OPERNHAUS ZÜRICH 2015-2016: IL VIAGGIO A REIMS de Gioacchino ROSSINI le 23 DÉCEMBRE 2015 (Dir.mus: Daniele RUSTIONI; Ms en scène: Christoph MARTHALER)

Il Viaggio a Reims, Ensemble ©Monika Rittershaus
Il Viaggio a Reims, Ensemble ©Monika Rittershaus

Je n’ai qu’une référence pour Il Viaggio a Reims, la production (1984) princeps de Luca Ronconi à Pesaro représentée alors dans l’espace assez réduit de l’auditorium Pedrotti, revue en 1985 à la Scala, puis à Vienne, puis à Ferrare et de nouveau à Pesaro dans les années 1990. Une de ces productions qui n’a jamais vieilli, qui a gardé toujours sa force, sa joie, sa folie, car c’était une folie qui à la Scala et Pesaro, impliquait la ville par ce cortège royal qui la traversait pour arriver à l’heure dite du final, sur la scène du théâtre et dont on voyait l’avancée en direct sur écran. À Vienne, c’était hélas un film.

Paris a failli voir ce Viaggio a Reims, au théâtre des Champs Elysées, mais les places étaient tellement chères que l’entrepreneur lui même, voyant que la salle ne se remplissait pas, y renonça, et ce fut Ferrara qui récupéra les représentations. Ainsi, depuis 1825, Paris, pour qui le spectacle a été conçu, n’a pas revu de Viaggio, et jusqu’en 1984, l’œuvre, de circonstance et abandonnée au bout de 5 jours ne fut plus jamais plus représentée.
Une folie aussi la distribution d’alors, Valentini Terrani, Cuberli, Ricciarelli (Caballé à Vienne), Gasdia, Ramey (Furlanetto a Vienne), Merritt (ou Araiza), Chausson, Gimenez, Raimondi, Nucci, Dara…tant de stars rassemblées pour des numéros d’un oratorio mis en scène sur la plus ténue des intrigues, pour le plus explosif des spectacles.
Et puis Abbado, Abbado, Abbado qui orchestrait cette folie et qui orchestrait même un bis tellement le triomphe était indescriptible, à la Scala notamment où à chaque fois, fut repris le « grand concertato a quattordici voci », final de la première partie et qui laissait le public dans la plus stupéfiante des joies.
Après de telles expériences, quand ce fut tout, ce fut tout. Au moment où l’œuvre fut reprise dans d’autres mises en scènes et avec d’autres chefs, un peu partout dans le monde, je n’eus jamais le courage de m’y confronter. Quand on a eu le génie, même le très bon vous paraît fade.

Qu’est ce que Il Viaggio a Reims ? En terme de dramaturgie, ce n’est rien, strictement rien puisqu’il ne se passe rien : un certain nombre de voyageurs européens se retrouvent dans un hôtel de Plombières, en route pour le sacre de Charles X à Reims, mais un problème de diligence les oblige à rester, puis à changer de programme en allant aux fêtes de Paris qui va aussi célébrer le sacre.
Il n’y a pas d’action ou si peu, et pas d’intrigue, ou des micro-intrigues aussi multiples que microscopiques.
Pour Rossini, le propos était simple, faire une sorte de festival joyeux, à l’occasion de l’avènement de Charles X, une fête du chant, un digest de tout le savoir rossinien en matière de pyrotechnie vocale : du lyrisme, de la vocalise, du poétique, de l’ironie, du burlesque, le tout en musique, un peu comme un spectacle qu’on monterait à l’occasion d’un grand événement aujourd’hui sous la Tour Eiffel sur un pot pourri de musiques connues. Ce fut tellement un unicum que Rossini en reprit les musiques pour environ 50% du Comte Ory trois ans plus tard. Il Viaggio a Reims, c’est d’abord du spectacle, c’est l’opéra qui fait la fête.

Je pense que la production de Ronconi, tellement emblématique, aurait pu être conservée, tant elle est intemporelle, et qu’elle suffirait à notre plaisir. C’est le type de production qui colle tellement à une œuvre qu’on n’arrive pas à s’en détacher. Il en existe une vidéo officielle (de Vienne) et une de Pesaro en 1984, reprise par la RAI et qui existe dans les archives,  bien meilleure, malgré l’orchestre de la Staatsoper, Caballé n’y est pas si bonne et Ricciarelli était bien plus convaincante Qui trouve cette retransmission RAI aura gagné le gros lot.

