SEMPEROPER DRESDEN 2015-2016: LOHENGRIN de Richard WAGNER le 22 MAI 2016 (Dir.mus: Christian THIELEMANN; Ms en scène: d’après Christine MIELITZ

Elsa (Anna Netrebko) Lohengrin (Piotr Beczala) Acte I ©Daniel Koch
Elsa (Anna Netrebko) Lohengrin (Piotr Beczala) Acte I ©Daniel Koch

L’Europe lyrique entière ou quasi s’est donné rendez-vous à Dresde en ce joli mois de mai , et particulièrement en ce jour anniversaire de la naissance de Wagner, pour une reprise de Lohengrin de Richard Wagner, avec projection en plein air en plus, dirigée par Christian Thielemann,  ce qui est conforme à son statut de directeur musical, mais avec deux nouveaux venus sur la scène wagnérienne, Anna Netrebko qui sanctionne ainsi son changement de tessiture, orientée désormais vers le lirico (très) spinto, et Piotr Beczala, qui aborde lui aussi son premier rôle wagnérien. Deux chanteurs exceptionnels, à la carrière riche et marquée par les rôles des répertoire slaves et italiens, abordent de grands rôles wagnériens. Mais tout le reste de la distribution est aussi enviable : Tomasz Konieczny en Telramund, Evelyn Herlitzius en Ortrud, Georg Zeppenfeld en Heinrich der Vogler et Derek Welton en héraut. L’attente était donc très grande, ainsi que les espoirs. Et ceux-ci ne furent pas déçus. Ce Lohengrin fut une grande représentation, malheureusement un peu ternie par une production de Christine Mielitz de 1983 (antérieure à la chute du mur), retravaillée en 2002 dont il ne reste rien, si jamais elle eût un jour quelque chose à dire ou à montrer. Mais personne n’avait l’idée saugrenue de venir pour la production. C’était Anna Netrebko le moteur de la migration vers Dresde, dont on attend l’Elsa à Bayreuth dans deux ans, agrémentée de la forte curiosité pour Beczala, le troisième (?) ténor (bien qu’avec Kaufmann et Vogt, Florez et Meli, Beczala serait plutôt le cinquième élément de la ténoritude) : du coup afficher un couple de tels néophytes a assoiffé le petit monde mélomaniaque qui a trouvé là sa dose de wagnéro-héroïne pour calmer l’addiction à la Netrebkide.

Acte I ©Daniel Koch
Acte I ©Daniel Koch

On s’abstiendra de revenir sur la « mise en scène » ou ce qu’il en reste après 113 représentations ; mais y avait-il quelque chose dedans à la création : on peut se le demander, vu l’absence totale de travail scénique, vu l’esthétique des décors en structure métallique comme si les héros étaient à l’intérieur d’une serre du XIXème, le pompon étant atteint par le cygne gigantesque et métallique arrivant dans sa gare terminus (on comprend du coup l’architecture métallique). Une seule observation : on se désole de voir Zeppenfeld magnifique vocalement aussi bridé par son rôle de Roi un peu momifié, alors qu’on l’a vu dans la production Neuenfels à Bayreuth en roi halluciné à la Ionesco où il remporta un triomphe aussi bien pour la voix que par l’incarnation.

König Heinrich (Georg Zeppenfeld ) Heerufer (Derek Welton) ©Daniel Koch
König Heinrich (Georg Zeppenfeld ) Heerufer (Derek Welton) ©Daniel Koch

La distribution est d’un très haut niveau, on peut même dire exceptionnelle, Derek Welton est un héraut à la voix claire, bien posée et surtout bien projetée, avec un soin marqué pour le texte (pour un héraut, c’est bien le moins), voilà un baryton à suivre. Le roi Henri l’Oiseleur de Georg Zeppenfeld est évidemment magnifique : la voix est puissante, le timbre chaleureux, la diction impeccable et l’expressivité magnifiquement ciblée, grâce à un discours mis en valeur et où chaque parole compte ; Zeppenfeld est aujourd’hui l’une des grandes basses germaniques, avec un timbre plus clair que quelques uns de ses collègues (notamment René Pape) dont il use d’une manière personnelle et presque juvénile. Magnifique.

