LA SAISON 2023-2024 de la BAYERISCHE STAATSOPER DE MUNICH

Avec le printemps arrive la saison des saisons, quand les théâtres annoncent la saison suivante. De plus en plus les dates sont avancées, avec un premier paquet d’annonces en mars, et habituellement parmi les grandes institutions la Scala ferme la boucle en mai-juin. C’est la machine à rêves, celle qui va déterminer l’opéra qui lave plus blanc, même si les ingrédients sont toujours les mêmes : dans les nouvelles productions il faut sa dose de grand répertoire, de contemporain, de baroque, d’inhabituel, et dans les distributions et les chefs sa dose de stars confirmées ou naissantes, ce qui va faire courir le public plus que la dernière mise en scène de X ou Y.
L’enjeu de ces annonces : l’image, le bon accueil de la presse, le lancement des abonnements, et la fidélité d’un public que le Covid a mis à mal et qui revient çà et là inégalement.
Dans le paysage européen, la Bayerische Staatsoper est l’un des phares, un public fidèle (94% de fréquentation), une longue tradition (son orchestre fête en 2023 ses 500 ans d’existence ce qui n’est pas rien), une histoire glorieuse avec sa galerie de directeurs musicaux où l’on compte des noms comme Solti, Jochum, Sawallisch, Mehta ou Petrenko, et des créations, Idomeneo de Mozart, Tristan und Isolde, Die Meistersinger von Nürnberg, Das Rheingold, Die Walküre de Wagner, Capriccio de Strauss, Lear de Reimann…
C’est un théâtre opulent qui est la grande signature culturelle du Freistaat Bayern de l’Etat libre de Bavière qui finance pour bonne part un certain nombre d’institutions prestigieuses, outre la Bayerische Staatsoper, les Bamberger Symphoniker, le Staatstheater Nürnberg ou le Festival de Bayreuth.

La saison munichoise a un poids qui dépasse largement les enjeux locaux.
C’est la troisième saison que Serge Dorny propose, et on peut considérer que la période d’installation et d’acclimatation à cette maison est désormais terminée, tout comme pour  le directeur musical Vladimir Jurowski. C’est en revanche la première saison officielle du nouveau directeur du ballet Laurent Hilaire, arrivé de Moscou après les événements géopolitiques bien connus
Quatre postes d’observation de cette maison complexe :

  • Le répertoire lyrique
  • Les nouvelles productions d’opéra
  • L’orchestre
  • Le ballet, entre nouvelles productions et répertoire.

 

Le répertoire lyrique est part essentielle de la programmation parce qu’avec Vienne, Munich est le théâtre de répertoire de référence et que ce devrait être une bonne part de sa définition, de son image et de sa politique. C’est la raison pour laquelle cette année, ma présentation de la saison commencera par le répertoire.

 

  • Le répertoire 2023-2024

 

C’est le répertoire qui fait le fonds de commerce du théâtre, ce qui le fait vivre, ce qui en fait la réputation. Les nouvelles productions doivent tenir compte de leur avenir dans le répertoire du théâtre ; la logique ne peut être celle d’un théâtre de stagione comme L’Opéra de Paris ou la Scala qui construisent leur saison sur les nouvelles productions, dont certaines ne seront jamais reprises, et d’autres dans un futur plus ou moins lointain. Une nouvelle production à Munich ou Vienne (et dans quelques autres grands théâtres comme Berlin, Hambourg ou Francfort) est au contraire un investissement à long terme.

Munich affiche en 2023-2024  29 productions de répertoire qui se répartissent comme suit :

Beethoven : Fidelio
Bellini : Norma
Berg : Wozzeck

Bizet : Carmen
Donizetti:
– Lucia di Lammermoor,
– L’Elisir d’amore

Mozart:
– Cosi fan tutte
– Idomeneo
– Die Entführung aus dem Serail
– Die Zauberflöte

Moussorgski: Boris Godounov
Puccini :
– La Bohème
– La Fanciulla del West
– Il Trittico
– Madama Butterfly

Purcell : Dido an Aeneas
Rossini :
– Il barbiere di Siviglia
– La Cenerentola

Chostakovitch : Le Nez (Nos)
Strauss : Elektra
Verdi :
– Aida
– Il Trovatore
– La Traviata
– Macbeth
– Otello

Wagner :
– Der Fliegende Holländer
– Lohengrin
– Parsifal
– Tannhäuser

Soit 29 titres différents, auxquels vont s’ajouter 6 nouvelles productions et une production (nouvelle) pour le Studio, auquel Serge Dorny tient beaucoup.

Dans l’ensemble des compositeurs proposés, Puccini, Verdi et Wagner se taillent la part du lion, et étrangement, le compositeur maison qu’est Strauss n’est affiché qu’une fois, alors que plusieurs titres sont dans les remises dont certains bénéficient de productions de référence. Un théâtre comme Munich (ville natale de Strauss) qui a de belles productions straussiennes, devrait au moins en afficher plusieurs chaque saison, même si Strauss a été à l’honneur au Festival 2022.

Septembre 2023
Henry Purcell, Dido and Aeneas
2 repr. les 23 et 24 septembre 2023 (Dir : Christopher Moulds/MeS : Krzysztof Warlikowski)
Avec Ausriné Stundyté, Key’mon W. Murrah, Giulia Semenzato, Rinat Shaham, Andrew Hamilton etc…

Ces deux représentations inaugurent la saison, pour un public plus ouvert à un prix défiant toute concurrence (25 Euros) au début de l’Oktoberfest. Cela explique que la production soit tronquée d’Erwartung. Ce n’est pas tant sans doute les quarante minutes de plus que la convocation de musiciens supplémentaires (on passe de 25 à 80) alors que l’orchestre est pour l’essentiel en tournée, sans compter les danseurs de breakdance pour l’interlude, et le chef Christopher Moulds n’avait peut-être pas envie de préparer Erwartung, loin de son répertoire, pour deux seules représentations aux répétitions limitées. Le spectacle ne sera pas complet mais gardera partie de sa fascination, d’autant que la distribution n’est pas au rabais, même si elle change un peu par rapport à la première série. On y retrouve évidemment Ausriné Stundyté, mais aussi Rinat Shaham, Elmira Karakhanova et l’étonnant contreténor Key’mon W.Murrah. Et Giulia Semenzato (excellente) sera une nouvelle Belinda, tandis qu’Andrew Hamilton ancien (très bon) membre du studio, et désormais de la troupe sera Énée.

Septembre-Octobre 2023
Georges Bizet, Carmen
4 repr. du 21 sept au 3 oct. 2023 (Dir : Daniele Rustioni/ MeS : Lina Wertmüller)
Avec Erwin Schrott, Stephen Costello, Aigul Akhmetshina…

C’est le début de la saison, il faut attirer le public avec du bon miel, et donc Carmen est le plat idéal en cette période de fête de la bière.
La distribution affiche Erwin Schrott à qui Escamillo va comme un gant, Stephen Costello voix acceptable mais sans aucun intérêt dans aucun rôle, et donc pas plus dans Don José. Le seul réel intérêt de cette reprise est la jeune Aigul Akhmetshina en Carmen qui avait fait sensation l’an dernier à Baden-Baden dans La Dame de Pique en Polina et qu’on a entendue à Paris et récemment à Covent Garden dans Rosina du Barbiere di Siviglia. Autre voix nouvelle à Munich, en Micaela Vuvu Mpofu qui vient d’Afrique du Sud. Ce sont les voix féminines qui réveillent une certaine curiosité. Daniele Rustioni en fosse est une garantie (étrangement, c’est sa seule apparition cette saison à Munich) quant à la production historique (1992) de Lina Wertmüller et Enrico Job : elle pourrait atteindre bientôt elle aussi l’âge de la retraite, d’autant qu’elle ne fait pas partie des perles de la couronne munichoise.


