XLII CONCOURS INTERNATIONAL DE CHANT TOTI DAL MONTE 2012 (4): JOURNAL DE BORD – 30 JUIN 2012: FINALE

Détail de la salle du teatro comunale "Mario del Monaco" de Trévise

Nous voici à la Finale.
La Finale est évidemment différente des autres jours: tout le monde est sur son 31, il y a un public important, le jury occupe tout le second étage des loges. Au programme, Il matrimonio segreto, airs, ensembles, et quelques récitatifs dans l’ordre des actes.
La demi-finale avait déjà permis d’entendre quelques ensembles, et l’opinion sur les voix change: une voix peut être séduisante dans un air, et disparaître dans un ensemble; d’autres au contraire se révèlent; il faut tenir compte de la durée, de l’endurance, de la température (une chaleur de l’ordre de 40°), même si le théâtre est climatisé.
Nous avons sélectionné deux distributions, qui ont répété tout le vendredi avec le chef José Antonio Montaño qui fait partie du jury mais qui est cette fois sur scène à donner les tempi. Deux distributions savamment mélangées, qui vont se produire chacune dans le 1er acte et chacune dans le second acte. Des voix très différentes, les unes puissantes, les autres chantantes, des timbres différents, une présence différente aussi sur scène.
On sent que les chanteurs sont fatigués après cette semaine de tension, certains mêmes sont éteints, d’autres explosent, et en tous cas la confrontation est éclairante. Nous sommes chacun dans une loge et n’échangeons pas entre nous.
A 21h, les épreuves sont terminées, et nous nous retirons dans une salle du théâtre pour délibérer. La délibération est assez courte, puisqu’un seul rôle (celui du ténor) ne trouve pas son vainqueur.

Cast A: à partir de la gauche Tornatore/Macchioni/Delfino/Semenzato/Levantino/Beggi

Nous aurions pu peut-être désigner l’un des deux mais ce soir, ni Matteo Macchioni qui a fait un bon concours pourtant, ni Francisco Ruben Brito à la voix délicate faite pour l’Elisir d’amore, ne sont suffisamment convaincants pour emporter les voix du jury.
Pour les autres, moins de problèmes: il est à remarquer que tous les finalistes sont d’un niveau très correct: ils ont pour nom Dorela Cela (Albanie) et Anna Delfino (Italie) pour le rôle de Carolina, Saltanat Akhmetova (Kazakhstan) et Giulia Semenzato (Italie) pour Elisetta, Loriana Castellano (Italie) et Provvidenza Valeria Tornatore (Italie)  pour celui de Fidalma, deux conte Robinson aussi, Claudio Levantino et Andrea Zaupa (tous deux italiens) et deux italiens aussi pour Geronimo, Fabrizio Beggi et Gianluca Lentini.
Les vainqueurs, Dorela Cela, petite Carolina très bien préparée et très à l’aise en scène, Giulia Semenzato comme Elisetta, plutôt à l’aise dans les ensembles et sur scène, Loriana Castellano, belle présence, jolie voix de mezzo pour Fidalma. Du côté des basses, c’est Andrea Zaupa,  un véritable “numéro” sur scène qui emporte le rôle de Conte Robinson, et l’autre basse, très bouffonne et très entraînée, Fabrizio Beggi celui de Geronimo. l’autre Robinson, Claudio Levantino a un très joli timbre et a chanté de mieux en mieux tout au long de la soirée (il avait été impressionnant en éliminatoires), mais n’a ni la présence, ni l’efficacité spectaculaire de son collègue. Même chose pour l’élégant et musical Gianluca Lentini, moins prêt que son collègue Beggi.
Au total il me semble que nous avons un cast de qualité, équilibré, frais. Rendez-vous fin novembre pour voir le résultat!

Cast B: à partir de la gauche Brito/Cela/Akhmetova/Zaupa/Lentini/Castellano

Fin de soirée, entre photos pour le journal, félicitations, demandes de conseils, et surtout, un très bon repas de fin de concours, avec les finalistes, dans l’excellent restaurant de Treviso “L’incontro” connu pour son gigantesque buffet de hors d’œuvres et ses pâtes originales (je vous conseille les tagliatelles au  vin rouge…).
Ce fut une jolie semaine, comme une bulle de sérénité, de soleil, d’amitié au milieu de tous ces jeunes futures, qui sait?, stars de demain.

