
Hier un bref communiqué de presse a annoncé, après des mois d’attente, que le nouveau directeur musical du Teatro alla Scala à partir de 2027 et pour trois ans serait le chef Myung-whun Chung, bien connu à Paris pour avoir été directeur musical de l’Opéra de Paris puis pendant de longues années du Philharmonique de Radio France. Cette nomination à la Scala a surpris parce qu’on attendait un autre nom annoncé il y a des mois par le maire de Milan, président du Conseil d’Administration, celui de Daniele GattI.
Ainsi, à Myung-whun Chung semble s’attacher un étrange destin : au début de sa carrière, Paris (en l’occurrence Pierre Bergé) fit appel à lui pour exercer les fonctions de directeur musical de l’Opéra de Paris new-look (Bastille et Garnier) en substitution de Daniel Barenboim, chassé de manière ignominieuse pour de mauvaises raisons. Il était l’homme lige de la direction, et dès qu’elle changea, en 1994, il partit.
En 2025, à la fin de sa carrière, Milan (en l’occurrence Fortunato Ortombina, le nouveau sovrintendente du Teatro alla Scala), fait appel à lui pour exercer les fonctions de directeur musical, là où on attendait Daniele Gatti. Lié à Fortunato Ortombina qui était sovrintendente à la Fenice de Venise, il y a dirigé de nombreux opéras et concerts depuis la saison 2012-2013, il est en quelque sorte de nouveau homme lige de la direction. Et son contrat de trois ans, qui arrive à échéance en même temps que celui de Fortunato Ortombina en 2030, ressemble bien à un mandat de transition (il aura 77 ans en 2030), destiné à empêcher Daniele Gatti d’accéder à ce poste.
Je vais essayer d’expliquer comment on en est arrivé là, selon mes observations extérieures, mais ayant pratiqué ce théâtre et cette ville pendant des décennies et suivant les tribulations scaligères avec attention. Mes observations sont sans doute partielles et quelquefois partiales, mais elles sont destinées à éclairer le lecteur sur les arcanes subtils de la vie ce théâtre, qui n’ont jamais été un long fleuve tranquille. Ces considérations sont de deux ordres, un ordre « politique » au sens large national et local, et un ordre artistique.
Considérations politiques : le « national ».
Ce n’est un secret pour personne, l’arrivée des néo-fascistes au pouvoir en Italie a forcément des conséquences sur la politique culturelle et sur les nominations dont le premier credo a été, les italiens d’abord. L’art lyrique est un art « identitaire » en Italie, où, si le théâtre parlé est en piètre situation, les Fondations lyriques restent des organismes puissants et symboliques. Il fallait donc frapper fort et vite, d’où le fameux décret qui a décrété que les sovrintendenti étrangers qui atteignaient 70 ans devaient laisser la place illico presto, au mépris des contrats signés et appliquant le principe de rétroactivité qui est assez scandaleux en droit. – mais ce sont des néo-fascistes : le droit, c’est moi-. Ce décret visait en réalité deux personnalités, en premier lieu Stéphane Lissner à Naples et à terme Dominique Meyer à Milan. C’était un décret ad hominem qui visait à se débarrasser au plus vite de Lissner, pour mettre à sa place Carlo Fuortes, ex-administrateur délégué de la RAI trop « à gauche » (la gauche commence juste à la gauche des néo-fascistes, le champ est large) à qui il fallait trouver un point de chute honorable. Lissner s’est défendu, a attaqué l’État italien, a gagné son combat, est finalement resté à Naples jusqu’à la fin légale de son contrat, au début de cette année. Dominique Meyer quant à lui, à son très grand regret et au regret de tous les personnels du théâtre, a dû lui aussi quitter son poste en février dernier, ayant atteint la limite fatidique des 70 ans.