 

J’ai donc décidé de rompre le jeûne à l’occasion des représentations de Zürich, qui m’ont attiré par une distribution jeune qui m’est apparue équilibrée, par la direction de Daniele Rustioni qui est un chef très intéressant (futur directeur musical de l’opéra de Lyon à partir de 2017) et surtout par la mise en scène de Christoph Marthaler, que j’aime beaucoup et dont l’approche pouvait correspondre à ce qu’on peut faire de l’œuvre aujourd’hui, puisqu’on peut s’y permettre tout et son contraire.
Si ce ne fut pas une révélation (on peut difficilement entrer en compétition contre les mythes, et notamment lorsque ces mythes reposent sur une vérité vérifiable), ce fut une très bonne soirée, qui m’a laissé sinon de très bonne humeur, on verra pourquoi, signe, et la tête pleine de cette musique que j’adore et c’est un signe.
L’orchestre de Zürich (Le Philharmonia Zürich) est un orchestre de fosse suffisamment plastique pour jouer aussi bien Wagner que Verdi, aussi bien Donizetti que Strauss. Pour Rossini, c ‘est toujours un peu plus difficile de trouver le ton juste : il y a des questions techniques de phrasé, de rythmes, mais aussi de vélocité et de volume qui ne sont pas toujours faciles à appréhender (c’est d’ailleurs la même chose pour les chanteurs, où les chanteurs latins (italiens ou hispaniques) réussissent en général beaucoup mieux à dire, mâcher, projeter le texte. Ce qui fait défaut à l’orchestre, c’est un sens du volume qui soit en phase avec cette musique qui doit rester légère, même lors de « forte » ou « fortissimo », Daniele Rustioni a beau faire des signes désespérés pour « contenir » le volume, ce fut justement plusieurs fois sans effet, ce n’est pas tout à fait l’orchestre pour ce type d’œuvre, même s’il n’y pas de particulière scorie, le son est un peu épais et ne correspond pas tout à fait à ce qu’on attend.

En revanche, il y eut de grandes réussites : les premières mesures, si importantes pour donner le ton, qui semblent émerger du silence d’une manière si fluide, la deuxième partie dans son ensemble, qui est souvent du remplissage musical (Rossini ne s’est pas donné beaucoup de peine), mais qui avait un rythme et une ligne poétique intéressante, avec une bonne réussite du point de vue de la pulsion du « Gran pezzo concertato a quattordici voci » placé cette fois dans la deuxième partie et non comme final de la première, pour donner plus de consistance à la deuxième partie, musicalement plus faible. L’accompagnement des femmes était particulièrement réussi aussi, mais il faut dire qu’elles étaient beaucoup plus en phase avec la musique que leurs collègues masculins, notamment basses et barytons.

Dans l’ensemble Daniele Rustioni s’en sort bien, avec un geste précis, et très spectaculaire aussi, très engagé dans l’action et suivant les chanteurs avec beaucoup d’attention et de précision. On sent qu’il aime ce répertoire, en tous cas, il le fait voir.
Du côté du chant, comme je l’ai écrit, il y a plus de réussite du côté féminin que masculin, y compris dans les petits rôles (bien par exemple la Maddalena de Liliana Nikiteanu qui ouvre l’opéra), Madame Cortese est Serena Farnocchia, qui fait une très bonne carrière dans les grands rôles du répertoire italien. Elle est une Madame Cortese efficace (la patronne de l’Albergo del Giglio d’Oro), la voix bien en place, bien projetée, au volume bien contrôlé ; il lui manque quelquefois un peu de douceur (de morbidezza), mais dans le contexte et dans ce rôle là, ce n’est pas rédhibitoire.

Il Viaggio a Reims, Julie Fuchs  (Folleville) ©Monika Rittershaus
Il Viaggio a Reims, Julie Fuchs (Folleville) ©Monika Rittershaus

Julie Fuchs en Comtesse de Folleville (la « française »), est irrésistible avec son faux air de Marilyn Monroe, mais elle est surtout impressionnante par le chant, gratifiant d’un feu d’artifice vocal, de suraigus tenus, de notes filées, d’agilités. Ce fut un grand moment de chant et surtout la promesse d’autres performances ; en tous cas, c’est là un de ses chevaux de bataille désormais, elle est vraiment extraordinaire.

Il Viaggio a Reims, Rosa Feola (Corinna) ©Monika Rittershaus
Il Viaggio a Reims, Rosa Feola (Corinna) ©Monika Rittershaus