Septembre-octobre 2023/Juillet 2024
W.A.Mozart : Idomeneo
3 repr. du 27 sept. au 2 oct/5 et 8 juillet (Dir : Christopher Moulds/Ivor Bolton (juillet)/MeS Antu Romero Nunes)
Avec Pavol Breslik, Emily Sierra/Emily D’Angelo (Juillet), Emily Pogorelc/Olga Kulchynska(Juillet), Hanna Elisabeth Müller, Jonas Hacker

C’est une reprise qui a droit en plus au Festival d’été, signe de son importance. C’est en effet un des titres emblématiques du théâtre puisque créé au Cuvilliés en 1781.
Placée au début de saison en pleine Oktoberfest, on compte attirer du monde, peut-être sur le nom de Pavol Breslik. Pour le reste, un cast efficace sans être de ceux qui vous remuent, même si Hanna-Elisabeth Müller en Elettra et Olga Kulchynska (en juillet) en Ilia seront sûrement excellentes.
Avec Moulds en septembre et Bolton en juillet, la fosse est garantie, et personnellement je n’ai jamais vraiment compris une mise en scène de Antu Romero Nunes.

 

Octobre 2023
Richard Wagner, Der Fliegende Holländer
4 repr. du 13 au 22 oct. – (Dir : Lothar Koenigs/MeS : Peter Konwitschny)
Avec Ain Anger, Iain Paterson, Jennifer Holloway, Tansel Akzeybek, Eric Cutler etc…
La mise en scène de Peter Konwitschny est déjà ancienne mais fonctionne, et la distribution est solide sans enthousiasmer loin de là. Ain Anger en Daland, c’est bien, Iain Paterson en Hollandais, c’est moins bien: aura-t-il la voix ? C’est un chanteur fade, qui est oublié à peine on l’a entendu.  Eric Cutler sera un bon Erik (comme à Bayreuth), Tansel Akzeybek un très bon Steuerman (il appartient désormais à la troupe, excellente recrue). J’ai plus de doute sur Jennifer Holloway, qui ne m’a jamais convaincu et qui semble être une voix à la mode sans plus. En fosse, Lothar Koenigs sera correct sans faire rêver comme toujours.

 

Octobre-Novembre 2023
Giacomo Puccini, Madama Butterfly
4 repr. du 24 oct. au 4 nov. (Dir : Daniel Oren/MeS : Wolf Busse).
Avec Sonya Yoncheva, Boris Pinkhasovich, Freddie De Tommaso, Annalisa Stroppa etc…
Dans une production sans grand intérêt sinon celui de durer, un titre capable de bien remplir les salles, d’autant que la distribution est de celles qui peuvent attirer. Sonya Yoncheva est une Butterfly crédible (plus que Norma), Freddie De Tommaso un ténor d’avenir avec un magnifique timbre pour un rôle comme Pinkerton au total assez bref, Annalisa Stroppa sera une très belle Suzuki, et Boris Pinkhasovich presque surdistribué en Sharpless. En fosse, un vieux de la vieille, un professionnel qui va assurer très correctement la représentation et rassurer l’orchestre, Daniel Oren. Une reprise de répertoire plutôt solide.

Giuseppe Verdi, Otello
4 repr. du 29 oct. au 11 nov. – (Dir : Francesco Ivan Ciampa/MeS : Amelie Niermeyer)
Avec Fabio Sartori, Anja Harteros, Christopher Maltman, Galeano Salas…

Anja Harteros a annulé tous ses retours jusqu’ici. Ce théâtre a été sa maison durant des années. Si ce retour doit avoir lieu, autant prendre ses précautions et bien l’entourer. Fabio Sartori est un excellent chanteur, mais est-il vraiment adapté à cette mise en scène ? Quant à Christopher Maltman, c’est un autre excellent chanteur, intelligent et engagé scéniquement, mais il a un problème avec le répertoire italien (rythme, phrasé etc…) et il n’est pas sûr que Jago lui convienne car c’est un rôle particulièrement exigeant pour la diction, les rythmes, le texte.
Enfin, si Francesco Ivan Ciampa est un bon chef pour d’autres Verdi, est-il vraiment le chef idoine pour celui-là ?

 

Novembre 2023
Gioachino Rossini, Il Barbiere di Siviglia
3 repr. du 15 au 21 nov. – (Dir : Antonino Fogliani/MeS : Ferruccio Soleri)
Avec Josh Lovell, Misha Kiria, Tara Erraught, Roberto Tagliavini, Sean Michael Plumb etc…

Du pur répertoire, pour remplir quelques trous d’agenda sans affecter la caisse. On retrouve en fosse l’excellent Antonino Fogliani, vrai connaisseur de Rossini, et la distribution reste soignée. Tara Erraught qui fut de cette maison sera une Rosina correcte, aux côtés de l’Almaviva du jeune canadien Josh Lovell, vainqueur du concours du Belvedere et membre de la troupe de la Wiener Staatsoper, une voix vraiment prometteuse dans le répertoire belcantiste à venir écouter. Figaro sera Sean Michael Plumb, de la troupe de la Staatsoper, et deux voix de basse s’en sortiront avec les honneurs et le succès, Roberto Tagliavini bien connu en Basilio et le jeune georgien Misha Kiria en Bartolo, une des voix rossiniennes à suivre avec beaucoup d’attention. Et tout cela dans la mise en scène consommée mais pas encore consumée de Ferruccio Soleri (1989), Arlequin légendaire de Giorgio Strehler dans Arlecchino servitore di due padroni.

Alban Berg, Wozzeck
4 repr. du 19 au 30 nov. 2023 – (Dir : Vladimir Jurowski/MeS : Andreas Kriegenburg)
Avec Peter Mattei, John Daszak, Jens Larsen, Wolfgang Ablinger Sperracke, Marlis Petersen, Rinat Shaham.

C’est une distribution digne d’une nouvelle production, avec un Wozzeck de très grand luxe qu’on n’a pas vu depuis longtemps à Munich, Peter Mattei et une Marie particulièrement populaire auprès du public munichois, Marlis Petersen. Le reste de la distribution n’appelle pas d’observation, chacun est à sa place. En fosse, le GMD Vladimir Jurowski dans une des productions (Andreas Kriegenburg), les meilleures de la maison et dans une œuvre qu’il dirige superbement. Que demande le peuple sinon y courir ?

Novembre-décembre 2023
Giuseppe Verdi, Macbeth
3 repr. du 29 nov. au 8 déc. – (Dir : Andrea Battistoni /MeS : Martin Kušej)
Avec Saioa Hernandez, Amartuvshin Enkhbat, Roberto Tagliavini, Stefan Pop etc…
La mise en scène de Kušej a fait son temps et il serait bon de penser à la remplacer. Distribution correcte pour les trois protagonistes moins pour Macduff pour lequel aujourd’hui on a un choix bien plus large que Stefan Pop, sans intérêt et surtout sans élégance ey un peu braillard dans un rôle bref, mais avec un air important qui doit faire son effet.; Le type d’erreur de casting impardonnable à Munich.  Un chef d’œuvre comme Macbeth méritait un chef autrement plus intéressant qu’Andrea Battistoni,

Décembre 2023
Giacomo Puccini, La Bohème
5 repr. du 3 au 16 déc. (Dir : Andrea Battistoni/MeS : Otto Schenk)
Avec Nicole Car, Joseph Calleja, Sean Michael Plumb, Mirjam Mesak etc…
Pure série de répertoire, tiroir-caisse  d’un titre qui plus qu’un autre attire les foules même avec une distribution passe-partout (Nicole Car est un bon soprano et Calleja un ténor plus connu qu’intéressant à qui un rôle qui n’est pas trop difficile comme Rodolfo peut convenir ) et un chef de grande série. Mise en scène historique de Otto Schenk à laquelle je suis lié pour toujours : j’y entendis Freni et Pavarotti dirigés par Carlos Kleiber…Comme on dit, il n’y a pas photo n’est-ce pas ?

