RAMEAU RADIOSTAR, ou CONSIDÉRATIONS LÉGÈRES SUR LE TEXTE et LA VOIX

Jean Philippe Rameau (1683-1764) par Joseph Aved
Jean Philippe Rameau (1683-1764) par Joseph Aved

Une vive discussion avec des amis à propos de la récente Elektra des Proms de Londres dirigée par Semyon Bychkov avec Christine Goerke dans le rôle, m’a fait gamberger sur ce qu’on peu attendre d’une voix. L’audition de la retransmission radiophonique, dont j’attendais beaucoup m’a terriblement surpris : Madame Goerke m’est apparue (en radio évidemment) affligée d’un vibrato important et de suraigus criés, très désagréables et je n’ai pas trouvé la prestation si hallucinante qu’on voulait bien le dire. On m’a expliqué que cette chanteuse était sur scène l’incandescence personnifiée et que je n’étais pas dans la salle. Acceptons-en l’augure…
Parallèlement et par le plus grand des hasards, j’ai fait l’acquisition d’un enregistrement ORFEO d’une Elektra de 1965, Karl Böhm, Regina Resnik, Birgit Nilsson, Leonie Rysanek , paru en juin dernier. Malgré la qualité moyenne du son, c’est du feu sur scène et surtout, au-delà de la performance strictement vocale, le texte est articulé, mâché, prosodié d’une manière totalement stupéfiante
À entendre cet enregistrement, deux souvenirs liés à Regina Resnik sont remontés à la surface :
–       d’une part les conseils que Regina Resnik donnait aux jeunes chanteurs qu’elle accompagnait dans des master class. Insistant sur le texte et sa couleur, et recommandant, à l’approche de l’aigu, de ne pas y penser mais au contraire de penser à ce qu’on était en train de dire et aux mots plus qu’aux notes. « Si le mot est compris et bien prononcé, la note vient » disait-elle.
–       d’autre part, fasciné par sa Klytemnästra, je lui avais demandé un soir de me dire le texte, sans le chanter, mais avec la prosodie. Regina avait demandé de se préparer (incroyable conscience de l’artiste qui ne voulait pas même pour ce petit cadeau privé, être prise en défaut). Deux jours après, elle me dit le texte à partir de « Ich habe keine gute Nächte », je fus cloué sur place. Elle était Klytemnästra, sans une note.

Car la question du texte est centrale à l’opéra, mais pas seulement. Dans mes activités professionnelles et dans le travail sur les projets culturels des classes, j’insiste toujours sur la question de la lecture à haute voix, devant un groupe, d’un texte littéraire ou non : l’exercice change complètement le regard qu’on a sur le texte, le son et le sens se répondent. « les parfums les couleurs et les sons se répondent » disait Baudelaire. L’exercice change également la posture de celui qui le dit, et sa relation au texte, qu’il entend, et s’il l’entend, il le comprend. Le texte dit prend consistance physique, et c’est essentiel.
J’ai souvent remarqué qu’à de très rares exceptions près, les plus grands chanteurs sont ceux qu’on comprend le mieux quand ils chantent, parce qu’ils ont à la fois le souci du texte et de son sens et le souci de la prosodie, presque indépendamment de la note. Et cela se vérifie presque systématiquement, quelque soit le répertoire, y compris dans le Rossini le plus échevelé : prenez par exemple Ruggero Raimondi dans « Medaglie incomparabili » de Il Viaggio a Reims, c’est d’abord un travail sur le texte, et sur divers accents(espagnol, français russe, anglais…), je vous renvoie à ce propos à Youtube pour en admirer le résultat.
En regardant les programmes de France Culture, assez avares d’émissions musicales sans doute à cause de sa grande sœur France Musique, je suis tombé sur une émission qui pose à peu près le même type de questions, cette émission est programmée le Mercredi 10 septembre à 23h dans le cadre des Ateliers de la Création. Je le signale parce que le « pitch » publié sur le site m’est apparu bien illustrer les problématiques que j’évoque dans le présent texte.
Pour illustrer à leur manière le 250ème anniversaire de la mort de Rameau (12 septembre 1764), les producteurs ont conçu une émission « Rameau radiostar » où il va être question d’accents, de prosodie, de manière de parler de voix d’opéra et de radio. J’en reproduis l’annonce :
Comme dit Catherine Kintzler : « L’opéra consiste à placer systématiquement de la musique en situation poétique. » Autrement dit, si les opéras de Rameau sont poétiques, c’est grâce à la musique. Partant de ce principe-là, il n’y a pas d’adaptation radio qui puisse valoir. Par conséquent, c’est ce qu’on va voir…
Avec la participation exceptionnelle des Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles, nous allons tester ce qui se passe quand on joue Hippolyte et Aricie à la manière d’une dramatique radio. Histoire de s’exercer, nous allons tester ce qui se passe quand on fait un horoscope en déclamation lyrique.
Bref, l’anniversaire de Rameau est l’occasion d’une joute attendue et notoire entre les deux grandes manières de parler : la déclamation et la radio. 