Rosa Feola (Corinna, personnage qui réfère à Corinne ou l’Italie, de Madame de Staël, qui a inspiré tout l’opéra) est elle aussi magnifique. J’ai dans l’oreille la Gasdia, et dans les souvenirs sa coiffure en forme de lyre avec laquelle Caballé jouait. Il faut pour Corinna un authentique lirico-colorature, non une voix de rossignol, mais une voix qui ait du corps et un registre central marqué, avec des aigus à toute épreuve, qui sache filer, vocaliser, monter à l’aigu avec beaucoup de fluidité. Rosa Feola a tout cela : sa Corinna est à la fois vocalement exemplaire (il le faut car Corinna est un rôle de chanteuse spécialisée en improvisation) mais son personnage est aussi intéressant et sort du modèle éthéré que peut être une Corinna traditionnelle. Sa Corinna est une jeune fille ouverte, qui sait séduire, avec une certaine maturité, une sorte de pré Rosine dont on sent qu’elle va beaucoup se jouer des hommes (ou jouer avec). Une prestation non seulement impeccable mais de très grand style.
Il sera difficile de séparer la contessa Melibea « la polonaise » et sa créatrice au XXème siècle Lucia Valentini-Terrani, trop vite disparue, et qui fut l’un des grands mezzos rossiniens (mais pas seulement) des années 80, sa voix grave, sa présence étourdissante, ses capacités infinies à vocaliser et à jouer sur les couleurs et l’expression, tout cela en fait une référence définitive.
Anna Goryachova a une jeune carrière encore, très diversifiée puisqu’elle chante aussi bien du baroque que Carmen ou Isabella de l’Italiana in Algeri. Sa Melibea (qu’elle a déjà interprétée sous la direction de Zedda en Flandres) ne fait pas oublier la Valentini-Terrani, mais défend avec beaucoup de présence et d’élégance le rôle duquel elle se sort avec tous les honneurs, vocalement c’est net, précis, bien projeté, et la présence scénique et tout à fait bien marquée.
Javier Camarena interprète il conte di Libenskof, « le russe », confié jadis à Merritt : il faut des aigus, il faut un style rossinien éprouvé, il faut une dynamique dans la voix : Camarena a tout cela, son Libenskof est particulièrement réussi et de tous les hommes c’est le mieux dans le rôle et dans cette musique qu’il pratique depuis longtemps. C’est un vrai rossinien et on le sent, soit dans les agilités, soit dans la manière de dire le texte, et bien sûr dans sa facilité à darder les aigus ou à les moduler. Il remporte un très gros succès très mérité.
Mais son jeune collègue Edgardo Rocha réussit aussi dans le rôle de Belfiore un peu plus pâle vocalement ; il exige aussi ses aigus, et un peu plus de lyrisme que le précédent, car Belfiore cherche à séduire Corinna, dont l’anglais Lord Sydney est amoureux, il est donc un peu plus tenore di grazia, et de grâce, la voix en a. Edgardo Rocha, qui a travaillé son Rossini avec Rockwell Blake et Alessandro Corbelli a une carrière belcantiste déjà affirmée. C’est une voix d’avenir, à n’en pas douter.

Scott Conner en Don Profondo rencontre un certain succès dans son air fameux « Medaglie incomparabili » où il imite les accents et les attitudes de tous ses compagnons d’infortune, bien mis en scène, puisqu’il est perché à l’étage et domine la scène, en final de la première partie. Notons qu’à travers « Medaglie incomparabili », Luigi Balocchi auteur du livret rappelle le titre de l’aria de Cosi fan Tutte « Smanie implacabili », le livret a aussi d’autres citations d’airs célèbres (« cruda sorte », de l’Italiana in Algeri par exemple), cela fait partie des jeux internes qui invitent au délire référentiel.
L’ air est très honnêtement chanté, mais on est loin de ce qui serait exigible et on est loin (bien entendu) de l’éblouissant Ruggero Raimondi. Les accents ne sont pas clairement identifiables, les mimiques restent embryonnaires, la couleur du texte n’est pas très variée. Il reste que c’est chanté, que le rythme y est, et que cela fonctionne sur le public ; mais pour chanter des airs de ce type, il faut maîtriser parfaitement l’italien et ses couleurs, il faut embrasser le rythme italien, percevoir aussi les accents étrangers en italien et leur fonctionnement ; Scott Conner en est loin.
Lord Sydney (interprété par Nahuel di Pierro) ni Don Alvaro (Pavol Kuban) ne sont des rôles marquants s’il ne sont pas confiés à une star, Ramey ou Furlanetto en faisaient quelque chose, cela reste ici très neutre et pour tout dire passable et sans grand intérêt. Le Baron de Trombonok (l’allemand) est chanté par l’ukrainien Yurij Tsiple qui s’en sort mieux que les autres, sa présence scénique, une voix bien placée, une projection correcte font qu’il est « notable » en scène. Il reprend du relief à la dernière scène où il chante l’hymne allemand.

Parmi les plus petits rôles, signalons le Don Prudenzio (le médecin qui devrait soigner les curistes et qui dans la mise en scène s’occupe du chat) de Roberto Lorenzi, jolie voix de basse, bien dans le style de Rossini, même si un peu raide, Rebecca Olvera qu’on a vu en Adalgisa auprès de la Bartoli et qui ici a le tout petit rôle de Modestina, et le jeune sud coréen Ildo Song qui remporte un petit succès personnel dans Antonio.
Jolie chorégraphie d’Altea Garrido pour le court ballet de la seconde partie et un ensemble donc homogène et honnête, dominé par les femmes et les ténors.

