OPERA DE PARIS EN QUESTION, parlons en un peu!

J’ai lu ces derniers temps dans des blogs qui m’intéressent des articles ou des discussions sur la situation à l’Opéra de Paris. Jusqu’ici je suis un peu resté en dehors de la question, parce que la polémique sur l’Opéra de Paris est un  des sports favoris depuis les années Liebermann, c’est à dire depuis ma naissance à l’opéra. Liebermann d’abord, accusé de tous les maux et d’abord de massacrer le chant français ou les artistes français en général (inutile de rappeler hélas comment Régine Crespin ou Jane Rhodes furent accueillies par un certain public lorsqu’elles furent invitées par Liebermann à chanter Kundry, ou Georges Prêtre lorsqu’il dirigea Don Carlo, ou Suzanne Sarocca dans le même Don Carlo lorsqu’elle chanta Elisabeth).  N’échappèrent à la vindicte que Roger Soyer (Don Giovanni, Mephistophélès, Procida), Christiane Eda-Pierre (Antonia, Konstanze, la Comtesse), Alain Vanzo (et encore…), Ernest Blanc dans Samson et Dalila,  Robert Massard dans Valentin, Jane Berbié dans Dorabella: cette liste montre d’ailleurs que Liebermann invitait les artistes français et que la polémique qui fut longue, et qui lui fut fatale (Giscard président avait essuyé une grève le jour où il avait invité à l’opéra “les français méritants”) a fait long feu;  la polémique reprit assez vite avec Bernard Lefort le successeur qui ne tint pas longtemps, remplacé pour un interim par Alain Lombard et Paul Puaux qui n’eurent de cesse d’empêcher le successeur désigné Massimo Bogianckino d’arriver à Paris et qui partit avant terme quant à lui pour devenir Maire de Florence. Jean-Louis Martinoty fut appelé en pleine effervescence bastillaise en interim… et Barenboim appelé à construire les premières saisons fut remercié suite à une polémique “de gauche” qui plaça Pierre Bergé à la tête du conseil d’administration sans doute plus pour le remercier de ses services financiers de campagne électorale mitterrandienne, que pour ses dons de directeur d’opéra. Il y eut alors l’épisode Jean-Marie Blanchard, très bon programmateur artistique, vrai connaisseur des voix, homme de goût pour les mises en scène (on l’a vu à Genève, et on voit la difficulté de lui succéder) qui tint deux ans et qui fut remercié, puis arriva Hugues Gall. Cette succession montre bien l’agitation (stérile) de notre establishment pour l’Opéra, et le côté un peu régalien des nominations.
Hugues Gall, dont l’arrivée était souhaitée depuis pas mal de temps calma le jeu. Les années Gall furent des années de répit, visant à la construction d’un répertoire pour Bastille et donc de productions “propres”, destinées à durer. Gall fit le boulot, et il le fit bien, il était indispensable de construire pour cette maison un répertoire, il donna des habitudes, il fit des saisons complètes, il donna à l’orchestre un vrai directeur musical d’opéra, James Conlon, bref, même si les choix esthétiques pouvaient ne pas être toujours convaincants, force est de reconnaître que c’était exactement ce qu’il fallait à l’Opéra, après les débuts agités du nouveau théâtre (il y eut quand même d’immenses triomphes à Bastille avant Gall, je pense à l’Adriana Lecouveur avec Freni qui provoquèrent de tels délires qu’on en oublia même de critiquer l’acoustique de la salle, qui était alors le jeu favori). Puisque la maison grâce à Hugues Gall reposait sur des bases (peut-on dire “solides” quand il s’agit de l’opéra de Paris), on put faire appel à Gérard Mortier, élevé à l’école Liebermann, comme Gall, mais son opposé: Mortier, c’est d’abord un souci permanent de proposer un répertoire élargi, laissant une vraie place au XXème siècle, ou des œuvres plus standard revues par des metteurs en scène contemporains, c’est  une méthode qui convient à un festival, et qui peut secouer une Maison d’opéra, ce sont aussi des coups, souvent géniaux, quelquefois ratés, c’est enfin un peu de provocation, bref, du gâteau pour les polémistes: Mortier adore les batailles, il adore la polémique, il adore faire l’événement avec une grande intelligence, pas toujours partagée par ses adversaires, avec une grande intuition, et une grande culture! Mortier a fait parler de l’Opéra de Paris, il a introduit des metteurs en scène neufs, il a surtout présenté des œuvres peu connues du public du répertoire du XXème siècle, il a travaillé en direction des jeunes, a imposé des places debout à l’orchestre (quelle décision imbécile, il n’y a pas d’autre mot, que de revenir récemment là-dessus et de les mettre ailleurs!). Bref au milieu des polémiques qu’il adore, avec une presse d’opéra en France relativement conservatrice et pas toujours très au fait de l’art lyrique (rappelez-vous le passage éclair d’Anne Rey à la critique du Monde, quand elle succéda à Jacques Longchamp, et les bêtises qu’elle y écrivit), Gérard Mortier s’amusait comme un petit fou.
Le Ministère de la Culture, dont la politique se réduit à garantir les financements des grandes institutions et procéder  aux  nominations (car pour le reste on ne l’entend pas beaucoup et les moyens sont bien réduits), a appelé ensuite Nicolas Joel. Après Mortier, moderniste, Joel, traditionnaliste. L’Opéra au  Ministère de la culture, c’est d’abord la nomination du Directeur, puis une question de budget. Le reste (rôle, politique artistique etc…) c’est l’omertà…on attend que ça passe. On ne s’est donc pas trop posé de questions, la place était chaude pour Nicolas Joel, qui avait bien fait les choses à Toulouse, et qui ferait donc tout aussi bien à Paris. Ce dernier avant son arrivée fit savoir qu’on allait voir ce qu’on allait voir, trompeta sur les chanteurs français et sur le répertoire français, en laissant clairement entendre en quelle estime il tenait le prédécesseur.

Sur quelles promesses est arrivé Nicolas Joel?  Sur la promesse de faire chanter des français, sur la promesse de faire reluire un certain répertoire français, sur la promesse de ne pas faire de mise en scène, sur la promesse de faire “revenir” des voix (pourquoi “revenir” d’ailleurs? Jonas Kaufmann, Waltraud Meier, Ben Heppner, Christine Schäfer, Deborah Polaski, Eva Maria Westbroek, Mathias Goerne et bien d’autres ont chanté à Paris sous Mortier) et dans le but évident de détricoter les options de Gérard Mortier. Moyennant quoi, il ouvrit son règne avec Mireille, opéra certes bien français, qu’il mit en scène, avec Charles Castronovo et Inva Mula, chanteurs “français” bien connus. Et ce fut une grosse déception, en même temps qu’un démenti de ce qu’il avait annoncé,…
Si l’on s’en tient à ses promesses, force est de constater que peu ont été tenues. On peut certes arguer de l’accident de santé qui l’a frappé et qui a sans doute limité son énergie à diriger cette maison énorme. Mais à partir du moment où il a décidé de rester en place, c’est qu’il a estimé, et avec lui l’Etat, qu’il pouvait remplir sa mission, l’argument de la santé ne vaut pas. Des grands chanteurs : certes il a fait chanter Kaufmann dans Werther, seul moment d’opéra sorti de l’ordinaire ces dernières années. Mais comme je l’ai dit, Mortier avait déjà appelé Kaufmann pour Fidelio et pour Traviata. Et si l’on considère les distributions, elles ont souvent été plus justes sous Mortier que dans les deux ans qui viennent de s’écouler. On a vu en tous cas ces deux dernières années peu de grands chefs,  plus de chefs de répertoire que des chefs de premier plan. Le directeur musical Philippe Jordan est une excellente recrue, et il accomplit un vrai travail, très propre, mais qui d’autre ? Daniel Oren pour tout ce qui est italien ou du moins vériste.  Chef rompu à ce répertoire, mais pas chef d’envergure, et en tous cas pas un styliste. Pinchas Steinberg, chef lui aussi de qualité, qui vous garantit une bonne qualité moyenne de la représentation sans jamais se montrer exceptionnel, on a aussi vu Mark Elder, dans Tannhäuser, bien pâlichon. Emmanuelle Haïm même avec son propre orchestre n’a pas vraiment convaincu et la production de Giulio Cesare non plus!. Je me creuse la tête sans réussir à me souvenir d’un chef invité vraiment remarquable et seul me vient à l’esprit Michel Plasson pour Werther, encore! Les choix se portent toujours vers des artistes solides, certes, mais qui n’emportent jamais totalement  l’adhésion. Nicolas Joel ne vise pas l’excellence, il vise ce que j’appellerai l’ordinaire de bon niveau, qu’on soit dans les nouvelles productions ou les reprises. On ne va pas cruellement revenir sur cette gymnastique qui consiste à reprendre des productions de l’ère Gall quand existent des productions plus récentes, ou même de faire un événement à partir  des reprises de productions historiques (le Nozze de Strehler) qui n’ont plus grand-chose à voir avec l’original puisque les décors mêmes ne sont pas les décors appuyés sur les originaux depuis belle lurette. Autre exemple : reprendre un Cosi’ fan Tutte  sans intérêt aucun de Toffolutti pendant qu’existe une production de Chéreau dans les remises  même si ce n’est pas un de ses meilleurs spectacles, me paraît plus que discutable. On me rétorquera que Chéreau est difficile avec les reprises, qu’il veut suivre, et qu’il est possible qu’un problème de ce type soit survenu et justifie l’appel à cette vieille production. On fait même appel cette année à la production  de Ponnelle (mort en 1988), pour  Cenerentola , légendaire production qu’on n’a jamais vue à Paris (mais dont il existe une vidéo dirigée par Abbado…) et on en fait soudain un coup médiatique. L’Opéra semble vouloir faire du neuf avec du vieux dans le genre grande série, sans viser à scander une saison de quelques moments exceptionnels, ni chercher à faire des reprises  stimulantes. Si on compare à la politique de Liebermann (et Joan Ingpen, sa responsable des castings) on constate que certes, sous Liebermann on n’avait pas tous les soirs Solti ou Boulez ou Abbado ou Böhm, mais on les a eu quand même ! On a  eu souvent des chefs de série B-Julius Rudel, combien de fois !- et le jeune spectateur difficile que j’étais ironisait sur l’excellent Mackerras), mais les reprises avaient toujours quelque chose de neuf et des distributions souvent stimulantes, voire meilleures que la première. Bien sûr en sept ans il y a eu des ratés (Don Giovanni d’Everding calamiteux, Forza del destino ou Trovatore sans aucun intérêt, Entführung aus dem Serail un peu plan plan ) mais il y a eu les Contes d’Hoffman (Chéreau) inoubliables, mais il y a eu Faust (Lavelli) inoubliable, mais il y a eu Lulu (Chéreau) sans commentaire, mais il y a eu  Strehler  (Le Nozze, Boccanegra), et même le demi-Ring de Stein/Grüber qui n’est pas oublié. La nourriture n’était pas toujours égale, mais on a eu bien des festins !
Pas de festin en ce moment à l’opéra, tout juste la cantine du Ministère des Finances (qui paraît-il serait la meilleure de Paris), au prix où sont les places,  et avec la réforme récente des prix cela ne s’est pas arrangé, il me semble qu’il y a un peu de tromperie sur la marchandise.

