OPERAS EN EUROPE 2011-2012 (2): SPECTACLES A RETENIR – VIENNE & BERLIN

Se reporter aux commentaires spécifiques sur les saisons pour la Scala, Paris, Lyon.

Vienne, Berlin,  voici venir le moment des deux grandes capitales européennes de la musique d’opéra, 300 soirs à Vienne, trois opéras à Berlin, des titres variés, des standards certes, mais aussi bien des raretés. L’énorme offre berlinoise permet de diversifier les styles, les approches, les artistes, même si on voit mal se prolonger encore longtemps une situation d’une telle richesse. A Vienne, nous avons pour l’instant passé sous silence le Theater an der Wien, qui propose une programmation nouvelle correspondant à l’espace plus réduit et à un authentique théâtre du XVIIIème, et qui explore un répertoire différent de la Staatsoper, ni la Volksoper, qui n’a pas les mêmes choix esthétiques que la Komische Oper de Berlin, bien qu’elle ait la même fonction sociale et même si l’apport intellectuel de la  Komische Oper à l’histoire du théâtre est autrement plus riche (Se reporter aux sites respectifs).  Les productions du Theater an der Wien sont certes alléchantes, mais elles ne me sont pas apparues plus stimulantes que dans d’autres lieux similaires, c’est une programmation qu’on verrait bien à Aix en Provence par exemple.

VIENNE

Le Staatsoper de Vienne est un lieu un peu particulier. Un des hauts lieux de la grande tradition de l’Opéra, une institution d’une importance considérable dans le paysage autrichien, trois cents soirées du 1er septembre au 30 juin, un bal qui fait courir le monde, un vrai public de fans, capable de faire des jours et des jours de queue pour voir ses idoles (je fis trois jours pour Carmen avec Abbado, Baltsa, Carreras…)et un intendant, pour la première fois de son histoire, non issu de la sphère germanique, le français Dominique Meyer, germanophone, grand ami des Wiener Philharmoniker, qui a entrepris de faire bouger un peu les lignes dans cette vénérable institution et qui semble y réussir, tant à l’opéra qu’au ballet, introduisant le répertoire baroque (Armida avec Anja Harteros), le bel canto (l’an dernier Anna Bolena – Netrebko/Garanca- fit son entrée au répertoire) ou rafraichissant les productions maison vénérables et légendaires (cette année le Rosenkavalier de Otto Schenk).
Dans l’énorme quantité de titres (rien que dans les nouvelles productions ou les reprises qui ont été retravaillées, on compte 16 titres entre ballets et opéras)  au total une quarantaine  d’opéras différents, il est difficile de faire un choix clair, mais je vais signaler tout de même ce qui me fait très envie:

Don Carlo/Don Carlos: cette année, Vienne s’offre le luxe de présenter deux productions du chef d’oeuvre de Verdi, d’une part la version française dans la production désormais culte de Peter Konwitschny et une nouvelle production du Don Carlo italien montée par Daniele Abbado, fils de…On s’offrirait bien le luxe d’aller revoir l’une et découvrir l’autre.
Don Carlos, mise en scène Peter Kontwitschny, dir.mus. Bertrand de Billy avec Kwanchoul Youn (Philippe II), Ludovic Tézier (Rodrigue), Yonghoon Lee (Don Carlos), Adriane Pieczonka (Elisabeth), Béatrice Uria-Monzon (Eboli). Une distribution très honorable qui devrait produire un spectacle de haut niveau.

Don Carlo, mise en scène Daniele Abbado, dir.mus. Franz Welser-Möst, avec René Pape (Filippo II), Ramon Vargas (Don Carlo), Simon Keenlyside (Rodrigo), Luciana d’Intino (Eboli), Krassimira Stoyanova (Elisabetta). Inutile de dire qu’une fois de plus René Pape sera très attendu, comme à Munich ainsi que Simon Keenlyside, dont on connaît le magnifique Posa. Mais la distribution est moins excitante que celle de Munich (16-29 juin 2012)

Entre Zürich, Munich, Berlin, Vienne, beaucoup de Don Carlo(s) à voir cette année, et c’est heureux, avec des distributions assez variées, ce qui ne peut que réjouir.

Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny. C’est une des nouvelles productions de l’année qu’il faudra aller voir. L’oeuvre de Kurt Weill reste rarement représentée ( il y a eu récemment une belle production à Nantes) j’avais vu la représentation de Salzbourg en 1998, mise en scène Peter Zadek, dir.mus. Dennis Russell-Davies, dans les décors de Richard Peduzzi où Gwyneth Jones prêtait sa voix ruinée, mais fantastiquement ruinée pour le rôle à Leokadja Begbick, (avec aussi Catherine Malfitano et Jerry Hadley). En reproposant une forme “opéra”, Weill et Brecht posent à la fois la question de sa légitimité et celle de son public. Une oeuvre d’un immense intérêt et surtout tellement d’actualité! Dominique Meyer a composé une distribution stimulante (Christopher Ventris, Angelika Kirschlager, Elisabeth Kulman – Leokadja – , et le très bon Tomasz Konieczny) et fait appel à Jérôme Deschamps, peintre d’une société déjantée pour la mise en scène, le tout sera dirigé par Ingo Metzmacher, un maître pour ce type de répertoire. A VOIR ABSOLUMENT. (Du 24 janvier au 5 février 2012).

Parmi les spectacles viennois attirants, on peut aussi noter

Roberto Devereux, avec, comme à Munich, Edita Gruberova, cette fois-ci dirigée par Evelino Pido’, qui porte décidément à Vienne (et en France…) le bel canto, dans une mise en scène du roumain Silvio Purcarete , que les français connaissent bien, avec José Bros, et Nadia Krasteva (26 mai-10 juin)

Die Frau ohne Schatten, dirigée par Franz Welser-Möst, dont on connaît l’affinité pour Strauss, mise en scène de Robert Carsen, avec Adriane Pieczonka (Kaiserin), Robert Dean Smith (Kaiser), Evelyne Herlitzius (Färberin), Wolfgang Koch (Barak, der Färber), soit une belle distribution. Frau ohne Schatten est un de ces opéras qu’on aime à peine on commence à l’écouter et qui a laissé de sublimes interprétations (Rysanek, Nilsson, Böhm…) . (17-27 mars 2012).

Signalons au passage un Ring des Nibelungen unique du 1er au 13 novembre dirigé cette année par Christian Thielemann dans la mise en scène maison de Sven-Eric Bechtolf, avec une pléiade de grands chanteurs wagnériens, Albert Dohmen, Katharina Dalayman, Stephen Gould, Christopher Ventris, Waltraud Meier, Janina Baechle, Tomasz Konieczny…succès assuré même si je ne suis pas fan de Thielemann.

Signalons aussi un Faust, dir.mus: Alain Altinoglu, Mise en scène Nicoals Joel, avec Inva Mula..jusque là on est en terrain connu, mais aussi avec Jonas Kaufmann et l’excellent Adrian Eröd dans Valentin, Albert Dohmen étant Mephisto. Ce Faust devrait faire courir les foules.

Enfin, last but not least, j’ai un faible un très gros faible pour une reprise du Rosenkavalier dans la mise en scène de Otto Schenk, dirigé par Peter Schneider en décembre et par Jeffrey Tate en avril, avec en décembre, Anja Harteros, Chen Reiss, Kurt Rydl et Michaela Selinger et en avril Nina Stemme, Kurt Rydl, Elina garanca et Miah Persson, alternative difficile je crois que je choisirai(s) avril, le trio est vraiment un trio de choc! A NE PAS MANQUER.

Il y aurait bien d’autres choses à signaler: le beau Cardillac d’Hindemith dirigé par Welser Möst qui a triomphé l’an dernier (29 mars-4 avril), un Parsifal pascal dirigé par Thielemann avec Angela Denoke dans Kundry, une Clemenza di Tito avec Michael Schade et Elina Garanca, mise en scène Jürgen Flimm, direction Louis Langrée (17 mai-1er juin 2012) et la Traviata d’Aix (mise en scène Jean-François Sivadier) sans Dessay, mais avec Ermonela Jaho, et dirigée en mai par Bertrand de Billy (10-20 mai) et De la Maison des morts, de Janacek (11 décembre-30 décembre) dirigée par Franz Welser Möst dans une mise en scène de Peter Konwitschny et puis..et puis..et puis..promenez-vous (que dis-je..perdez-vous) dans le site de l’opéra de Vienne, vous resterez étonné de l’offre de ce théâtre “de répertoire” qui allie les avantages du répertoire et ceux de la stagione (notamment pour les distributions)… et puis c’est l’occasion d’aller voir et revoir les Klimt et les Schiele du Belvedere, et les Brueghel et les Archimboldo du Kunsthistorisches Museum, sans oublier le Café Landtmann, le Café Schwarzenberg (mon préféré), le café Mozart, le café Hawelka et le café Diglas (Wollzeile, derrière la Stephansdom, mon second préféré)…

