GEWANDHAUS LEIPZIG 2016-2017: CONCERT du GEWANDHAUSORCHESTER dirigé par DANIELE GATTI le 2 OCTOBRE 2016 (HINDEMITH-BRAHMS)

Daniele Gatti et Gewandhausorchester le 2 octobre 2016
Daniele Gatti et Gewandhausorchester le 2 octobre 2016

D’août à octobre, Daniele Gatti a dirigé trois des orchestres les plus importants dans le monde, son Concertgebouw, les Berliner Philharmoniker et le Gewandhaus de Leipzig, dans des programmes allant de Mahler à Debussy, de Dutilleux à Hindemith, d’Honegger à Bruckner, mais aussi Verdi, Respighi, Saint Saëns et d’autres. Gatti aime à composer des programmes passionnants faits d’œuvres peu connues alternant avec d’autres plus familières au public.

Il dirigeait pour la première fois le Gewandhausorchester de Leipzig en cette fin de septembre et a choisi un programme inattendu offrant la symphonie « Mathis der Maler », rarement exécutée de Paul Hindemith, créé à Berlin par Furtwängler en 1934, tandis que l’opéra éponyme, interdit par les nazis , a été créé à Zurich en 1938; cette première partie était combinée avec la plus connue Symphonie n°1 de Brahms, appelée par Hans von Bülow, la  «Dixième de Beethoven», même si elle n’est pas la plus souvent exécutée des quatre symphonies de Brahms.
Le Gewandhausorchester de Leipzig est peut-être avec la Staatskapelle de Dresde, l’orchestre allemand plus «traditionnel», fondé en 1781, spécialisé dans le répertoire romantique allemand, dans la tradition de son plus célèbre directeur musical, Felix Mendelssohn Bartholdy.
En deux semaines, Daniele Gatti a donc dirigé deux des orchestres allemands les plus emblématiques, et chaque fois avec immense succès.

La salle actuelle du Gewandhaus, inaugurée en 1981, a une acoustique exceptionnelle avec un belle proximité de l’orchestre en dépit de ses 1900 places. Exceptionnel l’orchestre également, dans la grande tradition de la musique symphonique allemande, de très haut niveau avec des cordes remarquables. Daniele Gatti a été en mesure de vérifier la qualité et l’engagement de l’orchestre, qui avait joué très peu de Hindemith.

Le retable d'Issenheim
Le retable d’Issenheim

La symphonie de Hindemith est, si l’on peut dire, que une symphonie à programme, car elle décrit trois panneaux du célèbre Retable d’Issenheim, en trois mouvements.
La première moitié était Engelkonzert (Concert des anges), le second Grablegung (la déposition), le troisième Versuchung des heiligen Antonius (La tentation de Saint Antoine) . Le premier mouvement correspond à l’un des panneaux intérieurs, le second à la prédelle, le troisième au retable ouvert…Musicalement Hindemith a écrit la symphonie en phase avec la composition du texte qu’il écrit lui-même pour l’opéra.

Concert des anges
Concert des anges

Dans le triptyque musical composé par Hindemith, le premier mouvement de la symphonie correspond à l’ouverture de l’opéra. Hindemith retrouve un classicisme qui revient sur les expériences musicales antérieures. Le ton sobre de la première moitié le confirme : pianissimo commençant avec les cordes tressées avec clarinettes, hautbois et flûte pose un cadre très solennel, qui ne convient pas à l’idée du concert des anges, traditionnel dans le retable de la Renaissance, italienne  en particulier.
Le démarrage très lent, est suivi par un rythme plus léger, plus rapide grâce à de magnifiques cordes en particulier les violoncelles. Gatti retient l’orchestre, pour donner plus de poids à un début presque mystique, puis la musique devient plus légère, et tout l’orchestre participe, des cors au Glockenspiel. S’ouvre alors une partie symphonique, où l’air circule, et où la lisibilité de l’orchestre est totale. Gatti maintient et maintiendra tout au long de l’exécution d’une forte tension qui correspond essentiellement aux tableaux de Grünewald, tirant vers la vision dramatique et acerbe d’un Jérôme Bosch. La correspondance (au sens baudelairien du terme) musique-peinture est un topos esthétique et la partie consacrée aux anges-musiciens en est en quelque sorte l’emblème. Gatti est à la recherche d’une couleur très sévère mais aussi solennelle, presque crépusculaire, qui ne se perd jamais dans l’anecdotique mais où comme souvent, s’impose le drame ; dans ce travail, l’intention est clairement de faire correspondre la mystique de la peinture avec celle de la musique et de chercher des correspondances poétiques.

