« Si elle écarte l’option d’une fusion entre les deux orchestres de Radio France — ainsi que celle d’une installation de l’Orchestre National de France au Théâtre des Champs-Elysées —, Fleur Pellerin prône leur « redimensionnement » et une « réforme de leurs modalités de travail ». Pour autant, elle n’accepte aucun « statu quo artistique et budgétaire ». En clair, Mathieu Gallet devra trouver une nouvelle ambition artistique pour ces formations qui permette de réduire, dans le même temps, la facture qu’ils représentent. »
Voilà ce qu’on lit sur Telerama.fr
Mathieu Gallet a déjà trouvé une nouvelle ambition artistique : faire jouer les orchestres dans le hall de Radio-France puisque vendredi soir encore, l’ONF sous la direction de son timbalier Didier Benetti (comme me l’a précisé un commentaire ci-dessous, que son auteur en soit remerciée) a présenté des extraits de la Passion selon Saint Jean de Jean-Sebastien Bach vu que le plan Vigipirate, concentré sur la Maison de la Radio, imposait l’annulation de la soirée, alors que la Philharmonie, elle, affichait dans la plus grande normalité la Messe en si et que le TCE affichait une autre Passion selon Saint Jean, sans doute tout aussi subversive par Philippe Herreveghe.
On se moque du monde, et l’humiliation et de l’orchestre (et du chef ) n’a de pendant que la médiocrité d’une direction incapable d’un minimum de sens commun. En quoi les concerts programmés représentaient-ils un danger potentiel, en quoi Gatti est-il susceptible d’agiter les terroristes : je pensais naïvement qu’il n’agitait que certains dignes-membres-de-la-critique-parisienne.
Cette décision honteuse montre à quel point on en est arrivé, et surtout en quel respect on tient public, musiciens, chef, et surtout la musique et la culture. Que certains dignes-membres-de-la-critique-parisienne publiquement en appellent à la fusion des orchestres, honte à eux, est proprement impensable : la mort d’un orchestre, c’est la mort d’une tradition, d’une histoire, d’un pan de la culture et d’un grand pan de la musique. C’est aussi traumatique que la mort d’un théâtre ou celle d’un journal. Ici cela ne semble traumatiser personne.
Je ne nie pas les problèmes, mais qui les a créés ? Pourquoi désormais le National et le Philharmonique ont la même mission et le même répertoire ? Pourquoi certains ont laissé entendre que l’un était meilleur que l’autre ? Pourquoi les mêmes en accusent le directeur musical du National ? Tout cela ne repose sur aucune donnée, sinon l’opinion et les clans. Et alors pourquoi les orchestres devraient-ils être victimes d’enjeux de clans, de coteries et d’opinions de gens qui pensent être la référence de la critique, quand ils n’expriment que leur opinion, étayée par la doxa du jour, au gré des modes et des postures.
Certes, on peut se demander pourquoi à Radio France une politique marketing aussi pauvre, pourquoi une politique de communication d’un autre âge, pourquoi pas de compte Twitter ou Facebook quand tous les orchestres similaires en ont un, et surtout toutes les stations de Radio France ?
Certes on peut se demander pourquoi une politique d’enregistrements aussi pauvre quand la Maison est pleine d’archives sonores non exploitées.
Certes on peut se demander aussi pourquoi aussi peu de tournées en France, pourquoi un seul concert par semaine alors que, je donne un seul exemple, faire un second concert hebdomadaire à Bobigny, Nanterre et Créteil en alternance porterait la musique là où elle ne va pas ou très peu, avec une régularité qui permettrait une vraie politique de diffusion.
Certes on peut enfin se demander quelle idée est sortie du management de Radio France depuis Koering, et encore plus, Pierre Vozlinsky.
C’est cette pauvreté-là que je déplore, qui aboutit à ce désastre, et les musiciens, comme le public, comme le contribuable, en sont les victimes.
Il est de bon ton d’accuser les musiciens et les chefs, mais c’est le champ managérial et les directions successives de Radio France qu’il faut accuser, qui au-delà de la nomination des directeurs musicaux (seul élément visible au niveau de la « com ») n’ont cure de la politique culturelle, de la programmation ou de l’éducation du public, alors qu’en ayant en main un outil comme une radio, ils ont plus que d’autres les moyens de réaliser quelque chose. Ils ont tout en main, mais il leur manque le courage de penser.
Au lieu de cela, on préfère les brimades minables, à l’image de l’esprit qui règne, comme cette annulation de vendredi.
