LA SAISON 2022-2023 DE LA BAYERISCHE STAATSOPER DE MUNICH

Le Nationaltheater de Munich

La saison 2 de Serge Dorny à Munich permet de mieux saisir les principes qui vont gouverner les prochaines années à la Bayerische Staatsoper et de préciser un profil qui s’annonce assez singulier dans les grandes maisons de l’aire germanophone.
La saison 1 s’est déroulée avec quelques accrocs dus à la fois à la Pandémie (capacité de salle réduite, et surtout ces derniers mois nombreux changements de distribution dus à la multiplication de cas positifs parmi les artistes) et à la guerre en Ukraine, qui a amené le report d’une des productions, Koma, dont l’orchestre et le chef étaient MusicAeterna et Teodor Currentzis, notoirement financés par l’oligarchie russe, ce qui pouvait choquer en ce moment très délicat et qui crée d’ailleurs le même type de problèmes à d’autres institutions.

La Bayerische Staatsoper

La Bayerische Staasoper est une maison de grande tradition, à rapprocher de sa voisine la Wiener Staatsoper à quatre heures de train, avec une forte dose de répertoire et un grand nombre de représentations annuelles.  Elles se ressemblent aussi par la situation qu’elles ont connue à l’issue de la deuxième guerre mondiale, l’une rouverte en 1955, l’autre en 1967 après la reconstruction de la salle détruite par les bombardements.
Elles se ressemblent moins ces dernières années par leur couleur, plus traditionnelle à Vienne, plus ouverte à Munich où les intendants (on dit ici Staatsintendant : Intendant d’État) qui se sont succédé, que ce soit Sir Peter Jonas, Nikolaus Bachler et maintenant Serge Dorny essaient de naviguer savamment entre modernité et tradition, entre raretés, productions novatrices et répertoire avec pour chacun des spectacles qui ont souvent marqué le paysage lyrique international.
Un autre caractère de Munich est l’importance accordée aux chefs d’orchestres, au-delà de leur GMD (Generalmusikdirektor) : Munich fut longtemps le port d’attache d’un Carlos Kleiber par exemple. Mais si l’on considère leurs GMD, ils ont nom depuis les années 1970 Wolfgang Sawallisch, Zubin Mehta, Kent Nagano, Kirill Petrenko et maintenant Vladimir Jurowski, des noms qui comptent dans le paysage des 50 ou 60 dernières années. Nous avons souvent rappelé la liste des noms de chefs prestigieux qui ont dirigé cette maison parmi lesquels Hans von Bülow, Hermann Levi, mais aussi Richard Strauss lui-même, jusqu’aux plus récents cités plus haut.

Munich est donc une maison enracinée dans l’histoire, qui remonte à loin d’ailleurs puisque son orchestre est né en 1523 (c’est en 2023 le cinquième centenaire), a créé Idomeneo de Mozart en 1781, et des œuvres essentielles de Richard Wagner, rien moins que Tristan und Isolde, Die Meistersinger von Nürnberg, Das Rheingold et Die Walküre.

Quand on pense Munich, on pense donc Wagner, mais aussi Richard Strauss né à Munich, même si dans son cas la plupart des opéras ont été créés à Dresde, quelques-uns à Vienne, et seuls Friedenstag et Capriccio à Munich. Mais il reste que c’est une maison de référence pour Richard Strauss également (qu’on pense seulement au fameux Rosenkavalier d’Otto Schenk illuminé par Carlos Kleiber, et aux opéras ravivés par Wolfgang Sawallisch comme Die Ägyptische Helena, Die Liebe der Danae, ou Die schweigsame Frau ).

On aimerait d’ailleurs que cette maison dont les murs parlent avec les portraits ou les bustes des gloires de son passé le mette mieux en valeur car jusqu’ici les sites successifs (celui de Bachler et le tout récent de Dorny) ont valorisé le présent, mais très peu le passé au contraire du voisin viennois, dont le site est un maître en matière de plongée dans l’histoire et les archives.

Mais ces deux grandes maisons, parmi les plus importantes (sinon les plus importantes) en Europe et qui focalisent beaucoup de regards des mélomanes internationaux ont un profil singulier car elles sont et restent des maisons dont le répertoire est la base du fonctionnement. À Vienne, cette question est encore plus fondamentale et a servi de prétexte pour attaquer directeurs et directeurs musicaux (dont Claudio Abbado).
À Munich, le répertoire compte évidemment beaucoup, mais il n’est pas aussi large qu’on penserait, avec des pans absents dans des répertoires théoriquement essentiels pour l’opéra : peu de Rossini sérieux, pas beaucoup de jeune Verdi, pas trop de baroque. Pourtant, à la différence de Vienne, Munich peut disposer au moins partiellement de deux belles salles alternatives pour des formats plus réduits, le Cuvilliés-Theater tout proche dans la Résidence, et le Prinzregententheater (le petit Bayreuth) siège de l’Académie Théâtrale August Everding, qu’il utilise pour la production baroque du Festival annuel.

Serge Dorny

Serge Dorny, par sa formation, par sa carrière, ne vient pas du système allemand. Tous ceux qui comme lui ont entouré Gerard Mortier et sont ses « héritiers » ont évolué dans des théâtres de stagione. Dorny, par sa carrière, du festival des Flandres au London Philharmonic Orchestra puis à l’Opéra de Lyon est d’abord un « producteur » qui veut donner une vraie couleur artistique à une institution. On a pu le constater à Lyon. Il trouve ici le système de répertoire et assume la nécessité de le faire fonctionner. Mais il est clair qu’il n’en fait pas un point de focalisation.
Munich, c’est tout de même à peu près un nombre de nouvelles productions qui ferait une saison ordinaire de théâtre stagione, complété par la bagatelle de 32 productions de répertoire, soit un total de 42 spectacles lyriques différents.
Il est forcément impossible de ne se focaliser que sur les nouvelles productions : il faut choisir les reprises de répertoire qui correspondent à la nécessité (les grands standards), à la couleur qu’on veut imprimer (les bonnes mises en scène passées) et aux compositeurs qu’on veut valoriser sans forcément faire de nouvelles productions. Autant de critères qui permettent de scruter les caractères globaux d’une saison, et pas seulement les nouvelles productions, qui ne peuvent dans une telle institution avoir seulement un effet de façade et doivent vite se fondre dans les productions de répertoire à reprendre à intervalles réguliers.

La Staatsoper de Munich, en 2022-2023, c’est 42 opéras différents (10 nouvelles productions et 32 productions de répertoire), 3 nouveaux ballets et 8 reprises (soit 11 productions au total), et si on fait le total, 247 soirées d’opéra ; 78 soirées de ballet, et au total 442 levers de rideaux (avec les concerts, récitals etc…). Une machine de production industrielle, qui doit garantir une haute qualité constante, avec un personnel nombreux, compétent, fortement dédié à la maison.
Cette maison a sa couleur, son public globalement plutôt accueillant à la modernité (plus qu’à Vienne en tous cas), et on a pu le constater dans cette saison, elle a gardé une fréquentation haute, même si comme partout, il y a çà et là des places vides, comme l’a souligné récemment Jonas Kaufmann dans une  déclaration à un journal australien qui a fait un peu de bruit.
Certains en ont déduit que le temps du Regietheater (appellation globale et erronée de toutes les mises ne scène un peu contemporaines par ceux qui les détestent)  était terminé et qu’enfin le public avide d’opéra allait pouvoir rêver et s’évader enfin devant des spectacles (traditionnels s’entend) qui allaient comme par magie remplir les salles.
Je crains que les metteurs en scène invités à Munich ne fassent pas partie de ce rêve-là, Serge Dorny, à raison, a toujours voulu inscrire l’opéra dans le monde contemporain.  Il rejoint d’ailleurs le souci de Bogdan Roščić à Vienne, encore plus concerné par la question. Tout comme le cinéma ou le théâtre, l’opéra ne peut refléter que le monde dans lequel il évolue.
Il reste que c’est pour les managers actuels un chemin un peu étroit, et l’énorme diversité des réponses données aux mêmes questions à Paris, Milan, Londres, New York, Berlin, Vienne et Munich (et ailleurs) montre que c’est encore Pirandello qui a raison, à chacun sa vérité.

Une question à résoudre au plus vite : le matériel de communication et surtout le site

Dans une maison de si grande tradition, c’est pour moi l’idée de continuité qui doit primer. Comme beaucoup de managers nouvellement installés, Dorny voit dans les changements d’outils de communication le signe visible que quelque chose de neuf commence. Soit. Mais l’idéal est que ces outils répondent aussi à des besoins nouveaux, ou améliorent l’existant, au niveau pratique d’abord, esthétique éventuellement.
À Munich, tout le matériel a changé et pas forcément en bien. Si les nouveaux programmes sont plutôt bien faits et assez élégants, ils sont imprimés avec des caractères un peu réduits, et pâles, à la lecture quelquefois difficile pour les yeux fatigués du public vieillissant. Est-ce bien utile ? Cela répond-il à une nécessité pratique ? Poser la question, c’est y répondre.

Pour un souci de cohérence d’image, le même type de caractère et de casse réduite est aussi l’apanage du site, qui quant à lui est à repenser de fond en comble dans sa fonction, dans les informations qu’il donne et leur hiérarchisation, avec des problèmes lourds et agaçants :

  • Impossibilité de trouver une cohérence quelconque à cette architecture,
  • Difficulté à y trouver l’information qu’on y cherche.

Un site de ce type doit être efficace et rapide, éviter les longs textes, et se mettre à la place du spectateur moyen qui cherche d’abord des dates et des titres, avant de chercher des discours sur tel ou tel Festival ou telle ou telle production.
Le site actuel est peu lisible, peu pratique, avec des erreurs, des liens problématiques et j’en passe. Même s’il s’est un peu amélioré depuis quelques mois, c’est la conception globale qui est à revoir, avec sa lecture difficile, son moteur de recherche bancal etc… etc..
Un seul exemple : la présentation de la nouvelle saison ignore les reprises de répertoire qui constituent les 3/4 de l’offre lyrique. L’ancien site au moins proposait à la fois (et clairement) les premières et la liste des reprises de répertoire… Une fois encore le site de l’opéra de Vienne est ici un bon exemple d’outil pratique, simple et lisible, même si esthétiquement banal.

Enfin, il manque ce qui fait le prix des sites de Vienne, de Paris, de la Scala, de Salzbourg, de Bayreuth, de Rome, du MET, à savoir un moteur de recherche des archives des représentations qui permettent de remonter l’histoire du théâtre et son passé.
Pour des institutions qui sont des références, aussi ancrées dans l’histoire que Munich, les racines sont aussi importantes que les rameaux fleuris du présent et aucun intendant depuis l’arrivée d’internet n’y a pensé, ce qui est singulier.
En bref, il me semble qu’une remise à plat totale est urgente, mettant en face les besoins du spectateur et les réponses proposées, avec une juste hiérarchie des informations et une lisibilité améliorée. N’oublions jamais que trop d’infos désordonnées n’aboutissent qu’au découragement et au déclic après le clic.

 

La saison 2022-2023

À l’instar de quelques autres théâtres, la saison est placée sous un « Motto », qui vise essentiellement les nouvelles productions, cette année « Chants de guerre et d’amour ».
On sait que les saisons sont préparées plusieurs années à l’avance et répondent à des exigences variées, remplacement d’anciennes productions ayant fait leur temps, introduction de nouvelles pièces au répertoire etc… et ne répondent pas à une thématique conçue à l’avance.
Mettre une saison sous un chapeau thématique c’est de la communication qui indique une couleur générale, mais l’outil reste à mon avis un peu artificiel, et n’intéresse que quelques spectateurs. Par exemple, le thème de la saison précédente, « Chaque homme est un roi » pourrait être aussi bien la thématique de tout un mandat tant elle concerne tout le répertoire.
Celle de cette année, choisie avant l’explosion de la guerre en Ukraine, rappelle opportunément que la guerre est un élément fondamental de la vie du monde qui jamais ne l’a quitté, mais peut aussi être entendue métaphoriquement, et donc le champ est fort large, de la guerre traditionnelle à la guerre psychologique ou aux conflits familiaux. Quant à l’amour, il traverse pratiquement tout le répertoire lyrique et théâtral… Un motto, cela convient peut-être plus à un Festival qu’à une saison d’opéra.