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Grablegung (Déposition)

Le moment de la  “Grablegung”, de la déposition du Christ (second mouvement), assez bref, est un moment “en suspension” pour ainsi dire, où le dialogue des instruments entre eux est au service d’un monde intériorisé; si la tension y est toujours forte,  Gatti impose une manière de grandeur spectrale qui frappe par son intensité. La seconde moitié a été insérée dans l’opéra comme intermède dans le dernier tableau. Cette musique a pour but d’être une musique funèbre, avec un engagement particulier des cordes(fantastiques), et un magnifique dialogue avec les bois (en particulier flûte); Gatti  impose de forts contrastes de volume, qui met en exergue la flûte et le hautbois et en sourdine des pizzicati qui sonnent en rythme sombre. Ensuite le volume augmente, finit par s’ouvrir tout en se clarifiant dans une sorte de luminosité métaphorique de celle de la peinture. Mais après le silence qui suit, la parole retourne aux bois, bientôt  reprise par les cordes, comme un monde qui s’éteint dans le doute ou le refus .

La tentation de Saint Antoine
La tentation de Saint Antoine

Le dernier mouvement de la symphonie est le plus long ; Hindemith l’a inséré dans le sixième tableau de l’opéra, il est écrit dans la partition l’indication de la main même de Hindemith « ubi eras,  bone Jhesu, ubi eras ? Quare non affuisti sanares ut vulnera mea? » (Où étais-tu- Jésus, où étais-tu ?, pourquoi n’est tu pas là pour fermer mes blessures?) c’est là, clairement, la partie la plus dramatique où la tension est à son comble, et qui correspond à la représentation très référencée à Jérôme Bosch de la Tentation de Saint Antoine au milieu d’un bal des démons.
Le début est en crescendo presque wagnérien, et inquiétant en même temps, plus rapide et plus spectaculaire que tout ce qui précède. La musique se fait plus désordonnée, alternant traits violents aux cuivres et cavalcade des cordes, comme une course à l’abîme. Gatti se soucie beaucoup de la dynamique et ruptures qui débouchent sur le solo de hautbois alors qu’en sourdine sont repris les thèmes précédents. Il se montre ici un véritable metteur en scène du son, qui met en évidence tous les niveaux mais aussi et surtout le drame, avec des notes tenues qui s’amenuisent jusqu’à l’inaudible, et des reprises des cordes graves (violoncelles et contrebasses étonnants) qui figurent la lutte contre les démons : cette tension, Gatti la soutient jusqu’au choral final où le ciel s’ouvre après la bataille de manière impressionnante et imposante,  presque brucknérienne. Moment fantastique.

 

La symphonie de Brahms est interprétée sur un ton assez similaire. Le début du premier mouvement, un poco sostenuto-Allegro, ponctuée par des timbales qui font point d’orgue sonne presque sépulcral. Le tempo n’est jamais rapide, toujours dramatique, comme un conflit de masses telluriques qui donne des frissons. La couleur générale est celle d’un romantisme tendu, jamais apaisé, dans une forme qui marque un retour au classicisme. En ce sens, et Hindemith et Brahms marquent un retour aux formes classiques qui font ensemble programme au total très cohérent.
La très large respiration, sans jamais précipiter les choses, adoptée par Gatti donne à la symphonie une couleur non pas amère, mais quasi tragique. Les auditeurs de l’époque de la création soutenaient que la symphonie semblait très proche de Beethoven, et pas vraiment novatrice : on sait que Brahms est venu tard à la forme symphonique et que la composition de cette première symphonie a duré plus de dix ans: Gatti rend palpable la difficulté, avec des moments où nous lisons le stress, l’anxiété, l’absence de sécurité. Il y a une couleur mélancolique, crépusculaire qui domine ce premier mouvement, que Gatti maintiendra tout au long du concert, même dans les moments plus souriants.

