OPÉRAS EN EUROPE ET AILLEURS 2012-2013 (5) : SPECTACLES A RETENIR – SUISSE – ZÜRICH – GENÈVE

Il y a en Suisse de très bons théâtres, à commencer par Bâle (Theater Basel), qui est sans doute l’un des meilleurs théâtres du monde germanique, où Christoph Marthaler produit régulièrement des spectacles magistraux, un théâtre voué à la modernité qui ose explorer systématiquement le répertoire avec des clefs contemporaines. En ce moment (décembre) un joli Ballo in Maschera mis en scène par Vera Nemirova. Le théâtre de St Gallen, Theater St Gallen, un peu plus traditionnel, mais qui accorde de l’importance aux voix. Celui qui je préfère reste le minuscule théâtre de Bienne/Biel ,où la dimension réduite donne à la représentation la qualité d’une représentation de salon, allez-y! cela vaut vraiment la peine de vivre cette expérience très intime.
Mais la vie lyrique suisse est dominée par ses deux plus grandes institutions, très différentes, et par les moyens, et par l’esprit que sont
– l’Opernhaus Zürich, dans sa salle XIXème aux dimensions moyennes, au bord du lac de Zürich, qui sort d’une longue période où Alexander Pereira (l’actuel intendant du Festival de Salzbourg) en a fait une des références du monde lyrique européen, et qui vient d’être confié depuis 2012 à Andreas Homoki, lui même venu de la Komische Oper de Berlin. C’est un théâtre de répertoire à l’allemande
– le Grand Théâtre de Genève, au plateau immense, à la vaste salle, construite en référence au Palais Garnier au XIXème siècle et qui est un théâtre de stagione à la française, est dirigé par Tobias Richter, qui a longtemps présidé aux destinées de la Deutsche Oper am Rhein de Düsseldorf. Il succède à des générations de managers français, Jean-Claude Riber, Hugues Gall, Renée Auphan, Jean-Marie Blanchard et dispose de moyens inférieurs à ses prédécesseurs et en tous cas largement inférieurs à Zürich.

OPERNHAUS ZÜRICH

Zürich est désormais à portée de TGV en quatre heures de Paris, et cela peut valoir le déplacement de voir un certain nombre de spectacles. Jusqu’à ce jour, Zürich a offert des productions qui toutes, se tiennent, et défendent de manière très honorable tous les répertoires. Dans les premières qui peuvent vraiment intéresser, notons en ce mois de décembre Der Fliegende Holländer, de Wagner,  première production de Andreas Homoki à Zürich, dirigé par Alain Altinoglu avec une distribution intéressante, Anja Kampe en Senta, Bryn Terfel en Holländer (sauf fin décembre), Matti Salminen en Daland avec des représentations en décembre, janvier, juillet. A noter qu’on pourra voir cette production à la Scala dirigée par Hartmut Haenchen avec Bryn Terfel et Anja Kampe mais avec Ain Anger au lieu de Matti Salminen fin février début mars. Les amoureux de Wagner et des productions zurichoises reviendront pour Tannhäuser (mise en scène Harry Kupfer)en janvier et début février, sans Metzmacher, mais avec Marc Albrecht au pupitre, toujours avec Vesselina Kassarova en  Venus, Peter Seiffert en Tannhäuser, mais Thomas Hampson en Wolfram et surtout Anja Harteros en Elisabeth, et pour Parsifal (mise en scène excellente de Claus Guth) fin mars début avril (on ne va pas savoir où donner de la tête entre celui de Munich, de Vienne, de Salzbourg, tous plus somptueux les uns que les autres), dirigé par Mikko Franck avec Angela Denoke en Kundry, Evguenyi Nikitin en Amfortas et Stuart Skelton en Parsifal, mais hélas Jan-Hendrik Rootering en Gurnemanz, rôle pour lequel à mon avis il a passé l’âge.

