SALZBURGER FESTSPIELE 2013: GAWAIN, de Harrison BIRTWISTLE le 15 août 2013 (Dir.mus: Ingo METZMACHER, Ms en scène Alvis HERMANIS)

L’incendie final © DPA

Cela de marche pas à tous les coups. Alexander Pereira a reconduit l’équipe qui l’an dernier avait triomphé dans Die Soldaten de Zimmermann (voir compte rendu dans ce blog) pour créer Gawain (première autrichienne), de Harrison Birtwistle, un opéra créé et plusieurs fois remanié dans les années 90.
Et cela n’a fonctionné que partiellement.
Personne n’est à “accuser” de ce demi-échec. La production est très soignée, techniquement remarquable, la direction de Ingo Metzmacher est vraiment de très haut niveau, précise, équilibrée, techniquement au-delà de tout éloge, les forces en présence, solistes, choeur (Bach Chor de Salzbourg) Orchestre (ORF Radiosymphonie Orchester) sont exceptionnels. Personne..sinon l’oeuvre elle-même, et peut-être moins sa musique (encore que…) que sa dramaturgie: cette descente dans les déceptions humaines, cette fin de l’héroïsme programmée dans un monde du “day-after”, ce monde où les mythes les plus forts disparaissent sous les strates d’une nature qui reconquiert son espace naguère envahi par les créations humaines, les créations humaines aussi vidées de leur sens. Il y a bien sûr là-dedans le souvenir de Wagner, un Wagner qui ferait un troisième acte de Parsifal sans solution avec un Parsifal qui échoue. Un Wagner de fin du monde sans espoir de vie, sans après. La musique de Wagner contient toujours en germe une respiration, un futur plus ouvert, un amour possible: dans Gawain, le héros est fatigué, le monde est passif, la musique s’étire dans une sorte d’infinitude lassée qui ne roule qu’amertume et échec.
Je cite Wagner parce qu’il est une référence, évidemment lorsqu’il est question de mythes. Wagner les revivifie, Birtwistle les enterre. Le Gawan de Parsifal, plein d’espoir, qui courait le monde  à la recherche de baumes pour Amfortas revient ici à la table du roi Arthur déçu et sans énergie car il n’a vu que trahison, collusion et corruption. Comment ne pas voir dans l’incendie final où l’écroule la Felsenreitschule (magnifique moment, techniquement phénoménal) un écho de l’écroulement du Walhalla? On passe d’un Götterdämmerung , Crépuscule des Dieux où il reste tout de même le monde des hommes, à un Crépuscule du Monde lui-même. Ce Gawain ferme le beau livre du monde, des mythes et des hommes. Alvis Hermanis plante un décor impressionnant d’un monde d’après, en s’appuyant sur les images (rappelées par la vidéo) du tsunami qui a tout emporté  en 2011 au Japon ou des maisons de Tchernobyl. L’océan qui envahit lentement les terres qui entraîne avec lui les frêles constructions et créations des hommes devient une sorte de métaphore divine. On peut noter que le tsunami et la catastrophe de Tchernobyl deviennent des références scéniques claires d’un monde perdu (voir le Götterdämmerung de Andreas Kriegenburg à Munich).