Le deuxième mouvement, andante sostenuto, commence de manière plus calme, donnant notamment aux splendides cordes du Gewandhaus une couleur particulière jusqu’à l’intervention du basson dans ce dialogue presque « sylvestre ». Ce dialogue poétique et mélodique est ponctué de moments plus sombres, marqués par des silences, qui maintiennent la tension dramatique évoquée dans le premier mouvement : le dialogue bois/ cordes est tout à fait remarquable, même si les cordes impressionnent plus encore par leur souplesse et leur ductilité. Cependant, l’ensemble de l’orchestre suit le chef avec une grande précision et un engagement sans failles. L’auditeur reste marqué par des moments de grande respiration comme le dialogue entre le hautbois et le premier violon, magnifique. Le premier violon en outre clôt le mouvement avec une poésie incroyable et une notable raffinement.

Le troisième mouvement, un poco allegretto e grazioso, ouvre un moment plus ouvert, plus fluide, et un peu plus dynamique avec une clarinette de rêve qui dialogue avec les cordes sans rupture aucune. Le son est puissant, même si la mélodie éclaircit et allège l’audition, et se prolonge dans un arc à grande respiration de couleur beethovénienne. Néanmoins c’est toujours cette couleur tragique et crépusculaire qui domine l’exécution .

Le dernier mouvement Adagio – Più Andante – Allegro non troppo, ma con brio – Più Allegro commence par un crescendo tendu, dramatique, ce qui est peut-être le moment le plus fort et le plus réussi du concert, avec un son retenu, qui prépare l’exposition future, avec un silence scandé par les pizzicati en sourdine, qui met tous les auditeurs en attente, en une sorte de moment théâtral en suspension  parfaitement mis en scène par le chef, qui contrôle avec précision les musiciens (main gauche) et qui se clôt en moments inquiétants, à la limite tempétueux, (on pense à la Pastorale) avant l’intervention des cuivres et de la flûte. Ce début est magistral, presque inédit, de sorte que “l’hymnus” qui suit et qui est le thème principal du mouvement, lent et solennel, est accueilli presque par un soupir d’apaisement ou de soulagement. Moment extraordinaire, presque un coup de théâtre, qui introduit le sourire et la paix là où l’auditeur était envahi d’un sentiment de tension. Suivent des moments impressionnants d’échos entre les instruments, avec un souffle incroyable, où l’on voit la «joie de faire de la musique ensemble», qui ouvre sur l’extrémité de la coda torrentielle, rythmée par le bruit sec de la timbale, en une ouverture presque religieuse, le torrent divin en quelque sorte, après des visions d’une nature pleinement romantique.

En conclusion, un concert passionnant qui a secoué le public plutôt calme du dimanche matin, avec des cris et des bravos, mais aussi tout l’orchestre. Il suffisait de voir les musiciens à la sortie des artistes attendant le chef pour lui prodiguer des signes de satisfaction, de connivence et des applaudissements, pour comprendre que quelque chose de puissant était passé entre eux et lui. [wpsr_facebook]

Gewandhaus Leipzig ©Jens Gerber
Gewandhaus Leipzig ©Jens Gerber

 

LUCERNE FESTIVAL 2014: ALAN GILBERT DIRIGE L’ORCHESTRE DU GEWANDHAUS DE LEIPZIG le 7 SEPTEMBRE 2014 (CERHA, BEETHOVEN)

Concert du 7 septembre (Gewandhaus Leipzig) © Priska Ketterer/Lucerne Festival
Concert du 7 septembre (Gewandhaus Leipzig) © Priska Ketterer/Lucerne Festival