Si encore on affichait une politique : opéras français (on allait voir ce qu’on allait voir), un Werther magnifique certes – mais deux ans de suite dans deux productions différentes-, une Mireille médiocre, un Faust à oublier. Grands chanteurs (on allait voir ce qu’on allait voir), rien que de normal sur une scène internationale comme Paris, et souvent de grosses déceptions. Le Vérisme (on allait voir ce qu’on allait voir), un André Chénier calamiteux, le Ring (on allait voir ce qu’on allait voir), une bonne distribution un peu passe partout vu le niveau qu’on voit ailleurs, une bonne direction musicale, et la production la moins intéressante des Ring en cours sur les scènes comparables. Cette programmation distille l’ennui bien plus souvent que l’envie. Hélas.

Alors que faire ? Le public vient régulièrement, encore qu’on voie de plus en plus de places vides : en temps de crise, payer 170 Euros pour voir un Faust pareil peut faire réfléchir. La critique est souvent féroce, mais elle l’était aussi sous Mortier : la presse n’aime pas le directeur de l’opéra en général, ce doit être la fonction qui veut ça. Avec cette petite remarque : la crise économique qui se déchaîne n’est pas favorable à l’opéra, qui coûte cher et qui a un personnel  technique très syndicalisé (cela aussi depuis des lustres) qui ne manquera pas d’être atteint par des restrictions et la RGPP (ou régulation, ou modernisation, comme on dit chez les fabricants d’euphémismes). Si la production continue sur cette pente d’aimable médiocrité, comment fera le Directeur pour défendre son rapport qualité/prix ? A moins qu’on ne s’en moque, au nom des réseaux, au nom des visiteurs du soir du ministre, au nom.. .au nom..

Il reste que notre Opéra national n’a jamais eu de véritable politique visant non pas à valoriser le seul répertoire français mais simplement à valoriser l’identité historique de ce théâtre. Je rappelais dans mon texte sur la saison 2012 de la Scala qu’on attendait de cette institution d’être une référence pour le répertoire italien. L’Opéra de Paris n’est pas une référence dans le répertoire en français, loin de là, c’est un opéra de standards internationaux, moyennement produits et distribués en ce moment, et globalement sans couleur particulière. Or, si l’on veut donner à cette maison une autre couleur que celle d’une photocopie d’autres théâtres de même statut, il faut effectivement mettre un accent particulier, comme Mortier l’avait fait sur le XXème et la modernité. Alors, pourquoi ne pas mettre enfin l’accent sur le répertoire d’opéra produit à Paris depuis la création de l’Académie Royale de Musique, de manière qu’on puisse voir à Paris non seulement les grands standards internationaux, mais aussi ce qu’on ne verra pas ailleurs, qui est symbolique de l’histoire et de l’identité de cette maison. C’est ce qu’avait proposé Massimo Bogianckino en son temps et qui me paraît la voie la plus intelligente pour faire de l’Opéra de Paris un lieu de référence ou simplement un lieu un peu « différent », ce qu’il n’est pas vraiment aujourd’hui.
Ainsi donc devrait-on voir à Paris :

–          Les grands standards français (Les Troyens, Carmen, Faust, Werther, Manon, Samson et Dalila, Pelléas et Mélisande, Les Dialogues des Carmélites) impeccablement dirigés dans des productions soignées, de référence, et toujours impeccablement distribuées : c’est assez mal parti.

–          Des opéras en français de référence, qui ne sont pas vraiment présentés ailleurs, comme Benvenuto Cellini , Louise, La Juive, l’Enfant et les sortilèges, Les pêcheurs de perles, Mireille. Soyons honnêtes la plupart ont été présentés dans les vingt dernières années (même sous Mortier !) et sont au répertoire. Mais depuis quand n’a-t-on pas vu une grande production des Pêcheurs de perles ?

–          Une production reprise régulièrement du Saint François d’Assise de Messiaen qui est un opéra mondialement présenté désormais : la production Sellars peut avoir cette fonction de grande référence, tant elle a marqué.

–          Quelques grandes présentations d’opéras de Massenet comme Le Cid, Thaïs, Hérodiade.

–          Les grandes références françaises du baroque, avec des productions de Lully et de Rameau qui ont ouvert l’histoire de cette maison, comme le furent en leur temps « Les Indes galantes » sans empêcher les théâtres plus spécialisés comme l’Opéra-Comique ou les Champs Elysées de compléter.

–          Les grands opéras en français d’auteurs non français : Gluck, Spontini, Cherubini, Rossini, Verdi, Strauss (Salomé), Prokofiev (L’Amour des Trois Oranges sera présenté en français à la fin de cette saison à l’Opéra !). L’Opéra de Paris devrait avoir la palette complète des grands opéras de Gluck (ce n’est d’ailleurs pas le plus mal loti), dans leur version française, et s’entendre avec la Scala pour coproduire les spectacles qui existent dans une version italienne pour éventuellement s’échanger quelquefois version française et italienne (même chose avec Verdi ou Rossini d’ailleurs). Il est par exemple vraiment triste qu’on présente systématiquement la version italienne du Don Carlo et que la version française, depuis les années 80 (production Marelli, pas très réussie), n’ait pas été représentée (sauf la production Bondy mais au Châtelet…) alors qu’on peut aujourd’hui la distribuer. La version française devrait être l’ordinaire à Paris, alors qu’il faut aller à Vienne, Bâle ou Barcelone pour voir une version française du Don Carlos correctement réalisée. Ainsi, des titres distribuables comme le Siège de Corinthe, Guillaume Tell, Moïse et Pharaon (la Scala possède une version modernisée de la belle production de Ronconi de 1984) Le Comte Ory de Rossini, ou les Verdi comme Jérusalem, Le Trouvère (eh, oui, Verdi en a fait une version spécifique pour Paris), Les Vêpres siciliennes et bien sûr Don Carlos devraient être chez eux dans cette maison. Il ne faut pas oublier non plus Spontini (La Vestale) ou Cherubini (Médée, Lodoiska) qui ont marqué toute la période révolutionnaire ou napoléonienne.

–          Enfin ce théâtre a été celui du Grand Opéra et depuis Robert le Diable sous Bogianckino (production musicalement très réussie) on n’a plus rien vu de Meyerbeer depuis. La récente production des Huguenots à Bruxelles montre qu’avec une politique intelligente, le succès est assuré. Ainsi, Les Huguenots, Le Prophète, L’Africaine, Robert le Diable devraient au moins faire partie une année ou l’autre des saisons de l’Opéra. Bien sûr, Meyerbeer n’est pas vraiment à la mode et coûteux à monter, mais que l’Opéra de Paris ait à son répertoire Le Prophète et Les Huguenots ne me paraît pas une hérésie.

On le voit, il y a de quoi afficher vraiment une politique appuyée sur le répertoire historique de cette maison, qui ferait de l’Opéra un théâtre tant soit peu original. Il s’agit simplement par exemple, lorsqu’il  y a une version française d’un titre qu’on se propose de présenter, de la choisir plutôt que la version standard, ou de mettre au répertoire des titres français tombés dans l’oubli ou pas présentés depuis des lustres. Je le répète : Liebermann a lancé la version « standard de luxe » de l’opéra, c’était nécessaire.  Bogianckino un italien qui avait le sens de l’identité des théâtres, est le seul à avoir eu l’idée de proposer un travail qui soit fondé sur l’histoire de ce théâtre, mais il n’a pas eu le temps de poursuivre. Hugues Gall a construit un répertoire de base, des réserves indispensables à un théâtre international qui doit occuper deux scènes environ 300 jours par an. Gérard Mortier a permis à un répertoire « autre » d’entrer à l’opéra dans des productions souvent passionnantes. Nicolas Joel a trouvé une maison munie d’une réserve de sécurité rare en termes de palette de couleurs des productions maison. Puisqu’il voulait, paraît-il faire du répertoire français, il pouvait alors s’appuyer sur l’exemple de la politique Bogianckino (que personne ne cite jamais en France…) , et approfondir  le travail commencé alors en proposant des œuvres qui correspondent à l’identité historique de cette maison : au vu des choix tièdes (c’est le moins qu’on puisse dire) en matière de mises en scène, au vu des choix tièdes en matière de titres nouveaux, c’est une politique de non-choix qu’il affiche, avec pour  résultat une insatisfaction sur les titres, sur les productions, et souvent sur le chant aussi.  Pour l’instant, l’Opéra n’a strictement rien gagné au changement de directeur. Il aurait plutôt perdu. Mais laissons du temps au temps et espérons que les saisons à venir nous réserveront quelques bonnes surprises.

