“LA MAISON DE SONS DE PIERRE HENRY”: LE SUPERBE LIVRE DE GEIR EGIL BERGJORD, UN PHOTOGRAPHE VENU DU FROID (Fage Editions)

maison-des-sons.1288716503.jpgPierre Henry, qui a fêté il n’y pas si longtemps ses 80 ans, est connu comme compositeur, moins comme peintre. Or, dans la maison qu’il occupe, 32 rue de Toul dans le XIIème arrondissement, il a accumulé des tableaux qu’il appelle des peintures concrètes, faites de collage ou de compositions d’objets hétéroclites, ayant tous rapport au son, sorte de métaphore plastique de la musique qu’il a toujours défendue. Au mois d’octobre, il a d’ailleurs donné des concerts dans cette maison (comme il y a deux et trois ans dans le cadre de Paris Quartier d’Eté) dans laquelle le public était invité à circuler avant de s’installer qui en cuisine, qui dans le salon, qui dans une chambre, pour écouter un concert très particulier, dans une ambiance à la fois intime et étrange, dans un espace qui est un bric à brac, un capharnaüm ordonné selon les humeurs du jour, trace extraordinaire de la carrière, de la production, du cadre de vie de cet artiste hors norme, compagnon de Pierre Schaeffer, élève de Messiaen et de Nadia Boulanger qui a marqué les années cinquante, soixante et soixante dix de sa patte. rappelez-vous, Voyage, Symphonie pour un homme seul, Messe pour le temps présent.
Voulant laisser une trace de cette maison, qui est à la fois un espace fou, le cadre de tout une vie de production et de création, il songeait depuis longtemps à un livre qui témoignât de cet espace de vie si particulier qui risque de disparaître si la ville de Paris ne se décide pas à la protéger. Pierre Henry n’en est pas propriétaire en effet. Et une maison, une authentique petite maison en plein Paris par les temps qui courent, c’est une proie fort alléchante.

Et puis il ya eu une rencontre, à l’occasion d’un concert en Norvège, avec un photographe norvégien, Geir Egil Bergjord dont la méthode de travail et  les oeuvres lui ont plu. Sollicité d’abord pour un catalogue, ce projet est devenu une authentique collaboration artistique, un livre de photographies de très belle facture qui donne de cette étrange maison un reflet complet, en en percevant comme rarement on a pu le voir, à la fois le caractère, l’intimité, la chaleur, la folie, la diversité. Les photos traduisent exactement l’atmosphère de cet ilôt étrange au centre de Paris. Beaucoup d’objets, des vieux disques, des vieilles photos, un beau fauteuil violet (quelle photo magnifique) des livres, des bandes magnétiques à n’en plus finir, des espaces, salon, cuisine, cour, quelques regards furtifs dans la salle de bain, dans la chambre à coucher où Pierre Henry se repose, des objets en très gros plan, fils, prises, cables, disques, livres, puis des angles plus larges: le moindre recoin est exploré, voire sublimé. Ainsi de simple mémoire d’un espace , ce livre par le travail remarquable de Berjord est devenu un double témoignage artistique, car les photos aident merveilleusement à comprendre ce qu’est Pierre Henry et la nature de sa création, mais montrent aussi que Geir Egil Bergjord (on le voit en consultant son site www.bergjord.com ) est un merveilleux photographe de l’objet, qu’il saisit dans sa réalité pour en faire un en-soi, décontextualisé, presque surréaliste. Ainsi ce livre est-il une rencontre réelle entre deux artistes dont les univers se sont croisés et se sont compris, car Bergjord est aussi un merveilleux photographe du concret .

Ajoutons que l’ensemble est complété par un CD comprenant quatre pièces inédites de Pierre Henry (Capriccio, Phrases de Quatuor, Miroirs du temps et Envol)  et par quelques textes de Pierre Henry et de sa fidèle Isabelle Warnier, de Geir Egil Bergjord, mais aussi de François Weyergans et Yves Bigot, un peu académiques,  du regretté Maurice Fleuret (le meilleur texte, écrit il y a une quarantaine d’années) et du grand critique norvégien Tommy Olsson, qui signe un texte vivant, moderne, original.

Enfin soulignons que ce projet est un authentique projet européen, puisqu’il en existe aussi une version anglaise pour la Norvège notamment, parce que sans l’aide de la Norvège et de divers   sponsors publics norvégiens, il n’aurait pas vu le jour, ce qui est pain béni pour l’éditeur lyonnais Fage Editions. La presse française qui  a rendu compte du livre n’en a évidemment rien dit, et elle a peu dit de l’art de ce photographe qui fait toute la valeur du livre. Ethnocentrisme (délétère) quand tu nous tiens!!

Merci Pierre Henry pour sa vie au service de la création musicale,et pour avoir modelé cette maison à son image et merci à Geir Egil Bergjord d’avoir su la mettre en valeur, en faisant de ce livre un petit bijou. Merci au Fond d’action Sacem et à la Norvège d’avoir financé bonne part du projet.

La Maison de sons de Pierre Henry, Fage Editions
Prix éditeur : 35 euros – Nombre de pages : 218 pages     ISBN : 9782849752135

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