Il FAUT aller à Lucerne. C’est vraiment aujourd’hui en Europe le Festival le plus complet en matière musicale. J’en ai déjà parlé à propos des concerts de Claudio Abbado en 2009, raison de plus pour 2010 puisque Abbado dirigera le Lucerne Festival Orchestra dans Fidelio (Stemme/Kaufmann), les 12 et 15 août, et la 9ème de Mahler, tant attendue, les 20 et 21 août. Mais Abbado n’est pas la seule raison de rendre une visite à Lucerne, puisqu’on pourra y entendre le Concertgebouw, les Berliner Philharmoniker, le San Francisco Symphony Orchestra, le Cleveland Orchestra, le Gewandhaus de Leipzig et bien d’autres encore. L’orchestre des jeunes du Festival (la Lucerne Festival Academy) sera dirigé comme chaque année par Pierre Boulez qui anime l’académie et les deux artistes étoiles seront cette année Hélène Grimaud et Esa Pekka Salonen. Ce dernier proposera le 10 septembre (avec son orchestre le Philharmonia) le fameux Tristan und Isolde, mis en scène par Peter Sellars avec les vidéos de Bill Viola, que les parisiens purent voir à l’Opéra Bastille; cette production fut conçue pour l’auditorium Dysney de Los Angeles, elle devrait s’adapter à l’espace conçu par Jean Nouvel.
Lucerne est à 90 km de la frontière française à Bâle, et à trois heures de Genève environ. Le voyage vaut le coup, croyez-moi: la région est splendide et même en Suisse on peut trouver en s’y prenant assez tôt des logements pas trop chers, et les hôtels pullulent au bord du lac des Quatre Cantons. Lucerne a en outre un Musée des Transports très important, et une collection de peinture avec des pièces maîtresses du XXème siècle, la collection Rosengart et bien sûr Tribschen où Wagner résida. En plus, cerise sur le gâteau, le Palais des Congrès où se déroule le festival, est l’un des bâtiments les plus réussis de Jean Nouvel, un authentique chef d’oeuvre de l’architecture contemporaine.
Certes, on le sait, la Suisse reste un pays cher (un peu moins depuis l’Euro), et les billets du festival ne sont pas donnés (prix maximum autour de 200-220 Euros), mais en s’y prenant à temps, on peut aussi trouver de bonnes places Galerie IV autour de 30-35 Euros. Il n’est d’ailleurs pas trop difficile d’avoir des places même vers mai juin (sauf évidemment pour les concerts les plus demandés). L’ambiance des soirées de concerts a beaucoup changé depuis 10 ans, le public qui était un peu froid il ya quelques années est devenu très enthousiaste, notamment avec Abbado (là c’est carrément du délire), et aussi Dudamel ou Jansons. Et l’ambiance générale du festival est plutôt bon enfant, et pas vraiment snob.
Pour connaître en détail le programme voici le lien:
http://www.lucernefestival.ch/en/festivals/lucerne_festival_summer_2010/
Mais le festival de Lucerne, c’est aussi en automne Lucerne Piano (du 23 au 29 novembre) et le festival de Pâques ( du 19 au 28 mars) avec cette année l’orchestre des jeunes du Vénézuéla et Abbado, Dudamel, et le jeune Diego Matheuz, mais aussi l’orchestre de la Radio Bavaroise (avec Haitink et Harding), le Concentus Musicus dirigé par Harnoncourt.
C’est (à peu près) seulement à Lucerne qu’on peut entendre le Lucerne Festival Orchestra(LFO), cet orchestre magique fondé par Abbado qui surprend à chaque fois par la perfection technique, l’engagement, la chaleur du son, la sympathie (orchestre rempli de jeunes, qui entretient avec le public un rapport affectif très fort). Dix jours (12 août-21 août) qui ouvrent chaque année le festival. Soyez sans illusion, cet orchestre n’est probablement pas près de visiter Paris, bien qu’il se soit déjà déplacé à Rome, Londres, Tokyo, New York, Pékin, et qu’il doive en septembre 2010 aller à Madrid. En fait rien que cet orchestre vaut le voyage à Lucerne. Les concerts Mahler-Abbado-LFO sont sans doute parmi les événements musicaux les plus marquants de cette décennie, absolument inoubliables (et incroyables), cette expérience vaut la peine d’être vécue, et comme dit Stendhal “c’est pour ces moments là qu’il vaut la peine de vivre” .
Certes, il y a d’autres Mecques musicales, Salzbourg par exemple, où l’on entend souvent quelques uns des mêmes orchestres, mais à Lucerne, les orchestres sont chez eux, puisque le Festival a été fondé pour la musique symphonique par Arturo Toscanini en 1938, après l’Anschluss; et de plus l’ambiance de Lucerne n’a rien, mais rien à voir avec celle, compassée de Salzbourg.
L’intendant Michael Haefliger (le fils de Ernst Haefliger) dirige ce festival en authentique manager culturel, c’est un musicien, un vrai mélomane, enthousiaste et discret, qui sait réunir d’incroyables plateaux pour notre bonheur, et qui investit toute son énergie pour faire construire dans les prochaines années (et ce n’est pas gagné) une salle modulable destinée au théâtre musical. C’est aussi cette modestie et cette compétence qui donnent une couleur toute particulière aux moments vécus à Lucerne.
Il y a très peu de visiteurs français, malgré le proche voisinage et la presse française ne rend pas régulièrement (c’est regrettable) compte des soirées de Lucerne, même si les concerts d’Abbado et du LFO ont quelquefois été commentés dans Le Monde, par exemple, ou quelquefois Le Figaro. Les germanophones liront avec profit les critiques de Peter Hagmann dans la NZZ (Neue Zürcher Zeitung), le journal de langue allemande aux pages culturelles de référence.
Voilà mon conseil de mélomane, j’espère bien vous avoir convaincus qu’un détour par Lucerne s’impose, vous ne le regretterez pas, et comme moi, vous y reviendrez chaque année.