Je suis persuadé qu’on ne peut chanter sans déclamer : le chant français qu’il soit baroque ou du XIXème, et même du XXème (voir Pelléas et Mélisande…) ne prend sa pleine valeur lorsque la diction est au rendez-vous.  En jury de concours de chant à propos d’une jeune artiste chantant Charlotte de manière totalement incompréhensible, j’avais eu une discussion avec un célèbre chef de chant anglais qui me disait « Oh ! Vous les français, vous êtes des obsédés de la diction ». Le chant français est héritier et tributaire de la déclamation. J’oserais même dire l’Opéra…Ce que nous savons du chœur antique est bien proche de cette langue déclamatoire et prosodiée qui conduit au chant. Ce qui fait d’ailleurs une des qualités des chanteurs français lorsqu’ils chantent dans une autre langue est ce souci permanent de la clarté et de l’articulation du discours (cf  Ludovic Tézier), c’est aussi ce qu’a compris un Jonas Kaufmann quoi qu’il chante et notamment Werther ou Don José. Le répertoire allemand et notamment wagnérien est fondé sur le texte et son articulation, il faut faire entendre le texte, presque avant la note, tous les grands chanteurs wagnériens le savent et bien entendu aussi les chanteurs de Lieder constructeurs d’univers par la magie d’un texte. Un Dietrich Fischer Dieskau, un Hermann Prey ou aujourd’hui un  Christian Gerhaher  en sont des exemples, et tout le débat artistique des Meistersinger, qui porte sur le Lied de Walther, tourne largement autour de cette question.
Ainsi Rameau, qui prétendait pouvoir mettre en musique la Gazette de Hollande, montrant par ce biais que le sens était secondaire, se concentrait sur « l’en soi » mélodique du mot, il est vrai à une époque où le formalisme de la scène d’opéra faisait peu cas de l’intrigue ou du texte ou même de la vraisemblance (c’est tout l’objet de la querelle des Bouffons, qui le mettait en cause), la voix seule peut-elle tout porter, et par le seul miracle de la voix l’émotion peut-elle naître ? Cela se discute encore…
Si Rameau réussit à être une Radiostar, alors, il faudra gamberger…

Rameau Radiostar : France Culture, Mercredi 10 septembre, 23h [wpsr_facebook]

Un magnifique diseur..Klaus Florian Vogt
Un magnifique diseur..Klaus Florian Vogt

 

IN MEMORIAM REGINA RESNIK (1922-2013)

Regina Resnik (1922-2013)

