IN MEMORIAM Massimo BOGIANCKINO: quelques mots pour l’évoquer

Massimo Bogianckino est mort, et Florence est triste, tant il a personnifié pendant des années cette ville, sa culture,et surtout son théâtre, le Teatro Comunale, qu’il a dirigé et qu’il a maintenu à un niveau international de tout premier ordre, en invitant Riccardo Muti qui y a fait ses plus belles créations (Le Nozze di Figaro, mise en scène de Vitez, Otello, mise en scène de Enrico Job avec la Scotto et un jeune Bruson phénoménal, mais aussi un ahurissant Trouvère, et tant d’autres Verdi). Ah! si Muti avait suivi par la suite ce sillon!  Massimo Bogianckino avait aussi été auparavant à la Scala, aux côtés de Paolo Grassi, et enfin il a été appelé après ses années florentines par Jack Lang à la direction de l’Opéra de Paris à la suite de la démission de Bernard Lefort et de l’intérim d’un an assuré par Paul Puaux et Alain Lombard. Que de manoeuvres dans le microcosme parisien pour l’empêcher de prendre ses fonctions, et que n’a-t-on pas dit: un italien à la tête de l’opéra! quelle horreur dans la ville où Cherubini avait été 40 ans directeur du conservatoire!! Jeune mélomane à l’époque, je me souviens de toute cette campagne délétère alors qu’il fallait se réjouir de sa venue.

Il avait assis sa programmation d’opéra en homme de culture qu’il était, en essayant de donner à ce théâtre une identité « historique » qu’il avait un peu perdue, partant du constat que les grandes créations avaient rarement lieu à l’Opéra, mais plutôt aux Italiens et à l’Opéra Comique, il avait cherché dans l’histoire de ce théâtre des moments qui avaient pu construire son identité, Il voulait donner une certaine idée du théâtre et il avait choisi lune voix originale, celle de l’Italie, mais celle d’une Italie francisée, ou d’une France italianisée… Certes, les années Liebermann avaient remis la maison sur pieds, avaient ramené le public par une politique d’assise du répertoire et de productions de très haute qualité et ainsi formé toute une génération de mélomanes fous dont je suis. mais le répertoire de Liebermann était celui qui convenait à une grande maison internationale, sans couleur particulière sinon celle de la qualité. Bogianckino a donc ouvert, en cohérence avec ses intentions, avec une magnifique production de Moïse, de Rossini mise en scène par Luca Ronconi et dirigée par Georges Prêtre, dont je crois ce fut le premier grand triomphe à l’Opéra depuis des années (sous Liebermann, il avait été hué violemment lorsqu’il avait dirigé Don Carlo). Prêtre, adoré en Italie n’était pas prophète en son pays. J’écoute souvent l’enregistrement radio et à l’écoute, cette production reste éblouissante (avec Shirley Verrett, avec Chris Merritt, avec Samuel Ramey, avec Cecilia Gasdia), bien supérieure à la production scaligère de Riccardo Muti, qui demanda à Ronconi de refaire sa mise en scène. Voilà la grande idée de Bogianckino pour Paris, on a ainsi vu (et plus jamais revu) Le siège de Corinthe de Rossini, le Don Carlos en français, pour la première fois, alternant avec la version italienne (la production, disons le, n’était pas des meilleures. On a vu aussi Jérusalem de Verdi (la version française de I Lombardi alla prima crociata). Il n’a pas toujours eu la main aussi heureuse qu’avec Moïse, et lui aussi s’en est allé avant terme pour devenir Maire de Florence. Paris a perdu beaucoup ces années là (Bogianckino bien sûr, mais aussi un peu plus tard Barenboim). C’était un être discret, très fin, très cultivé, un vrai prince. Il s’en est allé tout aussi discrètement, à 87 ans et je tenais à lui rendre hommage: la période Bogianckino à Paris fut courte, mais a apporté un répertoire qu’on n’a plus revu depuis, j’ai beaucoup appris et beaucoup écouté à l’époque. Merci à lui, et honte à ceux qui l’avaient accueilli d’une manière si scélérate.