LA SAISON 2023-2024 DU TEATRO SAN CARLO DE NAPLES

SABLES MOUVANTS

L’exercice est périlleux. La période est instable. Nous avons évoqué la question de Stéphane Lissner, qui a attaqué l’État italien pour l’interruption brutale de son contrat, à cause du Décret-loi du 4 mai dernier et nous avons aussi évoqué la position pour le moins fuyante de la municipalité de Naples qui a pris acte du départ forcé du Sovrintendente. Le site du théâtre porte encore comme Sovrintendente et Direttore artistico Stéphane Lissner, en attendant développements ultérieurs, le décret-loi n’est pas encore devenu loi, mais …
En tous cas, le seul départ attesté est celui de José Luis Basso, chef des chœurs, qui dirigera à partir du 1er septembre le chœur du Teatro Real de Madrid, ce qui est indicatif de la situation fragile du grand théâtre napolitain à plusieurs niveaux.
– D’une part les derniers développements ont évidemment posé de nombreux points d’interrogation sur l’avenir de la programmation construite par Stéphane Lissner et sur la pérennité de ce qu’il a commencé à construire.
– D’autre part, le départ brutal de Lissner a créé un appel d’air dans lequel les syndicats se sont engouffrés et les travailleurs du théâtre ont déclenché des grèves et une agitation qui a amené à de récentes annulations entre mai et juin 2023.
– Enfin le talon d’Achille de ce théâtre n’est pas tant sa force de production que ses forces artistiques, chœur et orchestre, qui n’ont pas le niveau requis pour les ambitions affichées qui sont celles d’égaler au moins L’Opera di Roma et un jour le Teatro alla Scala, même s’il faut reconnaître que leurs dernières prestations s’étaient très nettement améliorées par rapport à ce qu’on avait l’habitude d’entendre. Ambitions légitimes au regard de l’histoire glorieuse d’une institution qui a sans doute plus contribué encore à l’art lyrique et à la gloire du répertoire italien que la Scala elle-même : la liste des premières mondiales napolitaines donne le vertige.

L’Opera di Roma est une institution récente, qui remonte à la fin du XIXe et dont l’identité était d’être l’opéra de la capitale de la nouvelle Italie, Milan et Naples étant les opéras de l’Histoire, auxquels on ajoutera le Teatro La Fenice de Venise, construit en 1792 (c’est le plus récent des théâtres historiques) resté au long du XIXe siècle un théâtre de référence, dans une ville qui a créé le théâtre d’opéra public dès le XVIIe.

Bref, aller au San Carlo est une plongée dans une histoire riche, prestigieuse, représentant une ville qui trouve ses racines dans l’antiquité et qui fut pendant des siècles la seule vraie capitale italienne, restant aujourd’hui encore l’une des villes européennes les plus fascinantes.
À ce titre, et au-delà de toutes les polémiques qui ont entouré Stéphane Lissner pendant les dernières années, l’entreprise qu’il a commencé d’édifier au San Carlo se justifie pleinement, mérite qu’on s’y intéresse et qu’on la salue, même s’il ne faut pas négliger le travail de remise à plat patient effectué par celle qui l’a précédé à ce poste, Rosanna Purchia, l’une des grandes représentantes du management théâtral en Italie, restée de 1976 à 2009 directrice de l’organisation et de la réalisation de la production artistique  au Piccolo Teatro, celle qui a accompagné toutes les directions, Giorgio Strehler, Jack Lang, Luca Ronconi et rendu possible la continuation de la production dans ce théâtre de légende.

Car le San Carlo est une institution depuis longtemps sur le fil du rasoir, qui a besoin de travaux de réfection et de restauration dont certains entamés en 2023, qui a besoin d‘une réflexion sur ses forces artistiques, et qui a aussi besoin d’une politique artistique sur le long terme, les trois ensemble formant un « en même temps » très délicat à combiner et à tisser sur un terrain aussi mouvant que le terrain napolitain. Quand on possède le plus beau des palais, si les fondations sont fissurées, le risque, c’est l’écroulement.
C’est là toute l’histoire des dernières décennies de ce Théâtre merveilleux, un des grands joyaux de l’architecture théâtrale italienne, né 41 ans avant la Scala, en 1737 et qui reste pour tout amoureux de l’art lyrique un lieu d’émotion pure. Et quel que soit le futur immédiat de l’institution, les successeurs, s’ils trouvent des saisons construites, auraient bien tort de les détruire (au nom de la politique bien connue des dépouilles), même si elles sont signées Lissner. Son ombre portée sera encore là, mais les futurs gestionnaires du lieu pourront officiellement s’en parer, ce qui est de bonne guerre. Reste à savoir s’ils seront des gens intelligents ou des sbires, ce qui est une autre histoire au vu de la main politique qui se saisit de la culture (dont elle se soucie comme d’une guigne, dans la bonne tradition née sous Berlusconi) en Italie…

Nous présentons la saison napolitaine telle qu’elle a été annoncée il y a déjà quelques mois, elle sera sans doute réalisée. Dans le cas contraire les uns accuseront la politique « dispendieuse » de Lissner (c’est pour le moins discutable on va le voir), les autres l’incapacité à maintenir un niveau digne au plus vieux théâtre d’opéra en Italie. Mais si les contrats artistiques ont été signés, il n’y pas de raison de douter car les rompre coûterait plus cher… Une autre question est de savoir si les artistes qui avaient envie de dire oui à Lissner (qui a du réseau et de l’influence) diront oui aux successeurs… à eux de jouer.

 

LA SAISON LYRIQUE

Les productions lyriques 2023-2024

13 opéras dont 11 en version scénique. Dans les compositeurs, le répertoire italien en prend la moitié avec 5 compositeurs sur les 10 proposés où Verdi se taille la part du lion (4 opéras). On remarque immédiatement que les nouvelles productions « en propre » du San Carlo sont limitées à la Turandot inaugurale, les autres sont des coproductions (Vespri siciliani, La Gioconda, Maria Stuarda), des productions louées ailleurs (Le château de Barbe Bleue/La voix humaine, Norma) et des reprises de productions marquantes du San Carlo, manière de rappeler que ce théâtre a aussi en magasin des productions de grand niveau (Don Giovanni, La Traviata, Elektra, Carmen), deux opéras enfin sont proposés en version de concert et particulièrement bien distribués, Luisa Miller et Simon Boccanegra.
Bien sûr ce sont des solutions claires pour moins dépenser, de montrer habilement que l’on tient compte de budgets resserrés, sans renoncer à la qualité. Et il faut reconnaître que bien des titres valent le voyage.

Bartok : Le château de Barbe-Bleue/Poulenc : La voix humaine
Bellini : Norma
Bizet : Carmen
Donizetti : Maria Stuarda
Mozart : Don Giovanni
Ponchielli : La Gioconda
Puccini : Turandot
Verdi :
I vespri siciliani
Luisa Miller (Concertant)
La Traviata
Simon Boccanegra (Concertant)
Strauss : Elektra

 

Analyse de la saison

 

Décembre 2023
Giacomo Puccini : Turandot

7 repr. du 9 au 17 déc. – Dir : Dan Ettinger /MeS : Vasily Barkhatov
Avec :
(A) [9, 12, 15, 17]
Sondra Radvanovsky, Yusif Eyvazov, Rosa Feola
(B) [10,13,16] Oksana Dyka, Seok Jong Baek, Amina Edris
et
Nicola Martinucci, Alexander Tsymbalyuk, Alessio Arduini, Gregory Bonfatti Francesco Pittari Nouvelle production Teatro San Carlo.
Le seul nom d’Oksana Dyka est un repoussoir pour la distribution B, qu’on évitera donc.
Tous les rôles de complément sont bien distribués, et on notera la présence de Nicola Martinucci, classe 1941, en Altoum, lui qui fut un des fréquents Calaf des années 1980 et 1990. Yusif Eyvazov sera sans doute un solide Calaf pendant que Madame est à la Scala pour Don Carlo, Rosa Feola la seule Liù possible aujourd’hui, et évidemment la grande Sondra Radvanovsky, lirico spinto de référence saura sûrement donner à la Princesse de glace une couleur plus moirée que les voix métalliques qu’on entend le plus souvent. Au pupitre, Dan Ettinger, chef polymorphe au large répertoire, nouveau directeur musical.
Le metteur en scène russe Vasily Barkhatov est l’un des noms qui émerge ces dernières années. On lui doit la très belle production de « L’Enchanteresse » à l’Opéra de Francfort dont Wanderersite a rendu compte. Tout cela laisse bien augurer de cette production.
Une bonne suggestion serait de coupler Scala et Naples. L’inauguration romaine du 27 novembre (Mefistofele) se poursuit jusqu’au 5, c’est un peu juste pour les dates mais quelques jours en Italie hors saison sont toujours à prendre.

Janvier – Février 2024
Giuseppe Verdi : I vespri siciliani

5 repr. du 21 janv. au 3 févr. – Dir : Henrik Nánási /MeS : Emma Dante
Avec Mattia Olivieri Piero Pretti Alex Esposito Maria Agresta etc…
Nouvelle production, Coprod. Teatro Massimo di Palermo/Teatro Comunale Bologna/Teatro Real Madrid
On a vu à Palerme cette somptueuse production, sicilienne en diable (normal vu à la fois le titre et les origines d’Emma Dante), où l’on parle d’antimafia et Wanderersite en a rendu compte. Malheureusement, si Palerme a osé la version originale en français, Naples ne s’y risque pas et propose I Vespri Siciliani dans une distribution de très bon niveau, avec Mattia Olivieri en Monforte, Maria Agresta en Elena et surtout Alex Esposito en Procida. En Arrigo (Henri), le très bon Piero Pretti sans doute plus à l’aise dans la version italienne que la française qui exige un ténor à la Raoul des Huguenots… Dans la fosse, le chef Henrik Nánási, excellent dans bien des répertoires, qu’on n’attendait pas forcément dans Verdi. Ceux qui adorent cet opéra (dont je suis) prendront le train.

Février 2024
W.A.Mozart : Don GiovannI

6 repr. du 16 au 27 févr. – Dir : Constantin Trinks /MeS : Mario Martone
Avec Andrzej Filończyk Antonio Di Matteo Roberta Mantegna, Bekhzod Davronov Selene Zanetti Gianluca Buratto Valentina Naforniţa Tommaso Barea
Reprise prod.2002
Il est si difficile de trouver une distribution adéquate pour Mozart aujourd’hui qu’un Don Giovanni excite immédiatement la curiosité. La production est une reprise maison de Mario Martone, largement présentable, le chef fait partie de la génération des chefs allemands solides, qui proposera un Mozart de tradition et sans bavures, et la distribution présente quelques choix particulièrement intéressants, en premier lieu Andrzej Filończyk, baryton-basse polonais qui fait largement carrière en Italie dans le rôle-titre, parce que c’est vraiment un excellent chanteur avec face à lui, le Leporello de Gianluca Buratto qui vient de l’univers baroque et qu’on commence à voir sur toutes les scènes. Roberta Mantegna plus entendue dans Verdi que Mozart sera Donna Anna, la voix puissante saura répondre aux exigences techniques du rôle, mais saura-t-elle l’incarner ? Et Selene Zanetti sera Donna Elvira, délicieux soprano d’une autre couleur qu’il sera intéressant d’écouter dans ce rôle redoutable. Notons aussi le moins connu Bekhzod Davronov qui a si favorablement impressionné dans le rôle du prince Kouraguine dans Guerre et Paix de Prokofiev (Bayerische Staatsoper), assez à l’opposé du caractère d’Ottavio qu’il incarnera à Naples. Dans l’ensemble une reprise qui excite la curiosité.

Mars 2024
Vincenzo Bellini : Norma

4 repr. du 16 au 26 mars – Dir : Lorenzo Passerini /MeS : Justin Way
Avec Anna Pirozzi, Ekaterina Gubanova, Freddie De Tommaso, Alexander Tsymbalyuk etc…
Prod. du Teatro Real Madrid (2021)
La production de Justin Way avait en 2021 à Madrid laissé quelques doutes (théâtre dans le théâtre), mais il est difficile de trouver aujourd’hui une production satisfaisante, tant l’œuvre reste rare sur les scènes et difficile à monter. Le chef Lorenzo Passerini est l’un des chefs les plus en vue de la jeune génération et donc c’est un vrai plus. La distribution est solide, mais pas vraiment belcantiste, ni PIrozzi ni Gubanova ne sont des Belliniennes d’origine contrôlée, et Norma n’est ni Tosca, ni Nabucco, ni Aida. Tsymbalyuk, basse bien connue, sera sans doute un bon Oroveso, et toute notre curiosité ira au Pollione du jeune Freddie De Tommaso, lancé désormais sur les scènes internationales, ténor au timbre chaleureux et plutôt intéressant.
C’est louable de monter Norma de toute manière, alors, bon vent.

