METROPOLITAN OPERA NEW YORK 2013-2014: THE ENCHANTED ISLAND (Pasticcio baroque de Jeremy Sams) le 8 MARS 2014 à 12h (Dir.mus: Patrick SUMMERS Ms en scène: Phelim MC DERMOTT) avec Placido DOMINGO

Le monde de Neptune (Placido Domingo) © The Metropolitan Opera.
Le monde de Neptune (Placido Domingo) © The Metropolitan Opera.

Il n’y a guère qu’au MET où l’on puisse voir des spectacles presque impossibles à imaginer en Europe. Le MET programme peu ou pas d’opéra baroque qui en revanche fait partie de la normalité en Europe, même si Peter Gelb soutient qu’on peut en représenter dans cette salle immense de 4000 spectateurs. Et pour introduire ce répertoire inconnu ici, il a eu l’idée d’un pasticcio à la manière de ce qui se faisait au XVIIIème, c’est à dire d’un spectacle inventé pour mettre en valeur des grands airs (43 morceaux) du répertoire baroque (Haendel, Vivaldi, Campra, Rameau etc…) autour une trame qui pourrait être la quintessence de ce dont le spectateur rêve quand on lui parle de baroque : une histoire de magie (une île enchantée comme celle d’Alcina), un opéra à transformations, des plumes, des ors, une tempête, des vocalises étourdissantes et deux contre-ténors : voilà 3h20 d’un spectacle funnyssime.

Saluts, le 8 mars
Saluts, le 8 mars

Mais le clou est évidemment une distribution grandiose qui garantit la venue du public : Luca Pisaroni, Susan Graham, Danielle de Niese…et Placido Domingo. En même pas 24h, le ténor du jour, Jonas Kaufmann et la légende d’hier et d’aujourd’hui, Placido Domingo. C’est cela le MET, c’est aussi cela d’avoir le plus gros budget du monde…
Le résultat, un triomphe pour un spectacle qu’il faut accepter tel que, sans se poser de questions, sans vraiment s’interroger sur le sens de l’œuvre et surtout en se laissant aller au pur plaisir du kitsch, des effets, des sourires et surtout d’un chant qui est exceptionnel…

C’est le britannique Jeremy Sams qui a conçu le livret (en anglais) inspiré de Shakespeare, appuyé à la fois sur  La Tempête et sur Le Songe d’une nuit d’été : le duc de Milan Prospero (David Daniels, contreténor), s’est retrouvé après une tempête sur une île qu’il a prise à la magicienne Sycorax après avoir été son amant (Susan Graham).

Susan Graham (Sycorax) © Ken Howard/The Metropolitan Opera.
Susan Graham (Sycorax) © Ken Howard/The Metropolitan Opera.

Vieillissant, il veut garantir l’avenir à sa fille Miranda (Andriana Chuchman) et en même temps retourner dans sa patrie, et donc veut la marier au Prince Ferdinand (magnifique Anthony Roth Costanzo, contreténor), qui voyage avec le Roi de Naples sur un vaisseau, et demande à l’esprit Ariel (Danielle de Niese) de créer une tempête pour que le bateau s’échoue sur l’île et que Ferdinand par la vertu de philtres magiques tombe amoureux de Miranda.
Mais voilà : Ariel est maladroit et se trompe de bateau, lançant la tempête contre un esquif transportant deux couples en lune de miel, Helena et Demetrius (Janai Brugger et Andrew Stenson), Hermia et Lysander (Elisabeth DeShong et Nicholas Pallesen). De son côté la magicienne Sycorax envoie son fils Caliban (Luca Pisaroni) mettre un peu de confusion dans tout ce qui se trame et changer les formules des philtres (échangeant du sang de dragon contre du sang de lézard). Le résultat : un joyeux désordre, on ne sait plus qui est amoureux de qui, et en tous cas jamais de la bonne personne ; il faudra l’intervention de Neptune (Placido Domingo) pour que tout rentre dans l’ordre et que Prospero rende l’île à Sycorax, Ariel à sa liberté et retourne à Milan : tout est bien qui finit bien.
Cette baroque fantasy qui dure quand même 3h20, est donc composée d’un tissu d’airs (voir la liste ci-dessous) dont les paroles ont été changées par Jeremy Sams et dont les auteurs ont pour nom Haendel, qui se taille la part du lion, mais aussi Rameau, Vivaldi, Campra, Leclair, Purcell, Rebel et Ferrandini.