W.A.Mozart : Die Zauberflöte
5 repr. du 17 au 30 déc. (Dir : Lothar Koenigs/MeS : August Everding)
Avec Ben Bliss, Dmitry Ivaschenko, Caroline Wettergreen, Emily Pogorelc Konstantin Krimmel etc…
Que serait Noël sans la Flûte enchantée, et La Flûte enchantée à Munich sans la mise en scène historique d’August Everding, qui continue de tenir largement, dignement, fortement sa place ?
La fosse ne fera pas rêver, Lothar Koenigs est un chef de répertoire solide sans plus. La distribution assure des représentations sans gros accrocs, avec Ben Bliss en Tamino, nouveau chouchou venu d’outre Atlantique qui chante de Tom Rakewell à Pelléas, avec une réputation plutôt flatteuse. Alors, pour lui et pour Everding…

 

Janvier 2024
Modest P. Moussorgski, Boris Godounov
4 repr. du 14 au 21 janvier (Dir : Dima Slobodeniouk/MeS : Calixto Bieito)Avec Dmitry Ulyanov, Milan Siljanov, Vitali Kowaljow, Dmytro Popov, Mirjam Mesak, Emily Sierra etc…

Après Eugène Onéguine en janvier 2023, un an après, un autre pilier du répertoire russe, Boris Godounov (Version 1869) dans la très belle mise en scène de Calixto Bieito. On y découvrira le Boris de Dmitry Ulyanov, l’une des basses les plus intéressantes dans ce répertoire, dans une distribution par ailleurs solide. Mais le plus intéressant, c’est le chef finlandais d’origine russe Dima Slobodeniouk, qu’on entendra pour la première fois à Munich dans la fosse à la tête du Bayerisches Staatsorchester.  Devrait valoir le voyage.

Gaetano Donizetti, Lucia di Lammermoor
3 repr. du 24 au 30 janvier 2024 (Dir : Antonino Fogliani/MeS : Barbara Wysocka)
Avec Christian van Horn, Nina Minasyan, Xabier Anduaga, Davide Luciano etc…
Une assez belle distribution avec Xabier Anduaga et Nina Minasyan, bien entourés. Le chef est Antonino Fogliani, et ce sera donc très en place, la mise en scène de Barbara Wysocka peut encore durer un peu, dans une œuvre mal servie par les mises en scènes (à part Serban à Paris). Mais c’est dans cette production que j’ai entendu l’une des plus belles directions de l’œuvre, par un certain Kirill Petrenko, totalement grisant… Ça laisse quelques traces…

 

Janvier-Février 2024
W.A.Mozart, Die Entführung aus dem Serail
3 repr. du 28 janv. au 2 fév. (Dir : Ivor Bolton/MeS : Martin Duncan)
Avec Brenda Rae, Marina Monzò, Doviet Nurgeldiyev, Liam Bonthrone, Franz-Josef Selig.
La mise en scène a fait ses preuves, elle a l’avantage, en ces temps de fragilités géopolitiques de ne pas amener à se poser trop de questions… Le chef Ivor Bolton est un très bon chef pour ce répertoire, et c’est donc une garantie. La distribution mélange nouvelles têtes (Marina Monzò, une jeune voix espagnole déjà entendue à Munich dans la Reine de la nuit,  Doviet Nurgeldiyev, solide ténor au très beau timbre en troupe à Hambourg, Liam Bonthrone, qui appartient au Studio de la Staatsoper et qui est un ténor à la voix délicate et au joli timbre), d’autres qu’on aime voir (Selig) et d’autres qu’on a trop vus, malheureusement dans le rôle principal (Brenda Rae).

 

Février 2024
Richard Wagner, Lohengrin
4 repr. du 8 au 18 févr. – (Dir : François-Xavier Roth/MeS : Kornél Mundruczo)
Avec Anja Kampe, Martin Gantner, Benjamin Bruns, Rachel Willis-Sørensen, Andrè Schuen etc…
Lohengrin a été un succès du mois de décembre dernier, en particulier le chef François-Xavier Roth qui revient diriger cette reprise, ce qui est une excellente nouvelle. On retrouve de la distribution initiale Anja Kampe et Andrè Schuen, qui n’étaient pas les plus mauvais, on regrettera l’absence de Johanni van Oostrum dont le format physique convenait si bien à la mise en scène, et qui a eu tant de succès mais Rachel Willis-Sørensen aura la voix. Nouveau Lohengrin aussi qui succède à la légende Vogt, Benjamin Bruns qu’on entendu dans tant de seconds rôles (et toujours excellent) qu’on va enfin entendre en protagoniste. Martin Gantner  succède à Johan Reuter, cer sera sans doute stylistiquement meilleur, pas forcément plus imposant. Enfin, un Heinrich nouveau, un jeune baryton-basse dont on dit grand bien venu des USA, Ryan Speedo Green.

 

Février-mars 2024
Gaetano Donizetti, L’Elisir d’amore
5 repr. du 23 février au 2 mars 2024 – (Dir : Emmanuel Villaume/MeS : David Bösch)
Avec Pretty Yende/Emily Pogorelc (29/02), Javier Camarena/Galeano Salas, Konstantin Krimmel, Ambrogio Maestri…
Production phare et tiroir-caisse de la maison, dans une distribution flatteuse dominée par Ambrogio Maestri, Pretty Yende et Javier Camarena. Une représentation à 11h sans doute pour les enfants le 29 février avec une distribution alternative dans les deux rôles des amoureux (deux membres de la troupe). La production est très réussie, l’une des meilleures de David Bösch. Dans la fosse, Emmanuel Villaume, correct, mais on aurait pu lui préférer un jeune chef italien…

 

Mars 2024
Beethoven, Fidelio

5 repr. du 12 au 23 mars (Dir : Constantin Trinks /MeS Calixto Bieito)
Avec Milan Siljanov, Brindley Sherratt, David Butt Philips, Vida Miknevičiūtė, Wolfgang Koch etc…
Dans une production qui a largement fait ses preuves, et qui reste une des belles productions de la maison, une distribution qui aligne le meilleur (Koch, une référence, ou Miknevičiūtė, qu’on va découvrir en Leonore) le correct (Sherratt) et l’indifférent (David Butt Philip, dernier chouchou à la mode). Il faut évidemment essayer des Florestan nouveaux, car les grands Florestan se font rares. Et un Florestan de qualité, c’est très difficile à trouver.  En fosse, Constantin Trinks, ce quii garantit au moins une exécution solide.

Mars-Avril 2024
Giacomo Puccini, Il Trittico
4 repr. du 30 mars au 8 avril – (Dir : Robert Jindra/ MeS : Lotte de Beer)
Avec Wolfgang Koch, Yonghoon Lee, Lise Davidsen, Ermonela Jaho, Tanja Ariane Baumgartner, Elsa Dreisig, Granit Musliu etc…
Monter ou remonter Il Trittico est une entreprise lourde pour n’importe quel théâtre à cause des nombreux participants, et des voix très différentes demandées par les opéras. Par exemple, Giorgetta de Tabarro demande une voix qui ne pourra être réutilisée ailleurs. C’est pourquoi certains théâtres affichent deux œuvres sur les trois ou des dyptiques avec d’autres œuvres en un acte de l’époque (choix de Rome par exemple). L’effort est donc méritoire de proposer 4 représentations de cette production très digne, signée Lotte de Beer, créée en 2017 par Kirill Petrenko dont on va revoir certains protagonistes (Ermonela Jaho pour les trois dernières représentations, Wolfgang Koch qui pour l’occasion reprend aussi Gianni Schicchi, avec de nouveaux arrivés au profil flatteur : Lise Davidsen en Giorgetta,  Elsa Dreisig en Lauretta, Tanja Ariane Baumgartner en Zia Principessa de Suor Angelica (avec Jaho, comme déjà précisé pour trois représentations sur quatre).
En fosse, Robert Jindra, directeur musical du Théâtre National de Praque, sera en fosse, c’est un chef encore jeune qui a une bonne expérience du répertoire (il a travaillé à Essen) , et qui là où il est passé, a été très apprécié. L’occasion de connaître de nouveaux profils et en tout cas pareille distribution vaut le voyage.