Avril 2024
Amilcare Ponchielli : La Gioconda

6 repr. du 10 au 17 avril – – Dir : Pinchas Steinberg /MeS : Romain Gilbert
Avec
(A) 10, 13, 16 avr. : Anna Netrebko, Jonas Kaufmann, Ludovic Tézier, Anita Rashvelishvili, Alexander Köpeczi, Kseniia Nicolaieva
(B) 11, 14, 17 avr. : Liana Haroutounian, Giorgio Berrugi, Ernesto Petti, Yulia Matochkina,
Alexander Köpeczi, Kseniia Nicolaieva
Nouvelle production, Coprod. Gran Teatre del Liceu, Barcelona
Ce sera la ruée, vu le trio de tête Netrebko/Kaufmann/Tézier. Je ne parie pas trop sur Anita Rashvelishvili en Laura mais bien plus en Yulia Matochkina qui chante dans la distribution B, intéressante aussi avec Liana Haroutounian, sans doute titulaire en B et doublure en A.
On ne commente pas : il faut pour Gioconda un mythe. J’entendis (la seule fois, en scène) Callas en fin de parcours dans Suicidio et noyé dans mes larmes, je compris en « live » pourquoi elle était un mythe, alors que la voix était détruite.
Tézier et Kaufmann seront là aussi pour compléter la fête, une de ces soirées à ne pas manquer.
Production du jeune français Romain Gilbert qu’on commence à voir sur les scènes et qui fera sans doute un travail spectaculaire, mais sûrement pas révolutionnaire, d’ailleurs, l’œuvre ne s’y prête pas et le public qui viendra ne l’attend pas. En fosse, Pinchas Steinberg, très grand professionnel, une assurance pour l’orchestre. Réservez vos places…

Mai 2024
Béla Bartók : Le Château de Barbe Bleue
Francis Poulenc : La voix humaine

4 repr. du 24 au 30 mai – Dir : Edward Gardner/MeS Krzysztof Warlikowski
Avec (Bartók) Elīna Garanča, John Relyea/(Poulenc) Barbara Hannigan
Prod. Opéra national de Paris/Teatro Real Madrid
Duo de stars pour cette production phare qui a fait les beaux soirs de l’Opéra de Paris et du Teatro Real de Madrid. Après Rome, Krzysztof Warlikowski arrive à Naples, le sud italien s’ouvre plus que le nord à la mise en scène d’opéra, mais historiquement (et contrairement à ce qu’on croit) le sud italien était le lieu de l’innovation économique et artistique et le nord en a tiré, sucé la substantificque moelle.
En fosse, l’excellent Edward Gardner, connu désormais partout mais pas en Italie, à qui l’on doit un magnifique Peter Grimes à Munich et sur la scène, à côté du solide John Relyea en Barbe Bleue, Elīna Garanča en Judith qu’on ne doit manquer sous aucun prétexte. Quant à Barbara Hannigan, la production a été créée pour elle, c’est une des chanteuses fétiches de Warlikowski, et dans l’œuvre de Poulenc, elle sera sans doute époustouflante…
Vous savez ce qui vous reste à faire.

Juin 2024
Giuseppe Verdi : Luisa Miller
2 repr. (version concertante) les 5 et 9 juin – Dir : Daniele Callegari
Avec Nadine Sierra, Gianluca Buratto, Michael Fabiano, Valentina Pluzhnikova, Artur Ruciński, Krzysztof Bączyk
Il est un peu curieux que cet opéra créé au San Carlo ne fasse pas l’objet d’une production, sans doute parce qu’il est un peu moins populaire que d’autres Verdi. Il bénéficie en revanche de la direction de Daniele Callegari, un excellent chef d’opéra, actuel directeur musical de l’Opéra de Nice et pas toujours considéré à sa juste valeur, ainsi que d’une distribution de haut niveau dominée par Nadine Sierra et Michael Fabiano, très connus (et avec raison) et entourés d’Artur Ruciński, Gianluca Buratto, Krzysztof Bączyk, excellents professionnels. Ajoutons la présence en Federica de la jeune mezzo Valentina Pluzhnikova, issue de l’Accademia del Teatro alla Scala, et remarquée l’an dernier à Bergamo dans Chiara e Serafina, à l’orée d’une carrière qui s’annonce bien.

Gaetano Donizetti : Maria Stuarda
4 repr.  du 20 au 29 juin – Dir : Riccardo Frizza/ MeS : Jetske Mijnssen
Avec Pretty Yende, Aigul Akhmetshina, Francesco Demuro, Carlo Lepore, Sergio Vitale etc…
Nouvelle production, coprod . avec Dutch National Opera, Palau de les Arts Reina Sofia Valencia.
Désormais demandée dans pas mal de scènes lyriques européennes, Jetske Mijnssen vient de mettre en scène avec un relatif succès semble-t-il Anna Bolena  à Naples, première brique de la trilogie qui se poursuit donc la prochaine saison avec Maria Stuarda dont le rôle-titre est confié à Pretty Yende, voix séduisante et émouvante, personnalité peut-être moins convaincante en scène. Face à elle l’Elisabetta d’Aigul Akhmetshina, astre montant très rapidement dans le ciel des mezzo-sopranos, tant on voit son nom sur pas mal de distributions un peu partout. Elle avait impressionné dans Polina de Dame de Pique à Baden-Baden en 2022. Autour, une distribution de bonne facture (Demuro, Lepore, Vitale) et un chef donizettien pur sucre, puisqu’il est le directeur musical du festival Donizetti de Bergamo, Riccardo Frizza.  Une production qui a des arguments pour séduire.

Juillet 2024
Giuseppe Verdi : La Traviata

6 repr. du 14 au 30 juillet – Dir : Giacomo Sagripanti /MeS : Lorenzo Amato
Avec Lisette Oropesa, Xabier Anduaga, Luca Salsi etc…
Reprise d’une production maison 2018
L’été lyrique napolitain avait commencé on s’en souvient en 2020 avec de grands concerts en plein air et des stars (Netrebko, Kaufmann) sur la Piazza del Plebiscito alors que le monde était encore secoué par la pandémie (un siège sur deux, masques etc…), l’idée d’un été festif s’est désormais concentrée autour du théâtre, offrant des productions populaires dont la distribution est susceptible d’attirer non seulement le public local, mais aussi le touriste de passage. C’est le cas de cette Traviata qui a tout pour plaire : Lisette Oropesa qui en est aujourd’hui la titulaire incontestée un peu partout, Luca Salsi, le baryton italien le plus célèbre, et Xabier Anduaga, belcantiste à la voix importante et délicate qui visiblement tient à élargir son répertoire. En fosse, Giacomo Sagripanti, qui n’est pas le pire des chefs de répertoire.
Les ingrédients y sont, et si vous passez par Naples en cette fin de juillet.

Septembre-Octobre 2024
Richard Strauss : Elektra

4 repr. du 27 sept. au 3 oct. – Dir : Mark Elder / MeS : Klaus Michael Grüber
Avec Ricarda Merbeth, Evelyn Herlitzius, Elisabeth Teige, John Daszak, Łukasz Goliński etc…
Reprise prod.2003
Une production de Klaus Michael Grüber, même ressorties des placards, même de vingt ans d’âge, même déjà reprise dans l’intervalle, cela ne se manque pas, notamment pour ceux qui ne connaissent pas cette légende du théâtre et de la scène lyrique qui a marqué de son empreinte les trente dernières années du XXe siècle, décédé trop tôt et emporté en 2008 par la maladie. C’est déjà un motif de déplacement. Même si Ricarda Merbeth n’est pas mon Elektra de cœur, c’est une des voix importantes du rôle, et elle voisine avec l’immense Herlitzius qui fut une Elektra phénoménale avec Chéreau, cette fois Clytemnestre, et en Chrysothemis Elisabeth Teige, la dernière découverte de Bayreuth (Der Fliegende Holländer 2022) où elle sera en plus Sieglinde et Elisabeth en 2023. Trio de choc, mise en scène à voir…il est pourtant regrettable que l’entreprise ait été confiée à la baguette sans aucun intérêt de Sir Mark Elder, que je n’ai jamais réussi à trouver convaincant quand je l’ai entendu, à commencer par Die Meistersinger von Nürnberg à Bayreuth en 1981, qu’il dirigea un an seulement…

Octobre 2024
Giuseppe Verdi : Simon Boccanegra
2 repr. (version concertante) les 11 et 13 oct. – Dir : Michele Spotti
Avec Ludovic Tézier, Michele Pertusi, Ernesto Petti, Francesco Meli, Marina Rebeka
Un Simon Boccanegra concertant mais qui au vu de la distribution vaut bien des versions scéniques ; le couple Tézier-Pertusi, deux astres des scènes, qu’on a déjà vu dans le Don Carlo inaugural de la saison présente 2022-2023 se retrouve pour deux représentations, Meli en Gabriele Adorno de très grand luxe, Marina Rebeka en Amelia aura la voix, mais sans doute pas l’émotion attendue dans un rôle qui en demande tant. Mais ne chipotons pas…
En fosse Michele Spotti, qui pas à pas devient l’un des chefs les plus fréquents du répertoire italien : il affronte de plus en plus Verdi, Don Carlos et Rigoletto à Bâle par exemple alors qu’on le considérait comme essentiellement rossinien. Avec Boccanegra, il accède à la cour des grands.
Deux représentations qui sont de réelles promesses.

Octobre – Novembre 2024
Georges Bizet : Carmen
8 repr. du 25 oct. au 3 nov. – Dir : Dan Ettinger/MeS : Daniele Finzi Pasca
Avec Aigul Aktmetshina/Viktoria Karkacheva, Dmytro Popov/Jean-François Borras, Mattia Olivieri/Ernesto Petti, Selene Zanetti/Carolina López Moreno etc…
Reprise prod. 2015
La saison s’achève avec un must, l’opéra le plus représenté au monde (et ici 8 représentations d’une reprise, ce qui veut dire un bon rapport financier pour le théâtre). La Production est signée du tessinois Daniele Finzi Pasca, qui avait ouvert l’ère Aviel Cahn à Genève par une belle réussite, Einstein on the Beach, de Philip Glass.
Deux distributions qui chacune ont leur prix, à commencer par les deux Carmen, incarnées par les deux mezzos qui explosent en ce moment, Aigul Aktmetshina et Viktoria Karkacheva : notez leur nom, elles vont inonder les scènes dans les prochaines années. À Dmytro Popov vaillant sans plus, on préfèrera Jean-François Borras en Don José pour d’évidentes raisons à la fois idiomatiques, techniques et artistiques : le ténor français cultive l’art du chant avant celui du ténor ténorisant. Mattia Olivieri est désormais un des barytons de choix dans les chanteurs italiens, bon acteur, qui devrait convenir à Escamillo, et de son côté Selene Zanetti a tout d’une idéale Micaela. Je conseillerais presque (si vous êtes à Naples) de voir les deux distributions, tant les deux Carmen incarneront deux facettes très différentes du personnage.
En fosse, Dan Ettinger, solide, sûr, mais pas inoubliable.

 

BALLET

Il y a une grande tradition napolitaine du ballet et celui du San Carlo est dirigé par Clotilde Vayer venue de l’Opéra de Paris où elle était directrice adjointe de la danse. Le ballet du San Carlo essentiellement composé de « precari » (CDD) a été consolidé l’an dernier par la création de 21 CDI, le but étant d’arriver à une compagnie stable d’une quarantaine de membres, le théâtre a donc ouvert un concours où 80% des reçus appartenaient au corps de ballet du San Carlo en CDD.  On perçoit là encore les problèmes de gestion d’un théâtre qui n’a pas, comme nous l’écrivions toute la stabilité voulue pour être « en état de marche ».
La saison 2023-24 propose quatre soirées de ballet de répertoire plutôt classique.
Le ballet est dans toutes les maisons un moyen d’engranger de la trésorerie puisque les corps de ballet sont des troupes qui coûtent en salaire et pas en cachets, et qu’en général les soirées affichent complet.
On ne s’étonnera pas de voir à la fois des productions de ballets louées ailleurs sans doute rarement ou pas présentés à Naples et un minimum de six soirées par production. Toujours s’affiche la prudence de gestion dans un théâtre fragile.

Décembre 2023- Janvier 2024
Ludwig Minkus : Don Quichotte

7 repr. du 23 déc. au 4 janv. (Chor : Rudolf Noureev-Marius Petipa/Dir : Martin Yates)
4 repr. « Familles » (à 12h, version réduite, musique enregistrée) les 24 et 31 déc/3 et 4 janvier).
Orchestre et ballet du Teatro San Carlo
Production du Royal Swedish Opera

Un des grands ballets du répertoire académique, une chorégraphie de Noureev ; programme de fin d’année idéal.

 

Avril-mai 2024

Serguei Prokofiev : Romeo et Juliette
6 repr. du 28 avr. au 5 mai (Chor : Kenneth McMillan/ Dir : Paul Connelly)
Orchestre et ballet du Teatro San Carlo
Production du Royal Birmingham Ballet

Un autre des grands piliers du répertoire de ballet, créé au Royal Ballet de Londres en 1965 par Rudolf Noureev et Margot Fonteyn. Et cette chorégraphie est devenue un mythe, reprise sur toutes les scènes du monde, signée de Kenneth McMillan mort en 1992, qui allie modernité et classicisme.

