Pour célébrer Verdi, le Grand Théâtre de Genève affiche La Traviata avec trois Violetta, deux Alfredo et deux Germont, pour permettre des représentations plus nombreuses au calendrier plus serré. La production de David Mc Vicar, metteur en scène apprécié des scènes lyriques, est coproduite par le Liceu de Barcelone, le Scottish Opera et le Welsh National Opera. David Mc Vicar n’est pas venu la régler, et c’est Bruno Ravella qui l’a réalisée. Afficher Traviata, c’est s’assurer au moins l’affluence du public, tant l’œuvre est populaire. Il y a de plus sur le marché des Violetta et des Alfredo suffisamment nombreux pour être assuré d’une représentation au moins passable, le risque n’est donc pas si grand. Si l’on essaie cependant de se demander quelles sont les conditions d’une grande Traviata, alors c’est différent, car réunir les trois pieds du trépied lyrique, chant, orchestre, mise en scène, est une entreprise délicate pour une œuvre si marquée par les gloires du passé, à commencer par Maria Callas, dans toutes les mémoires et les discothèques, qui l’a chantée un peu partout, et pour laquelle on a de nombreux enregistrements audio. Toutes les grandes des soixante dernières années ont abordé le rôle, Sutherland, Scotto, Caballé, et même la jeune Freni à la Scala. Plus récemment, Stratas, Cotrubas, Gruberova, Studer, et encore plus récemment Dessay, Harteros, Netrebko, Gheorghiu et bien d’autres. En plus des deux jeunes soprano affichées, Maria Alejandres et Agneta Eichenholz, c’est une Traviata star que Genève a invitée pour deux représentations, Patrizia Ciofi, qui a triomphé dans le rôle (on l’a vue récemment à Orange) un peu partout.
Sur scène, j’ai vu notamment Teresa Stratas, personnage bouleversant, mais voix à la limite, Ileana Cotrubas, un petit oiseau victime du destin, elle aussi bouleversante, Anna Netrebko dans ses années glamour, Natalie Dessay, bête de scène, dans la très intelligente mise en scène de Jean-François Sivadier, au chant problématique, Tiziana Fabbricini, au chant habité, mais à la technique discutable, qu’on a enterrée très vite, alors que ce fut une Traviata d’une grande justesse. Rappelons à ce propos que Riccardo Muti à la Scala a osé Traviata dans un théâtre où l’ombre de Callas bloquait les programmateurs, il a donc choisi de faire en 1990 une Traviata de jeunes, Tiziana Fabbricini, Roberto Alagna. Dans une époque formatée par le chant baroque et dans une moindre mesure rossinien, qui aime les voix techniques, propres, qui aime l’émotion née de la forme et non des tripes, une voix comme celle de la Fabbricini, aux défauts marqués, aux solutions techniques hardies et peu orthodoxes, toujours à la limite du problème d’intonation mais toujours juste dans l’émotion, incroyablement habitée (sur scène) ne pouvait pas conquérir le public sur la durée. C’est pour moi regrettable, il faut aussi des voix qui osent, et pas seulement des voix conformes. Pour ma part, j’ai de la tendresse pour elle, et je regrette une carrière trop vite interrompue: elle chante encore dans de petits théâtres italiens: dans un monde lyrique où chantent les Oksana Dyka et autres voix insanes et inutiles, elle a encore sa place.
Pour ma part, deux expériences assez récentes ont emporté mes suffrages, celle de la production intelligente de Christoph Marthaler (certains vont me vouer aux Gémonies) au Palais Garnier, qui fait de Traviata l’histoire du dernier amour d’Edith Piaf (avec Theo Sarapo), avec une Christine Schäfer que les puristes critiqueront, qui était d’une justesse et d’une émotion incroyables, aux côtés d’un Jonas Kaufmann magnifiquement dirigé et lui aussi à sa place scéniquement, sinon vocalement (la couleur…) et puis une représentation de répertoire à Berlin avec Anja Harteros, qui est pour moi vocalement la plus grande Traviata d’aujourd’hui: intensité, intelligence, couleur, technique, tout y était, avec physiquement une étrange ressemblance avec Maria Callas, dont elle jouait habilement.