 

 

 

OPERA DE PARIS 2011-2012: LA FORZA DEL DESTINO DE GIUSEPPE VERDI, le 20 novembre 2012 (Ms en scène: Jean-Claude AUVRAY, dir.mus: Philippe JORDAN)

30 ans déjà que La Forza del destino a disparu des saisons parisiennes. En parcourant le programme de salle en ce dimanche on se rappelle que Placido Domingo, Carlo Cossutta, Fiorenza Cossotto, Martina Arroyo, Raina Kabaivanska, Martti Talvela, Kurt Moll, Nicolai Ghiaurov,  Gabriel Bacquier, Fernando Corena, Anna Tomowa Sintow ont agrémenté nos soirées, et que les chefs,  à part Giuseppe Patanè, n’étaient pas des personnalités notables, (Julius Rudel, Gianfranco Rivoli). La mise en scène de John Dexter, qui avait si bien réussi avec I Vespri Siciliani était décevante et plate. Un spectacle qui a passionné pour les voix, on se souvient de manière émue des duos Domingo/Arroyo, ou de l’incroyable (il n’y a pas d’autre mot) Carlo de Piero Cappuccilli.
L’œuvrereste ingrate, avec des moments de musique sublime, et d’autres moins heureux, et un constant mélange des genres, des passages incessants d’un lieu à l’autre (ce qui a poussé Jean-Claude Auvray  à choisir ici la fluidité des toiles peintes, et ce n’est pas si mal) et lorsqu’on met en face la réussite du Trouvère, d’un bout à l’autre chef d’oeuvre absolu, on sent dans la Forza del Destino quelque hésitation et quelque faiblesse. On aimerait cependant que les théâtres osent la version originale de Saint Petersbourg avec ce spectaculaire final où Alvaro lance une bordée d’insultes avant de se suicider. Ici on a choisi de faire la version de la Scala, façon Mahler/Mitropoulos, c’est à dire avec le prologue d’abord, puis l’ouverture (Sinfonia) qui précède la scène de la taverne.
J’attendais donc avec une certaine anxiété ce spectacle car je ne cesse d’affirmer que l’époque n’est pas très favorable à Verdi et j’avais lu les critiques plutôt mitigées (c’est le moins qu’on puisse dire) de la presse parisienne. Si la production n’est pas de celles qu’on retiendra (elle rejoindra celle de Dexter, avec laquelle elle a certaines parentés – le plateau vide par exemple- dans les oubliettes de l’histoire), musicalement, le résultat est inégal, mais on passe quand même un bon, et quelquefois beau moment.
Jean-Claude Auvray, comme l’a fait remarqué Christian Merlin dans Le Figaro passait pour novateur il y a trente ans. Cet heureux temps n’est plus: voilà la mise en scène typique destinée à durer 10, 20, 30 ans comme ces mises en scène de l’Opéra de Vienne jouées 277 fois depuis la Première. Au fait était-ce la 3ème ou la 277ème fois? Car la production auraitpu aussi bien naître en 1967, en 1975 ou en 1982, tant elle est passe partout. Elle permettra à toutes les distribution futures de se glisser à peu de frais (de répétitions) dans les pantoufles de la mise en scène. Je ne vois pas d’autre idée que celle de placer l’action au moment du Risorgimento. Pour le reste, c’est pain béni pour les chanteurs non acteurs, à commencer par Violeta Urmana. Malgré tout, cette non mise en scène n’est pas mal faite: éclairages réussis de Laurent Castaingt, costumes chatoyants et plutôt agréables à la vue de Maria-Chiara Donato, jolis décors en toiles peintes d’Alain Chambon. Les foules sont bien dirigées, avec des mouvements spectaculaires face au public. En bref, une vraie mise en scène d’opéra pour l’oeil, et mais pas pour le cerveau: il peut reposer en paix! Pas de Regietheater à l’horizon!  pas de Theater non plus! et pas vraiment de Regie!

Musicalement, on est à un autre niveau, et c’est  même ce qui sauve l’affaire. D’abord cette fois-ci (au contraire de Faust et de Tannhäuser) le chœur est parfaitement en place sans décalages avec l’orchestre, avec une énergie et une puissance de très bon aloi. On est heureux de le retrouver.
La distribution est plus inégale. J’ai eu la chance aujourd’hui d’assister à la première représentation chantée par Marcelo Alvarez, puisqu’il a dû annuler les deux premières. Force est de constater que la prestation décevante du mois dernier à la Scala dans Rosenkavalier (Ein Sänger) est oubliée. La voix, sans être énorme, est jolie, bien timbrée, puissante quand il faut (un tantinet limite quand même) et surtout Alvarez sait l’alléger, il sait en jouer, il sait moduler, il sait chanter piano et s’il n’est pas un acteur de génie, il sait donner les inflexions justes à sa voix et être émouvant. Un vrai Alvaro, bien meilleur que le regretté Licitra, à la voix puissante mais mal domptée, que j’avais vu à Vienne dirigé par Mehta il y a quelques années. Face à ce bel Alvaro, Violeta Urmana fait problème. Signalons d’abord à Marie-Aude Roux dans sa critique (le Monde du 16 novembre) qu’elle inverse l’ordre des choses: Urmana a commencé mezzo et s’est mise à aborder les rôles de soprano ensuite et non l’inverse. Je continue a penser qu’elle eût fait sans doute une mezzo exceptionnelle et qu’elle est un soprano sans vrai caractère; la voix est de qualité, mais elle reste lourde, sans vraie ductilité, alors Verdi en demande, sans réussir à alléger, à moduler et avec un aigu quelquefois crié, hurlé, aigre, peu agréable. Son début du “Pace pace” est à mon avis raté, et si la note finale est réussie, quelques aigus sont bien désagréables. Quand je pense qu’elle va aborder Brünnhilde (il est vrai en concert) de Siegfried, timeo danaos et dona ferentes… Il en résulte une certaine platitude dans son interprétation, une certaine froideur de cette voix sans vrai engagement, mais aussi çà et là de beaux moments, comme les toutes dernières mesures ou “Vergine degli angeli”.  J’avais vu à Vienne Nina Stemme qui n’est pas vraiment faite pour ce répertoire, et qui avait une tout autre dimension et aussi et surtout des réserves vocales que madame Urmana n’a point. Et pourtant elle est affichée dans Leonora un peu partout…
Face à ce couple, le choix de Vladimir Stoyanov pour Carlo est à mon avis la seule vraie erreur de casting. La voix n’est pas séduisante, pas vraiment homogène, la technique approximative, le volume manque, ce qui est catastrophique pour “Urna fatale del mio destino” et surtout “E’ salvo, oh gioia”. Évidemment on pense aux grands anciens, mais aussi aux barytons capables aujourd’hui de chanter ce rôle qui exige non seulement éclat et volume, mais aussi élégance et technique, et on ne manque pas  de barytons (Mariusz Kwiecien?) aujourd’hui.
La Preziosilla de Nadia Krasteva n’a pas toujours une grande justesse, ni un vrai style, ni des aigus triomphants,  (on se souvient d’Hanna Schwartz, qui était abonnée au rôle à Paris, et bien sûr de la Cossotto, qui en faisait des tonnes, mais avec un style de chant et un volume et des aigus!), il reste que le personnage existe et le ran-tan-plan reste un vrai morceau de bravoure.
Le Fra Melitone de Nicola Alaimo confirme ce qu’on savait de ce jeune baryton, une voix maîtrisée, du style, une grande homogénéité, des aigus: je l’avais entendu remplaçant Carlos Alvarez dans Iago à Salzbourg et il m’avait vraiment plu. C’est confirmé, voilà un futur grand baryton italien: de plus son personnage n’est pas exagéré, certes moins truculent que celui de Bacquier, inoubliable dans le rôle, mais très naturel et très vrai. En tous cas voilà du chant!
Quant à Kwanchoul Youn, son entrée en scène marque un basculement musical: enfin on est devant un chanteur stylé, devant une voix bien posée, même si les graves sont moins impressionnants que chez certains de ses illustres prédécesseurs (Kurt Moll…Nicolai Ghiaurov) on reste séduit par la grandeur du personnage et son humanité, et la qualité vocale de la prestation, c’est un Guardiano indiscutable et c’est lui qui, avec Alaimo et Alvarez, remporte le plus grand succès.

On le voit, une distribution inégale, mais dans l’ensemble de bonne tenue, ne boudons pas…



Mais une fois de plus, c’est Philippe Jordan qui surprend son monde dans un répertoire où, c’est le moins qu’on puisse dire, il n’était pas attendu (on a échappé à Oren…!). L’orchestre est parfaitement au point, d’une clarté cristalline et la direction est d’une grand raffinement. Cette approche de Verdi, plus esthétisante, avec moins de tripes, mais plus d’élégance, séduit indiscutablement. Elle est bien plus intéressante que ce qu’avait tenté de faire Muti avec Le Trouvère à la Scala (“Verdi, c’est comme Mozart”), il en était résulté un ennui mortel que jamais on n’éprouve ici. Certains reprocheront quelquefois un manque de dramatisme , mais je dois dire que je ne l’ai pas vraiment noté. Ce que je peux affirmer en revanche, parce que j’ai vu de nombreuses soirées de la précédente production, entre 1975 et 1981,  c’est qu’on a là indiscutablement la meilleure direction musicale de Forza del Destino qu’on ait eu à l’Opéra et bien meilleure que celle de Zubin Mehta à Vienne (il était ce soir là dans une soirée “routine”).
Au total, je trouve que la presse a été un peu injuste avec une production qui musicalement tient globalement la route (avec quelques doutes sur Urmana et Stoyanov…) et qu’on ne passe pas un moment désagréable; certes, la mise en scène va encore alimenter la polémique sur les choix esthétiques de Nicolas Joel, mais je dois reconnaître que je m’attendais à bien pire, vu ce que j’avais lu, et qu’en revanche j’ai passé un vrai moment musical verdien, avec les émotions inévitables et la redécouverte de cette évidence: quand Verdi s’y met, c’est quand même quelque chose!