 

Juillet 2024
Soirée Jérôme Robbins

5 repr. du 19 au 28 juillet ( Chor : Jérôme Robbins/Dir : Philippe Béran/Piano : (Chopin) : Aniello Mallardo Chianese ; (Ravel) : Alessandra Brucher)
Orchestre et ballet du Teatro San Carlo

Autre chorégraphe mythique, popularisé par sa chorégraphie et sa mise en scène de West Side Story à Broadway en 1957 puis par le film de Robert Wise en 1961 dont sont présentés trois pièces courtes mais très symboliques :
In the night, ballet en quatre mouvements, sur les musiques des  Nocturnes n° 1 op. 27, n° 1 e n. 2 op. 55, n° 2 op. 9 de Fryderyk Chopin
Afternoon of a faun, du poème symphonique Prélude à l’après-midi d’un faune, de Claude Debussy
En sol , Concerto en sol majeur pour piano et orchestre de Maurice Ravel

 

Septembre 2024
La danse française de Serge Lifar à Roland Petit
6 repr. du 7 au 11 sept. (Chor : Serge Lifar- Roland Petit/Dir : Philippe Béran)
Orchestre et ballet du Teatro San Carlo
Production du Teatro dell’Opera di Roma

Suite en Blanc, Extrait de Namouna d’Édouard Lalo
Chorégraphie : Serge Lifar reprise par Charles Jude
L’Arlésienne
, musique de Georges Bizet
Chorégraphie : Roland Petit reprise par Luigi Bonino
Le jeune homme et la mort
, musique de Jean-Sébastien Bach
(Passacaille en do mineur, BWV 582)
Chorégraphie : Roland Petit reprise par Luigi Bonino

Une soirée composée de trois ballets piliers du répertoire parisien qui clôt une saison à la fois réduite mais diverse par les styles combinant petites formes et grands ballets.

 

CONCERTS ET RÉCITALS

 

Dans une ville qui au contraire de Rome n’a pas une offre musicale très étoffée en dehors du San Carlo, le rôle d’une saison symphonique est déterminante, nous l’avons d’ailleurs déjà évoqué. La suppression en 1992 de l’Orchestra Scarlatti de la RAI puis le regroupement en un seul orchestre à Turin a mis en difficulté la vie musicale napolitaine. La naissance de la Nuova Orchestra Scarlatti dès 1993 a tenté non sans vaillance de combler le vide. Il reste que le San Carlo reste le centre musical de référence.
Ainsi sont programmés en 2023-2024 15 concerts et récitals (exactement 6 récitals et 9 concerts, sur l’ensemble de l’année dont trois concerts du directeur musical Dan Ettinger. Souvent, les chefs invités de la saison lyrique dirigent un concert symphonique en complément, mais on trouve aussi d’autres noms. Chaque concert est donné une seule fois, signe que le public n’est pas encore tout à fait reconstitué pour ce type de manifestation.

Il reste qu’il manque à cette programmation une meilleure lisibilité (séparer les concerts des récitals de chant par exemple). En revanche la programmation des récitals est visiblement destinée à attirer le public (par exemple, la chanson napolitaine, qui gagne à être connue par ailleurs), exclusivement ciblée sur les airs d’opéra populaires. Notons de Luca Salsi fait la part belle au Verdi français, ce qui est une excellente idée.
Un étalement plus clair des concerts symphoniques tout au long de la saison serait aussi souhaitable.

20 Décembre 2023
Concert de Noël

Orchestra e coro del Teatro San Carlo
Dir : Dan Ettinger

Schubert : Symphonie n°5 en si Bémol majeur D.485
Mozart : Grande messe en ut mineur K.427
Nadine Sierra, soprano
Ana Maria Labin, soprano
Attilio Glaser, ténor
Adolfo Corrado, basse

26 Janvier 2024
Orchestra del Teatro San Carlo
Dir : Pinchas Steinberg
Nikolai Lugansky, piano

Rachmaninov : Concerto n°3 en ré mineur pour piano et orchestre, op.30
Chostakovitch : Symphonie n°5 en ré mineur, op.47

2 février 2024
Jonas Kaufmann
Orchestra del Teatro San Carlo
Dir : Jochen Rieder
Extraits de The Great Caruso, Love Story, Gladiator, Once Upon a Time in America, West Side Story, South Pacific
Musiques de Nino Rota, Bernard Herrmann, Max Steiner, Franz Waxman, Leonard Bernstein

24 février 2024
Orchestra del Teatro San Carlo
Dir : Ingo Metzmacher
Adriana di Paola, mezzosoprano
Francesco Castoro, ténor
Dario Russo, baryton

Stravinsky, Ballet avec chant en un acte
Beethoven Symphonie n°7 en la majeur op. 92

14 mars 2024
Orchestra del Teatro San Carlo
Dir : Marco Armiliato
Lucas Debargue, piano
Matilda Lloyd, trompette

Beethoven, Egmont , ouverture en fa mineur op.84
Chostakovitch, Concerto n°1 op. 35 pour piano et orchestre à cordes accompagné de trompette op.35
Mendelssihn, Symphonie n°4 en la majeur op.90

20 avril 2024
Maria Agresta, hommage à Naples

Orchestra del Teatro San Carlo
Dir : Antonio Sinagra
Maria Agresta, soprano

Raffaele Viviani, “Bammenella”
Ernesto De Curtis / Edoardo Nicolardi, “Voce ’e notte”
Totò, “Malafemmena”
Ernesto Tagliaferri / Nicola Valente / Libero Bovio, “Passione”
Eduardo Di Capua / Vincenzo Russo, “I’ te vurria vasà”
Mario Pasquale Costa / Salvatore Di Giacomo, “Era de maggio”
Rodolfo Falvo / Enzo Fusco, “Dicitencello vuje”
Salvatore Cardillo / Riccardo Cordiferro, “Core ’ngrato”
Filippo Campanella / Raffaele Sacco, “Te voglio bene assaje”
Ernesto De Curtis / Giambattista De Curtis, “Torna a Surriento”
Gaetano Lama / Libero Bovio, “Reginella”
Eduardo Di Capua / Alfredo Mazzucchi / Giovanni Capurro, “’O sole mio”
Enrico Cannio / Aniello Califano, “’O surdato ’nnammurato”
Ernesto De Curtis / Libero Bovio, “Tu ca nun chiagne”
Alberto Barberis / Michele Galdieri, “Munasterio ’e Santa Chiara”
Francesco Paolo Tosti / Gabriele D’Annunzio, “’A vucchella”

 

10 mai 2024
Orchestra del Teatro San Carlo
Dir : Edward Gardner
John Relyea, basse

Berlioz, le carnaval romain, ouverture op.9
Moussorgski, Chants et danses de la mort, cycle de quatre chants pour voix et orchestre
Brahms, symphonie n°4 en mi mineur op.98

11 mai 2024
Récital
Barbara Hannigan, soprano
Bertrand Chamayou, piano

Zorn, Jumalattaret
Scriabine, Sélection d’extraits pour piano seul
Messiaen, Chants de Terre et de Ciel

24 mai 2024
Récital
Nadine Sierra, soprano
Vincenzo Scalera, piano

Gounod, Roméo et Juliette, “Ah, je veux vivre”
Gustave Charpentier Louise, “Depuis le jour”
Richard Strauss
“Allerseelen”, op. 10 n. 8
“Ständchen”, op. 17 n. 2
“Morgen”, op. 27 n. 4
“Wiegenlied”, op. 41 n. 1
“Cäcilie”, op. 27 n. 2
Giuseppe Verdi La traviata, “È strano… Sempre libera”
Gaetano Donizetti Don Pasquale, “Quel guardo il cavaliere… So anch’io la virtù magica”
Heitor Villa-Lobos “Melodia Sentimental”
Ernani Braga “Engenho Novo!”
Joaquín Rodrigo Cuatro madrigales amatorios
“¿Con qué la lavaré?”
“Vos me matasteis”
“¿De dónde venís, amore?” “De los álamos vengo, madre”
Gerónimo Giménez El barbero de Sevilla, “Me llaman la primorosa”

7 juin 2024
Récital
Luca Salsi, baryton
Nelson Calzi, piano

Bizet “Pastel” “Voyage”
Hahn “Si mes vers avaient des ailes”
Martucci Notturno, op. 70 n. 2
Rossini  Guillaume Tell, “Sois immobile”
Donizetti La favorite, “Léonor, viens, j’abandonne“
Verdi
Les vêpres siciliennes, “Au sein de la puissance”
Macbeth, “Honneur, respect, tendresse”
Martucci Notturno, op. 70 n. 1
Verdi Don Carlos, “C’est moi, Carlos… C’est mon jour… Carlos, écoute”

 

22 juin 2024
Orchestra del Teatro San Carlo
Dir : Dan Ettinger
Leonidas Kavakos, violon

Ravel, Tzigane, Rhapsodie de concert pour violon
Sibelius, Sérénade n°1 en ré majeur pour violon et orchestre op. 69
Chausson, Poème pour violon et orchestre op.25
Schumann, Symphonie n°4 en ré mineur op.120

28 juin 2024
Orchestra del Teatro San Carlo
Dir : Dan Ettinger
Gregory Kunde, ténor

Liszt, Eine Faust-Symphonie d’après Goethe pour soliste, chœur d’hommes et orchestre S.108

4 juillet 2024
Orchestra del Teatro San Carlo
Dir : James Ga ffigan
Lisette Oropesa, soprano

Schubert, Symphonie n°3 en ré majeur D.200
Mozart
“Vado, ma dove? Oh Dei!”, K. 583
“A Berenice… Sol nascente”, K. 70
Tchaikovski, Romeo e Giulietta, Ouverture-fantaisie en si mineur

6 octobre 2024
Jonas Kaufmann/Ludovic Tézier
Orchestra del Teatro San Carlo
Dir : Jochen Rieder
Jonas Kaufmann, ténor
Ludovic Tézier, baryton

Giuseppe Verdi
La forza del destino, Ouverture
“Solenne in quest’ora”
“Morir! Tremenda cosa!”
“La vita è inferno all’infelice”
“Invano Alvaro ti celasti al mondo”

Giuseppe Verdi
I vespri siciliani, Ouverture

Amilcare Ponchielli La Gioconda,
“Enzo Grimaldo, Principe di Santafior”
Danza delle ore
“Cielo e mar!”

Giuseppe Verdi Otello, “Tu?! Indietro! Fuggi!”
Giacomo Puccini La bohème, “O Mimì, tu più non torni”
Giuseppe Verdi Don Carlo, “Dio, che nell’alma infondere”

28 juin 2024
Orchestra del Teatro San Carlo
Dir : Mikko Franck
Anna Tifu, violon

Sibelius, Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, op. 47
Bruckner, Symphonie n°7 en mi majeur

FESTIVAL DE PIANO

Quatre rencontres avec des pianistes de renom à la fin du mois de mai forment le « Festival de piano ».

Samedi 25 mai 2024
Gregory Sokolov
Programme à annoncer

Mardi 28 mai 2024
David Fray

Bach, Aria avec 30 variations, en sol majeur pour clavecin, BWV 988 “Variations Goldberg”

Liszt,
Années de pèlerinage. Deuxième année: Italie, S. 161
Sposalizio
Années de pèlerinage. Troisième année, S. 163
Les jeux d’eaux à la Villa d’Este
Années de pèlerinage. Deuxième année: Italie, S. 161
Sonetto 104 del Petrarca
Après une lecture de Dante

Mercredi 29 mai 2024
Mikhail Pletnev

Scriabine, vingt-quatre préludes, op. 11
Chopin, vingt-quatre préludes pour piano, op. 28

Vendredi 31 mai 2024
Francesco Piemontesi

Beethoven
Sonate n° 21 en ut majeur pour piano, op. 53 “Waldstein”
Sonate n° 30 en mi majeur pour piano, op. 109

Debussy, Préludes pour piano – Livre II, L. 131

 

MUSIQUE DE CHAMBRE :

Comme à la Scala, dont nous avons salué l’initiative, le théâtre propose une programmation spécifique de musique de chambre, 9 concerts très variés avec des membres de l’orchestre du San Carlo, une fois par mois, le dimanche à 18h à un tarif plutôt séduisant aussi bien pour le public local que les touristes de passage.

Les dates sont :

Dimanche 7 janvier : Andante appassionato
En ouverture du cycle, en grande formation de chambre  (« I reali Filarmonici ») dans un programme Saint-Saëns, Fauré, Rimski-Korsakov, Rachmaninov, Respighi

Dimanche 4 février : Mozart
Deux pièces de Mozart, le Divertimento pour cordes en mi bémol majeur « Grand trio » K.563 et le Quatuor n°1 pour flûte et cordes en ré majeur K.285

Dimanche 10 mars : Bach/Haydn/Ries
Un parcours du XVIIIe au XIXe pour cordes, flûte et clavecin

Dimanche 21 avril : Violoncelles du Teatro San Carlo
Les ensembles de violoncelles sont toujours spectaculaires, ici dans un programme Bach, Aeschbacher, Forino, Elgar, Rachmaninov, Villa-Lobos

Dimanche 12 mai : Stravinski/Khatchaturian/Bartók
Programme de trois trios pour violon, clarinette et piano qui commencera par l’Histoire du Soldat de Stravinsky.

Dimanche 16 juin : Omaggio alla lirica italiana
Des arrangements d’airs célèbres de Rossini, Verdi, Puccini pour vibraphone, violon, alto, contrebasse

Dimanche 15 septembre : Real Cappella del Teatro San Carlo
Formation baroque du Teatro San Carlo (violons, alto, violoncelle, contrebasse, orgue) dans un programme Pergolèse, l’un des plus grands représentants de l’école napolitaine, avec soprano et contralto :
Salve Regina pour soprano, quatuor à cordes et basse continue,
Salve Regina pour contralto, quatuor à cordes et basse continue,
Stabat Mater pour soprano, contralto, quatuor à cordes et basse continue.