J’avais repéré une troisième de Mahler avec l’orchestre du Gewandhaus dirigé par Riccardo Chailly qui avait évidemment excité ma curiosité. La blessure de Chailly et ses annulations estivales ont amené, pour la première fois à Lucerne, Alan Gilbert, dont des amis dignes de foi disent que cette Troisième, à laquelle je n’ai pu malheureusement assister était plutôt intéressante.
J’ai en revanche assisté au programme de la veille, centré autour de la Symphonie n°9 de Beethoven, avec outre la symphonie, la Paraphrase über den Anfang der 9. Sinfonie von Beethoven qui ouvrait le concert. Que ceux qui confondraient paraphrase et variations se rassurent, on a peine à reconnaître dans cette œuvre d’une quinzaine de minutes une trace claire du début de la symphonie ; il s’agit d’un exercice de style dans une tradition purement formaliste sur les quartes descendantes du début du premier mouvement. Au delà de l’exercice formel, c’est une musique qui apparaît déjà datée, et pour tout dire, sans intérêt majeur même si la musique contemporaine permet toujours de se concentrer sur l’audition sans références et donc d’être tout à l’œuvre et non à ses propres souvenirs.
Néanmoins, elle permet en même temps d’écouter d’une autre manière la symphonie de Beethoven, célébrissime, c’est à dire de mieux se concentrer sur les formes, car c’est ce qui domine dans l’exécution du Gewandhaus, d’une très grande clarté, et dans la volonté visible du chef de dégager les formes, les motifs, les éléments de l’instrumentation dans l’œuvre de Cerha et d’offrir une grande lisibilité qu’on retrouvera tout au long de la soirée.
Cette lisibilité, qui est un caractère fort de l’exécution de la IXème symphonie de Beethoven, n’a pas empêché une exécution perturbante, voire difficilement supportable, au moins des trois premiers mouvements, et notamment du premier.

Alan Gilbert le 7 septembre 2014 © Priska Ketterer/Lucerne Festival
Alan Gilbert le 7 septembre 2014 © Priska Ketterer/Lucerne Festival

Difficilement supportable pur mon goût parce que l’on est face à une manière de jouer Beethoven qu’on n’imagine presque plus, avec de forts contrastes, avec un rythme haché, sans aucun legato, voire martial, un Beethoven enfoui dans le passé, ou du moins ce qu’on s’imagine du passé, où Furtwängler serait un exemple de douceur de discrétion et de légèreté, comparé à ce qui nous a été donné d’entendre. J’ai sans doute trop l’habitude d’exécutions fluides, avec des formations à l’effectif plus raisonnable, avec un volume plus léger pour pouvoir apprécier ce rouleau compresseur. Je suis disponible à toutes les interprétations, mais celle-ci m’a vraiment pesé.
Certes, Alan Gilbert est un grand technicien, au geste net, précis, vaste, il possède un art assez remarquable de faire émerger le son de l’orchestre, d’isoler tel ou tel pupitre, avec un orchestre qui répond très bien aux sollicitations. L’orchestre est évidemment dans son répertoire, et s’y retrouve  comme phalange de référence  dans les grands orchestres de tradition germanique: cuivres somptueux, bois sans scories  avec une virtuosité remarquable, belles cordes charnues et sonores. Ce qu’on ne retrouve pas, c’est l’esquisse de l’esquisse du début d’un peu de lyrisme, d’un peu de subtilité, ou même de sensibilité.

Les choeurs le 7 septembre 2014 © Priska Ketterer/Lucerne Festival
Les choeurs le 7 septembre 2014 © Priska Ketterer/Lucerne Festival

On reste dans la grosse machine, impression confirmée par la vision spectaculaire de la masse orchestrale et du chœur gigantesque, formé du chœur du Gewandhaus, du chœur de l’opéra de Leipzig, du chœur d’enfants du Gewandhaus avec ses vestes rouges qui font une joli tache de couleur vive au milieu de cette masse sombre, roses rouges sur un dais funèbre. Nous sommes dans le démonstratif, dans l’affichage loin de la joie intériorisée, où perce la tendresse. Ici on veut écraser.
Évidemment, le dernier mouvement est par la force des choses, le plus réussi ou le moins discutable, dans la mesure où cette construction interprétative y conduit directement. Effet de masse, excellence du chœur, et solistes un peu perdus dans toute cette abondance de biens, placés sur le côté entre les bois et les cordes. Des quatre solistes, le ténor Steve Davislim a du mal à faire entendre une voix légère et chaleureuse, dont la projection n’en peut mais : seul face à deux cent cinquante personnes décidées à en découdre, il n’y arrive pas. En revanche , Dimitri Belosselsky a montré une voix de basse bien timbrée, claire, posée, et engagée, bien plus convaincant qu’à d’autres occasions. Gerhild Romberger, entendue plusieurs fois ces dernières années  qui est devenue la grande spécialiste des interventions de mezzo dans les concerts, notamment mahlériens, a toujours cette voix à la fois profonde et magnifiquement projetée, avec de notables qualités de diction. Quant à la jeune Christina Landshamer, elle montre une voix de soprano très claire, très fraiche, à la jolie technique : c’est elle la vraie surprise du quatuor.