 

BERLIN

Avec ses trois opéras, Staatsoper Unter den Linden, Deutsche Oper, Komische Oper, Berlin à elle seule peut justifier un long séjour lyrique, encore faut-il trouver la période qui permette de voir dans les trois établissements un spectacle qui en vaille la peine.

  • STAATSOPER UNTER DEN LINDEN

Comme son nom ne l’indique plus, la Staatsoper unter den Linden a déménagé à cause de très gros travaux de rénovation (surélévation de la scène notamment) pour trois à quatre ans au Schiller Theater, plus petit, situé presque en face de la Deutsche Oper, côté ouest, alors que la Staatsoper fut l’Opéra de Berlin Est avant la chute du mur. Le directeur artistique depuis vingt ans en est Daniel Barenboim, l’orchestre en fosse est la Staatskapelle Berlin. Daniel Barenboim étant aussi le directeur musical de la Scala, les liens entre ces deux théâtres se sont resserrés, ils ont notamment en commun le Ring de Guy Cassiers, et quelques distributions ou productions (Don Giovanni cette saison affiche dans les deux théâtres, pour deux productions différentes, bien des chanteurs communs). Un regard sur la riche programmation m’a permis de repérer deux reprises intéressantes :

    • Candide, de Leonard Bernstein, dir. mus. Wayne Marshall, mise en scène Vincent Boussard (costumes de Christian Lacroix). L’œuvre mérite d’être vue, elle est encore rare dans les théâtres, et cette production a une flatteuse réputation, la distribution comprend Maria Bengtsson dans Cunégonde et la grande Anja Silja dans the Old Lady. C’est en ce moment…du 1er au 15 novembre (à combiner avec le Don Carlo – encore-  du Deutsche Oper).
    • L’Etoile, de Chabrier, succès de l’an dernier, repris pour Noël (du 4 au 22 décembre) dans la mise en scène de Dale Düsing, et dirigé par Simon Rattle (qui est très bon dans ce type de répertoire) avec Jean-Paul Fouchécourt, Magdalena Kožená, Giovanni Furlanetto.

            On remarquera aussi dans les reprises le fameux Simon Boccanegra (mise en scène minable de Federico Tiezzi) avec Placido Domingo et Anja Harteros (cela vaut encore le voyage malgré tout), dirigé par Daniel Barenboim (26 au 31 mai 2012), un beau Tristan (Barenboim, avec Waltraud Meier), du 10 au 25 mars 2012, une Butterfly de pur répertoire, mais dirigée par…Andris Nelsons et avec la nouvelle coqueluche Kristina Opolais (6 au 13 mai), et pour les nostalgiques de Paris ou d’Aix, la magnifique Traviata mise en scène par Peter Mussbach (vous vous souvenez…Aix) avec la non moins magnifique Christine Schäfer (vous vous souvenez..Paris) dirigée par le jeune et talentueux Omar Meir Wellber entre le 27 novembre et le 17 décembre et une reprise les 29 juin et 1er juillet sans Christine Schäfer.

Dans les nouvelles productions, celle de De la Maison des morts (Chéreau) vient d’avoir un triomphal succès dirigée ici par Sir Simon Rattle, une autre devrait promettre :

Al gran sole carico d’amore, de Luigi Nono, œuvre revenue sur les scènes grâce à Salzbourg (c’est d’ailleurs la même production qu’on va revoir) avec au pupitre Ingo Metzmacher, qui ici aussi fera sans doute l’unanimité (Mise en scène Katie Mitchell) (entre le 1er et le 11 mars). A INSCRIRE SUR SES TABLETTES.