Cette nature qui se venge en envahissant tout, elle est partout. Le décor de pierre de la Felsenreitschule s’y prête, les éléments du décor de Alvis Hermanis (il signe mise en scène et décor) sont verdâtres, de la couleur de la végétation qui pousse entre les amas de voitures  côté jardin, le chevalier vert, qui déclenche l’histoire par sa visite au Roi Arthur, est recouvert de feuilles. Cette nature qui gagne le monde, c’est la défaite de l’humain, d’un humain qui a gâché ses pouvoirs et qui s’abandonne au gré des choses sans plus intervenir sur elles.
Gawain s’appuie sur l’un des romans de chevalerie (anonyme) fondateurs de la littérature anglaise, Sir Gawain and the Green Knight qui remonte au XIVème siècle. L’histoire (à laquelle le livret de David Harsent est très fidèle)   concerne l’un des chevaliers de la Table Ronde, Gawain (Gauvain) qui répond à un défi d’un chevalier arrivé au royaume du Roi Arthur, le chevalier vert. Ce chevalier tombe à la cour d’Arthur un soir de Noël et permet à tous de le décapiter avec sa hache, mais en revanche, celui qui le décapite accepte un an et un jour plus tard de subir le même sort. Gawain relève le défi, décapite le chevalier vert, qui remet en place sa tête tombée, et donne rendez-vous à Gawain un an et un jour plus tard. lorsque Gawain se met en marche vers son destin, il arrive dans le château de Bertilak de Hautdésert, qui l’invite avec insistance à séjourner chez lui. pendant qu’il est à la chasse, par trois fois son épouse cherche à séduire Gawain, dont les performances amoureuses sont connues de tous. Bertilak chaque soir demande à Gawain un don qu’il a reçu dans la journée, son épouse ayant donné, un, puis deux, puis trois baisers, Gawain les rend à Bertilak. Seulement, le troisième don (trois baisers) est accompagné de celui d’une ceinture qui va protéger Gawain de la mort, don que Gawain, qui va risquer sa tête (promesse due au chevalier vert) accepte pour rester en vie. Mais Gawain se garde de signaler ce don à Bertilak…Il se montre à la fois peu héroïque (il accepte un sortilège pour se protéger) et menteur…Or Bertilak se révèle être le chevalier vert et il lui révèle que l’épreuve subie (la séduction de son épouse) était prévue, et qu’il a résisté à tout sauf à la ceinture salvatrice. Gawain revient à la cour d’Arthur déçu, déshéroïsé, alors que la cour l’accueille comme un héros, un qualificatif qu’il refuse désormais. Il n’y pas d’héroïsme dans le monde du Day after.
La mise en scène d’Alvis Hermanis, est à la fois réaliste, d’un réalisme noir: le monde enluminé des contes médiévaux n’est plus qu’un amas de ruines et de feuilles, et s’appuie (tout comme le Parsifal de Christoph Schlingensief à Bayreuth) sur Joseph Beuys, dont le portrait géant trône au milieu de la scène et dont Gawain emprunte les traits: Schlingensief avait conçu le troisième acte de Parsifal comme un “cimetière de l’art”. Hermanis conçoit Gawain comme un cimetière du monde, donc de l’art, et l’a symbolisé par ce cimetière de voitures qui envahit l’espace côté jardin. Les personnages reprennent des oeuvres de Beuys, des photos, l’espace lui-même est inspiré par ses déclarations.