Acte II Elsa (Anna Netrebko) Ortrud (Evelyn Herlitzius) et Telramund, dans l'ombre (Thomas Konieczny)©Daniel Koch
Acte II Elsa (Anna Netrebko) Ortrud (Evelyn Herlitzius) et Telramund, dans l’ombre (Thomas Konieczny)©Daniel Koch

Tomasz Konieczny abordait Telramund pour la première fois : le rôle est ingrat, et  pas toujours bien distribué : trouver un Telramund qui ait la voix, l’expression, le sens dramatique est quelquefois difficile, même à Bayreuth. Il faut une voix puissante, projetée à la perfection, avec des aigus notables, et une agressivité qui explose au deuxième acte, mais qui doit déjà se faire sentir  au premier acte, plus rentrée et plus tendue. Konieczny relève le gant avec style et avec élégance. Son timbre est particulièrement sonore, clair, la voix est puissante et le sens du texte particulièrement expert. On sent qu’il y a derrière une expérience de Wotan et Alberich, qui sont des rôles dans lesquels le baryton basse polonais excelle. Ainsi d’un deuxième acte impressionnant de puissance et de présence qui montre que Konieczny est un artiste notable de la scène wagnérienne d ‘aujourd’hui. Face à lui, Evelyn Herlitzius est la très grande triomphatrice de la soirée, dont le génie scénique et expressif impose son tempo à la représentation, à ses partenaires, et aussi à l’orchestre.

Elsa (Anna Netrebko) Ortrud (Evelyn Herlitzius) Acte II ©Daniel Koch
Elsa (Anna Netrebko) Ortrud (Evelyn Herlitzius) Acte II ©Daniel Koch

De fait Thielemann est porté par cette incarnation unique aujourd’hui d’une Ortrud qui laisse tout clinquant démonstratif de côté pour ne soigner que l’expression, la noirceur, et même le déchirement, et qui impose un sens dramatique aigu à la direction musicale. Ce qui frappe dans cette Ortrud exceptionnelle à tous points de vue, c’est bien sûr d’abord le sens du texte et la justesse de l’incarnation, violente mais qui laisse toujours passer quelques  failles, et donc horrible, mais humaine, et ensuitel’intelligence du chant. Herlitzius connaît les défauts de sa voix (marquants dans un rôle comme Isolde par exemple) et sait comment en jouer et surtout comment adapter ses défauts au rôle et à son caractère. La présence scénique est telle que même muette (au 1er acte) elle est impressionnante de tenue, de charisme, de naturel. Une Ortrud de légende, peut-être même supérieure à Meier, il faut remonter loin en arrière pour retrouver une telle incarnation musicale et scénique et une telle intensité.
Et nos jeunes ?
Il était hardi de proposer un couple néophyte : en effet, je pense que la présence aux côtés de Netrebko d’un Lohengrin d’expérience eût peut-être déteint sur certains points de son incarnation,et ainsi de la présence auprès de Beczala d’une Elsa accoutumée au rôle. Mais Beczala-Netrebko est une marque de fabrique de l’opéra glamour, qui fait courir la presse et les vociomani , comme on dit en Italie. On les a vus dans Iolanta, dans La Bohème, et dans d’autres must du répertoire. Alors, Elsa-Lohengrin par Netrebko-Beczala, c’est un nouveau couple que vont s’arracher les théâtres en panne d’idées ou de public, désireux de buzz .

Acte III final ©Daniel Koch
Acte III final ©Daniel Koch

Piotr Beczala est comme toujours un ténor soucieux de justesse, appliqué, qui ne fait aucune faute de chant, mais dont le chant est encore peu incarné. Le jeu est fruste et raide, le visage sans expression et surtout le chant reste peu concerné par les paroles et par le tissu ciselé des mots si essentiels dans Wagner. Certains l’ont comparé à Nicolaï Gedda, on en est loin, voire Richard Tauber, on est un peu plus sur ce chemin là. Mais lorsqu’on entend comment il chante de manière assez plate le fameux « Elsa, erhebe dich » du deuxième acte face à l’expression tourneboulante qu’a un Vogt chantant la même phrase, même si les voix et les techniques sont différentes, même si on peut imaginer des manières diverses d’aborder l’expression, elle reste un marqueur d’un rôle dont on entend qu’il n’est pas encore dans les gènes du ténor polonais. Évidemment on attendait « In fernem Land » que Thielemann propose avec les coupures hélas traditionnelles, et c’est un bel exercice de chant, mais sans variété, et avec peu de couleurs, un moment où se distille un léger ennui. Attendons les prestations futures pour émettre un avis plus structuré..