La salle de Zürich

Ceux qui voudront voir Waltraud Meier en Santuzza de Cavalleria Rusticana peuvent faire le voyage en janvier pour la reprise de l’opéra qui commence le 1er janvier (dir.mus: Alexander Vedernikov, ms en scène Grischa Asagaroff) avec Zoran Todorovitch et Lucio Gallo entre autres.
En février, bicentenaire Verdi oblige, une nouvelle production de Rigoletto, mise en scène par la jeune Tatjana Gürbaca qui avait raté sa mise en espace de Fidelio avec Abbado à Lucerne, dirigée par Fabio Luisi, nouveau directeur musical de Zürich, qui succède à Daniele Gatti. La distribution, honnête,  comprend Saimir Pirgu en Duc, Quinn Kelsey en Rigoletto, Alexandra Kurzak en Gilda et Christof Fischesser en Sparafucile. Fabio Luisi en profitera pour diriger une reprise de La Bohème (Mise en scène Philippe Sireuil) avec Inva Mula et Stefano Secco.
En mars, création de l’opéra de Peter Eötvös, Drei Schwester (Les trois soeurs), mis  en scène de Herbert Fritsch et dirigé par Michael Boder, qui est un très bon chef. Mais le 7 avril, première de Lady Macbeth de Mzensk, de Chostakovitch (avril, début mai, juin) dirigé par Theodor Currentzis en avril et Vassily Sinaisky en mai et juin, avec Kurt Rydl et Gun-Brit Barkmin en Katerina Ismailova et dans une mise en scène de Andreas Homoki. Avril est un mois dédié au baroque puisque sont affichée une reprise de Rinaldo de Haendel (mise en scène Jens Daniel Herzog dans des décors de Claus Guth)  et une première de l’Opernstudio de Zürich, Der geduldige Socrates (La patience de Socrate) de Telemann créé en 1721. Passonbs sur un Falstaff de grande série en avril mai, arrêtons-nous quelque peu en mai sur une Traviata dont l’intérêt réside dans la Violetta de Diana Damrau (Mise en scène Jürgen Flimm, dir.mus Keri-Lynn Wilson), mais signalons la première d’une nouvelle production de Don Giovanni, dirigée par le jeune Robin Ticciati et mise en scène par Sebastian Baumgarten, dont les amoureux de Wagner connaissent le Tannhäuser de Bayreuth(!) avec Peter Mattei, désormais Don Giovanni mondial, et Pavol Breslik en Ottavio, Marina Rebeca en Anna et Julia Kleiter en Elvira (Mai et tout le mois de juin). En juin également, une reprise de Rusalka dirigé par Eivind Gullberg Jensen dont je me méfie après une mauvaise Bohème à Oslo et un Fidelio très moyen à Madrid et la saison se termine par une grande reprise en juillet (Der Rosenkavalier) et deux premières, celle d’une fantaisie spéciale autour de Wagner, Richard Wagner: wie ich Welt wurde (comment je devins monde) mise en scène par Hans Neuenfels, ce qui promet vu l’imagination du sieur Neuenfels, et tout à la fois théâtre et musique (avec Catherine Naglestad) et celle de La Straniera, opéra de Vincenzo Bellini, mis en scène par Christof Loy (cela ne promet rien de bon…) dirigé par Fabio Luisi et dont l’attraction est la grande Edita Gruberova (juin/juillet), toujours bon pied bonne voix.

Quant au Rosenkavalier (reprise de la mise en scène de Sven-Erik Bechtolf qui clôt la saison, il réunira “alla grande”, Fabio Luisi au pupitre, Nina Stemme, Vesselina Kassarova,Rachel Harnisch et Alfred Muff: de quoi faire le voyage.
Comme on le voit, de grandes reprises, et des premières contrastées, qui marquent une nouvelle couleur donnée par Andreas Homoki aux productions, et peut-être des choix de chanteurs et de chefs qui peuvent être discutés après l’ère du Prince A.Pereira. Mais la saison mérite qu’on ne s’arrête pas seulement à l’UBS quand on va Zürich!