 

Quelques mots sur le Ballet

La question ukrainienne a eu également une conséquence indirecte plutôt positive :  après le départ d’Igor Zelensky, directeur du ballet, c’est Laurent Hilaire, démissionnaire de son poste au Stanislawski de Moscou pour les raisons qu’on imagine, qui arrive à la direction du ballet de Munich et c’est une excellente nouvelle. Nous n’aborderons la question du ballet que pour souligner à la fois l’équilibre des deux nouvelles productions (une réflexion d’Alexei Ratmansky sur le ballet classique à partir d’ouvertures de Tchaïkovski, et un nouveau spectacle très contemporain de deux des grands noms de la scène de la danse, Sol León et Paul Lightfoot intitulé Schmetterling) avec au répertoire des reprises de ballets importants dans l’histoire récente, signés Christopher Wheeldon (Cendrillon), John Cranko (Roméo et Juliette), John Neumeyer (Le songe d’une nuit d’été), Georges Balanchine (Jewels), mais aussi les reprises de Coppelia (Roland Petit) et La Bayadère (Patrice Bart) qui revient après 5 ans d’absence.

Les nouvelles productions lyriques

Avec le Festival Ja, Mai que nous traiterons spécifiquement, il y a dix nouvelles productions pour l’ensemble de la saison prochaine, qui vont du baroque au contemporain, mais qui font la part plus belle que la saison actuelle au répertoire standard, avec un Mozart (Cosî), un Wagner (Lohengrin), un Purcell (Dido) un Verdi (Aida), un Händel (Semele) et un Monteverdi pour Ja, Mai (Il ritorno di Ulisse), soit six productions « classiques » alors que la saison actuelle, carte de visite  en quelque sorte, affichait presque exclusivement un répertoire XXe, Berlioz et Haydn exceptés.
Il s’agit de remplacer des productions qui ont fait leur temps, comme Aida ou Cosi fan tutte, proposer des titres nouveaux aussi comme Semele, continuant une série Händel commencée par Sir Peter Jonas au début des années 2000 et aussi inscrire des projets plus novateurs comme la mise ensemble en un spectacle unique de Dido and Aeneas et Erwartung ou l’inauguration du Festival 2023 avec Hamlet de Brett Dean, importé de Glyndebourne.
Les choix de chefs et de metteurs en scène introduisent aussi des figures nouvelles à Munich, ce qui est intéressant et la plupart des distributions sont bien calibrées.

Enfin cette saison voit une présence plus affirmée et fréquente du GMD Vladimir Jurowski, qui dirigera trois nouvelles productions et d’autres productions de répertoire. Dans cette maison, le GMD doit être un levier, il suffit de penser à son prédécesseur immédiat, et sa présence doit s’affirmer plus fortement qu’actuellement.

Considérons les choses dans le détail.

Octobre-novembre 2022/Juillet 2023
W.A.Mozart
Cosi fan tutte
(8. repr. du 26 oct. au 10 nov. Et les 15 et 17 juillet)
(Dir : Vladimir Jurowski / MeS : Benedict Andrews)
Avec Christian Gerhaher, Sandrine Piau, Louise Alder, Avery Amereau, Konstantin Krimmel, Sebastien Kohlhepp.
Bayerisches Staatsorchester
Il était temps de remplacer la production de Dieter Dorn de 1993, valeureuse, mais désormais trentenaire, âge canonique pour une production. Dorny a invité Benedict Andrews, auteur d’un très remarqué Ange de Feu de Prokofiev à la Komische Oper Berlin, repris à Lyon. Il fait partie de la jeune génération de metteurs en scène australiens très doués. C’est Vladimir Jurowski qui assure la direction musicale, en tant que GMD pour ouvrir la saison. Il est plutôt rare dans Mozart et ce sera donc très stimulant à écouter. La distribution réunit des chanteurs tout neufs, quelquefois d’excellents éléments de la troupe (Avery Amereau, Konstantin Krimmel) d’autres des jeunes voix remarquables comme le ténor Sebastien  Kohlhepp (entendu et applaudi dans Giuditta cette saison) ou Louise Alder, magnifique Sophie à Vienne et qui devient l’un des noms inévitables aujourd’hui et d’autres plus vieux routiers, mais très grands interprètes, comme Christian Gerhaher en Don Alfonso (Johannes Martin Kränzle en juillet, ce qui est aussi référentiel) et Sandrine Piau en Despina. Un cocktail à goûter avec gourmandise.

Décembre 2022/Juillet 2023
Richard Wagner
Lohengrin
( 8 repr. du 3 au 21 déc. et les 16 et 19 juil.) (Dir : François Xavier Roth/MeS : Kornél Mundruczò)
Avec : Klaus Florian Vogt, Marlis Petersen, Mika Kares, Johan Reuter, Anja Kampe, Andrè Schuen
Bayerisches Staatsorchester
La production de Richard Jones, de 2009 (la fameuse production où se construit une maison au long des trois actes) n’était sans doute pas suffisamment convaincante pour durer. Elle avait été huée à sa création – c’est habituel, mais ça ne facilite pas le vieillissement. Serge Dorny a appelé le cinéaste hongrois Kornél Mundruczö, qui après un très intéressant Tannhäuser à Hambourg en avril 2022, se frotte cette fois à Lohengrin.
Distribution presque sans failles, Klaus Florian Vogt, le Lohengrin de la période, Anja Kampe, à la voix spectaculaire pour Ortrud, et une prise de rôle pour Elsa, Marlis Petersen qui devrait être passionnante, comme tous les rôles qu’elle touche.  Complètent le cast Mika Kares, la basse finlandaise spécialiste des rois nobles, en Heinrich, et le Héraut, Andrè Schuen, découvert dans Mozart (Figaro, Cosi) qui se frotte cette fois à Wagner. Seule ombre, le Telramund de Johan Reuter, chanteur de qualité (voir son Wozzeck parisien), mais relativement neutre pour un rôle qui exige du relief, un relief qu’il n’a pas.
Prodigieusement intéressante en revanche, la venue pour la première fois à l’opéra de Munich de François Xavier Roth, GMD de la ville de Cologne, qui devrait sans doute donner à l’œuvre de Wagner une couleur nouvelle.
À ne pas manquer donc.

Janvier 2023
Henry Purcell/Arnold Schönberg
Dido and Aeneas/Erwartung
(7 repr. du 29 janv au 10 fév. et les 20 et 22 juillet)(Dir: Andrew Manze / MeS: Krzysztof Warlikowski)
Avec Aušriné Stundyté, Günter Papendell, Victoria Randem, etc…
Bayerisches Staatsorchester
Voilà un spectacle singulier, qu’il faut considérer dans son ensemble, autour de l’attente et de l’inconnu, avec au centre l’interprète hors pair qu’est Aušriné Stundyté, aussi bien Dido que la femme dans Erwartung. L’univers de Warlikowski convient très bien à ce type de projet. Très bien entourée dans Dido and Aeneas, avec notamment l’excellent Günter Papendell en Aeneas, et Victoria Randem en Belinda, que les genevois et les berlinois ont applaudie (elle y était magnifique) dans Sleepless d’Eötvös.
En fosse, pour la première fois à Munich, l’un des chefs les plus intéressants du jour, et pour cela discuté, pour le baroque, mais pas seulement, Andrew Manze (qui officie actuellement comme chef de la NDR Radiophilharmonie à Hanovre, avec un contrat prolongé pour la deuxième fois jusqu’en 2023) La curiosité est déjà stimulée.

Mars 2023
Serguei Prokofiev
Guerre et Paix (Wojna i mir)
(7 repr. du 5 au 18 mars et les 2 et 7 juillet) (Dir : Vladimir Jurowski/ MeS Dmitry Tcherniakov)
Avec Andrei Zhilikowski, Olga Kutchynska, Violeta Urmana, Eric Cutler, Dmitry Ulyanov etc..
Bayerisches Staatsorchester
Coproduction Grand Teatro del Liceu, Barcelone
Sans aucun doute l’un des musts de l’année, le gigantisme de Guerre et Paix de Prokofiev confié au maître des transformations des histoires (et quelle histoire !) à l’intérieur d’un espace contraint : Dmitry Tcherniakov. Une distribution pléthorique avec des noms très intéressants comme Andrei Zhilikowsky ou Olga Kutchynska, déjà bien habituée à Munich (elle est la Suzanne très applaudie des Nozze de Christof Loy) Eric Cutler, un ténor de plus en plus demandé, Dmitry Ulyanov, l’une des meilleures basses du moment (il fut un fabuleux Roi Dodon dans Le Coq d’Or à Lyon et Aix) et une soixantaine d’autres rôles.
En fosse, c’était presque obligatoire, le GMD Vladimir Jurowski, dans ce répertoire qui est sien.
À ne pas manquer non plus.

Mai 2023
Giuseppe Verdi
Aida

(11 repr. du 15 mai au 7 juin et les  23, 27 et 30 juillet) (Dir : Daniele Rustioni/ MeS Damiano Michieletto)
Avec Elena Stikhina, Brian Jagde, Anita Rashvelishvili, Luca Salsi.
Bayerisches Staatsorchester
La production Christof Nel de 2009 n’a pas marqué les esprits et part à la retraite. C’est Damiano Michieletto qui prend le relais, il n’est pas certain qu’elle suive un autre destin. Les productions Michieletto à part quelques exceptions ne marquent pas les mémoires.
La distribution non plus ne devrait pas emporter l’enthousiasme des foules. Brian Jagde est un ténor de répertoire, correct, mais plus vériste que verdien. Elena Stikhina est un très bon soprano, – on l’a constaté récemment dans La Dame de Pique à Baden-Baden mais n’est pas un nom à déchaîner les passions pour Aida. Rashvelishvili est très irrégulière en ce moment et Munich mérite peut-être une autre Amneris.
Reste Luca Salsi, qui devrait briller en Amonasro, mais le rôle est court, et Daniele Rustioni, en qui l’on peut faire confiance pour faire sonner Verdi comme il faut.
Mais soyons clair, cette Aida n’offre pas grand-chose pour remuer le cœur mélomane. Je souhaite me tromper, mais il fallait un cast plus stimulant pour Aida, et pour rendre plus attirant ce premier « nouveau » Verdi de l’ère Dorny. Une fois encore, le répertoire italien n’est pas toujours avantagé…

Juin – Juillet 2023 (Festival)
Brett Dean

Hamlet
(5 repr. du 26 juin au 12 juillet) (Dir : Vladimir Jurowski/ MeS :  Neil Armfield)
Avec Allan Clayton, Caroline Wettergreen, Rod Gilfry, Sophie Koch, Jacques Imbrailo, john Tomlinson etc…
Là, c’est sans doute le contraire. A priori un titre qui ne dit pas grand-chose au grand public, et qui ne fait pas sonner les trompettes de la renommée pour justifier une inauguration de Festival. Et pourtant, c’est une production, depuis sa création en 2017, reconnue de tous comme une très grande œuvre, une très grande direction (de Vladimir Jurowski, qui l’a créé), une très grande production et une très grande distribution réunissant d’excellents chanteurs emmenés par Allan Clayton, vu à la Komische Oper dans Jim Mahoney de Mahagonny où il était bouleversant. Pas de doute, il faut ne pas manquer cet Hamlet-là, c’est un spectacle exceptionnel.
Production du Festival de Glyndebourne

Juillet 2023 (Festival)
Georg Friedrich Händel

Semele
(5 repr. du 15 au 25 Juil.) (Dir: Stefano Montanari/MeS: Claus Guth)
Avec Brenda Rae, Michael Spyres, Jonas Hacker, Jakub Jozef Orlinski, Philippe Sly etc…
Au Prinzregententheater
Coproduction MET Opera New York
Après Ariodante (2000) Rinaldo (2001), Giulio Cesare in Egitto (2002), Alcina (2005) sous le règne de Sir Peter Jonas, et plus récemment Agrippina (2019), productions très liées à Ivor Bolton en fosse pour l’essentiel, Serge Dorny continue la tradition, toujours au Prinzregententheater, mais cette fois avec Stefano Montanari en fosse qui a obtenu un bel accueil de l’orchestre et du public avec les reprises d’Agrippina et de Entführung aus dem Serail cette saison.
Claus Guth, après sa remarquable production de Rodelinda
(à Lyon et ailleurs), revient pour Semele, magnifiquement distribuée, même si j’eusse aimé une autre Semele que Brenda Rae, parfaite vocalement, mais pas toujours émouvante. En fosse, Stefano Montanari, qui est la garantie d’une approche « juste » et vive pour Händel.