Elsa (Anna Netrebko) Acte I ©Daniel Koch
Elsa (Anna Netrebko) Acte I ©Daniel Koch

Pas besoin d‘attendre pour Anna Netrebko : on sait immédiatement qu’on tient là une Elsa exceptionnelle. D’abord à cause d’une voix merveilleuse, charnue, épaisse, d’une douceur angélique, un timbre chaleureux, une tenue et une ligne de chant exemplaires. Mais aussi des aigus triomphants et larges, énergiques, et qui semblent si faciles. On sait que la soprano est une travailleuse, très sérieuse qui n’est absolument pas la figure que la publicité vend. Il y a derrière cette Elsa une vraie préparation, un souci d’arriver immédiatement au sommet, grâce à une concentration visible et audible. Le seul bémol pour moi est un sens dramatique un peu encore en retrait, une expressivité qui devrait de plus en plus s’affirmer et qui fait défaut au premier acte, un peu meilleure au deuxième acte et bien plus affirmée au troisième. La diction aussi pourrait gagner en clarté, mais ce sont broutilles face à un rôle qui s’impose déjà comme un des phares du répertoire de la chanteuse, en s’imposant sur le marché étroit des grandes Elsa. Je préfère peut-être personnellement une Elsa plus écorchée comme Anja Harteros, à la voix moins charnue, mais plus acérée peut-être, mais je reconnais qu’on tient là une couleur de chant wagnérien très inhabituelle, où la beauté du chant et du timbre est quasiment unique, où la qualité intrinsèque de la voix laisse loin derrière toutes ses concurrentes. Il n’y  pas aujourd’hui d’Elsa plus séraphique.
Dans un opéra où il joue un grand rôle, le chœur du Semperoper, dirigé par Jörn Hinnerk Andresen, est de qualité sans être exceptionnel mais il est vrai que l’action vide de la mise en scène en fait un groupe fossilisé dans une posture statuaire, ce qui ne favorise pas l’engagement.

Acte I ©Daniel Koch
Acte I ©Daniel Koch

Au contraire, la Staatskapelle Dresden était au sommet de sa forme : le son si singulier, si clair, si sculpté et détaillé, les bois sublimes, les cordes engagées, les cuivres sans scories, tout était en place pour un opéra qu’ils connaissent bien, même si historiquement il a été créé dans la Thuringe voisine, à Weimar. La Staatskapelle, ce n’est pas une surprise, est l’un des trois ou quatre orchestres de fosse les plus valeureux de l’aire germanique et incarne avec le Gewandhaus sans doute LA tradition . On entend ici ce que cela signifie.
Alors, évidemment, Christian Thielemann s’en donne à cœur joie à la tête de cette phalange exceptionnelle. Avec ses qualités habituelles de précision, de souci de la pâte sonore et du beau son, il impose peut-être au premier acte un volume excessif et une certaine lourdeur, mais au deuxième acte, il est particulièrement dramatique, avec une tension marquée, et des effets bienvenus, sans jamais couvrir les chanteurs, tous très engagés (en particulier Herlitzius, qui impose quasiment son rythme et qui impose sans nul doute le tempo dramatique de l’acte). Le troisième acte est dans le sillon du deuxième, avec un prélude spectaculaire,  immédiatement après un très beau chœur nuptial « treulich geführt », et un crescendo dramatique très réussi dans la scène Lohengrin/Elsa. Christian Thielemann réussit d’ailleurs certains moments marquants (le début du second acte notamment) d’une manière éblouissante.
Pourtant, est-ce là le Wagner que j’aime ? Pas tout à fait. Je pense qu’aujourd’hui on entend des interprétations plus frappantes et plus élaborées des œuvres de Wagner, avec des chefs comme Petrenko, ou très récemment le Tristan de Gatti, d’ailleurs bien au dessus par la conception et le résultat sonore  de celui de Thielemann à Bayreuth. Le problème avec Christian Thielemann, c’est que ça n’est jamais neuf. C’est toujours très en place, très soigné, très soucieux des effets, mais jamais vraiment inattendu : c’est toujours le même Wagner, avec des résultats irréguliers, tantôt ensorceleur (ici), tantôt plat et linéaire (Tristan à Bayreuth). L’ensorcellement naît d’un goût pour l’exaltation du son, vaguement onanistique, c’est à dire finalisé à lui-même. Il y a peu de différence d’une représentation à l’autre, au contraire d’un Barenboim (en mieux comme en pire d’ailleurs) ou même d’un Abbado qui tentait sans cesse d’aller ailleurs, ou au-delà. Avec Thielemann, on a l’assurance de la belle ouvrage, mais pas celle d’une exploration à la recherche d’une arche wagnérienne perdue. Pour certains, et pour une grande partie du public c’est très rassurant, car on retrouve un Wagner fantasmé et puissant qu’on aime parce qu’on le connaît, mais qui finit par tourner en rond : on y revient comme on revient vers un pays aimé, mais au bout du compte il nous procure du plaisir éphémère sans nous apprendre grand chose : aucune surprise dans ce pays-là. Thielemann ne nous invite jamais au voyage baudelairien, il nous attache au port, rempli de voiles et de mâts, mais sans Eden perdu, sans vert paradis, et sans archipels sidéraux rimbaldiens. Il est tout sauf un bateau ivre.  [wpsr_facebook]