Dimanche 20 octobre : Rossini/Mendelssohn
Programme pour cordes
Rossini,
Sonate à quatre n°1 en sol majeur pour deux violons, alto et violoncelle
Sonate à quatre n°2 en la majeur pour deux violons, alto et violoncelle
Mendelssohn, Octuor en mi bémol majeur pour cordes op.20

Dimanche 10 novembre : Mahler
Direction musicale : Maurizio Agostini
Mahler, Symphonie n°4 en sol majeur (arrangement d’Erwin Stein pour formation de chambre)

 

 

Conclusion

Au total, la programmation du San Carlo a une grande cohérence, elle est sensible aussi au public local, par sa prudence dans les choix de répertoire, mais aussi par une certaine variété de l’offre à tous niveaux. La programmation lyrique est loin de manquer d’intérêt, la programmation symphonique assez ouverte et les concerts de musique de chambre ont un programma souvent séduisant, ils sont aptes à attirer un public moins habituel, curieux de pénétrer dans cette salle mythique, à un tarif particulièrement avantageux (15 Euros).
En somme, cette programmation démontre une activité, une ambition, et déjà un bilan car les deux saisons précédentes n’ont pas fait rougir.

C’est pourquoi voir l’État italien déstabiliser brutalement l’institution pour des motifs qui n’ont rien à voir avec l’artistique a quelque chose de désolant, voire d’imbécile mais hélas habituel.

Il reste à espérer qu’une solution pour le théâtre soit trouvée qui le consolide, et que cette merveille ne retombe pas dans les sables mouvants du passé.

 

 

LA SAISON 2022-2023 DU TEATRO SAN CARLO DE NAPLES

Le paysage lyrique italien d’aujourd’hui a singulièrement évolué depuis quelques années, notamment depuis qu’il n’y plus d’institution lyrique qui en soit un fer de lance incontesté. C’est pourquoi pour tout amateur d’opéra intéressé à la vie musicale de la Péninsule, il me semble très stimulant de comparer les politiques des théâtres les plus marquants. Avant d’aborder le Maggio Musicale Fiorentino et l’Opéra de Rome, nous nous intéressons au Teatro San Carlo, l’un des théâtres emblématiques de l’histoire de l’opéra en Italie, dont l’Intendant est Stéphane Lissner.
Entre les annonces lors de son arrivée à Naples, qu’il avait précisé lors d’une interview à Wanderersite.com et la confrontation avec la réalité, pandémie, crise économique, travaux à réaliser dans le théâtre, les choses ne sont pas si faciles, et une personnalité telle que celle de Stéphane Lissner suscite évidemment des oppositions, des critiques, et des manœuvres d’arrière-cour. Si personnage est contesté, on ne peut en revanche contester ni sa force, ni son dynamisme, ni sa malice.
La saison 2021-2022 se poursuit avec L’Eugène Onéguine signé Barrie Kosky, première mise en scène montrée en Italie du metteur en scène australien qui, comme on le sait, vit à Berlin et qui est l’un des plus prolifiques et inventifs dans le paysage actuel et s’annonce pour l’automne un Tristan und Isolde avec rien moins que Nina Stemme, Stuart Skelton, René Pape, Okka von der Damerau, des noms qu’on n’avait pas encore applaudis à Naples.

 

La saison 2022-2023 est marquée par plusieurs éléments :

  • Le théâtre va rester fermé plusieurs mois pour des travaux importants notamment sur la scène, et l’activité sera transférée au Teatro Politeama, une salle qui accueillit des spectacles populaires, des revues (dont celles de Wanda Osiris (1905-1994), célébrissime en Italie). Les productions seront présentées au Politeama en version concertante, manière élégante de conjuguer la nécessité (les travaux) et les économies (frais réduits à la seule distribution, les autres étant des frais fixes)
  • Des productions alléchantes, et un répertoire essentiellement italien (8 titres sur 12), alliant reprises populaires (Butterfly, Bohème, Rigoletto) et titres plus exigeants ou moins représentés (Don Carlo, Anna Bolena Macbeth, Beatrice di Tenda, Maometto II) et par ailleurs 4 autres titres alléchants (Damnation de Faust, Walküre, Requiem de Mozart en version scénique et une création locale d’une œuvre contemporaine Winter Journey)
  • Des metteurs en scène qu’on voit rarement en Italie, Claus Guth pour Don Carlo, Romeo Castellucci (pour la première fois à l’Opéra en Italie) pour le Requiem de Mozart vu à Aix, Calixto Bieito (un peu plus fréquent) pour Maometto II, et Jetske Mijnssen (totalement nouvelle dans la péninsule) pour Anna Bolena.
  • Des reprises du répertoire du San Carlo comme Butterfly et Bohème (reprise de la nouvelle production d’Emma Dante en 2021) et comme Die Walküre signée Federico Tiezzi en 2004-2005.  Des distributions dans l’ensemble très soignées, que ce soit pour les nouvelles productions ou des reprises.

Au total, une saison équilibrée, sinon équilibriste, qui joue sur plusieurs claviers, en essayant d’offrir sur chaque production un élément qui puisse attirer le public, qui comme partout ailleurs, se fait un peu prier pour revenir.

 

La saison lyrique

Novembre-décembre 2022
Giuseppe Verdi
Don Carlo
5 repr. du 26 nov. au 6 déc. – Dir : Juraj Valčuha/MeS : Claus Guth

Avec Michele Pertusi, Matthew Polenzani, Ailyn Perez, Elina Garanča, Ludovic Tézier/Ernesto Petti
Version en cinq actes (en italien)
On peut discuter Matthew Polenzani dans Carlo, ou Ailyn Pérez dans Elisabetta, mais ni Pertusi, ni Tézier (pour 4 repr.) et évidemment pas Garanča. Le public napolitain sera peut-être perplexe devant le travail de Claus Guth, mais devra reconnaître son intelligence. Et puis en fosse, Juraj Valčuha, qui est un chef remarquable fera sans nul doute sonner cette version en cinq actes de Don Carlo (dite version de Modène), pour cette série de représentations d’adieux puis qu’il quitte la direction musicale du San Carlo en décembre 2022 . Sans doute la préparation plus lourde qu’aurait demandé la version originale française a-t-elle fait reculer, mais la version de Modène est un moindre mal.
Il y a vraiment de quoi faire une virée napolitaine pour profiter de son doux soleil d’automne et de ce Verdi quand même exceptionnel.

 

Janvier 2023
Giuseppe Verdi
Rigoletto

4 repr. du 15 au 24 janvier (Dir : Lorenzo Passerini)
Avec Nadine Sierra, Pene Patti, Ludovic Tézier
En version de concert au teatro Politeama
Avec une telle distribution, dominée par le meilleur Rigoletto actuel, et avec une Gilda d’exception et un des nouveaux ténors les plus en vue, le public se moquera sans doute de l’absence de production.  Sur le podium, Lorenzo Passerini, 31 ans, qui depuis la saison dernière dirige dans beaucoup de théâtres, notamment en Allemagne et ailleurs, et qui représente la jeune génération de chefs italiens valeureux.

Février 2023
Hector Berlioz
La Damnation de Faust
4 repr. du 7 au 15 février – Dir : Pinchas Steinberg
Avec Ildar Abdrazakov, Charles Castronovo, Anita Rashvelishvili
En version de concert au teatro Politeama
Encore une distribution flatteuse pour le chef d’œuvre de Berlioz qui va pour l’occasion retrouver son allure d’oratorio prévue à l’origine. On sait que Stéphane Lissner a donné à Anita Rasvelishvili la chance de débuter dans Carmen à la Scala. Charles Castronovo devrait être un Faust séduisant vocalement et on ne présente plus Ildar Abdrazakov. Le tout sous la baguette de Pinchas Steinberg, vieux routier de l’opéra, familier des scènes italiennes, qui garantit un vrai travail d’orchestre..

 

Mars 2023
Giuseppe Verdi
Macbeth
4 repr. du 8 au 18 mars – Dir : Marco Armiliato
Avec Luca Salsi, Alexander Vinogradov, Sondra Radvanovsky, Giulio Pelligra etc…
En version de concert au teatro Politeama
Troisième titre de Verdi dans la saison, soit un quart des titres de l’année. Avec une distribution dominée par Luca Salsi qui promène son Macbeth de Vienne à la Scala, Sondra Radvanovsky, l’une des grandes chanteuses verdiennes du moment (il faut en profiter, elles sont rares), et Alexander Vionogradov, qui promène les basses nobles verdiennes de Zaccaria de Nabucco à Fiesco de Boccanegra dans l’Europe entière. C’est le dernier titre exilé au teatro Politeama, dirigé par Marco Armiliato, l’un des chefs le plus souvent sollicité dans les grandes maisons pour le répertoire italien.
À noter que Radvanovsky et Salsi chantent Macbeth au Liceu de Barcelone en février 2023, dans une production du sculpteur-graveur Jaume Plensa et sous la direction de Josep Pons. Vous aurez donc le choix…


Avril 2023
Richard Wagner
Die Walküre
5 repr du 16 au 29 avril – Dir : Dan Ettinger / MeS Federico Tiezzi
Avec Jonas Kaufmann, Christopher Maltman, John Releya, Okka von der Damerau, Vida Miknevičiūtė.
Pour le retour dans les murs du San Carlo, Stéphane Lissner a réuni une distribution exceptionnelle pour une reprise de Die Walküre dans la production maison, créée en 2005. Dans la fosse, un de ses chefs favoris, le solide Dan Ettinger, qui sera devenu depuis janvier 2023 le directeur musical du San Carlo, succédant à Juraj Valčuha (à mon avis on y perd un peu…)
Jonas Kaufmann en Siegmund, Vida Miknevičiūtė nouvelle en Italie en Sieglinde qui va aussi faire Salome à la Scala, le Wotan nouveau de Christopher Maltman et la Brünnhilde presque neuve d’Okka von der Damerau qu’ona bien aimé à Stuttgart dans sa prise de rôle en avril dernier.
Inutile de dire que cela vaut le voyage…

 

Mai 2023
W.A.Mozart
Requiem

4 repr. du 16 au 20 mai 2023 – Dir : Raphaël Pichon / MeS : Romeo Castellucci
Avec Giulia Semenzato, Sara Mingardo, Julian Pregardien, Nahuel di Pierro
Ensemble Pygmalion Orchestre et chœur du San Carlo.
Ensemble Pygmalion et forces du San Carlo s’unissent sous la direction de Raphael Pichon dans la production qui avait triomphé à Aix en 2019 et qui arrive à Naples, et avec elle pour la première fois sur une scène d’opéra en Italie, une mise en scène de Romeo Castellucci qui devrait être sans doute bien accueillie par le public napolitain, en tous cas mieux que d’autres vues ailleurs. Distribution composée d’excellents chanteurs, dont la seule Sara Mingardo était à Aix.
Pour ceux qui ont envie de voir ou revoir ce merveilleux spectacle. C’est une très belle initiative.

 

Juin 2023
Gaetano Donizetti
Anna Bolena
4 repr. du 8 au 17 juin – Dir : Riccardo Frizza – MeS : Jetske Mijnssen
Avec Alexander Vinogradov, Maria Agresta, Elina Garanča, Xabier Anduaga etc…
Lissner avait annoncé qu’il ferait les trois reines de Donizetti, et voici Anna Bolena dans une distribution où vont s’affronter Maria Agresta en Anna et Elina Garanča en Giovanna Seymour… Ce dernier nom suffit pour faire ses réservations…
Mais Vinogradov, Agresta et Anduaga font une très belle distribution qui sera dirigée par le spécialiste italien de Donizetti, Riccardo Frizza, directeur musical du festival Donizetti de Bergamo. Autant dire que tous les atouts sont réunis. Seule inconnue, la mise en scène de Jetske Mijnssen, qui ne m’avait pas convaincu dans Don Pasquale à la Komische Oper, mais qui semble-t-il a mieux réussi dans cette production qui vient d’Amsterdam.
Évidemment, vaudra le voyage, sans faute.

Juin-Juillet 2023
Giacomo Puccini
La Bohème
7 repr. du 30 juin au 7 juillet – Dir : Francesco Lanzillotta/MeS : Emma Dante
Avec Diana Damrau/Selene Zanetti, Vittorio Grigolo/Vincenzo Costanzo, Andrzej Filończyk etc…
C’est l’été, et l’on programme les grands standards susceptibles d’attirer du public. Reprise de la récente production d’Emma Dante qui a ouvert le mandat de Stéphane Lissner, dans une double distribution, l’une de « stars », avec Damrau et Grigolo, l’autre avec Selene Zanetti qui avait créé la production et le jeune Vincenzo Costanzo, qui a 31ans, assez prometteur.  Le tout avec un Marcello de classe, le magnifique Andrzej Filończyk et en fosse, l’excellent Francesco Lanzillotta.  Une Bohème séduisante pour ce début d’été, qui vaudrait presque le voyage.