Mars-avril/Juillet 2024
Richard Wagner, Parsifal
4 repr du 31 mars au 10 avril/2 repr. les  20 et 23 juillet – (Dir : Constantin Trinks (mars-avril)/Adam Fischer (Juillet)/MeS : Pierre Audi)
Avec Clay Hilley, Christian Gerhaher (03/04) Gerald Finley (07), Georg Zeppenfeld(03/04) /Tareq Nazmi(07), Anja Harteros (03/04) / Nina Stemme ((07)), Jochen Schmeckenbecker etc…

Pâle production de Pierre Audi qui vaut pour le décor de Georg Baselitz, bien servie par une distribution de référence, en avril comme en juillet avec l’annonce de la Kundry d’Anja Harteros (espérons qu’elle répondra « présente ! » et celle moins inattendue de Nina Stemme, deux Amfortas de référence, Gerhaher et Finley, et deux Gurnemanz eux aussi excellents (Zeppenfeld très habituel, Nazmi moins qu’on vient d’applaudir à Genève dans le rôle).  Enfin, un Parsifal nouveau pour Munich, Clay Hilley qu’on commence à voir un peu partout (bientôt à Baden-Baden dans Frau ohne Schatten avec Petrenko) Chef solide en mars, et très solide  en juillet dans ce répertoire (Adam Fischer). Vaut un voyage.

Avril 2024
Giuseppe Verdi, Aida

3 repr. du 21 au 28 avril – (Dir : Marco Armiliato/MeS : Damiano Michieletto)
Avec Anita Rashvelishvili, Elena Guseva, Jonas Kaufmann, George Petean etc…
Reprise de la production qui va être créée au printemps de 2023. On y retrouvera Anita Rashvelishvili (si la voix est de nouveau en bon état) et George Petean, bon chanteur mais pas vraiment un Amonasro. À la place de Stikhina qui est Aida cette année, on trouvera Guseva, sans doute émouvante. Il y a au moins deux italiennes qui peuvent chanter (et bien) le rôle, Munich n’affiche pas beaucoup de chanteurs italiens car les Alpes sont si dures à traverser… Radamès sera Jonas Kaufmann et c’est pour lui que tout le monde viendra avec raison. On aurait pu mieux l’entourer.
En fosse, un vrai professionnel qui sait tenir un orchestre, Marco Armiliato. Mais tout ça ne faitpas trop rêver, même avec Kaufmann.

 

Avril-mai 2024
W.A.Mozart, Cosi fan tutte
3 repr. du 27 avril au 2 mai 2024 (Dir : Stefano Montanari/MeS : Benedict Andrews)
Avec Louise Alder, Avery Amereau, Konstantin Krimmel, Bogdan Volkov, Sandrine Piau, Johannes-Martin Kränzle
On perd Gerhaher mais on gagne Kränzle qui est un extraordinaire Don Alfonso, on gagne aussi Volkov, sans doute le meilleur Ferrando aujourd’hui.
Les autres, excellents, sont ceux de la première en 2022… En fosse, Jurowski laisse la place à Montanari, ce qui est aussi bon. Bonne production de Benedict Andrews qui assurera des années de répertoire. Je ne serais pas loin de regretter trois représentations seulement. Vaut indiscutablement le voyage.

 

Mai /Juillet 2024
Richard Wagner, Tannhäuser
4 repr. du 5 au 19 mai, 3 repr. du 21 au 28 juil. (Dir : Sebastian Weigle/MeS : Romeo Castellucci)
Avec Ain Anger, Klaus Florian Vogt, Marlis Petersen, Christian Gerhaher (05)/André Schuen (07), Okka von der Damerau (05)/Yulia Matochkina (07).
La production de Romeo Castellucci a été revue à l’occasion de l’Osterfestspiele Salzburg 2022, espérons que ce sera cette version revue qui prévaudra et Marlis Petersen sera comme à Salzbourg Elisabeth.  Elle reprendra le rôle à Munich aux côtés de la Venus d’Okka von der Damerau ou de Yulia Matochkina (en juillet). Au Wolfram de Gerhaher (sublime) succèdera celui plus jeune d’André Schuen en juillet (dure succession) et Klaus Florian Vogt sera Tannhäuser, un des rôles où désormais il excelle.  Avec Sebastian Weigle en fosse, ce Tannhäuser vaut évidemment le voyage notamment en mai.

Dimitri Chostakovitch, Le Nez (Nos)
4 repr. du 11 au 21 mai – (Dir : Vladmir Jurowski/MeS : Kirill Serebrennikov)
Avec Boris Pinkhasovich, Laura Aikin, Doris Soffel, Sergei Skorokhodov, Anton Rositskiy et…
Première reprise de la production d’ouverture de mandat de Serge Dorny en octobre 2021. C’est toujours un test pour envisager le futur du spectacle, une des réussites des dernières années. On retrouve le GMD Vladimir Jurowski en fosse, le fabuleux Boris Pinkhasovich en Kovaliov et la très nombreuse distribution de ce qui est une énorme production. Si vous n’avez pas vu ce spectacle, réalisé alors que Serebennikov était encore retenu en Russie (il saluait sur un écran vidéo en direct), c’est vraiment l’occasion de faire le voyage, car c’est un grand spectacle de référence.

 

Vincenzo Bellini, Norma
5 repr. du 30 mai au 10 juin (Dir : Gianluca Capuano/MeS : Jürgen Rose)
Avec Sonya Yoncheva, Tara Erraught, Joshua Guerrero, Roberto Tagliavini etc…
Le titre est tellement rare sur les scènes, le poids des légendes est tellement fort (pas joué à la Scala depuis plus de 40 ans) qu’afficher Norma ne peut qu’attirer l’amateur d’opéra.
Munich a donc choisi Sonya Yoncheva, parce que c’est un nom qui compte aujourd’hui, pour un rôle qui ne lui convient pas. Elle s’est toujours prise pour Callas, mais les habits sont un peu grands pour elle. Pour Norma, il faut d’abord une chanteuse à tête, pas une chanteuse à (prétendue) voix. Tara Erraught, une ancienne de la troupe de Munich, aura plus de style sans doute pour Adalgisa et plus de tête pour sûr, mais il n’est pas sûr qu’elle soit l’Adalgisa idéale. Joshua Guerrero est une découverte récente que les agents américains essaient de placer en Europe comme la voix du futur, et qui n’est pas encore la voix du présent. Seul, Roberto Tagliavini semble à sa place en Oroveso. On a toujours l’air d’ignorer qu’Adalgisa et Norma sont deux voix proches, l’une au timbre plus sombre (Norma) et l’autre plus clair (Adalgisa) et pas l’inverse.
Il faudrait se souvenir que Bartoli a chanté Norma aux côtés de Rebcca Olvera (soprano) en Adalgisa, justement avec Gianluca Capuano, seule consolation dans cette désolation, qui sait ce que Belcanto veut dire, et la mise en scène ancienne d’un très grand de la scène allemande, Jürgen Rose. Mais tout de même, si on décide de monter Norma, on fait un minimum d’effort, avec un zeste, rien qu’un zeste de cohérence., mais le casting management de Munich n’a sans doute jamais entendu l’oeuvre…

Juin 2024
Giuseppe Verdi, La Traviata
3 repr. du  18 au 23 juin – (Dir : Francesco Lanzillotta/MeS : Günter Krämer)
Une mise en scène  épuisée qui a le grand avantage d’être légère et facile à monter pour le répertoire. Pour le reste, pas grand-chose à dire… En fosse, Francesco Lanzillotta, excellent chef, et une distribution qui devrait être intéressante avec Nadezhda Pavlova en Violetta, George Petean en Germont (qui lui convient bien mieux qu’Amonasro) et Bogdan Volkov en Alfredo, ce qui devrait être particulièrement stimulant, vu la qualité éminente de cet artiste que je n’ai jamais encore entendu dans Verdi. Si vous errez à Munich un soir de Traviata, il ne faut pas hésiter.