De gche à dte: Chriustina Landshamer, Gerhild Romberger, Steve Davislim,Dmitri Belosselsky © Priska Ketterer/Lucerne Festival
De gche à dte: Chriustina Landshamer, Gerhild Romberger, Steve Davislim,Dmitri Belosselsky © Priska Ketterer/Lucerne Festival

Triomphe final, standing ovation, au bout du compte assez courte ; un concert techniquement parfait, musicalement très discutable. L’exécution m’est apparue surannée et à la limite gênante, malgré un dernier mouvement qui de lui même soulève les cœurs et les âmes, en particulier dans la période que nous vivons. En appeler à la fraternité, à l’union, à la joie et à l’amitié semble bien décalé, voire osé, voire subversif face à l’individualisme des temps, aux replis sociétaux, aux joies du racisme en bref, à la barbarie du quotidien ou plutôt à la barbarie tout court. [wpsr_facebook]

Sebastian Breuninger Konzertmeister du Gewandhaus (et du LFO) © Priska Ketterer/Lucerne Festival
Sebastian Breuninger Konzertmeister du Gewandhaus (et du LFO) © Priska Ketterer/Lucerne Festival

LUCERNE FESTIVAL 2014: LE FESTIVAL D’ÉTÉ (15 AOÛT-14 SEPTEMBRE 2014) et le FESTIVAL PIANO (22-30 NOVEMBRE 2014)

La salle du KKL

Abbado et Brahms, Haitink et Schumann, Rattle et Bach, Chailly et Mahler, Midori, Hannigan, Bartoli… et tant d’autres !

 

Cette année, le programme du Lucerne Festival (Sommer), le festival d‘été paraît avec un mois d’avance sur les dates habituelles : il y a évidemment derrière une stratégie visant à devancer d’autres festivals concurrents, Salzbourg entre autres, qui programme souvent les mêmes concerts puisque les orchestres font leur tournée d’été obligée, passant par les deux plus grands festivals d’orchestres en Europe, et dans  les mêmes programmes quelquefois.
Lucerne est un lieu enchanteur, mais dans un contexte économique tendu, les prix pratiqués restent très sélectifs, notamment pour un public non helvétique. Il reste qu’il faut s’y prendre vite pour acheter des billets à des tarifs raisonnables  (à partir de 30 ou 40 CHF). Réservations en ligne à partir du 10 mars 12h et par écrit à partir du 17 mars.
Par rapport à la programmation exceptionnelle de 2013, due au 75ème anniversaire de la création du festival, l’édition 2014 est redimensionnée ; par ailleurs, la crise est passée, en Suisse aussi, pour un Festival très largement autofinancé ou aidé par des sponsors privés (Crédit Suisse, Nestlé, Zürich Versicherung et Roche) : Nestlé est par exemple le sponsor régulier du Lucerne Festival Orchestra.
Les deux éléments symboles du « règne » de Michael Haefliger à la tête du Festival sont d’une part le Lucerne Festival Orchestra lié à Claudio Abbado et la Lucerne Festival Academy liée à Pierre Boulez qui ne dirigera pas, mais qui est toujours présent comme pédagogue.

