LA SAISON 2022-2023 DU TEATRO DELL’OPERA DI ROMA

Une saison prudente qui navigue sur les eaux calmes du classicisme tout en essayant d’introduire quelques éléments de modernité

 

Les choses ont changé depuis un an à l’Opéra de Rome. Le Sovrintendente Carlo Fuortes a rejoint la RAI, Daniele Gatti a rejoint Florence. En lieu et place, Francesco Giambrone venu du Massimo de Palerme est devenu Sovrintendente, et Michele Mariotti directeur musical.

Francesco Giambrone a accompli à Palerme un travail d’ouverture digne d’être remarqué, et son arrivée à Rome est plutôt de bon augure. Michele Mariotti quant à lui, fort d’une carrière internationale de plus en plus assise (on l’a vu triompher au dernier Festival d’Aix dans Moïse et Pharaon), doit continuer à la tête d’une institution aussi importante que Rome à élargir un répertoire lyrique encore dominé par Rossini et Verdi. Du moins est-il vu ainsi dans la plupart des institutions non italiennes. Et du point de vue de son répertoire symphonique il reste difficile d’en définir des lignes. Tous les grands chefs lyriques italiens depuis une cinquantaine d’années se sont aussi affirmés dans le symphonique, que ce soit Abbado, Muti, Chailly, Sinopoli (qui était aussi compositeur). Quant à son prédecesseur  Daniele Gatti, sa récente nomination à la Staatskapelle Dresden en est l’éclatante démonstration. C’est le défi qu’il reste à relever pour Michele Mariotti, peut-être trop prudent.
Nous l’avons souvent écrit, l’histoire de l’Opéra de Rome est faite de moments brillants et de périodes noires, mais elle reste la grande institution lyrique de la capitale, dont l’histoire est relativement courte (moins de 150 ans), par rapport à la Scala de Milan (1778) et au San Carlo de Naples (1737). Non qu’à Rome avant la fin du XIXe on ne fît pas d’opéra (Haendel y crée Il Trionfo del Tempo e del Disinganno, il est vrai un oratorio et Rossini y a créé rien moins que Il Barbiere di Siviglia), mais la capitale de la Papauté devait afficher une certaine modération en la matière. Alors, L’Opéra di Roma, créé comme Teatro Costanzi à cause de celui qui en finança la construction, est un peu le grand théâtre lyrique du nouvel état italien, quand tous les autres sont des théâtres des états locaux qui essaimaient dans l’Italie pré-risorgimentale.
Il Teatro dell’’Opera di Roma bénéficie aussi d’un ballet, sans doute pas aussi prestigieux que celui de la Scala, dont la directrice Eleonora Abbagnato, étoile de l’Opéra (…de Paris !), a su rafraichir les programmes, appeler des chorégraphes et des étoiles venues de l’extérieur, pour composer des saisons équilibrées entre classicisme et modernité, de sorte que de nombreux ballettomanes font le voyage de Rome.

En somme, des atouts indéniables, même si les forces du théâtre, orchestre comme chœur, valeureuses, n’atteignent pas le niveau d’institutions comme la Scala ou Florence. L’orchestre notamment, qui malgré une belle discographie lyrique dans les années 1950 ou 1960, manque d’un directeur musical qui ait la longévité suffisante pour le hisser au plus haut niveau italien aujourd’hui. Ces dernières années, Muti passa comme un éclair, et Gatti est resté quatre ans, ce qui est suffisant pour produire de beaux spectacles, mais pas suffisant pour faire de l’orchestre une phalange de référence dans le paysage lyrique italien.

La saison 2022-2023

Saison Lyrique

Comme souvent en Italie, la saison commence non en septembre comme dans la plupart des opéras du monde, mais vers la fin de l’année (novembre ou décembre) ou au début de l’année civile suivante, souvenir des époques où les saisons commençaient toutes autour de Noël (Scala le 26 décembre par exemple). Les deux premières productions (octobre et novembre) appartiennent donc de facto à la saison précédente, mais nous en traiterons pour mémoire. La saison 22-23 comprend huit productions faites de grand répertoire traditionnel (Elisir d’amore, Aida, Pagliacci, Butterfly, Trittico ricomposto – recomposé, on verra pourquoi) et des titres plus rares, Dialogues des Carmélites, De la maison des morts, Giulio Cesare in Egitto et quelques concerts lyriques que le théâtre essaie de relancer après des années d’interruption.