Il faut pour Traviata une voix à la fois triomphante, qui ait les aigus et suraigus et les agilités pour le premier acte, un centre large de lirico spinto pour l’intensité du “Amami Alfredo” du second acte, une capacité à contrôler et à chanter piano et pianissimo au troisième. Bref, c’est souvent la quadrature du cercle, on a rarement les trois à la fois, et bien des chanteuses ne lancent pas le mi-bémol final du premier acte ou n’arrivent pas à retenir le volume de l'”Addio del passato” du troisième acte.
Lors des semaines qui précédèrent la Traviata de la Scala en 1990, qui agita le petit monde des lyricomaniaques, tous convenaient qu’un des indices essentiels d’une Traviata réussie est le fameux “amami Alfredo” dont il était question plus haut. Précédant le départ de Violetta et après la terrible scène avec Germont, il est le centre du tableau, une sorte de climax. Il nécessite volume, expressivité, tension de la part du soprano, mais surtout efficacité à l’orchestre dans l’accompagnement, c’est le lien orchestre/voix qui ici plus qu’ailleurs doit conduire à la réussite émotive de ce moment. Ou bien mes attentes sont trop grandes, ou bien je n’ai jamais eu de chance, mais je n’ai jamais entendu un “Amami Alfredo” qui me fasse trembler d’émotion… si, une fois, Fabbricini, seule avec piano (et donc sans orchestre…).
La représentation de Genève n’a pas échappé à ce destin: ni Ciofi, ni l’orchestre n’étaient au rendez-vous de l’émotion ni du transport. C’était du travail propre, sans plus. C’est d’ailleurs l’impression générale d’une représentation qui ne sera pas à inscrire dans les annales des Traviata, pour au moins deux raisons que je vais essayer de clarifier, la personnalité scénique et vocale de Patrizia Ciofi, et la direction musicale de Baldo Podic.
Tobias Richter fait appel à des chefs qui ont travaillé avec lui lorsqu’il était à Düsseldorf (plus tard dans la saison par exemple Alexander Joel sera au pupitre de Madama Butterfly). Je l’ai écrit par ailleurs, dans la géographie lyrique de la Suisse, Zürich et le théâtre de tradition germanique et Genève celui de tradition plutôt méditerranéenne. Pour ces opéras italiens, pourquoi ne pas faire appel à la génération de jeunes chefs italiens remarqués comme Gaetano d’Espinosa, Daniele Rustioni ou Andrea Battistoni? Ou même Gianandrea Noseda, de la voisine Turin? Le chef croate Baldo Podic dirige avec précision mais sans legato, sans vrai lyrisme, avec un tempo lent qui épuise les chanteurs et notamment le ténor qui s’époumone et en perd le souffle dans “De’ miei bollenti spiriti” et surtout dans la cabalette “O mio rimorso o infamia” (quelquefois coupée). Ce tempo lent, sans vraie dynamique plombe le début de l’œuvre. Et de longues phrases musicales apparaissent isolées, sans vrai discours, sans allant. Veut-il accentuer l’aspect “cérémonie funèbre” voulue par le metteur en scène. Il reste que ce parti-pris crée l’ennui, notamment dans le second acte, quelquefois un vrai trou noir.
Évidemment, au troisième acte, cela convient mieux et il n’est pas étonnant qu’il soit le plus réussi dans l’économie générale. Combien on remarque une fois de plus que le choix musical du chef est déterminant pour le comportement du plateau: on peut avoir ce type de parti pris, mais alors, il faut ciseler le propos, il faut du relief, il faut des instruments impeccables: ce n’est pas toujours le cas. Il faut du feu pour Traviata, on a ici de la lave refroidie, et solidifiée.