THÉÂTRE À LA MC2 DE GRENOBLE: L’HISTOIRE TERRIBLE MAIS INACHEVÉE DE NORODOM SIHANOUK, ROI DU CAMBODGE d’HÉLÈNE CIXOUS, Ms en scène Georges BIGOT & Delphine COTTU, d’après la ms en scène d’Ariane MNOUCHKINE

Je sors de la MC2 de Grenoble où je viens d’assister à un spectacle, affiché seulement pour deux soirs,  qui pose de nombreuses questions dont celle, excusez du peu, de la fonction même du théâtre. Beaucoup d’élèves dans la salle, qui étaient un peu désarçonnés à la fin de la première partie: toute cette histoire ne peut vraiment leur parler, et le texte pose un certain nombre d’éléments qui vont exploser en deuxième partie et qui vont accélérer le rythme dramatique. Je ne sais comment les élèves ont été préparés, mais je ne pense pas qu’il suffise de raconter (ou rappeler) les circonstances historiques, et de rappeler (ou apprendre) qui est Ariane Mnouchkine et quel rôle elle a dans notre histoire récente du théâtre pour leur permettre de rentrer dans ce spectacle en langue khmère, relativement minimaliste et donc sans le “spectaculaire” auquel ils sont habitués. Nous touchons là aux limites de l’exercice pour des élèves, et je crains que certains n’aient pas été touchés par la grâce, hélas. Et ce serait dommage, car au milieu de la relative médiocrité de la production théâtrale française depuis quelques années, voilà un moment où il nous est dit que le théâtre peut encore avoir une vraie fonction sociale, historique, cathartique même et que dans sa simplicité même, il est source de forte émotion. Voilà des éléments pour les débats qui vont s’ouvrir dans cette même MC2 les 11,12 et 13 novembre autour de “Re-faire la société”, les journées organisées par Pierre Rosanvallon et la République des Idées. Je verrais bien les débats “L’art change-t-il le monde? (Sam.12, 14h30) ou “quelle place pour la culture dans la vie sociale?”(Dim.13, 9h30) être alimentés par des exemples de ce spectacle.
Car s’il peut à mon avis difficilement parler à tous les élèves présents en salle (sans doute à certains, cependant), il nous parle à nous, de cette génération qui a connu la guerre du Vietnam et l’omniprésence de Norodom Sihanouk(qui doit avoir 89 ans aujourd’hui) dans l’actualité (non-alignement, discours de Phnom Penh etc…)  et à nous spectateurs de longue date d’Ariane Mnouchkine. Le travail d’Ariane Mnouchkine est un travail sur l’épopée humaine face aux accidents et tragédies de l’histoire: 1789, qui l’a projetée au premier plan, et 1793 posaient la question du rapport scène-salle, spectateurs-spectacle dans un dispositif où le spectateur était forcément acteur, et acteur d’un drame, la révolution française, qui le touchait directement car il allait au cœur du mythe français. Lorsqu’elle met en scène ce magnifique texte d’Hélène Cixous, en 1985, elle vient de présenter des Shakespeare (Henry IV, La nuit des rois, Richard II) mis en scène en s’appuyant sur des traditions orientales qui ont tourneboulé les spectateurs par leur rigueur et leur vérité: j’ai encore dans l’œil et dans le cœur l’image finale en forme de pietà de Richard II.  Ce soir c’est une histoire orientale qu’elle nous présente, mais cette fois-ci transformée en tragédie shakespearienne, elle en a le souffle, la longueur, la fragmentation, les hoquets, la grandeur concentrée autour d’un personnage emblématique des années précédentes, alors qu’on sortait à peine du cauchemar Khmer rouge (terminé en 1979) et que le Cambodge était encore en pleine occupation vietnamienne. Chine, Russie, USA, Khmers rouges, Vietnam, voilà les piliers sur lesquels se construit le parcours d’un personnage haut en couleur, qui avait fait avec sa voix aiguë et nazillarde les délices de l’actualité des années 60 et du début des années 70.
Ariane Mnouchkine s’est donc proposée de remonter le texte au Cambodge, mais avec des acteurs cambodgiens, fils de ce drame épouvantable qu’ils n’ont sans doute pas connu, mais chargés de l’histoire qui je suppose doit être marquée au fer rouge dans toutes les familles. Je ne m’étendrai pas sur la genèse du projet, je vous renvoie aux sites de la MC2, du Festival Sens interdits, organisé par le Théâtre des Célestins, et qui a bénéficié pour ce spectacle de toute l’énergie de son co-directeur Patrick Penot pour trouver salles et dates, de l’Ecole Phare Ponleu Selpak de Battambang, du Théâtre du Soleil bien sûr où le spectacle sera joué du 23 novembre au 4 décembre.
Le projet a été confié par Ariane Mnouchkine à Georges Bigot,

(Georges Bigot dans la scène du Spectre de Suramarit à la création en 1985)

l’interprète de Sihanouk (prix de la critique en 1986) à la création du spectacle et à Delphine Cottu, comédienne de nombreux spectacles de Mnouchkine et metteur en scène. Bien sûr la base en est la mise en scène originale de Mnouchkine, on reconnaît le dispositif scénique, et l’orchestre latéral qui joue la musique de Jean-Jacques Lemêtre, sur instruments orientaux, qui rythme de manière très scandée les scènes (la manière dont est mise en musique la révolte anti-vietnamienne est impressionnante), un dispositif allégé, des costumes et des accessoires minimalistes, pour permettre au spectacle de tourner tant soit peu.
Les comédiens khmers ont fait un prodigieux travail avec les deux comédiens metteurs en scène qui se sont jetés à corps perdu dans l’aventure: ces jeunes comédiens se sont ainsi réappropriés leur histoire, qu’ils racontent dans leur langue, avec une intensité incroyable: le discours de Saloth Sar (Pol Pot) interprété par une femme (Chea Ravy) donne le frisson et tétanise la salle, l’interprétation de San Marady, une autre femme, de 24 ans, qui joue Sihanouk, un Sihanouk presque enfant, avec cette voix caractéristique est vraiment impressionnante,  de mobilité, de jeunesse qui semble éternelle : dès le début, sorte de distribution des bienfaits à la Saint-Louis-sous-son-arbre, le spectateur est perplexe et surpris, quelle prise de risque! Comme je le disais plus haut, la pièce trouve ses racines dans Shakespeare, cette manière de centrer autour d’un personnage dont on n’arrive pas à trouver la vérité (sauf au moment où il dit qu’il est le Cambodge, le texte est bouleversant), cette manière aussi de faire se succéder des dizaines de personnages dans des scènes courtes, de poser les éléments du drame sans que l’on ne voie vraiment les fils se tisser, notamment dans la première partie, où nos jeunes se sont un peu perdus: le Cambodge, pris dans la guerre du Vietnam, entre les USA, la Russie et la Chine, victime d’une guerre qui le dépasse, avec un chef qui refuse de choisir, et qui laisse en même temps s’installer à l’intérieur de ses frontières des bases arrières de Vietcongs, les luttes intestines, les traîtres, tous les éléments d’un drame sont réunis. Le fait de faire jouer des hommes par des femmes est aussi shakespearien (en négatif, puisque les hommes jouaient des femmes sous Shakespeare, mais Cixous est une grande féministe devant l’éternel) le mélange humour/drame, les moments de tension alternant avec des sourires ou des rires

(comme dans l’apparition du spectre du père, Norodom Suramarit), on  sent chez Cixous l’angliciste qui connaît son Shakespeare sur le bout de l’âme. Cela permet de revenir d’ailleurs à notre regard sur les politiques, tantôt mâtiné de Feydeau (Deschanel, Felix Faure) tantôt mâtiné de Shakespeare (la récente affaire DSK est dans ses premiers jours est un véritable drame shakespearien) et surtout à cette fonction de la tragédie qu’est la catharsis: les cambodgiens sur scène, et en salle (le spectacle a été joué au Cambodge) ont vécu un moment authentiquement cathartique. Un théâtre qui pose l’histoire et qui en dessine les éléments portants, qui permet à un peuple de se regarder est toujours du vrai et du grand  théâtre. A quand une fresque sur la France de 40? Ce théâtre de la vérité et de l’émotion fait vibrer la salle à la fin , lorsque les comédiens entonnent l’hymne cambodgien, dans un grand silence ému, et même lorsqu’ils entonnent une chanson sur Phnom Penh, et qui m’a semblé une chanson d’amour de cette ville. Je vais peut-être dire une bêtise, mais j’ai ressenti une émotion forte, à l’évocation de la ville martyr, qui est semblable à celle qui m’étreint lorsque j’entends “Berliner Luft”, de Lincke (qui date de 1899), non pas que cet air de marche très enlevé soit un chef d’œuvre musical, mais mettre cet hymne non officiel de Berlin en relation avec cette ville qui a retrouvé son unité,  et qui est en train de redevenir la ville la plus ouverte, la plus diverse de l’Allemagne d’aujourd’hui, (ce qu’elle était aussi dans les années Vingt) après avoir été malgré elle le symbole d’une folie tyrannique me faisait dire en entendant ces jeunes comédiens que faire du théâtre, c’est un vrai signe d’espoir, un vrai signe que les choses changent. Sans théâtre, sans aller au théâtre (et au Cambodge, il y a une vraie histoire et une vraie tradition) une société meurt. Le théâtre est le signe de la civilisation. Donc, si vous êtes sur Paris, allez,  courez voir ce spectacle dont nous n’avons vu que la première partie (3h30). Comme les grands drames, il se clôt sur le choix tragiquement ironique de Sihanouk d’accepter de prendre la tête de la résistance communiste khmère et des khmers rouges qu’il avait toujours combattus, on sait ce qu’il en adviendra. A suivre donc…

METROPOLITAN OPERA NEW YORK 2011-2012 sur grand écran le 5 novembre 2011: SIEGFRIED de Richard WAGNER (Dir.mus: Fabio LUISI, ms en scène Robert LEPAGE)

Duo de l’acte III

(Photos personnelles capturées au débotté, en attendant de récupérer des photos  du MET)