Gioachino Rossini, La Cenerentola
3 repr. du 14 au 19 juin – (Dir  Ivor Bolton /MeS Jean-Pierre Ponnelle)
Avec John Brownlee, Misha Karia , Nikolay Borchev, Isabel Leonard, Roberto Tagliavini.
Production légendaire de Jean-Pierre Ponnelle, partagée avec la Scala, pour trois représentations de répertoire dirigées par Ivor Bolton, qui est un très bon chef mais pas du tout un rossinien: c’est donc un choix étrange. Distribution satisfaisante du côté masculin avec John Brownlee, Roberto Tagliavini, Misha Kaira qui sont de grandes voix rossiniennes, Isabel Leonard est Angelina, c’est un peu plus ordinaire, sinon insuffisant et c’est dommage. Erreur de casting.

 

Juin-juillet 2024 (Festival)
Giuseppe Verdi, Il Trovatore
2 repr. les 29 juin et  2 juillet – (Dir : Antonino Fogliani/MeS : Olivier Py)
À l’instar d’Elektra, deux représentations « spéciales » pour le Festival avec l’excellent Antonino Fogliani, et la mise en scène lourde, voire pénible d’Olivier Py. Un plateau de bon niveau dominé par Vittorio Grigolo, qui sait chanter et notamment ce rôle, Igor Golovatenko, l’un des meilleurs barytons pour Verdi aujourd’hui, Yulia Matochikina devrait être une excellente Azucena, et Tareq Nazmi, un ancien de la troupe munichoise, est très luxueux pour Ferrando. Reste Marina Rebeka en Leonora, voix aujourd’hui célèbre et donc adaptée à des représentations de festival, mais sans aucun intérêt, qui n’a pas le début d’une vibration pour un rôle qui demande chaleur et sensibilité.  Sic transit…

 

Richard Strauss,  Elektra
2 repr. les 30 juin et 7 juillet – (Dir : Vladimir Jurowski/MeS : Herbert Wernicke)
Avec Violeta Urmana, Vida Miknevičiūtė, Elena Pankratova, John Daszak, Károly Szemerédy etc…
Comme Vladimir Jurowski ne dirige pas la production d’ouverture du Festival (Le Grand Macabre) confiée à Kent Nagano, il faut bien que le GMD soit au moins présent, alors comme pendant la présente saison, il dirige Elektra dans la belle production de Herbert Werkicke, pour deux représentations (les deux seules représentations straussiennes de la saison). Belle distribution qui convient à un Festival même si pour le rôle-titre, on aurait pu mettre un peu plus d’imagination au pouvoir.

 

Juillet 2024 (Festival)
Giacomo Puccini, La Fanciulla del West
2 repr. les 26 et 29 juillet 2024 (Dir : Juraj Valčuha/MeS : Andreas Dresen)
Avec Malin Byström, Michael Volle, Yonghoon Lee etc…
Si La Fanciulla del West a triomphé en octobre 2022, c’est à cause de la présence de Jonas Kaufmann. Cette reprise en temps de Festival fera-t-elle tourner la tête des festivaliers ? Certes, Malin Byström et Michael Volle sont des noms flatteurs capables d’aimanter le public. Mais Yonghoon Lee semble bien pâle pour stimuler les envies : il convient dans Luigi de Tabarro mais pas Dick Johnson… Donc distribution mal construite, avec en fosse Juraj Valčuha qui devrait être très intéressant et rigoureux.

 

  • Nouvelles Productions 2023-2024

 

Huit œuvres différentes en sept soirées, dont une pour le Studio de la Bayerische Staatsoper, duquel Serge Dorny prend un grand soin. Et de fait le recrutement des voix est attentif aux possibilités d’avenir (entrée dans la troupe par exemple, dans la logique d’un centre de formation avec débouché immédiat).  On confie de nombreux petits (pas toujours petits d’ailleurs) rôles à ses jeunes membres, et le Studio semble être l’un des plus intéressants Opéra-Studio aujourd’hui en Europe. D’ailleurs le choix des spectacles montés pour le studio sort des sentiers battus comme cette année une soirée Respighi/Orff.
En dehors de la soirée Studio, les nouvelles productions se partagent entre grand répertoire standard (Mozart, Tchaïkovski, Johann Strauss, Puccini et Debussy même s’il est bien moins standard en Allemagne), et compositeurs plus rares (Weinberg, Ligeti).

Le thème fédérateur de l’année prend pour motto une citation de Pessoa « Nous sommes deux abîmes – un puits qui regarde vers le ciel » et donc affichera des œuvres qui naviguent entre Ciel et Enfer, toujours au bord du gouffre.
Si je trouve l’idée di Motto affecté à chaque nouvelle saison plutôt intéressant, je trouve que le concept serait enrichi si quelques œuvres du répertoire y étaient associées. Car dans une institution comme Munich, les nouvelles productions ne sauraient être le seul point de focalisation et par ailleurs le répertoire de la maison comporte des titres qui conviennent à ce motto, pourquoi donc ne pas les associer en les reprenant à cette occasion?

Octobre-novembre 2023/Juillet 2024
Mozart, Le Nozze di Figaro

7 repr. du 22 oct. au 13 nov/2 repr. les 14 et 17 juillet (Dir : Stefano Monatanari/MeS : Evgeny Titov)
Avec Huw Montague Rendall (10/11)/Mattia Olivieri(07), Elsa Dreisig/Maria Bengtsson (07), Louise Alder, Konstantin Krimmel, Avery Amereau, Dorothea Röschmann,  Willard White .
On peut se demander si cette nouvelle production s’imposait. La précédente de Christof Loy était plutôt correcte et n’avait pas encore fait son temps (Elle ne date que de 2017 et pouvait encore durer). Dans un projet Trilogie Da Ponte confiée à un seul metteur en scène, comme à Vienne, on pouvait le comprendre, mais ce n’est pas le cas à Munich. Il y avait d’autres Mozart plus urgents (Entführung, Clemenza di Tito). Deuxième surprise, alors que Cosi fan Tutte avait été dirigé par le GMD Vladimir Jurowski, cette première nouvelle production de l’année ne l’est pas, alors qu’on aurait pu penser au moins à une trilogie Mozart/Jurowski, mais le GMD a semble-t-il son nombre de représentations contractuel en cette prochaine saison et il dirige la production suivante.
On retrouve dans la distribution des figures de Cosi fan tutte (Louise Alder, Avery Amereau, Konstantin Krimmel) et Elsa Dreisig nouvelle membre (de luxe) de la troupe inaugure ses nouveaux habits en comtesse (même si Maria Bengtsson assurera les représentations de juillet), on est heureux de voir en Marcellina et Bartholo deux plus anciens (Willard White et Dorothea Röschmann), tandis qu’en conte Almaviva on entendra un nouveau venu, Huw Montague Rendall, figlio d’arte comme on dit (fils de Diane Montague et de David Rendall), jeune baryton plutôt doué qui devrait former avec Elsa Dreisig un jeune couple frais, ce qui donnera encore plus d’amertume à une contessa victime d’un conte volage. La mise en scène est confiée à Evgeny Titov, dont j’ai vu Œdipe d’Enesco à la Komische Oper de Berlin, un grand directeur d’acteurs (essentiel pour cette pièce) et un metteur en scène particulièrement intéressant. Enfin, Stefano Montanari en fosse donnera à tout cela une touche à la fois énergique et baroque. Cette distribution pouvait fouetter une belle reprise de répertoire de la production Loy, mais les voies du Seigneur sont impénétrables. Et on est tout de même content de découvrir Evgeny Titov dans une oeuvre fondamentale du genre lyrique.