C’est un cycle Brahms qui ouvrira le Festival d’été avec Claudio Abbado dans  deux programmes intégralement dédiés à Brahms, dont on peut supposer qu’il se poursuivra en 2015, puisque deux symphonies sur les quatre sont programmées cette année (les symphonies n°2 & 3).
Le thème de l’année est « Psyché », en lien avec les effets psychiques de la musique, commençant par le mythe d’Orphée et la soirée d’ouverture aura lieu le vendredi 15 août 2014 avec le concert inaugural du Lucerne Festival Orchestra dirigé par Claudio Abbado . Au programme la Sérénade n°2 en la majeur op.16, la Rhapsodie pour alto, chœur d’hommes et orchestre op.53 (soliste : Sara Mingardo) et la Symphonie n°2 en ré majeur op.73. Ce programme sera répété le samedi 16 août.
Immédiatement après, le dimanche 17 août, un concert du West-Eastern Diwan Orchestra dirigé par Daniel Barenboim qui fera courir les foules : après la création européenne de deux œuvres de Ayal Adler (compositeur israélien) et Kareem Roustom (compositeur syrien) – Barenboim continue son travail salutaire de promotion parallèle d’artistes israéliens et arabes et de rencontres autour de la musique -, est programmé le deuxième acte de Tristan und Isolde de Wagner dans une étincelante distribution, Peter Seiffert, Waltraud Meier, Ekaterina Gubanova et René Pape. Le 18 août, un second concert avec un programme Webern, Mozart, Ravel et en soliste le pianiste israélo-palestinien Saleem Abboud Ashkar.
Pendant ce premier week-end, deux concerts à ne pas manquer dont le premier concert de l’artiste étoile de cette édition, la soprano Barbara Hannigan dans la série « Late night music » le 16 août à 22h, avec le Mahler Chamber Orchestra dans du Rossini et du Mozart, mais surtout deux œuvres de Ligeti, l’étourdissant Concert românesc et les Mysteries of the Macabre. Le dimanche 17 août à 11h, un concert de l’Ensemble Intercontemporain dirigé par Matthias Pintscher avec Bruno Ganz en récitant, au programme deux œuvres des compositeurs en résidence Unsuk Chin et Johannes Maria Staud et Bereshit für Ensemble de Matthias Pintscher.
Le Mahler Chamber Orchestra, qui constitue l’ossature du Lucerne Festival Orchestra se produira le mardi 19 août sous la direction de Daniel Harding dans un programme Dvořák/Rihm : Die Waldtaube op.110 et Symphonie n°9 op.95 « du nouveau monde » d’un côté et une création de Wolfgang Rihm, le concerto pour cor – et en soliste le grand Stephan Dohr, cor soliste du Philharmonique de Berlin, ex-soliste du Lucerne Festival Orchestra.
Le Lucerne Festival Orchestra sous la direction de Claudio Abbado donnera son deuxième programme Brahms les vendredi 22, dimanche 24 et lundi 25 août, en affichant Maurizio Pollini dans le concerto pour piano n°1 en ré mineur op.15 et la symphonie n°3 en fa majeur op.90.
Parallèlement, le Lucerne Festival Academy Orchestra sera pour la première fois dirigé par Sir Simon Rattle le samedi 23 août dans un programme Berio (Coro per 40 voci et strumenti) et Chin (création de Le silence des Sirènes pour soprano et orchestre, avec pour soliste Barbara Hannigan) pendant que la seconde artiste étoile du festival, la violoniste Midori, donnera deux concerts Bach (intégrale des sonates et partitas pour violon seul) dans la Franziskanerkirche les 22 & 23 août.
Bernard Haitink et le Chamber Orchestra of Europe continuent leur cycle Schumann commencé à Pâques dans deux concerts aux programmes différents, le 26 août avec Isabelle Faust en soliste (Manfred Ouvertüre op.115, Concerto pour violon en ré mineur et la Symphonie n°3  en mi bémol majeur op.97 « Rhénane ») et le 28 août avec Murray Perahia (Ouvertüre, scherzo und finale en mi majeur op.52, Concerto pour piano en la mineur op.54 et symphonie n°2 en ut majeur op.61).

Hormis le concert dirigé par Sir Simon Rattle le 23 août, le Lucerne Festival Academy Orchestra formé de jeunes instrumentistes en formation donnera plusieurs concerts d’un grand intérêt :

–          Le 30 août, concert dirigé par Heinz Holliger avec la participation du chœur de la radio lettone dans un programme Heinz Holliger (Scardanelli Zyklus).

