CHRIS DERCON ABANDONNE LA VOLSKBÜHNE: EXCELLENTE NOUVELLE.

La nouvelle est d’importance et a pris le monde culturel berlinois de court, même si on savait que les choses n’allaient pas bien. Chris Dercon n’attend même pas la fin de la saison pour annoncer son départ de la Volksbühne de Berlin, quelque mois après le début de sa première saison.
La première explication de ce départ, c’est évidemment un projet mal accueilli par les milieux culturels berlinois n’a pas trouvé son public: c’est le motif principal de cet échec, qui tient sans doute à sa nature, et à sa manière d’exploser et de diluer les champs culturels dans un théâtre dont toute l’histoire et la tradition disaient le contraire.
De fait, aucun des spectacles présentés n’a trouvé une véritable accroche.
L’idée était claire. Après 25 ans de règne de Frank Castorf à la Volksbühne, avec un projet théâtral exigeant qui n’avait pas non plus évité les crises dues à l’écrasante personnalité du metteur en scène berlinois, il fallait sans doute  aller ailleurs, briser les frontières des genres, comme le montrent les tendances du jour: Dercon a donné à la danse un rôle moteur, et a proposé des productions théâtrales qui n’ont convaincu ni le public ni la critique.
Qu’on en partage les attendus ou pas, l’idée qu’après Castorf il fallait une rupture est évidente, on ne pouvait proposer un projet qui fût la copie modernisée du précédent. Dans ce cas autant garder l’original. En ce sens l’appel à Dercon pouvait se justifier.
Alors Dercon est arrivé, dans un milieu culturel méfiant et a priori hostile, il a proposé un projet qui peut-être collait à l’idée qu’il fallait offrir à cette Berlin qui se transforme et qui se gentrifie (c’est le cas à Berlin Mitte) un projet qui puisse correspondre aux “nouveaux habitants” ou à ceux du futur. Mais Berlin n’est pas Londres, et la Volksbühne n’est pas un symbole de “l’ancien monde” tandis que la nouvelle Volksbühne serait le porte drapeau du nouveau. Simplement parce qu’autour de la Volksbühne, il y a des quartiers encore très populaires, et que Prenzlauer Berg n’est pas encore envahi de bobos en tous genres. Entendons-nous bien, le théâtre de Castorf n’est pas exactement un théâtre “populaire”, mais la Volksbühne était un lieu qui attirait un public divers, le centre d’un quartier assez vivant qui certes évolue, mais qui garde un certain cachet et encore une certaine authenticité, elle trône dans son espace un peu décalé par rapport aux grands axes y compris proches.
Castorf en avait fait l’emblème d’une résistance de gauche au monde néolibéral ambiant, mais aussi au monde stalinien qu’il a subi. Il est l’homme d’une culture libre qui s’est déjà opposée au pouvoir de l’Est, et qui dénonçait aussi le pouvoir du monde occidental, aussi pourri que l’autre: c’est bien le sens de son Ring à Bayreuth. On voyait donc à la Volksbühne des spectacle très marqués idéologiquement qui en faisaient un temple de la gauche, qui étaient aussi souvent de très grands spectacles, qui interrogeaient fortement le spectateur .
Par cette sorte de village gaulois/berlinois au centre d’une ville qui se transforme, Castorf le berlinois affirmait à la fois l’existence et le droit à la vie d’une culture berlinoise qui venait de l’Est, que la réunification tendait à effacer ou voulait à toutes forces faire oublier et l’existence d’un théâtre à haute valence idéologique qui lisait les fractures et les dérives du monde contemporain, entouré d’une troupe d’une extraordinaire qualité, et d’un team artistique d’un incroyable talent. Un théâtre “voleur de feu”. Un théâtre un peu “off”.