Décembre 2023-Janvier 2024/Juillet 2024
J.Strauss, Die Fledermaus

8 repr. du 23 déc. au 10 janv/1 repr.le 31 juil. 2024 – (Dir : Vladimir Jurowski-Constantin Trinks(07)/MeS : Barrie Kosky)
Avec Georg Nigl, Diana Damrau, Sean Panikkar, Katharina Konradi, Audrey Nemzer, Martin Winkler etc…

Il était temps. La précédente production de Leander Haußmann qui remonte à 1998 n’était vraiment pas une réussite et se sauvait les dernières années quand un chef digne de ce nom (Petrenko) était dans la fosse. Avec le couple Jurowski/Kosky on espère que l’éclatante réussite du Rosenkavalier se renouvellera, d’autant que Barrie Kosky avait l’intention de clore avec l’opérette après cette Fledermaus. C’est un motif pour y courir, d’autant que la distribution entre Nigl, Damrau, Konradi, Panikkar est de celles qui ne se manquent pas. Fledermaus est un passage obligé de tout grand théâtre germanique et c’est une production qui doit être emblématique du théâtre.

À propos d’emblème, le 31 juillet à Munich a été pendant des années l’un des grands moments du Festival. Sous Sawallish et après, c’était obligatoirement, qu’il fasse soleil, pleuve ou vente, Die Meistersinger von Nürnberg, et qu’il fasse soleil, pleuve ou vente, c’était le GMD qui fermait ainsi la saison. Avec Bachler, le GMD est resté, mais avec d’autres œuvres, et actuellement, plus de GMD, qui préfère sans doute ses vacances… Il y a quelque chose qu’il ne va pas. Quelle que soit la qualité de Constantin Trinks le chef qui dirigera la dernière le 31 juillet, il en va à la fois de l’image du théâtre et de celle du Festival.

Février-Juillet 2024
Tchaikovski, La Dame de Pique
5 repr. du 4 au 20 fév./2 repr. les 12 et 15 juillet – (Dir : Aziz Shokakimov/MeS : Benedict Andrews)
Avec Brandon Jovanovich, Asmik Grigorian/Lise Davidsen (07), Violeta Urmana, Boris Pinkhasovich, Roman Burdenko etc…

À tout prendre, j’aurais échangé Andrews pour Le nozze et Titov pour Dame de Pique et non l’inverse, mais les voix du Seigneur sont une fois encore impénétrables.  Très belle perspective que d’entendre en fosse Aziz Shokakimov, l’un des chefs très prometteurs notamment dans ce répertoire. La distribution est très attirante avec cette alternance chaud/froid Grigorian/Davidsen, deux formats physiques opposés, deux présences scéniques opposées, deux typologies vocales très différentes. On attend avec impatience la comtesse d’Urmana et l’Eletzki de Pinkhasovich. On attend avec moins d’impatience Jovanovich en Hermann, qui à Salzbourg avait montré (avec en fosse Jansons) qu’il ne rimait pas avec charisme, chant plat et ennui en perspective. Une faute de goût…
N’importe, une Dame de Pique ne se rate pas.

Mars/Juillet 2024
Mieczyslaw Weinberg, Die Passagierin
5 repr. du 10 au 25 mars, et les 13 et 16 juillet 2024 – (Dir : Vladimir Jurowsky / MeS : Tobias Kratzer)
Avec N.N., Jacques Imbrailo, Charles Workman, Larissa Diadkova etc…
C’est un autre projet, une création de Brett Dean (dont on va découvrir l’Hamlet en ouverture de Festival 2023) qui était programmée, toujours avec le tandem Jurowski/Kratzer. Le choix de repli s’est porté sur Die Passagierin de Mieczyslaw Weinberg (1919-1996) compositeur polonais né à Varsovie qui s’établit à Moscou dès l’invasion de la Pologne par les nazis mais qui sera inquiété et emprisonné par Staline comme « Sioniste » et dont la production musicale très importante (500 œuvres dont 22 symphonies) n’a pas été aussi diffusée que celle de Prokofiev ou Chostakovitch mais de plus en plus reconnue après 1970. On redécouvre ses œuvres et notamment ses opéras (il en a écrit 7) puisque coup sur coup L’Idiot va être joué à Vienne (Theater an der Wien en avril prochain) et au Festival de Salzbourg en 2024.

Die Passagierin, composé en 1968, n’a été créé qu’en 2006 à Moscou et sous forme scénique complète en 2010 au festival de Bregenz.
C’est l’histoire très noire d’une survivante des camps de la mort, Marta, qui retrouve au cours de mondanités sur un navire de croisière Lisa, son ancienne surveillante SS : l’opéra est un aller-retour entre présent et souvenir, présences et fantômes.
Entre Vladimir Jurowski et Tobias Kratzer, il faut s’attendre à un moment musicalement fort et à un travail scénique de très grande qualité, et donc cette première (qui est aussi entrée au répertoire) est prometteuse. La distribution n’est pas encore complètement affichée (il manque les deux héroïnes) mais on relève déjà les noms de Jacques Imbrailo, Charles Workman, Larissa Diadkova, ce qui est déjà une garantie. C’est évidemment à ne pas manquer.

 

Avril-mai 2024
Ottorino Respighi, Lucrezia
Carl Orff, Der Mond
(Soirée Studio de la Bayerische Staatsoper)
6 repr. du 24 avril au 4 mai 2024 – (Dir : Akim Karimov/MeS : Tamara Trunova)
Avec les membres de l’Opéra Studio de la Bayerische Staatsoper.
Au Cuvilliéstheater

Deux options possibles pour le projet du Studio, ou bien une œuvre du répertoire, ou bien un projet spécifique aux couleurs spéciales ; c’est-à-dire un chef nouveau et dédié, et une mise en scène confiée à un/une artiste qu’on voit à l’œuvre sur un projet au format réduit, mais qui permet de prendre date pour un autre projet plus tard.
C’est cette deuxième option qui a été choisie, avec le jeune chef russe très pormetteur Azim Karimov, dernier élève de Guennadi Rozhdetvenski, et la metteuse en scène et directrice de théâtre ukrainienne Tamara Trunova, qui est l’une des artistes les plus en vue dans son pays.
Deux opéras en un acte, d’abord l’opéra Lucrezia très peu connu de Respighi (terminé par son épouse Elsa et le compositeur Ennio Porrino), inspiré de Tite Live et Shakespeare et créé en 1937 à la Scala sous la direction de Gino Marinuzzi avec rien moins que Ebe Stignani dans la voix (en fosse) et Maria Caniglia en Lucrezia…
Deuxième opéra de la soirée, Der Mond de Carl Orff, à partir d’un conte de Grimm (l’histoire de quatre jeunes qui enlèvent pour chacun un quart de lune et qui veulent l’emporter dans la tombe pour éclairer les morts), n’était pas appelé « opéra » mais « Ein kleines Welttheater » (Un petit théâtre du monde). Créé en 1939 par Clemens Krauss à la Bayerische Staatsoper, l’opéra en un acte retrouve ainsi son théâtre d’origine.
Projet de deux opéras à peu près contemporains (l’un né dans l’Italie fasciste et l’autre dans L’Allemagne nazie), confié à une équipe russo-ukrainienne avec des jeunes artistes de toute provenance. On aime les symboles qui célèbrent la communauté de l’art à Munich et c’est heureux.

 

Mai-juin/Juillet 2024
Giacomo Puccini, Tosca
8 repr. du 20 mai au 10 juin/2 repr. du 24 au 30 juillet 2024 – (Dir : Andrea Battistoni/MeS : Kornél Mundruczó)
Avec Anja Harteros, Charles Castronovo (05-06)/Jonas Kaufmann (07) Ludovic Tézier etc…
À voir le nombre de représentations et les prix pratiqués (notamment au Festival), on entend déjà le doux cliquetis de la machine à sous. À lire aussi la distribution, on croit aux revenants (Si Harteros sort de son hibernation : on ne la voit plus nulle part depuis le 31 juillet 2021, Isolde à Munich), le couple Harteros-Kaufmann ayant fait les beaux soirs de Tosca à Munich. La production Bondy qui a tourné dans bien des opéras du monde a fait son temps et une nouvelle production se justifie pleinement, d’autant que Kornél Mundruczó qui n’a pas déplu dans Lohengrin, pourrait encore mieux convenir à Tosca, qui va bien à un cinéaste. À supposer que tout le monde soit présent (on l’espère tous), on regrette quand même que Kaufmann ne fasse pas la première quitte à faire les choses à l’italienne (Kaufmann pour 4 repr et Castronovo pour 4 autres). On regrette sans doute encore plus que pour une Première de Tosca dans ce qui reste l’un des plus grands théâtres lyriques du monde, on n’ait pas trouvé un chef plus excitant qu’Andrea Battistoni. Il y a peut-être derrière ce choix des motifs qui le justifient, mais on reste dubitatif. Enfin, comme la carrière d’une Tosca est toujours longue, il faut espérer que d’autres chefs plus intéressants arriveront plus tard.