Voilà donc la troisième page de ce Ring new-yorkais. Le battage publicitaire autour de cette production a été obscurci par deux accidents notoires. Gary Lehmann prévu pour Siegfried atteint d’un virus est arrêté depuis le printemps dernier. Il est affiché dans les trois séries du Ring complet ce printemps (Avril-mai), mais pour l’instant il est remplacé par un chanteur peu connu,  Jay Hunter Morris qui était sa couverture. James Levine qui a de gros problèmes de santé depuis deux à trois ans est tombé cet été et a annulé tous ses concerts. S’il est affiché pour le Ring de Printemps, il est remplacé y compris dans le Götterdämmerung de cet hiver par Fabio Luisi. Le MET a nommé en conséquence Fabio Luisi “principal conductor”, sorte de doublure du directeur musical. Fabio Luisi est  peu connu en France, et même dans son pays d’origine, l’Italie (il est génois). Il a fait une carrière essentiellement en Allemagne (il a été à Berlin, à Dresde et a fait beaucoup de répertoire dans les opéras germaniques (Munich, Vienne…) et en Suisse (Orchestre de la Suisse Romande), c’est un bon chef, réputé pour bien faire travailler l’orchestre, un de ces chefs de confiance qui peut vous sauver une situation difficile.
Siegfried n’est pas le plus populaire des opéras de Wagner, et dans le Ring il a une place un peu à part: c’est une œuvre où la conversation (notamment à l’acte I) est particulièrement importante, où la comédie alterne avec le drame (Mime est un personnage de caractère particulièrement intéressant), qui se clôt sur une perspective optimiste. c’est une œuvre sans femmes pendant deux actes. Je pensais ce soir à un film de Fassbinder que j’ai vu la semaine dernière (Welt am Rad, traduit je crois par “Sur le fil”), c’est l’histoire de la fabrication d’un monde virtuel entièrement programmé qui échappe à ses créateurs, parce qu’en programmant un monde faits d’êtres virtuels, doués de sentiment etc..ils ont produit des êtres aux réactions humaines, donc imprévisibles, tout en étant virtuelles. Je me disais que le Ring, c’est bien l’histoire d’êtres programmés par Wotan, qui tour à tour  lui échappent . Siegfried en est l’exemple typique, sa naissance, son éducation, sa libération, sa rencontre avec Brünnhilde, tout cela est soigneusement programmé, et tout s’écroule parce que les deux humains, à cause de leur passion,  gauchissent l’ordre des choses,  Siegfried brise la lance de Wotan,  qui , comprenant tout à coup quel risque il prend, cherche à empêcher que se déroule un ordre des choses qu’il a lui même programmé…Au risque de me répéter, je pense que l’on n’est jamais allé aussi loin que Chéreau dans l’analyse des mécanismes internes de l’œuvre. Sa mise en scène, qui pour Siegfried n’avait pas totalement convaincu à l’époque, avait notamment été critiquée pour le 2ème acte, avec ce dragon- jouet poussé par des machinistes, et l’oiseau dans sa cage. L’attention au jeu, l’extrême engagement des chanteurs (et notamment le Mime de Heinz Zednik) en avait fait à mon avis le moment le plus authentiquement théâtral du Ring (avec le IIème acte de Walkyrie) malgré un Siegfried bien pâlot/falot.
Lepage, je l’ai déjà dit,  change totalement le point de vue. Il ne s’agit pas de chercher dans le texte des jeux métaphoriques et des renvois à des réalités extérieures à l’histoire, il ne s’agit pas de se pencher sur les significations, il ne s’agit “que” de raconter une histoire, comme on raconterait un conte à des enfants, ou comme les histoires que vivent les ados accrocs de jeux de rôles ou de jeux vidéo. Pas de lecture idéologique du texte, mais une lecture purement linéaire et à la fois très moderne, car elle renvoie à des pratiques d’aujourd’hui (le dragon est vraiment un dragon de cinéma d’animation). Aussi doit-on une fois encore, et peut être encore plus pour cette représentation souligner la performance technique qui se cache derrière le spectacle, des vidéos réglées avec une précision d’horloge par l’artiste Pedro Pires, nouveau venu dans l’équipe,  (l’oiseau qui parle, qui se réfugie dans les mains de Siegfried par exemple au début du 3ème acte, ou les jeux sur l’eau au 1er acte, notamment quand Siegfried refroidit Notung sous l’eau qui coule en cascade). On pouvait craindre des effets répétitifs, car désormais quand on a vu les autres spectacles, on comprend le propos technique et le dispositif scénique. Eh bien pas du tout! La mise en scène réussit à surprendre, tout en gardant d’ailleurs les mêmes défauts. On va d’ailleurs commencer par là.
En effet, le jeu se réduit souvent au proscenium, ou sur l’espace en pente de la “machine” articulée, ce qui veut dire peu de possibilités de mouvement malgré l’énormité du plateau du MET réduit à une portion congrue. Ce qui veut dire aussi que les rapports entre les personnages restent assez peu travaillés. En termes de mise en scène, tout cet aspect est assez faible et demeure très largement illustratif. Il y a tout de même des idées, par exemple, l’évocation de la naissance de Siegfried pendant le prélude, mais le seul moment de “vraie” mise en scène, c’est la magnifique scène entre Erda (Patricia Bardon, royale) et le Wanderer (Bryn Terfel, impérial), la manière dont le Wanderer sort la liste des runes de sa lance, l’étale sur le sol et rampe dessus est impressionnante, réduisant ensuite la lance allégée de ses runes à un maigre bout de métal que Siegfried aura tôt fait de briser, le jeu des deux personnages très légèrement érotique (jeu des affleurements entre le Wanderer et Erda, dont l’accouplement a produit Brünnhilde…) est aussi impressionnant. Tout le reste est souvent du déjà vu, avec un duo final entre Brünnhilde et Siegfried très pauvre en inventivité scénique et avec des personnages singulièrement paralysés alors qu’ils devraient être ravagés par la passion (au moins Siegfried), un duo final assez raté dans l’ensemble.
Là en revanche où Lepage est vraiment souverain, c’est dans le traitement des individus, dans la manière de jouer sur leurs expressions, qui sont pour tous d’une rare justesse. Un  exemple, lorsque Wotan dit “Zieh hin! ich kann dich nicht halten!” ( “va, je ne puis t’arrêter!”) après avoir eu sa lance brisée par Siegfried à l’acte III, il sort en esquissant un sourire qui est une très belle trouvaille: vaincu mais heureux…Une grande réussite aussi grâce au beau Siegfried de Jay Hunter Morris, qui réussit la transformation d’un Siegfried un peu “échevelé”, un peu ado retardé du 1er acte, en jeune adulte rendu mature par le sentiment de l’amour et la rencontre avec la femme, par des détails à peine perceptibles des expressions du visage, des gestes moins agités. Un magnifique travail d’une précision et d’une attention rares (on est loin du travail grossier d’un Gunter Krämer):  il est vrai que Lepage est servi par une distribution d’une rare homogénéité à tous niveau, tous ou presque ont une diction éblouissante (Gerhard Siegel en Mime! Bryn Terfel en Wanderer, mais aussi Patricia Bardon ou l’Alberich splendide de Eric Owens) ; beau travail que celui sur les costumes (de François Saint Aubin, les mêmes que pour Rheingold, mais salis, vieillis et rapiécés (notamment pour Mime, Alberich et Fafner). Belle idée enfin que celle d’un Wanderer vieilli, aux cheveux blancs, qui apparaît face à la crinière dorée et éclatante de Siegfried comme un vrai grand père.
Au delà de ce travail souvent très attentif sur les individus, l’ensemble dégage une indéniable poésie, de cette poésie qu’on attend des livres de contes pour enfants, images d’un monde lointain aux couleurs atténuées, un monde qu’on pourrait voir aussi en BD ou comme je l’ai dit dans des films d’animation, un travail où la vidéo et le numérique se mêlent à l’action en se tissant aux personnages “réels” sur la scène et ne sont pas des éléments surajoutés qui font “décor”, c’est cette interaction qui est passionnante et qui en fait une œuvre d’aujourd’hui, ou une “œuvre d’art de l’avenir” pour paraphraser qui vous savez…
A ce travail scénique correspond un travail musical de très grande qualité. j’étais en correspondance téléphonique aux entractes avec une amie très “lyricomane” qui à New York était dans la salle, pour vérifier si mes intuitions étaient justes ou démenties par ce qu’elle entendait. Comme nous avons eu les mêmes sentiments, j’écris sous la réserve d’entendre la représentation en salle mais avec cette garantie là. Du côté du chant, il y aurait d’abord à dire “Habemus Wotam( ou Wotanem?)”. Bryn Terfel est inaccessible dans ce rôle, il en a la puissance, le timbre, l’intelligence, la diction. Il a tout. Claudio Abbado l’avait bien senti il y a déjà plus de douze  ans quand nous avions échangé après un Don Giovanni à Ferrare ( où Terfel chantait Leporello) , il m’avait dit, “C’est un Wotan, un Wotan!”.  Qu’il fasse Hans Sachs ou Wotan, c’est un modèle, allez-y dès qu’il est affiché quelque part …en attendant le futur Wotan que finira bien par chanter Michael Volle, qui le lui offrira?
On sait que Gerhard Siegel est un chanteur de très bon niveau, son Mime est un rôle de référence pour lui, il en endosse l’aspect physique, mais aussi les inflexions, la diction parfaite, il est ce personnage tragi-comique qui le rend si passionnant de bout en bout, un des rôles les plus subtils de la Tétralogie, qu’il faut confier à des chanteurs qui ont un parfait sens du texte et une intelligence sensible et aiguisée.
Hans-Peter König réussit dans les sept minutes de présence à être émouvant, à marquer le rôle et à faire de ce court moment un vrai moment d’arrêt et de méditation. Eric Owens en Alberich confirme l’excellente impression de l’Or du Rhin en personnage à la fois grotesque et pathétique avec une voix forte, bien timbrée, et pour lui aussi une diction modèle. J’ai dit tout le bien que j’ai pensé de l’apparition d’Erda et de Patricia Bardon, vêtue d’une robe de cristaux de mica, et brillant de feux nocturnes, qui est vraiment une Erda imposante,  Mojka Erdmann, dans l’oiseau  est elle aussi sans reproche.
Venons en au couple Siegfried/Brünnhilde en commençant par Deborah Voigt, pour qui j’avais nourri quelque doutes et une vraie déception dans Walküre.

Je continue à ne pas trouver la voix exceptionnelle, à déplorer un jeu fruste, sans palpitation aucune, étranger à l’action, sauf des mimiques un peu ridicules et souvent identiques et donc répétitives, mais le redoutable troisième acte passe mieux vocalement que je ne le craignais. La prestation est donc très honorable.

Quant à Jay Hunter Morris, de Paris, Texas, la production le présente comme un texan un peu perdu débarqué dans la grande ville…la voix n’est pas extraordinaire de volume, les notes suraiguës ont sérieusement tendance à être savonnées (très habilement, il faut le dire), la diction est quelquefois approximative, son troisième acte est fatigué et laisse voir les limites de la voix, mais il est d’un tel naturel, d’une telle justesse en scène, d’une telle sensibilité musicale qu’il réussit à emporter très largement l’adhésion: la composition évolutive du personnage est admirable, ce n’est plus le même entre le 1er et le 3ème acte et nous avons là une composition en Siegfried qui impressionne. Belle, très belle performance que de réussir à faire oublier des défauts de cette manière et même de les récupérer au service de son personnage.
Don au total, une distribution supérieure à ce qu’on a vu ces derniers temps sur les autres grandes scènes, avec la présence écrasante d’un Wotan d’exception.