Cela reste très prudent : comme la plupart des salles européennes, l’opéra de Rome doit reconquérir son public, historiquement assez traditionnel, mais qui sait aussi reconnaître la qualité et qui a toujours soutenu son théâtre précédemment, malgré les hoquets.

 

Saison 2021-2022 (Octobre-novembre)

Octobre 2022
Christoph Willibald Gluck
Alceste
6 repr.  du 2 au 13  octobre 2022  – Dir. Mus Gianluca Capuano, MeS : Sidi Larbi Cherkaoui
Avec Marina Viotti, Juan Francisco Gatell, Luca Tittoto, Patrik Reiter
Sidi Larbi Cherkaoui est un chorégraphe-metteur en scène de grande qualité et souvent original, Gianluca Capuano l’un des chefs les plus passionnants pour  ce répertoire, Marina Viotti une chanteuse qui est en train de devenir l’une des plus intéressantes aujourd’hui dans ce type de rôle. Cela suffit pour voir dans cette production un motif de grand intérêt.

Novembre 2022
Giacomo Puccini
Tosca
4 repr. du 2 au 5 novembre 2022 – Dir. Mus : Paolo Arrivabeni/MeS : Alessandro Talevi
Avec Anna Pirozzi/Carmen Giannatasio, Gregory Kunde/Luciano Ganci, Claudio Sgura/Marco Caria
L’Opéra de Rome a une « bandiera », une bannière qui revient fréquemment au programme pour remplir la salle, c’est cette Tosca dans les décors et les costumes de la création (à Rome, bien entendu) signés Adolf Hohenstein et recréés par Carlo Savi (décors) et Laura Biagiotti (costumes). En fosse un vieux routier du répertoire italien, Paolo Arrivabeni, et sur scène en alternance des chanteurs éprouvés (Kunde, Sgura) et excellents et des jeunes très prometteurs (Ganci ; Curia), quant aux deux Tosca, l’une est plutôt bonne (Pirozzi) et l’autre moins (Giannatasio).
Si vous avez prévu des vacances de Toussaint romaines…

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Saison 2022-2023

Novembre-décembre 2022
Francis Poulenc
Dialogues des Carmélites
6 repr. du 25 nov. au 6 déc. Dir. Mus : Michele Mariotti, MeS : Emma Dante.
Avec Jean-François Lapointe, Bogdan Volkov, Corinne Winters,  Emöke Barath, Anna-Caterina Antonacci, Ewa Vesin, Ekaterina Gubanova…

Un titre un peu surprenant pour une inauguration de saison, mais Les Dialogues des Carmélites a été créé à Rome peu de temps (1958) après la Scala (1957) et l’équipe artistique réunie ne manque pas d’intérêt. Michele Mariotti inaugure son « règne » en dehors de son répertoire habituel, pour nous faire mentir et aussi s’affirmer d’emblée comme directeur musical éclectique, la sicilienne Emma Dante met en scène un opéra de femmes (peut-être le sicilien Giambrone n’est-il pas étranger à ce choix, c’est en tous cas un Sovrintendente très intéressé par l’artistique) et la distribution est passionnante : en dehors de Jean-François Lapointe, bien connu, on note Bogdan Volkov en chevalier de La Force, le ténor ukrainien est en train de devenir l’une des voix les plus en vue du moment (c’est un fabuleux mozartien) et dans les voix féminines, Corinne Winters, sera Blanche après son triomphe salzbourgeois dans Katia Kabanova : elle a l’énergie, le format et la présence nécessaires. La vieille prieure est Anna-Caterina Antonacci, ce seul nom est une promesse qui devrait suffire, et Mère Marie de l’Incarnation Ekaterina Gubanova, Sans compter les excellentes Ewa Vesin et Emöke Barath. Même sans beaucoup de francophones, c’est une distribution tellement somptueuse qu’elle devrait attirer les mélomanes à Rome. A vos billets d’avion ou Trenitalia !