 

Septembre 2023
Giacomo Puccini
Madame Butterfly
8 repr. du 12 au 28 sept. – Dir : Dan Ettinger/MeS : Ferzan Ospetek
Avec Ailyn Pérez/Valeria Sepe, Saimir Pirgu/Vincenzo Costanzo, Marina Comparato
Si l’été s’ouvrait avec Bohème, il se ferme avec Butterfly, histoire de lancer la rentrée avec un titre populaire, comme Bohème, dans une production des réserves du San Carlo. Distribution correcte, avec Ailyn Pérez en Butterfly, et Saimir Pirgu en Pinkerton et des jeunes en distribution B. En fosse, Dan Ettinger. Soyons honnêtes, une Butterfly alimentaire qui ne fait pas trop rêver, qui ne coûte pas trop cher et remplit potentiellement la salle

 

Vincenzo Bellini
Beatrice di Tenda
Le 23 septembre 2023 – Dir : Giacomo Sagripanti
Avec Jessica Pratt, Matthew Polenzani, Andrzej Filończyk etc…
Pour une seule soirée en version de concert, et pour marquer le 190e anniversaire de la très rare Beatrice di Tenda de Bellini, créée en mars 1833 à la Fenice de Venise. En fosse, Giacomo Sagripanti qu’on connaît mieux pour son Rossini dirigera un solide trio, la pyrotechnique Jessica Pratt, Matthew Polenzani qui est un bon styliste sans forte personnalité, et l’excellent Andrzej Filończyk, l’un des barytons qui pourrait bien devenir une référence pour le répertoire de la première moitié du XIXe.

 

Ludovico Einaudi
Winter Journey
Les 7 et 8 oct – Dir : Carlo Tenan / MeS : Roberto Andò
Avec Malia, Badara Seck, Jonathan Moore…
Prévu en mars 2020 et annulé pour cause de Covid et de confinement, le spectacle du compositeur Ludovico Einaudi, l’un des compisteurs italiens à succès, dans toute l’Europe, signé Roberto Andò et dirigé par Carlo Tenan revient en automne 2023. Winter Journey est un voyage dans l’hiver européen contemporain et désolé, dans la solitude désespérée de ceux qui sont forcés d’abandonner leur propre pays pour s’embarquer vers des terres où ils peuvent mendier pour gagner leur vie. Un « Voyage d’hiver » gris et amer créé au Teatro Massimo de Palerme, dans cette Sicile qui accueille tant d’immigrés.

Octobre-novembre 2023
Gioachino Rossini
Maometto II
5 repr. du 25 oct. au 5 nov. – Dir : Michele Mariotti /MeS : Calixto Bieito
Avec Roberto Tagliavini, Dmitry Korchak, Vasilisa Berzhanskaja, Varduhi Abrahamyan etc…
La saison se termine alla grande par ce Maometto II de Rossini qui fut créé dans ce théâtre le 3 décembre 1820. Nul doute que Michele Mariotti devrait faire revivre l’œuvre avec la flamme voulue et la nécessaire élégance. La distribution est exemplaire, dominée par Roberto Tagliavini, devenu en quelques années une des basses italiennes de référence, et par Vasilisa Berzhanskaja qui est elle aussi devenue une mezzo incontournable dans Rossini, depuis sa Rosine du Barbiere di Siviglia à Rome, à ses côtés Varduhi Abrahamyan, toujours contrôlée, toujours élégante notamment dans les répertoires XVIIIe et Romantiques. Enfin, le ténor sera Dmitry Korchak, plus irrégulier mais bien connu des rossiniens.
La production est confiée à Calixto Bieito, qui devrait évidemment faire réagir les irréductibles grincheux, car il est rare d’avoir des metteurs en scène de ce calibre dans ce type de répertoire.
De toute manière, quel lyricomane n’inscrirait pas Naples dans ses voyages entre octobre et novembre 2023 ?

Concerts divers et ballets complètent les opéras, comme il se doit.
Au total, Stéphane Lissner joue un jeu d’équilibres subtils, investissant dans des distributions quelquefois follement excitantes, souvent alléchantes, ou au moins solides. Du point de vue des chefs, c’est tout aussi solide sans être éblouissant.
Ce jeu des équilibres on le retrouve dans la série de concerts qui allie, outre le néo directeur musical Dan Ettinger des chefs/cheffes de référence comme Susanna Mälkki ou Fabio Luisi, et dont les programmes alternent concerts vocaux (Netrebko, Agresta etc..) et concerts symphoniques où s’insèrent des voix çà et là, comme si même dans ces concerts, on restait fidèle à la tradition historique très vocale de ce lieu.

Les problèmes économiques très présents sont habilement contournés dans les productions par le recours à du répertoire de la maison, des coproductions ou locations de spectacles et des opéras en versions de concert.
Seules deux nouvelles productions sont « maison », celle de Don Carlo initiale et celle de Maometto II conclusive. Anna Bolena, la troisième, vient d’Amsterdam et le Requiem de Mozart vient d’Aix-en-Provence.

Il reste que, telle qu’elle est, cette saison habilement construite donne envie : elle est guidée par les voix, qui sont l’ADN de ce merveilleux théâtre, mais elle affiche aussi des ambitions dans les choix de mises en scène, entre Calixto Bieito, Claus Guth, Romeo Castellucci et Jetske Mijnssen. Peu d’institutions italiennes n’osent à ce point, tout en reprenant des spectacles locaux très dignes comme La Walkyrie de Federico Tiezzi ou La Bohème signée Emma Dante.
Le travail qui reste à conduire, c’est un travail important sur les forces musicales du théâtre : José Luis Basso, dont on connaît les qualités, a pris en main le chœur depuis une année et espérons que Dan Ettinger saura conduire sa phalange à progresser.
Entre les travaux de rénovation, la question économique, et la restructuration des forces du théâtre, il y a du pain sur la planche, mais la saison telle qu’elle est masque bien les difficultés. On sait à Naples comment faire rêver.

LA SAISON 2021-2022 DU TEATRO DI SAN CARLO DE NAPLES: CHI VA PIANO VA SANO

Après les péripéties de la saison dernière, l’arrivée fracassante de Stéphane Lissner à la tête du plus vénérable des opéras d’Europe, riche d’une tradition séculaire, nous voici revenus à l’ordinaire d’une saison, que comme partout, on espère au moins complète. L’histoire récente de ce théâtre n’est pas médiocre, on y a vu des productions intéressantes, et la période Purchia a été réellement une période qui a « remonté » le théâtre, qui comme toutes les institutions culturelles italiennes, a souffert des variations politiques de l’Etat, dont la culture n’était pas forcément la préoccupation essentielle.
La saison présentée à Stéphane Lissner, sans être un feu d’artifice, est solide et affiche au moins une brochette de voix telle qu’on n’en avait pas vues au San Carlo depuis longtemps comme Radvanovsky, Netrebko, Kaufmann, Oropesa, Abdrazakov, Rashvelishvili. Du point de vue des chefs, c’est un peu moins éclatant, comme si à l’opéra c’étaient seulement les voix qui comptaient : on va entendre Mariotti qui ouvre la saison, mais il ouvrira désormais à partir de 2023 celles de l’Opéra de Rome, et la ligne musicale et orchestrale est une question qu’il faut poser fortement : si la question du chœur est résolue depuis quelques mois par la venue de José-Luis Basso, celle de l’orchestre vient de l’être : Juraj Valčuha au pupitre depuis 2016 va laisser sa place à Dan Ettinger qui va lui succéder à partir de janvier 2023. C’est un choix de sécurité, de solidité, et de raison plus qu’un choix d’éclat artistique: Dan Ettinger, bon chef, est à la tête du Stuttgarter Philharmoniker mais a aussi été plusieurs années directeur musical au Nationatheater de Mannheim, cela signifie un répertoire lyrique important tout en ayant aussi un répertoire symphonique large, et c’est essentiel à Naples qui n’a pas d’orchestre autre que celui du San Carlo. Juraj Valčuha est un très bon chef, mais plus symphonique que lyrique: il dirige cette année seulement une production, et cinq programmes symphoniques.
Pour une phalange comme l’Orchestre du San Carlo, les concerts sont essentiels pour élargir le répertoire, aller de l’avant techniquement et devenir un orchestre plus “hybride” qui correspond mieux à la situation locale. En ce sens, Dan Ettinger a la double expérience symphonique (outre Stuttgart en Israël d’où il est originaire et au Japon notamment) et lyrique (il a dirigé dans la plupart des grands théâtres européens).

Enfin, Stéphane Lissner nous avait dit afficher une certaine prudence sur les mises en scène, et se donnait quelques années avant d’afficher des noms de la mise en scène plus incisifs. Cette année, le nom le plus intéressant est Barrie Kosky, qui vient avec sa production d’Eugène Onéguine, l’une des meilleures sur le marché (co-production Komische Oper, Opernhaus Zürich) avec celle de Tcherniakov au Bolchoï, et prudemment encore il affiche Barrie Kosky dans un titre russe, moins sensible qu’un titre italien.
En revanche, Barenboim a annulé sa venue cette année avec le WEDO, et l’on n’a pas encore de titre de baroque napolitain dans le théâtre de Cour, ce qui avait été annoncé. Sans doute aussi l’académie qu’il a créée n’est-elle pas encore vraiment opérationnelle: vu la situation des théâtres en 2020-2021, bien des projets ont été annulés ou repoussés partout .
Le San Carlo propose une offre qui marque une rupture nette par rapport aux distributions, d’un niveau décidément plus élevé que les années passées, c’est discutable encore pour les chefs et les metteurs en scène, mais la saison est complète, bien articulée, et fait une place importante au Bel Canto, tradition du théâtre, comme il avait été promis.

Les productions :

 

Novembre-décembre 2021
Giuseppe Verdi, Otello (MeS : Mario Martone/Dir : Michele Mariotti)
Avec Jonas Kaufmann (21 nov-4 déc)/ Yusif Eyvazov (7 déc-14 déc), Maria Agresta, Igor Golovatenko, Alessandro Liberatore etc….
Une ouverture de saison avec Jonas Kaufmann pour cinq représentations dans un de ses derniers grands rôles, c’est excitant. Maria Agresta est une Desdemona de bonne facture. On est plus surpris par Igor Golovatenko, très bon chanteur par ailleurs, dans Iago, mais acceptons-en l’augure. La direction de Michele Mariotti est une assurance de qualité et la mise en scène de Mario Martone une assurance de sagesse. Une production solide et sans aucun risque.
(8 repr. du 14 nov. au 14 déc.)

Janvier 2022
Gaetano Donizetti, Lucia di Lammermoor
(MeS : GiannI Amelio/Dir : Carlo Montanaro)
Avec Nadine Sierra, Pene Pati, Gabriele Viviani
Reprise de la production de 2012 qui avait fait parler d’elle, signée du cinéaste Gianni Amelio d’une œuvre créée pour le San Carlo : de ce point de vue Lissner tient parole. Le bel canto s’affirme dès la première reprise dans la saison.
Le plateau est flatteur, avec deux voix jeunes dont on parle, la délicieuse Nadine Sierra et le ténor samoan Pene Pati, qui circule de Vienne à San Diego, en passant par Paris et Berlin une belle recrue pour le bel canto. Direction de Carlo Montanaro, un des chefs qu’on a eu à Paris pour les reprises de répertoire.
(6 repr. du 15 au 29 janv.2022)

Vincenzo Bellini, La Sonnambula (Dir : Lorenzo Passerini)
Avec Jessica Pratt, Alexander Vinigradov, Lawrence Brownlee
Malicieuse soirée concertante avec un des grands chefs d’œuvre du belcanto, pour clore un janvier belcantiste et ainsi afficher une Jessica Pratt bien connue, machine efficace en acrobaties vocales, mais surtout Lawrence Brownlee, un des grands ténors rossiniens et belcantistes de l’époque sous la direction d’un jeune chef de trente ans à peine, Lorenzo Passerini, qu’on commence à voir un peu partout de Las Palmas à Francfort en passant par Turku. Une soirée qui ne coûte pas vraiment cher, et donne un signe…
(30 janvier 2022)

Février 2022
Giuseppe Verdi, Aida
(MeS : Franco Dragone / Dir : Michelangelo Mazza)
Avec Anna Netrebko/Yusif Eyvazov (3 repr. du 15 au 21/02) et Anna Pirozzi/Stefano La Colla (4 repr. du 17 au 26/02) Ekaterina Gubanova (4 repr. du 15 au 26/02)/Agnieszka Rehlis (3 repr. du 17 au 23/02), Franco Vassallo.
Un des coups de l’année, la présence pour trois représentations du couple glamour de l’opéra et de Ekaterina Gubanova en Amneris. Même la distribution B n’est pas si mal, assurée par Anna Pirozzi qui avait été une belle Aida en plein air la saison dernière sur la piazza Plebiscito.  La production est celle qui avait ouvert la saison en 2013 et qui a aussi servi à des représentations d’Aida dans des Zenith divers. Autant dire qu’elle ne sera pas dérangeante. La direction est assurée par Michelangelo Mazza, jeune chef qui ne m’avait pas convaincu à Bussetto, mais qui convainc régulièrement le couple Netrebko/Eyvazov qu’il accompagne souvent en concert, ce qui est un argument massue.
(7 repr. du 15 au 26 février 2022)

