METROPOLITAN OPERA NEW YORK 2013-2014: WOZZECK d’ALBAN BERG le 6 MARS 2014 (Dir.mus: James LEVINE; Ms en scène: Mark LAMOS)

L'étang...© The Metropolitan Opera
L’étang…© The Metropolitan Opera

Il en a fallu du temps au Wozzeck de Berg pour s’imposer sur les scènes hors d’Allemagne. Une génération au moins. C’est en 1959 que l’opéra fait son entrée au MET, sous la direction de Karl Böhm et depuis, 65 représentations (en 55 ans..). On se demande toujours comment il est possible qu’un tel chef d’œuvre ait éprouvé tant de difficultés à être accepté du public. Et au soir de ce 6 mars, la première de cette reprise, dans la salle, aux fauteuils d’orchestre, l’abondance de jeunes vêtus casual laisse supposer que les places laissées vides ont été bradées.
Pourtant la distribution est de très haut niveau, elle comprend Thomas Hampson, dont ce devait être une prise de rôle et qui, souffrant, a été remplacé par Matthias Goerne par un heureux hasard en récital la veille à Carnegie Hall, Deborah Voigt (c’est aussi une prise de rôle) Peter Hoare, Simon O’Neill, Clive Bailey et c’est James Levine qui dirige: bien que physiquement très diminué (il ne vient pas saluer sur scène et reste dans la fosse), il impose une vision à la fois vigoureuse et très lyrique, une lecture d’une très grande clarté, avec des moments qui séduisent par le rythme et la couleur comme la scène du Biergarten où Marie danse avec le tambour major, qui secouent, comme les deux impressionnants crescendos “en si” du meurtre de Marie. Chaque intermède est marqué par un sens dramatique qui maintient jusqu’au bout une grande tension dans cette course à l’abime qu’est Wozzeck: au total une très grande, une très belle interprétation. On peut préférer une approche plus raffinée (comme celle d’Abbado) ou plus distanciée (Boulez): Levine est ici à la fois théâtral et lyrique: il met en valeur les échos mahlériens de l’oeuvre et réussit à créer quelquefois une couleur étrange qui correspond à ce qu’on suppose être l’âme tourmentée de Wozzeck, et le sentiment d’un temps suspendu: la fin – avec le “coucou” final de l’enfant- est proprement glaçante. Très beau moment.
La soirée est servie par une troupe de chanteurs d’une très grande qualité, comme presque toujours au MET. Matthias Goerne, qui remplace au pied levé Thomas Hampson et qui a travaillé l’après midi même avec James Levine, réussit à créer un personnage halluciné, ailleurs, avec une voix complètement impersonnelle, désengagée, presque désincarnée, grâce à un timbre un  peu voilé qui sert évidemment le propos. Son expérience du Lied, sa manière de dire le texte, son aptitude à ne pas colorer, en font vraiment un très grand interprète. Il compose un Wozzeck presque déjà hors du monde, qui ne s’anime qu’en présence de Marie. La première scène est murmurée, cette voix presque blanche, presque absente fait violent contraste avec celle du capitaine, très composée, cassante, particulièrement colorée de Peter Hoare, qui, après Desportes (Die Soldaten, Zürich, voir le blog), Sharikov (Coeur de chien, Lyon: voir le blog) montre une capacité de composition particulièrement développée: il joue avec sa voix, très ductile, particulièrement malléable et compose un personnage vraiment remarquable dont la voix travaille sur la variation des couleurs alors que Goerne veille à produire un son monocolore ou sans couleur, et qui par contraste parait terriblement humain, au contraire du capitaine.
Deborah Voigt est une Marie à la voix sonore, qui impose une vision très dramatique du personnage, au détriment d’une certaine sensibilité et d’une certaine humanité. Face à un Wozzeck aussi élaboré que celui de Goerne, elle reste, me semble-t-il, un peu extérieure au propos. On pense à ce que ferait une Angela Denoke ou une Waltraud Meier…La Marie de Deborah Voigt n’est pas à dédaigner, mais ce son droit, assuré, quelquefois un peu fixe, ne convient pas au personnage dont elle ne rend pas la fragilité.
Pas de fragilité pour l’excellent tambour major de Simon O’Neill dont on remarque une fois de plus le beau timbre et la voix très présente: la couleur et la manière de chanter conviennent parfaitement à son personnage. Mais c’est le docteur de Clive Bailey qui, avec Peter Hoare, constitue pour moi peut-être la plus agréable surprise: une voix de basse très ductile, qui a une belle aptitude à colorer, à varier le ton, à interpréter; à la fois bouffe et inquiétant, sonore et insinuant mais jamais cabotin: il obtient un succès très mérité.
Mais les rôles de complément sont aussi bien tenus, signalons notamment les deux compagnons de Richard Bernstein et Mark Schowalter, la Margret de Tamara Mumford et l’Andres de Russell Thomas, tous deux diplômés du programme Lindemann pour jeunes artistes promu par le MET et dont la performance est à noter.

Wozzeck au MET © The Metropolitan Opera
Wozzeck au MET © The Metropolitan Opera

La mise en scène de Mark Lamos (un metteur en scène et acteur qui fut le premier américain à mettre en scène un spectacle dans l’ex-Union Soviétique) remonte à 1997: elle était déjà à l’époque bien dépassée. Une vision plutôt plate, fondée sur une ambiance abstraite, aux grands pans géométriques noirs qui délimitent des espaces qu’on suppose mentaux (à cause des ombres projetées qui installent une certaine inquiétude) avec comme seule tache l’étang rouge orange couleur de sang qu’évoque Wozzeck. Du point de vue de la direction d’acteurs, c’est le minimum requis conventionnel: on est aux antipodes d’un Marthaler, d’un Bieito, d’un Chéreau et déjà, 20 ans avant, en 1977, Ronconi avait fait à la Scala  un Wozzeck qui avait bien dix ans d’avance sur cette production…
Seuls moments relativement réussis, les scènes de groupe dans les tavernes (notamment la scène du bastringue du second acte): simplement parce qu’ils insufflent une vie que ce travail ne possède pas. Je défends pour Wozzeck une vision d’où le réalisme n’est jamais absent, quelle que soit la manière dont il est traduit, hyperréalisme du mess des officiers à la Marthaler, raffinerie dont les tuyaux digèrent le monde et les âmes comme chez Bieito, ou village abstrait et concret, monde de formes qui évoquent et délimitent un espace de vie comme chez Chéreau. Ici, l’abstraction n’ajoute rien à l’action, et elle aurait plutôt tendance à l’estomper.
Mais les problèmes de public que connaît le MET ne plaidaient pas en faveur d’une nouvelle production et Peter Gelb a choisi de soigner essentiellement les aspects musicaux et vocaux: de ce point de vue c’est réussi, et c’est une belle représentation qu’il nous a été donné de voir, à laquelle contribue le plaisir de retrouver James Levine qui tient de manière si ferme son orchestre en main: il est l’un des seuls à le faire sonner ainsi, il est vrai depuis 43 ans et 2456 représentations.
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Denorah Voigt (Marie) Thomas Hampson (Wozzeck)   © Cory Weaver 2014 The Metropolitan Opera.
Denorah Voigt (Marie) Thomas Hampson (Wozzeck) © Cory Weaver 2014 The Metropolitan Opera.

THÉÂTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES 2013-2014: MARISS JANSONS DIRIGE LE SYMPHONIERORCHESTER DES BAYERISCHEN RUNDFUNKS LE 18 JANVIER 2014 (BERG-TCHAÏKOVSKI) avec GIL SHAHAM

Mariss Jansons et l'Orchestre Symphonique de la Radio bavaroise, le 18 janvier 2014 au TCE
Mariss Jansons et l’Orchestre Symphonique de la Radio bavaroise, le 18 janvier 2014 au TCE

Cette semaine parisienne était particulièrement chargée musicalement, entre les quatuors à la Cité de la musique, Lakmé, et ce week end qui accueille d’un côté à Pleyel le LSO et John Eliot Gardiner ainsi que l’Orchestre Simon Bolivar et Gustavo Dudamel , de l’autre le Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks et Mariss Jansons et les Wiener Philharmoniker et Riccardo Chailly au Théâtre des Champs-Élysées. Le public parisien devait donc se diviser ou se multiplier. Que sera-ce lorsque la Philharmonie, la Maison de la Radio et Boulogne Billancourt seront ouverts?
Mon choix s’est porté le 18 janvier sur Mariss Jansons, évidemment, et les bavarois. Le programme était alléchant, et Jansons ne se choisit pas, il s’impose.
Le Théâtre des Champs Élysées n’était pas tout à fait plein: le public des mélomanes à Paris reste relativement réduit et n’est pas élastique: devant trois lieux possibles pour des concerts symphoniques ou de musique de chambre, il se dilue, et ne peut satisfaire pleinement à l’offre.
Une remarque liminaire : entre une salle Pleyel à l’acoustique erratique et un théâtre des Champs-Élysées à l’espace réduit qui comprime et les orchestres, et le son, il n’y a pas de vrai lieu pour que la musique respire vraiment à Paris. On aura beau discuter à l’infini de la pertinence de la construction de la Philharmonie à La Villette (Ah, comme les beaux quartiers conviennent mieux à la musique classique! Comment oser s’aventurer à la frontière du 93 pour aller écouter sa musique favorite et risquer mille morts à la Porte de Pantin et dans la terrible ligne 5?)  ce sont des débats qui cachent évidemment la volonté d’un certain public de préserver ses lieux et les petits privilèges de l’entre-soi. On a entendu les mêmes au moment de la construction de Bastille (le 12ème? ooooh quelle horreur! mais personne n’ira jamais là-bas…) et on a vu le résultat. Laissons la pensée médiocre s’exprimer, c’est une période qui lui est hélas très favorable…
Oui, en enfant très gâté, j’ai l’habitude de salles plus vastes, à l’acoustique plus claire, qui laissent le son respirer, les musiciens jouer avec de l’espace, la musique s’expanser et réverbérer. Entendre cet orchestre au Théâtre des Champs-Élysées m’a surpris et j’ai eu l’impression qu’il ne pouvait rendre ce qu’il rend dans d’autres salles, qu’on n’entendait pas forcément tout ce qu’on devrait entendre, même si évidemment le rendu permettait quand même de comprendre et des options du chef et des qualités intrinsèques de cette phalange exceptionnelle, l’une des plus aguerries et des plus accomplies du monde.
Le concert a commencé par me laisser dans une grande perplexité: le concerto pour violon de Berg est une pièce que j’affectionne, et dans laquelle je suis rentré en écoutant Claudio Abbado, avec Kolja Blacher d’abord et le Mahler Chamber Orchestra dans une petite ville du sud de l’Italie, Potenza, et avec Isabelle Faust et le Philharmonique de Berlin (voir le l’article dans le blog).
J’avais alors essayé de souligner l’impression bouleversante de poésie et de tendresse perçue alors, avec des sons d’une finesse infinie, grêles comme l’infime, qui rendaient palpable la fragilité de la vie. Ce qui frappait, c’était ce “je ne sais quoi” et ce “presque rien” qui rendent justice à cette esthétique de l’ineffable chère à Jankelevitch. On entendait tout, et cette musique, si inspirée du choral de Bach O Ewigkeit, du Donnerwort (BWV 60), renvoyait à une espèce de sens du sacré, qui donnait tout son sens au sous titre de l’oeuvre “À la mémoire d’un ange”.
Le concerto, je l’ai déjà rappelé ailleurs, est dédié à Manon, la jeune fille enlevée à 18 ans à Alma Mahler et Walter Gropius. Et la couleur de l’interprétation qu’en donnent et Shaham et Jansons semble plutôt s’appuyer sur l’expérience de Gropius l’architecte, car elle propose une vision très architecturée, aux formes très nettement dessinées, aux contours nets, aux transitions à la fois souples et glaciales qui font penser à la neue Sachlichkeit, une sorte de nouvelle objectivité dont Gropius et le Bauhaus s’inspirent dans les années antérieures et qui s’appliquerait ici à cette lecture. Une interprétation à distance, d’une pudeur qui confine à la neutralité, et qui aboutit à effacer presque toute approche sensible. Évidemment, on ne demande pas de pathos dans une oeuvre qui en est très éloignée, mais elle n’est pas éloignée en revanche d’une sensibilité religieuse qu’on ne perçoit pas ici. L’orchestre est impeccable, le son d’une netteté et d’une précision au cordeau, presque géométrique: un bloc descriptif plus qu’introspectif qui essaie d’évacuer ce qui pourrait donner de l’émotion.
Pour tout dire, je ne suis pas arrivé à rentrer dans cette logique et la pièce ne m’a rien dit. Je n’ai pas entendu l’orchestre me parler, non plus que le soliste, impeccable, complètement en phase avec la couleur orchestrale, et donc sans aucune marque d’émotion, et plus grave encore, sans vrai discours. Tout cela laisse froid. On ne voit pas d’univers dans le travail, on ne voit rien de ce qui peut être derrière les yeux car tout au contraire est devant les yeux. Ce n’est évidemment pas une question de technique, c’est une question de vision. La perceptible technicité de l’être, sans rien de son imperceptible légèreté.
En bis, logique vu la genèse de l’oeuvre, une pièce de Bach très familière au public, la gavotte en rondeau de la Partita pour violon seul nº 3 de Bach, joli morceau virtuose, mais qui là aussi n’exprimait pas une approche sensible et m’a laissé un peu extérieur.
La deuxième partie a changé complètement la donne. Car la Pathétique de Tchaïkovski fait évidemment partie du génome de Mariss Jansons, qui fut l’assistant de Evgueni Mravinski à Leningrad. Et on sait ce que sont encore aujourd’hui les interprétations de Mravinski, sans doute inégalées.
On reproche souvent à Tchaïkovski un côté un peu sucré, qui trouverait dans la Symphonie n°6 pathétique un terrain particulièrement fertile, avec le danger inhérent à une symphonie “pathétique” à savoir un excès de pathos, qui ferait naturellement pléonasme. Et certains n’hésitent pas à s’engager dans cette voie.
D’emblée, dès les premières mesures, on a tout ce qu’on n’avait pas précédemment à savoir un discours, un discours qui s’installe immédiatement, par le dialogue sensible des bois et des violoncelles, par la respiration des silences, par la manière de susurrer  et surtout par cet imperceptible voile dans l’attaque des violons, reprise par la flûte (somptueuse). Et immédiatement une fluidité, une urgence, un halètement, dans une clarté du langage, dans une approche cristalline sans jamais être appuyée, car peu de pathos dans cette pathétique, ce qui lui donne d’autant plus de force, une force lyrique dans le deuxième mouvement et surtout un troisième mouvement à couper le souffle qui  tient en haleine et crée une incroyable tension . Ce troisième mouvement molto vivace où toute la technicité de la direction et la qualité de l’orchestre se mettent au service d’une énergie du désespoir qui après le premier mouvement très intériorisé et tendu (où est même citée la messe des morts de l’église orthodoxe) le second plus apaisé (et très dansant, ce qui fait toujours penser au J.Strauss de Jansons) marque ce troisième d’une tension et d’une dynamique qui en font une course désespérée et bouleversante, ce qui pourrait justifier le qualificatif “tragique” que son frère voulait donner à l’oeuvre, et auquel lui préféra “pathétique”. Le dernier mouvement est cet adagio lamentoso qui est l’originalité formelle de cette oeuvre. Il pâtit légèrement de la tension imprimée au troisième, même si l’épaisseur sonore de l’orchestre, sa pâte orchestrale sont mises en évidence, avec le dialogue entre les instruments (les cuivres et les bois…, mais aussi les contrebasses dont le son s’efface peu à peu à la fin)  et montrent une machine parfaitement huilée mais aussi l’engagement dans une interprétation  très légèrement distanciée, en crescendo sonore qui fait regretter le manque de volume de la salle et qui malgré tout en multiplie l’effet, mais paradoxalement ne procure pas forcément l’émotion voulue par ce mouvement. Le silence final est perturbé par quelques applaudissements timides d’auditeurs peu attentifs: on n’est pas à Berlin…