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XLII CONCOURS INTERNATIONAL DE CHANT TOTI DAL MONTE 2012 (3): JOURNAL DE BORD – 28 JUIN 2012: DEMI-FINALE

Journée difficile pour les candidats que cette demi-finale, où se décident les finalistes et où s’entrevoit ce que le cast final pourrait être. Bien souvent, les choses évoluent: tel chanteur que toute la commission voyait dans un rôle s’écroule, tel autre se révèle. Le chant est un sport: il fait être endurant, et à la fois sprinter. Et certains chanteurs sans expérience se brûlent sur le parcours.
Le niveau de cette demi-finale est assez bon, presque tous pourraient prétendre à passer en finale, cela dépend des goûts, des profils, et surtout de la manière dont chacun voit tel ou tel rôle. Carolina par exemple est vue par certains comme une jeune fille timide, une “adulescente” plus qu’une adulte , ils la voient donc dans un physique adéquat, menue, réservée, mais pleine de charme, d’autres comme une jeune femme déjà décidée (après tout, la timide s’est mariée en secret avec Paolino, pas si fréquent à la fin du XVIIIème) et le choix alors ne peut être le même, à l’évidence. De même pour l’œuvre: les uns la voient comme du pré-Rossini, d’autres comme du post-baroque, et ce n’est pas tout à fait les mêmes décisions à prendre du point de vue des manières de chanter. Ce n’est donc pas tant la qualité intrinsèque des candidats qui compte, mais plutôt le profil, en adéquation avec les attentes et les idées de la commission ou d’une majorité de ses membres. Quant au chef, il a déjà son idée de l’œuvre, et il travaille à sélectionner les voix qui lui correspondent quelquefois en contradiction avec d’autres membres, qui eux donnent la priorité au concours par rapport à la future production (fin novembre).
C’est bien là la richesse de ce concours, qui pendant très longtemps n’a ressemblé à aucun autre. Bien des chanteurs éliminés après cette demi-finale pourraient faire d’excellents finalistes ou d’excellents vainqueurs dans des concours où seule la performance vocale fondée sur un air est privilégiée, ou la technique, ou la maîtrise artistique. Ici on va retenir peut-être quelqu’un de moins prêt, mais plus dans  la ligne des personnages de l’œuvre, avec l’espoir ou le pari que les répétitions et la préparation combleront les lacunes. C’est quelquefois vrai, c’est quelquefois faux et il faut prendre alors des décisions douloureuses.
Les personnalités variées de la commission, des professionnels de la scène, des chefs d’orchestre, des imprésarios, des directeurs de théâtre, des consultants, font que les discussions sont souvent passionnantes et riches, mais dans l’ensemble on arrive toujours à un accord.
On a réussi cette fois à se mettre d’accord sur deux distributions aux qualités très diverses: les styles, les personnalités des chanteurs, les types vocaux sont très différents, mais ils sont tous bien préparés et connaissent déjà bien leur rôle, et la finale promet de jolis moments. Nous avons eu des choix larges pour certains personnages, plus serrés sur d’autres, mais je pense que nous aurons de quoi faire de riches comparaisons.
Je voulais aussi terminer sur la présence de quelques jeunes chanteurs français de qualité, dont deux tout particulièrement valeureux, qui ne seront pas en finale, pour les raisons expliquées plus haut, mais pas pour un défaut de qualité. La jeune basse Mathieu Toulouse, avec une jolie technique, de belles qualités scéniques, une vraie préparation, et le soprano Marlène Assayag, très préparée elle aussi, très élégante, avec de vraies qualités à tous égards, une voix sûre et une technique assise. Je suis sûr que vous les verrez sur les affiches assez vite, car ils ont le profil pour faire carrière.

Aujourd’hui, jour de liberté, pour laisser les jeunes finalistes se préparer, les vieux commissaires se reposer et profiter de cette jolie ville de Trévise, la ville de Benetton, une des villes les plus riches d’Italie, ou circuler dans les villas palladiennes toutes proches, où faire un saut à Venise, ce qui ne fait jamais de mal.