Dercon a voulu remplacer ce théâtre qui marquait une forte identité historique et géographique  (rappelons le fier OST qui trônait sur le toit) et une forte filiation brechtienne du théâtre de l’ex-DDR, par un lieu multigenre aux frontières floues, fortement ouvert à l’international, et aussi aux modes du jour. D’un théâtre off il passait à un théâtre très in…D’un lieu de création volontairement résistant et difficile, il a voulu un lieu qui épousait outrageusement le monde justement dénoncé par l’équipe précédente et a proposé une  programmation faite de coups et d’events pour bobos chics de tous pays. Cela ne pouvait fonctionner dans ce lieu-là qui reste encore emblématique d’un type de théâtre et d’une histoire culturelle qui dépasse d’ailleurs et Castorf et Dercon, mais dont Castorf avait su affirmer la présence et rendre la modernité, voire la nécessité.
En passant du berlinois-AOC Castorf qui “résistait” à Chris Dercon représentant d’une culture plus internationalisée et au total plus consensuelle, la Volksbühne a perdu ses repères, le public et la presse avec, et n’a pas revêtu d’habits neufs.
Un autre élément essentiel me paraît hautement symbolique pour Berlin. Castorf était directeur de la Volksbühne parce qu’il était un artiste, un créateur: et le lieu en était l’outil. Dercon est en revanche un manager culturel et il a fait non de la création, mais du management culturel en s’entourant d’artistes, certes, mais en cassant l’idée d’un théâtre lié à un créateur, comme ont pu l’être le Berliner Ensemble, le Piccolo Teatro de Milan ou le TNP de Vilar. La succession ne pouvait être que difficile, et le projet était bien faible pour répondre à ce défi. Péché d’orgueil et de présomption, mais aussi, de manière étonnante, une certaine ignorance des contextes.
On doit sans cesse rappeler que la plupart des institutions culturelles historiques de Berlin étaient à l’Est: dans l’ex-Berlin Est se trouvent Berliner Ensemble, Deutsches Theater, Gorki Theater, Volskbühne, Komische Oper, Staatsoper Unter den Linden…l’éclatante réussite de la Staatsoper est due à Daniel Barenboim qui a su redonner du lustre à une institution nationale qui l’avait un peu perdu, et qui a relancé l’orchestre de la manière que l’on sait, mais Barenboim n’a pas oublié où il était ni qui il était, parallèlement, la Fondation Barenboim Saïd accolée à la Staatsoper oeuvre  par la culture et la musique à une paix que les politiques n’arrivent à obtenir, symbole d’ouverture et d’humanisme, qui se trouve à Berlin et pas ailleurs parce qu’il y a à Berlin un humanisme qu’on ne retrouve pas ailleurs.
Du côté de la Komische Oper, le cas est un peu différent parce que l’institution avait grâce à Walter Felsenstein un prestige international avant même la réunification, on a travaillé à la continuité et aussi à maintenir son statut d’Opéra populaire dont le public a longtemps été nourri principalement par les spectateurs de l’ex-Berlin Est.
Si Barry Kosky l’actuel intendant, un créateur lui-aussi, a un peu bousculé les traditions (notamment la question de la langue allemande imposée dans les spectacles) il s’est replongé dans l’histoire du Metropol Theater, en exhumant notamment des opérettes d’avant le nazisme qui firent la gloire de l’institution. Et ça a marché au-delà de toutes les prévisions. La Komische Oper est aujourd’hui comme hier un des phares de Berlin.
Dercon quant à lui est arrivé en terrain conquis..avec le résultat qu’on constate.

Plus généralement se pose la question des choix culturels de la ville de Berlin. Et cet échec montre en même temps et avec quelle violence que Berlin n’est ni Londres, ni Paris, ni New York. Il montre que l’institution théâtrale à Berlin est encore profondément  liée à son histoire culturelle (Brecht mais pas seulement) et que ses lieux soufflent cet esprit-là et qu’il y a dans la tradition de cette ville une certaine distance envers les modes qui traversent le spectacle vivant ailleurs (abandon du répertoire, mélange des genres, relativité du texte théâtral, popularité de la danse contemporaine) . Dercon était étranger à l’art théâtral auquel il n’avait jamais été lié (c’est essentiellement un directeur de Musées) dans une ville où le théâtre est un élément majeur de l’histoire et de l’activité culturelles. Il est resté aussi étranger à la ville, à une ville qui n’a pas encore reconquis totalement son histoire et sa culture, qui est encore en chantier au propre et au figuré.

Le Ministre de la culture berlinois avait sans doute jugé un peu vite qu’il fallait bousculer l’ordonnancement post unification et passer à autre chose et cela lui revient comme un boomerang. Cet autre chose, c’était de faire de ce temple berlinois un temple à la mode, qui sacrifiait sa singularité à l’autel de la culture chic internationale et qui serait devenu un symbole de la future Berlin. Or les blessures de l’histoire dont Berlin a tant souffert (alors que paradoxalement elle a toujours été été une des villes  les plus ouvertes de toutes les capitales européennes, y compris pendant l’empire wilhelminien) continuent de marquer sa reconstruction et les débats qui la traversent, voir par exemple la reconstruction du palais impérial, autre projet culturel “pharaonique”.
Que des résistances intellectuelles fortes aient eu raison d’un projet confus et sans colonne vertébrale ne peut que satisfaire, qu’il y ait à Berlin un vrai public averti à qui on ne la fait pas, ennemi des paillettes de la modernité libérale ne peut que réjouir l’amoureux de Berlin que je suis. Dercon était appelé pour une mission à laquelle il a essayé de répondre, c’est tout à fait respectable, mais cette réponse a pris de très haut l’existant et s’est écrabouillée sur le mur de la réalité .
Tout cela est une leçon: la question des contextes est centrale dans les politiques culturelles, on ne touche pas au théâtre impunément à Berlin. Les grandes institutions locales ont su à la fois évoluer sans que leur identité si forte ait pu être touchée. On a voulu violer (ou peut-être punir?) la Volksbühne qui regardait le monde du jour sans pitié, profondément liée à l’histoire de Berlin, et cette histoire se rebiffe. C’est rassurant.
Enfin, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, la polémique qui est née a permis à Frank Castorf de revenir au centre de la vie culturelle allemande, parce que ce fut inévitablement le moment d’une évaluation de son rôle éminent sur le théâtre allemand des trente dernière années. La réussite musicale et scénique du Ring de Bayreuth n’a pas peu contribué non plus à cette gloire. Le voilà donc désormais non plus concentré sur Berlin, mais partout en Allemagne et au-delà…puis qu’il se démultiplie à Stuttgart, Munich, Hambourg, Berlin…et même Salzbourg et Zurich. Chassez le Castorf et il revient au galop…
Gageons enfin que cette démission va réveiller des débats culturels passionnants et que Klaus Lederer, le ministre de la culture de Berlin, va devoir faire travailler ses neurones et son imagination en évitant de répéter les erreurs…Dur dur…

LES SAISONS 2016-2017 (3): KOMISCHE OPER BERLIN

Die Zauberflöte Prod. Susanne Andrade (1927) ©Iko Freese :drama-berlin.de
Die Zauberflöte Prod. Susanne Andrade (1927) ©Iko Freese :drama-berlin.de

On pourrait penser à d’autres théâtres plus prestigieux, plus conformes aux étapes  habituelles du mélomane voyageur: Royal Opera House, MET, La Monnaie, Amsterdam, mais  c’est décidément la Komische Oper de Berlin qui a ma préférence. D’abord parce que c’est un lieu qui a une histoire culturelle forte, et qui a traversé la fin de l’Empire allemand, la république de Weimar, le nazisme, la DDR, et les bouleversements de la réunification sans abdiquer sa nature profonde, au point que le mensuel Opernwelt lui a décerné le titre envié d’Opéra de l’année en 2007 et en 2013.
La Komische Oper, c’est l’histoire d’un théâtre mythique, qui s’appelle Theater in der Behrensstrasse au XVIIIème où ont été créés Goetz de Berlichingen de Goethe ou Nathan der Weise de Lessing, puis à la fin du XIXème Theater Unter den Linden et bientôt Metropol Theater : il y a toujours eu un théâtre là où existe aujourd’hui la Komische Oper. Le Metropol Theater a été le théâtre mythique de l’Opérette et des revues satiriques dans la Berlin des débuts du XXème jusqu’aux années 30, mais l’abondance de compositeurs juifs qui ont dû fuir le nazisme a interrompu cette fête permanente.  Après la 2ème guerre mondiale, il rouvre en 1947 (miraculeusement, alors que le bâtiment a été bombardé et détruit, la salle est intacte, dans son style néo baroque de la fin du XIXème) et devient, sous la direction de Walter Felsenstein, un des lieux fondateurs de l’école de mise en scène moderne, universellement admiré dans le monde du théâtre. La Komische Oper de Berlin s’inscrit dans la tradition d’un théâtre ouvert et populaire (les prix pratiqués sont très raisonnables) et l’appellation « Komische Oper » s’inscrit là aussi dans une tradition née au XVIIIème en France qui a fait de l’Opéra Comique la réponse « populaire » à l’Opéra. C’est donc une scène « alternative » au sens où elle montre d’autres voies possibles, notamment en matière de mise en scène, c’est sa tradition, mais aussi de répertoire car l’opérette y tient une place non négligeable. Ainsi parmi les trois opéras berlinois, la Komische Oper est « différente » ; aussi invité-je ceux qui passent par Berlin de ne jamais oublier que c’est la Komische Oper qui est dépositaire de la tradition berlinoise moderne, plus que les deux autres institutions, aussi importantes soient-elles, et donc d’y aller faire un tour.

Le metteur en scène australien Barrie Kosky  en est actuellement l’intendant, c’est un homme à tout faire ( et notamment un nombre respectable de productions) qui a réorienté la politique de la maison dans plusieurs directions :

  • Le répertoire baroque : ses spectacles d’ouverture lorsqu’il a pris les rênes de la maison ont été la trilogie monteverdienne, un triomphe auprès du public, d’autant que la salle de 1200 places aux dimensions moyennes le permet.
  • L’opérette berlinoise, et notamment celle qui avait été ostracisée par les nazis, celles des années 20 et qui triompha sur la scène du Metropol
  • L’accueil d’un nouveau public, et notamment de l’importante communauté turque qui habite Berlin : ainsi, les surtitrages sont systématiquement en turc, entre autres langues, et la politique des publics est soucieuse de cette population.
  • Auparavant, tous les opéras étaient donnés en langue allemande (comme à la Volksoper de Vienne). Désormais, les opéras sont donnés en langue originale.
  • Et bien sûr, la continuation d’une tradition d’innovation scénique, d’appel à de nouveaux metteurs en scène (notamment anglo saxons comme “1927”, Benedict Andrews ou Keith Warner) et à des expériences scéniques différentes. N’oublions pas que les Hans Neuenfels, Harry Kupfer, Andreas Homoki (qui fut intendant avant Kosky) et bien d’autres ont beaucoup fréquenté cette maison, dans le sillage de la tradition instituée par Walter Felsenstein

Pour 2016-2017, voici les nouvelles productions :

Octobre 2016: Il barbiere di Siviglia de G.Rossini pour 12 représentations dans l’année (jusqu’en juillet), une nouvelle production signée Kirill Serebrennikov, metteur en scène russe à succès en Russie (Le Coq d’Or au Bolshoï) qui a présenté « Les idiots » en 2015 au Festival d’Avignon, et au pupitre Antonello Manacorda, ex-premier violon du Lucerne Festival Orchestra qui a embrassé la carrière de chef d’orchestre. C’est le très talentueux ténor Tansel Akzeybek qui sera Almaviva aux côtés de la Rosine de Nicole Chevalier, membre de la troupe d’origine américaine qui chantera la version pour soprano.

Novembre 2016 : Peter Pan de Richard Ayres, un opéra pour enfants (11 représentations jusqu’à février 2017), dans une mise en scène de Keith Warner et dirigé par Anthony Bramall. Sur commission conjointe de l’Opéra de Stuttgart et de la Komische Oper. L’Opéra pour enfants « comme des grands ».

Décembre 2016 : Période de Noël, période d’opérette.

Die Perlen der Cleopatra, d’Oscar Straus. Une opérette folle, une Egypte berlinisée, avec l’équipe de Ball im Savoy (fantastique spectacle) emmenée par la star Dagmar Manzel qui a aussi à son actif la recréation cette saison de Eine Frau, die weiß, was sie will!, un étourdissant show créé lui aussi au Metropol Theater en 1932 adapté en français en Madame, je veux en 1935. Oscar Straus (sans le s final, pourtant dans son vrai nom , pour le pas être confondu avec les autres Strauss) d’origine juive, a dû fuir le nazisme à l’Anschluss, se réfugier en France, puis à Hollywood, on lui doit des opérettes très célèbres dont Rêve de Valse et Trois Valses.
Dagmar Manzel et le chef Adam Benzwi feront revivre ce délire (créée au Theater an der Wien en 1923 entre autres par Richard Tauber), satire de la culture bourgeoise dans une mise en scène de Barrie Kosky, comme le fol et joyeux Ball im Savoy. À ne manquer sous aucun prétexte pour se réconcilier avec l’opérette.

Marinka d’Emmerich Kálmán. Encore un compositeur d’opérettes à succès, contraint de s’exiler parce que juif (même si, dit-on, Hitler adorait tellement ses opérettes qu’il lui offrit le tire d’Aryen d’honneur) on lui doit notamment Princesse Czardas et Comtesse Maritza. Marinka est une opérette créée à New York en 1945, qui revient à Berlin sous forme concertante (avec costumes) pour deux soirs seulement. (Direction musicale Koen Schoots)

Janvier 2017 : Petrouchka (Stravinsky)/L’Enfant et les sortilèges (Ravel), par la troupe « 1927 ». Après l’immense succès (exporté jusqu’à Los Angeles) de Zauberflöte (un spectacle à voir séance tenante, on le joue chaque année et aussi l’an prochain) , « 1927 », ce très célèbre groupe britannique, c’est à dire Suzanne Andrade, Esme Appleton et Paul Barritt  pour les animations reviennent pour un binôme musical qui devrait encore ravir par l’originalité du travail. La direction musicale est assurée par Markus Poschner, qui fut 1.Kappelmeister à la Komische Oper, actuellement GMD à Brème jusqu’à l’an prochain. Il va prendre la direction du Linz Bruckner Orchester comme successeur de Dennis Russell Davies, à partir de la saison 2017-2018
En Coproduction avec  la Deutsche Oper am Rhein Düsseldorf/ Duisburg.

Avril 2017 : La foire de Sorotchinzy de Modest Moussorgski (en langue russe). Un Moussorgski rare, dirigé par le GMD Henrik Nánási, un chef remarquable, et mis en scène par Barrie Kosky pour 7 petites représentations qu’il ne faudra sûrement pas manquer entre avril et juillet 2017. La version proposée est celle de Pavel Lamm (1932) orchestrée par Wissarion Jakowlewitsch Schebalin. L’œuvre inspirée d’une nouvelle de Gogol a attendu longtemps après la mort de Moussorgski pour être créée (1911 à Saint Petersburg) La version reconstituée la plus commune est celle de Nicolaï Tcherepine, mais la Komische Oper a choisi le travail de Pavel Lamm, considéré comme plus proche de Moussorgski.Deux remarques :

  • Une nuit sur le Mont chauve (1867) a été introduit par Moussorgski dans l’oeuvre comme une sorte de cauchemar d’un des personnages, Grizko.
  • L’œuvre manque à Berlin depuis 1948, où elle a été créée à la Komische Oper sans jamais être reprise ni depuis, ni ailleurs.

Beaucoup de raisons réunies pour ne pas manquer de faire le voyage de Berlin, d’autant qu’avril est toujours riche en musique (Festtage de la Staastoper).

Mai 2017 : Medea, d’Aribert Reimann d’après Franz Grillparzer (7 représentations de mai à Juillet). Créé en 2010 à l’Opéra de Vienne avec un énorme succès puis repris à Francfort, c’est la création à Berlin, dans une mise en scène de l’australien Benedict Andrews, à qui l’on doit la production locale de L’Ange de Feu de Prokofiev qu’on verra à Lyon la saison prochaine et dirigée par Steven Sloane, un chef passionné par le répertoire contemporain. Avec Nicole Chevalier, Nadine Weissmann, Günter Papendell.

Juin 2017 : Zoroastre, de Jean-Philippe Rameau (6 représentations en juin et juillet). Barrie Kosky continue de proposer à Berlin des opéras du répertoire baroque.  Une production qui attire les mouches à mises en scène dont je suis puisque c’est Tobias Kratzer ( Les Huguenots, Le Prophète, Die Meistersinger pour ne citer que les productions que j’ai vues) qui mettra en scène l’œuvre de Rameau, tandis que le chef Christian Curnyn, spécialiste de ce répertoire et bel interprète de Rameau, dirigera la formation de la Komische Oper.

On peut rajouter que celui qui passe une semaine à Berlin début juillet peut voir toutes les nouvelles productions de l’année en un Festival annuel (du 8 au 16 juillet 2017).

Du côté des reprises et du répertoire, ce n’est pas si mal et j’ai essayé de sélectionner :

Die Frau die weiss was Sie will Prod. Barrie Kosky ©Iko Freese :drama-berlin.de
Die Frau die weiss was Sie will Prod. Barrie Kosky ©Iko Freese :drama-berlin.de

Septembre 2016 : Eine Frau die weiss was sie will , d’Oscar Straus, l’ébouriffant succès de cette saison repris pour 8 représentations de septembre à décembre 2016, production de Barrie Kosky dirigée par Adam Benzwi avec Dagmar Manzel et Max Hopp. À ne manquer sous aucun prétexte si vous êtes à Berlin à cette période.

Die Meistersinger von Nürnberg, Prod.Homoki ©Monika Rittershaus
Die Meistersinger von Nürnberg, Prod.Homoki ©Monika Rittershaus

Octobre 2016 : Die Meistersinger von Nürnberg, de R.Wagner, reprise de la production d’Andreas Homoki d’il y a quelques années pour 4 représentations en septembre et octobre . N’oublions pas que Meistersinger est qualifié par Wagner de « grosse komische Oper » et a droit à ce titre à la scène de la Komische Oper de Berlin. C’est Patrick Lange, excellent chef trop peu connu qui dirigera et Hans Sachs sera Tomas Tomasson, Walther, Will Hartmann et Ev,a Johanni van Oostrum.

Rusalka de A. Dvořák pour 6 représentations d’octobre à décembre 2016, dans la mise en scène de Barrie Kosky, dirigé par Henrik Nánási, le GMD. Cela promet du très bon niveau et Nadine Weissmann, la Erda et la Waltraute de Bayreuth, sera ici Ježibaba.

Die Zauberflöte de W.A. Mozart. On aurait bien été étonné qu’une production fétiche de cette maison qui est un must, qu’il faut avoir vue, n’apparaisse pas dans les reprises de l’année. 11 représentations entre octobre 2016 et janvier 2017, sous la direction de Henrik Nánási, la production de Susanne Andrade et du groupe 1927 aura pour couple Pamina/Tamino Nicole Chevalier et Tansel Akzeybek. Manqueriez-vous cela ? Ce serait une erreur, pire, une faute.
Novembre 2016 :

Eugène Onéguine, de P.I.Tchaïkovski, dans une mise en scène de Barrie Kosky (en coproduction avec Zürich) et dirigé par Henrik Nánási, pour 8 représentations entre novembre 2016 et janvier 2017. C’est Günter Papendell un bon chanteur de la troupe, qui sera Eugène Onéguine.

Février 2017 :

Les Contes d'hoffmann Prod.Kosky ©Monika Rittershaus
Les Contes d’hoffmann Prod.Kosky ©Monika Rittershaus

Les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach, 7 représentations entre février et avril 2017 de la production de Barrie Kosky avec ses trois Hoffmann (les trois ténors : Uwe Schönbeck, Tom Erik Lie, Alexander Lewis)et son unique poupée (Nicole Chevalier), dirigé par le très bon Stefan Soltesz.

Ball im Savoy de Paul Abraham, l’opérette qu’il faut avoir vue (une de plus): dans une Nice qui ressemble à Berlin, la rouerie des femmes et la balourdise des hommes, avec un gentil diplomate turc Mustafa Bey qui aujourd’hui ferait scandale. Adam Benzwi dirige bien sûr, Barrie Kosky met en scène bien sûr, et bien sûr Dagmar Manzel emporte la joyeuse troupe. J’ai vu, j’ai rendu compte, j’ai envie de revoir. (8 représentations entre février et avril 2017)

Orfeo par Barrie Kosky ©Iko Freese :drama-berlin.de
Orfeo par Barrie Kosky ©Iko Freese :drama-berlin.de

L’incoronazione di Poppea, de Cl.Monteverdi (nouvelle instrumentation d’Elena Kats-Chernin) reprise de la production inaugurale de 2012 alors en trilogie (Orfeo, Poppea, Ulisse) de Barrie Kosky pour 5 représentations d’avril à juin, dirigé par Matthew Toogood (avril)/André de Ridder avec une distribution qui change selon les dates.
Orfeo, de Cl.Monteverdi (nouvelle instrumentation d’Elena Kats-Chernin), reprise de la production inaugurale de 2012 alors en trilogie de Barrie Kosky pour 5 représentations de juin à juillet dirigée par Matthew Toogood (juin)/André de Ridder.

 

Dans les reprises, on peut aussi voir Don Giovanni, My fair Lady et Carmen, mais déjà le choix est large.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas la Komische Oper ou qui auraient envie de faire l’expérience, je conseille inévitablement de voir une opérette, ou bien Ball im Savoy, ou bien la nouvelle production Die Perlen der Cleopatra ; comme je le répète à mes amis qui naviguent entre Wagner, Verdi et Strauss (Richard), il peut être intéressant de découvrir une autre musique, complètement différente, mais de très grande qualité. Dans le cas d’Oscar Straus, il a traversé les deux guerres mondiales (né en 1870, il meurt en 1954) et a vécu aussi bien à Berlin (où il a étudié auprès de Max Bruch) qu’à Vienne, de plus contrairement à d’autres musiciens qui ont fui le nazisme, il est revenu en Autriche où il est mort. Le genre léger de l’opérette n’est pas dédaigné outre Rhin, y compris par les grands chefs ou les grands chanteurs.

Il y a de nombreux motifs de fréquenter la Komische Oper la saison prochaine, même si on peut s’étonner que Barrie Kosky signe tant de productions. En soi, ce n’est pas une mauvaise chose dans la mesure où Kosky est vraiment l’un des metteurs en scènes intéressants de la scène lyrique européenne. Dans un théâtre où la plupart des intendants sont historiquement tous les metteurs en scène, Walter Felsenstein, Joachim Herz, Harry Kupfer (même si il a été flanqué de Werner Rackwitz, ce qui fut plutôt une chance sous la DDR, puis d’Abert Kost les dernières années) Andreas Homoki et maintenant Barry Kosky, il n’est pas absurde que l’intendant signe de nombreuses productions donnant une couleur au théâtre : humour, bonne humeur, imagination, mais aussi causticité, culture et largeur de vues sont sa signature.  Sa personnalité très fédératrice soude profondément la troupe et les travailleurs de la maison, ce qui est un autre avantage. Et ce qui ne gâte rien, rares sont les productions médiocres ou sans intérêt, avec une troupe solide sans être exceptionnelle, un orchestre sans doute moins prestigieux que les orchestre des deux autres opéras, mais un GMD (Generalmuskidirektor) de très grande qualité (Henrik Nánási), la Komische Oper est un théâtre d’où l’on sort rarement déçu. [wpsr_facebook]

Eugène Onéguine, Prod.Kosky ©Iko Freese :drama-berlin.de
Eugène Onéguine, Prod.Kosky ©Iko Freese :drama-berlin.de