Le dispositif © The Metropolitan Opera.
Le dispositif © The Metropolitan Opera.

Le spectacle a été confié à Phelim McDermott et Julian Crouch (qui signe aussi les décors) fondateurs de l’Improbable Theatre, un théâtre de fantaisie où se rencontrent marionnettes, improvisation, comédie et récit. On leur doit aussi le musical The Addams Family, créé à Chicago en 2009 et repris à Broadway en 2010. Ils ont réussi à alterner des visions très traditionnelles de la machine théâtrale (toiles peintes et effets mécaniques pour les bateaux, les tempêtes, l’apparition kitchissime de Neptune) et une utilisation d’une précision incroyable de la vidéo. Ils allient donc ce que l’illusion théâtrale d’hier et celle d’aujourd’hui font de mieux, en un mélange très fluide où l’on passe du trompe d’œil à l’illusion vidéo sans s’en rendre compte ou presque.

©The Metropolitan Opera.
©The Metropolitan Opera.

Ils réussissent aussi à garder une certaine distance, sans jamais verser dans la paillette, et produisant finalement un travail juste, divertissant, et servant le livret de Jeremy Sams et la musique. Du bon spectaculaire en somme.
Jeremy Sams, professionnel de l’écriture, de la musique, de l’orchestration du spectacle vivant a réussi à retravailler et les airs, et les rares récitatifs avec une telle habileté et une telle fluidité qu’on ne remarque pas la diversité de styles (Haendel, Vivaldi et Rameau, ce n’est pas tout à fait pareil) pour privilégier une sorte de vision unitaire, cohérente qui est une fête pour l’oreille et l’œil fait pour attirer vers le baroque un public a priori non encore acquis .
Lors de la première série en 2011-2012, c’était William Christie qui officiait dans la fosse ; c’est cette fois Patrick Summers qui reprend la production. Patrick Summers, directeur artistique du Houston Grand Opera et Principal Guest Conductor du San Francisco Opera est un bon routier, l’un des chefs qui a le plus riche répertoire aux USA. Il dirige cette « partition » avec un orchestre moderne, le menant avec une belle énergie, mais sans génie particulier sinon celui d’accompagner les chanteurs : ne pas chercher là une quelconque fidélité stylistique ou une couleur baroqueuse. Patrick Summers assure la soirée avec suffisamment de professionnalisme pour obtenir un beau succès au rideau final.
Pour cette reprise et selon la tradition, quelques airs ont été changés par rapport à la création, pour s’adapter mieux aux chanteurs, (Jeremy Sams disait qu’il fallait que les airs soient taillés sur mesure à la main pour les voix) ainsi l’air de Rameau que chantait Joyce Di Donato est remplacé par l’air  Sta nell’ircana  d’Alcina pour Susan Graham. Pour Neptune (Placido Domingo) : on est passé de Rameau à Haendel (Tamerlano) pour son air du second acte, tandis que la fameuse scène de Neptune au fond des eaux représentée sur toutes les photos conclut désormais le premier acte, tel un « showstopper » comme on dit sur Broadway …

Tempête...© Ken Howard/The Metropolitan Opera.
Tempête…© Ken Howard/The Metropolitan Opera.

Car l’avantage du pasticcio est une extrême élasticité du propos, une adaptation des airs aux voix (ou à l’état des voix) présentes sur le plateau. Ainsi donc voilà un spectacle qui fera peut-être fuir les puristes ou les ayatollahs, car il va contre les productions historiquement fidèles, les éditions complètes et archéologiques, les instruments anciens, mais qui devrait attirer un public plus bigarré, disponible, et aimant de belles voix et le pur divertissement.