Dans les œuvres contemporaines, une autre coproduction avec Salzbourg, et avec Amsterdam, encore dirigée par Ingo Metzmacher :

Dionysos, de Wolfgang Rihm, dans une mise en scène de Pierre Audi du 8 au 15 Juillet 2012 dans le cadre de « Festival Infektion »…

Dans les autres « premières », il faut signaler quand même
Don Giovanni, dans la production salzbourgeoise très discutée de Claus Guth (un Don Giovanni blessé à mort par le Commandeur et qui vit le tout pour le tout dans ses dernières heures) avec Anna Netrebko, Christopher Maltman, Erwin Schrott, Dorothea Röschmann…(du 24 juin au 6 juillet).

Lulu, avec l’équipe du Wozzeck (Andrea Breth, Daniel Barenboim) et une distribution qui impose le respect : Mojka Erdmann dans Lulu, Deboreh Polaski dans Geschwitz, et Michael Volle dans Schön.. m’est avis que cela devrait valoir le voyage (31 mars-14 avril)

Orphée aux Enfers, d’Offenbach, dans une mise en scène du cinéaste Philipp Stölzl (Celui à l’on doit le Rienzi de la maison d’en face, le Deutsche Oper)  dirigée par Christoph Israel qui devrait là aussi décoiffer un peu.

Quelques productions pour les jeunes d’œuvres peu connues qui devraient stimuler l’intérêt des anciens :

–          Aschenputtel (Cendrillon) de Ermanno Wolf-Ferrari (du 5 au 29 décembre) chaque jour au Werkstatt (Atelier-Théâtre) du Schiller Theater

–          Moscou quartier des cerises, de Chostakovitch, que les lyonnais connaissent bien au Werkstatt (Atelier-Théâtre) du Schiller Theater tous les deux jours entre le 2 mai et le 17 mai prochains.

Enfin, le baroque et musique ancienne ne sont pas en reste, avec deux productions à noter :

Rappresentazione di anima e di corpo, de Emilio De Cavalieri, dirigé par René Jacobs et mis en image par Achim Freyer, avec Marie-Claude Chappuis, et l’Akademie für Alte Musik Berlin (8 juin-17 juin)

Il trionfo del corpo e del disinganno, dirigé par Marc Minkowski avec les Musiciens du Louvre, avec Delphine Galou et Charles Workman, dans une mise en scène de Jürgen Flimm (15 au 29 janvier 2012)

Comme on le voit, une programmation riche, qui couvre des directions et des répertoires, exigeante, fouillée, comme on en voit peu en France, complétée par l’offre un peu plus « grand public » (mais pas tant que ça) de la Deutsche Oper (mais il faut remplir une salle beaucoup plus vaste). Il faudra faire des choix. Je pense quand même que j’irai voir Al gran sole carico d’amore et Lulu.

 

 

 

 

  • DEUTSCHE OPER

Au milieu des 7 nouvelles productions (avec trois productions concertantes dues à des choix économiques) et de la trentaine de titres offerts par la Deutsche Oper, il va être encore difficile de faire des choix. On va finir par avoir envie de s’installer à Berlin ! Notons que la Deustche Oper vient d’offrir  une fois de plus l’inusable production du Ring des Nibelungen (ce mois de septembre dernier) de Götz Friedrich, qui régna sur cette maison, sous la direction du directeur musical actuel, Donald Runnicles, avec une distribution de bon niveau (Jennifer Wilson en Brünnhilde de Walküre, Stephen Gould en Siegfried, avec Torsten Kerl, avec aussi Robert Dean Smith en Siegmund.

Dans les reprises notons aussi

Rienzi, mise en scène Philipp Stölzl, dir.mus : Sebastian Lang-Lessing, avec Torsten Kerl en Rienzi et Manuela Uhl en Irene. J’ai rendu compte dans ce blog de cette très belle production et je ne saurais trop conseiller de faire le voyage : Rienzi est si rare.(20 au 30 avril)

Si vous êtes à Berlin pour Noël, ne pas manquer non plus la reprise de
Hänsel und Gretel, de Humperdinck, un des must de l’opéra allemand, dans une mise en scène de Andreas Homoki (un bon metteur en scène), dirigée par Garett Keast avec Jana Korukova/Julia Benziger et Anna Schoeck/Martina Welschenbach (23-27 décembre)

Parmi la longue liste des premières de la saison où l’on voit notamment la première berlinoise du Tancredi de Rossini (Dir.mus Alberto Zedda, mise en scène : Pierluigi Pizzi avec Patrizia Ciofi (du 22 janvier au 4 février), Patrizia Ciofi assurera (avec Joseph Calleja) aussi deux  représentations concertantes des Pêcheurs de perles de Bizet, direction Guillermo Garcia Calvo (les 19 et 22 décembre), ce qui est aussi une première berlinoise. On note aussi une Jenufa, un Lohengrin. J’ai noté aussi la nouvelle production de