Il Viaggio a Reims, Ensemble ©Monika Rittershaus
Il Viaggio a Reims, Ensemble ©Monika Rittershaus

Tout ce petit monde évolue dans l’Albergo del Giglio d’Oro, à Plombières, c’est à dans un hôtel thermal, d’où un Spa, un pédiluve dans lequel des personnages un peu déglingués arrivent, typiques de Christophe Marthaler, maître de la déglingue.
Jamais contemporain dans ses décors (confiés comme toujours à Anna Viebrock), il prend cette fois pour modèle l’architecture de la fin des années 60 et surtout le Kanzlerbungalow de Bonn (Architecte Sep Ruf), qui servit jusqu’en 1999 de résidence officielle des chanceliers d’Allemagne, une maison de verre et de bois, très géométrique, au fond d’un parc qui posait en ces années de guerre froide de singuliers problèmes de sécurité, et même le pédiluve sur scène rappelle la piscine du lieu.
Le modèle est choisi à dessein : partant de la réunion fortuite de plusieurs étrangers (italien, russe, espagnol, allemand, anglais français), il prend prétexte du couronnement de Charles X (aujourd’hui peu parlant) pour faire de cette fête, une sorte de prétexte à entrevues diverses comme on le voit à l’occasion de cérémonies semblables : on assiste à un couronnement et dans les couloirs on échange.
Il s’agit donc pour Marthaler plus ou moins sérieusement d’inviter à voir dans cette intrigue une sorte d’Europe en petit, avec ses discussions, ses petites jalousies, ses manœuvres plus ou moins minables, d’où à un moment la signature d’un traité dans une des pièces pendant qu’on chante au premier plan, d’où aussi la présentation des personnages derrière un pupitre, d’où aussi les étoiles sur les pupitres qui forment le symbole de l’Europe tombant une à une ; car pour Marthaler (et pas seulement lui d’ailleurs), l’Europe brinqueballe. L’image un peu surannée du Kanzlerbungalow, à laquelle s’ajoutent ces européens un peu à côté de la plaque, se disputant pour des choses mineures, avec leurs petits mensonges et leurs petites trahison fait métaphore d’un Viaggio a Reims pour une cérémonie apparemment unificatrice, mais qui cache en réalité petitesses et indifférence.

Comme on le voit, le propos n’est pas si joyeux, mais l’idée d’Europe est bien présente dans l’œuvre, affirmée même dans certaines parties du livret, comme lorsque  Trombonok chante l’hymne allemand (à un moment où l’unité allemande est encore loin). Et Marthaler s’appuie sur cette idée développée tout au long de l’œuvre, qui vient de Madame de Staël (Corinne ou l’Italie) roman typiquement cosmopolite et européen.
Mais la joie explosive qui était le propos de Ronconi devient ici un objet un peu amer et mélancolique, comme toujours chez Marthaler, dont le regard n’est jamais foncièrement joyeux. Certes, le burlesque est là, les postures un peu surréalistes, un monde de personnages dont certains apparaissent errant au fond de la scène sans autre fonction de l’apparaître, un monde d’hôtel de thermes où l’on voit toutes sortes de pathologies, psychiques ou physiques, un monde dont les gestes sont comme mécaniques, qui prend beaucoup au monde des clowns, au cinéma muet, aux saynètes où à un geste ne correspond pas ce qui est dit (le chat que tout le monde soigne au lieu de soigner les humains par exemple).
La couleur même du décor, marron et gris, n’est pas joyeuse et a quelque chose de glacial et de tristounet, tout aussi bien que les portraits de célébrités qui ont dû ou pu passer par l’hôtel (rappelons que l’espace est celui du Kanzlerbungalow de Bonn, lieu de réception du Chancelier de 1970 à 1999, aujourd’hui Monument historique national, un espace qui a vu défiler les Grands et les Petits de l’époque), on y voit des gloires d’hier (Ludwig Erhard) comme d’aujourd’hui (Elisabeth II, Juan Carlos, Marine Le Pen, Sepp Blatter – et une coupe du monde traîne sur le bureau à l’étage, car on est à Zürich, le Vatican du Foot), images sans vie, cadres déposés contre le mur, sorte d’histoire qui passe et qui ne fixe pas.
Le monde, et l’Europe en particulier est une comédie burlesque, et presque chaplinesque donc par ricochet inquiétante par les relations à l’histoire qu’elle crée .