Sondra Radvanovsky, le « tre regine » (Concert ; Dir : Riccardo Frizza)
Scènes finales des trois opéras de Donizetti, Anna Bolena, Maria Stuarda, Roberto Devereux
Avec Sondra Radvanovsky, Eduardo Milletti, Antonio di Matteo, Giulio Pelligra, Martina Belli, Sergio Vitale, Caterina Piva.
Stéphane Lissner a annoncé des productions des trois opéras de Donizetti sur « les trois reines », dont deux ont été créés à Naples, Maria Stuarda sous un autre titre en 1834 et Roberto Devereux en 1837. Espérons que ce concert n’est que l’apéritif d’un festin donizettien futur, avec la reine du belcanto et du chant verdien Sondra Radvanovsky qui a été rare en Italie ces dernières années. Un joli cadeau d’hiver au public du San Carlo avec au pupitre le « donizettien » officiel d’Italie, Riccardo Frizza, par ailleurs directeur musical du Festival Donizetti de Bergamo.
(Les 19 et 22 février)

Mars 2022
Mozart, Cosi fan tutte
(MeS : Chiara Muti/Dir : Dan Ettinger)
Avec Mariangela Sicilia, Serena Malfi, Alessio Arduini, Giovanni Sala, paolo Bordogna, Damiana Mizzi.
Reprise de la production familiale d’un Cosi fan tutte conçu ad hoc pour le retour de Riccardo Muti au San Carlo il y a quelques années. Muti n’est pas là, mais Dan Ettinger, familier de Paris aux temps de Lissner. Une distribution équilibrée où l’on note la délicieuse Mariangela Sicilia en Fiordiligi et surtout le Don Alfonso de Paolo Bordogna, qui pour une fois sort du Rossini bouffe où il excelle pour un Mozart pas si bouffe… Wait and see.
(6 repr. du 23 mars au 2 avril 2022)

Avril-mai 2022
Giacomo Puccini, Tosca (MeS : Eduardo De Angelis/Dir : Juraj Valčuha)
Avec Oksana Dyka, Piero Pretti, Ildar Abdrazakov
Deux prise de rôles, le ténor très efficace Piero Pretti, solide et fiable, en Cavaradossi et Ildar Abdrazakov dans un rôle où il est inattendu, Scarpia. En face, hélas, il y aura la Tosca d’Oksana Dyka, l’une des pires Tosca de ma vie, entendue à la Scala et à jamais rayée de mes cadres. Comment Lissner peut-il afficher à Naples, un des temples du belcanto la reine du malcanto quand elle s’essaie au répertoire italien ? En fosse, le directeur musical pour sa seule production de l’année.
(5 repr. du 20 avril au 3 mai 2022)


Mai 2022
Marina Abramović/Marko Nikodijević, 7 deaths of Maria Callas
(MeS : Marina Abramović/Dir: Yoel Gamzou)
Avec Marina Abramović, Annalisa Stroppa, Kristine Opolais, Roberta Mantegna, Selene Zanetti, Zuzana Markovà, Nino Machaidze, Valeria Sepe
Brochette de belles chanteuses pour cet hommage performance à Maria Callas, conçu par la performeuse Marina Abramović dans un spectacle né à Munich qui fait le tour d’Europe.
Coproduction Bayerische Staatsoper, Teatro di San Carlo, Deutsche Oper Berlin, Greek National Opera Athens, Liceu de Barcelona, Opéra National de Paris
(5 repr. du 13 au 15 mai 2022) (2 repr. les 13 et 14 mai)

Juin 2022
Tchaïkovsky, Eugène Onéguine (MeS : Barrie Kosky/Dir : Fabio Luisi)
Avec Alexander Tsymbaliuk, Artur Rucinski, Michael Fabiano, Elena Stikhina, Monica Bacelli, Maria Barakova
Un chef d’œuvre de la mise en scène, l’un des très belles productions signées Barrie Kosky, vue à la Komische Oper et à l’Opernhaus Zürich. Avec la production Tcherniakov, c’est sans doute aujourd’hui la meilleure prod. d’Eugène Onéguine, qui vaut le voyage. De plus, c’est la deuxième apparition (comme me le fait remarquer un lecteur italien attentif) d’une mise en scène de Barrie Kosky en Italie, toujours à la traine quand il s’agit de (bonnes) mises en scène: on a vu en effet  à Rome la fameuse Zauberflöte coréalisée avec Suzanne Andrade, mais jamais de production 100% Kosky . Direction offerte au rigoureux Fabio Luisi, pas toujours imaginatif, mais toujours précis et propre, et distribution de bon niveau, sans être renversante. Il faut y aller… et juin à Naples est si agréable.
Production de la Komische Oper de Berlin
(5 repr. du 15 au 26 juin 2022)

Juillet 2022
Rossini, Il Barbiere di Siviglia 
(MeS : Filippo Crivelli/Dir : Riccardo Frizza)
Avec Davide Luciano, Carlo lepore, Aleksandra Kurzak, Xaber Anduaga, Riccardo Fassi
Pour la saison d’été, on actionne les tiroirs caisses, avec cette production historique, qui remonte à 1998, l’une des belles productions de l’histoire récente de ce théâtre, élégante, ignorant la vulgarité dans les décors d’Emanuele – dit Lele- Luzzati . Même si Riccardo Frizza n’est pas forcément la meilleure des idées pour Rossini, on ne se moque pas du monde au vu de la distribution qui affiche notamment le meilleur Figaro d’aujourd’hui, Davide Luciano, et l’Almaviva du futur, Xaber Anduaga. Allez, après un week end en juin, un petit week end en juillet à Naples ne fera pas de mal…
(5 Repr. du 6 au 16 juil. 2022)

 

Verdi, La Traviata (MeS : Ferzan Özpetek /Dir : Francesco Ivan Ciampa)
Avec Pretty Yende/Rosa Feola, Francesco Demuro/Yijie Shi, Carlos Alvarez/Simone del Savio, Daniela Mazzuccato.
Saison d’été signifie tourisme (si le Covid est oublié) et donc propositions populaires. Après un beau Barbiere di Siviglia, la reprise d’une Traviata maison (2017) qui fit parler, signée du réalisateur Ferzan Özpetek dans de beaux décors de Dante Ferretti. Avec deux distributions qui affichent deux jeunes vedettes du chant, Pretty Yende et Rosa Feola et notamment le grand Carlos Alvarez en Germont aux côtés de Yende. Au pupitre, le chef Francesco Ivan Ciampa, l’un des très bons chefs de sa génération. Une production solide, qui devrait attirer du public.
(8 repr. du 22 au 30 juillet 2022)

Septembre 2022
Bellini, I puritani
(MeS : Emilio Sagi /Dir : Giacomo Sagripanti)
Avec Lisette Oropesa, Xaber Anduaga, Davide Luciano etc…
Une reprise alla grande après l’été, pour la première apparition de Lisette Oropesa au San Carlo, et dans une prise de rôle, entourée des excellents Anduaga et Luciano. En fosse, Giacomo Sagripanti, qui semble entamer une très belle carrière de chef dans la péninsule et hors de la péninsule, même s’il ne m’a jamais vraiment pleinement convaincu, et une mise en scène d’Emilio Sagi, qui ne devrait pas choquer les bonnes âmes, venue du Teatro Real. Mais pour Oropesa et Anduaga, peut valoir un petit tour.
Production du Teatro Real de Madrid (2016)
(4 repr. du 7 au 16 septembre 2022)

Septembre-Octobre 2022
Saint-Saëns, Samson et Dalila
(MeS : Damián Szifron /Dir : Dan Ettinger)
Avec Anita Rashvelishvili, Brian Jagde, Ernesto Petti, Gabriele Sagona, Roberto Scandiuzzi.
L’accueil houleux à cette production lors de la création berlinoise en 2019 se reproduira-t-il à Naples ? Le cinéaste Damián Szifron a opté pour une reconstitution de l’épopée biblique qui semble avoir bien déplu, au point de provoquer des réactions violentes du public, malgré la belle distribution d’alors (Garanča, Volle, Jovanovich, Barenboim). Belle distribution aussi au San Carlo dominée par Anita Rasvelishvili, qui débute à Naples et Brian Jagde, solide ténor qui débute dans le rôle de Samson. En fosse, Dan Ettinger, un chef qui devrait convenir à ce répertoire ; wait and see…
Production de la Staatsoper Unter den Linden Berlin (2019)
(4 repr. du 29 sept. au 9 oct 2022)

Octobre-Novembre 2022
Wagner, Tristan und Isolde
(MeS : Lluis Pasqual/Dir : Constantin Trinks)
Avec Nina Stemme, Stuart Skelton, René Pape, Brian Mulligan, Okka von der Damerau
Brelan d’as pour cette dernière production de l’année, qui reprend pour la troisième fois la production ancienne mais correcte de Lluis Pasqual (2004), avec en fosse Constantin Trinks, l’un des bons chefs allemands d’aujourd’hui. Skelton et Pape (qui débutent au San Carlo), et Stemme, l’une des grandes Isolde de ces dernières années, seront pour le public du San Carlo un magnifique cadeau, avec à leurs côtés Okka von der Damerau qui vient de triompher dans le Tristan mythique de Munich, et l’excellent Brian Mulligan en Kurwenal. Un Tristan ne se manque pas.
(4 repr. du 27 octobre au 5 nov.)

Quatorze propositions dont deux sous forme de concert, et une première impression qui est une petite déception par rapport aux attentes, mais le contexte covidien oblige à la prudence, pour ne pas avoir sur les bras de nouvelles productions à reprogrammer. On compte donc une seule nouvelle production maison, l’Otello inaugural, trois nouvelles productions venues d’ailleurs, l’Eugène Onéguine, sans doute le clou de l’année en matière de mise en scène, Samson et Dalila et I Puritani. Le reste sont des productions maison qui ont laissé de bons souvenirs et qui pour la plupart bénéficient de distributions notables, voire excellentes.
Par ailleurs, une programmation de concerts régulière avec notamment un « Festival de piano » (22 avril- 5 mai) qui réunit rien moins que Daniel Barenboim, Alexandra Dovgan, Beatrice Rana, Bertrand Chamayou, Benjamin Grosvenor, Yuja Wang, Rafla Blechacz nous rappelle l’importance et la nécessité d’une saison musicale et symphonique à Naples, s’appuyant pour partie sur les chefs présents en fosse à l’opéra. Ainsi, outre les concerts du directeur musical  la saison affiche aussi des noms comme Fabio Luisi, Michele Mariotti, James Gaffigan, Ingo Metzmacher, Mark Elder, Dan Ettinger, Henrik Nánási

Stéphane Lissner est prudent, il assure des arrières et garantit d’abord des distributions solides voire exceptionnelles, pour montrer qu’il suit les indications qu’il avait données. Du point de vue des mises en scène, il reste très sage, en s’appuyant notamment sur les réserves locales qui est aussi une manière de rendre hommage à la mémoire du théâtre et au travail effectué précédemment. La mise en scène la plus « originale » est celle de Barrie Kosky avec Eugène Onéguine, une garantie de succès et en même temps une manière d’introduire à dose très mesurée des esthétiques nouvelles.
Sur les chefs, on ne sort pas globalement de ceux qui s’affichaient souvent à Paris, et je ne suis pas loin de penser que la nomination de Michele Mariotti à la direction musicale de l’Opéra de Rome a un peu perturbé des plans futurs, même si le successeur de Juraj Valčuha  a été désigné il y a quelques jours, comme on l’a dit plus haut
Sur les titres affichés en revanche, il affirme nettement une ligne belcantiste : on entendra Donizetti (Lucia, Sonnambula, les trois reines en concentré) et Bellini (I puritani), mais aussi par ailleurs Verdi (Otello, Aida, Traviata), Rossini (Il Barbiere) et Puccini (Tosca). Brèves incursions dans le répertoire allemand (Tristan), français (Samson) et russe (Onéguine) et une performance contemporaine autour de Callas par Marina Abramović : au total, une saison diversifiée, sans aucune prise de risque, moins inventive que prévue, mais sûrement pas médiocre, moins en tous cas que celle d’un autre théâtre de même importance historique plus au nord (suivez mon regard…). On attendra donc pour constater véritablement un « effet Lissner » la saison 2022-2023, mais on pourra faire le voyage de Naples, jamais désagréable, plusieurs fois dans l’année.

LE SAN CARLO DE LISSNER: PRÉSENTATION DE LA SAISON 2020-2021 DU PLUS VIEIL OPÉRA D’ITALIE

Il y avait en Italie deux foyers référentiels pour l’Opéra au XVIIIe, Venise avec ses théâtres actifs depuis le XVIIe et Naples dont le San Carlo fut construit en 1737 (Architecte Medrano), rénové plusieurs fois (notamment par Ferdinando Fuga en 1767) et reconstruit après un incendie en 1817 : il reste néanmoins l’un des plus anciennes salles d’Europe. Il Gran Teatro La Fenice (Architecte Selva) inauguré en 1792 est bien postérieur, y compris à la Scala (Architecte Piermarini) inaugurée en 1778.
Le San Carlo resta une référence au moins jusqu’au milieu du XIXe, Rossini et Donizetti en furent notamment les directeurs musicaux. Le théâtre resta prestigieux, mais le Risorgimento et le basculement des forces vives de l’Italie du Sud au Nord (ne jamais oublier que les grandes innovations, dont le chemin de fer en 1839, naquirent d’abord autour de Naples) firent y compris musicalement, du Nord le moteur de l’Italie (dont la première capitale fut Turin) à partir de la deuxième partie du XIXe
Pour comprendre ce qu’est le San Carlo, il faut avoir en tête qu’il fut le théâtre d’une capitale parmi les plus prestigieuses d’Europe, car Naples est une ville capitale, sans doute la seule en Italie, et en garde des traces profondes. Il ne faut pas se laisser influencer par l’idée d’une Naples abandonnée, pauvre, laissée à l’abandon, même si les blessures de la deuxième guerre mondiale y furent terribles (lire La Peau de Malaparte). C’est une ville forte, très particulière, très contrastée.

