où Brunnhilde prononce “Ruhe, Ruhe, du Gott” en s’appuyant sur l’orchestre en une longue note tenue. Behrens avec Solti en avait presque fait un climax. Ici, rien, aucun écho aucune correspondance avec l’orchestre. Des notes, mais pas de musique.
La seule a s’en sortir au niveau du chant est Anne Sofie von Otter en Waltraute: je ne suis pas sûr que ce soit vraiment un rôle pour elle, le volume n’est pas toujours au rendez-vous, mais dans la manière de dire le texte, de le moduler, on entend la chanteuse de Lied et cela reste avec ses limites une prestation de très haut niveau.

Le Siegfried de Stefan Vinke est sonore, très sonore, mais là aussi, un legato absent, des difficultés à maîtriser le suraigu, notamment au deuxième acte, une voix un peu nasale qui semble plus une voix de tête, que d’appui sur le coffre et le diaphragme. Ce n’est pas une prestation scandaleuse, mais ce n’est pas un Siegfried pour Salzbourg. Le forfait de Ben Heppner y est pour quelque chose sans doute, mais avec Lance Ryan l’an dernier, on avait gagné au change. Ce n’est pas le cas cette année.
Mikhail Petrenko en Hagen pose un autre problème, qui d’ailleurs était le même à Aix: voilà un chanteur intelligent, doué d’une excellente diction, un grand interprète, mais le rôle de Hagen réclame une puissance qu’il n’a pas, notamment dans les ensembles et avec le choeur au deuxième acte. Il est remarquable dans les parties moins épiques, mais le volume reste notoirement insuffisant, mais c’est l’un des seuls personnages “habités”.

Malgré une annonce de rhume, Gerd Grochowski est vraiment un Gunther excellent: lui aussi sait prononcer le texte avec attention et subtilité, la voix a du volume et de la présence dans un rôle ingrat. Quant à Dale Duesing en Alberich, même si la voix est désormais un peu fatiguée, c’est lui qui fait preuve de la plus grande intelligence interprétative, et son intervention est saisissante en début de deuxième acte face à son fils Hagen “Schläfst du Hagen mein Sohn”. D’ailleurs c’est la scène musicalement la plus réussie car sans doute la mieux chantée. Les Nornes sont honnêtes, et les filles du Rhin bonnes: la scène avec Siegfried du début du troisième acte est avec la scène Hagen/Alberich la plus musicale, celle aussi où Rattle conduit l’orchestre, le fait chanter, et où l’on entend un son plein et charnu, et une vraie poésie. Très beau moment.

Comme on le voit, beaucoup de problèmes musicaux et une distribution à tout le moins inégale,  en aucun cas du niveau requis pour Salzbourg.
Quant à la mise en scène, s’il y a çà et là des moments intéressants des images fortes et de belles lumières, monologue final de Hagen au premier acte, scène Hagen/Alberich, scène du palais des Gibichungen avec une bonne utilisation de l’espace, et projections video impressionnantes dans la scène finale et notamment le Rhin, le reste n’a pas beaucoup d’idées ni d’intérêt. Les bonnes idées, on les a déjà vues ailleurs (Wotan réapparaissant à la fin, c’était déjà dans Kupfer à Bayreuth, le “peuple” autour du Rhin, puis tourné vers le public, c’était dans Chéreau). S’il n’y a pas vraiment de mauvaises idées (bon, le choeur des vassaux de Hagen en joueurs de golf et de chasseurs, cela fait sourire), il n’y a rien de notable, rien d’original,et surtout pas de vraie direction d’acteurs, pas de travail sur les relations entre les personnages, pas de  poésie, comme si Braunschweig n’y croyait pas.En fait, des quatre opéras, le plus séduisant reste l’Or du Rhin. Ce Götterdämmerung ne marquera ni les annales du Festival, ni celles du théâtre en général, même si l’entreprise aura marqué Aix en Provence, par son côté exceptionnel. Ici où l’exceptionnel devrait être l’ordinaire,cela aura été une production ni aboutie, ni vraiment inspirée, sans voix exceptionnelles et avec une mise en scène indifférente et plate.
050420101950.1270680627.jpgL’orchestre au complet est venu saluer le public à la fin du spectacle.

L’an prochain (voir le lien), Salomé, avec Emilie Magee (bof) et Stefan Herheim dans comme metteur en scène (mieux) dirigé par Rattle et Gustavo Dudamel comme chef invité dans un des concerts! On reviendra donc!

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