Elsa (Anna Netrebko) Lohengrin (Piotr Beczala) Acte III ©Daniel Koch
Elsa (Anna Netrebko) Lohengrin (Piotr Beczala) Acte III ©Daniel Koch

OPÉRAS EN EUROPE ET AILLEURS 2012-2013 (3) : SPECTACLES A RETENIR – LEIPZIG – DRESDE – MUNICH

Il y a en Allemagne de grandes scènes historiques, prestigieuses, qui ont fait la gloire du chant et de la musique allemands, des fosses où jouent des orchestres mondialement reconnus, Staatskapelle de Dresde, Gewandhaus de Leipzig, Orchestre d’Etat de Bavière. De ces trois salles historiques, deux ont été des phares de la musique en Allemagne de l’Est: la Staatskapelle a continué à produire des disques avec les plus grands (Carlos Kleiber), le Gewandhaus grâce à Kurt Masur a été l’un de moteurs des manifestations avant la chute du mur, quant au Bayerisches Staatsorchester, il a été la phalange de Wolfgang Sawallisch pendant des dizaines années où ce chef magnifique a produit un travail de fourmi, modestement au pupitre des dizaines de fois dans l’année pour Wagner, Strauss ou Mozart et pour des représentations aussi bien prestigieuses que de répertoire.
Aujourd’hui, les difficultés financières de l’est mettent  surtout Leipzig, un peu moins Dresde en posture  délicate. La Staatskapelle de Dresde s’est donnée à Christian Thielemann, qui après ses échecs à Berlin et Munich a peut-être  trouvé sur les bords de l’Elbe la phalange qui lui convient.
Quant à Munich, c’est sans doute la salle d’opéra la plus rodée, la plus productive, la plus prestigieuse d’Allemagne: il suffit de considérer sa programmation, ses nouvelles productions, ses distributions. Ici Jonas Kaufmann, Anja Harteros et René Pape sont à portée de tram, comme jadis Carlos Kleiber ou Dietrich Fischer-Dieskau et Julia Varady. La salle est l’une des plus belles qui soient, avec ses deux appendices, le délicieux

La salle du Cuvilliestheater
Façade du Prinzregententheater

 

 

 

 

Cuvilliestheater, joyau baroque à portée de corridors de la salle principale (qui sert essentiellement pour le théâtre aujourd’hui), et le wagnérien Prinzregententheater, imitation de la salle de Bayreuth à quelques arrêts de tram (qui sert à tout, et quelquefois à l’opéra).

Vue de la salle du Prinzregententheater

Chaque ville par son charme et caractère mérite une ou plusieurs visites, et donc une soirée à l’opéra est toujours possible à organiser.

La façade de l’Oper Leipzig

Leipzig est la grande ville commerciale de la Saxe, et mérite une visite: c’est une ville aérée, avec ses maisons bourgeoises, son histoire musicale (Bach), bien nettoyée depuis la “Wende”, et puis un concert au Gewandhaus (acoustique exceptionnelle) dirigé par Riccardo Chailly en face de l’Opéra ne peut se refuser, ainsi qu’une virée à Halle la ville de Haendel toute proche  ou à Bad Lauchstädt avec son petit Goethe Theater… un petit week end s’impose!

Le Semperoper de Dresde

Dresde s’est reconstruite peu à peu, et le centre horrible avec ses bâtiments typiques des années soixante socialistes est en train d’être refait. Déjà la fameuse Frauenkirche, l’église luthérienne la plus fameuse d’Allemagne, de l’architecte George Bähr,  qui trônait au XVIIIème sur les peintures de Bellotto, détruite lors du bombardement, est de nouveau debout, et Zwingermuseum et Semperoper trônent sur les bords de l’Elbe, au centre de celle qu’on appelle la Florence du nord, avec son extraordinaire Musée, l’Albertinum, qui est l’un des plus riches d’Europe (Giorgione…Vermeer). Une petite excursion au château de Pillnitz dans la vallée de l’Elbe, et le week end est déjà fini, avec un bel opéra ou un beau concert au milieu.