Il Viaggio a Reims, Delia (Estelle Poscio) ©Monika Rittershaus
Il Viaggio a Reims, Delia (Estelle Poscio) ©Monika Rittershaus

Marthaler avec son rire mécanique et grinçant  finit par ne plus faire rire : certes, on sourit souvent, on glousse beaucoup, mais pas beaucoup de place pour l’éclat de rire dans cette tranche de vie européenne à laquelle il nous fait assister. La deuxième partie, même agrémentée du « Gran pezzo concertato a quattordici voci » reste une sorte de succession de moments sans joie (même l’épisode des hymnes) où les personnages semblent « se résoudre à » plutôt que de montrer le dynamisme et la foi en l’avenir (festif) qu’on pourrait attendre. Et ainsi le grand final un peu grandiloquent concocté par Rossini semble encore plus plaqué et artificiel, même si le chœur est dans la salle et semble inviter à la Fête.

Il Viaggio a Reims, Ensemble ©Monika Rittershaus
Il Viaggio a Reims, Ensemble ©Monika Rittershaus

La fête de l’Europe est ratée, parce qu’elle est vide et Madame de Staël est un rêve: on n’y croit plus. Voilà la conclusion à laquelle on arrive en regardant cette production, aussi artificielle que l’Europe qu’elle évoque, aussi grinçante et au fond terrible, que tous ces gens (et portraits) sur scène (et dans la salle ?) sont inconscients, parce qu’inconsistants. À un moment ils évoluent en deuxième partie parmi les débris d’un avion qui s’est écrasé (sans doute par un attentat: voilà le type d’image d’Europe heureuse que Marthaler nous diffuse…

Il Viaggio a Reims, Ensemble ©Monika Rittershaus
Il Viaggio a Reims, avion… ©Monika Rittershaus

L’Europe est triste hélas…
Au terme de ce spectacle, très acéré comme toujours chez Marthaler, mais quand même pas toujours convaincant je sors mi figue-mi raisin, non par l’interprétation musicale, plutôt bien en place, avec une distribution équilibrée qui montre que même sans vedettes, on peut monter de manière très efficace cette œuvre, mais plutôt par l’ambiance générale. J’avais quitté Viaggio a Reims dans une ambiance optimiste, ouverte, joyeuse, associée pour moi à l’un des grands moments de mon existence de mélomane. Aujourd’hui, comme on dit « c’est pas la joie ». Et cette lecture de Marthaler, ce rire sans joie, n’est après tout qu’un signe des temps, sans même être un avertissement. Nous sommes dans le constat d’une certaine déchéance, d’une vacuité effrayante (la scène mécanique de la signature du traité, à quelques jours de la fin de la COP 21 est terrible par son réalisme et par ce qu’elle nous dit de la politique) et même d’un ennui inquiétant. Si l’existence de mélomane est encore une fête, celle du citoyen ne l’est plus, et c’est un peu ce que Marthaler nous dit en filigrane, mettant dans le même sac pourri et Blatter, et Le Pen, et les autres. Il y a du malaise dans ce travail. Marthaler réussit à retourner le propos.
C’était le dernier rendez-vous (un peu gris) de 2015, le premier de 2016 sera une fête, c’est promis, et c’est prévu.
BONNE ANNÉE à TOUS LES LECTEURS.[wpsr_facebook]

Il Viaggio a Reims, Julie Fuchs (Folleville) et le chat ©Monika Rittershaus
Il Viaggio a Reims, Julie Fuchs (Folleville) et à droite le chat ©Monika Rittershaus

TEATRO REAL MADRID 2013-2014: LES CONTES D’HOFFMANN de Jacques OFFENBACH le 25 MAI 2014 (Dir.mus: Sylvain CAMBRELING; Ms en scène Christoph MARTHALER)

Acte I © Javier del Real
Acte I © Javier del Real

Sur le site d’Arte la représentation du 21 mai : http://concert.arte.tv/fr/les-contes-dhoffmann-mis-en-scene-par-christoph-marthaler

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Après La Vie parisienne à la Volksbühne de Berlin où Gérard Mortier m’avait (bien heureusement) entraîné, après La Grande Duchesse de Gerolstein désenchantée et déconstruite de Bâle (déjà avec Anne-Sofie von Otter), je tenais à voir ces Contes d’Hoffmann mis en scène par Christoph Marthaler, voulus par Mortier, ultime trace de son travail de directeur artistique, auquel je voulais ainsi rendre hommage.
Christoph Marthaler ne laisse jamais indifférent : de grandes réussites comme Katia Kabanova (Salzbourg, puis Paris), Wozzeck (Paris) ou au théâtre les sublimes Légendes de la Forêt viennoise de Horvath à la Volksbühne, ou même Tristan und Isolde à Bayreuth, production discutée, mais aujourd’hui considérée comme une mise en scène de référence (voir la manière dont Graham Vick s’en est inspiré dans sa production berlinoise), d’autres mises en scènes honnies, considérées comme un viol de la tradition et de l’œuvre (La Traviata à Paris, ou viol parmi les viols, Le nozze di Figaro à Salzbourg et Paris). Le monde vu par Marthaler est profondément mélancolique, et sa puissance poétique naît d’une conscience nostalgique de la fin, avec une utilisation du burlesque un peu désespéré qui rappelle Chaplin.
Ces Contes d’Hoffmann ne font pas exception, d’autant que les problèmes d’édition de l’œuvre (trois ou quatre éditions maîtresses Choudens, Oeser, Kaye – et Keck, et pleines de variations – on découvre régulièrement çà et là des bribes de partitions) permettent des libertés et des adaptations que Christoph Marthaler et Sylvain Cambreling se sont permises puisque le programme indique « Nouvelle version de Sylvain Cambreling et Christoph Marthaler pour la nouvelle production du Teatro Real ». Il reste que le travail n’a rien à voir avec l’opération chirurgicale subie par la Grande Duchesse de Gerolstein à Bâle.