Les Festivals

UnicreditSeptemberfest :
Comme au début de la saison 2021-2022, la saison 2022-2023 s’ouvre par la SeptemberFest, qui devrait être à l’opéra ce que l’Oktoberfest est à la bière. Manifestations diverses, visites, représentations à tarifs préférentiels, et concert d’ouverture en plein air à Rosenheim à 60km de Munich, voilà l’essentiel des manifestations, qui visent à élargir le public, attirer de nouveaux profils, donner une couleur populaire à la saison. C’est une bonne initiative, en une période où comme on sait, les salles ne sont pas vraiment pleines, même si Munich reste un théâtre bien rempli.

Ja, Mai
Le Festival Ja, Mai a deux objectifs :

  • Culturel : tisser des liens entre répertoire contemporain et musique ancienne et surtout ancrer le répertoire ancien dans le présent, en l’associant à d’autres formes d’art (théâtre parlé, danse etc…)
  • Collaboratif : faire de l’opéra ailleurs, collaborer avec d’autres institutions culturelles de la ville de Munich, ce sera en 2023 notamment avec la Haus der Kunst (Maison de l’Art)

C’est la thématique de l’attente et du passage du temps, déjà traitée dans la saison par exemple dans Dido and Aeneas et Erwartung, qui dominera à travers notamment deux œuvres de Toshio Hosokawa, compositeur japonais vivant en Allemagne inspirées du Théâtre Nô

  • Hanjo (2004) d’après Mishima, une œuvre sur l’attente, sur les rapports de force et les rapports amoureux aux frontières de la réalité. La mise en scène en est confiée au chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui , en liaison avec l’artiste thaïlandaise Rirkrit Tiravanija. Lothar Koenigs en assure la direction musicale.
    5 repr. du 5 au 14 mai 2023 Dir : Lothar Koenigs/MeS : Sidi Larbi Cherkaoui
    Avec Sarah Aristidou, Charlotte Hellekant, Konstantin Krimmel
    (Haus der Kunst)
  • Matsukatze (2011) d’après une pièce du Maître Zeami (XVe siècle). Une œuvre onirique sur l’amour, la mort, la permanence des sentiments profonds et le retour à la réalité. La pièce intimiste sera mise en scène par Lotte van den Berg, en collaboration avec la plasticienne Alicia Kwade, tandis que l’orchestre (Le Münchner Kammerorchester) sera confié à Johannes Debus.
    5 repr. du 6 au 14 mai 2023 Dir : Johannes Debus/MeS : Lotte van den Berg
    Avec Emily Pogorelc, Martin Snell, Anïk Morel, Tom Erik Lie

En contrepoint à ces deux œuvres,

  • Il ritorno (Claudio Monteverdi)/The year of magical thinking, production du Studio de la Bayerische Staatsoper, dans une lecture particulière, avec le texte de l’œuvre de Joan Didion, L’année de la pensée magique, sur la perte et le deuil et la manière d’y faire face.
    C’est Christopher Rüping, l’un des metteurs en scènes les plus doués de la jeune génération allemande, qui assurera la mise en scène, et Christopher Moulds dirigera le Monteverdi Continuo Ensemble, tandis que la distribution sera composée d’artiste du Studio. Comme avec L’infedeltà Delusa, le Studio prend une part active à la programmation et les jeunes chanteurs sont confrontés à des problématiques d’une production complexe, ce qui est proprement excellent et très formateur.
    6 repr. du 7 au 18 mai 2023, Dir : Christopher Moulds/MeS Christopher Rüping
    Avec les membres du Studio
    Au Cuvilliés-Theater

Münchner Opernfestspiele

La tradition est respectée, le Festival 2023 présentera deux nouvelles productions (voir ci-dessus) Hamlet de Brett Dean, dans la production saluée partout de Glyndebourne 2017 dirigée comme à Glyndebourne par Vladimir Jurowski, et Semele de Händel dans une production de Claus Guth dirigée par Stefano Montanari. Pour la deuxième année, le Festival ouvrira par une grande œuvre contemporaine. Un signe, à n’en point douter et une signature, celle de Vladimir Jurowski.
Les nouvelles productions de l’année sont reprises (en général deux représentations) avec quelques représentations de répertoire, cette fois essentiellement dédiées à Wagner et Verdi. Vous découvrez ci-dessous la liste des titres repris au répertoire en 2023 avec distribution et dates pour l’essentiel.

Le répertoire

Liste des œuvres proposées au répertoire (ordre alphabétique).

Britten, Peter Grimes
Cavalli, La Calisto
Donizetti, Lucrezia Borgia
Dvořák, Rusalka
Haydn, L’infedeltà delusa
Humperdinck, Hänsel und Gretel
Janáček, La petite renarde rusée
Lehár, Giuditta
Mozart, Die Entführung aus dem Serail
Mozart, Die Zauberflöte
Mussorgski, Boris Godunov
Penderecki, Les diables de Loudun
Poulenc, Dialogues des Carmélites
Puccini, La Bohème
Puccini, La Fanciulla del West
Puccini, Manon Lescaut
Reimann, Lear
Rossini, La Cenerentola
Smetana, La fiancée vendue
J.Strauss, Die Fledermaus
R.Strauss, Ariadne auf Naxos
R.Strauss, Elektra
R.Strauss, Salomé
Tchaïkovski, Eugène Onéguine
Verdi, Un ballo in maschera
Verdi, Don Carlo
Verdi, I Masnadieri
Verdi, Nabucco
Verdi, Otello
Verdi, La Traviata
Wagner, Tristan und Isolde
Weber, Der Freischütz

Il est clair qu’avec les dix titres de nouvelles productions, le spectateur ne peut se lamenter d’une offre large qui permet de parcourir largement le grand répertoire standard. On y trouve des productions historiques de la maison comme Die Zauberflöte dans la mise en scène d’Everding ou La Cenerentola de Ponnelle, et l’Elektra de Wernicke qui restent des références monumentales. On trouve aussi des reprises des nouvelles productions de la présente saison (sauf Les Troyens et Le Nez), ce qui est traditionnel, voire de la saison précédente comme Lear, deux très belles productions d’années antérieures ou très antérieures, Dialogues des Carmélites, signée de Dmitry Tcherniakov, trois productions somptueuses de K.Warlikowski, Tristan und Isolde, Salomé, et Eugène Onéguine (avec la nouvelle production de Dido/Erwartung, Warlikowski sera présent sur quatre productions, soit 10% de la production d’opéra, ce qui n’est pas mal…) et enfin la production de Boris Godunov, version 1869, signée Calixto Bieito que je recommande chaleureusement. Il y a de quoi au vu des titres, faire quelques voyages munichois. Nous allons regarder de plus près les distributions dans le paragraphe suivant.

 

Répertoire, ordre chronologique

Septembre 2022:
Haydn, L’infedeltà delusa
(2 repr. les 17 et 18 sept) Dir : Christopher Moulds/MeS : Marie-Eve Signeyrole)
Si vous passez par Munich et que vous n’avez pas vu le Cuvilliés-Theater, c’est l’occasion de le voir puisqu’il abrite cette production reprise pour la Septemberfest où les jeunes du Studio montrent un véritable engagement scénique dans la délicate mise en scène de Marie-Eve Signeyrole. Et en fosse, un chef talentueux spécialiste de ce répertoire, Christopher Moulds

Britten, Peter Grimes
(4 repr. du 21 au 30 sept. ) Dir : James Conlon/MeS : Stefan Herheim
Avec Jonas Kaufmann, Rachel Willis-Sørensen, Christopher Purves etc…
Au seul nom de Kaufmann, dans un rôle qu’il a inauguré à Vienne en 2021, le public devrait venir ou revenir. Il sera intéressant de voir comment il s’empare du personnage conçu par Stefan Herheim dans cette mise en scène que j’ai vraiment appréciée. À ses côtés les excellents Rachel Willis-Sørensen et Christopher Purves et en fosse, un nouveau venu à Munich, mais chef d’opéra consommé et excellent : James Conlon.

Septembre-Octobre 2022/Juillet 2023
Verdi, Don Carlo
(5 repr. du 25 sept au 2 oct et les 28 et 31 juillet) Dir : Andrea Battistoni (Sept) /Daniele Rustioni (Juil)  /MeS Jürgen Rose
Avec Ildar Abdrazakov, Stephen Costello (S/O) Charles Castronovo(J), Clémentine Margaine, Igor Golovatenko(S/O) Ludovic Tézier (J), Krassimira Stoyanova (S/O), Maria Agresta (J).
Le fan d’opéra est bien ennuyé, aucune des deux distributions n’est pleinement satisfaisante, et chacune contient des chanteurs attirants voir exceptionnels. Hors compétition Ildar Abdrazakov en Filippo II, Clementine Margaine qui mérite d’être entendue dans Eboli, Igor Golovatenko et Ludovic Tézier, deux très grands Posa,  deux magnifiques barytons. Ça se corse du côté des Elisabetta, avec une nette préférence pour Krassimira Stoyanova, et encore plus du côté des Don Carlo, où ni Costello ni Castronovo, bons ténors -mais c’est Don Carlo et ni l’un ni l’autre ne méritent un déplacement-. Quant aux deux chefs, Rustioni bien sûr en juillet, et pas vraiment Battistoni, surtout dans cette œuvre. Alors, muni de ces infos : impossible de choisir. Disons qu’à l’extrême on choisirait juillet à cause du chef, mais quelle drôle d’idée que ce couple sans grande saveur Agresta/Castronovo pour un Festival…
Quant à la bonne vieille production Jürgen Rose, elle est bien meilleure que certaines plus récentes…

Octobre 2022
Gioacchino Rossini
La Cenerentola
(4 repr. du 4 au 11 oct.) (Dir : Stefano Montanari/MeS : Jean-Pierre Ponnelle)
Avec Florian Sempey, Renato Girolami, Alasdair Kent, Anna Goryachova, Roberto Tagliavini.
Distribution intéressante pour Sempey et Tagliavini et pour le chef, le remarquable Stefano Montanari qui fait sonner un Rossini haletant, quelquefois heurté, mais toujours intéressant voire passionnant. Pour le reste, c’est de bon ordinaire sans plus. Mais si vous n‘avez jamais vu Ponnelle…

Gaetano DonizettI
Lucrezia Borgia
(4 repr. du 12 au 22 oct.) (Dir : Antonino Fogliani/MeS Christof Loy)
Avec Erwin Schrott, Angela Meade, Pavol Breslik, Teresa Iervolino etc…
Erwin Schrott en Alfonso d’Este ? il va jouer les méchants comme il aime. Pour ma part j’aime des Alfonso un peu plus raffinés, et il y en a. Mais l’intérêt de cette reprise tient à l’excellent chef qu’est Antonino Fogliani plus qu’à la mise en scène de Christof Loy, mais surtout à l’arrivée d’Angela Meade, enfin, sur une grande scène européenne (on l’a vue à Naples et Turin, mais pas ailleurs à ma connaissance), une des grandes voix belcantistes et verdiennes d’aujourd’hui. Il faudrait aussi y penser pour certains Verdi…
Avec Pavol Breslik dont on connaît le succès à Munich et l’excellente Teresa Iervolino en Maffio Orsini cela devrait valoir le coup. Si vous aimez le bel canto, ça vaut le TGV jusqu’à Munich d’autant que vous pouvez combiner avec le titre suivant….