Le Nationaltheater, façade

Quant à Munich, entre les palais (Nymphenburg), les musées (Neue Pinakothek et Alte Pinakothek), les églises baroques (des frères Asam) le théâtre et les concerts, les brasseries (Hofbräuhaus de grande tradition et Mathäser plus populaire) et un tour chez Dallmayr pour les pâtisseries, offre de quoi remplir un très large week end.
Voilà trois week ends de l’année déjà réservés, il vous reste à choisir les spectacles…

Ces trois théâtres ont en commun un passé et une histoire avec Richard Wagner: Leipzig où il est né, Dresde où il a vécu et où il était le “Königlich-Sächsischer Hofkapellmeister” directeur de l’actuelle Staatskapelle et où il a créé Rienzi, Der fliegende Holländer et Tannhäuser avant d’en être chassé après avoir grimpé sur les barricades de 1848, et Munich qui peut à juste titre entrer en compétition avec Bayreuth puisque bien des opéras y ont été créés, Tristan und Isolde, Die Meistersinger von Nürnberg, Das Rheingold, Die Walküre. D’ailleurs, entre Munich et Bayreuth, une saine émulation règne depuis des  d’années. Je m’en vais donc regarder ces programmes sous le signe de Wagner, puis explorer ce qui peut faire l’objet d’un intérêt particulier dans le reste des programmes.

Vue de la salle de l’Oper Leipzig

S’il y a un moment où aller à Leipzig, c’est en février 2013: en calculant bien vous y verrez Die Feen, de Wagner, opéra dirigé par Ulf Schirmer, GMD et Intendant de l’Opéra de Leipzig, dans la nouvelle production de Renaud Doucet et les décors d’André Barbe, qui va ensuite aller à Bayreuth, et un concert du Gewandhaus dirigé par Riccardo Chailly (Mahler 5ème symphonie). Certes, il peut faire froid à cette période, mais entre Wagner et Mahler, il y a de quoi se réchauffer l’âme.
Entre diverses nouvelles productions, signalons tout de même le 4 mai 2013 (et en mai-juin) le début d’un nouveau Ring, cette saison, Das Rheingold dirigé aussi par Ulf Schirmer dans une mise en scène de la danseuse, chorégraphe et metteur en scène anglaise mais bien enracinée en terre germanique, Rosamund Gilmore, plutôt spécialisée dans les créations de musique contemporaine, qui est appelée par Ulf Schirmer avec qui elle a travaillé à Munich, à réaliser le nouveau Ring de Leipzig.
Dans les reprises retravaillées (Wiederauhnahmen), on remarque Rienzi en mars (Une  soirée le 2) et en mai (Une soirée le 25) dirigé par le “erster ständiger Gastdirigent”, premier chef invité (qui dirige en fait l’essentiel des reprises et pas mal de premières) Matthias Foremny, dans une version plus longue que celle de la Deutsche Oper Berlin, et la mise en scène de Nicolas Joel et les décors de Andreas Reinhardt. Rienzi sera Stefan Vinke, qui est un solide ténor. On voit si peu Rienzi (même si Toulouse vient d’en présenter un, avec Torsten Kerl et Marika Schönberg, prévue dans la distribution de Leipzig) que cela peut valoir le déplacement. On attendra peut-être le Rienzi de Bayreuth (mi juillet)  avec Christian Thielemann au pupitre.

La Salle du Semperoper Photo: Jürgen Männel

Alors que l’Oper Leipzig s’appuie beaucoup sur le travail de la troupe et des chefs maison, la Semperoper de Dresde s’appuie plutôt sur un grand nombre de chanteurs invités (comme “Gast”) et fait appel à des chefs extérieurs qu’on retrouve souvent dans d’autres scènes, et ainsi la programmation y est plus proche des standards internationaux. La présence de Christian Thielemann depuis cette année oblige à un niveau moins “local” qu’à Leipzig. Voyons donc d’abord “Wagner à Dresde“, titre d’un colloque qui a ouvert la saison le 15 septembre dernier. Les manifestations et productions wagnériennes courront toute l’année 2013 sur les deux saisons; ainsi en automne 2013 verra-t-on fin octobre Tannhäuser dans la mise une scène de Peter Konwitschny et mi-novembre une reprise de Tristan und Isolde dans celle de Marco Arturo Marelli.