Don Carlo mise en scène Marco Arturo Marelli (qui avait fait à Garnier le Don Carlos français et le Don Carlo italien dans les années 1980 sous l’ère Bogianckino.) dirigé par Donald Runnicles, avec Roberto Scandiuzzi en Filippo II et Anja Harteros (qui chante souvent au Deutsche Oper (je l’y ai entendue dans Traviata où elle fut pour moi inoubliable) Massimo Giordano en Carlo et Anna Smirnova dans Eboli…(du 23 octobre au 12 novembre, et du 8 au 14 avril avec d’autres chanteurs)

Mais c’est sur deux représentations concertantes d’un relief particulier que j’ai jeté mon dévolu :

Candide, de Leonard Bernstein, le 15 mars prochain en hommage à l’humoriste Loriot (Vicco von Bülow) mort en août dernier, dirigé par Donald Runnicles, avec notamment Toby Spence dans Candide et Grace Bumbry dans the Old Lady..Qui manquerait Grace Bumbry ??

Il Trovatore, de Verdi. J’ai dit qu’un Trovatore bien distribué était difficile à trouver aujourd’hui. Les 6 et 9 juin prochains au Deutsche Oper de Berlin, on pourra entendre en représentation concertante Stuart Neill qui est un bon ténor (mais est-ce un Manrico ?), mais surtout Anja Harteros en Leonora (enfin !!), l’excellent Dalibor Jenis en Luna, et la somptueuse Stephanie Blythe (la fabuleuse Fricka de New York) en Azucena, le tout dirigé par le très jeune chef italien Andrea Battistoni…J’espère que cela va palpiter, haleter et qu’on va enfin avoir un Trovatore digne de ce nom.

On l’aura compris, s’il y a un voyage à faire pour moi, c’est le samedi 9 juin pour Trovatore, pour écouter Harteros et Blythe, et découvrir Battistoni dont on parle tant.

 

  • KOMISCHE OPER

t voilà le troisième larron, le théâtre de Felsenstein, que Andreas Homoki va quitter pour Zürich. Pour faire exister son établissement (où tous les opéras sont donnés en allemand) entre les deux géants berlinois, il a tablé sur la nouveauté des mises en scène et sur la provocation. Si vous voulez voir cette année des mises en scènes de Hans Neuenfels, allez donc voir Traviata, si vous voulez, après le Tannhäuser de Bayreuth voir encore une production de Sebastian Baumgarten, vous pourrez voir Carmen dès la fin Novembre, et depuis octobre et jusqu’en janvier vous pourrez voir Im weissen Rößl (l’auberge du Cheval blanc, oui oui) toujours par Baumgarten. Vous pourrez aussi voir une nouvelle production de Homoki (La petite renarde rusée), de Calixto Bieito (Freischütz) et enfin de Stefan Herheim (Xerxès). Bref, c’est le théâtre à ne pas fréquenter pour ceux qui sont allergiques au Regietheater.
Pourtant on y voit souvent des spectacles intelligents et vifs dans des conditions musicales moyennes : quelquefois on voit à la Komische Oper les stars de demain, quelquefois celles d’hier, mais on fait aussi des découvertes (le chef Konrad Junghänel qui va diriger Xerxès que j’entendis dans Armide est vraiment excellent). Mon goût pour le théâtre allemand qui m’est souvent reproché fait que je vais sans doute faire le voyage pour Carmen et L’auberge du cheval blanc : je veux comprendre la manière dont travaille Baumgarten, Le Freischütz de Calixto Bieito, qui va être dirigé par Patrick Lange le directeur musical du théâtre m’attire également. Et inutile de dire que je vais me précipiter au Xerxès de Haendel, mis en scène par Stefan Herheim vu mon admiration pour ce metteur en scène et mon intérêt pour le chef Konrad Junghänel.

Aussi proposerais-je la sélection suivante, destinée aux curieux, aux fous furieux, aux inconscients et aux masos.