Un triomphe , qui provoque le bis traditionnel de Jansons, la Valse triste de Sibelius, où sont soulignées encore une fois les qualités de souplesse et les magnifiques transitions “à la Jansons” que l’on a connues dans ses interprétations de Johann Strauss. Commencée dans le doute, la soirée se termine sans l’adhésion totale à une vision et un chef qui reste pour moi, après qui vous savez, le plus passionnant du jour.
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Concert du 18 janvier Mariss Jansons et le SOBR
Concert du 18 janvier Mariss Jansons et le SOBR


 

 

 

MUNICH PHILHARMONIE IN GASTEIG 2012-2013: CONCERT des MÜNCHNER PHILHARMONIKER le 26 JANVIER 2013 , direction Ingo METZMACHER (BERG-MAHLER-PFITZNER-WAGNER) avec Michael VOLLE

 

La Philharmonie du Gasteig

Quand on aime on ne compte pas et l’addiction wagnérienne a encore vaincu. Si l’on sent quelque part “odore” non di femmina ma di Riccardo, alors on en suit à la trace le parfum enivrant et ce soir le concert d’abonnement des Münchner Philharmoniker se concluait avec les adieux de Wotan et l’incantation du feu de “Die Walküre”, avec Michael Volle dans Wotan. Mais tout le programme tournait autour de compositeurs qui avaient lu et décortiqué Wagner, et  on était donc bien en famille.
De plus, honte au Wanderer, je n’avais jamais fréquenté cette salle de la Philharmonie tant décriée pour son acoustique par les munichois eux-mêmes: on voit bien qu’ils ne connaissent pas la Salle Pleyel! Le complexe du Gasteig est dominé par cette grande salle de bois, qui ressemble à la Philharmonie de Berlin, sans les places derrière l’orchestre et sans les “blocks” latéraux (deux rangs seulement). Ainsi tous les auditeurs étant devant l’orchestre, forcément, quand on est dans les plus hauts blocks et c’était mon cas, on éprouve un fort sentiment d’éloignement. Et le son parvient un tantinet lointain même si étrangement la voix, même murmurée, passe mieux. Mais disons le tout net: nous aurions une telle salle à Paris ou même à Lyon, on s’en contenterait largement…

Le concert proposait un programme dirigé par Ingo Metzmacher qui a fait honneur à sa période de prédilection, le début du XXème siècle et qui a mis en perspective à la fois la référence, Wagner, et les compositeurs qui suivirent et s’en inspirèrent peu ou prou. Il partait des trois pièces pour orchestre de Berg, le futur, s’appuyait sur Mahler, et mettait Pfitzner et Wagner en perspective, ce qui se justifie pleinement. L’auditeur désormais rompu à l’audition du Wagner futuriste de Kent Nagano, presque “bergien” par moments, ne pouvait que se retrouver dans un tel programme, presque composé ad hoc pour la seule journée sans Ring de la même semaine.
Le Berg de Metzmacher fait comme il se doit une large place à l’orchestre, à la pâte orchestrale d’une phalange de grande qualité, qui fut de Sergiu Celibidache, ne l’oublions pas, et qui est âgée de 120 ans. Sous son autre nom (Orchestre Kaim) l’orchestre a créé les Symphonies 4 et 8 et le chant de la terre, et Hans Pfitzner fut l’un de ses directeurs. Appelé Münchner Philharmoniker depuis 1928 on compte dans ses directeurs musicaux Felix Weingartner, Hans Rosbaud, Rudolf Kempe, Sergiu Celibidache comme précisé plus haut et plus récemment James Levine, Christian Thielemann, et actuellement Lorin Maazel . En 2015, on vient de l’apprendre, Valery Gergiev en assurera la direction: est-ce une chance? On peut en douter.
Ce soir, cet orchestre de grande tradition a montré ses qualités, des cuivres impeccables, des bois précis, des cordes très charnues, c’est vraiment un des grands orchestres allemands, même si actuellement, l’autre orchestre munichois, l’orchestre de la Radio Bavaroise avec Mariss Jansons à sa tête est un rival difficile à égaler.
Ingo Metzmacher cherche à mettre en valeur ses facettes diverses: dans Berg on l’a dit, c’est paradoxalement la pâte orchestrale, les tutti qui sont mis en exergue de manière plus sensible que les aspects plus discrets et plus miniaturisés de tel ou tel son ou tel pupitre. Habitué aux lectures claires et cristallines d’Abbado ou Boulez, on reste quelquefois perplexe dans une approche plus globale, moins fouillée peut-être, qui rapproche ce Berg d’un certain Mahler, notamment dans ses phrases les plus ironiques. A ce Berg mahlérien succède un Mahler (Kindertotenlieder) beaucoup plus fin, beaucoup plus analytique, et au total plus proche de Berg (!) et ne distillant pas toujours forcément l’émotion qu’on attend. Michael Volle en donne une interprétation très intime, très chaleureuse, très ténue, avec un sens du phrasé exceptionnel et une diction chavirante: les deux derniers poèmes”oft denk’ich, sie sind nur ausgegangen” et surtout “in diesem Wetter in diesem Braus” sont les plus sentis, à l’orchestre comme chez le soliste et vont droit au cœur . Là oui, naît l’émotion, il se passe quelque chose.
C’est dans les trois préludes des 3 actes du Palestrina de Pfitzner, si influencé par Wagner, que Metzmacher sans doute met le plus d’émotion, et crée une indiscutable ambiance. Le prélude du deuxième acte est volontairement extérieur et superficiel, mais ceux des premier et troisième sont d’une retenue, d’une concentration, d’un raffinement qui frappe et qui fait dire, “mais comment se fait-il qu’on n’entende jamais Pfitzner ailleurs qu’en Allemagne (il était aux temps de Sawallisch régulièrement affiché au Nationaltheater) et encore!”. Et Metzmacher aime ce répertoire, qu’il sait mettre en valeur, avec finesse, avec clarté, avec sensibilité.