Le bar du Circulo Bellas Artes
Le bar du Circulo Bellas Artes

C’est bien l’histoire à laquelle on est habitué, inscrite dans un décor unique, reproduisant le cercle des Beaux Arts CasaEuropa, un bâtiment très connu des madrilènes pour son bar panoramique au centre duquel gît une statue de nymphe endormie (reproduite sur scène, mais vivante) et pour les manifestations culturelles qui y sont organisées (voir leur site : http://www.circulobellasartes.com) . Lieu de création, lieu d’apprentissage avec ses ateliers, lieu de manifestations culturelles, lieu de détente, concerts, expositions, conférences.

Acte I © Javier del Real
Acte I © Javier del Real

Le décor d’Anna Viebrock reconstitue une sorte d’espace syncrétique, bar, atelier, salle de spectacle, qui peu à peu se transforme (salle de billard au troisième acte) au gré de l’ambiance de chaque acte. En installant la mise en scène dans cet espace dédié à l’art à la création et donc à l’inspiration, Christoph Marthaler  installe le lien direct avec la thématique de l’œuvre d’Offenbach, qui est justement l’assèchement de l’inspiration. Il fait le choix d’effacer toute la fantasmagorie qui accompagne habituellement  l’œuvre. Pas de magie, pas de maléfices, pas de mystère non plus, mais une espèce de dessèchement qui provoque un sentiment de malaise et d’angoisse même avec les habituelles fantaisies burlesques chères à Marthaler :  corps disloqués,  serveurs qui s’écroulent,  chœur écarté du jeu et simple spectateur,  traversée de personnages divers, visiteurs hébétés sous la conduite d’un guide dont le nombre augmente à chaque entrée, utilisation d’une télécommande capricieuse, modèles nus changeant toutes les trois minutes posant pour deux dessinateurs,  muse vieillie, vagabonde qui boit, qui danse, et qui finalement renonce à s’habiller en Nicklausse.   Le même espace s’adapte à chaque acte.

Anne-Sofie von Otter, la Muse © Javier del Real
Anne-Sofie von Otter, la Muse © Javier del Real

Dès le prologue on nous prépare à l’acte d’Olympia en voyant Spalanzani transporter  des membres,  essayer d’attirer une jeune fille qui se défend dans sa salle d’expériences et l’on comprend que Spalanzani ne fait pas un automate mais bien plutôt un être reconstitué à la manière du monstre de Frankenstein,  d’où la conservation d’Olympia dans une sorte de frigidaire.
À chaque acte aussi,  la figure maléfique de Lindorf, Dappertutto, Coppelius, Miracle devient une image diversifiée du mal vêtue de cuir noir : une surveste d’employé de la Stasi au premier acte,  un manteau de cuir de gestapiste au deuxième, et un blouson de cuir de souteneur au troisième.  Marthaler utilise ainsi les lieux communs du film noir de série B et les images inscrites dans notre musée personnel du cinéma.
L’acte d’Antonia est particulièrement bien réglé.  Espace vidé, laissant au centre l’agrès  où se tenaient les modèles au prologue,  qui ressemble étrangement à un gibet, et  l’estrade sur lequel ces modèles posaient devenu une manière d’échafaud : c’est bien de mort qu’on va nous parler.  Dans cet espace vidé, Crespel va rester écroulé au milieu de ses violons démontés (la mort de la musique, la recherche de l’âme),  Hoffmann et Frantz tournent inlassablement autour de la salle dans un mouvement perpétuel qui finit par prendre à la gorge. Au fond, de dos, lisant un magazine celle qui sera la mère d’Antonia, figure rigide inquiétante. Cette mise à mort programmée de la jeune fille est mise à mort par le chant,  mise à mort par l’opéra : Antonia monte sur l’échafaud pour chanter ses dernières notes. Il n’y a rien d’anecdotique, il n’y a là  que lecture épurée qui rencontre d’ailleurs un grand succès auprès du public.