Janvier 2023
Gaetano Donizetti
L’Elisir d’amore
5 repr. du 11 au 15 janv. 2023 Dir. Mus : Francesco Lanzillotta, MeS : Ruggero Capuccio

Avec Alexandra Kurzak/Federica Guida, John Osborn/Juan-Francisco Gatell, Alessio Arduini/Vittorio Prato, Simone del Savio/Davide Giangregorio.
Toujours ce subtil jeu d’équilibre entre une œuvre plus rare à laquelle succède un must tiroir-caisse du répertoire, pour quelques représentations avec une solide distribution d’où émergent évidemment John Osborn en Nemorino et Alexandra Kurzak  en Adina, en alternance avec Juan-Francisco Gatell et Federica Guida. Les autres rôles sont solidement tenus, soit en distribution A (Belcore Arduini,  Dulcamara Del Savio), soit en B (Prato et Giangregorio). En fosse le très fiable Francesco Lanzillotta que je tiens comme l’une des baguettes intéressantes de la nouvelle génération italienne.
Du pur répertoire, mais non dénué d’intérêt  musical.

 

Janvier-Février 2023
Giuseppe Verdi
Aida
9 repr. du 29 janv. au 12 févr.- Dir.mus : Michele Mariotti / MeS : Davide Livermore
Avec Krassimira Stoyanova/Vittoria Yeo, Ekaterina Semenchuk/Irene Savignano, Fabio Sartori/Luciano Ganci, Vladimir Stoyanov, Riccardo Zanellato
Deuxième nouvelle production de la saison dont le nombre de représentations montre que le théâtre en attend beaucoup. Il a appelé pour la mise en scène l’inévitable Davide Livermore (que j’appelle Nevermore), du toc en stock et de l’esbrouffe en guise de (fausse) modernité. En fosse Michele Mariotti sera sans doute moins dérouté que par les marionnettes de Lotte de Beer à Paris, mais au moins cela garantit de l’élégance, de la couleur et de la justesse. Le plateau composé de deux distributions est très solide (Stoyanova Sartori Semenchuk en A, Yeo, Savignano et Ganci en B même si je nourris toujours quelques doutes sur le volume de Vittoria Yeo en Aida, qui a quand même été formée par Muti. Pour le reste avec Stoyanov et Zanellato, c’est plutôt de bon augure.

On comprend les nécessités de remplir la salle et d’en mettre plein les yeux, mais si musicalement cela se défend largement, scéniquement  cela ne donne pas vraiment envie.

 

Mars 2024
Ruggero Leoncavallo
Pagliacci
8 repr. du 11 au 19 mars – Sir. Mus : Daniel Oren / MeS : Franco ZeffirelliAvec Nino Machaidze/Valeria Sepe, Brian Jagde/Stefano La Colla, Amartuvshin Enkhbat/Roman Burdenko…
Pour célébrer le centenaire de la naissance de Franco Zeffirelli, l’Opera di Roma ressort des cartons Pagliacci (sans Cavalleria Rusticana) en une série de représentations qui ressemblent bien à des bouche-trous… En fosse Daniel Oren est une sécurité pour l’orchestre, et sur la scène un plateau assez ordinaire, même si Machaidze et Enkhbat sont de bons chanteurs. Pas de quoi fouetter un chat, une série pour remplir la salle localement avec un titre toujours populaire, mais Brian Jagde est-il le Canio idéal ?

Avril 2023
Giacomo Puccini/Béla Bartók
Trittico ricomposto : Il Tabarro/Le château de Barbe-Bleue
5 repr. du 6 au 18 Avril – Dir. mus : Michele Mariotti, MeS : Johannes Erath
Avec
(Tabarro) ; Luca Salsi/Sebastian Catana ; Gregory Kunde, Maria Agresta…
(Barbe-Bleue) :  Ekaterina Semenchuk, Mikhail Petrenko