La crise de la culture est là : des politiques qui sont de moins en moins cultivés : où sont les Pompidou, les Duhamel, les Lang ou les Mitterrand ? Des managers sans grandeur qui ne sont que des épiciers, voire, en l’occurrence, des bouchers. Et une presse souvent sans mémoire, et sans profondeur, qui vogue au gré des clans.
Triste période.
Tristes sires.
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Ca n’est pas D.Gatti qui dirigeait hier soir dans le hall de la maison de la radio,il avait trop peur d’écorner son « image ». Depuis le début du conflit,il n’a pas bougéle petit doigt pour l’onf, ne daignant même pas jeter un oeil – même condescendant- aux diverses actions menées par l’orchestre. C’est donc le formidable timbalier Didier Benetti qui a dirigé au pied levé hier soir. Qu’il en soit remercié.
OK, pan sur le bec, mais je n’ai vu que des photos, n’étant pas à Paris. Merci de la précision.
De deux choses l’une : les techniciens, réalisateurs ou musiciens metteurs en ondes sont en grève ? Alors l’ONF ne peut pas jouer. Le
Concert doit être annulé… C’est un orchestre de radio.
Vigipirate, impose que le concert public soit annulé ?, et effectivement, Radio France était ceinturée de forces de l’ordre, tandis que realisateurs, techniciens ou musiciens metteurs en ondes ne sont pas en grève ? Le concert est donné sans public, mais pour les
micros et diffusé ultérieurement….
Sinon : les orchestres de la radio n’ont pas vocation à voyager en France : les ondes les font voyager. Les regions ont des orchestres excellents. Et les villes de banlieue
que vous citez ont un orchestre fait pour elles : l’excellent Orchestre national
d’ile de France.
Certes, il y a l’orchestre d’Ile de France et les orchestres de radio diffusent par les ondes et ne font aucune tournée, il reste que les lignes peuvent bouger et que, de même qu’il arrive que l’orchestre d’île de France joue à Paris ce me semble, on pourrait imaginer que les orchestres de Radio France jouent en banlieue. Il n’y a pas tant d’irrigation musicale (du moins pour le classique) dans la banlieue pour empêcher de diversifier l’offre. Vous dites à juste titre qu’il y a des orchestres régionaux, mais cela n’empêcherait pas quelques tournées d’orchestres nationaux en région: il y a d’excellents orchestres régionaux (notamment de radio) en Allemagne, ce n’empêche pas les Berlinois de tourner régulièrement dans les Länder. Tout cela n’est qu’une question de cahier des charges et de volonté (ou non) de faire bouger les choses. Sinon, on laisse en l’état et les choses s’étioleront peu à peu. On vit sur les fondements du plan Landowski depuis 45 ans ou à peu près, et le paysage et social, et musical a beaucoup changé. Il serait peut-être temps de remettre à plat certaines organisations, certains cahiers des charges, et de ne pas commencer par la facilité d’une fusion ou d’un redimensionnement.
La comparaison avec la Philharmonle de Berlin ne tient pas. Elle n’est pas un orchestre de Radio. il faudrait comparer avec l’Orchestre de Paris qui lui pourrait être invité par des métropoles régionales qui enverraient leur orchestre à Paris, ce jour là. Mais ne négligez pas le cout exorbitant du déplacement d’un orchestre : voyages, hôtel, perdièmes… Ce n’est franchement pas très opportun : restent les festivals l’été : pourquoi se ruiner en régions quand rien n’est fait à Paris…
Je ne néglige pas les coûts, évidemment, mais ces choses-là, si elles font partie d’un cahier des charges, se négocient en amont et pas au coup par coup. Quant aux tournées, je vois cette année que l’Orchestre de la radio Bavaroise (qui comme son nom l’indique…) tourne certes beaucoup plus à l’étranger, mais qu’on le voit aussi à Hambourg et à Francfort, ce qui n’est pas la Bavière…et on le voit assez régulièrement à Berlin. Vérité au-delà du Rhin..?