Juin-juillet 2024 (Festival)
György Ligeti, Le Grand Macabre

4 repr. du 26 juin au 7 juillet 2024 – (Dir: Kent Nagano/MeS: Krzysztof Warlikowski)
Avec Erin Morley, John Holiday, Michael Nagy, Benjamin Bruns, Brindley Sherratt etc…
Créé en 1978 à Stockholm, créé à l’Opéra de Paris en 1981, Le Grand Macabre fait son entrée à Munich. Cette œuvre sorte de bal macabre destructeur et sarcastique donne l’occasion à Kent Nagano, ex-GMD de Munich, de revenir dans la fosse du Nationaltheater après une douzaine d’années d’absence pour une œuvre qu’il saura défendre avec éclat. La mise en scène est confiée à Krzysztof Warlikowski ce qui est aussi un gage d’inventivité. Il en faut pour une œuvre aussi étourdissante et explosive. Sur scène, une distribution très solide, dominée par le Nekrotzar de Michael Nagy et la Venus d’Erin Morley, mais où l’on voit aussi John Holiday l’excellent contreténor, Brindley Sherratt et Benjamin Bruns, qui tous garantissent un très haut niveau d’exécution. A ne pas manquer.

Juin-juillet 2024 (Festival)
Claude Debussy, Pelléas et Mélisande
6 repr. du 30 juin au 22 juillet – (Dir : Mirga Gražinytė-Tyla /MeS : Jetske Mijnssen).
Avec Ben Bliss, Sabine Devieilhe, Christian Gerhaher, Franz-Josef Selig, Sophie Koch etc…
Comme la production précédente du chef d’oeuvre de Debussy, c’est au Prinzregententheater, ouvert en 1901 que cette production sera présentée. L’œuvre est d’ailleurs contemporaine (1902) de ce théâtre à la capacité voisine de l’Öpéra-Comique où a été créé l’opéra de Debussy. Il y a quelque chose d’ironique aussi de voir représentée dans la copie du Festspielhaus de Bayreuth une œuvre qui entretient avec Wagner une relation si ambiguë. Elle sera portée par une équipe artistique féminine avec la cheffe Mirga Gražinytė-Tyla que Munich a découverte lors de la première saison de Serge Dorny dans La petite Renarde rusée et qui avait remporté un grand succès ; pour la mise en scène, c’est la néerlandaise Jetske Mijnssen qui va relever le défi et qui arrive avec une réputation positive et un répertoire assez large à l’opéra.
Le plateau est l’un des plus excitants qu’on puisse rêver, Ben Bliss en Pelléas qui vient de le chanter à Paris sous la direction de Susanna Mälkki à Radio France, Sabine Devieilhe en Mélisande qiu’on ne présente pas, pas plus que Christian Gerhaher en Golaud, Sophie Koch en Geneviève et Franz-Josef Selig en Arkel complètent. Voilà qui devrait séduire le public, encore peu habitué à Debussy. À ne pas manquer, bien évidemment.

Au total un florilège ouvert de nouvelles productions, dont certaines sont appelées à revenir régulièrement au répertoire, d’autres évidemment un peu moins, à moins que le public se prenne d’un amour immodéré pour « Le Grand Macabre » ou « Die Passagierin ». Il est important qu’un théâtre tel que Munich fasse entrer au répertoire des œuvres plus récentes qui ont marqué le monde musical, et de ce point de vue Serge Dorny a largement pourvu en trois ans le répertoire de la maison en œuvres qui n’y étaient pas. Il s’agira aussi de renouveler celui qui existe, dont certaines productions ont aussi fait leur temps, et essayer de s’ouvrir plus à un certain répertoire italien, comme le Rossini sérieux (Semiramide  est déja dans les magasins et pourrait être repris) ou Cherubini, totalement absent des programmes.
Cela veut dire qu’il y a encore bien du pain sur la planche…

3) Bayerisches Staatsorchester

L’orchestre, le Bayerisches Staatsorchester fête ses 500 ans en 2023 et Serge Dorny a invité pour l’occasion les anciens GMD, dont Zubin Mehta cette saison qui a fait un triomphe au début du mois de février.
La saison prochaine, les six Akademiekonzerte seront dirigés par le GMD Vladmir Jurowski ou les Ex-GMD Kirill Petrenko et Kent Nagano, ainsi qu’un concert confié à Joana Mallwitz, directrice musicale du Staatstheater de Nuremberg.

D’abord, en septembre 2023, une grande tournée européenne marquera le jubilé de l’orchestre dirigé par Vladmir Jurowski, avec trois programmes,

Premier programme
Meran/Merano en Italie (Haut Adige/Südtirol le 7 septembre et à Lucerne le 9 septembre :`

Wagner, Tristan und Isolde, prélude
Schumann, Concerto pour piano en la bemol op.54 (Yefim Bronfman, piano)
Bruckner, Symphonie n°4 « Romantique »

Deuxième programme :

Berg, concerto pour violon « à la Mémoire d’un ange » (Vilde Frang, violon)
R.Strauss, Ein Alpensinfonie

Hambourg, Elbphilharmonie (10/09)
Berlin, Philharmonie (11/09)
Bucarest, Festival Enescu (14/09)
Londres, Barbican Center (18/09)

Troisième programme`

Wagner, Tristan und Isolde, prélude
Schumann, Concerto pour piano en la bemol op.54 (Yefim Bronfman, piano)
Mahler, Symphonie n°4 (Solistes Louise Alder les 13 et 19/09 et Elsa Dreisig du 21 au 23/09 en alternance)

Bucarest, Festival Enescu (13/09)
Londres, Barbican Center (19/09)
Paris, Théâtre des Champs Élysées (21/09)
Linz, Brucknerhaus (22/09)
Vienne, Konzerthaus (23/09)

 

Akademiekonzerte

8 octobre, 18h
9 octobre, 20h
11 octobre, 19h
1. Akademiekonzert`

Mahler Symphonie n°8 « Des Mille »
Avec Rachel Willis-Sørensen, Joianni van Oostrum, Jasmin Delfs, Jennifer Johnston, Okka von der Damerau, Benjamin Bruns, Christoph Pohl, Georg Zeppenfeld

Bayerisches Staatsorchester
Bayerischer Staatsopernchor
Chœur d’Etat de Lettonie
Tölzer Knabenchor
Direction musicale: Kirill Petrenko

6 novembre, 20h
7 novembre, 19h
2. Akademiekonzert

Weber, Im Sommerwind
Unsuk Chin, Oeuvre commissionnée par la Bayerische Staatsoper
Beethoven, Symphonie n°6, Pastorale

Bayerisches Staatsorchester
Direction musicale, Kent Nagano

 

8 janvier 2024, 20h
9 janvier , 19h
3.  Akademiekonzert

W.A.Mozart: Symphonie n°29
Gotthard Odermatt: Concerto pour cor et orchestre (première exécution allemande)
Schubert, Symphonie n

Pascal Deuber, cor
Bayerisches Staatsorchester
Direction musicale, Vladimir Jurowski

 

18 mars, 20h
19 mars, 19h
4. Akademiekonzert

Arnold Schönberg, Begleitmusik zu einer Lichtspielszene op. 34
Ottorino Respighi, Concerto gregoriano
Johannes Brahms, Sérénade n°1 op. 11