Giacomo Puccini
La Fanciulla del West
(4 repr. du 16 au 28 oct.) (Dir : Daniele Rustioni/MeS : Andreas Dresen)
Avec Jonas Kaufmann, Malin Byström, Claudio Sgura etc…
Rustioni, dans ce Puccini plutôt analytique, proche par certains aspects de l’orchestration de la seconde école de Vienne, sera sans doute à découvrir. Mais comme il y a Kaufmann dans un des rôles où il a brillé mais où il est rare… Inutile d’aller plus loin.
Sgura en Jack Rance est le profil idoine, Malin Byström en Minnie, pourquoi pas, mais si elle a la voix, a-t-elle la chaleur et la rondeur pucciniennes?… Il est vrai qu’une vraie Minnie ne court pas les rues. Et que de toute manière le public n’aura d’yeux que pour le gentil bandit.

Novembre 2022/Avril 2023
W.A.Mozart
Die Entführung aus dem Serail
(3 repr. du 19 au 24 nov. et 3 repr. du 9 au 14 avr.) (Dir: Giedrė Šlekytė /MeS : Martin Duncan)
Avec Nadezhda Pavlova, Katrina Galka (Nov), Caroline Wettergreen (Avr), Pavol Breslik (Nov), Alasdair Kent (Avr) Brenton Ryan (Nov)Jonas Hacker (Avr) etc…
Pour Pavol Breslik et pour Nadezhda Pavlova, avant tout. Donc plutôt novembre.

Novembre/Décembre 2022
Die Zauberflöte

(4 repr. du 28 nov. au 4 déc.)(Dir : Gianluca Capuano/MeS : August Everding)
Avec Tareq Nazmi, Jonas Hacker, Emily Pogorelc, Olga Pudova, Konstantin Krimmel
Une production mythique, avec la possibilité de découvrir ce Mozart-là sous la baguette acérée de Gianluca Capuano avec un cast puisé dans la maison ou dans ses anciens (Tareq Nazmi) et un Tamino à suivre (Jonas Hacker, le ténor-découverte). J’irai sans doute.

Novembre 2022
Giuseppe Verdi
Un ballo in maschera
(4 repr. du 6 au 15 nov.) (Dir: Ivan Repušić /MeS : Johannes Erath)
Avec Anja Harteros, Charles Castronovo, Marie-Nicole Lemieux, George Petean etc…
Un chef digne d’intérêt confronté à l’un des Verdi les plus difficiles à réussir. Une Ulrica de luxe et une voix parfaite pour le rôle, Marie-Nicole Lemieux, Harteros dans des œuvres où elle est particulièrement émouvante, Petean juste et élégant comme d’habitude. Et Castronovo, encore lui, pourquoi pas ?

Richard Strauss
Elektra
(4 repr. du 17 au 27 nov.) (Dir: Vladimir Jurowski/MeS : Herbert Wernicke)
Avec Vida Miknevičiūtė, Elena Pankratova, Violeta Urmana, John Daszak, Károly Szemerédy
Daszak en Aegisth et Károly Szemerédy  en Orest, avec son beau timbre et sa voix veloutée, face à trois Dames qui dominent les scènes aujourd’hui dans leurs rôles respectifs et une production parmi les plus réussies du répertoire munichois, avec le GMD Jurowski en fosse. Que demande le peuple de l’opéra ? On se précipitera, évidemment.

Décembre 2022
Giacomo Puccini
La Bohème
(3 repr. du 19 au 28 déc.) (Dir: Juraj Valčuha/MeS : Otto Schenk)
Avec Elena Guseva, Charles Castronovo, Lucas Meachem, Mirjam Mesak etc…
Le plus intéressant, c’est Juraj Valčuha qui arrive dans la fosse de Munich, lui qui est un excellent puccinien. Pour le reste, du gentil normal, dans une production d’Otto Schenk où j’entendis le même soir Mirella Freni, Luciano Pavarotti et Carlos Kleiber. Ils sont vivants dans ma mémoire.  Et cela suffit.

Engelbert Humperdinck
Hänsel und Gretel
(4 repr. du 9 au 18 déc.) (Dir: Titus Engel/MeS : Richard Jones)
Avec Milan Siljanov/Markus Eiche, Lindsay Ammann, Emily Sierra/Daria Porszek, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke/Kevin Conners etc…
Reprise alimentaire au moment de Noël, avec une représentation pour les enfants à 11h, mais des noms intéressants dont Titus Engel en fosse, qui est l’un des très bons chefs découverts ces dernières années. Si vous y allez, choisissez la représentation avec Markus Eiche, qu’on n’entend pas assez…

Décembre 2022-Janvier 2023
Johann Strauss
Die Fledermaus
(5 repr. du 31 déc au 12 janv.) (Dir : Tomáš Hanus/MeS : Leander Haussmann)
Avec Johannes Martin Kränzle, Jochen Schmeckenbecher, Christoph Pohl, Galeano Salas, Lindsay Ammann.
C’est la tradition de fin d’année, Kränzle est un très grand chanteur, le chef Tomáš Hanus remarquable, la production est cependant à oublier, ratée, et sans intérêt. On espère qu’une autre va lui succéder rapidement.

Bedrich Smetana
La fiancée vendue
(4 repr. du 29 déc. au 7 janv.) (Dir : Gabór Kali/MeS : David Bösch)
Avec Selene Zanetti, Pavol Breslik, Günther Groissböck
La distribution (excellente) de la première, le chef qui devait diriger cette saison Giuditta, mais qui a dû annuler pour maladie. La production séduisante de David Bösch. Si vous passez les fêtes à Munich, c’est le moment pour aller voir cette bonne production, plutôt poétique et tendre.


Janvier 2023
P.I Tchaïkovski
Eugène Onéguine
(3 repr. du 14. au 20 janv.) (Dir : Timur Zangiev/MeS : Krzysztof Warlikowski)Avec Etienne Dupuis, Bogdan Volkov, Günther Groissböck, Elena Guseva, Larissa Diadkova etc…
Le jeune chef Timur Zangiev dirigea en 2020 au Bolchoï Sadko de Rimsky-Korsakov et il m’avait beaucoup plu, il remplaça Gergiev dans la Dame de Pique à la Scala après l’invasion de l’Ukraine en février-mars 2022 et les avis furent partagés : c’est le moment de se faire une opinion dans Eugène Onéguine, plutôt bien distribué avec un cast international où Etienne Dupuis sera Onéguine, Groissböck Grémine, plutôt inattendu, Elena Guseva sera Tatjana qui devrait lui aller ; la grande Diadkova réapparaît et surtout, Bogdan Volkov, que je trouve être l’un des meilleurs sinon le meilleur ténor slave actuel, (il est ukrainien) dans Lenski, à ne pas manquer dans une magnifique production déjà ancienne de Warlikowski.

Giuseppe Verdi
I Masnadieri
(3 repr. du 21 au 26 janv.) (Dir : Antonino Fogliani/MeS : Johannes Erath)
Avec Charles Castronovo, Igor Golovatenko, Lisette Oropesa
À ne pas manquer parce que l’œuvre est rare, elle est superbement distribuée (notamment Oropesa et Golovatenko, moins pour Castronovo) et devrait être excellemment dirigée par Antonino Fogliani.

Janvier-Février 2023
Aribert Reimann
Lear

(3 repr. du 30 janv. au 5 fév.) (Dir: Jukka Pekka Saraste /MeS: Christoph Marthaler)
Avec Tomas Tomasson, Angela Denoke, Erika Sunnegårdh, Jochen Schmeckenbecker, Hanna-Elisabeth Müller, Andrew Watts, Matthias Klink.
Solidement distribuée, même sans Gerhaher, même sans Stundyté une belle production d’un Marthaler sage. A entendre aussi pour la superbe prestation en fosse de Jukka Pekka Saraste.

Février 2023
Franz Lehár
Giuditta
(4 repr. du 10 au 21 fév.) (Dir: Titus Engel/MeS: Christoph Marthaler)
Avec Vida Miknevičiūtė, Daniel Behle, Jochen Schmeckenbecher, Jonas Hacker, Kerstin Aveno etc..
Un Lehár nostalgique (sa dernière opérette) et un Marthaler moins sage, que j’ai adoré, qu’il faut voir et dans lequel il faut se plonger. C’est intelligent, c’est poétique, c’est émouvant et c’est magnifiquement dirigé, chanté et joué. Et surtout n’écoutez pas ceux qui ont détesté, ils ont forcément tort.

Giacomo Puccini
Manon Lescaut
(4 repr. du 16 au 25 fév.) (Dir: Carlo Rizzi/MeS: Hans Neuenfels)
Avec Anja Harteros, Joshua Guerrero, Boris Pinkhasovich etc…
Carlo Rizzi, c’est du solide, et le cast, du très solide avec du neuf – et du lourd. Anja Harteros d’abord, mais aussi Boris Pinkhasovich, un des barytons actuels qui monte et Joshua Guerrero, le ténor qu’on commence à s’arracher – c’est le moment de vérifier si c’est un coup des agents ou une vraie voix intéressante.
Cela devrait valoir le coup, dans une mise en scène du regretté Hans Neuenfels qui fit fuir en son temps Anna Netrebko.

Mars -Juillet 2023
Richard Strauss
Salomé
Mars :  3 repr. du 1er au 8 mars
Juillet : 2 repr. les 11 et 14 juillet
(Dir : Mikko Franck/ MeS : Krzysztof Warlikowski)
Avec Gerhard Siegel, Waltraud Meier, Vida Miknevičiūtė (mars)/Camilla Nylund (juillet), Iain paterson (mars)/Wolfgang Koch (juillet) etc…
Aucun problème au niveau musical : Mikko Franck devrait être très intéressant, et la distribution presque entièrement renouvelée par rapport à la version princeps est incontestable, avec le couple Meier/Siegel . Aucun problème du côté des Salomé, mais est-ce que Camilla Nylund, magnifique chanteuse, est exactement le personnage voulu par la mise en scène ? J’ai mes doutes, alors que Vida Miknevičiūtė est plus conforme à l’image imposée par la vision puissante de Warlikowski.
Mais la production est si forte, si intelligente, qu’il ne faut de toute manière pas la manquer

Krzysztof Penderecki
Les diables de Loudun
(3 repr. du 11 au 16 mars) (Dir: Vladimir Jurowski/MeS : Simon Stone)
Avec Ausriné Stundyté, Ursula Hesse von den Steinen, Nadezhda Gulitskaya, Kostas Smoriginas etc…
Reprise de la production qui a ouvert le Festival 2022 et ce devrait être passionnant, d’autant que Covid oblige, deux représentations sur les quatre ont sauté et que le “grand public” va enfin découvir la monumentale production de Simon Stone.

Francesco Cavalli
La Calisto
(4 repr. du 19 au 28 mars) (Dir: Christopher Moulds/MeS : David Alden)
Avec Dominique Visse, Teresa Iervolino, Louise Alder, Nikolay Borchev
Reprise d’une sage production de David Alden pour une œuvre baroque qui sera sans doute bien dirigée par Christopher Moulds, excellent dans ce répertoire, et bien distribuée (Teresa iervolino, Louise Alden, Dominique Visse…).