Quant à tourner en Île de France, ce n’est pas marcher sur les platebandes de l’Orchestre d’Île de France que de programmer des concerts dans des lieux dont le public ne viendra jamais au TCE ou à l’auditorium de Radio France, il n’y a jamais trop de culture, ni de musique, et ce public à travers ses impôts paie aussi pour Radio France. C’est de ce principe qu’on doit partir, ensuite, les modalités évidemment se construisent, mais avouez tout de même que en être là en 2015, c’est un peu étrange: on parlait de décentralisation culturelle entre 1965 et 1970 je crois. Et je vous rappelle que Rolf Liebermann à propos des coûts qu’on lui reprochait (ce n’est pas neuf…) disait lui même que tout le budget de l’opéra, c’était moins que le coût d’un Mirage…Selon qu’on regarde d’un côté ou d’un autre, tout se relativise. Si on considère le coût exorbitant d’un orchestre, s’interroge-t-on sur le coût exorbitant d’une Tournée de Lady Gaga ou d’un championnat de formule 1? je crois plutôt qu’on se satisfait de la situation parce qu’on n’a pas vraiment envie d’élargir le public, et que l’on se dit que pour le public drainé, cela suffit bien.
Vos orchestres allemands de radios voyageurs ne s’inviteraient-ils pas mutuellement ? car les villes que vous citez ont des orchestres de radio réputés? Bien sur que cela peut se faire. Mais la situation allemande est différente, à moins qu’elle ait changé depuis que je vivais là bas : les radios FM des Land n’émettent pas au dela et il n’existe pas de chaine nationale : la loi fondamentale l’avait interdit après guerre et l’on comprend pourquoi. Ça a pu changer.
En France, la situation est différente. Encore une fois : ce n’est pas une nécessité ou une obligation que les orchestres visitent les régions d’autant qu’ils doivent être enregistrés, c’est une
obligation puisque la radio est leur raison d’être…. et qu’en ce cas, il faut descendre avec une équipe technique, faire au moins une répétition sur place, plus une générale… cout exorbitant pour une mission qui n’est pas celle d’une radio nationale.
La mission de la radio nationale est d’enregistrer les orchestres et opéras en Régions pour leur donner une audience nationale logique : l’argent public versé à ces institutions a ainsi un élargissement du public et permet de conserver une archive du travail fait localement. France Musique fait cela qui est l’une des missions capitales de Radio France. Bien plus que d’envoyer ses orchestres en régions, fut-elle parisienne..
Il y a un autre problème : faites tourner les orchestres parisiens en tournée en province et bien des villes diminueront d’autant leur implication dans la vie musicale locale…
Mais oui, mais j’tais ce soir au (superbe) concert de Gatti à Salzbourg. me voilà rentré et je la publie aussitôt
Vous ne publiez pas ma dernière réponse ?
Cher Wanderer,
Je vous ai rarement lu aussi virulent ! L’indignation est à la mesure de la déception et réciproquement … Je partage votre point de vue.
Je voudrais malheureusement rappeler à vos lecteurs que le problème des fusions d’orchestres touche aussi l’Allemagne. Le Landtag de Bade-Württemberg (majorité: Les Verts) a voté la fusion de deux orchestres que tout oppose : SWR Sinfonieorchester Baden-Baden Freiburg et Radio-Sinfonieorchester des SWR Stuttgart.
Il y a eu de très nombreuses manifestations de protestation, des pétitions, le club de foot avait même promis son aide. 168 chefs d’orchestre et 148 compositeurs ont envoyé des courriers. Rien n’y a fait.
Il ne faudrait pas croire que la vie musicale allemande est dynamique grâce à la classe politique. Elle l’est malgré cette classe politique (j’inclus également la Bavière) !
Je suis bien d’accord avec vous, et je rajoute que la situation des théâtres moyens et petits, si enviable il y a quelques années, devient de plus en plus difficile. Sur la SWR, je connais bien sûr le problème. Il reste qu’en Allemagne, le nombre d’institutions musicales est telle et le maillage territorial si serré que les choses apparaissent moins. Les classes politiques aujourd’hui ont tendance à gérer les choses sans stratégie, c’est la conséquence du consumérisme ambiant et du « tout tout de suite ». Mais la place de la musique est tout de même plus stable qu’en France (et en Italie d’ailleurs: les théâtres moyens et petits n’ont plus les moyens de fonctionner du tout, avec des conséquences fortes sur l’école de chant). Vous citez la Bavière, il y a deux orchestres importants à Munich, un orchestre à Bamberg, et deux opéras notables, à Nuremberg et Munich. Nous amis bavarois peuvent voir venir…
Ce qui m’indigne c’est qu’après ne jamais avoir posé la question de la politique et de la stratégie culturelle, on cherche des solutions comptables parce que la situation est tendue. Cela n’a jamais fait office de politique.