Produire un Trittico en une soirée, cela coûte cher, trois œuvres, des voix très différentes, nombreuse distribution, chœur etc… et de plus en plus les théâtres ont décidé  de travailler en dyptique, soit en en produisant deux sur les trois, soit en choisissant, c’est le cas à Rome comme ce le fut par exemple à Lyon il y a quelques années, d’apparier chaque opéra de Puccini à une œuvre de la période, riche en opéras en un acte.
Cela permet en sus de proposer des titres plus rares liés à un titre plus populaire et donc de faire une opération qui sent son raffinement « par nécessité »… Acceptons-en l’augure et ce Trittico ricomposto se prolongera donc pendant trois saisons.
Il Trittico a été créé en décembre 1918 et Le Château de Barbe-Bleue en mai de la même année… Les mettre en regard peut avoir du sens.
La mise en scène de la soirée a été confiée à Johannes Erath, à charge pour lui de susciter les liens entre les deux œuvres. Johannes Erath est un choix original, il est rare de trouver en Italie des noms de metteurs en scène allemands. On lui doit notamment un Ballo in maschera à Munich assez réussi. Michele Mariotti va naviguer de Puccini en Bartõk et ce sera sans nul doute intéressant de l’écouter dans ce répertoire. Pour l’ensemble des deux opéras une distribution très solide qui devrait promettre de belles soirées. On peut méditer un petit voyage romain….

 

Mai 2023
Leoš Janáček
De la maison des morts
6 repr. du 21 au 30 mai 2023 Dir. mus :Dmitry Matvienko/MeS  Krzysztof Warlikowski
Avec : Mark S.Doss, Pascal Charbonneau, Štefan Margita Leigh Melrose, Erin Caves,  Lukáš Zeman, Julian Hubbard, Clive Bayley.

Enfin ! Après plus de vingt ans d’une carrière internationale où il est reconnu comme un très grand de la mise en scène, Krzysztof Warlikowski est invité par un opéra en Italie, et pas un des moindres. Primé à la Biennale de Venise, à peine reçu Docteur Honoris Causa de l’Université de Cracovie, Warlikowski ne sent le soufre que pour les pauvres imbéciles qui n’osent le programmer. Il arrive avec un spectacle éprouvé, vu à Londres, à Bruxelles et à Lyon. À n’en point douter il faut voir la patte de Francesco Giambrone qui dès son arrivée à la tête du théâtre concrétise une envie qu’il avait déjà méditée pour Palerme.
En fosse Dmitry Matvienko, l’un des plus prometteurs chefs de la nouvelle génération russe, proche de Vladimir Jurowski (il va être son assistant cette saison à Munich pour Guerre et Paix a après l’avoir été pour Le Nez) et vainqueur de plusieurs concours internationaux de direction. Ce sera l’occasion de le découvrir, car tous en disent le plus grand bien. Distribution plutôt intéressante où je note la présence de Leigh Melrose, l’un des barytons les plus talentueux aujourd’hui et des excellents Pascal Charbonneau et Štefan Margita. À ne pas manquer.

 

Juin 202
Giacomo Puccini
Madama Butterfly

9 repr. du 15 au 25 juin – Dir. Mus: Roberto Abbado/MeS: Alex Ollé
Avec Eleonora Buratto/ Maria Teresa Leva, Dmytro Popov, Anna Maria Chiuri, Roberto Frontali…

Loi des équilibres : après un Janáček, un Puccini du grand répertoire pour compenser l’éventuelle perte de public occasionnée par la production de l’opéra «  De la maison des morts »  peu connu à Rome. Mais après tout Puccini était bien connu et aimé de Janáček… Chaque incursion dans un répertoire moins connu est suivie d’une pièce censée ramener du public (9 représentations prévues). Alex Ollé est le plus sage de l’équipe de la Fura dels Baus et ne dérange jamais, Roberto Abbado est un chef très raffiné, et la distribution est de bon niveau. Rien de sensationnel, juste une proposition tiroir-caisse et un certain manque de confiance envers son public.

 

Octobre 2023
Georg Friedrich Haendel
Giulio Cesare in Egitto

6 repr. du 11 au 21 oct. 2023 – Dir. Mus: Gianluca Capuano/MeS: Damiano Michieletto.
Avec Raffaele Pe, Danielle De Niese, Aryeh Nussbaum Cohen,  Carlo Vistoli, Sara Mingardo,…
Après Alceste de Gluck cette saison que nous présentons au début de ces lignes, l’Opera di Roma propose la saison prochaine à la même période (le baroque d’automne ?) ce must Haendelien qu’est Giulio Cesare in Egitto, avec  une distribution très alléchante (Raffaele Pe, Carlo Vistoli, Sara Mingardo, Danielle de Niese), la production est signée Damiano Michieletto, ce qui garantit un vrai travail scénique, même s’il est quelquefois irrégulier. En fosse comme pour Alceste, Gianluca Capuano, spécialiste incontesté de Haendel, fera sans doute de ces représentations une des productions les plus intéressantes de la saison.