La première série avait été un triomphe de public, cette reprise l’est un peu moins malgré l’énorme succès et bien que la salle soit plus remplie que pour Wozzeck
Pour qu’un tel spectacle fonctionne, au-delà de la mise en scène, il faut évidemment des voix qui puissent répondre aux exigences de cette permanente mise en exposition. Cela se veut une vitrine de ce que peut-être le baroque, il faut évidemment une vitrine scénique et une vraie vitrine vocale.
Hors Placido Domingo-Neptune, qui intervient plus comme Deus ex machina que protagoniste de l’action,

Prospero (David Daniels) © Ken Howard/The Metropolitan Opera.
Prospero (David Daniels) © Ken Howard/The Metropolitan Opera.

c’est Prospero (David Daniels) et Sycorax (Susan Graham) qui se partagent les principaux rôles. David Daniels, l’un des contreténors de référence aujourd’hui impose sa voix très affirmée, une voix qu’il arrive à voiler, à qui il donne une couleur vieillie (le personnage de Prospero monte toute cette affaire parce qu’il arrive à la vieillesse) réussie, mais il domine formidablement l’ensemble du plateau, avec un magnifique second acte, où on lui demande (ainsi qu’à Susan Graham) une plus grande intériorité et une expression plus profonde de la souffrance. Son air I try to shape my destiny – Chaos, confusion qui est en réalité Pena tiranna d’Amadigi di Gaula de Haendel est un des magnifiques moments de la soirée.

De même pour la Sycorax de Susan Graham, à la voix pleine et ronde, peut-être moins sûre aujourd’hui dans les agilités : son deuxième acte et notamment toute la partie finale où l’alternative est se venger (de Prospero) ou pardonner est cependant souverain, avec une belle  science du chant au service de la passion: j’ai beaucoup aimé The time has come. The time is now (en réalité : Morirò, ma vendicata de Teseo de Haendel).

 

Danielle de Niese (Ariel) © Ken Howard/The Metropolitan Opera.
Danielle de Niese (Ariel) © Ken Howard/The Metropolitan Opera.

Danielle de Niese compose un Ariel frais, plein de fantaisie, avec des agilités vocales étourdissantes : la mise en scène la sert, son arrivée au fond de l’eau chez Neptune, dans un scaphandre, est désopilante.

Luca Pisaroni (Caliban) © The Metropolitan Opera.
Luca Pisaroni (Caliban) © The Metropolitan Opera.

Quant à Luca Pisaroni, dans le rôle de Caliban, sous un masque, il est vraiment remarquable de sûreté vocale, de puissance et de présence : il est souvent plus émouvant que comique, dans un rôle qui est totalement caricatural, une très belle prestation qui dépasse celles dans lesquelles il excellait déjà (Leporello, dans la mise en scène de Haneke à Paris).

Il serait injuste d’oublier notamment la très fraîche Miranda de Andriana Chuchman, et dans les deux couples de jeunes mariés, surtout la magnifique Hermia d’Elisabeth DeShong, qui finira sans doute, si d’autres reprises de ce spectacle sont programmées, par s’emparer et triompher du rôle de Sycorax. Chez les hommes, le ténor délicat Andrew Stenson se fait remarquer dans Demetrius (agréable air d’entrée Oh, Helena, my Helen – You would have loved this island venu de Resurrezione de Haendel) mais une notation particulière pour le Ferdinand très fin, à la voix claire et pure, très contrôlée du jeune contreténor Anthony Roth Costanzo.

Placido Domingo (Neptune) © The Metropolitan Opera.
Placido Domingo (Neptune) © The Metropolitan Opera.