Je suis personnellement très affecté par la disparition de Regina Resnik. Nous étions amis, depuis plus de 20 ans. Je l’avais encore rencontrée à New York cet hiver, affaiblie certes par un accident cérébral qui l’empêchait désormais de venir en Europe, mais l’esprit toujours vif, toujours aux aguets, toujours curieuse de ce qui se passait à l’opéra, l’intelligence toujours affûtée, et parlant avec moi tantôt en anglais, tantôt en français, tantôt en italien, dans son appartement sis dans un vieil immeuble du centre de Manhattan qui fut aussi l’atelier de son mari, le peintre lituanien (il était né à Kaunas) Arbit Blatas, disparu en 1999, un des représentants de l’École de Paris.
Vous trouverez sur internet sa biographie détaillée, mais je voudrais simplement rappeler qu’elle est une authentique new yorkaise, d’origine russe, née dans le Bronx, qu’elle a débuté dans Lady Macbeth, qu’elle remplaça Zinka Milanov dans Aida et que très vite, sa carrière de soprano s’est affirmée: elle a travaillé avec tous les grands chefs de l’époque, à commencer par Bruno Walter,  dont il existe un Fidelio (en anglais) avec elle en 1945 (elle avait 23 ans). Elle a été la Sieglinde de Bayreuth en 1953 avec Clemens Krauss et elle était passionnante , et quelquefois irrésistible quand elle racontait son audition avec Toscanini, ou son amitié avec Leonard Bernstein qui l’accompagnait au piano, ou pendant les répétitions avec Wieland Wagner dans la délicate période d’après guerre à Bayreuth deux ans après la réouverture du Festival: elle gardait une très grande admiration pour Wieland et parlait souvent du travail avec lui même si ce qu’elle disait de l’ambiance à Bayreuth montre que ce ne devait pas être toujours très facile. Elle racontait avec gourmandise comment farfouillant chez un disquaire newyorkais, elle avait trouvé un enregistrement du Ring avec des noms inconnus qu’elle avait écouté par curiosité et avait eu la surprise de s’y entendre: le Ring de Clemens Krauss, disparu, était ainsi réapparu.
En 1955 elle  décida de passer mezzo, et elle a toujours revendiqué ce choix. Ses relations difficiles avec Rudolf Bing l’ont empêché de briller au MET comme mezzo, alors qu’elle était l’une des stars d’alors. Mais elle a fait une carrière européenne notamment à Vienne où elle fut la Miss Quickly de Karajan. Elle fut l’une des grandes Carmen des années 60 (elle l’a enregistrée chez DECCA avec Thomas Schippers), sa voix large, profonde, son grave infini, son aigu éclatant, son sens du dire convenait parfaitement à ce rôle qu’elle interprétait de manière certes conforme à l’époque, mais souveraine.
Si vous avez l’enregistrement de l’Elektra de Solti, réécoutez sa Clytemnestre, un chef d’oeuvre d’expressivité, de couleur, d’intelligence . Il y a quelques années je lui avais demandé de me dire ce texte, elle me l’avait récité, et même marqué: elle était impressionnante, à donner le frisson car c’était une actrice éblouissante, avec des yeux prodigieusement expressifs et le bas du visage d’une incroyable mobilité. Quand elle apparaissait en public, il n’y avait d’yeux que pour elle.
La seule fois où je l’ai vue sur scène, ce fut au Théâtre des Champs Elysées, en 1978, dans La Dame de Pique dirigée par Rostropovitch avec Galina Vichnevskaia et Peter Gougalov (au moment de l’enregistrement du CD); elle y chantait la Comtesse. Toute mon existence, je me souviendrai de cette femme, en étole d’hermine blanche, assise (elle était grippée, m’a-t-elle dit plus tard), qui en peu de mots, sans aucun mouvement (elle me racontait que Wieland Wagner lui avait dit “fais le moins de mouvements possible en scène, et tout le monde n’aura d’yeux que pour toi”, et qu’elle avait toujours suivi ce conseil) et ce fut incroyable de tension, de poésie, de présence: si vous mettez la main sur l’enregistrement écoutez attentivement cette scène. Ce fut si incroyable, si tendu, si fort, si vrai que le théâtre a croulé sous les bravos, elle remporta le plus grand triomphe de la soirée. Inoubliable. Combien de fois (et dès que je fis sa connaissance) je lui ai rappelé ce moment qu’elle nous offrit, j’en ai les larmes aux yeux en l’évoquant ici. Elle s’est essayée à la mise en scène, elle fit une Elektra à Strasbourg dans des décors de son mari et elle a terminé sa carrière en remportant un indescriptible triomphe à New York dans A little night music le musical de Stephen Sondheim où elle interprétait Madame Armfeldt (voir youtube où vous constaterez à la fois la diction, l’interprète et la chanteuse) en 1990.
Elle fut l’une des grandes stars du chant, très populaire à New York où elle était très active dans la communauté juive (pour faire vivre le répertoire de poésies ou de chansons juives, pour faire des soirées sur l’humour juif) et très populaire à Vienne.
La dernière partie de sa vie fut consacrée à l’enseignement, c’est évidemment celle où je l’ai côtoyée.
Avec Peter Maag, elle avait fondé la Bottega de Trévise, une sorte d’atelier au sens médiéval du terme, où se côtoyaient jeunes musiciens et jeunes chanteurs pour préparer les productions issues du concours Toti Dal Monte et elle y était une enseignante prodigieuse ce qui n’est pas toujours le cas des anciens chanteurs. En quelques mots, elle analysait une voix et donnait des conseils techniques si clairs que j’ai vu plusieurs fois, en une heure, une voix évoluer et répondre exactement à ce qui était demandé. Elle était toujours exigeante avec les autres comme avec elle même: je l’ai invitée à faire une petite Master Class lorsque j’habitais à Heidelberg: en quatre jours, elle avait composé une vraie soirée, qui avait rencontré un très joli succès: elle était toujours prête, toujours soucieuse de l’effet produit, toujours exacte. Lorsque la Ligue Lombarde a vaincu les élections municipales de Trévise et a voulu fermer le théâtre et dissoudre l’orchestre (ce genre de parti a une relation assez éloignée à la culture) la Bottega a été dissoute et nous avons fondé, avec quelques amis Eurobottega, la bottega europea della musica, une association mue par le même souci de formation de jeunes chanteurs et musiciens, dont elle était l’animatrice et l’âme: l’association a produit entre autres deux opéras  de Schubert Der Vierjährige Posten et Die Zwillingsbrüder qui ont été présentés en Italie et en France, à Royaumont et à l’Opéra de Rennes (alors dirigé par l’excellent Daniel Bizeray) . Elle avait assuré le suivi la formation des jeunes interprètes. Après quelques années de difficultés, nous envisagions de relancer cette association, avec ses conseils et ses encouragements.
Nous nous voyions une à deux fois par an, souvent pour fêter son anniversaire, puis, lorsqu’elle ne put plus voyager depuis 2009,  j’allais la voir lorsque je venais à New York, elle ne manquait jamais de commenter les spectacles du MET, toujours avec sévérité et était friande de récits sur l’actualité de la scène d’aujourd’hui, et d’anecdotes sur tel ou tel chef ou tel ou tel chanteur. C’était une mémoire des années 40, 50, 60, 70 aussi bien en Amérique qu’en Europe. Elle était une référence, déjà, pour moi lorsque je fis sa connaissance: je me souviens, jeune juré du concours Toti dal Monte, j’attendais avec impatience son arrivée (dans un jury où il y avait Magda Olivero et Leyla Gencer, avec Regina, elles étaient nos “trois dames”) et elle vint vers moi en me disant “je suis Regina Resnik”, je lui répondis, “je sais, Madame”, et je lui racontai illico ma soirée de la Dame de Pique, ce qui contribua à nous lier, et nous étions en outre souvent d’accord sur les voix au concours:  une amitié solide en est née, ainsi qu’avec son mari qui était un être extraordinaire de vie et d’humour.

Regina, tes yeux qui savaient être terribles, et en même temps si malicieux, et que tu savais si bien mettre en lumière, ta voix incroyable (car même lorsque tu parlais, tu avais une voix fascinante), ta présence au milieu de tes souvenirs à New York, sorte de gardienne d’un cercle de chanteurs et de peintres disparus, tout cela va terriblement me manquer.
Mais le privilège des artistes, c’est quand même d’être présents par delà la vie et la mort: en ce moment, je suis en train de t’écouter, et, miracle, tu es vivante.
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Regina Resnik

OPÉRA DE LYON 2009-2010: FESTIVAL POUCHKINE – LA DAME DE PIQUE, de TCHAÏKOVSKI à L’OPERA DE LYON (Dir: Kirill PETRENKO, Mise en scène: Peter STEIN)

A priori, je n’avais pas prévu d’aller revoir ce spectacle de Peter Stein qui m’avait beaucoup déçu lors des représentations de 2008, et qui ne m’avait pas convaincu au niveau du chant. Mais la joie consécutive à Mazeppa, et la perspective d’entendre les mêmes chanteurs et surtout le même chef dans La Dame de Pique, a eu raison de mon hésitation et j’ai assisté, bien m’en a pris, à la dernière représentation du Festival Pouchkine monté à Lyon pour ce mois de mai. J’aime tellement cet opéra! Il m’a réservé une des émotions les plus fortes de ma vie de mélomane, lorsque sur la scène des Champs Elysées, en 1978, je fus comme foudroyé par l’incroyable comtesse de Regina Resnik – nous nous sommes connus plus tard et sommes aujourd’hui très liés – . Regina, assise en étole de fourrure blanche au milieu de la scène, devant l’orchestre (la représentation dirigée par Rostropovitch avec Vichnevskaia en Liza était une version concertante, donnée à l’occasion de l’enregistrement que l’on connaît chez DG), murmurait cette ariette de Grétry en donnant le frisson à la salle, jamais je n’ai entendu aux Champs Elysées une telle ovation, pour cette scène, pour cette seule scène, cela valait tous les voyages. Regina Resnik outre une voix somptueuse,  avait un sens inné du théâtre, un regard, un geste minimal, une diction unique:  tout est dit.

La représentation lyonnaise est de celles qui donnent pleine satisfaction. La production n’est plus vraiment celle que je vis il ya deux ans, car le décor a été détruit (problème d’amiante) et l’on ne l’a pas reconstruit comme pour Mazeppa, mais on a reconstruit des élements de décor noirs qui finalement sont du plus bel effet: la production assise sur le noir et le rouge, acquiert un style qu’elle n’avait pas il y a deux ans, même si, à part souligner le regard ironique de Pouchkine porté sur le monde  ou sur la  vieille comtesse, la mise en scène de Peter Stein n’a pas gagné en génie ni même en intérêt. Mais c’est la musique qui a transcendé la soirée, avec en premier lieu la direction vibrante, colorée, lyrique de Kirill Petrenko, qui exalte les pupitres de l’orchestre de l’Opéra de Lyon et qui ne couvre jamais les voix. Certes, une fois de plus, on peut déplorer cette acoustique sèche et une salle un peu trop petite pour la générosité de l’écriture de Tchaïkovski,  et c’était encore plus net pour Mazeppa à cause du caractère épique de l’oeuvre. Pour la Dame de Pique, qui laisse une place plus forte à l’intimité du drame, c’est un peu moins gênant, sauf pour l’ouverture, qui nécessiterait une salle plus vaste et surtout plus réverbérante. Mais au total, la prestation musicale est remarquable et on se réjouit de revoir Petrenko l’an prochain pour Tristan et Isolde (encore mis en scène par Peter Stein). Je comprends difficilement que chef remarquable n’ait  n’ait eu “l’honneur” de l’opéra de Paris qu’une seule fois, pour une représentation en 2003. Serge Dorny en revanche a du nez…
La distribution n’appelle que des éloges, à commencer par le Hermann de Misha Didyk, vraiment à sa place dans ce rôle très tendu (il fatigue cependant un peu vers la fin): intensité,puissance, maîtrise technique, il domine vraiment la partie et des rôles qu’il a soutenus à Lyon, c’est vraiment celui qui lui convient le mieux. Olga Guryakova est tout aussi intense en Liza, notzamment dans les deux premiers actes, où elle est bouleversante, dans le troisième, elle déçoit un peu (tout comme Didyk d’ailleurs). La Pauline de Elena Maximova, lyrique, élégante, est l’une des bonnes surprises de la soirée, et la Comtesse de Marianna Tarasova est une très belle composition de sorcière en robe à paniers, et la fameuse scène de l’ariette, très bien chantée (même si ce n’est pas Resnik…) est jouée avec une ironie mordante que le public perçoit. Les autres sont tous à leur place, avec une note particulière pour l’élégant Eletski d’Alexey Markov (qui reçoit les applaudissements du public pour son air “ya vas lioubliou” particulièrement réussi pour la chaleur, l’exactitude, l’émission). Enfin, Nikolaï Putilin est un très beau Tomski, personnage vu ici un peu vieillissant, très modéré, une sorte de sage. Les autres rôles sont tenus très correctement.
Au total, une  belle soirée, de très haut niveau, et l’on se réjouit pour tous les jeunes élèves présents: l’ensemble de ce Festival Pouchkine, par son homogénéité, par les choix très justes de distribution, par la direction musicale remarquable de Kirill Petrenko, était un beau cadeau du joli mois de mai. Serge Dorny à la tête de l’Opéra de Lyon, mène une politique intelligente qu’on aimerait voir appliquée à deux heures de TGV de Lyon…