Richard Strauss
Ariadne auf Naxos
(3 repr. du 23 au 30 mars) (Dir: Lothar Koenigs/MeS : Robert Carsen)
Avec Andreas Schager, Tara Erraught, Okka von der Damerau, Olga Pudova etc…
Belle distribution, chef correct sans plus, mise en scène classique : ce qui va passionner c’est Okka von der Damerau si populaire à Munich dans Primadonna et Ariadne…

Avril 2023
Giuseppe Verdi
La Traviata
(3 repr. du 20 au 26 avril) (Dir: Francesco Ivan Ciampa/MeS : Günter Krämer)
Avec Rachel Willis Sørensen, Joseph Calleja, Artur Rucinski.
Du répertoire alimentaire sans aucun (mais vraiment aucun) intérêt.

C.M. von Weber
Der Freischütz

(4 repr. du 16 au 25 avril) (Dir: Lothar Koenigs/MeS : Dmitry Tcherniakov)
Avec Eric Cutler, Julia Kleiter, Nicholas Brownlee, Mirjam Mesak, Wilhelm Schwinghammer.
La dernière production de Tcherniakov, assez complexe pour Munich durant la pandémie, et donc à éclipses. Chef correct, Cutler et Kleiter particulièrement intéressants pour une œuvre relativement rare sur les scènes et qui mériterait peut-être d’être mieux mise en valeur.


Avril-Mai 2023
Giuseppe Verdi
Nabucco
(4 repr. du 30 avril au 9 mai)(Dir : Daniele Rustioni /MeS : Yannis Kokkos)
Avec Amartuvshin Enkhbat, Roberto Tagliavini, Ekaterina Semenchuk etc…
Belle distribution, chef particulièrement inspiré dans cette œuvre, MeS classique et élégante de Yannis Kokkos. Du bon répertoire.

Avril 2023-Juillet 2023
Richard Wagner
Tristan und Isolde
Avril : 3 repr. du 6 au 15 avril
Juillet 3 repr. du 21 au 29 juillet
Dir : Juraj Valčuha /MeS Krzysztof Warlikowski
Avec Anja Harteros, Stuart Skelton, René Pape,  Iain Paterson (Avril) Wolfgang Koch (Juillet) , Jamie Barton etc…
Intéressant choix de Juraj Valčuha pour un deuxième opéra dans la saison après Bohème. Succéder à Petrenko en fosse, c’est un challenge, notamment pour cette œuvre, mais ce chef est vraiment intéressant.
Distribution solide où deux Kurwenal de choix alternent, Iain Paterson et Wolfgang Koch. Le changement de Tristan devrait un peu affecter les vidéos si importantes dans cette production…mais …
Dans cette distribution, un choix m’étonne et me met en colère, c’est celui de Jamie Barton en Brangäne, pour deux raisons :

  • A Aix elle fut médiocre, mauvais phrasé, diction approximative, inintéressant au possible.
  • A Munich lors de la première série, Okka von der Damerau triompha, peut-être ne pouvait-elle pas reprendre le personnage où elle était formidable, et qu’elle reprend cette saison en juin 2022 mais dans ce cas il y a bien des Brangäne en Allemagne qui auraient évité de subir Madame Barton.

Mai 2023
Antonin Dvořák
,
Rusalka
(3 repr. du 14 au 19 mai) (Dir: Henrik Nánási/MeS : Martin Kušej)
Avec Dmytro Popov, Asmlk Grigorian, Günther Groissböck
La distribution se passe de commentaires, elle devrait faire courir les fans. Une production de Kušej est toujours discutable mais a toujours quelque chose à dire et le chef Henrik Nánási est plutôt intéressant.

Juin 2023
Leoš Janáček
La petite renarde rusée
(4 repr. du 10 au 20 juin) (Dir: Mirga Gražinytė-Tyla /MeS : Barrie Kosky)
Avec Elena Tsallagova, Angela Brower, Wolfgang Koch, Martin Snell, Jonas Hacker.
La jolie production de Barrie Kosky, si bien dirigée et magnifiquement distribuée avec le trio Tsallagova, Brower, Koch. Mérite le détour, en couplant avec la production qui suit.

Francis Poulenc
Dialogues des Carmélites

(3 repr. du 5 au 11 juin) (Dir: Johannes Debus /MeS : Dmitry Tcherniakov)
Avec Jochen Schmeckenbecher, Ermonela Jaho, Anna Caterina Antonacci, Véronique Gens, Stéphanie d’Oustrac etc…
Un seul conseil, y courir au vu de la distribution exceptionnelle, de la mise en scène et du chef Johannes Debus, originaire de Speier (Spire), actuellement directeur musical de la Canadian Opera Company qui est l’un des chefs les plus intéressants de la nouvelle génération.

Giuseppe Verdi
Otello

(2 repr. les 27 et 30 juin) (Dir : Myung Whun Chung/MeS : Amelie Niermeyer)
Avec Anja Harteros, Fabio Sartori, Gerald Finley etc…
L’arrivée à Munich de Myung Whun Chung est en soi un événement, dans une œuvre qu’il chérit particulièrement, qu’il a enregistrée, et qu’il dirige magnifiquement. C’est la distribution de la création avec Kaufmann en moins, et Finley et Harteros y étaient exceptionnels. Mais Fabio Sartori, l’Otello prévu, est actuellement en état de grâce vocale.

Juillet 2023
Modest Moussorgski
Boris Godunov (vers. 1869)
(2 repr. les 4 et 6 juil.) (Dir: Vassily Petrenko/MeS : Calixto Bieito)
Avec Ildar Abdrazakov, Maxim Paster, Vitaly Kowaljow, Dmytro Popov,
Vassily Petrenko très bon chef  dirige une reprise d’une production qu’un autre Petrenko avait en son temps repris aussi. Beau cast, et surtout production très intéressante de la version de 1869, sans l’acte polonais.

À ne pas manquer (répertoire)

Peter Grimes, Sept.2022
Lucrezia Borgia, Oct. 2022
Elektra, Nov.2022
Giuditta, Fév. 2023
Salomé, mars et juillet 2023
La petite renarde rusée, juin 2023
Dialogues des Carmélites, Juin 2023
Otello, Juin 2023
Boris Godunov, Juil. 2023

Et dans les nouvelles productions

Così fan tutte (Oct. 2022)
Lohengrin (Déc.2022)
Dido/Erwartung (Janv.2023)
Guerre et Paix (Mars 2023)
Hamlet (Juin-juillet 2023)
Semele (Juillet 2023)

Tout est à voir dans le Festival Ja, Mai, j’ai un petit faible pour

Il ritorno/ The year of magical thinking à cause du metteur en scène et du chef.

On reviendra sur les programmes de récital, les concerts et les festivités du jubilé de l’orchestre. Nous nous limitons cette fois au lyrique.

Conclusion
Une année au profil plus singulier que d’autres théâtres, avec un réel effort pour donner une couleur d’ensemble, et de nouveaux profils et de nouvelles têtes : tout cela est stimulant intellectuellement et artistiquement.
Il manque peut-être des fulgurances de distributions, de celles qui vous font rêver pendant un an avant le grand jour, comme avait pu l’être le Tristan Kaufmann-Harteros.
Il y a évidemment des soirées que chacun aura déjà notées au passage, et le niveau global est plutôt haut. Mais si je trouve que si les chefs italiens de qualité sont présents à Munich dans un répertoire italien assez représenté,  le chant italien en revanche reste sous-représenté: une Anna Pirozzi qui est en train d’exploser est totalement absente au profi d’une Stikhina pas très adaptée.
Et certains ténors très corrects mais qui n’ont jamais marqué par des performances exceptionnelles comme Charles Castronovo sont sur-représentés. Au total on note peu de stars qui remplissent les salles sur leur nom même si on salue le retour (si elle n’annule pas) d’Anja Harteros dans sa maison et deux apparitions de Jonas Kaufmann.
Enfin, on remarque peu de Wagner (deux titres, Lohengrin (NP) et Tristan) et j’aimerais terminer par un rappel : Il y a une production définitivement et doublement victime de la Pandémie, c’est Die Vögel de Braunfels, annulée à la création, vue une fois en juillet 2021 et annulée à la reprise de novembre dernier toujours pour Covid. La production de Frank Castorf est somptueuse, la distribution en était magnifique. Il faudra bien tout de même que le public finisse par la voir car elle est de celles qui font honneur à cette maison : une seule représentation publique depuis la création en octobre 2020 (où la première avait eu lieu devant un parterre de 50 personnes), c’est à rattraper au plus vite.

LA SAISON 2022-2023 DU GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

Le Grand Théâtre de Genève

Introduction
Un peu comme celle de Bogdan Roščić à Vienne, l’arrivée d’Aviel Cahn à Genève a été bousculée par le Covid et c’est seulement pendant la saison 2021-2022 qui se termine qu’on a pu observer l’articulation de son projet pour Genève, et la saison prochaine confirment ces intuitions.
La construction d’une saison est une alchimie, et on doit donc se garder de conclure hâtivement car si c’est sa quatrième saison effective, ce sera sa deuxième complète.
On doit se garder de conclure, encore plus dans un théâtre de système Stagione au nombre de productions limitées où chaque choix pèse plus lourd. Enfin, même si Aviel Cahn a été appelé un peu pour « casser la baraque », il ne pouvait simplement transposer sur les rives du Léman ce qu’il avait réalisé en Flandres.
Les conséquences de la pandémie sont lourdes pour toutes les salles : tous constatent dans la plupart des opéras la difficulté à retrouver les publics d’avant-pandémie ; d’autres habitudes ont été prises, d’autres peurs sont nées, la reprise est fragile, à Genève comme ailleurs et la couleur des saisons, pour la plupart prudentes, s’en ressent.

 

Le Grand Théâtre dans le paysage lyrique européen

La place de Genève est un peu singulière, son théâtre a été voulu par ses habitants sur le modèle du Palais Garnier, avec une capacité un peu surdimensionnée aujourd’hui (1500 places) mais  avec la garantie aujourd’hui d’un public notamment alimenté par les institutions internationales nombreuses sises sur les bords du Léman et un bassin d’habitants à cheval sur la Suisse et sur la France (la Haute Savoie), même si le public français, certes présent, est moins nombreux qu’on ne le pense.

En tant que théâtre d’une ville internationale, il est comparable à La Monnaie de Bruxelles, avec une jauge en spectateurs supérieure (Bruxelles a une jauge de 1150 spectateurs), mais un bassin d’habitants inférieur. Le nombre de productions lyriques est comparable, même si le nombre de représentations par production est supérieur à Bruxelles (salle plus petite, plus de spectateurs potentiels). Du point de vue de la couleur des productions, Bruxelles cherche à rester depuis le temps de Gerard Mortier (années 1980 quand même…) un fer de lance de l’innovation scénique, ce que n’est pas Genève à l’histoire différente.
En termes de comparaison, il peut être aussi mis sur le même plan qu’un Théâtre comme le Teatro Real de Madrid à la jauge légèrement supérieure,  mais au nombre de productions comparables, avec comme Bruxelles, un nombre de représentations supérieur (la population madrilène est nettement plus importante que Genève). En termes productifs, Madrid cherche à rester à l’équilibre entre tradition et innovation, le public espagnol reste assez conservateur et très attaché au répertoire traditionnel notamment italien. Il reste qu’au Teatro Real est passé aussi Gerard Mortier, et que son passage a laissé quelques traces.
Genève est donc un Théâtre en équilibre fragile, qui n‘a pas vraiment de «couleur productive », quelque part entre tradition et modernité depuis
des années, bien avant la pandémie. C’était déjà vrai vers 2008 du temps de Jean-Marie Blanchard qui mena une politique de grande qualité, et assez équilibrée. Le remplissage du Grand Théâtre (1500 places) ne posait guère problème, pas plus que lors des premières années de Tobias Richter qui quant à lui mena une politique peu lisible, plus proche de la tradition des théâtres de répertoire à l’allemande (un comble dans le temple suisse de la stagione !). Pas forcément passionnante. Mais quand la salle est pleine ou à peu près, c’est forcément que ça va bien, et on ne se pose pas de questions…
Les travaux de rénovation qui durèrent quelques années motivèrent un repli dans le théâtre des Nations « éphémère », dont la capacité était de 1000 places.  Pas de problème de remplissage non plus, mais perte d’un tiers de spectateurs potentiels…
Lorsque le Grand Théâtre a rouvert, il a rouvert ses 1500 places et déjà le remplissage s’est fragilisé. Les dernières années nous ont appris que le public captif ça n’existe pas. De plus, pendant les périodes d’ouverture en temps de pandémie avec ses contrôles de pass, de masque etc… bien des spectateurs ont été découragés ou simplement craintifs. Et comme le public genevois n’est pas de toute première jeunesse, il est évidemment sensible aux questions sanitaires : toutes ces raisons cumulées expliquent largement des difficultés actuelles de reconquérir un public qui met du temps à revenir Place de Neuve.