Reste Placido Domingo. Impossible à juger à l’aune des autres: il a derrière lui une telle carrière qu’il la porte toujours avec lui et que les spectateurs qui comme moi l’ont suivi depuis 40 ans (je le vis pour la première fois en 1974) ne peuvent le juger avec l’objectivité voulue. Il fait de Neptune un Dieu un peu farfelu, avec des attitudes qui provoquent les rires. Et il apparaît dans cette hallucinante scène au fond de l’eau, très attendue, avec sirènes, chœurs et conques, à la fois sommet d’un kitsch à la Disney, très bien fait sur la scène du MET qui en a vu d’autres en matière de divinités aquatiques (voir le début époustouflant du Rheingold de Lepage) . C’est la scène emblématique de la production et qu’on la voit partout représentée, elle est d’ailleurs quelque peu flashée par les spectateurs.
Un Domingo en majesté, entouré de chœurs et comme sorti d’une comédie musicale des années quarante.
Un Domingo qui chante deux airs toujours avec un peu de problèmes dans les graves, mais qui réussit à maintenir des agilités et surtout des aigus tenus, sûrs, qui mettent en valeur ce timbre encore chaleureux et qui garde sa pureté : la voix est là, la couleur est là, les jeunes qui l’entendent peuvent encore avoir une idée de qui il fut, par ce qu’il est encore. D’après ce que je sais, il a été quelque peu irrégulier lors de ces reprises, et la presse l’a un peu étrillé, mais le jour (il était midi) où je l’ai entendu, c’était vraiment encore étonnant.

J’ai passé un moment délicieux, je me suis laissé faire, totalement aspiré par cette production qu’un critique a comparé méchamment à un Mamma Mia baroque, pourquoi pas, si musicalement on ne se moque pas du monde et si on passe un bon moment ? On n’oserait pas penser un tel spectacle à Bastille (que ne dirait-on pas !), mais il ne déparerait pas, au contraire, au Châtelet d’aujourd’hui.
C’était mon plaisir de l’île enchantée.
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Placido Domingo, Susan graham, David Daniels le 8 mars 2014
Placido Domingo, Susan graham, David Daniels le 8 mars 2014

Les airs, tels qu’ils apparaissent dans le site du MET : http://www.metoperafamily.org/metopera/news/enchanted-island-music.aspx

Overture
George Frideric Handel: Alcina, HWV 34

Act I

1. “My Ariel” (Prospero, Ariel) – “Ah, if you would earn your freedom” (Prospero)
Antonio Vivaldi: Cessate, omai cessate, cantata, RV 684, “Ah, ch’infelice sempre”

2. “My master, generous master – I can conjure you fire” (Ariel)
Handel: Il trionfo del Tempo e del Disinganno, oratorio, HWV 46a, Part I, “Un pensiero nemico di pace”

3. “Then what I desire” (Prospero, Ariel)

4. “There are times when the dark side – Maybe soon, maybe now” (Sycorax, Caliban)
Handel: Teseo, HWV 9, Act V, Scene 1, “Morirò, ma vendicata”

5. “The blood of a dragon – Stolen by treachery” (Caliban)
Handel: La Resurrezione, oratorio, HWV 47, Part I, Scene 1, “O voi, dell’Erebo”

6. “Miranda! My Miranda!” (Prospero, Miranda) – “I have no words for this feeling” (Miranda)
Handel: Notte placida e cheta, cantata, HWV 142, “Che non si dà”

7. “My master’s books – Take salt and stones” (Ariel)
Based on Jean-Philippe Rameau: Les Fêtes d’Hébé, Deuxième entrée: La Musique, Scene 7, “Aimez, aimez d’une ardeur mutuelle”

8. Quartet: “Days of pleasure, nights of love” (Helena, Hermia, Demetrius, Lysander)
Handel: Semele, HWV 58, Act I, Scene 4, “Endless pleasure, endless love”

9. The Storm (chorus)
André Campra: Idoménée, Act II, Scene 1, “O Dieux! O justes Dieux!”

10. “I’ve done as you commanded” (Ariel, Prospero)
Handel: La Resurrezione, oratorio, HWV 47, “Di rabbia indarno freme”

11. “Oh, Helena, my Helen – You would have loved this island” (Demetrius)
Handel: La Resurrezione, oratorio, HWV 47, Part I, Scene 2, “Così la tortorella”