La salle du Semperoper . Photo Jürgen Männel

En janvier 2013, Christian Thielemann dirigera à partir du 13 janvier trois représentations de Lohengrin dans une mise en scène de Christine Mielitz (qui remonte à 1983…) , très demandée en terre germanique (elle a aussi signé le Parsifal viennois et beaucoup de mises en scène à Dresde). La distribution est de choix: Robert Dean Smith, Kwanchoul Youn, Soile Isokoski, Jane Henschel et Wolfgang Koch, le futur Wotan de Bayreuth. Passons sur le Parsifal qu’on ne verra qu’à Salzbourg (23 mars et 1er avril) cette année, en coproduction avec la Semperoper, mise en scène Michael Schütz avec Johan Botha en Parsifal. A Dresde est prévue en revanche en juin (le 15) une nouvelle production de Der fliegende Holländer dirigée par Constantin Trinks, mise en scène de Florentine Klepper, dans une distribution plutôt locale, si l’on excepte Georg Zeppenfeld dans Daland.
Deux originalités, deux opéras que Wagner admirait tout particulièrement, une nouvelle production de La Juive, de Halévy, en mai 2013, mise en scène de Jossi Wieler et Sergio Morabito, dirigé par le jeune chef tchèque qui monte, l’excellent Tomáš Netopil avec Marcello Giordani dans Eleazar, et une représentation concertante de La Vestale de Spontini pour trois soirs en juin et juillet, dirigée par le vétéran Gabriele Ferro, avec Maria Agresta, la soprano dont on parle de plus en plus.
Enfin deux concerts donnés à l’occasion de l’anniversaire de la naissance de Wagner (22 mai), le 18 mai avec Das Liebesmahl der Apostel de Wagner (1843) et la Reformations Symphonie de Mendelssohn, et le 21 mai (le 22 Thielemann dirige à Bayreuth) un concert composé des scènes pour ténor des opéras de Wagner créés à Dresde avec… Jonas Kaufmann.
Si vous êtes amateur de surprises, il vous faudra aussi venir à Dresde en mars, avril, mai ou juin, voir Manon Lescaut de Puccini dans une mise en scène de Stefan Herheim avec Norma Fantini dans Manon (disparue des scènes italiennes, mais bien vivante en Allemagne) et le jeune ténor qui monte, Thiago Arancam (entendu à Lyon l’an dernier  dans Il Tabarro) dans Des Grieux, le tout dirigé par…Christian Thielemann qu’on n’attend vraiment pas dans Puccini. Pour Herheim, pour Arancam, pour Thielemann..vaudra le voyage.
Autre curiosité, mais en janvier février mars (et juin pour une représentation), Orlando de Haendel dirigée par Jonathan Darlington dans une mise en scène sans doute inventive d’Andreas Kriegenburg (le Ring de Munich).
Enfin, un opéra pour enfants de 50 minutes en un acte de Ernst Krenek dans la petite salle, Das geheime Königsreich, direction Mihkel Kütson et mise en scène Manfred Weiß.