Et quelques semaines après le départ de Dominique Meyer paraît une discrète modification rapportant le décret précédent, il est vrai très mal fichu, selon laquelle si on ne peut être nommé après 70 ans, on peut le terminer si on atteint l’âge fatidique durant son mandat. Évidemment le cas Lissner a fait jurisprudence, mais c’est aussi le signe des manœuvres tortueuses d’un gouvernement peu fiable, avec des Ministres de la culture issus du monde des médias, Gennaro Sangiuliano qui a démissionné (saine initiative) et laissé la place à Alessandro Giuli, journaliste d’extrême droite (très extrême) depuis sa jeunesse à côté desquels nos ministres de la culture font figure de Prix Nobel. Ce discret revirement en dit long aussi sur la médiocrité des excellences gouvernementales…
Et en ce moment, ce qui intéresse surtout le gouvernement, c’est de transformer la loi sur les Fondations et renforcer dans les conseils la présence de l’État, au détriment des représentants locaux et au niveau de l’image, de nommer à la tête de ces institutions des italiens, ce qui semble être le critère de compétence ultime.
Il convient de revenir sur la présence de Sovrintendenti ou de managers étrangers (la question s’étend aussi aux musées) dans les institutions italiennes, pratique en soi largement partagée en Europe (Alexander Neef est allemand à Paris, George Delnon est suisse à Hambourg, Serge Dorny est belge à Munich etc…), mais qui en Italie jusqu’à l’arrivée de Lissner à la Scala en 2005 n’était pas habituelle. Cette pratique est récente, pour une raison assez simple : la Scala en 2005 était dans une telle crise qu’il valait mieux un étranger à sa tête, loin des luttes intestines locales et loin des manœuvres politiques qui ont toujours prévalu dans la gestion des grosses institutions. En cas d’échec, en plus, il porterait le chapeau. À cela s’ajoutait un changement de générations et celle des grands « managers » italiens arrivait à tarissement.
Les temps ont changé et les dernières années ont néanmoins porté à la tête des grandes institutions lyriques italiennes des managers solides, comme Carlo Fuortes, d’abord à Rome, puis à Florence où il est actuellement, et comme Francesco Giambrone à l’Opéra de Rome. C’est de cette génération qu’est issu Fortunato Ortombina, qui était sovrintendente à la Fenice de Venise. Juste une précision cependant, il reste en Italie un sovrintendente étranger, français, au Regio de Turin, il s’agit de Mathieu Jouvin, mais contrairement à ses collègues qui cumulaient les fonctions de sovrintendente et direttore artistico, il est flanqué d’un directeur artistique, Cristiano Sandri.
Alors après Meyer, pour le Teatro alla Scala, le théâtre le plus emblématique du pays celui qui une fois par an, le 7 décembre, porte toute l’identité de la culture italienne, il fallait un italien, fallait-il encore savoir lequel.
Là entrent en jeu d’autres considérations. On a longtemps cru que Carlo Fuortes était le nom le plus adapté à la Scala au vu de sa longue expérience. Mais il avait deux défauts majeurs : d’abord il est romain ce qui à Milan est problématique, et ensuite le maire de Milan Giuseppe Sala n’en voulait à aucun prix. Il fallait chercher ailleurs… Le jeu des postes est un jeu de chaises musicales et pas mal de postes vont (ou sont en train de) se libérer. Fortunato Ortombina avait fait son temps à Venise où il était direttore artistico depuis 2007 et Sovrintendente depuis 2017, cumulant les deux fonctions, comme c’est le cas à la Scala, un cumul initié justement par Lissner, alors que les deux fonctions jusqu’alors étaient bien séparées comme elles le sont à Turin.

Fortunato Ortombina a un deuxième avantage, il est né à Mantoue, c’est-à-dire en Lombardie : c’est un gars du coin et c’est essentiel pour les considérations « locales », même s’il a étudié à Parme « aldilà del Po » (au-delà du Po’), en Emilie-Romagne. C’est d’abord un musicien, qui a une connaissance approfondie de la pratique et de l’organisation musicale, mais aussi un musicologue avec une carrière très diversifiée : on peut dire sans crainte qu’il connaît à peu près tous les métiers et les rouages de l’opéra, et c’est un immense avantage. C’est sans conteste un grand professionnel et un habile navigateur (chez tout manager italien, il y a quelque chose de florentin…).