Joseph Beuys

En fait Hermanis comprend l’opéra comme une métaphore de l’oeuvre de Beuys, presque une ultérieure oeuvre posthume (Beuys est mort en 1986), en s’appuyant à la fois sur son amour des légendes celtiques et sur la conception syncrétique de l’art selon Beuys, selon lequel il n’y a pas de séparation entre art et vie, entre humanité et nature et qui pense que nous sommes tous part d’un unique organisme, lui qui fut l’un des premiers artistes penseurs de l’écologie.

Le combi © DPA

Il en résulte des moments forts, apparition du chevalier vert sur son cheval, incendie final du monde, château de Bertilak devenu l’espace des voitures enchevêtrées et notamment un vieux minibus Volkswagen “Combi” envahi par une humanité animale. Tous les humains, les femmes notamment, aussi bien la fée Morgane que Lady de Hautdesert, sont (presque) représentées comme des femmes des cavernes, échevelées et simiesques, le roi Arthur est en fauteuil à roulettes: seul Gawain-Beuys garde avec Bertilak un reste (un zeste) d’humanité finissante.

Gawain (Christopher Maltman) et Morgan le Fay (Laura Aikin) © DPA

À ce travail complexe et impressionnant correspond une dramaturgie difficile, très statique, et qui donne l’impression de s’étirer en longueur(s), notamment la seconde partie. La première en revanche (effet de nouveauté) passe assez bien, malgré une musique assez répétitive, une sorte de mélodie infinie qui n’est pas sans rappeler le travail de George Benjamin sur Written on Skin. Cette impression d’avancer sur place, qui correspond au fond au monde décrit par le livret, n’empêche pas de constater la complexité orchestrale, l’énormité du dispositif qui dépasse la fosse et s’étend sur les côtés pour placer les percussions, un travail sur l’épaisseur sur les niveaux sonores, plus que sur la mélodie. Ainsi Metzmacher, qui aime dominer ces énormes machines, et qui est familier de ces répertoires, fouille à plaisir la partition, d’une grande complexité, avec ses climax et ses contractions, comme si le même son se contractait et se dilatait sans cesse en une immense oratorio du rien.
La fin, avec un choeur remarquable (le Bach Chor de Salzbourg) dissimulé dans les coulisses, est comme un engloutissement de tous les rêves et de tous les possibles, comme si le monde s’était éteint. Metzmacher joue sur les contrastes, sur les sons les plus fins et les plus imperceptibles et sur les énormes explosions sonores. Une étrange impression de sur-place, avec un livret qui tient un peu trop de la litanie, avec ses répétitions et ses images, une impression de trou noir et en même temps une énorme machinerie musicale: le tout et le rien en une seul espace, sonore et physique.

Christopher Maltman © DPA

La distribution est au rendez-vous: Christopher Maltman en Gawain halluciné parcourant ce monde presque à reculons, ce héros hésitant qui se découvre être un homme sans rien d’héroïque compose un personnage (Beuys) totalement à part, avec une belle voix de baryton , très engagé dans le jeu, avec de très jolies couleurs: on sait que c’est un interprète hors pair (voir son Don Giovanni ici même à Salzbourg) et c’est presque une “performance” au sens plastique du terme qu’il nous offre ici, impressionnant.

John Tomlinson en Green Knight © DPA

John Tomlinson avec sa voix aux aigus fatigués est néanmoins le personnage central, un Bertilak/Chevalier vert, senti, qui fait vibrer le texte et d’une incroyable présence. Vraiment magnifique.

Les femmes…© DPA

Toutes les femmes sont aussi remarquables, Jennifer Johnson comme Lady de Hautdesert à fois présente, tendue, sans aucune séduction et pourtant séductrice, Gun-Brit Barkmin en une Guinevere qui ne fait plus rêver personne, ma préférence allant à la Fée Morgane (Morgan le Fay) interprétée par Laura Aikin, comme toujours magnifique (elle était la Marie de Die Soldaten l’an dernier).
En me relisant, je ne pense pas avoir décrit le flop qu’on signalé certains journaux allemands ou autrichiens, c’est quelquefois éprouvant pour le spectateur et exige une grande concentration, mais je trouve l’ensemble de l’entreprise remarquable, même si l’on n’est pas au niveau de réussite des Soldaten de l’an dernier. Mais Soldaten est un vrai récit, une vraie pièce de théâtre: on est avec Gawain entre l’oratorio et l’opéra, dans la musique mise en espace qui décrit une fin. Une musique du désenchantement.  Si à côté de l’héroïne, du cannabis, de la cocaïne, de l’alcool et la cigarette il y a aussi Wagner, ce Gawain de Birtwistle serait plutôt l’antidote, une musique non addictive puisque c’est la musique du dernier souffle.
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Le dispositif complet © DPA

 

 

 

IN MEMORIAM REGINA RESNIK (1922-2013)

Regina Resnik (1922-2013)