Patrizia Ciofi promène sa Traviata de théâtre en théâtre, cette artiste sympathique par ailleurs a toujours eu depuis ses débuts (et je l’ai vue en tant que jury de concours de chant au tout début de sa carrière) le même défaut, celui de chanter avec une jolie technique mais avec toujours la même expression frappée de tristesse et de mélancolie, quel que soit l’air chanté. Et si l’expression mélancolique dans Traviata convient, il faudrait que le chant arrive en écho, ce qui n’est pas le cas: l’expressivité est souvent absente, et je trouve que son chant, de manière surprenante pour une artiste aussi solide, n’est pas toujours très engagé . On n’est pas saisi par l’émotion de cette vie dévorée, et la musique de Verdi ne s’enrichit pas d’une interprétation incandescente, mais au contraire assez sage. De plus, le début du premier acte a très mal commencé, problèmes de justesse, instabilité dans les graves. La voix se réchauffe vite et les aigus passent, et même le mi-bémol de la fin du premier acte sur le fil. Quant à l'”addio del passato” assez réussi, il n’offre pas d’aspérité et m’est apparu solide mais sans véritable modulation, peu de chant piano ou pianissimo, mais soyons honnêtes: c’est l’un des meilleurs moments de la soirée.
Le jeune Leonardo Capalbo, issu de l’école anglo-saxonne malgré son nom aux consonances péninsulaires, a des difficultés avec l’aigu quelquefois, mais un joli timbre, une voix agréable, et un certain engagement. La diction est bonne, l’émission correcte, mais là aussi, il manque de couleur et chante toujours de la même manière avec des sons un peu fixes. Peu aidé par le chef, il s’épuise. Mais scéniquement il est très crédible (la mise en scène offre ses fesses à la vue d’un public qui glousse d’aise), notamment au troisième acte lui aussi, mais moins au deuxième acte. Loin d’être scandaleux, il n’a pas la lumière solaire que diffusait le jeune Alagna à la Scala en 1990, il reste encore un peu appliqué, mais il faudra le réécouter.
Tassis Christoyannis, comme d’habitude, est techniquement très au point, la voix est bien posée et c’est lui qui est le plus convaincant au niveau du chant: diction exemplaire, projection, timbre assez clair et charnu. Ce n’est pas toujours un interprète engagé cependant, d’autant que la mise en scène lui impose d’être toujours en retrait, froid, raide, regardant sa montre et vaguement absent, malgré les paroles qu’il prononce.
Les autres interprètes sont bien à leur place et le chœur de Genève dirigé par Ching-Lien Wu est comme d’habitude excellent.
La mise en scène de David Mc Vicar excitait la curiosité, vu la renommé actuelle de ce metteur en scène et ses récentes réussites (le Ring de Strasbourg). J’ai lu que ce travail genevois était décoratif, c’est à dire inutile. Je ne suis pas tout à fait d’accord: certes, la mise en scène ne dérange pas, et s’adresse au public visé par Traviata, celui de la bourgeoisie assise et triomphante qu’on va affoler une seconde par la paire de fesses de Leonardo Capalbo (pour un public qui a vu le Tannhäuser de Py avec son étalon nu en majesté sur scène, on tombe de plusieurs degrés!).
Toutefois, le travail est plus fin qu’il n’y paraît: d’abord, en déplaçant l’intrigue à la Belle Époque (costumes de Tanya Mc Callin qui signe aussi les décors), il insiste sur les derniers soubresauts de cette bourgeoisie qui génère des Traviata, un chant du cygne.
Chant du cygne, l’ensemble de la production est donc marquée par la mort: elle se déroule sur la pierre tombale de Violetta, au milieu de lourdes draperies noires de catafalque, qui ont peut-être un effet délétère sur la réverbération du son dans une salle déjà peu gâtée par l’acoustique. Pendant le prélude, Alfredo revient sur cette tombe, ramasse quelques feuilles mortes, et sans doute se souvient de toute l’histoire.