C’est Ingo Metzmacher qui va diriger le Ring genevois (mise en scène Dieter Dorn) dont le Rheingold est présenté en mars prochain (avec Thomas Johannes Mayer en Wotan), on peut penser avec quel intérêt j’ai entendu cet extrait fameux de la Walkyrie (les adieux de Wotan). Ayant en tête Nagano de l’avant veille, et sa lenteur, et son approche si particulière, j’ai de suite été surpris par le tempo très rapide, et une approche que j’ai trouvée au départ sans vrai relief, même si techniquement très au point. Certes, les conditions ne sont pas celles de la scène et même Michael Volle en souffre:  ce moment, devenu pièce de concert, exige une approche peut-être plus “spectaculaire”. Mais justement ce n’est pas cet aspect qui frappe, finalement assez secondaire, mais  une sorte de linéarité d’une grande propreté, mais sans accroche ni véritable  invention, malgré l’orchestre splendide et la grande cohérence du propos. Michael Volle garde ses qualités de timbre, du velours, de diction, et aussi de couleur (il chante cela souvent comme du Lied) mais avec quelques menues difficultés à l’aigu que Konieczny n’avait pas deux jours plus tôt, sa prestation reste somptueuse. Une petite déception due sans doute à cette intrusion presque étrangère à l’univers dans lequel je baigne depuis 4 jours, mais qui n’entache pas l’impression d’ensemble très positive.
Ce fut donc un beau moment, un concert dans l’ensemble réussi: rien que les Pfitzner m’ont fait constater combien le répertoire pouvait encore s’enrichir et qu’il y a encore bien de la musique à écouter! Et puis, Munich même dans un froid glacial (-9°) est une bien belle ville…

BERLIN PHILHARMONIE 2011-2012: Claudio ABBADO dirige les BERLINER PHILHARMONIKER (SCHUMANN-BERG) avec Anne-Sofie VON OTTER et Isabelle FAUST le 11 mai 2012

Les dieux de l’Olympe (ou du Walhalla) volent, tuent, violent, séduisent, sont des menteurs, sont souvent de mauvaise foi, mais en même temps, quand ils donnent, c’est une pluie d’or qui tombe sur le monde (ou Danaé), c’est un Océan de beauté qu’ils dispensent. pas parfaits mais toujours grands, ce sont les Dieux.
Il en va (presque) de même pour Claudio Abbado, affectueusement appelé “Il Divino” par ses fans les plus proches ou Abbadio par les plus ironiques. Un jour il nous plonge dans la déception et la colère, et l’autre il nous enlève, il nous “rapte”, il nous emporte dans un tourbillon , dans un transport qui bouleverse une salle entière parce qu’il verse dans nos oreilles une pluie de bonheur. Et ainsi en fut-il hier soir à la Philharmonie, dans un programme étrange dont il a désormais le secret, un programme Schumann-Berg où ni Schumann ni Berg ne sonnaient comme d’habitude, où il s’est permis une de ses entourloupes favorites qui nous fait ouvrir un abîme sous nos pieds, l’abîme des possibles musicaux.

Claudio Abbado est un vieux chef désormais, mais s’il en a la liberté, il n’en a pas le style, il est tout sauf un patriarche. Sa carrière extraordinaire lui a fait tout diriger ou presque, les postes occupés ont été parmi les plus prestigieux (Scala, Vienne, Berlin sans compter Londres); et à 79 ans, il dirige Schumann comme un jeune homme le ferait, redécouvrant une partition retravaillée et relue. Abbado ne vit jamais sur ses acquis, il vit toujours sur la certitude qu’il y a encore à acquérir, qu’il y encore  à apprendre, que la musique est un tonneau des Danaïdes.
Dès l’ouverture de Genoveva, on se dit qu’on n’a jamais entendu ce Schumann là, fluide, dégraissé, “moderne”, avec un orchestre qui adhère, qui répond, qui s’écoute, qui fait de la musique. Pas de violents contrastes, mais une distribution du son, une diffraction qui nous prépare à Berg, les deux morceaux suivants d’une assez longue première partie (1h). Il en résulte une certaine légèreté, oserais-je dire rossinienne: le chef rossinien par excellence qu’est Abbado (il y est encore incomparable, n’en déplaise aux critiques d’aujourd’hui qui souvent ne l’ont pas entendu à la scène). Les sons s’organisent en crescendos, se diffusent avec une clarté inouïe, pas un instrument n’échappe à nos oreilles, avec des cordes à se pâmer (les altos! les violons!). Quel moment…et ce n’est que le moment propédeutique, car dès que les Altenberg Lieder sont attaqués, l’introduction au premier Lied (“Schneesturm”) affiche cette diffraction cristalline, cette bombe à fragmentation sonore qui nous montre un orchestre fait de micros sons qui se diffusent à l’infini. Ces Lieder brefs, presque des Haikus musicaux (des textes de “Ansichtskarten”/de cartes postales), renferment toute la palette des sons (le troisième “An den Grenzen des All” commence et finit par la série dodécaphonique). La délicatesse, la précision, l’extraordinaire concentration de l’orchestre (aux dires d’amis, supérieure à la veille) et la voix “instrumentalisée” de Anne-Sofie von Otter, toujours merveilleuse de netteté et de précision dans ce type de répertoire,  crée l’émotion par la retenue, par le formatage millimétré du son, avec une voix qui n’est pas grande, mais qui sait négocier tous les passages, qui sait se faire entendre, et l’attention d’Abbado à ne jamais la couvrir, à accompagner la voix (ah…le chef d’opéra qu’il est…) est palpable. Le dernier Lied “Hier ist Friede” est purement merveilleux de retenue, le moindre silence y est éloquent. Et il prépare si bien au concerto qui suit.
On commence d’ailleurs à comprendre les secrets de ce programme: Abbado cherche à relier les œuvres qui s’appuient ouvertement sur la musique de Bach. Il prépare un programme Bach pour décembre, et bonne partie des œuvres jouées ce soir se réfèrent par citations (Schumann) ou constructions (Berg) à la musique du Kantor de Leipzig.
C’est le cas de ce Concerto à la mémoire d’un ange, dédié à Manon, fille d’Alma Mahler et de Walter Gropius, qui est aussi un hommage à Gropius, l’architecte du hiératisme et de la géométrie. Références à un choral de Bach, à la Passion selon St Mathieu que Berg voulait avoir sous les yeux, aux Cantates, le Concerto à la mémoire d’un ange, en deux mouvements, est une construction référentielle! Isabelle Faust est incomparable de légèreté, de discrétion, de maîtrise du volume sonore, son approche lyrique est à elle seule un discours, l’approche du chef épouse avec une telle osmose celle de  la soliste, qu’on a l’impression qu’elle est le prolongement de l’orchestre: il n’y a pas de dialogue soliste/orchestre, il y a unité “ténébreuse et profonde”, les sons ne se répondent pas, ils se prolongent les uns les autres, ils composent comme un chœur inouï. Oui, ce Berg est phénoménal et le deuxième mouvement, dont les dernières mesures sont à pleurer d’émotion, est un chef d’œuvre à lui seul. Quel moment!
En deuxième partie, la sombre et mélancolique Symphonie n°2 de Schumann. Mais alors qu’à Lucerne, le son projeté rendait la couleur particulièrement grise de l’œuvre de Schumann (appelée par Sinopoli, rappelons le “psychose compositive”), ici, l’orchestre diffuse une autre musique, une autre lumière. Il y a de l’énergie (scherzo), il y a de la couleur (final), il y a aussi de la mélancolie (extraordinaire adagio), mais il me semble y voir non de la dépression, mais un certain optimisme. On est plus dans l’ouverture au futur que dans l’autocompassion. Un son ouvert, un romantisme dépassé, qui court vers l’impressionnisme. On est au seuil de Baudelaire et de Rimbaud, du Rimbaud de “Aube”. Un son dégraissé, sans pathos aucun, un orchestre déconcertant à force d’être précis dans ses réponses à la moindre inflexion du maître (j’étais au block H, derrière l’orchestre, les yeux fixés sur les gestes et le visage extatique du Claudio Abbado). Il est incroyable de constater que si encore une moitié de l’orchestre connaît Abbado pour l’avoir fréquenté au quotidien, une autre moitié est jeune, totalement formée au quotidien à l’approche de Rattle, qui est tout le contraire de l’approche libertaire de Claudio. Claudio laisse les musiciens jouer, avec toute leur place, dans une liberté incroyable, et ne donne pas vraiment de directives…et cet orchestre qui le connaît finalement assez mal le suit comme fasciné, comme entraîné, comme captivé… Et les solistes de l’orchestre(Pahud! phénoménal!) s’en donnent à chœur joie.
S’étonnera-on de l’explosion finale du public, de ses rappels infinis, de cette immédiate standing ovation? Eh! oui, ce fut un don extraordinaire que nous a fait Claudio ce soir. Une révélation. Comment ne pas l’aimer?