La salle du Nationaltheater

Et Munich? Incontestablement nous passons à la vitesse supérieure, la Bayerische Staatsoper étant pour mon goût le théâtre de niveau international qui en Europe, est le plus régulier pour la qualité musicale, la qualité des productions et les larges choix de répertoire. A Munich, vous serez rarement déçu car l’offre est de haut niveau et chaque soirée a quelque chose à offrir: c’est à la fois un théâtre de grande et longue tradition, mais qui n’hésite pas, et depuis longtemps, à proposer des spectacles stimulants, modernes tout en conservant dans ses cartons des productions traditionnelles de bon aloi, ou qui ont marqué l’histoire. En terme d’offre, Munich peut largement soutenir la comparaison avec Vienne.
De plus chaque année, en juillet, c’est le moment du Festival (Münchner Opernfestspiele), 130 années d’existence, qui reprend des représentations de répertoire avec des distributions renouvelées et de grand niveau, et qui propose une à deux nouvelles productions. Le Festival 2013 (27 juin-31 juillet)  propose une ligne honorant et Verdi et Wagner, dont c’est le 200ème anniversaire). On y verra donc une nouvelle production de Il Trovatore le 27 juin 2013 et pour quatre représentations dans une mise en scène d’Olivier Py, dirigé par Paolo Carignani, avec Alexey Markov (Luna), Elena Manistina (Azucena) et …Anja Harteros (Leonora) et Jonas Kaufmann (Manrico). Jonas Kaufmann n’a pas la couleur d’un Manrico, mais c’est un tel chanteur…On verra aussi une reprise de Falstaff dans une production d’Eike Gramms (Aïe) dirigée par Paolo Carignani avec Ambrogio Maestri, et Véronique Gens dans le rôle d’Alice Ford, de La Traviata dirigée par Dan Ettinger avec le trio Marina Rebeka, Piotr Beczala, et Simon Keenlyside dans la mise en scène de Günter Krämer (Aïe), de Simon Boccanegra, nouvelle production de la saison (et non du Festival) dont la première aura eu lieu le 3 juin 2013 (suivie de quatre représentations) dans une mise en scène de Dimitri Tcherniakov, dirigée par Bertrand de Billy, avec Zeljko Lucic, Krassimira Stoyanova, Vitalij Kowaljov et Ramon Vargas, d’Otello dans la mise en scène sans grand intérêt de Francesca Zambello dirigée par Paolo Carignani, avec le trio Johan Botha dans le Maure, Claudio Sgura dans Jago, Pavol Breslik dans Cassio et…Anja Harteros comme Desdemona, de Rigoletto, nouvelle production de la saison dont la première est prévue le 15 décembre dirigée par Marco Armiliato , reprise au Festival sous la direction de Fabio Luisi, dans une mise en scène d’Árpád Schilling, ce qui devrait être particulièrement intéressant, avec Joseph Calleja, Franco Vassallo, et Patricia Petibon dans Gilda pour trois représentations, de Macbeth pour une seule représentation avec Zeljko Lucic et Nadja Michael dans la production de Martin Kušej (ce qui est toujours stimulant) et dirigée par Massimo Zanetti. enfin, ce festival Verdi impressionnant permettra de revoir la production de Don Carlo de Verdi de Jürgen Rose pour deux représentations de folie, les 25 et 28 juin, avec, tenez vous bien, Jonas Kaufmann et Anja Harteros, René Pape, Mariusz Kwiecien, Sonia Ganassi et dirigée par Zubin Mehta…qui manquerait  cela?
Et ce n’est pas fini! Parce que après Verdi vient Wagner, dès le début du Festival avec une seule représentation de Der Fliegende Holländer, dirigée par Asher Fisch (bof), dans la mise en scène de Peter Konwitschny, avec Johan Reuter et Hans-Peter König, la Senta de Anja Kampe et l’Erik de Klaus Florian Vogt….immédiatement suivie le lendemain d’une seule représentation de Tannhäuser dirigée par Kent Nagano dans la mise en scène de David Alden avec rien moins que Robert Dean Smith, Christiph Fischesser, Petra Lang dans Venus, et Anne Schwanewilms dans Elisabeth, et le Wolfram de Mathias Goerne. Deux jours après, le 3 juin, une seule reprise de Lohengrin (vous l’aurez compris, tout y passera!) dans la mise en scène de Richard Jones, dirigée par Lothar Koenigs, avec Annette Dasch, Klaus Florian Vogt, Evguenyi Nikitin, Micaela Schüster et Hans Peter König, et le 15 juillet, Tristan und Isolde dans la mise en scène de Peter Konwitschny, dirigé par Kent Nagano, avec Gary Lehmann dans Tristan, Petra-Maria Schnitzler dans Isolde, Ekatera Gubanova dans Brangäne, MArkus Eiche dans Kurwenal et René Pape en Roi Marke.
On n’échappera pas non plus au Ring dans la production discutée et inégale d’Andreas Kriegenburg, qu’on verra déjà en janvier, sous la direction de Kent Nagano (13,14, 15, 18 juillet) avec notamment  dans Wotan Johan Reuter(Rheingold), Bryn Terfel (Walküre), le Wanderer de Juha Uusitalo (Siegfried), Sophie Koch dans Fricka, Tomasz Konieczny dans Alberich, la Brünnhilde de Katarina Dalayman (Walküre), Catherine Naglestad (Siegfried), et Nina Stemme (Götterdämmerung), le Siegmund de Simon O’Neill et la Sieglinde de Petra Lang,  le Siegfried de Stephen Gould, sans compter Iain Paterson (Günther), Hans-Peter König (Hunding et Hagen). Ce déluge wagnérien sera conclu le 31 juillet par Parsifal, dans la mise en scène de Peter Konwitschny, dirigé par Kent Nagano, avec Christopher ventris, Thomas Hampson dans Amfortas, Kwanchoul Youn dans Gurnemanz, le Klingsor d’Evguenyi Nikitin, et la Kundry de Petra Lang.
Seul absent de cette impressionnante série, Die Meistersinger von Nürnberg qui aux temps de Sawallisch clôturait le Festival le 31 juillet mais dont on peut penser qu’ils seront proposés à la fin de l’année Wagner en automne 2013.
Ce n’est pas fini, parce qu’il fallait bien au programme quelques œuvres “autres” que du Verdi ou du Wagner. On pourra ainsi voir au Prinzregententheater Ariadne auf Naxos dans la mise en scène de Robert Carsen, dirigée par Bertrand de Billy, avec Burkhard Fritz dans Bacchus, Sophie Koch dans le Compositeur, Jane Archibald dans Zerbinetta, et Eva-Maria Westborek dans la Primadonna, une reprise pour une seule représentation (le 21 juillet)  de l’événement de ce début de saison, Babylon, le nouvel opéra de Jörg Widmann sur un texte de la star des philosophes Peter Sloterdijk, dirigé par Kent Nagano dans une mise en scène de Carlus Padrissa de la Fura dels Baus avec notamment Anna Prohaska,  Willard White et Gabriele Schnaut, une reprise (le 26 juillet) pour deux représentations d’une des nouvelles productions de la saison, Boris Godunov, de Mussorgski, dirigé par Kent Nagano dans la version de 1869 et dans la mise en scène très attendue de Calixto Bieito avec Alexander Tsymbalyuk dans Boris, Analtoli Kotscherga dans Pimen et Gerhard Siegel dans Schuiski. Enfin, dernière Première prévue, au

