IN MEMORIAM : HILDEGARD BEHRENS

Il y a quelques semaines que je médite d’écrire quelques mots sur Hildegard Behrens, disparue le 18 août dernier à Tokyo avant un concert, à 72 ans. Je l’ai vue pour la dernière fois à Salzbourg, dans une Elektra de Strauss avec Maazel où elle était encore convaincante huit ans après celle de Paris.

Hildegard Behrens, c’est d’abord pour moi deux visions, celle, sublime, d’une Salomé inoubliable avec Karajan, et celle terriblement émouvante dans sa robe rouge, de Senta dans un Vaisseau Fantôme à Garnier aux temps de Bernard Lefort . Elle tirait les larmes. Elle était enceinte, et cela ne gênait pas plus que ne gênait le même état chez Netrebko à Bastille dans Giulietta de Capuleti e Montecchi.

Hildegard Behrens, je l’ai aussi entendue dans Tosca à Garnier, un soir où Pavarotti fit craquer une chaise sous lui, dans Marie de Wozzeck avec Abbado à Vienne, dans l’impératrice de Frau ohne Schatten à Garnier encore avec Von Dohnanyi (quel souvenir!), dans Isolde, bien sûr, à Vienne encore, dans une mise en scène qui s’effilochait par la vieillesse, avec Theo Adam dans un de ses derniers Marke en 1991 et Peter Schneider au pupitre, dans Brünnhilde, à Bayreuth, une seule fois avec Solti, plus souvent avec Peter Schneider, dans Fidelio aux côtés de Jon Vickers à Paris, de James Mac Cracken à Tanglewood avec Ozawa. Oui j’ai eu la chance de l’entendre dans de très nombreux rôles. Elle avait cette qualité rare qu’on appelle la présence, un visage émacié authentiquement tragique, une expression naturellement émouvante, un sourire franc avec une pointe de tristesse dans les yeux. Elle faisait sur scène les gestes essentiels, les mouvements nécessaires, sans jamais en faire trop, toujours juste. Elle possédait une voix qui semblait toujours au bord de la rupture, qui semblait toujours à l’extrême de ses possibilités, et qui pourtant avait toujours des réserves. Behrens, c’était en permanence la fausse fragilité. Il fallait l’entendre dans Brünnhilde finir le Crépuscule en ce monologue toujours trop bref tellement elle emportait par l’émotion. Elle savait moduler son volume, elle savait murmurer! J’ai encore dans l’oreille, à la générale du Crépuscule de 1983 à Bayreuth, avec Solti, ses premières paroles de la scène finale, une sorte de monologue intérieur proprement inoubliable. Cette voix avait quelque chose de très particulier, à l’opposé d’une Nilsson qui époustouflait par sa puissance presque surhumaine, la voix de Behrens prenait l’auditeur, séduit par une couleur proprement « humaine », si « humaine » qu’elle bouleversait, quel que soit le rôle abordé (C’est l’Isolde de Bernstein, et ce n’est certes pas un hasard…). Elle est de ces artistes qui ont accompagné ma vie de mélomane, et que j’ai toujours dans l’oreille, écho toujours présent aujourd’hui, elle est de celles qui font pleurer, sans savoir pourquoi.

2 réflexions sur « IN MEMORIAM : HILDEGARD BEHRENS »

  1. Bonjour,
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  2. Bel hommage en effet, rendu à cette exceptionnelle artiste. N’oublions pas non plus de signaler sa participation au trop rare Guercoeur d’Albéric Magnard, dirigé par Plasson, opéra allégorique fleurant bon les idéaux de la 3e République, que l’on regrette de ne pas entendre suffisamment. La grande Hildegard y est aussi géniale.

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