Je suis personnellement très affecté par la disparition de Regina Resnik. Nous étions amis, depuis plus de 20 ans. Je l’avais encore rencontrée à New York cet hiver, affaiblie certes par un accident cérébral qui l’empêchait désormais de venir en Europe, mais l’esprit toujours vif, toujours aux aguets, toujours curieuse de ce qui se passait à l’opéra, l’intelligence toujours affûtée, et parlant avec moi tantôt en anglais, tantôt en français, tantôt en italien, dans son appartement sis dans un vieil immeuble du centre de Manhattan qui fut aussi l’atelier de son mari, le peintre lituanien (il était né à Kaunas) Arbit Blatas, disparu en 1999, un des représentants de l’École de Paris.
Vous trouverez sur internet sa biographie détaillée, mais je voudrais simplement rappeler qu’elle est une authentique new yorkaise, d’origine russe, née dans le Bronx, qu’elle a débuté dans Lady Macbeth, qu’elle remplaça Zinka Milanov dans Aida et que très vite, sa carrière de soprano s’est affirmée: elle a travaillé avec tous les grands chefs de l’époque, à commencer par Bruno Walter,  dont il existe un Fidelio (en anglais) avec elle en 1945 (elle avait 23 ans). Elle a été la Sieglinde de Bayreuth en 1953 avec Clemens Krauss et elle était passionnante , et quelquefois irrésistible quand elle racontait son audition avec Toscanini, ou son amitié avec Leonard Bernstein qui l’accompagnait au piano, ou pendant les répétitions avec Wieland Wagner dans la délicate période d’après guerre à Bayreuth deux ans après la réouverture du Festival: elle gardait une très grande admiration pour Wieland et parlait souvent du travail avec lui même si ce qu’elle disait de l’ambiance à Bayreuth montre que ce ne devait pas être toujours très facile. Elle racontait avec gourmandise comment farfouillant chez un disquaire newyorkais, elle avait trouvé un enregistrement du Ring avec des noms inconnus qu’elle avait écouté par curiosité et avait eu la surprise de s’y entendre: le Ring de Clemens Krauss, disparu, était ainsi réapparu.
En 1955 elle  décida de passer mezzo, et elle a toujours revendiqué ce choix. Ses relations difficiles avec Rudolf Bing l’ont empêché de briller au MET comme mezzo, alors qu’elle était l’une des stars d’alors. Mais elle a fait une carrière européenne notamment à Vienne où elle fut la Miss Quickly de Karajan. Elle fut l’une des grandes Carmen des années 60 (elle l’a enregistrée chez DECCA avec Thomas Schippers), sa voix large, profonde, son grave infini, son aigu éclatant, son sens du dire convenait parfaitement à ce rôle qu’elle interprétait de manière certes conforme à l’époque, mais souveraine.
Si vous avez l’enregistrement de l’Elektra de Solti, réécoutez sa Clytemnestre, un chef d’oeuvre d’expressivité, de couleur, d’intelligence . Il y a quelques années je lui avais demandé de me dire ce texte, elle me l’avait récité, et même marqué: elle était impressionnante, à donner le frisson car c’était une actrice éblouissante, avec des yeux prodigieusement expressifs et le bas du visage d’une incroyable mobilité. Quand elle apparaissait en public, il n’y avait d’yeux que pour elle.
La seule fois où je l’ai vue sur scène, ce fut au Théâtre des Champs Elysées, en 1978, dans La Dame de Pique dirigée par Rostropovitch avec Galina Vichnevskaia et Peter Gougalov (au moment de l’enregistrement du CD); elle y chantait la Comtesse. Toute mon existence, je me souviendrai de cette femme, en étole d’hermine blanche, assise (elle était grippée, m’a-t-elle dit plus tard), qui en peu de mots, sans aucun mouvement (elle me racontait que Wieland Wagner lui avait dit “fais le moins de mouvements possible en scène, et tout le monde n’aura d’yeux que pour toi”, et qu’elle avait toujours suivi ce conseil) et ce fut incroyable de tension, de poésie, de présence: si vous mettez la main sur l’enregistrement écoutez attentivement cette scène. Ce fut si incroyable, si tendu, si fort, si vrai que le théâtre a croulé sous les bravos, elle remporta le plus grand triomphe de la soirée. Inoubliable. Combien de fois (et dès que je fis sa connaissance) je lui ai rappelé ce moment qu’elle nous offrit, j’en ai les larmes aux yeux en l’évoquant ici. Elle s’est essayée à la mise en scène, elle fit une Elektra à Strasbourg dans des décors de son mari et elle a terminé sa carrière en remportant un indescriptible triomphe à New York dans A little night music le musical de Stephen Sondheim où elle interprétait Madame Armfeldt (voir youtube où vous constaterez à la fois la diction, l’interprète et la chanteuse) en 1990.