Nous sommes donc d’emblée dans un travail de mémoire et à la mémoire de Violetta, beaucoup de noir, beaucoup de sombre, de violet, et quelquefois, le rouge passion (au troisième acte). Une incongruité au deuxième tableau du deuxième acte, ce cancan sur la musique de la danse bohémienne, et le pas de deux Toréador/Toro (chorégraphie de Andrew George) qu’on aurait pu nous éviter.
A cette mémoire de Violetta, s’ajoute une mémoire au second degré, au deuxième acte, celle de LA Violetta du siècle, Maria Callas.
Des gestes, des poses étudiées directement inspirées par les photos très célèbres de la mise en scène de Visconti à la Scala en 1955, mêmes objets, même coiffure ou presque, même robe ou presque, même ambiance vaguement végétale (jardin d’hiver) et cette alternance noir et blanc qui sont les couleurs de la mise en scène du même Visconti à Covent Garden quelques années plus tard. Aucun doute, Mc Vicar installe un système référentiel.
Ce deuxième acte est d’ailleurs le plus réussi scéniquement, avec la scène d’intimité qui ouvre l’acte, les changements d’espace gérés par les rideaux qui glissent, les allusions à Callas, mais aussi le second tableau, très ironique avec son ballet ridicule, cette fête assez funèbre où les invités curieux du destin du couple Violetta/Alfredo, regardent avides et presque goyesques la scène de cette intimité qui explose. L’ensemble final est très réussi, où Violetta revient avec tendresse vers Alfredo désespéré: joli moment de tendresse, assez émouvant.
Le lit monumental du troisième acte est évidemment un lit presque sépulcral, sa monumentalité et le vide qui l’entoure donnent encore plus de relief à cette mort terriblement théâtrale . Signalons la jolie idée de la lettre dissimulée sous les draps, apprise par cœur que Violetta récite sans la lire: si Madame Ciofi y mettait plus de ton…
Voilà une soirée qui n’est pas totalement convaincante, essentiellement à cause d’une direction musicale à mon avis très discutable qui ne réussit pas à faire fusionner le plateau, avec une Violetta certes parmi les Violetta du jour, mais qui n’emporte pas totalement non plus mes suffrages, et dont la voix accuse quelque signe de fatigue. Comme le troisième acte est le plus réussi musicalement , on sort avec un cœur satisfait, mais l’âme a encore soif. Alors, en rentrant chez soi, on se précipite dans sa discothèque et on écoute “l’addio del passato” de Maria Callas, avec Giulini.
Et là, l’âme a enfin droit au sublime et tout se remet à sa juste place..
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Il est vraiment dommage qu’en 2013 les critiques en soient encore à invoquer le spectre de Callas…
Elle a été LA traviata, ok, mais on ne va pas arrêter de monter l’ouvrage pour cette raison, non?
Je sais que c’est dur mais il faudrait pouvoir se vider un peu la tête de toutes les références que l’on peut avoir dans ce rôle pour pouvoir apprécier un nouveau spectacle.
Je suis d’autant plus surpris que Ciofi, souvent attaquée pour sa voix, ne se voit généralement jamais reprocher un manque d’engagement.
C’est encore plus surprenant que cette remarque s’applique à Violetta, un rôle qu’elle vit de façon intense et dans lequel à chaque fois que je l’ai vue (Orange 2009, Venise 2010), elle a offert une prestation bouleversante.
Si la voix est modeste, j’y trouve au contraire des nuances, des colorations subtiles et effectivement ce sentiment mélancolique qui donne un côté très poétique à son chant.
Je suis d’accord, on n’en restera pas à Callas. N’empêche qu’à cause de ce spectre la Scala ne l’a pas monté pendant trente ans! Deplus, la mise en scène de Genève construit sur ce mythe là toute sa mise en scène du second acte. C’est le sens de la présence des photos de Callas dans mon compte rendu, et pas du tout un nième hommage. Enfin, quelqu’un comme Harteros prend pour référence Callas dans sa manière de prendre le rôle. Le fait est que la réentendre remet les choses à leur place.Et que le spectre Callas est toujours présent, ce qui n’empêche pas d’aller voir des Traviata sur scène.