12. “Would that it could last forever – Wonderful, wonderful” (Miranda, Demetrius)
Handel: Ariodante, HWV 33, Act I, Scene 5, “Prendi, prendi”

13. “Why am I living?” (Helena)
Handel: Teseo, HWV 9, Act II, Scene 1, “Dolce riposo”
“With this, now I can start again – Once, once at my command” (Sycorax)
Jean-Marie Leclair: Scylla et Glaucus, Act IV, Scene 4, “Et toi, dont les embrasements… Noires divinités”

14. “Mother, why not? – Mother, my blood is freezing” (Caliban)
Vivaldi: Il Farnace, RV 711, Act II, Scene 5 & 6, “Gelido in ogni vena”

15. “Help me out of this nightmare” – Quintet: “Beautiful, wonderful” (Helena, Sycorax, Caliban, Miranda, Demetrius)
Handel: Ariodante, HWV 33, Act I, Scene 5, recitative preceding “Prendi, prendi”

16. “Welcome Ferdinand – All I’ve done is try to help you” (Prospero)
Vivaldi: Longe mala, umbrae, terrores, motet, RV 629, “Longe mala, umbrae, terrores”

17. “Curse you, Neptune” (Lysander)
Vivaldi: Griselda, RV 718, Act III, Scene 6, “Dopo un’orrida procella”

18. “Your bride, sir?” (Ariel, Lysander, Demetrius, Miranda) – Trio: “Away, away! You loathsome wretch, away!” (Miranda, Demetrius, Lysander)
Handel: Susanna, oratorio, HWV 66, Part II, “Away, ye tempt me both in vain”

19. “Two castaways – Arise! Arise, great Neptune” (Ariel)
Attr. Henry Purcell: The Tempest, or, The Enchanted Island, Z. 631, Act II, no. 3, “Arise, ye subterranean winds”

20. “This is convolvulus” (Helena, Caliban) – “If the air should hum with noises” (Caliban)
Handel: Deidamia, HWV 42, Act II, Scene 4, “Nel riposo e nel contento”

21. “Neptune the Great” (Chorus)
Handel: Four Coronation Anthems, HWV 258, “Zadok the Priest”

22. “Who dares to call me? – Gone forever” (Neptune, Ariel)
Based on Handel: Tamerlano, HWV 18, “Oh, per me lieto”
“I’d forgotten that I was Lord” (Neptune, Chorus)
Rameau: Hippolyte et Aricie, Act II, Scene 3, “Qu’a server mon courroux”

Act II

23. “My God, what’s this? – Where are you now?” (Hermia)
Handel: Hercules, oratorio, HWV 60, Act III, Scene 3, “Where shall I fly?”

24. “So sweet, talking together” –
Vivaldi: Argippo, RV 697, Act I, Scene 1, “Se lento ancora il fulmine”
“Now it’s returning” (Sycorax)
Handel: Alcina, HWV 34, Act III, Scene 1 – “Stà nell’Ircana”

25. “Have you seen a young lady?” (Demetrius, Helena, Caliban) – “A voice, a face, a figure half-remembered” (Helena)
Handel: Amadigi di Gaula, HWV 11, Act III, Scene 4, “Hanno penetrato i detti tuoi l’inferno”

26. “His name, she spoke his name – The rage” (Caliban)
Handel: Hercules, oratorio, HWV 60, Act III, Scene 2 “O Jove, what land is this? – I rage”

27. “I try to shape my destiny – Chaos, confusion” (Prospero)
Handel: Amadigi di Gaula, HWV 11, Act II, Scene 5, “Pena tiranna”

28. “Oh, my darling, my sister – Men are fickle” (Helena, Hermia)
Handel: Atalanta, HWV 35, Act II, Scene 3 – “Amarilli? – O dei!”