Acte IV © Javier del Real
Acte IV © Javier del Real

L’acte de Giulietta se passe dans la même salle transformée en salle de billard,  sous une table des corps entremêlés ,sur une table la muse, sur l’autre Giulietta affalée qui chantent une barcarolle qui n’a plus rien de la romantique Venise mais plutôt d’un lieu glauque où se traitent des trafics louches : Schlemil est un vagabond,  Hoffmann une ruine humaine,  les corps enlacés qui se délient des sortes d’animaux sans forme,  pendant que défilent  sur les côtés les modèles entrevus au premier acte et une silhouette vêtue de noir : la Stella du dernier acte.
Justement le dernier acte qui dans toutes les versions d’Offenbach est l’acte de la désillusion et de l’échec, l’acte de l’abandon est ici un moment très fort notamment grâce à l’extraordinaire Anne-Sofie von Otter et au duo avec Hoffmann,  mais Marthaler et le chef Sylvain Cambreling ont choisi de faire dire à Stella (l’actrice Altea Garrido) un extrait d’un texte de Fernando Pessoa Ultimatum remontant à la fin de la première guerre mondiale qui demande le renvoi des classes dirigeantes, politiques et intellectuelles appelant des hommes capables de construire enfin une grande Europe du futur.  Poème qui sonnait étrangement en ce jour d’élections européennes aux résultats que l’on sait. La vision de Marthaler est particulièrement pessimiste, fin de l’inspiration, fin de la culture, fin de l’humanisme,  et quelque part fin de la musique.  Marthaler souligne ainsi que l’histoire des Contes d’Hoffmann est une histoire noire,  alors que cette noirceur est dans la plupart des productions atténuée par la fantasmagorie qui nous éloigne de l’effet de réel si inquiétant ici.

Acte II © Javier del Real
Acte II © Javier del Real

À cette interprétation très dépouillée et épurée,  qui, loin de déconstruire propose pour l’œuvre un sens qu’on ne lui connaissait pas, correspond une direction musicale surprenante de la part de Sylvain Cambreling.  Ce chef peu apprécié à Paris,  injustement traité par la pseudo-compétence d’un certain public, a enregistré Les Contes d’Hoffmann dans la version Oeser  en 1988,  il en propose une version qui a l’instar de l’interprétation de Marthaler,  évacue tout brillant, tout clinquant,  contient le son, retient le volume,  et met en valeur des phrases musicales qui renvoient aux grands auteurs du romantisme musical allemand.  L’édition choisie est la version Oeser avec quelques libertés, gardant la version traditionnelle de « Scintille diamant » qui est de Raoul Gunsbourg et André Bloch, tout comme le septuor avec chœur que Cambreling évacue sans doute parce que la pièce est trop brillante. Il en résulte une certaine sécheresse, voire quelque brutalité,  une couleur sombre, d’où toute démagogie est absente, ces Contes d’Hoffmann en deviennent des contes cruels.  Dans cette entreprise, l’orchestre le suit,  avec précision, avec exactitude, avec clarté.  Une lecture  très intellectualisante au bon sens du terme  de l’œuvre d’Offenbach à laquelle personne ne nous a jamais habitués,  ou peut-être à laquelle personne n’a jamais pensé. Une lecture compacte,  cohérente,  grise au service d’une vision construite en commun avec le metteur en scène : un authentique travail de recréation. Une vision musicale neuve.
C’est du côté de la distribution vocale que les choses semblent moins abouties. Gérard Mortier  à qui la presse espagnole reprochait des choix discutables au niveau des voix,  répondait qu’il construisait les distributions avec les moyens qu’on lui donnait.
Il reste que l’ensemble de la compagnie est honorable sans être exceptionnelle.

Acte II Olympa (Ana Durlovski) © Javier del Real
Acte II Olympa (Ana Durlovski) © Javier del Real

Du côté féminin,  la poupée Olympia d’Ana Durlovski, vêtue en petite-fille timide et introvertie par Anna Viebrock,  réussit à dominer les acrobaties du rôle, avec une jolie technique sans toutefois nous charmer par un timbre qui reste ingrat et quelquefois métallique.  La prestation reste néanmoins très honorable. La canadienne Measha Brueggergosman (Antonia et Giulietta), qui est une belle actrice engagée en revanche a plus de difficultés notamment dans le rôle d’Antonia : quelque grave,  un registre central acceptable mais qui se resserre à l’aigu.  L’aigu  ne sort pas,  n’est pas projeté,  au point que je me suis demandé si ce soprano lyrique n’était pas un mezzo contrarié,  d’autant que dans Giulietta,  plus sombre,  la voix s’en sort mieux,  même si elle reste matte, sans éclat, et sans présence.  C’est d’autant plus regrettable qu’elle est douée d’une très belle présence scénique.
Alors qu’en général c’est un rôle sacrifié, la mère de Lani Poulson est apparue présente avec un timbre agréable qui tranchait avec celui d’Antonia.