Le contexte d’aujourd’hui a fait que les gouvernements récents ont privilégié trois opéras en Italie, Venise à cause du flux touristique, Milan dont la Scala fut la référence dès le début du XXe avec Toscanini et surtout après la deuxième guerre comme théâtre symbole de la reconstruction et abritant les plus grands chanteurs (Callas…Tebaldi). Enfin, Rome qui eut son opéra depuis la fin du XIXe (le Teatro Costanzi), très protégé comme opéra de la capitale.
Le reste des théâtres de la Péninsule (dans un pays qui en possède tant – et tant de joyaux-) a dû affronter récemment des crises économiques graves dans un pays où le populisme berlusconien a relégué la culture au rang d’utilité (Palerme, Florence, Gênes par exemple) et où la loi sur les Fondations, faisant de ces structures des institutions de droit privé n’a pas particulièrement aidé.
Les choses ont commencé à s’éclaircir ces dernières années, mais il est à craindre que la crise due à la pandémie du Covid-19 ne soit fatale à un certain nombre d’institutions et fasse replonger la vie culturelle dans la difficulté.

Il est d’autant plus intéressant de voir un Stéphane Lissner devenir le Sovrintendente du Teatro San Carlo, en laissant Paris à ses problèmes immenses et irrésolus. Celle qui l’a précédé à Naples depuis 2009, Rosanna Purchia, une figure essentielle du théâtre en Italie ayant fait presque toute sa carrière depuis 1976 au Piccolo Teatro de Milan auprès de Giorgio Strehler et de Nina Vincki, puis de Luca Ronconi a contribué à ouvrir le théâtre et à relancer l’intérêt sur sa production. Elle y laisse le directeur musical Juraj Valčuha plutôt intéressant et ainsi Lissner arrive dans un contexte plutôt favorable pour continuer et élargir l’œuvre commencée par la Purchia : il n’arrive pas en sauveur, comme il était arrivé à la Scala, mais il arrive dans un théâtre qui a une grande tradition historique encore plus forte que le théâtre milanais, vraiment aux racines de l’opéra italien et qui plus est une des salles les plus belles qui existent au monde.

Pour retrouver une place dans le paysage des grandes scènes internationales, il faut évidemment à la fois des stars du chant, mais elles ne suffisent pas : il faut aussi que les forces artistiques du théâtre, chœur et orchestre, puissent se confronter à un répertoire plus large, travailler aussi à une saison symphonique importante, dans une ville où la RAI a supprimé l’un de ses orchestres et transformé l’auditorium construit en 1963 en studio TV en emmurant les tuyaux d’orgue (oui..oui..).
Ainsi Naples a une vie musicale qui désormais est complètement centrée autour du San Carlo, depuis que la RAI a déserté, alors que la tradition y est si ancrée, avec l’un des plus prestigieux conservatoires d’Italie, Le Conservatorio San Pietro a Majella.
Si Lissner ne fait pas l’unanimité, à Paris comme à Milan, il reste un des managers les plus agiles, capable de mobiliser un réseau notable, il reste à savoir s’il réussira à conquérir Naples. Ainsi l’Italie accueille en 2020 trois des directeurs les plus prestigieux d’Europe : Dominique Meyer de Vienne à la Scala, Alexander Pereira de la Scala à Florence, et Stéphane Lissner de Paris à Naples : « Drang nach Süden » pour tous et dans ce trio, Lissner n’a pas forcément la tâche la plus facile.

Il s‘agit d’abord de relancer la machine opéra et la saison 2020-2021 a été préparée par le directeur artistique de l’équipe précédente, Paolo Pinamonti, Stéphane Lissner assume la double charge de Sovrintendente et Direttore artistico, il sera sans doute assisté par un coordonnateur ou un conseiller artistique, Pinamonti n’apparaît plus en effet sur les organigrammes.

Alla grande, en juillet prochain, le San Carlo offre en apéritif l’opéra en plein air sur la place voisine, la monumentale Piazza del Plebiscito construite par Murat alors roi de Naples et dominée par la Basilique San Francesco di Paola, consacrée en 1836 et dont la construction a commencé en 1815 après la fin du Royaume de Naples napoléonien. Cette place sera aménagée pour une saison d’été particulièrement alléchante avec trois événements :

23 et 26 juillet 2020
Giacomo Puccini, Tosca, Dir : Juraj Valčuha avec Anna Netrebko (Tosca), Yusif Eyvazov (Mario), Ludovic Tézier (Scarpia) etc…
Orchestra, Coro e Coro di Voci Bianche del Teatro di San Carlo
Exécution en version concertante
Trois noms qui se suffisent à eux-mêmes…

28 et 31 juillet 2020
Giuseppe Verdi, Aida,
Dir : Michele Mariotti  avec Anna Pirozzi (Aida), Jonas Kaufmann (Radamès), Anita Rashvelishvili (Amneris), Claudio Sgura (Amonasro), Roberto Tagliavini (Ramfis)
Orchestra e Coro del Teatro di San Carlo
Exécution en version concertante.
Pour Rashvelishvili, pour Kaufmann, pour Mariotti, pour un soir d‘été à Naples, ça vaut le voyage.

30 juillet 2020
Beethoven, IXe Symphonie e
n ré mineur, Op. 125 “Avec choeurs”
Maria Agresta (Soprano), Daniela Barcellona (Mezzosoprano), Antonio Poli (Tenor), Roberto Tagliavini (Basse)
Orchestra e Coro del Teatro di San Carlo
Dir : Juraj Valčuha

Un programme qui dans l’ensemble pourrait valoir quelques jours ensoleillés dans la capitale parthénopéenne qui n’a pas trop souffert de la pandémie.

Saison 2020-2021

Il y a à Naples une saison lyrique une saison symphonique et une saison de ballet (n’oublions pas là non-plus, la tradition historique du ballet classique portée à Naples), nous nous occuperons essentiellement de la saison lyrique, composée de tous les grands standards du monde de l’Opéra (il manque Tosca, mais on l’aura vue en juillet 2020 ), Bohème en début et fin de saison, Rigoletto, Don Giovanni (avec Muti il est vrai), Madama Butterfly, la Traviata et Carmen, L’Elisir d’amore : les « raretés » s’appellent Salomé, Les Pêcheurs de perles ; complétant cette exposition de tous les poncifs de l’opéra Il Turco in Italia et My fair Lady.
Bien évidemment une telle saison fait suite à plusieurs mois de fermeture totale, avec les conséquences financières qui en résultent, et il faut relancer la machine et attirer de nouveau un public qui à Naples (comme souvent en Italie) ne se déplacera pas a priori pour Wozzeck ou Pelléas et Mélisande. Il vaut mieux jouer sur le velours du bien connu. Songeons que Salomé, bien distribuée, est une reprise de 2014 et donnée seulement quatre soirs. Carmen est montée pour Garanča et trois seules représentations, tandis que son époux Karel Mark Chichon dirigera 9 Traviata…et tous deux donneront un concert de chant le 3 octobre 2021.
Toutefois, force est de reconnaître malgré tout une volonté de proposer des artistes qui souvent pour la première fois apparaissent au San Carlo avec des chefs, Elina Garanča bien sûr, mais aussi Ailyn Perez, Zeljko Lučić, Aida Garifullina, Lawrence Brownlee, Stephen Costello, Julie Fuchs, Jessica Pratt, George Gagnidze, Xabier Anduaga et des chefs comme Chichon justement, Dan Ettinger aussi qui sont de très bons chefs sur le marché aujourd’hui et d’autres noms qu’on aurait cru déjà venus à Naples comme Marco Armiliato, Riccardo Frizza ou Carlo Montanaro.  Ceci équilibre cela et on reconnaît dans certains de ces choix des artistes, chanteurs ou chefs, qui ont été distribués fréquemment à Paris (Ettinger, Montanaro) et quelques chanteurs inhabituels pour Naples comme Julie Fuchs, inconnue en Italie, ou Aida Garifullina, voire Lucas Meachem ou Stephen Costello distribués la saison prochaine à Paris qu’on va retrouver aussi à Naples.
Lissner se donne donc avec un tel programme plus de temps d’observation, pour élaborer des propositions plus neuves, tout en montrant ce qu’apporte sa présence. Une sorte de corbeille de la mariée.

 

Opéra 

 

Décembre 2020
Giacomo Puccini, La Bohème
(7 repr.) MeS :  Emma Dante Dir: Juraj Valčuha avec Selene Zanetti (Mimi) Stephen Costello (Rodolfo), etc…
Orchestra e coro del Teatro di San Carlo
Nouvelle production
Ouverture de saison sur un titre ultra-labouré, mais une première pour Emma Dante au San Carlo, ainsi pour la jeune Selene Zanetti, que nous connaissons bien puisque qu’elle est en troupe à Munich, ainsi que pour Stephen Costello, la production sera reprise avec une autre distribution en juillet 2021.

Janvier 2021
Giuseppe Verdi, Rigoletto
(7 repr.) MeS Giancarlo Cobelli Dir: Stefano Ranzani avec Željko Lučić/Simone del Savio (Rigoletto), Aida Garifullina/Claudia Pavone (Gilda), René Barbera/Giulio Pelligra
Orchestra e coro del Teatro di San Carlo
Pure reprise alimentaire d’une ancienne production confiée à la baguette un peu routinière de Stefano Ranzani, mais avec Željko Lučić, Rigoletto consommée et la Gilda de Aida Garifullina, la voix fraîche venue de Russie, sans oublier le Duc de René Barbera, Une distribution honnête.

Février 2021
W.A.Mozart, Don Giovanni
(5 repr.) MeS Chiara Muti, Dir: Riccardo Muti avec Luca Micheletti (Don Giovanni), Mandy Fredrich (Donna Anna), Alessandro Luongo (Leporello) Mariangela Sicilia (Donna Elvira) Giovanni Sala (Don Ottavio) etc…
Orchestra e coro del Teatro di San Carlo
Nouvelle production
Évidemment, vaudra forcément le voyage. Chiara Muti, fille de…, a assuré les mises en scènes des Nozze di Figaro et de Così fan Tutte, elle clôt la trilogie Da Ponte avec comme pour Cosi fan tutte, Riccardo Muti comme chef d’orchestre.
Une distribution jeune, de celles qu’affectionne Riccardo Muti : il peut ainsi travailler avec des artistes qui n’ont pas d’habitudes routinières. Les apparitions de Muti à l’opéra sont si rares, qu’il ne faut sous aucun prétexte manquer ce rendez-vous.

Mars 2021
Gioachino Rossini, Il Turco in Italia
(6 repr) MeS: Antonio Calenda, Dir: Carlo Montanaro avec Marko Mimica (Selim), Julie Fuchs (Donna Fiorilla), Davide Luciano/Alessandro Luongo (Prosdocimo), Paolo Bordogna (Don Geronio)
Orchestra e coro del Teatro di San Carlo.
Distribution très intéressante sans aucun doute avec un bon chef (Carlo Montanaro) pour ce Turco in Italia devenu un peu d’années l’un des must rossiniens. Avec dans le rôle féminin principal la délicieuse Julie Fuchs et les grands rossiniens d’aujourd’hui que sont Davide Luciano, tout à fait exceptionnel, et Paolo Bordogna, basse bouffe dans la grande tradition italienne, sans oublier l’excellent Marco Mimica.

Avril 2021
Richard Strauss, Salomé
(4 repr.) MeS : Manfred Schweigkofler, Dir : Juraj Valčuha avec Roberto Saccà (Herodes), Lioba Braun (Herodias), Vida Miknevičiūtė (Salomé), Johan Reuter (Jochanaan) etc …
Orchestra del Teatro di San Carlo.
Une production déjà ancienne venue des réserves du San Carlo, avec au pupitre le directeur musical, ce qui est une garantie, et la nouvelle grande Salomé des scènes européennes : on la voit partout (effet d’agence ??), à noter Lioba Braun et Johan Reuter, deux excellents chanteurs. Belle distribution.

 

Avril/Mai 2021
Giacomo Puccini, Madame Butterfly
(10 repr) MeS : Ferzan Özpetek
Dir : Dan Ettinger avec Anna Pirozzi/Valeria Sepe (Cio Cio San), Giorgio Berrugi/Sergio Escobar (Pinkerton) Annalisa Stroppa (Suzuki) Andrzej Filończyk (Sharpless).
Orchestra e coro del Teatro di San Carlo.
Dan Ettinger, l’un des très bons chefs de répertoire en Europe arrive au San Carlo pour diriger la Butterfly maison. Distribution dominée par les femmes, les excellentes Anna Pirozzi et Annalisa Stroppa .

