IN MEMORIAM CHRISTOPH SCHLINGENSIEF

transformphp.1282484185.jpgPhoto prise sur le site de la Staatsoper de Berlin

On le savait très malade, mais il était encore plein de projets et devait mettre en scène une création mondiale pour le Staatsoper de Berlin cet automne (Metanoia de Jens Joneleit, direction Daniel Barenboim). Christoph Schlingensief est mort hier, au termes de grandes souffrances et d’un long cancer du poumon qui a fini par le vaincre, par vaincre cet esprit libre, bouillonnant, amoureux de la vie, d’un courage exceptionnel ces dernières années.
C’est un grand du théâtre allemand qui disparaît. De la scène théâtrale et de la scène artistique, tant ses productions étaient souvent proches de la performance: les musées d’ailleurs faisaient aussi appel à lui. Passionné par l’Afrique, il travaillait en lien notamment avec le Burkina Faso et s’inspirait dans ses spectacles de l’art africain ou de la tradition africaine.
On le connaît peu en France, son style de travail ne correspond absolument pas à ce qu’on aime chez nous, ou du moins il n’était sans doute pas très lié aux cercles français de théâtre. J’ai vu pour ma part un seul de ses travaux, la fameuse mise en scène de Parsifal, au Festival de Bayreuth, en 2002, dirigée par Pierre Boulez pendant deux ans, puis par Adam Fischer pendant deux autres années. J’avais aimé ce spectacle, foisonnant, multiple, excessif, très intellectuel (trop?), qui m’a obligé à lire beaucoup, à me plonger dans Joseph Beuys et son oeuvre, et dans l’univers de Schlingensief, à travers son remarquable site internet http://www.schlingensief.com/start.php

Pierre Boulez m’avait dit de lui “mieux vaut avoir trop d’idées que pas assez “. En effet, son Parsifal était en fait, à travers le déroulement de l’oeuvre, une réflexion sur le religieux  et sur les idées que Wagner lui-même y avait introduit, une sorte de christianisme mâtiné d’Orient, que Schlingensief avait coloré aussi d’Afrique, à travers une lecture très originale  de la céremonie du Graal vue comme l’expression des forces les plus primitives et les plus animales et animistes du monde. Cette mise en scène avait agacé le public, beaucoup l’avaient carrément refusée, partant en cours de représentation. Elle bénéficiait au départ de l’extraordinaire direction de Pierre Boulez, et je dois dire que certaines scènes, notamment au premier et au troisième acte, m’avaient impressionné. le deuxième acte, plus “théâtral”, est toujours resté la partie plus faible du spectacle.
Il est sûr que l’on pouvait être dérouté par ces visions mêlant cinéma, art, performance, chant, musique, et que la compréhension était loin d’être immédiate, même si le travail n’avait rien d’une provocation gratuite, et était éminemment sérieux, motivé, intelligent, mais déroutant, échevelé,  inhabituel, alignant les idées les unes derrière les autres. En tous cas, son Parsifal m’a tant marqué que j’ai suivi ensuite régulièrement  son travail, et que je lisais son site avec beaucoup d’intérêt.

Il part deux mois avant son cinquantième anniversaire (24 octobre 1960-21 août 2010). Peu de gens l’auront connu en France et c’est très dommage. Il était un grand témoin de la vitalité de la scène allemande, discutable, discuté, passionnant. Bravo, bravo, bravo.