DISQUES-CD-DVD: WOZZECK, d’Alban BERG, direction CARLOS KLEIBER (Live 1970)

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C’est à partir des années 70 que Carlos Kleiber est devenu l’un des chefs de référence du Gotha musical mondial. Son apparition à Bayreuth en 1975 et 1976 (pour Tristan und Isolde), ses apparitions régulières à la Scala (Otello, La Bohème, Tristan und Isolde), à Munich (Wozzeck, Rosenkavalier, Die Fledermaus, La Bohème, La Traviata), à Vienne et enfin à New York ont fini d’en faire un Dieu vivant de la direction d’orchestre. On considérait qu’il était l’homme d’un répertoire réduit aux titres cités plus haut et à quelques pièces symphoniques (Beethoven 7ème symphonie et Brahms 4ème) qui déchainaient des délires dans les salles. Il était bien connu pour  ses angoisses, son refus de l’à peu près, ses exigences en matière de répétitions, et il était adoré des musiciens. Je l’ai croisé quelquefois, et c’était un être plein d’humour et de gentillesse. Je lui écrivis (il adorait recevoir des lettres manuscrites en français, il avait horreur du téléphone et des fax, et des lettres écrites à la machine) et il me répondit dans les trois jours un petit mot d’une grande délicatesse. Bref c’était une de ces personnalités exceptionnelles qui marquent une génération, mais il était modeste et discret. Karajan disait de lui qu’il dirigeait quand le frigidaire était vide, et c’était une plaisanterie assez commune qui avait fait le tour des mélomanes. Mais qui a entendu son Otello ou sa Bohème, ou sa Chauve Souris (il apparut un soir de Carnaval à Munich déguisé en Boris Becker) est marqué à vie. Lors d’un Rosenkavalier à Munich (avec Gwyneth Jones en Maréchale, entre deux Brünnhilde à Bayreuth), un ami me dit à la sortie du théâtre “c’est incroyable, les larmes me coulaient sans savoir pourquoi, comme ça”. Eh oui, avec Kleiber, les larmes coulaient souvent “comme ça”.
C’est dire avec quelle curiosité affamée je me suis précipité pour écouter son Wozzeck de Munich en 1970, dont un ami inspiré m’a fait cadeau. Car Kleiber a dirigé dans les années 60 beaucoup de choses  qu’on a quelquefois des difficultés à repérer et je ne saurais trop conseiller de se référer au site japonais Erich & Carlos Kleiber page, qui existe depuis 1995, pour connaître la liste des concerts, la discographie et le répertoire complet de Carlos Kleiber.
Ce Wozzeck, qui est un “Live” issu des représentations de Munich en 1970, avec la troupe d’alors et en vedette Theo Adam et Wendy Fine. Theo Adam était alors au faîte de la gloire, c’était le Wotan de tous les grands théâtres et du festival de Bayreuth, et c’est un Wozzeck impressionnant de noblesse, de pureté vocale, avec ce modèle de diction, si important dans Wozzeck où c’est le dialogue qui porte l’action; comme dans toute pièce de théâtre, il doit être entendu et compris: et ici, au delà d’une voix qui se rit du volume de l’orchestre, chaque mot est sculpté, et c’est fascinant. La sud africaine Wendy Fine lui donne la réplique dans Marie, cette chanteuse très solide fut une des chanteuses les plus demandées dans les années 1970, elle chanta aussi Marie dans la production de Wozzeck à la Scala (Mise en scène: Luca Ronconi que l’on vit à Paris en 1979, mais avec Janis Martin) dirigée par Claudio Abbado. Sa Marie est très engagée: Kleiber, qui était difficile en matière de voix, la reprit pour un Wozzeck en 1972 à Cologne où , je crois,  elle était en troupe. Fritz Uhl, membre de la troupe de l’Opéra de Munich et même Kammersänger, est le Tambour-major, voix éclatante qui fut le Tristan de Solti quelques années auparavant. Le reste de la distribution est très honorable et témoigne de la solidité de la troupe de Munich à cette époque. Mais c’est évidemment ici Carlos Kleiber qui intéresse. J’ai voulu écouter en parallèle le magnifique Wozzeck (live) que Claudio Abbado fit à Salzbourg avec la jeune Angela Denoke et Alfred Dohmen pour comparer les approches: les deux sont évidemment passionnants, et Abbado reste le plus grand des chefs pour Wozzeck en ces vingt cinq dernières années: lyrisme, clarté de l’approche, mise en évidence des architectures, sens dramatique. Mais en entendant Kleiber, on est très surpris de l’engagement dramatique exceptionnel et unique de l’orchestre, des équilibres très neufs, tantôt une approche de musique de chambre, tantôt une explosion qui tonne comme un raz de marée sonore, faisant sonner les instruments les plus graves, les percussions, qui rythment les moments les plus tendus, comme une exploration de l’univers mental de Wozzeck: en l’écoutant c’est immédiatement ce qui m’est venu à l’esprit, la traduction musicale d’un unvers mental bousculé, tantôt écrasé, tantôt desaxé, tantôt emporté, une métaphore du personnage. Incroyable. Les intermèdes chez Abbado sont fluides et se fondent avec les scènes,  en un continuum d’ailleurs souhaité par Berg; chez Kleiber, ils deviennent des moments musicaux d’une intensité inouïe et créent une tension démultipliée dans une oeuvre qui n’en manque pas. Le dernier intermède sonne comme une marche au supplice: en comparant avec Abbado, il semble que ce ne soit pas la même musique, tant les partis pris sont différents. Il m’est alors revenu quel chef de théâtre il était, comment éclatait littéralement en salle la première mesure de l’Otello de Verdi, comment sa Bohème devenait d’une urgence insoutenable au troisième et au quatrième acte…eh oui, Kleiber crée dans Wozzeck un saisissement à donner le frisson. Depuis quelques jours je réécoute l’oeuvre en la redécouvrant et en découvrant, en entrant dans l’âme de Wozzeck, le personnage,  la victime, l’humain,.