Carmen, de Bizet, mise en scène Sebastian Baumgarten, dir.mus. Stefan Blunier, avec Stella Doufexis en Carmen (du 27 novembre au 27 janvier et le 4 juillet)

Im weissen Rößl, [L’auberge du cheval blanc] de Benatzky, mise en scène Sebastian Baumgarten, dir.mus Koen Schoots/Peter Christian Feigel (6 nov-15 janv)

Der Freischütz, de Weber, mise en scène Calixto Bieito, dir.mus Patrick Lange avec Günter Papendell, Bettina Jensen, Dmitry Golovnin (depuis le 29 janvier, en fév., mars, avril, jusqu’au 6 juillet)

Xerxès, de Haendel, mise en scène Stefan Herheim, dir.mus Konrad Junghänel à partir du 13 mai et jusqu’au 5 juillet, avec Stella Doufexis.

On remarque aussi dans les nouvelles productions
Le cheval de bronze [das bronzene Pferd], d’Auber, livret de Eugène Scribe dans une mise en scène de Frank Hilbrich, dirigé par Maurizio Barbacini. Auber est si rare dans nos contrées que cela vaut aussi le voyage d’aller voir cette production, qui court du 11 mars au 3 juillet.

Enfin lst but not least, un peu de Hans Neuenfels ne peut faire mal à la santé et donc pour les irréductibles, la reprise de
Traviata, mise en scène Hans Neuenfels, dir.mus.Patrick Lange, du 14 janvier au 14 février (mais surtout en janvier !)

Pour ma part, Xerxès, bien sûr, mais aussi Carmen,  l’Auberge du cheval blanc et sans doute Freischütz. Le système de répertoire permet néanmoins d’étaler ses projets sur plusieurs années, les productions étant reprises régulièrement.

 

Comme on le voit, à Berlin, on a tous les choix, tous les styles, tous les répertoires, la tête tourne devant cette offre à la limite excessive – est-ce que les restrictions économiques le permettront longtemps ?  En tous cas pour l’instant,  pas de quoi s’ennuyer, mais l’exercice est délicat qui consiste à concentrer en peu de temps des spectacles qui valent le déplacement.

 

 

 

A suivre.. Londres, New York, Florence, Rome

WIENER STAATSOPER 2010-2011 A LA TV: ANNA BOLENA de Gaetano DONIZETTI (5 avril 2011) (Anna NETREBKO, Elina GARANCA, Elisabeth KULMAN)

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A voir le succès de cette représentation, Dominique MEYER qui fait entrer au répertoire de Vienne Anna Bolena a réussi son pari. Il est toujours difficile de rendre compte de retransmissions télévisées. Et les remarques qui suivent sont des impressions de téléspectateur à chaud. Brian Large, le réalisateur de la Tétralogie de Chéreau à Bayreuth, signe la reprise vidéo, qui est très réussie, comme souvent dans les productions qu’il met en image. Le bel canto est tout de même rare sur nos scènes et à la TV, cela vaut donc peut-être le coup d’en dire quelques mots.

La production de Eric Génovèse,sociétaire de la Comédie Française, qui a beaucoup travaillé avec Dominique Meyer au Théâtre des Champs Elysées comme acteur/récitant et metteur en scène (des Mozart, L’enlèvement au Sérail et Cosi fan tutte-mise en scène-,  puis Peer Gynt de Grieg, et Die Schöne Maguelone de Brahms l’an dernier), est très sobre, avec des décors minimalistes (de Jacques Gabel, murs de brique, espace très géométrique) dans les tons sombres (qui s’en étonnerait vu le sujet…), ce qui donne de la valeur aux rares meubles, et aux costumes plutôt réussis de Luisa Spinatelli qui s’inspire visiblement de la peinture de l’époque. Il est certain que les opéras de Donizetti ou de Bellini ne permettent pas pour la plupart des fantaisies de metteur en scène. Je l’ai déjà écrit dans d’autres comptes rendus, on ne vient pas pour la mise en scène, mais essentiellement pour les performances vocales et l’opéra est construit comme un chemin vers des vertiges acrobatiques de plus en plus exposés. Il reste qu’il y a de jolies idées, dont celle de faire apparaître Elisabeth 1ère enfant comme dernière image, puisqu’Elisabeth est la fille d’Anne Boleyn.