Considérations politiques : le « Local »
Je l’ai souvent écrit, Le Teatro alla Scala a la réputation aujourd’hui un peu fanée d’être le plus grand théâtre lyrique du monde, il est en réalité « le plus grand théâtre lyrique de province du monde », parce que c’est le théâtre de la ville de Milan, avec un public local fort, avec ses habitués, son cercle rapproché, ses habitudes et ses traditions plus fortes ici qu’ailleurs, même si ces dernières années ce public a évolué avec l’irruption des touristes à tout va pour qui l’être là est plus important que ce qu’on va y voir. L’Opéra de Paris ou la Staatsoper de Vienne sont d’abord des institutions nationales. La Scala est d’abord une institution locale, qui par son histoire locale a gagné ses galons nationaux, mais il ne viendrait à personne en Italie l’idée de l’appeler « Teatro nazionale alla Scala », ce serait une erreur et une plaisanterie. Et surtout, les autres Fondations ont aussi cet enracinement local très fort, qui est une caractéristique italienne. La Scala est d’abord le théâtre des milanais avec un attachement presque irrationnel qui ne touche pas seulement le public, mais aussi ceux qui n’y entrent jamais.
Et qui dit local dit aussi figures locales que tous les habitués du théâtre connaissent, et luttes locales claniques, le péché mignon des italiens où se jouent quelquefois jusqu’au lien envers une équipe de foot, le Milan AC ou l’Inter selon les chefs, selon les mélomanes etc…
Tout cela compte à des degrés divers évidemment, mais entre en jeu.
Localement, lorsqu’est apparue à l’horizon la succession de Riccardo Chailly, sont apparus en même temps les clans qui se sont reconstitués et qui sont habituels à la Scala, il y eut les Tebaldiani et les Callassiani, les Mutiani e les Abbadiani et tout cela fait histoire, fait tissu, fait « local ».
Alors ces clans se sont reconstitués autour de l’arrivée annoncée par le maire Giuseppe Sala de Daniele Gatti comme directeur musical, non pas tant soutenant un autre candidat, mais refusant celui-ci, accompagnée de manœuvres dilatoires de Riccardo Chailly dont le mandat à été prolongé par petites touches jusqu’à fin 2026. Alors comme souvent à la Scala, quelques cris dans la salle invoquant un autre chef, quelques huées ce qui dans tout autre théâtre serait épiphénomène prennent ici une importance locale. Il s’est construit un clan « tout sauf Gatti ». On a exagérément glorifié telle apparition de Chailly, ou de Michele Mariotti en qui certains voyaient un possible successeur, et le petit monde attendait Ortombina pour la décision finale.
Et là s’est jouée une autre partition.
Fortunato Ortombina a déclaré qu’il allait d’abord écouter l’orchestre pour arrêter son choix. C’était une manière dès son arrivée d’affirmer que le choix était le sien et qu’il était à l’écoute des forces locales, captatio benevolentiae envers un orchestre qui avait clairement demandé le maintien de Meyer.
C’était aussi une manière de souligner qu’il était le patron. Le maire de Milan en affirmant publiquement que Daniele Gatti serait le successeur logique, mettait une sorte de corbeille de la mariée à Ortombina qui voulait dire « le patron c’est moi » (il est président du conseil d’administration). En début de mandat, Ortombina avait nécessité d’affirmer son autorité et de remettre le maire à sa place, d’autant qu’il ne faisait pas partie de ceux qui voyaient l’arrivée de Gatti avec un œil favorable. En fait Gatti sans le vouloir a été piégé par ce jeu de pouvoir. Fort de l’assurance du maire de Milan, il a dû évidemment réorganiser ses engagements et contrats, on voit le résultat.
Par ailleurs d’autres considérations absolument pas artistiques s’ajoutent à ce jeu de dupes.
Aujourd’hui, notamment chez les managers, la figure du directeur musical est vécue comme gênante : à Vienne Meyer ne l’a pas renouvelée après le départ de Franz Welser-Möst, et le contrat minimaliste de Chailly (2 opéras et 2 ou 3 concerts) lui assurait une tranquillité totale à la Scala. À Vienne encore, Bogdan Roščić a fait de Philippe Jordan son Directeur musical, mais sans le titre de GMD (General Musikdirektor), poste trop influent dans un opéra qui ne supporte pas deux rois et il ne lui a pas renouvelé son contrat après 2025, marquant par-là qui était le patron.