Anne-Sofie von Otter (La muse) © Javier del Real
Anne-Sofie von Otter (La muse) © Javier del Real

Anne-Sofie von Otter n’a plus la puissance de la voix d’antan les graves sont détimbrés voire inaudibles, le médium a des éclipses,  et l’aigu reste assuré.  Mais c’est elle qui remporte le plus grand succès de la distribution. Et ce n’est que justice. Avec les moyens dont elle dispose, avec une voix qui a perdu de son bronze, mais avec une diction et un sens du phrasé exceptionnels,  une intelligence du texte prodigieuse,  et un engagement dans l’interprétation du personnage qui en fait le centre de l’ensemble de la distribution, Anne-Sofie von Otter signe les deux plus grands moments de la soirée, son air du troisième acte (Vois sous l’archet frémissant), et son air final (On est grand par l’amour et plus grand par les pleurs) du cinquième acte-épilogue.  L’artiste fait passer un souffle, une sensibilité, une intensité qui laissent une trace profonde : ces moments sont comme suspendus, l’action s’arrête, laissent place à la pure poésie et à l’émotion.
Du côté masculin, la situation est, elle aussi, contrastée.  De bonnes prestations des rôles de complément, notamment Christoph Homberger dans Andrès,  Cochenille, Frantz, Pitichinaccio.  La voix n’est pas immense,  mais le chant est appliqué et expressif,  même si on a entendu plus caractérisé  dans l’air de la méthode du troisième acte.  Le vétéran Jean-Philippe Lafont est à la fois Luther et Crespel. Il a paradoxalement plus de difficultés dans le rôle épisodique de Luther au premier et au dernier acte,  que dans celui de Crespel qu’il caractérise avec ce professionnalisme dû à sa longue fréquentation des scènes et qui reste empreint de dramatisme,  avec une voix encore bien présente. Graham Valentine dans Spalanzani gène par une voix à l’étrange accent, un timbre assez ingrat, mais qui peut contribuer à servir le personnage particulièrement abject. Gerardo Lopez (Nathanaël) garde un fort accent en chantant en français.
Vito Priante est un baryton-basse bien connu désormais pour ses interprétations de Mozart (Figaro) et de Rossini. Il est plus inattendu de le rencontrer dans un rôle réservé à des basses plus profondes. La voix manque justement de profondeur et d’éclat,  et surtout a des problèmes de projection. Il ne s’impose pas par la voix mais compose un personnage intéressant puisque Christoph Marthaler lui faire endosser diverses figures négatives (Stasi Gestapo mais aussi mafia) en utilisant une veste de cuir noir déclinée en diverses variations auxquelles les films nous ont habitués. Mais ce rôle ne sert pas sa carrière qui devient intéressante par ailleurs, même si son côté sans éclat sert le dessein de la mise en scène et de la direction musicale.

Eric Cutler © Javier del Real
Eric Cutler © Javier del Real

Eric Cutler est Hoffmann.  En bon chanteur américain,  il est doué d’une impeccable diction,  d’un phrasé exemplaire,  et d’une technique solide. Il s’installe peu à peu dans le personnage scéniquement et vocalement, mais à mesure que la voix s’échauffe elle prend de l’assurance et les parties les plus dramatiques sont assurées avec un beau style,  une belle assurance à l’aigu, même si la voix reste claire et manque quelquefois de puissance.  J’avais remarqué ce chanteur notamment dans Erik (Georg) du Vaisseau fantôme dans la version présentée à Genève cet automne ; il confirme la bonne impression que j’avais de lui dans un rôle autrement plus exigeant. Il se plie à la mise en scène avec engagement. C’est un bon Hoffmann.
C’est la troisième production des contes d’Hoffmann à laquelle j’assiste cette saison, et c’est sans doute la plus novatrice et sûrement la plus inattendue. La mélancolie du monde de Marthaler est plus accentuée ici ; on y retrouve bien sûr ses silhouettes si caractéristiques, on y retrouve un univers rempli de références historiques cinématographiques ou géographiques.

Anne-Sofie von Otter © Javier del Real
Anne-Sofie von Otter © Javier del Real

Mais ce qui emporte la conviction c’est le travail étroit conduit par metteur en scène et chef pour proposer un univers commun, c’est la direction résolue prise par le chef pour atténuer tout ce que la musique pourrait avoir d’éclatant ou de racoleur. Enfin on gardera de ce spectacle la silhouette vagabonde d’Anne-Sofie von Otter,  une muse à rebours,  à l’opposé de celle, si fraîche si jeune de Munich (Kate Lindsey), muse revenue de tout qui fait penser par certains côtés à Jiminy Cricket, compagne d’un être qui se fissure dans un monde qui s’écroule. [wpsr_facebook]

Saluts, le 25 mai 2014
Saluts, le 25 mai 2014