Dans la fosse, Fabio Luisi a réussi  à se démarquer de James Levine, qui officie dans Wagner au MEt depuis quarante ans…On connaît la manière Levine, un son compact, une ceraine lenteur, un grand symphonisme qui donne quelquefois une certaine ivresse, un Wagner qui fait masse et qui impressionne. Avec Luisi, on a cultivé pour Siegfried une approche plus analytique, beaucoup moins compacte et monumentale ( il dit lui même que Siegfried nécessite une approche plus subtile, à cause de l’aspect théâtral, de comédie que l’œuvre revêt quelquefois) et qui suit l’action de manière exceptionnelle, comme l’accompagnement d’un film, on entend chaque pupitre, la clarté de l’approche donne un sentiment de grande élégance, et d’un vrai naturel. C’est vraiment une grande représentation, un travail remarquable et Luisi a réussi à s’imposer . Il faudra compter avec lui et il confirme ce qu’on sait des approches italiennes de Wagner, souvent lumineuses, élégantes, l’autre voie pour Wagner.

Au total, évidemment, l’envie de sauter par dessus l’océan pour aller assister au Ring complet en avril me titille sérieusement, dans une distribution modifiée et avec Levine (au moins sur le papier). Et le 11 février, je serai devant l’écran pour Götterdämmerung.  Malgré les accidents, et malgré un rendu scénique irrégulier (ah, ce troisième acte!), on a là une production majeure de ces dernières années.

HELENE GRIMAUD – CLAUDIO ABBADO, LE RECIT D’UNE RUPTURE, SELON LE NEW YORK TIMES

Je reproduis in extenso un article du New York Times paru le 30 octobre
©New York Times, Oct.2011

Lien dans le journal: New York Times

On trouvera aussi dans le New Yorker (cliquer sur le lien) un long article sur Hélène Grimaud qui aborde aussi la question.

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Titans Clash Over a Mere Cadenza

Left, Michelle V. Agins/The New York Times; Georg Anderhub

Claudio Abbado, right, and Hélène Grimaud, whose artistic dispute led to the cancellation of several concerts they were to have performed together.

By DANIEL J. WAKIN

Published: October 30, 2011

Sure enough, it was invoked to fend off questions about the puzzling cancellation of a recent series of concerts by two of classical music’s most prominent figures, a much-respected pianist and a celebrated conductor who had performed together successfully for more than 15 years.

Now, in a rare parting of the curtain, several figures involved — including the pianist, Hélène Grimaud — have talked candidly about what went wrong, illuminating how seemingly narrow differences of musical opinion, scholarship and taste can metastasize into a test of wills and the collapse of a deep artistic relationship.

It is a rift that also points to the importance of musical chemistry, the ineffable meeting of musical sensibilities that leads to great performances. And the dispute has left Ms. Grimaud’s latest recording project, a Mozart disc due out Nov. 8, without a second major draw: the eminent Italian maestro in question, Claudio Abbado.

Ms. Grimaud was to have performed with Mr. Abbado at the Lucerne Festival in Switzerland this summer and in London next October. The concerts were canceled because of “artistic differences” — naturally.

“It’s neither the first nor the last musical partnership to go south,” Ms. Grimaud said in a recent interview. “It doesn’t cast any shadow on a partnership” of nearly 20 years. But the experience seems to have rankled. “For Claudio it’s pretty clear he has no interest in working with someone who doesn’t do what he likes,” she said.

Mr. Abbado declined to be interviewed. “It is a closed issue for him,” said Barbara Higgs, the Lucerne Festival spokeswoman. The festival’s artistic and executive director, Michael Haefliger, said the conductor wished “to no longer collaborate with someone he felt was not being a good partner.”

For a while the partnership was a dream. Ms. Grimaud, who turns 42 next Monday, is a magnetic pianist known for searching interpretations and brilliant technique, and for her work away from the concert stage to save wolves. Mr. Abbado, 78, is a revered maestro who wields enormous influence in the classical music world and gives limited, highly anticipated performances. Both have overcome stomach cancer. They have performed together at least a dozen times, going back to 1995, when Mr. Abbado conducted Ms. Grimaud’s debut with the Berlin Philharmonic.

But what it took to end it all, it seems, was 1 minute 20 seconds of music, a cadenza of a mere 30 measures.

Cadenzas are unaccompanied flights in a concerto that play on its themes and show off a virtuoso’s mettle. In the 18th century performers often improvised. But increasingly composers wrote down their cadenzas. Sometimes they were written by other composers.

Ms. Grimaud and Mr. Abbado got together in Bologna, Italy, on May 29 for several days of rehearsing, performing and recording with Mr. Abbado’s Orchestra Mozart. The aim was to produce a Deutsche Grammophon disc of a vocal work and two Mozart concertos, No. 19 in F and No. 23 in A. Mozart wrote cadenzas for both. But Ms. Grimaud arrived with another cadenza for No. 23. It was by Ferruccio Busoni, an Italian piano virtuoso and composer active in German-speaking lands in the late 19th century and early 20th. Vladimir Horowitz, in his recording of the piece with Carlo Maria Giulini also for Deutsche Grammophon, played the Busoni cadenza. Horowitz fell in love with it after declaring Mozart’s cadenza “foolish” and “too thin,” according to David Dubal’s book “Evenings With Horowitz: A Personal Portrait.”

Ms. Grimaud did not go that far. But she said that Mozart’s cadenza for the work was “not the most inspired.” She said she too had fallen in love with the Busoni version when she was 12 or 13, after hearing that Horowitz recording, and always knew she’d play it. “It’s brilliant,” she said. “It’s inspired. It’s very imaginative in the way it treats the material.”

The Busoni also has a lush, Romantic sound with hints of Brahms and Liszt — composers with whom she has made her mark.

Mr. Abbado said he preferred the Mozart cadenza, but they rehearsed, performed and recorded the concerto with Busoni’s. At a touch-up recording session, Mr. Abbado asked Ms. Grimaud to play through the Mozart cadenza.

“I said I would not seriously consider doing that for the recording,” Ms. Grimaud recounted. To begin with, she had not practiced the Mozart cadenza. But Mr. Abbado insisted, and Ms. Grimaud retreated to her dressing room to work on it. She came out and ran through it twice, and the recording engineers kept the microphones on.

“Then we went and all had ice cream together,” she said. “We left and said, ‘See you in Lucerne in August.’ That was how Bologna ended.”

But a month later Mr. Abbado sent signals that he wanted the Mozart cadenza included. Ms. Grimaud declined, saying it was the “soloist’s prerogative.” Ms. Grimaud said she called Deutsche Grammophon and asked that it block the recording, which it did, given that it was her project.

“Hélène has said very rightfully, ‘Hang on a minute, this is my territory,’ ” said Ute Fesquet, the label’s vice president for artists and repertory. According to Ms. Fesquet, Mr. Abbado said, “If she has this territorial approach, we can’t make music together.” She added, “He is very strong and probably, like most of the conductors, used to dominate the artistic process.”

Mr. Haefliger of the Lucerne Festival tried to make peace but eventually relayed the message: Mr. Abbado would not play with her in Lucerne, where they had three concerts scheduled in August with the Lucerne Festival Orchestra, or in London on Oct. 10.

“It was a disaster for us,” Mr. Haefliger said. Substitutes were found, although Ms. Grimaud still received her fees.

She said the issue became a matter of principle.

“It would have been for me a sort of sellout,” Ms. Grimaud said. “It would have been going with the flow to avoid making waves, and keeping things comfortable and uneventful. I couldn’t do that. That kind of compromise is nothing I want to do with. And neither does he. That’s maybe why we worked together for so many years.”

Mr. Haefliger, who was at the Bologna sessions, put the issue in a different light. He said it was apparent that their musical relationship was not working. “It was just somehow sort of dead. I guess they didn’t really relate to one another.”

But there was a twist.

A month before the Bologna sessions Ms. Grimaud had performed the same two Mozart concertos in Munich with the chamber orchestra of the Bavarian Radio Symphony, a group with which she has a strong connection. She said she was deeply satisfied by the performance.

“It was one of those concerts where time stopped,” she said, adding that in Bologna “it wasn’t the same.” She could not stop thinking about the Munich performances, she said. With the Abbado recording pulled, the solution was obvious. And so, on Nov. 8, Deutsche Grammophon will release Ms. Grimaud’s performances of the two Mozart concertos accompanied by the Bavarian Radio Chamber Orchestra, with her conducting from the keyboard.

The booklet notes make no mention of the cadenzas.

OPERAS EN EUROPE 2011-2012 (2): SPECTACLES A RETENIR – VIENNE & BERLIN

Se reporter aux commentaires spécifiques sur les saisons pour la Scala, Paris, Lyon.

Vienne, Berlin,  voici venir le moment des deux grandes capitales européennes de la musique d’opéra, 300 soirs à Vienne, trois opéras à Berlin, des titres variés, des standards certes, mais aussi bien des raretés. L’énorme offre berlinoise permet de diversifier les styles, les approches, les artistes, même si on voit mal se prolonger encore longtemps une situation d’une telle richesse. A Vienne, nous avons pour l’instant passé sous silence le Theater an der Wien, qui propose une programmation nouvelle correspondant à l’espace plus réduit et à un authentique théâtre du XVIIIème, et qui explore un répertoire différent de la Staatsoper, ni la Volksoper, qui n’a pas les mêmes choix esthétiques que la Komische Oper de Berlin, bien qu’elle ait la même fonction sociale et même si l’apport intellectuel de la  Komische Oper à l’histoire du théâtre est autrement plus riche (Se reporter aux sites respectifs).  Les productions du Theater an der Wien sont certes alléchantes, mais elles ne me sont pas apparues plus stimulantes que dans d’autres lieux similaires, c’est une programmation qu’on verrait bien à Aix en Provence par exemple.

VIENNE

Le Staatsoper de Vienne est un lieu un peu particulier. Un des hauts lieux de la grande tradition de l’Opéra, une institution d’une importance considérable dans le paysage autrichien, trois cents soirées du 1er septembre au 30 juin, un bal qui fait courir le monde, un vrai public de fans, capable de faire des jours et des jours de queue pour voir ses idoles (je fis trois jours pour Carmen avec Abbado, Baltsa, Carreras…)et un intendant, pour la première fois de son histoire, non issu de la sphère germanique, le français Dominique Meyer, germanophone, grand ami des Wiener Philharmoniker, qui a entrepris de faire bouger un peu les lignes dans cette vénérable institution et qui semble y réussir, tant à l’opéra qu’au ballet, introduisant le répertoire baroque (Armida avec Anja Harteros), le bel canto (l’an dernier Anna Bolena – Netrebko/Garanca- fit son entrée au répertoire) ou rafraichissant les productions maison vénérables et légendaires (cette année le Rosenkavalier de Otto Schenk).
Dans l’énorme quantité de titres (rien que dans les nouvelles productions ou les reprises qui ont été retravaillées, on compte 16 titres entre ballets et opéras)  au total une quarantaine  d’opéras différents, il est difficile de faire un choix clair, mais je vais signaler tout de même ce qui me fait très envie:

Don Carlo/Don Carlos: cette année, Vienne s’offre le luxe de présenter deux productions du chef d’oeuvre de Verdi, d’une part la version française dans la production désormais culte de Peter Konwitschny et une nouvelle production du Don Carlo italien montée par Daniele Abbado, fils de…On s’offrirait bien le luxe d’aller revoir l’une et découvrir l’autre.
Don Carlos, mise en scène Peter Kontwitschny, dir.mus. Bertrand de Billy avec Kwanchoul Youn (Philippe II), Ludovic Tézier (Rodrigue), Yonghoon Lee (Don Carlos), Adriane Pieczonka (Elisabeth), Béatrice Uria-Monzon (Eboli). Une distribution très honorable qui devrait produire un spectacle de haut niveau.