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Comme on le voit l’ensemble de la saison lyrique est très digne, avec de vrais sommets (Dialogues des Carmélites, De la Maison des morts, Giulio Cesare in Egitto), dans l’ensemble les productions sont bien distribuées et on note un souci d’équilibre entre le grand répertoire italien et des œuvres plus rares. Si c’est à ce prix que le répertoire peut s’élargir, pourquoi pas ?

Mais est-il si sûr que des Tosca ou des Butterfly, sans parler de L‘Elisir d’amore, soient aujourd’hui des valeurs si sûres aptes à garder au chaud le public, peut-être lassé de voir défiler sans cesse des grands standards.  Attention à ne pas confondre opéra populaire et opéra populiste. Il reste vrai que l’Opera di Roma fait preuve de volonté d’ouverture et de renouvellement qu’il faut saluer.  Ce n’est pas forcément le cas de tous les grands théâtres italiens comparables.

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Le Ballet (contribution amicale de Jean-Marc Navarro)

 Voilà sept ans qu’Eleonora Abbagnato a été nommée à la tête du Ballet de l’Opéra de Rome, voilà sept ans qu’elle s’attache à reconstruire un ensemble qui n’était pas au mieux de sa forme, voilà sept ans que le remède principal administré par Mlle Abbagnato avec constance et volontarisme est finalement assez simple : placer au cœur de sa programmation des œuvres exigeantes qui assurent à chacun l’occasion de danser et progresser dans sa technique et son art (évidemment, des ballets académiques) en proposant par ailleurs une diversité de styles et d’ouverture de techniques. Placer l’émulation au cœur du travail collectif est également une constante de son approche : les invités de prestige défilent sur les programmes classiques, donnant l’opportunité aux danseurs de la Compagnie de côtoyer et travailler avec des artistes d’horizons différents.

La saison 2021/2022 est en voie de s’achever en apothéose avec une série de Giselle où est invitée Natalia  Osipova, sans doute la plus grande interprète actuelle du rôle ; avaient précédé un digest de CoppéliaCasse-Noisette et la reprise de la production du Corsaire montée par Jose Martinez qu’avaient créée Olesya Novikova et Leonid Sarafanov juste avant les périodes de confinement. 7 programmes, 4 ballets académiques, auxquels s’adjoignaient Notre-Dame de Paris de Roland Petit, qui fut un point fixe dans la carrière de Mlle Abbagnato, et deux soirées à coloration plus moderne.

Les six programmes de la saison 2022/2023 se structurent encore autour de piliers du répertoire académique. Don Quichotte (production de Laurent Hilaire) sera repris en décembre avant l’un des événements de la saison de ballet européenne : la création d’une nouvelle production de La Bayadère par Benjamin Pech, qui s’était déjà vu confier la nouvelle production du Lac des cygnes romain, magnifique d’intelligence. Il avait placé la barre haut avec ce Lac et les attentes sont fortes pour La Bayadère, d’autant que la série verra défiler, en plus des Étoiles locales, un aréopage admirable d’invités : Semyon Chudin du Bolchoï avait ouvert Le Lac des cygnes, c’est à son ex-partenaire de prédilection, Olga Smirnova, ancienne Étoile du Bolchoï qui a intégré au printemps le Ballet National des Pays-Bas, qu’il reviendra d’ouvrir la série de Bayadère, aux côtés de Jacopo Tissi, autre transfuge moscovite. Le public romain aura également l’occasion d’admirer deux autres invités bataves d’adoption : la mirifique Maia Makhateli et le prometteur Victor Caixeta. Alléchant ! La Fille mal gardée clôturera ce triptyque académique.