29. “I knew the spell” (Sycorax, Caliban) – “Hearts that love can all be broken” (Sycorax)
Giovanni Battista Ferrandini (attr. Handel): Il pianto di Maria, cantata, HWV 234, “Giunta l’ora fatal – Sventurati i miei sospiri”

30. “Such meager consolation – No, I’ll have no consolation” (Caliban)
Vivaldi: Bajazet, RV 703, Act III, Scene 7, “Verrò, crudel spietato”

31. Masque of the Wealth of all the World
a. Quartet: Caliban goes into his dream, “Wealth and love can be thine”
Rameau: Les Indes galantes, Act III, Scene 7, “Tendre amour”
b. Parade
Rameau: Les fêtes d’Hébé, Troisième entrée: Les Dances, Scene 7, Tambourin en rondeau
c. The Women and the Unicorn
Rameau: Les fêtes d’Hébé, Troisième entrée: Les Dances, Scene 7, Musette
d. The Animals
Jean-Féry Rebel: Les Éléments, Act I, Tambourins I & II
e. Chaos
Rameau: Platée, Act I, Scene 6, Orage
f. The Calm
Campra: Idoménée, Act II, Scene 1

32. “With no sail and no rudder – Gliding onwards” (Ferdinand)
Handel: Amadigi di Gaula, HWV 11, Act II, Scene 1, “Io ramingo – Sussurrate, onde vezzose”

33. Sextet: “Follow hither, thither, follow me” (Ariel, Miranda, Helena, Hermia, Demetrius, Lysander)
Handel: Il trionfo del Tempo e del Disinganno, oratorio, HWV 46a, Part II, Quartet: “Voglio tempo”

34. “Sleep now” (Ariel)
Vivaldi: Tito Manlio, RV 78, Act III, Scene 1, “Sonno, se pur sei sonno”

35. “Darling, it’s you at last” (Hermia, Lysander, Demetrius, Helena)
Vivaldi: La verità in cimento, RV 739, Act II, scene 9, “Anima mia, mio ben”

36. “The wat’ry God has heard the island’s pleas” (Chorus)
Handel: Susanna, oratorio, HWV 66, Part III, “Impartial Heav’n!”

37. “Sir, honored sir – I have dreamed you” (Ferdinand, Miranda)
Handel: Tanti strali al sen mi scocchi, cantata, HWV 197, “Ma se l’alma sempre geme”

38. “The time has come. The time is now” (“Maybe soon, maybe now,” reprise) (Sycorax)
Handel: Teseo, HWV 9, Act V, Scene 1, “Morirò, ma vendicata”

39. “Enough! How dare you?” (Prospero, Neptune) – “Tyrant! Merely a petty tyrant.” (Neptune)
Handel: Tamerlano, HWV 18, Act III, Scene 1, “Empio, per farti guerra”

40. “To stray is mortal” (Prospero, Caliban) – “Forgive me, please forgive me” (Prospero)
Handel: Partenope, HWV 27, Act III, Scene 4, “Ch’io parta?”

41. “We gods who watch the ways of man” (Neptune, Sycorax, Chorus)
Handel: L’allegro, il Penseroso, ed il Moderato, HWV 55, Part I, “Come, but keep thy wonted state – Join with thee”

42. “This my hope for the future” (Prospero) – “Can you feel the heavens are reeling” (Ariel)
Vivaldi: Griselda, RV 718, Act II, scene 2, “Agitata da due venti”

43. “Now a bright new day is dawning” (Ensemble)
Handel: Judas Maccabaeus, oratorio, HWV 63, Part III, “Hallelujah”

 

 

OPERA NATIONAL DE PARIS 2010-2011: LE NOZZE DI FIGARO de W.A.MOZART le 21 novembre 2010 (Ms en scène Giorgio STREHLER)

dessin-frigerio.1290381217.jpgDessin de Ezio Frigerio

Peu importe si Nicolas Joel a voulu faire la nique à Gérard Mortier en reproposant la production des Nozze di Figaro que son prédécesseur avait annulée des tablettes de l’opéra dès son arrivée en 2003 (le programme souligne que les décors avaient été détruits après la dernière reprise parisienne de 2003). Gérard Mortier avait en 2006 affiché la production salzbourgeoise de Christoph Marthaler, sorte de folle journée vraiment folle, qui avait horrifié un certain nombre de mélomanes, et qui convenait bien à un Festival, peut-être moins à une maison d’opéra.