–          Le 1er Septembre, Concert du Lucerne Festival Academy Ensemble dirigé par Matthias Pintscher avec le baryton Leigh Melrose (Berio, Pintscher, Lachenmann)

–          Le 6 septembre, concert dirigé par Matthias Pintscher (pour la création de la version intégrale de Zimt, ein diptychon für Bruno Schulz) avec la Symphonie n°4 de Gustav Mahler (chef non encore connu). Soliste, Barbara Hannigan

Les solistes attendus cette année sont, outre Midori, artiste étoile,
– Lang Lang le 24 août (programme non déterminé)
– Anne-Sophie Mutter et Lambert Orkis (au piano) le 9 septembre (Previn, Mozart, Penderecki – une création pour violon seul, Beethoven)
Le 11 septembre,  Cecilia Bartoli viendra avec I Barocchisti dirigés par l’excellent Diego Fasolis pour un « service après vente » de son CD « Mission » car son programme est justement intitulé « Mission » autour d’œuvres d’Agostino Steffani dont elle assuré une large publicité des derniers mois.

Bien entendu, le festival se doit d’être à la hauteur de sa réputation dans l’invitation d‘orchestres prestigieux pour une série de concerts, ainsi entendra-t-on deux orchestres de fosse dans des programmes symphoniques :

–          Le vendredi 29 août, l’Orchestre de l’Opéra de Paris dirigé par Philippe Jordan avec pour soliste Anja Harteros (invitée à Lucerne avec l’orchestre de l’Opéra et jamais invitée à l’Opéra de Paris) dans un programme Fauré (Pelléas et Mélisande op.80), Strauss (scène finale de Capriccio), Mussorgski/Ravel, Tableaux d’une exposition.

–          Le dimanche 31 août, le Mariinsky Theatre Symphony Orchestra dirigé par Valery Gergiev dans un programme Wagner (Prélude de Lohengrin), Chopin (concerto pour piano n°1 en mi mineur op.11, soliste Daniil Trifonov, et la Symphonie n°6 en la mineur op.74 « Pathétique » de Tchaïkovski)

Entre les deux concerts, et pour remplir votre week-end, Andris Nelsons et le City of Birmingham Symphony Orchestra (CBSO) proposeront :

–          Le samedi 30 août un programme Beethoven (Concerto pour piano n°5 en mi bémol majeur “L’Empereur”, avec pour soliste Rudolf Buchbinder) et Elgar (Symphonie n°2 en mi bémol majeur op.63, une grande rareté)

–          Le dimanche 31 août à 11h un programme Wagner (Extraits de Parsifal et Lohengrin avec Klaus Florian Vogt).

Un week-end chargé avec des moments qui devraient intéresser les mélomanes et les lyricomanes.

Les autres  soirées symphoniques promettent de grands moments :

Berliner Philharmoniker dirigés par Sir Simon Rattle
– le mardi 2 septembre
dans un programme Rachmaninov (Danses symphoniques op.45) et Stravinsky (L’Oiseau de Feu)
le mercredi 3 septembre où sera reproposée la magnifique version scénique de Peter Sellars de la Passion selon Saint Mathieu de Bach, avec le Rundfunkchor de Berlin et une distribution de rêve, Camilla Tilling, Magdalena Kožená, Mark Padmore, Topi Lehtipuu, Christian Gerhaher, Eric Owens.
Si l’on peut aisément se passer du premier concert, Rattle n’étant pas vraiment un chef pour Stravinsky, il ne faut rater sous aucun prétexte ce dernier programme ;: demandez déjà à votre patron une journée de congé !

Royal Concertgebouw Orchestra Amsterdam dirigé par Mariss Jansons dans deux programmes très variés :
le 4 septembre, Brahms (Variations sur un thème de Haydn, op.56a), Chostakovitch (Symphonie n°1 en fa mineur op.10), Ravel (Concerto en sol avec Jean-Yves Thibaudet) et Daphnis et Chloé, Suite n°2.
le 5 septembre, Brahms (Concerto pour violon en ré majeur op.77, avec Leonidas Kavakos) et Strauss (Tod und Verklärung op.24 et Till Eulenspiegel lustige Streiche op.28

N’étant pas vraiment un grand fan de Kavakos, j’aurais tendance à choisir le premier programme, mais la perspective d’entendre cet orchestre enivrant dans Strauss est terriblement tentante quand même.