La salle du Prinzregententheater

Prinzregententheater, celle de Written on skin, de Georges Benjamin, qui fait le tour du monde, le 23 juillet (et les 25 et 27) dans la mise en scène de Katie Mitchell, dirigée par Kent Nagano, avec Barbara Hannigan.
En considérant la programmation du festival, on a une idée de ce que peut-être la saison 2012-2013 de la Bayerische Staatsoper. Vous pouvez allez voir les spectacles dans l’année à un prix moindre qu’en période de festival, à commencer par Lohengrin en ce mois de novembre, qui affichera Anja Harteros et Klaus Florian Vogt, à partir du 15 décembre, nouvelle production de Rigoletto mise en scène Árpád Schilling, dans la même distribution qu’au festival, mais dirigé par Marco Armiliato,  et un adieu à la vieille production de Herbert List (1965) de Hänsel und Gretel, dirigée par Kazushi Ono  pour préparer Noël, avant la nouvelle production de mars 2013, dirigée par Tomáš Hanus, mise en scène par Richard Jones, en janvier deux Ring complets, à la distribution à peu près semblable à celle de juillet, et pendant tout le mois de février le nouveau Boris Godunov, mise en scène de Calixto Bieito et dirigé par Kent Nagano, dans la version de 1869, sans l’acte polonais, dont il était question pour le festival. Et pour mémoire en juin le Simon Boccanegra mis en scène par Dimitri Tcherniakov et dirigé par Bertrand de Billy dont il était question plus haut.
Dans les reprise, notons une Aida (dirigée par Paolo Carignani, mise en scène Christof Nel) très bien distribuée (Michael Volle Amonasro, Sondra Radvanovski Aida, Anna Smirnova Amneris et Robert Dean Smith inattendu dans Radamès) , en janvier une Lucrezia Borgia de la nostalgie, dirigée par Paolo Arrivabeni, mise en scène (Aïe) de Christof Loy, avec Edita Gruberova, Sonia Ganassi, Charles Castronovo et Franco Vassallo, une distribution qui inspire l’envie. En continuant avec le bel canto, on pourrait voir en février une reprise de I Capuleti e i Montecchi , dans la mise en scène de Vincent Boussard, et dirigée par Yves Abel avec Joyce Di Donato et Ekaterina Siurina, à partir du 3 mars pour trois représentations, la production du Tristan und Isolde, avec Gary Lehmann et Waltraud Meier (direction Kent Nagano), et à Pâques deux représentations de Parsifal (Michael Weinius en Parsifal,  Michael Volle (Amfortas) et Petra Lang, suivies de quelques Otello (voir plus haut) avec Anja Harteros en Desdemona et Johan Botha en Otello; le jeune et talentueux Patrick Lange dirigera en avril aussi un Entführung aus dem Serail avec Peter Rose en Osmin, Rainer Trost en Belmonte et Maria Bengtsson en Konstanze, tandis que en mai Adam Fischer reprendra Don Giovanni (mise en scène Stephan Kimmig) avec Erin Wall et Annette Dasch, Alex Esposito et Gerard Finley. Tout cela entrelardé de Fliegende Holländer, de Hänsel et Gretel, l’Elisir d’amore, de

La salle du Cuvilliestheater

Macbeth, de Traviata et surtout de la nouvelle production de l’Elegie für junge Liebende de Henze, qui vient de disparaître,  au Cuvilliestheater, avec les jeunes de l’opéra-studio dans une mise en scène de Christiane Pohle.

Un aussi vaste choix laisse une grande liberté, il y en a pour tous les goûts, et le festival a une programmation impressionnante. Don Carlo reste le moment à ne pas manquer, mais Boris Godunov, le Ring, et ce nouveau Trovatore attirent aussi…quant aux admirateurs de Madame Harteros, ils ont l’embarras de choix, entre Lohengrin, Otello, Trovatore et Don Carlo.
Il ne vous reste plus qu’à vous précipiter sur vos agendas, sur les sites des compagnies aériennes, et d’organiser vos week-ends germaniques et lyriques, je suis sûr que vous ne le regretterez pas.