1500 places, c’est aussi la jauge la plus importante de tous les théâtres de Suisse : Zurich en a moins de 1200, Bâle autour de 1000, mais aussi plus que de la plupart des théâtres européens. Les théâtres de très grandes capitales ont autour de 2000 places, les théâtres qui servent un bassin comparable à Genève ont autour de 1000 places. Lyon, qui sert un bassin de population plus important, a par exemple 1100 places.
Enfin, la crise du genre lyrique fait son œuvre, et si l’on pouvait remplir 1500 places à Genève, il y a quelques années, ce n’est plus aussi facile aujourd’hui. Même une salle comme Vienne, traditionnellement remplie à 99% a des difficultés. Et ne parlons pas du MET de New York…
À Genève en plus, il y a la question des tarifs, de l’écart entre les places les moins chères et les plus chères, dans une zone frontalière très mixte où tout le public n’est pas payé en Francs suisses, un Franc suisse dont le taux égale ou dépasse l’Euro .

Comme on le voit, ce sont des questions qui ne tiennent pas à la présence de tel titre, de tels chanteurs, de telles ou telles mise en scène, mais qui tiennent au contexte géographique, sociologique, historique et aussi politique : la question du théâtre est toujours plus politique qu’artistique, c’est d’abord le théâtre de la Cité.
On le voit chez la voisine lyonnaise dont l’Opéra a été une référence culturelle internationale avec un public largement plus diversifié que Genève (et à la billetterie plus de 50% moins chère) mais que la municipalité actuelle (écologiste) ne semble pas vraiment porter dans son cœur tandis que la Région de bord politique opposé, retire aussi de l’argent de manière importante pour des questions de petits jeux internes aux politiques locales. L’Opéra est bien loin.

Dans toute cette complexité, la programmation d’Aviel Cahn – au-delà de l’appréciation sur tel ou tel spectacle, fait honneur au mandat qui lui a été confié : il y a des productions qui n’ont pas bien fonctionné, mais la qualité offerte reste très largement défendable. Elle reste toutefois exploratoire pour l’instant. On commence à peine à voir des lignes de force se dessiner.
Cette programmation est plus disruptive que celle de son prédécesseur, et a sans doute suscité la circonspection, au-delà de la qualité des productions qui n’est pas en cause, d’autant que le contexte du territoire genevois n’est pas celui des Flandres, où Cahn a dirigé l’Opera-Ballet Vlaanderen.

La Flandre, depuis des années, a produit des metteurs en scène et des chorégraphes qui ont illuminé la scène flamande et européenne, et donné un prestige international inédit. À cela, il faut le répéter, le passage de Gerard Mortier à Bruxelles dans les années 1980 n’est pas étranger, bien évidemment, qui a su réveiller la créativité locale. Et la Flandre reste encore aujourd’hui pratiquement quatre décennies plus tard, un territoire de création. Une programmation telle que celle d’Aviel Cahn à Gand-Anvers atteignait un public plutôt accoutumé (ou quelquefois résigné) à ce type de productions.
Le contexte genevois n’est pas comparable, avec un public vieillissant d’un côté, où la présence d’institutions internationales donne aussi à un certain public une couleur un peu mondaine que j’appellerai « internationale-locale » rien à voir avec Gand ou Anvers.
D’ailleurs, aussi bien sous Hugues Gall que Renée Auphan, la politique visait à garantir un niveau musical globalement international et des productions disons consensuelles. Jean-Marie Blanchard a essayé de mener une politique plus avancée sur les productions, en équilibrant l’offre, tout en continuant à défendre un niveau musical qui a longtemps été la marque continue de ce théâtre. Tobias Richter n’a pas réussi à marquer fortement la mémoire artistique, malgré ses dix ans de mandat.

Enfin, Le territoire genevois n’est pas un territoire de création théâtrale, chorégraphique ou lyrique comme l’ont été les Flandres depuis les années 1990.
L’atout de Genève, c’est non pas une histoire théâtrale, mais un passé musical fort, un Grand Théâtre construit à l’imitation de Paris (on voit les ambitions), et une vie musicale riche et variée, avec plusieurs orchestres et un conservatoire de grand prestige international. Cette ville a de telles institutions musicales qu’on se demande comment un projet comme « La Cité de la musique » qui reflète une certaine identité culturelle a pu capoter.
Aviel Cahn a été appelé pour casser un train-train, pour insuffler quelque chose de neuf, et il a trouvé le Covid. La saison qui vient recase du même coup des productions prévues, qui ont quelquefois été répétées sans voir le jour. Ce qui bouscule aussi les profils de saison prévus plusieurs années à l’avance.

Il faut aussi réaffirmer qu’une saison n’est jamais une succession de triomphes où l’on affiche complet, chaque saison a des échecs quelquefois cuisants.  Mais surtout changer les habitudes du public, c’est long, cela dure plusieurs années, quelquefois plusieurs mandats. Genève doit à la fois modifier la couleur de son public, faire évoluer l’offre et garantir encore et toujours le niveau musical du théâtre qui est son ADN. Au total ça fait beaucoup dans la corbeille, cela veut dire tester, risquer, réussir (comme la récente Jenůfa) ou moins réussir, mais cela signifie aussi ne jamais faire de concessions à la qualité. Ce n’est pas une Tosca nouvelle qui fera venir le public régulièrement et remplir le théâtre, ce sera au mieux, une illusion sur un titre : c’est une qualité régulière, et un équilibre continu entre tous les critères qui doit être l’exigence.
C’est la qualité qui paie, et fait venir durablement le public, pas la multiplication des Puccini et Verdi. Et à Genève, la qualité est au rendez-vous.

La saison 2022-2023

Introduction
La saison dernière la thématique choisie était « Faites l’amour », cette année c’est « Mondes en migrations », on semble passer du rose au gris. Mais l’idée de la migration doit être reprise au sens large, migration des peuples, migration intérieure, migration symbolique etc… mais aussi voyages, errances et tous les récits qui les glorifient : Ulysse, le peuple juif, Parsifal, les migrations récentes en sont des exemples.
La thématique est élargie au ballet, où l’événement de l’année est la venue de Sidi Larbi Cherkaoui comme directeur du ballet de Genève, lui aussi un transplanté, belge d’origine marocaine, installé en Flandres qui arrive à Genève.

Le ballet
N’étant pas spécialiste du ballet, je m’abstiendrai de commenter la programmation du nouveau directeur du ballet Sidi Larbi Cherkaoui, avec qui Aviel Cahn a travaillé en Flandres. Mais je noterai plusieurs éléments :

  • En s’installant à Genève, Sidi Larbi Cherkaoui qui est l’un des grands chorégraphes belges et une référence internationale, proche d’Aviel Cahn va contribuer à donner une couleur et une cohérence à l’ensemble de la programmation de la maison
  • De plus, Sidi Larbi Cherkaoui est aussi un metteur en scène d’opéra (on lui doit par exemple une production de grand relief des Indes Galantes à Munich, bien supérieure à celle de Clément Cogitore à Paris et de Lydia Steier à Genève. Il devrait faire aussi de l’opéra à Genève, ce qui est aussi un gage d’originalité du Grand Théâtre que d’avoir dans ses murs un chorégraphe qui soit aussi metteur en scène lyrique.
  • Enfin il a visiblement voulu la saison prochaine signer une saison de ballet qui ait des liens avec la thématique du voyage, mais résolument contemporaine et personnelle, en travaillant notamment avec son complice le chorégraphe Damien Jalet, pour affirmer d’emblée un style . Il sera toujours temps de modifier et d’infléchir les choses les saisons suivantes

Cette manière de tisser le lyrique et le ballet et de ne pas en faire des mondes simplement parallèles et autonomes, c’est aussi un élément d’enrichissement de la programmation. C’est pour moi un signe fort non seulement de la saison, non seulement pour le ballet, mais pour l’ensemble de cette maison que d’accueillir un des grands chorégraphes européens, qui puisse travailler en pleine « intercompréhension » avec Aviel Cahn. Ainsi Genève ne s’affiche pas seulement une machine à produire, mais d’abord comme une machine à créer.

 

Les productions lyriques :

Aviel Cahn propose des séries, des lignes de force, ce qui est aussi un moyen de conquérir d’autres publics, et d’enrichir la compétence des spectateurs. Dans des saisons de stagione, où ce qui est produit l’année X ne sera plus repris, ou ne se reverra pas avant au minimum plusieurs années, il faut créer d’autres habitudes. Les lignes de force, les compositeurs, les artistes qu’on retrouve, les équipes réinvitées, c’est un moyen de poser des pierres miliaires, comme des bornes d’orientation, c’est le cas par exemple de la présence répétée au programme de Janáček. De même faire appel pour certaines productions aux mêmes équipes, c’est aussi créer des repères au public, « le rassurer » en quelque sorte, et contribuer aux équilibres de la saison, à condition que les équipes soient évidemment indiscutables…

2021-2022 a affiché Prokofiev, Monteverdi, Donizetti, Bizet, R.Strauss, Eötvös, Janáček, Puccini.
2022-2023 affiche Halévy, Janáček, Monteverdi, Wagner, Donizetti, Jost, Chostakovitch, Verdi.
Il est certain qu’en huit ou neuf productions on ne peut couvrir l’intégralité du répertoire, y compris sur plusieurs saisons : dans les « musts » on passe de Strauss-Puccini la saison dernière à Verdi-Wagner cette saison et cette bande des quatre ne peut mobiliser chaque année la moitié des productions. Donizetti est aussi un pilier du répertoire, mais il y a des manières différentes d’affirmer une couleur : une année séparent La Juive (1835) de Maria Stuarda (1834), et donc le répertoire romantique occupe environ un quart des choix, et si on ajoute Parsifal et Nabucco le XIXe occupe la moitié des titres, le reste se divisant entre baroque (2), XXe siècle (2) et contemporain (1). La ligne de programmation reste donc une ligne de répertoire traditionnel.
On notera enfin une palette de choix assez subtile entre titres inconnus, titres attendus, créations dans une saison assez classique, convenant a priori au public genevois, et une grande prudence en ce qui concerne le nombre de représentations (environ 6 représentations par production) : le bassin genevois n’est pas extensible.
La saison 2022-2023 apparaît donc diversifiée, avec des distributions solides des artistes qui sont très connus mais très peu de stars (cette année Herlitzius, la saison prochaine Aušriné Stundyte), il serait peut-être pertinent d’afficher un peu plus de grandes références vocales, même s’il faut les retenir bien à l’avance et pas seulement dans des récitals. L’opéra, c’est aussi ce plaisir-là, et pas seulement une plongée dans le sérieux du monde…
N’oublions pas les effets de souvenir : on se rappelle les stars passées à Genève, notamment sous Gall, comme si elles passaient chaque soir alors que sous Gall il fallait aussi jouer sur des équilibres.  Quant aux chefs, ils sont globalement de bon niveau – que je les apprécie ou non- et la nouvelle génération de chefs est suffisamment riche pour permettre à Genève d’être une sorte de rampe de lancement pour des figures nouvelles, à condition qu’on les repère. Cette fonction exploratoire dont je parlais plus haut s’applique aussi au choix des chefs, ce qui est peut-être le plus délicat.