En revanche, le week-end suivant (dimanche et lundi), il faudrait sans doute faire le voyage tant le programme du Gewandhausorchester Leipzig dirigé par Riccardo Chailly est attirant :
Dimanche 7 septembre, Cehra (paraphrase sur le début de la 9ème Symphonie de Beethoven) et Beethoven ( 9ème symphonie en ré mineur op.125 avec le chœur du Gewandhaus et les solistes Christina Landshamer, Gerhild Romberger, Steve Davislim et Peter Mattei)
Lundi 8 septembre, Mahler (Symphonie n°3 en ré mineur) avec Gerhild Romberger et le chœur de l’opéra de Leipzig, ainsi que le chœur et le chœur d’enfants du Gewandhaus de Leipzig.
Vous aurez compris qu’il sera très difficile de résister à ces sirènes-là.

Le Cleveland Orchestra et Franz Welser-Möst sont traditionnellement présents à Lucerne, cette année le mercredi 10 septembre pour un programme Brahms (Akademische Festouvertüre op.80), Widmann (Flûte en suite) et Brahms (Symphonie n°1 en ut mineur op.68).

Et non moins traditionnellement le Festival se clôt sur la résidence annuelle des Wiener Philharmoniker, pour trois concerts et trois programmes dirigés par Gustavo Dudamel
le vendredi 12 septembre, Mozart (Symphonie concertante en mi bémol majeur Kv364 avec Reiner Küchl et Heinrich Koll, et Sibelius (Le cygne de Tuonela op.22 n°2 et la symphonie n°2 en ré majeur op.43)
le samedi 13 septembre, Strauss (Also sprach Zarathustra), le concert du vainqueur du prix jeune artiste Crédit Suisse, et Dvořák (Symphonie n°8 en sol majeur op.88)
le dimanche  14 septembre, un programme russe un peu racoleur de Rimsky-Korsakov (La Grande Pâque russe op.36 et Shéhérazade op.35) et Moussorgski (Une nuit sur le Mont Chauve).
Pour ma part je choisis le premier programme à cause de Sibelius.

Bien d’autres concerts, (le cycle débutant, le cycle musique ancienne, le cycle moderne) des concerts des phalanges de Lucerne, et du théâtre musical dans tout ce mois  rempli de propositions d’une grande richesse. Il y a quelques week-end à retenir. Et si vous venez en voiture, sachez que l’hébergement est quelquefois moins cher dans les environs, dans un rayon d’une dizaine de km autour de Lucerne.
Allez ! Lucerne vaut bien une messe et la salle de Nouvel une tirelire cassée.

LUCERNE FESTIVAL PIANO (22-30 novembre 2014)

Et si votre tirelire est grosse, une visite au Festival Piano, traditionnellement fin novembre, est assez stimulante, notamment en 2014 où l’on entendra Maurizio Pollini le 22 novembre en ouverture (programme non encore publié) , Pierre-Laurent Aimard le 23 Novembre dans une partie du Clavier bien tempéré de Bach (Livre I BWW 846-869), mais c’est Beethoven qui domine la programmation avec Leif Ove Andsnes et le Mahler Chamber Orchestra dans l’intégrale des concertos pour piano de Beethoven les 24 novembre (concertos n°2, 1 & 3) et 26 novembre (concertos 4 & 5), Paul Lewis le 28 novembre (Op.109, 110, 111 de Beethoven), Martin Helmchen le 29 novembre (Beethoven Variations Diabelli – 33 variations en ut majeur sur une valse de Anton Diabelli op.120) et Marc-André Hamelin le 30 novembre (programme non encore connu).  Quelques concerts “débuts” à 12h15 les 26 (vestard Shimkus) 27 (Sophie Pacini) 28 (Benjamin Grosvenor) et un récital Evguenyi Kissin (au programme non encore publié) le 27 novembre complètent une très riche semaine.
À vos tirelires, Lucerne à la folie…!!
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Le KKL de Jean Nouvel