Don Carlo, mise en scène Daniele Abbado, dir.mus. Franz Welser-Möst, avec René Pape (Filippo II), Ramon Vargas (Don Carlo), Simon Keenlyside (Rodrigo), Luciana d’Intino (Eboli), Krassimira Stoyanova (Elisabetta). Inutile de dire qu’une fois de plus René Pape sera très attendu, comme à Munich ainsi que Simon Keenlyside, dont on connaît le magnifique Posa. Mais la distribution est moins excitante que celle de Munich (16-29 juin 2012)

Entre Zürich, Munich, Berlin, Vienne, beaucoup de Don Carlo(s) à voir cette année, et c’est heureux, avec des distributions assez variées, ce qui ne peut que réjouir.

Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny. C’est une des nouvelles productions de l’année qu’il faudra aller voir. L’oeuvre de Kurt Weill reste rarement représentée ( il y a eu récemment une belle production à Nantes) j’avais vu la représentation de Salzbourg en 1998, mise en scène Peter Zadek, dir.mus. Dennis Russell-Davies, dans les décors de Richard Peduzzi où Gwyneth Jones prêtait sa voix ruinée, mais fantastiquement ruinée pour le rôle à Leokadja Begbick, (avec aussi Catherine Malfitano et Jerry Hadley). En reproposant une forme “opéra”, Weill et Brecht posent à la fois la question de sa légitimité et celle de son public. Une oeuvre d’un immense intérêt et surtout tellement d’actualité! Dominique Meyer a composé une distribution stimulante (Christopher Ventris, Angelika Kirschlager, Elisabeth Kulman – Leokadja – , et le très bon Tomasz Konieczny) et fait appel à Jérôme Deschamps, peintre d’une société déjantée pour la mise en scène, le tout sera dirigé par Ingo Metzmacher, un maître pour ce type de répertoire. A VOIR ABSOLUMENT. (Du 24 janvier au 5 février 2012).

Parmi les spectacles viennois attirants, on peut aussi noter

Roberto Devereux, avec, comme à Munich, Edita Gruberova, cette fois-ci dirigée par Evelino Pido’, qui porte décidément à Vienne (et en France…) le bel canto, dans une mise en scène du roumain Silvio Purcarete , que les français connaissent bien, avec José Bros, et Nadia Krasteva (26 mai-10 juin)

Die Frau ohne Schatten, dirigée par Franz Welser-Möst, dont on connaît l’affinité pour Strauss, mise en scène de Robert Carsen, avec Adriane Pieczonka (Kaiserin), Robert Dean Smith (Kaiser), Evelyne Herlitzius (Färberin), Wolfgang Koch (Barak, der Färber), soit une belle distribution. Frau ohne Schatten est un de ces opéras qu’on aime à peine on commence à l’écouter et qui a laissé de sublimes interprétations (Rysanek, Nilsson, Böhm…) . (17-27 mars 2012).

Signalons au passage un Ring des Nibelungen unique du 1er au 13 novembre dirigé cette année par Christian Thielemann dans la mise en scène maison de Sven-Eric Bechtolf, avec une pléiade de grands chanteurs wagnériens, Albert Dohmen, Katharina Dalayman, Stephen Gould, Christopher Ventris, Waltraud Meier, Janina Baechle, Tomasz Konieczny…succès assuré même si je ne suis pas fan de Thielemann.

Signalons aussi un Faust, dir.mus: Alain Altinoglu, Mise en scène Nicoals Joel, avec Inva Mula..jusque là on est en terrain connu, mais aussi avec Jonas Kaufmann et l’excellent Adrian Eröd dans Valentin, Albert Dohmen étant Mephisto. Ce Faust devrait faire courir les foules.

Enfin, last but not least, j’ai un faible un très gros faible pour une reprise du Rosenkavalier dans la mise en scène de Otto Schenk, dirigé par Peter Schneider en décembre et par Jeffrey Tate en avril, avec en décembre, Anja Harteros, Chen Reiss, Kurt Rydl et Michaela Selinger et en avril Nina Stemme, Kurt Rydl, Elina garanca et Miah Persson, alternative difficile je crois que je choisirai(s) avril, le trio est vraiment un trio de choc! A NE PAS MANQUER.

Il y aurait bien d’autres choses à signaler: le beau Cardillac d’Hindemith dirigé par Welser Möst qui a triomphé l’an dernier (29 mars-4 avril), un Parsifal pascal dirigé par Thielemann avec Angela Denoke dans Kundry, une Clemenza di Tito avec Michael Schade et Elina Garanca, mise en scène Jürgen Flimm, direction Louis Langrée (17 mai-1er juin 2012) et la Traviata d’Aix (mise en scène Jean-François Sivadier) sans Dessay, mais avec Ermonela Jaho, et dirigée en mai par Bertrand de Billy (10-20 mai) et De la Maison des morts, de Janacek (11 décembre-30 décembre) dirigée par Franz Welser Möst dans une mise en scène de Peter Konwitschny et puis..et puis..et puis..promenez-vous (que dis-je..perdez-vous) dans le site de l’opéra de Vienne, vous resterez étonné de l’offre de ce théâtre “de répertoire” qui allie les avantages du répertoire et ceux de la stagione (notamment pour les distributions)… et puis c’est l’occasion d’aller voir et revoir les Klimt et les Schiele du Belvedere, et les Brueghel et les Archimboldo du Kunsthistorisches Museum, sans oublier le Café Landtmann, le Café Schwarzenberg (mon préféré), le café Mozart, le café Hawelka et le café Diglas (Wollzeile, derrière la Stephansdom, mon second préféré)…

 

BERLIN

Avec ses trois opéras, Staatsoper Unter den Linden, Deutsche Oper, Komische Oper, Berlin à elle seule peut justifier un long séjour lyrique, encore faut-il trouver la période qui permette de voir dans les trois établissements un spectacle qui en vaille la peine.

  • STAATSOPER UNTER DEN LINDEN

Comme son nom ne l’indique plus, la Staatsoper unter den Linden a déménagé à cause de très gros travaux de rénovation (surélévation de la scène notamment) pour trois à quatre ans au Schiller Theater, plus petit, situé presque en face de la Deutsche Oper, côté ouest, alors que la Staatsoper fut l’Opéra de Berlin Est avant la chute du mur. Le directeur artistique depuis vingt ans en est Daniel Barenboim, l’orchestre en fosse est la Staatskapelle Berlin. Daniel Barenboim étant aussi le directeur musical de la Scala, les liens entre ces deux théâtres se sont resserrés, ils ont notamment en commun le Ring de Guy Cassiers, et quelques distributions ou productions (Don Giovanni cette saison affiche dans les deux théâtres, pour deux productions différentes, bien des chanteurs communs). Un regard sur la riche programmation m’a permis de repérer deux reprises intéressantes :

    • Candide, de Leonard Bernstein, dir. mus. Wayne Marshall, mise en scène Vincent Boussard (costumes de Christian Lacroix). L’œuvre mérite d’être vue, elle est encore rare dans les théâtres, et cette production a une flatteuse réputation, la distribution comprend Maria Bengtsson dans Cunégonde et la grande Anja Silja dans the Old Lady. C’est en ce moment…du 1er au 15 novembre (à combiner avec le Don Carlo – encore-  du Deutsche Oper).
    • L’Etoile, de Chabrier, succès de l’an dernier, repris pour Noël (du 4 au 22 décembre) dans la mise en scène de Dale Düsing, et dirigé par Simon Rattle (qui est très bon dans ce type de répertoire) avec Jean-Paul Fouchécourt, Magdalena Kožená, Giovanni Furlanetto.

            On remarquera aussi dans les reprises le fameux Simon Boccanegra (mise en scène minable de Federico Tiezzi) avec Placido Domingo et Anja Harteros (cela vaut encore le voyage malgré tout), dirigé par Daniel Barenboim (26 au 31 mai 2012), un beau Tristan (Barenboim, avec Waltraud Meier), du 10 au 25 mars 2012, une Butterfly de pur répertoire, mais dirigée par…Andris Nelsons et avec la nouvelle coqueluche Kristina Opolais (6 au 13 mai), et pour les nostalgiques de Paris ou d’Aix, la magnifique Traviata mise en scène par Peter Mussbach (vous vous souvenez…Aix) avec la non moins magnifique Christine Schäfer (vous vous souvenez..Paris) dirigée par le jeune et talentueux Omar Meir Wellber entre le 27 novembre et le 17 décembre et une reprise les 29 juin et 1er juillet sans Christine Schäfer.

Dans les nouvelles productions, celle de De la Maison des morts (Chéreau) vient d’avoir un triomphal succès dirigée ici par Sir Simon Rattle, une autre devrait promettre :

Al gran sole carico d’amore, de Luigi Nono, œuvre revenue sur les scènes grâce à Salzbourg (c’est d’ailleurs la même production qu’on va revoir) avec au pupitre Ingo Metzmacher, qui ici aussi fera sans doute l’unanimité (Mise en scène Katie Mitchell) (entre le 1er et le 11 mars). A INSCRIRE SUR SES TABLETTES.

Dans les œuvres contemporaines, une autre coproduction avec Salzbourg, et avec Amsterdam, encore dirigée par Ingo Metzmacher :

Dionysos, de Wolfgang Rihm, dans une mise en scène de Pierre Audi du 8 au 15 Juillet 2012 dans le cadre de « Festival Infektion »…

Dans les autres « premières », il faut signaler quand même
Don Giovanni, dans la production salzbourgeoise très discutée de Claus Guth (un Don Giovanni blessé à mort par le Commandeur et qui vit le tout pour le tout dans ses dernières heures) avec Anna Netrebko, Christopher Maltman, Erwin Schrott, Dorothea Röschmann…(du 24 juin au 6 juillet).

Lulu, avec l’équipe du Wozzeck (Andrea Breth, Daniel Barenboim) et une distribution qui impose le respect : Mojka Erdmann dans Lulu, Deboreh Polaski dans Geschwitz, et Michael Volle dans Schön.. m’est avis que cela devrait valoir le voyage (31 mars-14 avril)

Orphée aux Enfers, d’Offenbach, dans une mise en scène du cinéaste Philipp Stölzl (Celui à l’on doit le Rienzi de la maison d’en face, le Deutsche Oper)  dirigée par Christoph Israel qui devrait là aussi décoiffer un peu.

Quelques productions pour les jeunes d’œuvres peu connues qui devraient stimuler l’intérêt des anciens :

–          Aschenputtel (Cendrillon) de Ermanno Wolf-Ferrari (du 5 au 29 décembre) chaque jour au Werkstatt (Atelier-Théâtre) du Schiller Theater

–          Moscou quartier des cerises, de Chostakovitch, que les lyonnais connaissent bien au Werkstatt (Atelier-Théâtre) du Schiller Theater tous les deux jours entre le 2 mai et le 17 mai prochains.

Enfin, le baroque et musique ancienne ne sont pas en reste, avec deux productions à noter :

Rappresentazione di anima e di corpo, de Emilio De Cavalieri, dirigé par René Jacobs et mis en image par Achim Freyer, avec Marie-Claude Chappuis, et l’Akademie für Alte Musik Berlin (8 juin-17 juin)

Il trionfo del corpo e del disinganno, dirigé par Marc Minkowski avec les Musiciens du Louvre, avec Delphine Galou et Charles Workman, dans une mise en scène de Jürgen Flimm (15 au 29 janvier 2012)

Comme on le voit, une programmation riche, qui couvre des directions et des répertoires, exigeante, fouillée, comme on en voit peu en France, complétée par l’offre un peu plus « grand public » (mais pas tant que ça) de la Deutsche Oper (mais il faut remplir une salle beaucoup plus vaste). Il faudra faire des choix. Je pense quand même que j’irai voir Al gran sole carico d’amore et Lulu.

 

 

 

 

  • DEUTSCHE OPER

Au milieu des 7 nouvelles productions (avec trois productions concertantes dues à des choix économiques) et de la trentaine de titres offerts par la Deutsche Oper, il va être encore difficile de faire des choix. On va finir par avoir envie de s’installer à Berlin ! Notons que la Deustche Oper vient d’offrir  une fois de plus l’inusable production du Ring des Nibelungen (ce mois de septembre dernier) de Götz Friedrich, qui régna sur cette maison, sous la direction du directeur musical actuel, Donald Runnicles, avec une distribution de bon niveau (Jennifer Wilson en Brünnhilde de Walküre, Stephen Gould en Siegfried, avec Torsten Kerl, avec aussi Robert Dean Smith en Siegmund.

Dans les reprises notons aussi

Rienzi, mise en scène Philipp Stölzl, dir.mus : Sebastian Lang-Lessing, avec Torsten Kerl en Rienzi et Manuela Uhl en Irene. J’ai rendu compte dans ce blog de cette très belle production et je ne saurais trop conseiller de faire le voyage : Rienzi est si rare.(20 au 30 avril)

Si vous êtes à Berlin pour Noël, ne pas manquer non plus la reprise de
Hänsel und Gretel, de Humperdinck, un des must de l’opéra allemand, dans une mise en scène de Andreas Homoki (un bon metteur en scène), dirigée par Garett Keast avec Jana Korukova/Julia Benziger et Anna Schoeck/Martina Welschenbach (23-27 décembre)

Parmi la longue liste des premières de la saison où l’on voit notamment la première berlinoise du Tancredi de Rossini (Dir.mus Alberto Zedda, mise en scène : Pierluigi Pizzi avec Patrizia Ciofi (du 22 janvier au 4 février), Patrizia Ciofi assurera (avec Joseph Calleja) aussi deux  représentations concertantes des Pêcheurs de perles de Bizet, direction Guillermo Garcia Calvo (les 19 et 22 décembre), ce qui est aussi une première berlinoise. On note aussi une Jenufa, un Lohengrin. J’ai noté aussi la nouvelle production de

Don Carlo mise en scène Marco Arturo Marelli (qui avait fait à Garnier le Don Carlos français et le Don Carlo italien dans les années 1980 sous l’ère Bogianckino.) dirigé par Donald Runnicles, avec Roberto Scandiuzzi en Filippo II et Anja Harteros (qui chante souvent au Deutsche Oper (je l’y ai entendue dans Traviata où elle fut pour moi inoubliable) Massimo Giordano en Carlo et Anna Smirnova dans Eboli…(du 23 octobre au 12 novembre, et du 8 au 14 avril avec d’autres chanteurs)

Mais c’est sur deux représentations concertantes d’un relief particulier que j’ai jeté mon dévolu :

Candide, de Leonard Bernstein, le 15 mars prochain en hommage à l’humoriste Loriot (Vicco von Bülow) mort en août dernier, dirigé par Donald Runnicles, avec notamment Toby Spence dans Candide et Grace Bumbry dans the Old Lady..Qui manquerait Grace Bumbry ??

Il Trovatore, de Verdi. J’ai dit qu’un Trovatore bien distribué était difficile à trouver aujourd’hui. Les 6 et 9 juin prochains au Deutsche Oper de Berlin, on pourra entendre en représentation concertante Stuart Neill qui est un bon ténor (mais est-ce un Manrico ?), mais surtout Anja Harteros en Leonora (enfin !!), l’excellent Dalibor Jenis en Luna, et la somptueuse Stephanie Blythe (la fabuleuse Fricka de New York) en Azucena, le tout dirigé par le très jeune chef italien Andrea Battistoni…J’espère que cela va palpiter, haleter et qu’on va enfin avoir un Trovatore digne de ce nom.

On l’aura compris, s’il y a un voyage à faire pour moi, c’est le samedi 9 juin pour Trovatore, pour écouter Harteros et Blythe, et découvrir Battistoni dont on parle tant.

 

  • KOMISCHE OPER

t voilà le troisième larron, le théâtre de Felsenstein, que Andreas Homoki va quitter pour Zürich. Pour faire exister son établissement (où tous les opéras sont donnés en allemand) entre les deux géants berlinois, il a tablé sur la nouveauté des mises en scène et sur la provocation. Si vous voulez voir cette année des mises en scènes de Hans Neuenfels, allez donc voir Traviata, si vous voulez, après le Tannhäuser de Bayreuth voir encore une production de Sebastian Baumgarten, vous pourrez voir Carmen dès la fin Novembre, et depuis octobre et jusqu’en janvier vous pourrez voir Im weissen Rößl (l’auberge du Cheval blanc, oui oui) toujours par Baumgarten. Vous pourrez aussi voir une nouvelle production de Homoki (La petite renarde rusée), de Calixto Bieito (Freischütz) et enfin de Stefan Herheim (Xerxès). Bref, c’est le théâtre à ne pas fréquenter pour ceux qui sont allergiques au Regietheater.
Pourtant on y voit souvent des spectacles intelligents et vifs dans des conditions musicales moyennes : quelquefois on voit à la Komische Oper les stars de demain, quelquefois celles d’hier, mais on fait aussi des découvertes (le chef Konrad Junghänel qui va diriger Xerxès que j’entendis dans Armide est vraiment excellent). Mon goût pour le théâtre allemand qui m’est souvent reproché fait que je vais sans doute faire le voyage pour Carmen et L’auberge du cheval blanc : je veux comprendre la manière dont travaille Baumgarten, Le Freischütz de Calixto Bieito, qui va être dirigé par Patrick Lange le directeur musical du théâtre m’attire également. Et inutile de dire que je vais me précipiter au Xerxès de Haendel, mis en scène par Stefan Herheim vu mon admiration pour ce metteur en scène et mon intérêt pour le chef Konrad Junghänel.

Aussi proposerais-je la sélection suivante, destinée aux curieux, aux fous furieux, aux inconscients et aux masos.

Carmen, de Bizet, mise en scène Sebastian Baumgarten, dir.mus. Stefan Blunier, avec Stella Doufexis en Carmen (du 27 novembre au 27 janvier et le 4 juillet)

Im weissen Rößl, [L’auberge du cheval blanc] de Benatzky, mise en scène Sebastian Baumgarten, dir.mus Koen Schoots/Peter Christian Feigel (6 nov-15 janv)

Der Freischütz, de Weber, mise en scène Calixto Bieito, dir.mus Patrick Lange avec Günter Papendell, Bettina Jensen, Dmitry Golovnin (depuis le 29 janvier, en fév., mars, avril, jusqu’au 6 juillet)

Xerxès, de Haendel, mise en scène Stefan Herheim, dir.mus Konrad Junghänel à partir du 13 mai et jusqu’au 5 juillet, avec Stella Doufexis.

On remarque aussi dans les nouvelles productions
Le cheval de bronze [das bronzene Pferd], d’Auber, livret de Eugène Scribe dans une mise en scène de Frank Hilbrich, dirigé par Maurizio Barbacini. Auber est si rare dans nos contrées que cela vaut aussi le voyage d’aller voir cette production, qui court du 11 mars au 3 juillet.

Enfin lst but not least, un peu de Hans Neuenfels ne peut faire mal à la santé et donc pour les irréductibles, la reprise de
Traviata, mise en scène Hans Neuenfels, dir.mus.Patrick Lange, du 14 janvier au 14 février (mais surtout en janvier !)

Pour ma part, Xerxès, bien sûr, mais aussi Carmen,  l’Auberge du cheval blanc et sans doute Freischütz. Le système de répertoire permet néanmoins d’étaler ses projets sur plusieurs années, les productions étant reprises régulièrement.

 

Comme on le voit, à Berlin, on a tous les choix, tous les styles, tous les répertoires, la tête tourne devant cette offre à la limite excessive – est-ce que les restrictions économiques le permettront longtemps ?  En tous cas pour l’instant,  pas de quoi s’ennuyer, mais l’exercice est délicat qui consiste à concentrer en peu de temps des spectacles qui valent le déplacement.

 

 

 

A suivre.. Londres, New York, Florence, Rome