Septembre 2022
Jacques Fromental Halévy
La Juive
(6 repr. du 15 au 28 sept )(Dir :Marc Minkowski /MeS : David Alden)
Avec Ruzan Mantashyan, John Osborn, Ioan Hotea, Elena Tsallagova, Dmitry Ulyanov
Chœur du Grand Théâtre, Orchestre de la Suisse Romande
Retour de La Juive, pas représentée au Grand Théâtre depuis 1927. Un des musts du XIXe et du début du XXe siècle dans tous les opéras francophones, indirectement célébrée par Proust (Rachel quand du Seigneur). Un retour que Paris a accueilli une fois en 2007, que Lyon a accueilli en 2016. Un Grand-Opéra légendaire, une histoire de tolérance et d’humanité, un énorme succès jusqu’aux années 1920 et une disparition à partir des années 1930, au moment de la montée du nazisme. Hasard ?
John Osborn qui fut un Leopold exceptionnel, chante cette fois Eleazar, et c’est un événement que cette prise de rôle. Ruzan Mantashyan entendue à Genève l’an dernier dans Guerre et Paix sera Rachel et Leopold est confié à Ioan Hotea, un jeune ténor roumain très prometteur, vainqueur du concours Operalia, à l’impeccable phrasé et aux aigus assurés (et nécessaires dans ce rôle). La vibrante Elena Tsallagova sera La princesse Eudoxie, tandis que Dmitry Ulyanov, grande basse devant l’éternel, sera le Cardinal de Brogni. Très belle distribution.
Mise en scène sans doute efficace sinon inventive de David Alden, spécialisé dans ce type de répertoire et surtout pas de risque d’écheveler ni de heurter le public en ce début de saison.
Marc Minkowski dirige ce Grand-Opéra, qui s’en est aussi fait une spécialité (rappelons ses Huguenots), j’aimerais un chef plus raffiné pour une musique qui est plus élégante qu’on ne le croit souvent. Mais on ne peut pas tout avoir. Et Minkowski est un nom qui peut attirer du public.
Ce devrait être de toute manière un beau début de saison et l’occasion de découvrir une œuvre injustement négligée depuis presque un siècle, qui grâce au livret de Scribe, dit des choses fortes sur notre humanité.

L’éclair
(18 septembre 2022 ) Dir : Guillaume Tourniaire.
Avec Éléonore Pancrazi, Claire de Sévigné, Edgardo Rocha, Julien Dran
Orchestre de Chambre de Genève

En prolongement de La Juive, Le GTG propose cet opéra-comique de Halévy, créé la même année (1835) en version de concert. L’idée est séduisante pour faire mieux connaître le compositeur, qui reste pour beaucoup un inconnu, à travers une œuvre qui eut son succès au XIXe.
L’histoire est celle d’un anglais et d’un américain amoureux de deux sœurs, mais l’un des deux hommes devient momentanément aveugle suite à la foudre (« l’éclair »), ce qui complique les choses.
L’Orchestre de Chambre de Genève entame une collaboration avec le Grand Théâtre qu’on espère voir se développer et Guillaume Tourniaire est un chef de très bonne facture.

 

Octobre-novembre 2022
Leoš Janáček
Katia Kabanova
(6 repr. du 21 oct. au 1er nov. 2022)(Dir : Tomáš Netopil /MeS : Tatjana Gürbaca)
Avec Corinne Winters, Aleš Briscein, Elena Zhidkova, Stephan Rügamer, Tómas Tómasson, Sam Furness
Chœur du Grand Théâtre, Orchestre de la Suisse Romande

Après la Jenůfa triomphale, et à peine six mois plus tard (toujours en 2022), Aviel Cahn repasse le plat Janáček avec de nouveau une mise en scène de Tatjana Gürbaca et Corinne Winters en héroïne. Quand on aime on ne compte pas. Mais on remarque d’autres noms excellents dans la distribution à commencer par la remarquable Elena Zhidkova qui sera Kabanicha, la belle-mère, et une brochette de remarquables chanteurs, Aleš Briscein, Stephan Rügamer, Tómas Tómasson, Sam Furness. Direction de Tomáš Netopil à prévoir correcte parce que c’est un bon chef, mais sans doute pas aussi imaginatif que Tomáš Hanus qui est l’un des artisans essentiels du triomphe de Jenůfa. Espérons que le succès de Jenůfa attire la curiosité du public pour ce troisième Janáček de l’ère Aviel Cahn  et que le spectacle ait le même accueil.

Novembre 2022
Claudio Monteverdi et contemporains
Combattimento – Les amours impossibles
( 2 repr. les 6 et 7 nov. 2022.)(Dir : Christina Pluhar/Chorégraphie : Rosalba Torres Guerrero et Koen Augustinjen)
Avec Rolando Villazon, Céline Scheen, Giuseppina Bridelli, Valer Sabadus, Krystian Adam…

Aviel Cahn propose à l’instar des années précédentes avec les tournées du Budapest Festival Orchestra dirigé par Ivan Fischer (Orfeo et Incoronazione di Poppea) au succès modéré. Cette fois, il appelle Rolando Villazon, le ténor bien connu qui s’est reconverti dans la répertoire baroque, et qui travaille avec la cheffe Christina Pluhar. Un « spectacle musical » et chorégraphique complété par des vidéos avec des chanteurs de très bon niveau, au-delà de Villazon… Mais soyons clairs, c’est un moyen d’afficher un titre supplémentaire à peu de frais, avec en plus une ex-star du firmament lyrique qui excitera la curiosité… Coup de dés sans grand risque.

Gaetano Donizetti
Maria Stuarda
(6 repr. du 17 au 29 déc. 2022 )(Dir : Stefano Montanari/MeS : Mariame Clément)
Avec Stéphanie d’Oustrac, Elsa Dreisig, Edgardo Rocha, Gianluca Buratto, Simone del Savio
Chœur du Grand Théâtre, Orchestre de la Suisse Romande

Aviel Cahn a installé à Genève, nous l’avons dit, des sortes de séries, des rendez-vous avec des artistes qui reviennent, manière éventuelle de fidéliser le public. Après Anna Bolena, Maria Stuarda avec la même équipe. Je n’ai pas aimé le travail de Mariame Clément dans Anna Bolena, j’ai eu quelques doutes sur le cast, et j’ai applaudi à la direction de Stefano Montanari, une véritable chance pour le GTG dans ce répertoire qui vient d’éblouir Munich dans une reprise d’Agrippina de Haendel, et nul doute qu’il animera l’entreprise (c’est à dire en sera l’âme). On retrouve Elsa Dreisig (qui reviendra, auréolée de ses triomphes berlinois dans Fiordiligi et de sa Salomé très attendue d’Aix) qui sera non Maria Stuarda mais Elisabetta (c’est la surprise du chef) tandis que Stéphanie d’Oustrac sera la reine d’Êcosse. Wait and see. Les rôles masculins seront tenus par de solides chanteurs.
C’est à la fois excitant, et en même temps je crains la déception… c’est la glorieuse incertitude de l’opéra.

Janvier-février 2023
Richard Wagner
Parsifal

(6 repr. du 25 janv. au 5 févr. )(Dir : Jonathan Nott/MeS :  Michael Thalheimer)
Avec Daniel Johansson, Christopher Maltman, Tareq Nazmi, Tanja Ariane Baumgartner, Martin Gantner
Chœur du Grand Théâtre, Orchestre de la Suisse Romande

On se souvient que ce Parsifal a été victime du Covid, récupéré partiellement en forme de concert. Le voilà de nouveau programmé, pour le plus grand bonheur des nombreux wagnériens de Genève. L’histoire du Grand Théâtre est jalonnée de succès wagnériens notables. Certes, toutes les saisons ne peuvent afficher Wagner, mais c’est la première production wagnérienne d’Aviel Cahn et à ce titre, elle mérite une grande attention.
Si la direction est assurée par Jonathan Nott, le directeur musical de l’OSR, la mise en scène est confiée à un artiste très connu en Allemagne, mais pratiquement inconnu en aire francophone : Michael Thalheimer.  Il ne faut pas attendre une lecture qui bousculera le public genevois, mais Thalheimer est un metteur en scène de théâtre solide, où il est plus connu qu’à l’opéra (j’avais vu de lui Les Troyens , une production très épurée à Hambourg). C’est une sorte d’ascète de la scène : Parsifal devrait lui convenir.
Je ne suis pas convaincu par le choix de confier Parsifal à Daniel Johansson, chanteur très honnête, mais qui n’a jamais transfiguré les rôles où je l’ai entendu. Bien plus excitant la prise de rôle en Amfortas de Christopher Maltman, un des barytons les plus intéressants du jour, et un acteur exceptionnel dans les rôles de personnages torturés. Kundry sera Tanja Ariane Baumgartner, qu’on a vue en Clytemnestre cette saison, et qui est une véritable actrice (on va attendre avec avidité son deuxième acte). Intéressant aussi le choix de confier Gurnemanz à Tareq Nazmi, une des basses les plus intéressantes du jour, qu’on a bien connu quand il était en troupe à Munich et qui commence à être invité dans des rôles de plus en plus importants. Enfin, Martin Gantner sera Klingsor, ce très bon baryton (il est un Beckmesser remarquable) devrait trouver une voix intéressante d’interprétation du personnage. Au total, c’est un Parsifal très solide par des choix de distribution originaux, sans être capable sur le papier de faire courir les foules wagnériennes d’Europe. Mais ce n’est sans doute pas le but…

Février-mars 2023
Claudio Monteverdi
Il ritorno di Ulisse in patria

( 6 repr. du 27 févr. au 7 mars )(Dir : Fabio Biondi/MeS : FC Bergman)
Avec Marc Padmore, Sara Mingardo, Jorge Navarro Colorado, Elena Zilio etc…
L’Europa Galante

On s’intéresse beaucoup en ce moment et dans pas mal de maisons à Monteverdi et notamment à Ulisse, le troisième opéra après L’Orfeo et l’Incoronazione di Poppea. Dans la vaste salle du Grand Théâtre, c’est peut-être une gageure, mais on y a vu de grandes réussites baroques.
Pour ma part, j’estime que c’est un des projets les plus convaincants, sinon le plus convaincant de la saison, aussi bien musicalement que scéniquement.  Appeler FC Bergman, le groupe flamand anarchiste et poétique, c’est à la fois audacieux et stimulant pour une œuvre difficile, dramaturgiquement moins stimulante que Poppea par exemple. Douce folie poétique sur scène, et en fosse l’un des meilleurs orchestres baroques de la baroquie européenne, et l’un des premiers ensembles italiens à s’imposer à sa fondation au moment même où c’est le Nord de l’Europe et la France qui tenaient le haut du pavé. Le sicilien Fabio Biondi, le fondateur, sera en fosse : c’est un vrai cadeau pour les genevois que cet orchestre et cette équipe de mise en scène. La distribution ne sera pas en reste : avec de grandes vedettes du chant baroque comme Mark Padmore (irremplaçable interprète des Passions de Bach) et Sara Mingardo, qui reste l’une des références de ce répertoire. Et remarquons dans la distribution Elena Zilio (Ericlea, la nourrice de Pénélope) gloire du chant italien des années 1980, qui ne fut jamais dans les grands rôles, mais irremplaçable là où elle était distribuée. Voilà une production où l’on reconnaît une vraie patte, et voilà ce qu’on aimerait voir plus souvent à Genève.