Nicolas Joel a repris la production vieille de 37 ans (avril 1973). Une production qui a d’ailleurs connu bien des vicissitudes: les décors originaux de1973 faits pour Garnier, avaient été refaits à l’ouverture de Bastille, plus clairs, plus Louis XVI que Louis XV, ce sont ces décors que Mortier fit détruire en 2003. Les décors de la  production d’aujourd’hui sont ceux de la Scala de Milan qui remontent à 1981 (pour l’ouverture de la saison offerte à Riccardo Muti pour la première fois à la Scala par Claudio Abbado alors encore directeur musical) et ils ont été l’objet d’une restauration. De même les costumes de la création de Paris ont été soit refaits soit restaurés, et on a fait appel aux membres de l’équipe d’origine encore vivants (Humbert Camerlo, Maryse Flach, Ezio Frigerio) pour cette reprise hautement symbolique.
Nicolas Joel a eu raison: cette production est emblématique de l’opéra de Paris, puisqu’elle ouvrit une nouvelle ère, celle de Liebermann, célébré cette année par une exposition à partir de décembre prochain, ère dans le sillon de laquelle l’Opéra de Paris vit encore (rappelons que Hugues Gall et Gérard Mortier furent ses collaborateurs, puis héritiers spirituels).
Hugues Gall avait d’ailleurs avec ces Nozze di Figaro conservé aussi la fameuse production du Faust de Jorge Lavelli, grand scandale en son temps (1975). Voilà, avec les Contes d’Hofmann  et la Lulu de Chéreau, les productions phares d’une période devenue mythique.

figaro-1-la-scala.1290381231.jpgPhoto Marco Brescia, teatro alla Scala

Une maison d’Opéra doit s’appuyer sur des jalons de son histoire, et en l’absence de grandes créations historiques à Garnier (le Saint François d’Assise de Messiaen excepté, car les grandes oeuvres furent souvent créées à l’Opéra Comique, comme Carmen ou Pelléas), il est bon de garder en répertoire des productions aussi emblématiques que ces Nozze di Figaro, qui ont accompagné l’histoire de l’Opéra de Paris pendant près de 40 ans et qui sont un des plus grands spectacles de l’histoire de la mise en scène.

Liebermann avait d’ailleurs on s’en souvient, quitté l’Opéra en 1980 en reproposant en guise d’adieux Le Nozze di Figaro dans la (quasi, à Freni et Krause près) même distribution qu’en 1973, avec Solti au pupitre. Compulser les différentes distributions qui ont jalonné ces 37 ans laisse un peu rêveur. Et moi même j’ai dû voir une cinquantaine de représentations dans cette mise en scène, notamment au temps de Liebermann.
590736_les-noces-de-figaro-le-nozze-di-figaro-saison-2002-2003.1290381190.jpgPhoto Opéra de Paris Saison 2002-2003

Exercice nostalgique ? Pas vraiment, tant comme on dit, ce travail “n’a pas pris une ride”. Comme souvent pour les très grandes mises en scènes, elles sont en réalité une oeuvre d’art de référence, là où le spectacle vivant est inscrit dans l’éphémère, elles s’inscrivent dans une durée qui transcende les publics et les époques. On l’entend aux réactions du public, qui participe pleinement, et on le touche de manière palpable tant éclairages, couleurs, mouvements réveillent les émotions: c’est bien le cas en ce final du deuxième acte avec d’un côté les personnages “colorés” et de l’autre les trois personnages en noir, ou au final du troisième lorsque les paysans dansent une sorte de carmagnole prérévolutionnaire. et enfin le merveilleux quatrième acte, construit avec une rigueur exemplaire, d’une clarté scénique cristalline, et un jeu d’ombres d’une infinie poésie. Le génie de Strehler a été de créer une ambiance automnale, fin de règne, en cohérence avec Beaumarchais quand Da Ponte avait un peu édulcoré le texte du livret pour le faire accepter de Joseph II, et en même temps d’une grande mélancolie, notamment  par rapport au personnage de la Comtesse.