C’est son père Erich Kleiber qui créa l’oeuvre à Berlin, on sait les relations contrastées du père et du fils, et la paralysie de Carlos devant le monument qu’était Erich: la revanche est prise, c’est un prodigieux Wozzeck (auquel il manque quelques notes du début) qui nous est ici proposé, une sorte d’ailleurs de la musique qui fera aimer Berg pour toujours.

TEATRO ALLA SCALA 2009-2010: LULU d’Alban Berg, (Peter STEIN, Daniele GATTI, Laura AIKIN) le 23 Avril 2010

Voici la troisième production de Lulu présentée à
la Scala. La première, en 1963, en deux actes et pour quatre représentations, direction Nino Sanzogno, avec  Helga Pilarczyk (Lulu), Tony Blankenheim (Schön) et Gisela Litz (Geschwitz) dans une production de Günther Rennert venue de Hambourg. La seconde, est la fameuse création de la version en trois actes révisée par Friedrich Cerha, venue de l’Opéra de Paris dans le cadre du Festival Berg organisé par Claudio Abbado en 1979 pour deux représentations , mise en scène Patrice Chéreau, direction Pierre Boulez, avec Slavka Taskova Paoletti (Lulu), Franz Mazura (Schön) et Yvonne Minton (Geschwitz) ; inexplicablement, Teresa Stratas (l’inoubliable Lulu de Paris)ne participa pas à ces représentations. En réalité, la production d’aujourd’hui, de Peter Stein, coproduite avec l’Opéra National de Lyon (qui l’a présentée l’an dernier avec grand succès) est la première production « maison » du chef d’œuvre de Berg proposée pour 6 représentations.
On connaît la réticence du public milanais pour ce type de répertoire, et on se souvient de l’accueil très violent ménagé à Wozzeck dans les années 50 et on a vu souvent des spectateurs (du parterre) s’en aller dès le premier acte (pour Debussy, Britten, Janacek). Cette fois-ci, pas de départs anticipés, mais un public qui semble pris par l’œuvre et reste jusqu’au bout des 3h55 annoncés.
La production de Peter Stein, créée à Lyon en 2009, a été conçue pour ce théâtre (1300 places), notablement plus petit que
la Scala (2000 places), et cela se ressent. On avait à Lyon un extraordinaire sentiment de proximité du drame, ici, au contraire, on a dû construire un second cadre de scène de type « théâtre dans le théâtre », et cela éloigne le spectateur et change le rapport. De même les voix portent différemment à
la Scala qu’à Lyon et cela dessert Laura Aikin, qui plus est affligée d’une bronchite (une annonce été faite) et Franz Mazura, dont la voix fatiguée (il a 86 ans) ne passe pas toujours bien la rampe, en dépit de l’extraordinaire présence scénique. Il reste que l’on peut une fois de plus apprécier la travail de Peter Stein, qui propose une mise en scène assez classique, très simple et rigoureuse, très didactique pour un public qui a priori n’a pas de connaissance de l’œuvre. C’est très bien fait, et tout le travail porte sur les relations des personnages entre eux, sur l’art de l’acteur, sur tout l’aspect théâtral. En ce sens, le parti pris est opposé à celui d’Olivier Py à Genève, qui avait fortement contextualisé toute l’intrigue, dans un décor monumental et onirique qui suivait l’intrigue par ses mouvements. Ici le décor est assez réaliste, rappelle quelquefois Chéreau (2ème acte), et Stein travaille sur l’idée de boite, qui enferme les personnages (l’ouverture du 3ème acte, avec son salon parisien rouge-sang est forte ). Le travail est précis (en fait la reprise a été laissée à ses assistants), et  lisible. Certes, Peter Stein n’a plus l’inventivité qu’on lui connaissait (voir l’Or du Rhin à Paris, ou Mazeppa à Lyon), mais l’ensemble est très solide.
La distribution est très homogène, avec de très bons ténors (notamment Robert Wörle dans les rôles du Medizinalrat, du Prince, du Professeur, du Majordome, et du Marquis), le peintre de Roman Sadnik et l’Alwa très honorable de Thomas Piffka.
La Geschwitz de Natascha Petrinsky est vraiment magnifiquement chantée et interprétée : le troisième acte et les dernières mesures touchent au sublime. L’athlète de Rudolf Rosen (qui  chante aussi le dompteur) est une composition scéniquement très engagée et vocalement satisfaisante, quant au Schigolch de Franz Mazura, il est évidemment magnifiquement interprété, Mazura s’empare de ce rôle de personnage clochardisé avec une gourmandise extrême, si la voix accuse de la fatigue dans la grand vaisseau de
la Scala, la diction reste exemplaire : c’est pour moi le seul (avec Wörle) qui ait le style exact voulu par Berg. Quand on pense à la composition de Mazura pour Schön, avec Chéreau( il y a 31 ans !)toujours trouble et ambigu, toujours distancié, même dans les scènes où il est vaincu par Lulu, on ne peut qu’être déçu par le Schön assez plat et vocalement sans grand intérêt de Stephen West. Reste Laura Aikin : on la sent à la peine, on entend ses efforts pour dominer la bronchite, mais la voix porte mal, et la prestation musicale est à la limite au troisième acte. C’est dommage car l’engagement de l’actrice est total et la prestation théâtrale magnifiquement dominée. Le rôle, écrasant, demande vraiment une forme vocale sans failles : son « O Freiheit ! Herr Gott im Himmel » reste très en deçà de ce qu’on doit attendre et même si on remarque la technique et les efforts, ce n’était vraiment pas sa soirée. Dommage.
Et l’orchestre ? C’est incontestablement la très agréable surprise de la soirée. L’orchestre de
la Scala reste le meilleur orchestre italien, et depuis l’arrivée de Lissner, il a su affronter des répertoires variés. Il est dans Lulu vraiment excellent, emmené par la baguette experte de Daniele Gatti. Décidément, le chef italien est toujours plus à l’aise dans ce type de répertoire que dans le répertoire traditionnel italien (on se souvient de son Don Carlo très contesté l’an dernier). J’avais eu une conversation avec lui il y a bien longtemps.  lorsqu’il était directeur musical à Bologne, où il venait de (très bien) diriger le Moïse de Rossini . Il m’avait alors confié sa passion pour Berg, et son désir ardent de le diriger. Son Wozzeck l’an dernier et sa Lulu cette année sont exemplaires, il fait entendre l’œuvre avec une clarté cristalline, notamment tous les « arrière plans » musicaux, là où Berg joue avec la modernité et avec des musiques non « classiques ». Tous les niveaux de cette musique sont clairement affirmés, et l’orchestre répond avec une grande précision et un grand engagement. Un travail magnifique de « concertazione » notamment dans les intermèdes prend un relief tout à fait inattendu, d’une profondeur et d’une intelligence qui emportent la conviction et l’enthousiasme.
Au total, même avec les faiblesses signalées çà et là, ce fut une soirée très forte, passionnante, qui montre que
la Scala réussit mieux en ce moment avec Berg ou Janacek, ou même Wagner, qu’avec son répertoire traditionnel. C’est bien pour son côté « international » et son ouverture, c’est moins bien pour son identité, mais on a signalé par ailleurs la crise du répertoire italien traditionnel.

GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE 2009-2010: LULU d’Alban Berg(Ms en scène: Olivier PY, avec Patricia PETIBON) le 10 février 2010

 LA PIETA’ DU SEXE

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On attendait beaucoup de cette LULU d’Alban Berg, au Gra nd théâtre de Genève, une prise de rôle de Patricia Petibon, une nouvelle mise en scène d’Olivier Py, annoncée comme si sulfureuse qu’elle en est déconseillée aux moins de 16 ans, dans le théâtre où l’on se souvient encore fortement de son extraordinaire Damnation de Faust (notamment quand Jonas Kaufmann chantait Faust!), de son Tannhäuser, et des autres productions (Contes d’Hoffmann, Freischütz) qui sans atteindre les sommets de la Damnation, étaient de bons spectacles.
Quand les fauteuils d’orchestre se vident par dizaines (un peu au premier entracte,  beaucoup au second), c’est un indice que quelque chose ne fonctionne pas, et l’on ne peut accuser les genevois d’être allergiques à la musique de Berg (pas en 2010!). D’autant que musicalement, la production fonctionne, même si celle de Lyon (pour rester dans les dernières années et dans la région) avait plus de force (le magnifique Schigolch de Franz Mazura à 85 ans , la Lulu de Laura Aikin…la direction passionnante de Kazushi Ono). La direction de Marc Albrecht est précise, détaillée, claire, l’orchestre de la Suisse Romande domine la partition et le résultat est vraiment remarquable, on repère parfaitement les formes, les répétitions et les motifs, en soulignant même un certain lyrisme qui rend justice à ce grand monument du XXème siècle. Il est assez rare qu’un chef soit si convaincant à Genève.

La distribution vocale est très correcte, très homogène sans être exceptionnelle. Elle est dominée par Patricia Petibon, qui s’engage dans ce rôle terrible d’une manière telle qu’on ne peut que la saluer et rester admiratif de la performance. Scéniquement Patricia Petibon est impressionnante et va très loin dans l’incarnation.

patriciapetibona3.1266022616.jpgGTG/Gregory Batardon

Vocalement, l’artiste se confronte avec tous les honneurs au rôle, elle domine la partition et contrôle de bout en bout le volume, l’émission au service d’une interprétation expressive et convaincante, avec des subtilités étonnantes, des notes filées parfaitement contrôlées, on sent la technique de l’ex-baroqueuse. Il est seulement dommage que son allemand n’est pas dominé,  notamment dans les dialogues où son accent français gêne, dans les parties chantées en revanche, on entend le texte clairement, et c’est moins gênant. Il reste qu’on tient là sans doute une des grandes Lulu d’aujourd’hui et des prochaines années (on aimerait d’ailleurs que Natalie Dessay se lance aussi), même si pour l’instant la performance n’atteint pas celle, légendaire, de Teresa Stratas, inoubliable dans le couple qu’elle formait avec Franz Mazura dans la production Chéreau-Boulez de 1979, ni même Christine Schäfer, phénoménale Lulu de la production de Salzbourg de Michael Gielen et Peter Mussbach en 1995.
petibon-juon-hunka.1266022631.jpgGTG/Gregory Batardon

Notons également très bonne comtesse Geschwitz de Julia Juon, même si j’ai encore dans la tête le “Lulu! Mein Engel! Lass dich noch einmal sehn! Ich bin dir nah! Bleibe dir nah! In Ewigkeit! ” final d’Yvonne Minton dans la production Chéreau-Boulez qui me bouleverse encore aujourd’hui au disque. La voix est bien posée, forte, très présente, et le personnage conçu par Py est vraiment très marquant, à la fois laid et séduisant, qui attire et repousse à la fois. La distribution masculine est très homogène et très honorable: j’ai aimé le Alwa de Gerhard Siegel, spécialiste désormais des grands rôles de ténor de composition, voix claire, flûtée comme il convient au rôle, et interprétation rigoureuse et juste, tout comme le Schigolch de Hartmut Welker, bien plus marquant et présent (il est le clown de la ménagerie de Py) que les dernières fois où je l’ai entendu, mais bien moins convaincant que celui de Franz Mazura à Lyon, tout à fait incroyable. A noter également le dompteur/athlète de Sten Byriel, dans son costume de gorille.  J’ai moins aimé le Schön/Jack de Pavlo Hunka à l’interprétation un peu trop neutre pour mon goût (je n’arrive pas à effacer Franz Mazura -encore lui- de mon souvenir: c’est incroyable comme certains artistes habitent la mémoire, Franz Mazura est de ceux-là), même si la composition (ah! ces lunettes!) est assez convaincante, il faut dire que la trouvaille de Jack en Père Noël est très forte! Mais d’une ecrtaine manière, Py noie Schön dans l’anonymat de la ménagerie, alors que je pense que la volonté de Berg de faire chanter Schön et Jack par le même chanteur devrait être valorisée dans la mise en scène.

Au total une Lulu musicalement de très bon niveau, les spectateurs qui n’ont jamais entendu l’opéra de Berg peuvent se réjouir d’en avoir entendu une version de haute tenue.