Mars-avril 2023
Christian Jost
Le voyage vers l’espoir

( 5 repr. du 28 mars au 4 avril)(Dir: Gabriel Feltz/MeS : Kornél Mundruczó)
Avec Kartal Karagedik, Rihab Chaieb, Ivan Thirion, Denzil Dehaene
Orchestre de la Suisse Romande

Encore une victime du Covid, cette production était prévue dès la première saison d’Aviel Cahn, et elle a été passée par profits et pertes à cause de la fermeture des théâtres. Bien heureusement, comme Parsifal, cette production réapparaît deux ans après. Elle traite d’un problème hélas d’une tragique actualité, la migration, à travers une famille kurde qui quitte son pays pour gagner la Suisse, un supposé paradis. L’œuvre est fondée sur le film de Xavier Koller, prix au festival de Locarno 1990, et Oscar du meilleur film étranger en 1991.
Le compositeur Christian Jost, compositeur de 9 opéras, dont un Hamlet pour la Komische Oper Berlin et un Egmont pour le Theater an der Wien. Le dixième est donc cet opéra, fondé sur l’histoire du film de Koller.
La mise en scène est confiée à Kornél Mundruczó, lui-même cinéaste, pour sa troisième mise en scène à Genève après ses deux belles productions que sont L’Affaire Makropoulos en 2020 et Sleepless en 2022. Mundruczò commence à essaimer les scènes européennes, comme Hambourg, Munich, Berlin.
C’est l’excellent chef Gabriel Feltz, GMD de Dortmund, qui dirigera, et c’est un nouveau profil pour Genève, un de ces chefs qui dirigent partout en Allemagne, mais peu à l’étranger plutôt attiré à l’opéra par le XXe siècle et le contemporain. Dans la distribution, notons Kartal Karagedic, que j’avais beaucoup apprécié en Chorèbe dans Les Troyens à Hambourg, où il est membre de la troupe.
Ce sont des ingrédients qui devraient garantir une production intéressante.

Mai 2023
Dmitry Chostakovitch
Lady Macbeth de Mzensk

(5 repr. du 30 avril au 9 mai )(Dir : Alejo Pérez/MeS : Calixto Bieito)
Avec Aušriné Stundyte, Dmitry Ulyanov, John Daszak, Ladislav Elgr, Kai Rüütel etc…
Chœur du Grand Théâtre, Orchestre de la Suisse Romande

Une fois de plus Aviel Cahn propose des rendez-vous répétés avec des séries, comme nous l’avons déjà souligné, puisque la série russe est marquée par le couple Alejo Pérez, excellent chef qui a convaincu dans Guerre et Paix, et la production déjà ancienne (2014) de Calixto Bieito, venue du OperaBallet Vlaanderen qui avait saisi le public par son univers apocalyptique fait de violence et de sexe. Accueil triomphal à l’époque.
Dans le rôle-titre, la Katerina du moment, qui l’interprète sur toutes les scènes, Aušriné Stundyte, fabuleuse dans les mains de Calixto Bieito. Aucune hésitation, c’est une production phénoménale qui fit date. La revoir à Genève est une chance.

Juin 2023
Giuseppe Verdi
Nabucco

( 8 repr. du 11 au 29 juin )(Dir: Antonino Fogliani/MeS: Christiane Jatahy)
Avec Simone Alaimo, Saioa Hernandez, Riccardo Zanellato, Davide Giusti, Ena Pangrac
Chœur du Grand Théâtre, Orchestre de la Suisse Romande

Une prise de rôle est un événement et quand il s’agit de Nicola Alaimo, l’un des plus grands barytons italiens, spécialiste de Rossini et de Bel Canto, qui aborde Nabucco, il faut se précipiter. Saioa Hernandez sera sans nul doute une Abigaille solide. Zanellato n’était pas en grande forme ces derniers mois, espérons qu’il se sera repris car c’est une grande basse. Et Antonino Fogliani est l’un des chefs italiens à suivre en ce moment.
Reste la mise en scène.
Elle est confiée – et c’est une excellente idée – à la brésilienne vivant en France Christiane Jatahy, l’une des artistes les plus intéressantes du théâtre aujourd’hui, qui use avec intelligence et finesse de la vidéo, et qui après un Fidelio à Rio de Janeiro, aborde de nouveau un opéra monumental s’il en est, l’un des musts de Verdi. Si la production est réussie, sa carrière sera sans doute lancée à l’opéra.
Alaimo et Jatahy, deux motifs puissants pour faire de ce Nabucco la deuxième nouvelle production totalement stimulante de la saison.

Au total, aucun des titres, aucune des productions n’est dénuée d’intérêt, soit par la rareté, soit par les choix artistiques, chacune se justifie.
Mais pour ma part, trois me rendent impatient : Il ritorno di Ulisse in patria, Lady Macbeth de Mzensk et Nabucco.

Concert du Nouvel An
Marina Viotti, Stanislas de Barbeyrac
Marc Leroy
Orchestre de chambre de Genève

Deuxième concert avec l’Orchestre de chambre de Genève dirigé par Marc Leroy pour le Nouvel An avec deux des voix les plus intéressante du panorama aujourd’hui, Marina Viotti, mezzo de plus en plus réclamée et particulièrement musicale, figlia d’arte puisque fille du chef suisse Marcello Viotti et sœur de Lorenzo Viotti. Mais si elle a un nom effectivement connu, elle s’est fait un très solide prénom.
Et puis le ténor français mozartien (et bientôt beethovénien) Stanislas de Barbeyrac, une des voix françaises les plus en vue, et les plus intéressantes.
Joli cadeau pour le Nouvel An

Récitals

Diana Damrau (24 septembre)
Bryn Terfel
(26 novembre)
Nina Stemme
(4 février)
Simon Keenlyside
(4 mars)
Anne Sofie von Otter
(16 juin) 

C’est courageux dans la période actuelle de programmer une série de récitals, un art qui peine à survivre hors du monde germanophone, même si tous les chanteurs invités sont des stars. L’art du récital est très spécifique : on a vu certains s’écrouler en récital alors qu’ils dominaient les scènes. Bien sûr, il faudra aller écouter Bryn Terfel, l’un des phares de l’opéra des vingt dernières années, les stars Damrau et Stemme, et d’authentiques spécialistes de la mélodie, Anne Sofie von Otter et Simon Keenlyside (qui se souvient de son Pelléas magique à Genève ?) savent installer un univers et une chaleur dans une salle quand ils abordent la mélodie.
Un choix équilibré, qui justifie qu’on aille à chaque concert, mais on aimerait aussi voir l’une de ces stars dans une production d’opéra… Genève le vaut bien.

IN MEMORIAM TERESA BERGANZA (1933-2022)

 

Teresa Berganza, dans mon souvenir, avant d’être une voix, c’est d’abord un sourire, celui d’Angelina (Cenerentola) abordant son air final Non più mesta. Un sourire bienveillant, des yeux pétillants de gentillesse, en somme l’émotion qui naît de l’humanité.
Car ce qui frappait quand on voyait Berganza en scène, c’était cette fraîcheur et cette douceur inhérente à la personne, qui mena une carrière exceptionnelle loin des sunlights et des médias. Une simplicité et une disponibilité qui séduisaient immédiatement le public.
Teresa Berganza fait partie, à l’instar de Gabriel Bacquier, de ces artistes qui ont accompagné ma naissance à l’opéra, quand, en 1964 ou 1965, je suivais à la télévision les retransmissions d’Aix en Provence, où elle fut révélée, Cosi fan tutte, Il Barbiere di Siviglia notamment. Âgé de 11 ou 12 ans, je ne savais rien des voix, mais ce visage avenant, ce profil un peu mutin et ce sourire déjà m’avaient frappé.
Sur scène, je l’ai entendue de nombreuses fois en Cherubino. Lors des nombreuses reprises de la production Strehler des Nozze di Figaro à l’Opéra de Paris durant les années (entre 1973 et 1980), elle en fut l’interprète la plus fréquente, où même à plus de 40 ans, elle restait incroyable de vivacité dans ce rôle d’adolescent virevoltant. Elle m’émouvait bien plus d’ailleurs dans Non so più cosa son que dans le célébrissime Voi che sapete. Elle avait cette vie bouillonnante, cette fraîcheur, dans un chant si fluide dont pourtant on ne manquait aucun mot tant la diction était claire. Les très grandes chanteuses sont d’abord des diseuses. Je n’ai jamais entendu depuis un chant aussi juvénile, un chant correspondant exactement à la couleur voulue du personnage. Sa voix faisait surgir le personnage…
Puisqu’à l’époque j’avais une sorte d’abonnement quotidien aux fonds de loge de Garnier, je crois n’avoir manqué non plus aucune de ses Cenerentola. J’ai évoqué plus haut cette humanité qu’elle donnait au personnage, le chant qui paraissait si aisé, les agilités qui semblaient arriver sans effort mais surtout avec naturel, comme prolongement d’un discours et surtout pas performance démonstrative. L’intelligence pure, sans affectation, sans démonstration : elle était Angelina, et pour moi elle le reste, même si j’en ai entendu et (aimé) quelques autres depuis.

 

Carmen (Mise en scène Piero Faggioni)

Et puis il y eut Carmen.
On peut difficilement imaginer quel choc fut sa Carmen d’Edimbourg en 1977, immortalisée par le disque, mais encore plus frappante dans les enregistrements pirates (quel dernier acte, avec un Domingo déchirant et en fosse un Abbado de feu) : de quelle manière elle lançait à Don José :
Cette bague autrefois tu me l’avais donnée,
Tiens…
Elle lançait ce tiens de manière non sauvage, mais altière, décidée, méprisante… je ne cesse de l’avoir dans l’oreille. Tout le monde lyrique en fut secoué.

Avec Claudio Abbado

Sa Carmen est évidemment indissociable de Claudio Abbado (et non de Karajan comme je l’ai lu et entendu avec qui elle fut Cherubino en 1972 et 1973 à Salzbourg), tous deux renouvelèrent totalement la vision de l’œuvre. Sa Carmen tranchait sur les interprétations anciennes de la gitane à l’œil noir et à l’érotisme torride.
Elle était une Carmen – on l’a beaucoup dit- libre, mais pas seulement, elle était joyeuse, elle était incroyable force vitale. Claudio Abbado, chef d’opéra hors pair, savait l’accompagner, la soutenir : il l’avait dirigée dans Rossini (Il Barbiere di Siviglia et évidemment la Cenerentola dans les mises en scène de Ponnelle qui restent inégalées. Elle avait conscience que sa voix, qui n’était pas immense, exigeait un théâtre aux dimensions adéquates : le King’s Theatre d’Edimbourg avait un rapport scène-salle idéal parce que cette voix exigeait aussi un rapport de proximité, pour le personnage très neuf qu’elle créait. J’eus la chance de l’entendre à l’Opéra-Comique en 1980, sans Abbado (on connaît l’histoire de son refus de diriger l’orchestre de l’opéra), mais avec Domingo (et Vanzo), Ricciarelli, Raimondi : c’était un miracle, et c’était surtout la véritable création d’un personnage construit pour elle par le metteur en scène Piero Faggioni. On le comprit quand cette production fut reprise à la Scala, avec Abbado cette fois, mais avec Shirley Verrett dans un rapport un peu appauvri à la salle, qui n’avait rien à voir (même si Verrett était évidemment très grande) avec la performance de Berganza.
En réinventant Carmen, elle ouvrait évidemment la voie à un regard très différent sur l’œuvre que la mise en scène allait reconsidérer dans le futur.

En récital, elle savait installer une ambiance, une intimité presque familiale, qui frappait tant la diva, même quelquefois habillée de robes somptueuses, était peu Diva, mais toujours élégante, dans son paraître et son être. Et l’univers qu’elle créait semblait tellement évident, tellement naturel qu’on en oubliait presque tout le travail et l’intelligence qui était derrière…
Une immense chanteuse nous a quittés, il nous reste évidemment ses disques, où l’on pourra admirer sa technique, sa diction, la variété des couleurs qu’elle savait donner à tous les rôles qu’elle aborda, de Haendel à Ravel, mais il reste surtout cette éternelle fraîcheur, cette simplicité et ce sourire dont elle irradia le monde jusqu’à la fin.