Anna Bolena est un opéra sombre, au livret relativement ramassé puisque le destin de la reine est pratiquement scellé dès la fin du premier acte, le second acte consistant à construire le mythe d’Anna, qui refuse de descendre à la compromission pour sauver sa tête, ce qui est l’occasion d’ensembles, de duos phénoménaux, d’un final étourdissant en forme de scène de folie, motif familier des compositeurs de l’époque , la folie justifiant les acrobaties vocales. Il fallut attendre la production de la Scala en 1957 (avec Callas) pour que l’oeuvre sorte de l’oubli où le XIXème sicèle l’avait laissée à la fin des années 1870. Le fait même qu’elle ait été ignorée depuis sa création (en 1830) par un théâtre aussi important que la Staatsoper de Vienne en dit long. Depuis Callas (qu’il faut écouter absolument), les plus grandes s’y sont lancées (Gencer, Sills, Sutherland, Gruberova, Netrebko). Il faut pour le rôle les aigus et les suraigus, l’agilité, le sens dramatique, et aussi une épaisseur vocale qui permette de surmonter un final qui est à lui seul une performance à l’égal de la scène de la folie de Lucia di Lammermoor.

A Vienne, l’oeuvre est dirigée par Evelino Pido’, bien connu des mélomanes français et particulièrement à Lyon où il dirige chaque année un opéra bel cantiste en version de concert (cette année Otello de Rossini) . Il a dirigé aussi très souvent à Paris (à la Bastille Capuleti e Montecchi, avec Anna Netrebko et Joyce di Donato) et aussi très souvent au théâtre des Champs Elysées. Grand spécialiste de ce répertoire, chef très précis, très attentif aux voix, c’est la garantie d’une approche musicale toujours au point, toujours juste, toujours propre . D’aucuns lui reprochent un manque d’invention, mais c’est assez injuste en général. Avec un orchestre comme celui de la Staasoper de Vienne (qui s’appelle Philharmonique de Vienne à ses moments perdus), aucun souci en perspective. Et effectivement, c’est très réussi.

La distribution réunit de grandes stars du chant, familières de Vienne, et le public a dû faire de longues heures de queue (j’imagine, pour l’avoir souvent faite, celle des places debout…) . Peter Jelosits a un peu de problèmes avec la couleur italienne (dans Sir Hervey) et la basse Dan Paul Dimitrescu se sort bien du rôle épisodique de Lord Rochefort. Francesco Meli, l’un des meilleurs ténors pour ce répertoire, a comme toujours ne voix bien dominée, sonore, claire, mais semble avoir de petites difficultés en fin d’opéra. Ildebrando D’Arcangelo est un grand Henry VIII, et tout ce qu’il chante lui réussit.
Mais on vient essentiellement pour les dames: Elina Garança en Giovanna Seymour est simplement somptueuse, elle a la présence (superbe), l’étendue du registre (des graves impressionnants et des aigus triomphants) et surtout elle crée une tension dans son chant qui rend ses apparitions très fortes et notamment le magnifique duo du second acte.J’avoue être plus convaincu que lors de concerts où je l’avais trouvé assez froide (Les Nuits d’été notamment) .

netrebko.1302045661.jpgAnna Netrebko, la star des stars pour ce répertoire, n’a plus tout à fait la même voix depuis son accouchement: on y a perdu en douceur, en velours, et en contrôle du diaphragme, mais l’implication dramatique, l’intensité sont plus grandes, et la voix un peu plus large (même si cette voix miraculeuse était capable de tout il y encore quelques années) mais sans le timbre exceptionnel qu’elle avait par exemple dans Capuleti à Paris. La prestation reste évidemment de très grand niveau, mais un tantinet en deçà de ce qu’on connaît d’elle.

La surprise de la soirée vient de l’extraordinaire page Smeton de la jeune Elisabeth Kulman, mezzo autrichien qui devrait être promise aux plus hauts sommets du Panthéon lyrique: il ne faut pas la rater si elle passe en France, elle est stupéfiante d’engagement scénique, d’intensité, de technique, de volume (autant qu’on en puisse juger). C’est une Carmen évidente (elle l’a à son répertoire), mais elle doit être une Vénus de Tannhäuser assez étonnante. Chacune de ses apparitions (le rôle est assez bref) fut vraiment un magnifique moment.

En conclusion, il reste quatre ou cinq représentations et qui peut se ménager un petit week end viennois pourrait par exemple venir pour la dernière le 17 avril. L’an prochain, ce sera Roberto Devereux, avec l’encore grande Gruberova.