Même Lissner à la Scala, avec Barenboim comme directeur musical et la complicité qu’il y avait entre eux, savait que le chef, pris entre Berlin et Milan ne serait pas présent au quotidien et donc pèserait peu sur la gestion interne.
Avec Daniele Gatti, milanais, domicilié à Milan et avec des idées bien arrêtées sur la fonction de directeur musical, les habitudes prises avec un Chailly plutôt éloigné allaient sans doute changer et constituer pour le sovrintendente-direttore artistico une sorte de gêne, de caillou dans le pied, d’autant qu’ils n’avaient jamais travaillé ensemble.
Avec Chung, sa modestie, sa discrétion et surtout l’habitude de travailler prise à Venise, tous les obstacles étaient levés miraculeusement avec, ce qui compte aussi, des demandes à l’orchestre moins pressantes qu’avec un Gatti, un peu plus clivant…
Et voilà pourquoi on en est arrivé au choix de Chung, pour avoir la paix et gérer l’avenir en toute tranquillité, et affirmer d’emblée face au maire de Milan une autorité qui a forcé l’autre à avaler une couleuvre et se contredire publiquement.
Alors circule à Milan un bruit insistant : Chung serait une transition en attendant l’arrivée d’un Messie après 2030. Je vous laisse deviner lequel, mais les Messies sont souvent plus attendus qu’arrivés d’une part et le poste laissé libre par Chung en 2030 suscitera en Italie même des ambitions plus ouvertes de chefs qui en 2030 seront arrivés à maturité… d’où de probables luttes de clans comme d’habitude. Italia bella.
Considérations artistiques
Tout d’abord qu’il soit bien clair que les considérations artistiques n’ont joué aucun rôle dans cette nomination. C’est bien pourquoi nous allons les aborder.
Nous ne cessons de répéter qu’il y a en Italie une génération de jeunes chefs valeureux et riches d’avenir, mais dans les chefs plus murs, les choses se raréfient : le doyen est Riccardo Muti, classe 1941, devenu par la force des autres la référence mythique de la direction musicale italienne, puis arrive Riccardo Chailly né en 1953, Fabio Luisi né en 1959 puis Daniele Gatti né en 1961 et Gianandrea Noseda en 1964.
Pour devenir directeur musical à la Scala il n’est pas nécessaire d’être quinquagénaire ou sexagénaire. Claudio Abbado est arrivé à ce poste en 1968, à 36 ans. Mais il avait un passé, à l’opéra et au symphonique et avait osé à 29 ans dire non à Karajan qui l’invitait à Salzbourg pour diriger Cherubini en imposant la Symphonie « Résurrection » de Mahler. Dire non au Dieu vivant qui avait cédé, c’était déjà une sacrée carte de visite et aucun des chefs italiens de la génération des trentenaires ou quadragénaires n’a aujourd’hui un passé comparable. Il faut donc se tourner vers les plus anciens, et Muti et Chailly étant hors-jeu, ayant largement donné à la Scala, restaient Gianandrea Noseda, Fabio Luisi, et Daniele Gatti. Si les deux premiers ont une très solide expérience lyrique, sont appréciés, ils n’ont pas la double expérience symphonique et lyrique accumulée par Daniele Gatti.