Patrizia Ciofi n’a pas démérité, mais d’une part la voix ne me satisfait pas et ne m’a jamais satisfait, et je parle plus de son engagement vocal que scénique, scéniquement, elle est effectivement engagée, mais je n’ai pas trouvé que la voix et la manière de chanter confirmaient cet engagement (lecture de la lettre par exemple). Ceci dit, c’est mon opinion et je comprends (je m’y attendais) qu’on ne la partage pas. Quand à l’air mélancolique, il me fait toujours une impression artificelle, affectée. Je me trompe peut-être. Merci de votre commentaire.
Recension intéressante.
Globalement plutôt d’accord, notamment pour ce qui concerne la direction et la prestation de Leonardo (pas Lorenzo, sic) Capalbo.
Moins pour ce qui regarde la mise en scène que j’ai trouvée extrêmement réussie et, paradoxalement, vraiment habitée par une direction d’acteurs intelligente même si McVicar n’a pas fait le voyage de Genève (Violetta funambule dans sa cabalette du I).
Pas du tout au sujet de la prestation de Ciofi, en revanche. Si on excepte le fait que sa voix fonctionne de manière immédiate sur moi (ce qui est purement une affaire de goût), je ne suis pas d’accord sur le retrait invoqué, sur son manque de justesse dramatique, etc. Ni sur l’idée qu’elle “promène” le rôle. Certes elle le chante un peu partout ; c’est l’indice d’une certaine reconnaissance (comme d’avoir été choisie pour LA production de LA réouverture de LA Fenice). Mais l’idée de “promenade” va à l’encontre absolu de l’investissement visible qu’elle met dans son rôle, qu’on l’apprécie ou non ; on est au-delà de la seule question de vocabulaire, à mon sens. Dire cela c’est sans doute aller trop loin. C’est la 6e production de la Traviata que je vois (de visu ; et je ne parle pas d’entendre, nous sommes d’accord) avec Ciofi. A Avenches, à Orange, à Venise, à Berlin, à Avignon et maintenant à Genève (et demain à Turin), je n’ai jamais eu la sensation d’une artiste en roues libres ayant calibré son chant ; l’accentuation diffère comme la “métrique” scénique du personnage, ici beaucoup moins nostalgique qu’elle a pu le faire ailleurs (il y a de la douleur et même quelque chose de revanchard dans le regard du personnage effondré au sol, au III, face à Germont ; voir aussi comment elle distribue les couleurs et les non-couleurs dans les deux couplets de son “Addio”, comme elle peut le faire des deux couplets de “Ah fors’è lui”… quand les productions le lui permettent !). Cela à la faveur de la forme du moment ? Du répondant sur scène et dans la fosse ? Je l’ignore ; et, fondamentalement, ce n’est pas à moi de le dire. Il n’empêche que la Violetta que j’ai vue avant-hier n’est pas celle d’Avignon, ni celle de Berlin par exemple ; ni celle de Venise qui est une montée au Golgotha dont j’ai retrouvé, par éclairs, la fibre doloriste au III, etc.
Et je ne parle toujours pas de la voix seule (où est ce contre-si bémol dont vous parlez ?). Bien audible et bien sonore d’où j’étais (beau vibrato lent, “corps” plus large que ce qu’on a connu il y a encore quelques années, beau medium, aigus piqués bien placés dans le premier duo avec Alfredo, etc.) ; dans une salle où je n’ai jamais réellement pris l’accoustique en défaut, d’ailleurs.
C’est le propre de la critique d’ouvrir le débat ; c’est sain. Je trouve peut-être plus difficile de proposer un article qui peut/pourrait être lu comme un repoussoir (pour parler de Fabricini, de la Scala, etc.). En quoi j’ai peut-être mal lu, mal compris votre intention.