Frank-Peter Zimmermann, violon
Bayerisches Staatsorchester
Direction musicale, Vladimir Jurowski

22 avril, 20h
23 avril, 19h
5. Akademiekonzert

W.A.Mozart, Symphonie n°36, Linz
Tchaikovski, Symphonie n°6 « Pathétique »

Bayerisches Staatsorchester
Direction musicale, Joana Mallwitz

27 mai, 20h
28 mai, 19h
6. Akademiekonzert

L.v.Beethoven, Concerto n°5 op.73, “L’Empereur”
Robert Schumann, Symphonie n°3 « Rhénane »

 Emanuel Ax, Piano
Bayerisches Staatsorchester
Direction musicale, Vladimir Jurowski

 

Vous aurez peut-être l’occasion d’aller écouter le Bayerisches Staatsorchester dans ses œuvres lors de son concert parisien le 21 septembre, ou à une autre date si vous êtes quelque part en Europe, mais dans la série des « Akademiekonzerte » proposés, aux programmes divers et intéressants si l’on habite Munich, un seul sans doute pourrait motiver votre voyage, celui de la Symphonie n°8 de Mahler, créée à Munich en septembre 1910.
Cette exécution marque le retour de Kirill Petrenko à la tête de son ancien orchestre depuis qu’il a laissé Munich pour Berlin et sera évidemment très attendue, tant le chef a marqué la vie musicale et lyrique munichoise. Est-ce que cela laissera espérer un prochain retour en fosse, comme Nagano dans la saison lyrique ? Wait and see…

 

4) Bayerisches Staatsballett


(Contribution de Jean-Marc Navarro)
C’est le 27 février 2022, quelques jours seulement après le lancement de l’opération spéciale russe, qu’a été annoncée la démission de Laurent Hilaire de son poste de directeur du Ballet du Théâtre Stanislavski, où il était très respecté et admiré par des danseurs avec lesquels il avait tissé de forts liens mutuels comme en témoignèrent leurs réactions publiques. Il y avait succédé 5 ans plus tôt à Igor Zelensky, qui avait rejoint Munich comme directeur du Ballet de Bavière jusqu’à ce 4 avril où il démissionna. Ironie de l’histoire, c’est encore une fois Laurent Hilaire qui sera son successeur et reprendra le poste au pied levé. 2022 marque donc une année de transition pour le Ballet, avec un directeur qui apprend à apprivoiser ses nouvelles ouailles ; s’en sont suivis tant des recrutements notables (le très en vue Julian MacKay, transfuge du Mikhailovsky et du San Francisco Ballet, Iago Gonzaga, Zhanna Gubanova (ancienne du Stanislavski) ou des promotions prometteuses (Shale Wagman ou Antonio Casalinho) que des départs massifs vers Berlin ou Hannovre mais aussi… vers le Bolchoï ou… le Stanislavski…

Une année agitée, donc, pour la compagnie, et la saison 2023/2024 en conserve quelques stigmates. Si l’on ne saurait dire exactement l’étendue des ajustements opérés par Hilaire sur la programmation initialement construite par Zelensky, le chorégraphe qui sera invité à créer une nouvelle œuvre face au grand pas de Paquita de Petipa en ouverture de saison n’est toujours pas annoncé.

11 programmes composent la saison du Ballet de Bavière, les grandes soirées narratives ou académiques se taillant la part du lion. Avec les chefs d’oeuvre de Cranko (OnéguineRoméo et Juliette) ou les oeuvres de Wheeldon (Cendrillon, le petit joyau Alice au pays des merveilles), la tendance néoclassique reste dominante et trouve son prolongement dans la reprise du programme autour de Tchaïkovski créé par Alexei Ratmansky fin 2022. La Bayadère et le grand pas de Paquita des Maîtres Petipa et Minkus raviront les amateurs de ballet plus strictement académique. Avec une soirée mixte des très en vogue Leon et Lighfoot, c’est un écot fort peu risqué qui est payé à une touche plus “contemporaine”.

3 Premieres sont annoncées : le désormais assez banal Parc de Preljocaj, indélébilement marqué par Hilaire, qui a créé le rôle principal en 1994, entre au répertoire. C’est encore à Preljocaj que sera confiée une carte blanche où il mêlera à ses œuvres des propositions de jeunes chorégraphes de son choix, non annoncés. C’est avec intérêt qu’on suivra la troisième Premiere, une soirée mixte où une création d’Andrew Skeels (invité pour la première fois) sera confrontée entre autres au très puissant White Darkness de Duato (là encore déjà au répertoire de moult compagnies).

Pour compléter cette offre, le Junior Ballett donnera quelques matinées au cours de la saison. L’agent de la compagnie Peeping Tom, plutôt habituée des scènes alla Chaillot, fait par ailleurs du bon boulot puisqu’après avoir présenté son Triptych au Palais Garnier (!) en juin 2023, c’est à Munich qu’elle le dansera en avril 2024. Drôle de choix, dans un cas comme dans l’autre.

Voilà donc une saison qui à défaut de folle originalité ou d’exploration radicale des champs chorégraphiques actuels (d’autres s’en chargent très “bien”) est très ancrée dans un attachement au fond de répertoire classique et néoclassique et ne se tourne que timidement vers des touches plus contemporaines dont on sait qu’elles ne créeront en tout état de cause pas de scandale.

Les balletomanes en mal de répertoire, les curieux désireux de découvrir le monde du ballet, la jeune garde de danseurs assoiffés de rôles devraient trouver y trouver leur compte. Voilà en tout cas une tour d’observation idéale pour Laurent Hilaire, qui pourra voir évoluer ses danseurs dans des styles différents et imaginer ses futures saisons.

  

Conclusions :

Saison riche, abondante, diverse et donc pour tous les goûts, avec des sommets tant dans le répertoire (Wozzeck) que dans les nouvelles productions (Die Fledermaus, Die Passagierin, Le Grand Macabre, Pelléas et Mélisande). Beaucoup de voix nouvelles dans les distributions (toujours stimulant) et aussi quelques stars çà et là (Damrau, Davidsen, Grigorian, Harteros, Stemme, Kaufmann, Tézier etc…).
Quelques éléments qui nous paraissent devoir être l’objet d’une réflexion.
– le site, toujours illisible et confus et les choix de polices de caractères pour le matériel (brochure et programmes) pas toujours lisible.
– une présence importante de chefs italiens dans les représentations de répertoire voire des nouvelles productions, mais peu de chanteurs italiens sur les plateaux

– le répertoire italien (plus le belcanto et Verdi que Puccini) n’est d’ailleurs pas toujours bien servi par les distributions, quelquefois incohérentes (trois bons chanteurs et inexplicablement une erreur de casting : Stefan Pop en Macduff en est l’exemple le plus évident, mais on pourrait aussi citer Isabel Leonard en Angelina de Cenerentola).
– Nous avons évoqué la question de la présence du directeur musical au Festival, absent pour la dernière qui doit toujours être une fête, mais cette année seulement présent dans deux représentations d’Elektra.
– Enfin quelques remarques concernant des absences cette saison : pas de baroque du tout (si l’on excepte Dido and Aeneas dans la production un peu tronquée de Warlikowski pour deux représentations) et si Wagner est abondamment (et très bien) servi, il manque un des piliers de la maison, qu’on n’a pas revu depuis d’arrivée de Serge Dorny, Die Meistersinger von Nürnberg. La production de David Bösch n’est pas méprisable et l’œuvre est tellement emblématique de ce théâtre qu’elle commence à manquer vraiment.

J’ai déjà évoqué la saison dernière l’absence de Die Vögel dans la belle production de Frank Castorf, doublement victime du Covid que seuls de rares privilégiés ont pu voir, toute reprise sera quasiment une première…
Il faut laisser du temps au temps… et il y a quand même suffisamment de matière pour aller avec joie à Munich en 2023-2024.

Cuvilliés Theater