Ce dernier a un répertoire symphonique large, notamment romantique et post-romantique, et c’est important à la Scala où l’activité symphonique compte, avec l’orchestre comme avec la Filarmonica (fondée en 1982 par Claudio Abbado) et un répertoire lyrique parmi les plus étoffés et les plus divers, Verdi (dernier en date, Falstaff à la Scala en janvier dernier), Rossini (Barbiere encore récemment, Bellini (Capuleti e Montecchi il y a quelques années), Donizetti (Don Pasquale récemment), Puccini (Butterfly récemment), mais aussi Wagner (il va diriger Meistersinger à Bayreuth cet été et Parsifal à Dresde l’an prochain), Berg (Wozzeck), Strauss (Ariadne auf Naxos encore récemment), Berlioz (La Damnation de Faust), Debussy (Pelléas et Mélisande). Ce ne sont que des exemples qui montrent l’étendue du répertoire et l’accueil la plupart du temps particulièrement positif et attentif. Il est clair que d’un point de vue strictement objectif, c’est lui qui a les cartes en main, les papiers les plus en règle pour la fonction, outre qu’il est désormais, directeur musical de la Staatskapelle de Dresde, l’un des grands orchestres de référence en Allemagne, successeur à ce poste de Christian Thielemann ce qui n’est pas indifférent et à la demande de l’orchestre. C’est sans conteste Daniele Gatti qui a la surface internationale la plus large aujourd’hui au lyrique et au symphonique, pour succéder à Riccardo Chailly à la Scala. C’est un chef qui a ses idées, souvent clivant pour ses auditeurs, à qui objectivement on ne peut nier en aucun cas une surface telle qu’il fait partie du top ten des chefs d’aujourd’hui.
Myung-whun Chung est un chef respectable, très estimable, qui a une longue carrière derrière lui de chef symphonique et chef lyrique, il est d’ailleurs premier chef invité à la Staatskapelle de Dresde et a une profonde connaissance du répertoire lyrique et du milieu italien. Sa surface médiatique et artistique n’est cependant pas comparable à celle de Daniele Gatti : il fait partie de ces chefs très solides, mais il mène une carrière plus discrète. Son profil n’est en tous cas en rien comparable à celui des directeurs musicaux qui se sont succédé à la Scala depuis 1968, Claudio Abbado, Riccardo Muti, Daniel Barenboim, Riccardo Chailly. Son arrivée à la direction musicale de la Scala signifie simplement que pour toute une série de raisons, Ortombina ne voulait pas de Daniele Gatti et a préféré naviguer en terrain de connaissance voire en terrain conquis. Par ailleurs, le fait que Chung soit coréen n’est pas un obstacle : ce qui importe au gouvernement c’est que les institutions soient aux mains d’italiens, la question des artistes est plus ouverte : actuellement on parle d’Alexander Soddy (britannique) comme directeur musical à Florence, Daniel Harding (britannique) est directeur musical de Santa Cecilia, et Andrés Orozco-Estrada, directeur principal de l’Orchestre de la RAI est colombien.
On peut enfin remarquer qu’à âge égal, (ils ont tous deux 72 ans), Chailly pouvait à ce stade tout aussi bien rester directeur musical jusqu’à 2030, mais il n’en avait plus envie peut-être, et peut-être aussi l’arrivée de Chung est la suite de manœuvres concertées entre tous les clans anti Gatti. Une sorte de « changement dans la continuité ».
Dans cet écheveau de motifs divers, entre haines recuites, jeux de pouvoirs et peaux de bananes, c’est l’art qui y perd car il est évident que Gatti aurait fait souffler un air nouveau à la Scala. Personne ne peut soutenir que l’ère Chailly ait fait souffler un air de grandeur à ce théâtre, productions musicalement certes solides, mais jamais incandescentes, mise en scènes la plupart du temps médiocres, le pompon à Don Carlo vu par Lluis Pasqual et à quelques Livermore à la limite du supportable (Tosca). On aurait peine à citer une production de l’ère Chailly qui ait marqué… dans mon souvenir je ne garde que La Gazza ladra, en 2017, peut-être. Mais surtout Chailly, à la santé fragile, n’a pas été une force dynamisante, se contentant souvent de diriger sans avoir l’aura ni l’inventivité ni l’initiative de ses prédécesseurs. De ce point vue un Gatti aux idées très arrêtées, même si discutables (mais c’est la vie du théâtre) aurait un peu secoué le cocotier.
On a préféré Meeres Stille und glückliche Fahrt (mer calme et heureux voyage) comme dirait Beethoven. Mais un voyage est-il heureux dans un nœud de vipères ? Mieux vaut s’en préserver et s’en éloigner.