Sans revenir sur la question Callas ; ni vraiment centrale, ni vraiment pertinente, à mon sens, dès lors que l’audio seul et quelques rares photos (je sais, il y a aussi la vidéo médiocre des extraits de la production de Lisbonne en 58) peuvent difficilement ou bien nourrir ou bien éteindre le débat. Pour moi, j’ai plus envie de parler de Ponselle, d’Olivero, de Zeani, de Novotna même, etc. Qui sont une forme d’alpha et d’omega, à mes yeux. Mais pour les autres ?
J’aurais aussi envie de nuancer le propos sur la Scala où, en 1964 au moins, Karajan a donné une Traviata/Violetta alternativement chahutée (Freni) ou portée aux nues (Moffo) ; dans les deux cas les enregistrements existent et portent, à tout le moins, à moins de 30 ans l’écart avec LA production de 1990.
Ce que je trouve intéressant c’est qu’une production décrite comme étant bonne sans plus puisse susciter les réactions ; l’opéra n’est pas mort, et ça c’est chouette.
Au plaisir de vous lire sur d’autres sujets.
BB
Je suis en train de réécouter toutes les versions de Callas que je possède de Traviata par Callas, le Studio de 53, Mexico, Milan, Lisbonne, London et je dois avouer que je suis effaré de l’état de sa voix (surtout à Milan !!) et si l’interprétation est intense, je pense qu’il faudrait vraiment arrêter de juger toute Traviata à son aune !! Je vous accorde qu’elle a réinventé toute une manière ce chanter “moderne” mais que de sons laids !! Callas est irremplacable dans Bellini et Donizetti, désolé pas dans Verdi ni Puccini. Quant à la Fabbriccini elle a finit dans les mêmes oubliettes que ses consoeurs qui n’ont fleuri qu’un seul été, faute de vraie technique, j’invite tout le monde à réécouter son Amami Alfredo sur Youtube pour remettre l’église au milieu du village !
Je suis allé voir les trois soirées de Cioffi à Genève sachant que c’est une vraie artiste donc inégale d’un soir à l’autre et même si elle a été bcp plus en forme vocale le 12 que le 05 et le 09, je peux vous dire qu’à son pire soir, elle a fait 60 % de fausses notes (ou laides) en moins que notre chère Maria !!! (et 80% que la Fabriccini ce qui n’est pas bien difficile !!)
Cioffi est la première à reconnaître qu’elle n’a pas la voix adéquate maintenant pour les aigus forte du finale du 12 acte et l’Amami Alfredo et en effet elle a été dépassée (encore qu’elle était parfaite le 12 dans Sempre Libera, avec un superbe contre-mi, cela faisait plaisir !) Dans l’Amami Alfredo de toute facon toute les Traviata “fragiles” comme Freni, Moffo ou Cotrubas ont toujours pataugé ! J’en profite pour souligner qu’elle est une des rares chanteuses actuelles à produire toutes les vocalises correctement et dans un style adéquate. Harteros a une jolie voix mais aucune idée de comment dois chanter un soprano dramatique d’agilité qui le modèle voulu par Verdi au premier acte.
L’épouvantable Maria Alejandres qui assurait (le mot est faible) la première et a chanté comme un porc à l’abbatoir toute la soirée a par contre brillé de ses maigres feux justement dans l’Amami Alfredo parce qu’elle a une voix (fort peu éduquée hélas) de grand lyrique ! La Suédoise Eichenholz qui a une bonne voix nordique était elle complètement égarée toute la soirée !!
Tout le reste de Cioffi était de l’or pur, extrème délicatesse du phrasé, des couleurs irisées et variées, finesses des expressions, jeu stylisé mais habité, une belle féminité, pas une once de plaintivité, désolé, du pathétique mais stylé et chaque petite phrase est comme portée par un bel archet, dynamique et phrasé parfaits, je tiens à ce que vos lecteurs en prennent connaissance, visiblement certaines subtilités musicales vous échappent !
Comme un de vos lecteurs ci-dessus je trouve Magda Olivero bien au dessus de Callas dans Traviata !! Et n’oubliez pas l’élégance de Steber !
L’abonné de Genève