Autour de l’héritage classique, trois programmes seront confiés à des chorégraphes contemporains à la grammaire d’ordinaire plus consensuelle que disruptive. Deux Italiens offriront des créations : un programme pour le Ballet, autour de la musique de Rossini par Mauro Bigonzetti, et, un programme offert par l’Ecole de danse – dont Abbagnato vient de prendre la direction – autour de la figure de Pinocchio par Giorgio Mancini. Une soirée mixte “contemporaine” réunira les valeurs sures que sont Christopher Wheeldon, Goyo Montero et Krzysztof Pastor.

Le travail de fond mené par Eleonora Abbagnato et ses danseurs paie de saison en saison. Rappelons-nous que Rome n’est qu’à deux heures de vol de Paris !

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Michele Marriotti, directeur musical du teatro dell’Opera di Roma

Concerts

À côté du lyrique et du ballet, l’Opera di Roma a programmé un certain nombre de concerts par leur côté exceptionnels sans doute aptes à drainer un nouveau public ou parcourir des chemins différents.

Il est vrai que ce théâtre ne possède pas de saison symphonique depuis des années, peut-être à cause de la présence dans la capitale italienne du prestigieux Orchestra dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia.  Or, un orchestre de fosse progresse aussi (et surtout) par les concerts symphoniques : il suffit de penser aux saisons symphoniques de la Scala sous Claudio Abbado par exemple (intégrales Mahler, Bach etc…). Or, l’orchestre du Teatro dell’Opera di Roma est pratiquement toujours en fosse, ce qui lui interdit une respiration vers d’autres horizons, et ce besoin est aussi prégnant pour le nouveau directeur musical Michele Mariotti, qui a un grand besoin de s’affirmer aussi comme chef symphonique. Ce sera aussi un des grands enjeux de son mandat. Aussi faudra-t-il regarder avec attention ces programmes complémentaires.

Ainsi cette année, sans véritable saison symphonique, quatre concerts sont prévus, pas vraiment symphoniques, mais essentiellement concerts vocaux et plutôt spectaculaires susceptibles d’attirer le public car ces quatre manifestations proposent des pistes particulièrement stimulantes

15 février 2023
Giuseppe Verdi
Messa di Requiem
Elena Stikhina, Yulia Matochkina, Stefan Pop, Giorgi Manoshvili.
Orchestre et chœur du Teatro dell’Opera di Roma
Direction: Michele Mariotti

Le Requiem de Verdi est un must de tout grand théâtre en Italie, a fortiori quand le directeur musical prend ses fonctions, car c’est une des signatures de toute première saison.  En liaison avec la production d’Aida programmée à la même période, qui sera la seule dédiée à Verdi dans la saison. Surpenant quatuor vocal sans un seul chanteur italien, mais des voix qui sont reconnues, Matochkina, Pop) à défaut d’être indiscutables (Stikhina)

20 avril 2023
Robert Schumann
Manfred
Orchestre et chœur du Teatro dell’Opera di Roma
Voix récitante : Glauco Mauri
Direction : Michele Mariotti

Absent depuis 56 ans du Teatro Costanzi, le poème de Byron mis en musique par Robert Schumann doit être porté par un acteur-lecteur incontesté. Ce fut par exemple Bruno Ganz avec Claudio Abbado à Berlin.
C’est Glauco Mauri, une grande et vieille gloire du théâtre italien, qui sera la voix récitante et Michele Mariotti dirigera l’orchestre du Teatro dell’Opera di Roma dans un répertoire où on va le découvrir, ce qui est très important pour lui, comme nous l’avons écrit plus haut.

6 Octobre 2023
Richard Wagner
Die Walküre Acte I
Orchestre du Teatro dell’Opera di Roma
Direction : Omer Meir Wellber
Avec Stanislas de Barbeyrac, Angela Meade, Brindley Sherratt
L’ex intendant du Teatro Massimo di Palermo désormais à Rome invite pour ce concert exceptionnel l’actuel directeur musical du théâtre sicilien, qu’il avait lui-même nommé.
C’est effectivement un concert vraiment exceptionnel pour une distribution complètement inattendue, avec trois chanteurs très connus dont deux  viennent d’un tout autre répertoire, les deux protagonistes Siegmund et Sieglinde.. En effet Stanislas de Barbeyrac qu’on connaît plus pour ses interprétations mozartiennes se lance dans Siegmund. Quant à Angela Meade, belcantiste et verdienne de tout premier plan, elle aborde Sieglinde.
Le britannique Brindley Sherratt est désormais une basse bien connue au large répertoire, il complète le cast en Hunding.
Voilà un concert qui mériterait le voyage pour étancher notre soif de débuts particulièrement iinattendus.

 

30 octobre 2023
I tre controtenori
Musiques de Georg Friedrich Händel, Antonio Vivaldi, Nicola Porpora, Christoph Willibald Gluck
Orchestra del Teatro dell’Opera di Roma
Direction : Gianluca Capuano
Avec Carlo Vistoli, Raffaele Pe, Aryeh Nussbaum Cohen

Le mois d’octobre est baroque à l’opéra de Rome, nous l’écrivions à propos de la production du Giulio Cesare in Egitto. Au-delà du titre racoleur et d’ailleurs déjà utilisé par ailleurs, l’incitative est intéressante pour stimuler la curiosité du public et attirer des spectateurs curieux de ces voix de contreténors qui fleurissent aujourd’hui. L’Italie s’est engagée plus tardivement que la France dans les chemins du baroque, mais elle a bien rattrapé son retard pour valoriser un répertoire qui fut très largement sien au XVIIIe siècle. Les ensembles baroques et leurs chefs désormais sont invités partout, et Gianluca Capuano en fait partie. Le concert proposé invite les trois contreténors de la production de Haendel au programme à l’opéra et permettra d’écouter le moins connu mais excellent Aryeh Nussbaum Cohen, jeune chanteur américain de moins de trente ans et les deux meilleurs contreténors de la péninsule, désormais de toutes les grandes distributions, Carlo Vistoli et Raffaele Pe. Un concert qui ne manquera pas d’attrait, dans un mois d’octobre 2023 décidément très séduisant à l’Opéra de Rome.


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Conclusions :
Depuis quelques années, il Teatro dell’Opera di Roma, au-delà de considérations de gestion ou de considérations politiques toujours fortes à Rome il faudra observer avec attention les premiers pas du nouveau pouvoir à peine installé à ce titre), est revenu assez régulièrement en tête des grands théâtres italiens. La présence de Daniele Gatti pour le lyrique, celle d’Eleonora Abbagnato pour le ballet ont donné à ses productions un écho notable à une institution souvent secouée par les tempêtes et offert une vraie stabilité et une programmation d’un bon à très bon niveau global. Les initiatives en période de Covid (Films-opéras ou Circo Massimo) ont montré aussi une vraie réactivité que d’autres opéras italiens n’ont pas eue du tout. Même si le directeur artistique, le très prudent Alessio Vlad est toujours en place, la nouvelle équipe dont c’est la première saison effective devrait contribuer à aller encore plus loin dans le renouvellement.
Le Sovrintendente Francesco Giambrone est un vieux briscard : il sait flairer les tendances et c’est un intuitif plus ouvert à la modernité que d’autres managers italiens ou à la tête d’institutions italiennes. Il jouit également d’une réputation de grande habileté, indispensable dans les méandres de la vie politique romaine, en particulier dans les prochains mois. L’arrivée de Michele Mariotti à qui il manquait la direction d’une grande salle de la Péninsule et dont l’intérêt est d’élargir au plus vite son répertoire pour faire rebondir sa carrière et lui donner un nouveau souffle , devrait aussi servir ce renouvellement de l’institution.
La saison 2022-2023 faite de pas en avant et de pauses prudentes n’est pas encore sans doute « typique » de la nouvelle équipe, mais montre que la machine se met en place et doit être soutenue. Si tous les chemins mènent à Rome mais pas encore toujours à l’Opéra de Rome , ce dernier peut et doit être l’une des escales possibles de tout mélo(balletto-)mane voyageur.

Francesco Giambrone, Sovrintendente du Teatro dell’Opera di Roma

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Giulio Cesare in Egitto

Ballet

Soirée Preljocaj
Giselle

Don Quichotte
La Bayadère
La fille mal gardée
Soirée chorégraphes contemporains
Rossini Cards

 

Autres
Requiem Verdi

Adam’s Passion
Manfred
Die Walküre Acte I
Les trois contreténors