LUCERNE FESTIVAL 2012: ANDRIS NELSONS dirige le CITY OF BIRMINGHAM SYMPHONY ORCHESTRA le 3 septembre 2012 (MAHLER SYMPHONIE N°2 « Résurrection ») avec Mihoko FUJIMURA et Lucy CROWE

©Peter Fischli/Lucerne Festival

Quand les concerts se succèdent à un rythme serré, et après le sommet du 1er septembre avec le Concertgebouw, il est difficile de ne pas faire des comparaisons, voire, quand il s’agit de Mahler, des confrontations. Le son rond, massif, charnu du Concertgebouw était encore dans ma mémoire lorsque les premières mesures de la Symphonie n°2 de Mahler « Résurrection » sont montées dans l’auditorium de Lucerne, et le son généré par l’orchestre avait quelque chose de plus fade, plus rêche même, et il a fallu s’habituer. Le City of Birmingham Symphony Orchestra est un bon orchestre, qui a passé 18 ans sous la direction de Simon Rattle: il en a fait une phalange de référence au Royaume Uni, et aussi au niveau international. Il est donc légitime qu’il vienne souvent à Lucerne (tous les deux ans) sous la direction de son chef Andris Nelsons, qui on le sait est l’une des baguettes les plus riches d’avenir du paysage musical d’aujourd’hui. Il est tout aussi important qu’il se produise dans des œuvres de référence et spectaculaires, comme ce soir la Symphonie n°2 de Mahler et le 5 septembre la 9ème de Beethoven. Trois concerts se succèdent, deux avec l’excellent chœur de Birmingham (Simon Halsey, chef de choeur), le troisième strictement symphonique avec au programme Gubaidulina et Chostakovitch (la « Leningrad »).
Le concert Mahler s’est conclu avec un grand succès public pour le chef (standing ovation, habituelle désormais à Lucerne) et un enthousiasme communicatif.
Nelsons n’hésite pas à jouer la carte de la profondeur de champ ( certains cors et trompettes dissimulés derrière la salle, dans les espaces ménagés pour gérer l’acoustique), de l’image spectaculaire (mêmes pupitres sur la balustrade le l’orgue, pour l’image finale. C’est une démonstration de puissance, écrasante, d’un relief rare, et avec un parti pris peu intériorisé et de violents contrastes: on passe d’un fil sonore à peine audible à une explosion d’une force inouïe: là où Jansons contrôlait de manière serrée tous les fortissimi l’avant veille, Nelsons, libère les forces et les fait exploser en un feu d’artifice sonore, d’une grande clarté, avec des moments sublimes, des phrases musicales qu’on découvre, des soli très réussis (la flûte), des moments suspendus (Urlichtavec une Mihoko Fujimura remarquable et émouvante).

©Peter Fischli/Lucerne Festival

Incontestablement, Nelsons est un grand chef, qui s’impose comme l’une des figures les plus passionnantes et les plus stimulantes dans la jeune génération des chefs dont l’âge est compris entre 30 et 40 ans.
Mais on ne peut se départir d’une petite déception. Le résultat final n’est pas à la hauteur des exigences du chef: d’abord, le choix de Nelsons d’une interprétation très contrastée, très démonstrative qui exclut la sensibilité et la subtilité pour privilégier la monumentalité, pour privilégier une architecture massive et écrasante, aux dépens d’une certaine élégance. Ainsi des pizzicatis du 2ème mouvement, qui chez Abbado étaient des gouttes de ciel tombées sur l’orchestre, avec une légèreté incomparable, sont ici certes construits de manière assez contrastée, et techniquement au point mais manquent singulièrement d’expression . Ainsi de l’attaque initiale, franche, trop peut-être. C’était aussi une excellente idée que de poster des pupitres dans le lointain, invisibles à l’auditeur, mais très présents par le son; encore eût-il fallu qu’ils soient techniquement parfaits, car le cor s’est naufragé dans un aigu terriblement ingrat, suivi des trompettes qui n’étaient plus tout à fait justes: une série d’imprécisions qui évidemment ont nui fortement à l’effet voulu (ils se rattraperont au final, à vue).

©Peter Fischli/Lucerne Festival

J’ai dit combien Mihoko Fujimura avec sa voix profonde et bien posée, avait chanté un très bel Urlicht. Lucy Crowe, sa collègue ne réussit pas toujours malgré tout à se faire entendre clairement, et la voix, qui devrait d’abord se fondre dans le chœur, ne réussit pas vraiment à toujours émerger avec la netteté, et surtout la poésie et la légèreté voulues. Les solistes, de manière peu habituelle dans cette œuvre, sont au premier rang à côté du chef quand on les met habituellement au centre de l’orchestre. Sans doute Nelsons voulait imposer une présence forte des voix, au premier plan. Il eût fallu un soprano plus présent.
La présence démonstrative de Nelsons, son geste large, les mouvements du corps font spectacle, mais ne produisent pas dans l’orchestre de moments d’émotion réelle, même si certains moments sont réussis, voire originaux et neufs.

©Peter Fischli/Lucerne Festival

Ainsi passe-t-on de très beaux moments,  le premier mouvement est très impressionnant, prenant même, la suite ne réussit pas toujours à convaincre, malgré un beau mouvement final, notamment à cause d’un orchestre qui ne répond pas tout à fait aux exigences de l’interprétation et dont certains pupitres sont un peu en retrait (cuivres), on se délecte en revanche du son magnifique des altos et des violoncelles, et d’un chœur qui, quant à lui est remarquable, disposé en manière un peu surprenante, femmes sur le côté, hommes au centre. Il reste qu’une Symphonie « Résurrection » est toujours un vrai moment de bonheur, surtout avec un chef qui propose une vraie direction, même si on peut ne pas la partager tout à fait. A ce ciel de Zeus/Christ Pantocrator qui nous écrase, je préfère les Transfigurations raphaéliennes d’Abbado ou les couleurs à la Michel Ange de Jansons.[wpsr_facebook]

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