 

Le Grand Théâtre de Genève

GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

Fonctionnement tout différent à Genève, selon le système stagione, avec environ une production par mois et quelques concerts lyriques de stars internationales.
Après un Barbier de Séville, une création autour de Rousseau de Philippe Fénelon (JJR, citoyen de Genève)et un Samson et Dalila moyen dont j’ai rendu compte, en décembre 2012, Tobias Richter a programmé une opérette de Arthur Honegger, Les aventures du roi Pausole. Il programme chaque année au moins une rareté du répertoire français et c’est une initiative très bienvenue. La mise en scène est de Robert Sandoz, la direction musicale de Claude Schnitzler, et le rôle du roi Pausole est assuré par Jean-Philippe Lafont. Fin janvier et en février, c’est au tour de La Traviata, de Verdi, dans une mise en scène de David Mc Vicar, en coproduction avec le Welsh National Opera et le Gran Teatro del Liceu,  jouée à peu près chaque jour du 28 janvier au 12 février avec trois distributions en alternance, trois Violetta, Maia Alexandres, Agneta Eichenholtz, et Patricia Ciofi, deux Alfredo, Leonardo Capalbo et Daniel Johansson et deux Giorgio Germont, Tassis Christoyannis et Simone del Savio, le tout dirigé par Baldo Podic.
En mars, le très attendu Rheingold, prologue du Ring des Nibelungen de Richard Wagner dont le chef sera Ingo Metzmacher. La mise en scène est du très vieux routier Dieter Dorn, et la distribution est dominée par le Wotan de Thomas Johannes Mayer, le Fasolt d’Alfred Reiter et la Fricka d’Elisabeth Kulman.

La salle du Grand Théâtre

Fin avril, Madama Butterfly, de Puccini, dirigée par Alexander Joel, un habitué de Düsseldorf, avec la Cio Cio San d’Alexia Voulgaridou, jolie Mimi, mais sera-t-elle une Butterfly? L’artiste est  émouvante en tous cas. Pinkerton sera Arnold Rutkowsky, et Suzuki Isabelle Henriquez. La mise en scène est confiée à Michael Grandage.
En juin, la saison se clôt sur une nouvelle production de Rusalka de Dvorak, venant du Festival de Salzbourg mise en scène de Sergio Morabito et Jossi Wieler et dirigée par Dmitri Jurowski. Loin d’être à la hauteur de la merveilleuse Rusalka de Stephan Herheim (Bruxelles, Graz, Barcelone), cette production se laisse quand même voir, et m’a laissé un assez bon souvenir. Les trois principaux rôles féminins sont de très bon niveau: Jezibaba, c’est Brigitte Remmert, la princesse étrangère Nadia Krasteva et Rusalka Camilla Nylund qui chantait déjà le rôle à Salzbourg,  considérée comme la Rusalka du moment.
Suivant le Grand théâtre depuis des années, j’ai l’impression que Tobias Richter n’a cependant pas encore réussi depuis qu’il est en poste à trouver une vraie couleur à ce théâtre. Des distributions plutôt ordinaires, des mises en scènes très germaniques, et pas toujours réussies (abus de Christof Loy!) des chefs souvent moyens, le feu d’artifice imaginatif qu’avait su proposer Jean-Marie Blanchard n’est pas au rendez-vous. On a plutôt l’impression d’une programmation de théâtre de répertoire à l’allemande, du genre Düsseldorf ou Francfort, qu’une vraie programmation dans le style qu’avaient imposé un Hugues Gall ou un Blanchard. On s’ennuie un peu à Genève en ce moment, et je ne vois jamais le théâtre plein. Gageons que le Rheingold, ou même l’actuel Roi Pausole vont faire mentir cette impression. Il faut bien reconnaître que les productions de Traviata (malgré Mc Vicar) ou de Butterfly n’ont pas musicalement de quoi exciter vraiment et dans l’ensemble les choix de distribution sont souvent discutables ou pâlichons, en tous cas insuffisamment recherchés à mon avis: Genève qui peut se payer une ou deux fois par an des chanteurs très reconnus, voire des stars, comme Diana Damrau, devrait plutôt renifler les futures stars (comme jadis Jonas Kaufmann dans La Damnation de Faust en 2003 ou Anja Harteros dans Meistersinger) et explorer le marché des grands espoirs, or, la direction artistique se limite souvent à la série B .
Lyon, à 150km, a une offre désormais bien supérieure, et en qualité, et en imagination, et en créativité.[wpsr_facebook]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *