UN EX-CURSUS : VISITE DE L’EXPOSITION BILL VIOLA AU GRAND PALAIS

Tristan's Ascension
Tristan’s Ascension

Puisque l’Opéra de Paris reprend du 8 avril au 4 mai la production de Tristan und Isolde mise en scène par Peter Sellars en 2005, avec les vidéos de Bill Viola (The Tristan project, 2004-2005), créé à Bastille par Esa-Pekka Salonen (un projet de Gérard Mortier), c’est une excellente occasion pour visiter l’exposition Bill Viola du Grand Palais, qui permet de comprendre mieux, à travers le parcours de l’artiste, comment le Tristan project est en quelque sorte un concentré des approches explorées dans différentes œuvres, parfaitement identifiables dans cette rétrospective exceptionnelle…Je conseillerais même au futur spectateur du Tristan d’aller visiter l’exposition en amont, pour mieux comprendre le sens du travail de Viola auprès de Sellars et mieux profiter ensuite de ce spectacle mémorable.
Je ne suis pas un grand connaisseur d’art vidéo, ni de Bill Viola. Je ne le connais vraiment que depuis son Tristan. C’était auparavant un nom qui n’évoquait rien de précis en moi, depuis Tristan und Isolde, c’étaient des œuvres qui m’accrochaient lorsque j’en rencontrais et qui me renvoyaient à ce spectacle exceptionnel.
C’est désormais depuis cette visite un des phares surgis brutalement dans l’histoire de mon parcours artistique.
Je suis en effet ressorti de cette exposition visitée en nocturne, avec un public assez clairsemé, totalement fasciné,  travaillé par le désir de la revoir, de consacrer plus de temps à certaines œuvres, de me replonger dans cette atmosphère à peu près unique.
Alors je mets à disposition des lecteurs de ce blog quelques observations de profane  bien superficielles, mais qui j’espère stimuleront leur curiosité et inciteront à faire le déplacement.
Et je le dis pour les lecteurs non parisiens : elle vaut à elle seule le voyage de Paris.

 

J’ai été d’abord très vite frappé par le dialogue quasi-permanent que  Viola entretient avec la peinture, et notamment celle du Moyen-âge et de la Renaissance: couleur, lumière, accroche de la lumière sur les visages, regards, composition des groupes, tout rappelle un tableau ou l’autre : pêle-mêle viennent à l’esprit Goya (the sleep of reason, voir ci-dessous)

Bosch, Giotto et la peinture religieuse du Moyen âge, notamment dans le traitement de la perspective ou dans les scènes secondaires traitées comme des vignettes : c’est le cas dans The voyage, l’un des  grands formats ( le panneau 4) de la série Going forth by day (Deutsche Guggenheim Museum, Berlin), qui a laissé en moi ce sentiment étrange et rare d’une frustration, cette frustration qui consiste à le quitter des yeux à regret, à quitter la salle à regret, et à continuer de le porter en soi, sans savoir pourquoi.

Going forth by day -The voyage, Deutsche Guggenheim Museum Berlin
Going forth by day -The voyage, Deutsche Guggenheim Museum Berlin

La manière de traiter la lumière et la perspective, le regard sur le paysage et les couleurs changeantes de l’eau, la micro-scène dans la maison à gauche (maison ? espace ? Merci Giotto en tous cas) où meurt un vieil homme, comme une Dormition, le lent départ de la barge vers l’ailleurs (impossible ne pas penser à la barque de Charon ou à la barque funéraire des Egyptiens – c’est d’ailleurs un paysage qui rappelle le lac Nasser),  sa manière de virer dans l’eau et en même temps de changer insensiblement de forme (effets de distance et de perspective), les mouvements vécus comme un mouvement perpétuel, un va et vient, inscrit dans un horizon élargi, à la fois apaisant et inquiétant : il se construit un espace, oui, biblique.
Même si Viola lui-même n’a pas de pensée religieuse, l’influence de la pensée et de la tradition religieuse dans la peinture renvoie immédiatement à une lecture mystique de ses œuvres qui pointent souvent des situations intermédiaires comme ces visions dans la chaleur d’un désert qui transforment la réalité en mirages ou qui troublent tout contour, mais qui pointent aussi des passages, des changements, des contrastes, vie-mort, eau-feu, homme-femme, bébé-vieillard.

Ascension 2000
Ascension 2000

Deux exemples,  l’Ascension, en fin d’exposition, où un homme s’enfonçant dans l’eau en écartant les bras en croix arrive à recréer quelque chose du mouvement du Christ ascendant de Raphaël dans La Transfiguration. Ou la dernière salle, traitée comme une galerie de portraits, mais pris dans l’eau, comme si les êtres étaient morts conservés dans le formol, ou retournés au liquide amniotique.
Je le répète, je ne sais si je suis dans le contresens ou non, mais cette exposition a fait remonter immédiatement en moi des références picturales, chères à mon cœur et enfouies dans ma mémoire affective, et m’a mis en correspondance profonde, intense, immédiate avec les œuvres présentées.
Une première conclusion s’impose : si vous aimez la peinture, si vous voulez la lire à l’aune d’un artiste d’aujourd’hui, venez vous noyer dans cette exposition.

The Quintet of The Astonished (2000), Long Beach, CA
The Quintet of The Astonished (2000), Long Beach, CA

Le regard posé longuement sur Quintet of the Astonished (Long Beach, CA) non seulement fait remonter à la surface des visages à la Caravage, où chaque trait, accordé avec chaque ombre, capture la lumière, mais installe aussi chez le spectateur l’idée de prendre du temps, de laisser le temps nous envahir – c’est aussi la volonté de l’artiste que de casser les rythmes, que d’être dans l’insaisissable ou le presque rien: la fascination naît de l’installation de votre regard fixé sur l’œuvre, et peu à peu, vous commencez à distinguer une main qui se crispe, des yeux qui se ferment, où qui s’ouvrent, des mouvements infinitésimaux qui font insensiblement changer les attitudes, et vous restez, fasciné, avec un extraordinaire sentiment (paradoxal vu le sujet) de bien être, de profonde sérénité qui vous saisit, non pas celle de l’image, en soi plutôt tendue, mais une sérénité intérieure, au point que les bruits émergeant d’autres salles (soupirs, explosions) vous saisissent, vous surprennent, vous dérangent dans l’intimité que vous venez d’installer dans votre rapport à l’œuvre: ce qui fascine dans ce Quintet, ce sont les mouvements insensibles qui peu à peu changent la posture du groupe, changent l’image et en même temps l’installent dans une sorte de permanence ; je ne sais pourquoi, j’ai pensé à Messiaen et à son Quatuor pour la fin du temps comme si l’évolution de l’image vidéo me renvoyait à une progression musicale : la musique est un art profondément lié au temps, aux rythmes, au tempo : Viola est profondément, intimement, je dirais, essentiellement (au sens fort), musical.

 

N ‘hésitez pas à vous asseoir, à vous lover sur le sol, à vous installer. Soyez confortable
car si vous passez seulement comme certains le font dans les expositions devant n’importe quel tableau, en jetant un regard fugace, c’est sans intérêt car vous ne percevrez rien : la qualité de votre rapport à l’œuvre dépend du temps dans lequel vous vous enfoncez en elle. Une telle exposition est une école du regard, une école du temps qui passe, une école de la concentration sur une flaque d’éternité. Telle était la définition du poème par Rimbaud, telle est l’expression qui me vient en repensant à chaque moment de cette exposition.
C’est pourquoi je vous conseille une visite nocturne, commencée vers 19h et achevée vers 22h. Trois heures de suspension totale, dans une obscurité apaisante, cela suffira à peine si vous voulez voir les œuvres dans leur évolution et dans le temps qu’elle exige.

Inévitablement, vous passerez un temps très long dans la grande salle qui conclut le premier niveau de l’exposition, où est exposé, à la manière de fresques de Giotto, le cycle Going forth by day avec d’un côté The path, un défilé d’humains qui parcourent un sentier forestier (en même temps, ceux qui auront vu Die Zauberflöte à l’Opéra-Bastille verront que Carsen et son vidéaste puisent leur inspiration aux meilleures sources), mimant ainsi le parcours de la vie, chaque panneau envisageant ce parcours d’une manière différente. Particulièrement fascinants les deux panneaux latéraux, qui font face au Path, The voyage, dont il a été question plus haut et

Going forth by day -The first light, Deutsche Guggenheim Museum Berlin
Going forth by day -The first light, Deutsche Guggenheim Museum Berlin

The first light, à la fois hyperréaliste et totalement abstrait, avec son paysage lunaire, ses reflets aquatiques irréels, et le surgissement d’une ascension-aspiration d’un corps émergeant des eaux. First light certes, mais une lumière totalement étonnante et incroyablement changeante, je dirai changeante-fixe, et en

Going forth by day -The first light, Deutsche Guggenheim Museum Berlin
Going forth by day -The first light, Deutsche Guggenheim Museum Berlin

même temps images élémentaires : terre, feu, eau.
L’eau tout particulièrement fascine Bill Viola : elle peut-être stagnante ou tellement calme qu’elle en semble fixe (comme dans The voyage), elle peut surgir comme dans The Deluge (Panneau 3 du cycle), un tableau qui semble sorti d’un cadre de Magritte, avec des silhouettes qui s’agitent, qui portent des

Going forth by day -The deluge, Deutsche Guggenheim Museum Berlin
Going forth by day -The deluge, Deutsche Guggenheim Museum Berlin

meubles, qui passent, qui descendent, et où l’eau surgit subitement avec un bruit énorme envahissant tout, faisant éclater fenêtres et portes, chutant, explosant comme ces fontaines de jardins ou de places baroques. Une vision d’une telle violence qu’elle casse évidemment l’ambiance d’apesanteur qui régnait jusque là dans toute la salle, même si en face à cette

Going forth by day -The deluge, Deutsche Guggenheim Museum Berlin (photo privée)
Going forth by day -The deluge, Deutsche Guggenheim Museum Berlin (photo privée)

eau explosive, sur le quatrième mur on a le feu, ses explosions, ses laves, au travers desquelles nous passons, puis que l’image est projetée autour et dans le sas d’entrée.

Fire woman
Fire woman

L’eau, on la retrouve bien sûr dans la salle où est présenté Fire woman, extrait du Tristan Project : un feu énorme, vertical, comme un tableau d’autel apocalyptique, qui projette en contre jour/en contre feu une silhouette féminine qui tombe brutalement…dans l’eau, car ce feu se reflète dans l’eau et meurt peu à peu dans un jeu de reflets: le feu se survit et se démultiplie dans son reflet aquatique pour finir littéralement noyé dans un bleu profond ; sur le même espace, lié à l’œuvre précédente, la fameuse Tristan’s Ascension à la fois aérienne et aquatique, où les bulles d’air créent le mouvement ascendant, et qui dans la production de Sellars accompagne la Liebestod.

Four Hands (National Galleries of Scotland) 2001
Four Hands (National Galleries of Scotland) 2001
Four Hands (2)
Four Hands (2)

Dernières notes (je laisse au spectateur curieux le soin de découvrir les autres œuvres fascinantes) : Four Hands (National Galleries of Scotland, 2001)…ou comment le concret de quatre mains diverses, de générations diverses mais de la même famille, peut devenir abstraction, pure et simple forme qui fait oublier l’objet même et,

Catherine's room (Tate, 2001)
Catherine’s room (Tate, 2001)

Catherine’s Room (Tate, 2001), un polyptique en petit format, variation sur un espace à la Vermeer, mais aussi sur ces récits imagés (vies de saints) qu’on affectionne au Moyen-âge, avec la déclinaison d’un même espace, aménagé tour à tour d’une table, ou d’un lit, ou de bougies multiples, où le modèle évolue, sorte de silhouette androgyne à la fois très réaliste et presque immatérielle.
Par ces quelques observations, j’ai essayé de vous transmettre mes impressions, le choc qui m’a saisi en parcourant cette exposition, que j’irai évidemment revoir (elle dure jusqu’en juillet) en me donnant plus de temps. Elle demande de la disponibilité, de la concentration, de la liberté : en bref, elle demande tout ce qu’on imagine pas que l’image vidéo puisse demander. La vidéo, c’est souvent un défilé rapide d’images et des messages flash, c’est souvent totalitaire (ce que raconte Tcherniakov dans La Fiancée du Tsar, voir l’article dans ce blog).
Ici la vidéo, c’est un espace infini pour faire rêver, un temps complètement suspendu, c’est un pur espace de poésie.

Ici, il faut au contraire prendre son temps, pour lire, pour décrypter, pour se laisser aller, pour rêver aussi, car chaque œuvre laisse en vous une histoire se créer, une histoire qu’on se construit, qu’on s’imagine, qu’on projette, dans un rapport bijectif.
Dans Tristan und Isolde (comment ne pas avoir envie d’y retourner – ce serait ma sixième vision-), la musique créait l’histoire qu’on se racontait en voyant les images de Viola, à la fois historiées et autonomes : j’aimerais revoir ce travail à l’éclairage de cette exposition, pour suivre le fil rouge de l’inspiration, pour créer désormais des rapports plus intimes et intérieurs, pour étudier encore mieux le lien à la musique, comme un retour à l’élémentaire , à l’origine du monde et des sons, comme une expérience encore et toujours initiatique.
On ne finit jamais d’aimer.
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Goya: Le sommeil de la raison
Goya: Le sommeil de la raison
The sleep of reason (1988), Carnegie Museum of Art, Pittsburgh
Et Viola: The sleep of reason (1988), Carnegie Museum of Art, Pittsburgh

 

LUCERNE FESTIVAL 2010: TRISTAN UND ISOLDE, de Richard WAGNER, dirigé par ESA PEKKA SALONEN, avec VIOLETA URMANA (10 septembre 2010)

100920102299.1284197656.jpgSouvent, lorsqu’on écoute du Wagner, même si l’interprétation est moyenne, la musique réussit presque toujours à émouvoir. Quand tout est parfait, ce qui fut le cas ce 10 septembre à Lucerne, alors le succès prend des proportions  océaniques.
Ce Tristan restera dans les mémoires. Les parisiens le connaissent bien puisque c’est la production Sellars/Viola, qui fit l’objet de trois reprises sous l’ère Mortier, qui a été présentée à Lucerne, avec une distribution très différente (Violeta Urmana, Isolde, Gary Lehman, Tristan), l’orchestre Philharmonia et son chef titulaire, Esa Pekka Salonen.Ce spectacle a été conçu pour des salles de concert (Los Angeles) et pour une utilisation complète de l’espace de la salle. On se souvient que le dispositif scénique à paris était minimal (rideau noir, cubes noirs et écran) et que les chanteurs apparaissaient sur les côtés de la salle, ou au milieu des places d’orchestres. L’espace réduit dévolu au jeu dans la salle de Lucerne (à peine 1m de large devant l’orchestre) fait que l’on utilise souvent la salle en y distribuant le choeur, quelques musiciens solistes, quelques chanteurs. Et cette salle, qui est comme une cathédrale musicale, tout en verticalité, convient bien à la mise en scène, conçue comme un rituel, une ascension vers le ciel.  A la quatrième vision, on reste toujours saisi par les images impressionnantes de Bill Viola, dont la force ne gêne pas l’exécution. Au contraire, elles s’intégrent parfaitement dans la musique et le jeu théâtral minimaliste. Peter Sellars a prévu un dispositif minimal, dans l’espace mais aussi dans les gestes. Un geste à peine esquissé dit souvent plus que bien des démonstrations. La vidéo de Bill viola est construite autour des quatre éléments, avec une insistance sur l’eau, l’eau qui régénère, mais aussi l’eau qui tue. Tout le premier acte est fait d’images sublimes de reflets qui se diluent dans l’eau jusqu’à s’y fondre, d’échos avec l’idée de flamme, l’arrivée des deux héros, au loin, si loin que leur silhouette blanche peut sembler une chandelle, et qui se rapprochent jusqu’à composer deux portraits côte à côte comme ces portraits de couples flamands, le deuxième acte est construit autour de la flamme au départ, puis de forêts ou d’arbres morts, dans un monde fait de  grisaille, le troisième acte automnal, jusqu’à cette fantastique image qui accompagne la mort d’Isolde, où l’on voit le corps de Tristan comme aspiré par l’eau jusqu’au ciel où il retrouve Isolde, dans une lumière bleue inoubliable. L’image colle tellement à notre sensibilité, à la musique, aux voix, que l’on a l’impression de voir projetés des images personnelles. Autre performance aussi dans ce spectacle d’exception, la fluidité permis au regard qui peut passer de l’écran aux chanteurs, de deux à trois dimensions sans impression de rupture, avec un naturel confondant.

L’équipe de chanteurs n’appelle aucun reproche. Habituellement j’ai de grosses réserves sur Violeta Urmana, force et de constater que son Isolde a été magnifique de bout en bout, émouvante, engagée, sculpturale dans sa simple robe noire. Aucun de problèmes habituels (aigus criés, absence de vitalité interne), mais au contraire une Isolde palpitante, intense, bouleversante au second acte. A cette Isolde répond magnifiquement lui aussi le Tristan de Gary Lehman, voix très veloutée, diction parfaite, puissance des aigus impressionnante, avec une seule petite réserve sur le registre central, mais l’ensemble distille une très grande émotion. Anne Sofie von Otter est une très grande Brangäne,on connaît cette voix exceptionnelle, qui sait donner des couleurs prodigieuses à l’univers du lied qui est sien. Ici tout y est, intensité, puissance (des aigus étonnants), tenue de voix (le deuxième acte est anthologique, avec ses retenues, ses mezze-voci, ses murmures), on atteignons là un sommet, dans un rôle où je ne l’attendais pas. Les autres sont tous à citer, le Kurwenal de Jukka Rasilainen, simple, humain, à la diction parfaite, aux inflexions les plus fines et les plus fouillées, avec un troisième acte bouleversant, et le Roi Marke de Matthew Best, pourtant annoncé souffrant, et qui est saisissant de grandeur simple et d’émotion, d’autant que Peter Sellars voit le Roi Marke comme un personnage découvrant son amour …pour Tristan et faisant de la seconde partie du deuxième acte un lamento de l’amour détruit, avec Tristan presque coincé entre Isolde et Marke. Beau Melot de Stephen Gadd, Joshua Elicott et Darren jeffery complétant très avantageusement une distribution parfaite.

100920102301.1284197698.jpgDe plus, le fait de mettre des voix devant l’orchestre fait qu’enfin dans cette salle faite pour les orchestres, on entend, très présentes les voix, quelles que soient leur place dans la salle, puisque Peter Sellars utilise orchestre, galeries, balcons pour distribuer des personnages, spatialisant l’oeuvre (comme il le fit pour la Passion selon saint Mathieu à Salzbourg et à la Philharmonie de Berlin, ou comme le fit Abbado pour Parsifal à la Philharmonie de Berlin, inoubliable) . Peter Sellars, qui commença sa carrière dans l’hyperrréalisme (souvenons nous de sa Trilogie Mozart-Da Ponte), est en train d’évoluer vers un hiératisme tout aussi parlant. C’est un travail d’une rigueur prodigieuse.
Rigueur prodigieuse et précision, mais aussi lyrisme, rondeur de son, chaleur, engagement, et maîtrise parfaite des instruments, voilà ce qu’on peut dire du travail de Esa Pekka Salonen et du Philharmonia. J’avais adoré sa direction à Paris, je suis de nouveau convaincu. Une direction lente, mais tenue, avec des explosions phénoménales: le final du 1er acte ne peut être oublié, avec cette musique se déversant partout dans la salle, le chef se tournant dans tous les sens, et l’impression d’apothéose grandiose qui s’en dégage.Un travail d’un rare lyrisme, d’une intensité inouïe, provoquant souvent les larmes, et un orchestre exceptionnel (on retrouve l’âge d’or de Klemperer): le solo du cor anglais du début du troisième acte (la mélopée du pâtre) nous laisse figés par la stupéfaction et l’émotion.

Grandiose, oui, grandiose et mémorable. Encore une de ces soirées qu’il vaut la peine de vivre et qui nous fait dire une fois de plus: il faut aller à Lucerne. 100920102302.1284197631.jpg