ensemble.1266022441.jpgGTG/Gregory Batardon

Et la mise en scène?
Beaucoup de spectateurs sont venus, attirés par le soufre de l’interdiction aux moins de 16 ans: “Pour traduire les intentions du compositeur et de son inspirateur Frank Wedekind, Olivier Py et son équipe ont fait appel à des images qui, quoi que de plus en plus usuelles et répandues, restent rares et inhabituelles sur une scène lyrique et pourraient choquer un spectateur non averti.
Respectueux du regard de chacun ainsi que de ses opinions, il nous paraît important de vous en informer avant votre entrée en salle ou avant l’achat de votre billet. Nous déconseillons le spectacle aux personnes de moins de 16 ans.”
dit le site du Grand Théâtre.
Much ado about  nothing, beaucoup de bruit pour rien, sinon l’effet de curiosité ( de voyeurisme, comme ces spectateurs représentés par Py?) qui fait que le théâtre ne désemplit pas, mais les déçus du sexe fuient dès le premier acte. Ce n’était ni utile, ni justifié; le film pornographique proposé au troisième acte (une sodomie?) est de toute manière brouillé et neigeux, et vraiment pas de la nourriture pour voyeurs invétérés, et après tout celui qui va voir Lulu sait (du moins j’espère) qu’il ne verra pas une vie de saint(e), malgré le final christique proposé par Py dans sa mise en scène.
L’idée centrale de Py est de développer l’idée du prologue, et de montrer le monde comme une vaste ménagerie, évoluant dans un univers à la Otto Dix, et  dansant sur la mort (les néons aux couleurs criardes proposent un certain nombre d’affirmations “Meine Seele”(Mon âme), “Mein Herz ist schwer”(mon coeur est lourd), “I hate Sex” (je hais le sexe) et le décor de façades qui défile sans cesse dans les deux premiers actes propose des magasins comme “Boucherie” ou “Pompes funèbres” qui sont autant de liens avec l’intrigue. Tous les personnages sont partie d’un cirque mortifère (le clown, le gorille etc…) leurs costumes sont clinquants ou rutilants comme dans notre bonne vieille “Piste aux étoiles”, (celui de Geschwitz et de Lulu au départ est semblable – un rouge vif satiné- et Lulu traverse cela comme indifférente, tantôt nue comme un ver, tantôt (début du troisième acte) vêtue en Marilyn, autre icône mortifère. Peu à peu la scène se remplit côté jardin de tous les objets accumulés depuis le début et finit par être une sorte de décharge : le monde n’est qu’immondice. Tandis qu’en arrière plan se déroulent tantôt des danses (lascives) sous le regard d’un public toujours voyeur, ou Lulu apparaît en star, ou le film pornographique, qui illustre la déchéance finale de Lulu, et qu’en arrière plan une roue multicolore nous avertit de l’inexorable progression du fatum. Beaucoup d’objets, beaucoup de mouvements beaucoup de personnages, dans un univers immédiatement identifiable qui devient vite répétitif, et même vaguement ennuyeux, ce qui explique sans doute que la salle, au moins à l’orchestre, se vide. Py voit Lulu comme une apocalypse dans un monde qui danse sur des braises (la première scène du troisième acte sur la spéculation, fait frémir quand on la rapporte à notre actualité). Les rapports des personnages entre eux en sont même savonnés, ils glissent comme le décor en mouvement permanent, au profit de flashes, comme dans un univers de bande dessinée, et ne sont que bornes d’un parcours inexorable vers la mort (et transfiguration) magnifiquement voulue comme final.

La fin est en effet stupéfiante et rattrape à mon avis bien des approximations, des répétitions, des vides (dans cet univers du trop plein!) du spectacle. Lulu meurt par un Jack déguisé en Père Noël, arme fatale du dérisoire, ou ange exterminateur qui va transfigurer Lulu, nue, en christ baroque au milieu de ses disciples -tous les personnages de l’oeuvre- baignant dans une lumière rouge sang: la pietà du sexe. Vision frappante qui fait de Lulu le christ de la déliquescence, qui donne sa vie non pour notre vie, mais pour la pourriture de notre monde animal. Il n’y a donc que de l’animal à voir dans l’humain, et Lulu ne serait donc que la seule figure humaine, la seule de la ménagerie qui ressemblerait à chacun de nous.

Le propos est sans aucun doute séduisant, et Py reste un metteur en scène qui a du génie. On retrouve sans ce spectacle la mobilité d’un monde incapable de se fixer, la multiplicité des points de vue, l’absence totale de concession, mais aussi quelques facilités et des trouvailles multiples qui n’arrivent pas toujours à produire un autre sens que celui découvert initialement, en ce sens le spectacle fait quelquefois du sur place, et c’est dommage. Certes, la vision est plus approfondie que chez Peter Stein à Lyon et bientôt à Milan, mais pas forcément plus productive. Chéreau en faisait un objet, une sorte de pâte adaptable au regard des hommes,dans un univers cinématographique d’une stupéfiante beauté, qui construisait immédiatement un mythe, Mussbach construisait lui-aussi une sorte de mythe cinématographique. Py donne du sens à tout, ou plutôt jette, éblouit, étouffe sous les signes, et arrive quelquefois à lasser.Le trop étant quelquefois l’ennemi du bien, ce n’est pas son meilleur spectacle,  mais cela reste un travail passionnant.

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ABBADO ET LULU, l’extrait de l’interview

C’est dans le mensuel italien CLASSIC VOICE que Claudio Abbado a confié travailler sur LULU. En voici le texte italien, puis la traduction:

 

 

Ma ora ci sono opere che m’interessano di più”.
A questo punto, ci piacerebbe saperlo.
“Sto lavorando sulla Lulu di Berg”.
Una scelta logica nel suo percorso nel teatro del Novecento.
Immagino che abbia un’idea precisa col come-e-dove farla. 
“Posso dire che vorrei coinvolgere nel progetto Michael Haneke [67enne regista austriaco di La Pianista, Caché-Niente da nascondere e Nastro bianco, Palma d’oro a Cannes e European Film Awards 2009; nel 2006 ha debuttato con Don Giovanni all’Opera di Parigi, ndr.].
Nastro bianco è un’opera straordinaria, d’una violenza fredda e terribile che mi ha impressionato”.
Ma quando pensa di realizzarla?
“Per ora, nell’ultimo concerto di stagione della Mozart
[Bologna, 28 novembre 2010, ndr.], dirigerò i Lieder”.
Sarà una produzione destinata a girare, magari arrivando alla Scala?
“E’ prematuro parlarne”.

L’interview porte essentiellement sur les rapports d’Abbado et de Pergolèse, en liaison avec la publication de plusieurs disques Pergolèse de l’Orchestra Mozart dirigé par Abbado dans la collection “Archiv” de Deutsche Grammophon . On évoque la possibilité de monter des opéras de Pergolèse et Abbado répond:

“Pour l’instant il y a des oeuvres qui m’intéressent plus.

Alors là, on aimerait en savoir plus !

” Je suis en train de travailler sur la Lulu de Berg”

Un choix logique dans votre parcours dans l’opéra du XXème siècle .J ‘imagine que vous avez une idée précise de ce que vous voulez en faire (et où?)

“Je peux dire que j’aimerais impliquer dans le projet Michael Haneke [67 ans, cinéaste autrichien auteur de La pianiste, Cachet, Le ruban blanc, Palme d’Or à Cannes, European Film Award 2009, en 2006 il a débuté  dans Don Giovanni à l’Opéra de Paris ndr].
Le ruban blanc est une oeuvre extraordinaire, d’une violence froide et terrible qui m’a impressionné.

Mais quand pensez-vous le faire?

Pour l’instant, lors du dernier concert de la saison de l’Orchestra Mozart (le 28 novembre prochain à Bologne), je dirigerai les Lieder.

Ce sera une production destinée à tourner? peut-être à la Scala?

C’est trop tôt pour en parler”

Ainsi parle Claudio Abbado, à 76 ans toujours à l’affût de nouveaux talents, de nouveaux projets,  de nouveaux défis, et toujours jeune, et toujours ouvert. Sacré bonhomme, lui aussi!

 

ABBADO dirigerait bientôt LULU!(DERNIERE MINUTE)

Nous étions au courant que quelque chose se tramait, mais où et quand? En tous cas puisque la presse italienne en a parlé, nous diffusons la nouvelle. Claudio Abbado reviendrait à l’opéra, en dirigeant LULU de Alban Berg, dans une mise en scène du cinéaste autrichien Michael Haneke. Le lieu n’est pas officiel, mais Abbado n’a pas démenti lorsqu’on a évoqué la Scala, du moins selon ces mêmes sources. L’information est importante puisque Abbado avait officiellement annoncé qu’il ne dirigerait plus d’opéra.

Je serai attentif à toutes les nouvelles de ce front!