Juin 2021
Giuseppe Verdi, La Traviata (9 repr.)
MeS: Lorenzo Amato Dir: Karel Mark Chichon avec Ailyn Pérez/Jessica Pratt (Violetta Valéry), Leonardo Caimi/Ivan Magri (Alfredo) George Gagnidze (Giorgio Germont) etc…
Une saison sans Traviata, cette rareté, est-elle une saison ?
La production maison de Lorenzo Amato est confiée à Karel Mark Chichon, un des bons chefs en Europe pour le répertoire italien, qui dirige dans bien des théâtres internationaux (il est vrai que le fait d’être l’époux de Madame Garanča l’aide peut-être un peu, mais je suis très méchant parce que c’est un bon chef). Il va diriger une belle distribution, avec deux Violetta de choix, la délicieuse Ailyn Pérez, et la pyrotechnique Jessica Pratt, deux personnalités très différentes, ce qui ne manque pas d’intérêt. Deux ténors de qualité Leonardo Caimi et Ivan Magri, et un Germont de prestige, George Gagnidze.

Georges Bizet, Carmen (3 repr.) MeS: Daniele Finzi Pasca Dir: Dan Ettinger avec Elina Garanča (Carmen), jean-François Borras, Alexander Vinogradov, Selene Zanetti etc…
Orchestra, coro di Voci bianche, e Coro del Teatro di San Carlo.
Retour de Dan Ettinger au pupitre après Butterfly pour cette Carmen spécialement montée pour Garanča, dans la mise en scène de Daniele Finzi Pasca (Einstein on the Beach à Genève) ; à ses côtés Jean-François Borras en Don José et Alexander Vinogradov en Escamillo, tandis que Selene Zanetti sera Micaela. Belle production estivale, mais pour trois soirées seulement. 

Juillet 2021
Giacomo Puccini, La Bohème
(5 repr.) MeS: Emma Dante, Dir : Juraj Valčuha avec Eleonora Buratto et Piero Pretti
Orchestra, coro di Voci bianche, e Coro del Teatro di San Carlo
Reprise estivale, et donc touristique, de la production inaugurale de la saison  avec deux nouveaux protagonistes, la magnifique Eleonora Buratto, et Piero Pretti pour lesquels Emma Dante reviendra pour adapter sa mise en scène.
Bonnes représentations en perspective. (cela fait au total 12 Bohème dans l’année…)

Gaetano Donizetti, L’Elisir d’amore (5 repr.) MeS: Damiano Michieletto, Dir: Riccardo Frizza avec Rosa Feola (Adina), Xaber Anduaga (Nemorino), Gabriele Viviani (Belcore), Nicola Alaimo (Dulcamara) etc…
Orchestra e Coro del teatro di San Carlo
Coproduction Teatro Real Madrid et Palau de Les Arts Reina Sofia Valencia.
L’Elisir d’amore est encore un des grands marronniers du genre opéra dans la mise en scène excellente de Damiano Michieletto qui convient à l’époque estivale. Belle distribution avec le spécialiste de Donizetti qu’est Riccardo Frizza au pupitre et un quatuor vocal de très bon niveau : Rosa Feola, Xaber Anduaga le ténor dont on parle pour la première fois au San Carlo, Gabriele Viviani et surtout le Dulcamara de Nicola Alaimo. C’est d’ailleurs presque la même distribution que l’Elisir donné à Paris…(Viviani, Anduaga, Frizza)

Septembre 2021
Georges Bizet, Les Pêcheurs de perles (6 repr.), MeS : Yoshi Oïda Dir : Marco Armiliato avec Lawrence Brownlee (Nadir), Lucas Meachem (Zurga), Nino Machaidze (Leila), Dario Russo (Nourabad)
Orchestra e Coro del Teatro di San Carlo
Nouvelle production
Une nouvelle production confiée au maître du hiératisme japonais Yoshi Oïda pour cette histoire orientale, pourquoi pas? Marco Armiliato monte pour la première fois au pupitre du San Carlo et une distribution solide dominée par la charmante Nino Machaidze et le Nadir de Lawrence Brownlee qui chante pour la première fois sur la scène napolitaine.

Octobre 2021
Frederick Loewe, My Fair Lady (10 repr.)
MeS: Paul Curran Dir: Donato Renzetti avec Nancy Sullivan (Elisa Doolittle), Robert Hands (Higgins), John Conroy (Pickering)
Orchestra, coro e balletto del Teatro di San Carlo
Coproduction avec le Teatro Massimo di Palermo
La saison se conclut sur le célèbre musical de Loewe, manière de clore une saison dans la joie, en essayant d’attirer un public plus large, dirigé par le chef très solide qu’est Donato Renzetti.

La saison des concerts


Sans entrer dans le détail, la saison symphonique, une tradition des théâtres italiens qui la réservaient il y a encore une vingtaine d’années pour l’automne avant la reprise des saisons lyriques, est désormais étalée toute l’année puisque les saisons d’opéra – c’est une nouveauté assez récente – continuent en septembre octobre, voire novembre.

En général, à l’exception de quelques concerts prestigieux, les saisons symphoniques s’appuient sur le directeur musical et sur la présence des chefs au pupitre d’un opéra et leur demandent un concert en complément.
Les saisons symphoniques sont déterminantes pour plusieurs raisons : pour Naples, elles remplissent le vide laissé par le départ de la RAI et donc constituent le seul rendez-vous symphonique régulier ; pour tous les théâtres, elles permettent aux orchestres de se confronter à un autre répertoire, de travailler de manière plus approfondie, de « faire un peu de musique » et clairement de sortir de la routine, surtout quand on voit le programme proposé, à Naples cette année que les musiciens connaissent par cœur. Donc une saison symphonique bien construite est facteur de progrès. À la Scala, Abbado était plus fréquemment au pupitre de la saison symphonique que d’un opéra.

Quelques concerts cet automne seront donnés par l’Orchestre et le Chœur du Teatro San Carlo

  • 17/18 octobre 2020 : Rossini, Stabat Mater (Juraj Valčuha)
  • 4 novembre 2020 : Hommage à Saverio Mercadante (Francesco Omassini) pour marquer le 150ème anniversaire de sa mort en 1870
  • 8/10/11 novembre 2020 :
    Saverio Mercadante
    Ouverture da I due Figaro (1826)
    Franz Schubert
    Symphonie n° 3 en ré majeur D. 200 (1815)
    Piotr I. Tchaikovsky
    Symphonie n° 5 en mi mineur, op. 64 (1888)
    Direction : Riccardo Muti
  • 18 novembre 2020 :
    En hommage au cinquième anniversaire de la mort d’Aldo Ciccolini.
    Récital Jean-Yves Thibaudet, piano
    Claude Debussy
    Préludes, premier livre, L. 125 (1909-10)
    Préludes, deuxième livre, L.131 (1911-13)

Ces concerts intervenant avant l’ouverture de la saison 2020/2021, ils apparaissent dans la saison présente, bien blessée


Saison 2020/2021

  • 18 décembre 2020 :
    Concert de Noël
    (Juraj Valčuha)
    Programme non communiqué
  • 8 janvier 2021
    Orchestra e coro del Teatro San Carlo
    Dir: Juraj Valčuha
    Antonín Dvořák, Requiem pour soliste, chieur et orchestre, op. 89 (B.  165) Carmen Giannatasio (s), Gerhild Romberger(ms), Maximilian Schmitt(t), Alexander Vinogradov (b)
  • 20 janvier 2021
    Orchestra del Teatro San Carlo
    Dir: Radu Paponiu
    Evguenyi Kissin, piano
    Carl Maria von Weber, „Der Freischutz“J277 – Ouverture
    Franz Liszt, Concerto n°1 in mi bémol majeur pour piano et orchestre S 124
    Johannes Brahms, Symphonie n°1 en ut mineur op. 68
  • 20 mars 2021
    Orchestra del Teatro San Carlo
    Dir: Gabriele Ferro
    Hector Berlioz, “Le Carnaval romain”, op. 9, Ouverturecaractéristique, en la majeur pour orchestre
    Hector Berlioz, “La mort de Cléopâtre”
    Maurice Ravel, “Ma mère l’oye – Cinq pièces enfantines”
    Maurice Ravel, “Daphnis et Chloé”, Suite pour orchestre n°2
  • 31 mars 2021
    Orchestra del Teatro San Carlo
    Dir: Dan Ettinger
    Serghei Rachmaninov, Concerto pour piano et orchestre n° 1 en fa dièse mineur, Op. 1
    Piotr Ilitch Tchaïkovski, Symphonie n°4  en fa mineur, Op. 36
  • 6 avril 2021
    Monteverdi Choir
    English Baroque Soloists
    Dir : Sir John Eliot Gardiner

    Programme non communiqué
  • 16 avril 2021
    Concert de chant
    Orchestra del Teatro San Carlo
    Dir: Pier Giorgio Morandi
    Jessica Pratt, soprano
    Extraits symphoniques et airs de Bellini, Donizetti, Rossini
  • 9 mai 2021
    Wiener Philharmoniker
    Dir: Riccardo Muti
    Programme non communiqué
  • 16 mai 2021
    Orchestra del Teatro San Carlo
    Dir: Lera Auerbach
    Soliste: Sarah Chang, violon
    Johannes Brahms, Concerto en ré majeur pour violon et orchestre op. 77
    Franz Joseph Haydn, Ouverture de “L’Isola disabitata”
    Franz Joseph Haydn, Symphonie n°49 en fa mineur “La Passion”, Hob:I: 49
  • 24 mai 2021
    Récital Denis Matsuev, piano

    Piotr Ilitch Tchaïkovski, Les saisons, op.37a
    Serghei Rachmaninov, Variations sur un thème de Corelli, op.42
    Piotr Ilitch Tchaïkovski, Méditation (en ré majeur) dans Dix-huit pièces pour piano op.72
    Serghei Prokofiev, Sonate n°7 en si bémol majeur op.83
  • 6 juin 2021
    Récital Renaud Capuçon, violon et Guillaume Bellom, piano

    Gabriel Fauré, Sonate en la majeur n° 1 per violon et piano, Op. 13
    Camille Saint-Saëns, Sonata n° 1 in ré mineur per violon et piano, Op. 75
    César Franck, Sonate en la majeur per violon et piano
  • 22 juillet 2021
    West-Eastern Divan Orchestra
    Dir: Daniel Barenboim
    Programme non communiqué
  • 19 septembre 2021
    Concert Hommage à Enrico Caruso

    Orchestra del Teatro San Carlo
    Dir: Marco Armiliato
    Ténors: Francesco Meli, Javier Camarena, Francesco Demuro
    Programme non communiqué

26 septembre 2021
Orchestra del Teatro San Carlo
Dir: Juraj Valčuha
Programme non communiqué

  • 3 octobre 2021
    Soirée de gala dédiée à Elina Garanča

    Orchestra del Teatro San Carlo
    Dir: Karel Mark Chichon
    Soliste: Elina Garanča
  • 6 novembre 2021
    Clôture de la saison symphonique
    Orchestra del Teatro San Carlo
    Dir: Neeme Järvi

La résidence du West-Eastern Divan Orchestra

Last but not least, voilà une initiative qui à l’évidence est marquée Stéphane Lissner : ses relations de longue date (depuis le début des années 1990) avec Daniel Barenboim sont connues et elles vont profiter à la Campanie et à Naples, grâce à l’aide de la Région Campanie.
Ainsi donc le West-Eastern Divan Orchestra, qui prépare sa tournée d’été, va s’installer en résidence. Cet orchestre on le sait est né de l’amitié entre Daniel Barenboim et Edward Said (lire à ce propos le livre de Daniel Barenboim/Edward Said, Parallèles et Paradoxes, Ed. Le Serpent à Plumes). Il comprend des musiciens israéliens et palestiniens en nombre égal. Le siège de l’orchestre est à Berlin, à la Fondation Barenboim-Saïd. Rappelons qu’en 2016, le Secrétaire Général de l’ONU avait nommé cet orchestre United Nations Global Advocate for Cultural Understanding..
Cette résidence préparatoire à la tournée comprendra outre deux concerts de l’orchestre, des répétitions ouvertes, des débats, dans des lieux symboliques de Naples et de Campanie. C’est évidemment une initiative passionnante, et la ville de Naples, si ouverte, si diverse, est idéale pour accueillir ce type d’opération.

Voilà donc cette première saison « targata Lissner » comme on dit en italien, où l’on constate que la patte du célèbre manager s’installe déjà. Évidemment, les problèmes sont devant lui. D’abord, dans cette période économiquement critique en Italie (tout comme ailleurs) il faudra trouver des financements, car le San Carlo n’est ni Paris, ni la Scala. Il faudra aussi parallèlement travailler à construire des saisons plus variées que cette première saison lyrique, il est vrai un peu particulière et notamment trouver un chemin novateur dans le domaine délicat de la mise en scène, avoir un bon conseiller lyrique pour trouver de belles jeunes voix pas trop chères et aussi, dans un théâtre aussi marqué par la tradition italienne, donner au répertoire italien une place importante, plus importante que sous son règne à la Scala, où ce fut le point faible d’une gestion par ailleurs réussie au niveau artistique. Mais place importante ne signifie pas routine, ne signifie pas Traviata-Butterfly-Bohème, mais signifie peut-être travailler en premier lieu sur ce riche répertoire napolitain qui contribua à construire l’histoire mondiale de l’opéra. In bocca al lupo !