Il faut reconnaître que revoir cette production, c’est faire renaître les images et les souvenirs qui se bousculent: inoubliable Gabriel Bacquier dans le Comte, comme il s’est fait regretter ce soir, inoubliable comtesse de Margaret Price, inoubliables Chérubin de Teresa Berganza ou de Frederica Von Stade, inoubliable José Van Dam en Figaro, et inoubliable Solti, fait de finesse, d’énergie, de tension, de rythme, avec un orchestre étincelant. Face à ces souvenirs grandioses, forcément évoqués, invoqués, convoqués, la représentation du 21 novembre fut honorable, mais ne restera pas dans les annales.

Cette représentation est une très honnête reprise, et tient essentiellement par la mise en scène, qui reste impressionnante. La distribution est  de bon niveau international, solide, mais sans vraie révélation. La Comtesse de Barbara Frittoli est très correcte, mais cela reste bien plat, comme toujours chez cette chanteuse un peu froide, un peu distante, avec des défauts vocaux plus appuyés (le vibrato) et un manque de travail d’expression sur un texte qu’on ne comprend pas toujours, sans  véritable effort d’interprétation. Le Comte de Dalibor Jenis manque de maturité et de profondeur, il est plus pantin que grand seigneur: peu d’élégance dans le geste et les attitudes. La voix manque de puissance et de projection, ne s’entend pas dans les ensembles, et reste souvent couverte par l’orchestre. La Marcellina d’Ann Murray nous donne l’occasion de revoir et réentendre cette belle artiste qui nous enchanta dans Lucio Silla (de Chéreau à la Scala) ou même Elvira de Don Giovanni (avec Muti en 1987 à la Scala). La voix a des stridences, mais les récitatifs ont vraiment dits de manière subtile et on aurait aimé l’entendre dans “Il capro e la capretta”, coupé malheureusement à la représentation tout comme l’air de Basilio. Autres vétérans, Robin Leggate, encore un très bon Basilio, et Robert Lloyd, qui fut une grande basse et dont la voix n’est plus qu’une ombre.
Karine Deshayes (Cherubino) a un jeu frais, engagé, et une voix solide, mais n’entre pas dans la poésie extraordinaire du personnage, elle joue, mais n’interprète pas: un peu le même défaut que Barbara Frittoli, aucun frémissement, peu de sensibilité, et une voix un peu monolithique (aux beaux aigus cependant).
Saluons enfin la jolie Barbarina de la jeune Maria-Virginia Savastano qui donne un vrai moment de fraîcheur (notons que son fameux air du 4ème acte se passait dans la mise en scène originale devant un mur gris qui s’ouvrait ensuite sur le jardin et ses ombres, et que le mur a disparu aujourd’hui…)

Reste le couple Suzanne/Figaro, sans doute les deux chanteurs les meilleurs de la distribution, bien que Ekaterina Siurina ait une voix un peu légère pour mon goût, la couleur est jolie et la poésie présente, notamment au quatrième acte, dans le “deh vieni non tardar”. Luca Pisaroni, qu’on avait vu dans d’autres rôles mozartiens (Leporello) est un Figaro solide, parfaitement à l’aise dans le personnage, et qui a la voix exacte du rôle. Une très belle prestation.

Le chef Philippe Jordan est moins inventif et plus “classique” que son père. Son approche est solide, l’orchestre est très au point (au temps de Liebermann, une fois sur deux, le cor final de l’air de Figaro “aprite un po’ quelgl’occhi”  du quatrième acte tombait en rase campagne!), mais il manque un peu de légèreté, il manque quelquefois non l’énergie, mais la pulsion intérieure. C’est au point, c’est souvent juste, ce n’est jamais émouvant et c’est dommage.

Au total, nostalgie aidant, souvenirs aidant, Mozart aidant, j’ai passé un très bon moment, mais un moment seulement. Cette représentation n’a pas fait bouger mes lignes, même si elle les a agrémentées.

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