Elle fut l’une des grandes stars du chant, très populaire à New York où elle était très active dans la communauté juive (pour faire vivre le répertoire de poésies ou de chansons juives, pour faire des soirées sur l’humour juif) et très populaire à Vienne.
La dernière partie de sa vie fut consacrée à l’enseignement, c’est évidemment celle où je l’ai côtoyée.
Avec Peter Maag, elle avait fondé la Bottega de Trévise, une sorte d’atelier au sens médiéval du terme, où se côtoyaient jeunes musiciens et jeunes chanteurs pour préparer les productions issues du concours Toti Dal Monte et elle y était une enseignante prodigieuse ce qui n’est pas toujours le cas des anciens chanteurs. En quelques mots, elle analysait une voix et donnait des conseils techniques si clairs que j’ai vu plusieurs fois, en une heure, une voix évoluer et répondre exactement à ce qui était demandé. Elle était toujours exigeante avec les autres comme avec elle même: je l’ai invitée à faire une petite Master Class lorsque j’habitais à Heidelberg: en quatre jours, elle avait composé une vraie soirée, qui avait rencontré un très joli succès: elle était toujours prête, toujours soucieuse de l’effet produit, toujours exacte. Lorsque la Ligue Lombarde a vaincu les élections municipales de Trévise et a voulu fermer le théâtre et dissoudre l’orchestre (ce genre de parti a une relation assez éloignée à la culture) la Bottega a été dissoute et nous avons fondé, avec quelques amis Eurobottega, la bottega europea della musica, une association mue par le même souci de formation de jeunes chanteurs et musiciens, dont elle était l’animatrice et l’âme: l’association a produit entre autres deux opéras  de Schubert Der Vierjährige Posten et Die Zwillingsbrüder qui ont été présentés en Italie et en France, à Royaumont et à l’Opéra de Rennes (alors dirigé par l’excellent Daniel Bizeray) . Elle avait assuré le suivi la formation des jeunes interprètes. Après quelques années de difficultés, nous envisagions de relancer cette association, avec ses conseils et ses encouragements.
Nous nous voyions une à deux fois par an, souvent pour fêter son anniversaire, puis, lorsqu’elle ne put plus voyager depuis 2009,  j’allais la voir lorsque je venais à New York, elle ne manquait jamais de commenter les spectacles du MET, toujours avec sévérité et était friande de récits sur l’actualité de la scène d’aujourd’hui, et d’anecdotes sur tel ou tel chef ou tel ou tel chanteur. C’était une mémoire des années 40, 50, 60, 70 aussi bien en Amérique qu’en Europe. Elle était une référence, déjà, pour moi lorsque je fis sa connaissance: je me souviens, jeune juré du concours Toti dal Monte, j’attendais avec impatience son arrivée (dans un jury où il y avait Magda Olivero et Leyla Gencer, avec Regina, elles étaient nos “trois dames”) et elle vint vers moi en me disant “je suis Regina Resnik”, je lui répondis, “je sais, Madame”, et je lui racontai illico ma soirée de la Dame de Pique, ce qui contribua à nous lier, et nous étions en outre souvent d’accord sur les voix au concours:  une amitié solide en est née, ainsi qu’avec son mari qui était un être extraordinaire de vie et d’humour.

Regina, tes yeux qui savaient être terribles, et en même temps si malicieux, et que tu savais si bien mettre en lumière, ta voix incroyable (car même lorsque tu parlais, tu avais une voix fascinante), ta présence au milieu de tes souvenirs à New York, sorte de gardienne d’un cercle de chanteurs et de peintres disparus, tout cela va terriblement me manquer.
Mais le privilège des artistes, c’est quand même d’être présents par delà la vie et la mort: en ce moment, je suis en train de t’écouter, et, miracle, tu es vivante.
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Regina Resnik