OPÉRA NATIONAL DE LYON 2014-2015: IDOMENEO de W.A.MOZART le 23 JANVIER 2015 (Dir.mus:Gérard KORSTEN; Ms en scène: Martin KUŠEJ)

Idomeneo, un drame de la mer © Jean-Pierre Maurin
Idomeneo, un drame de la mer © Jean-Pierre Maurin

Les premières se suivent et se ressemblent. Après Londres début novembre, cet Idomeneo est accueilli à Lyon par des huées. Une fois de plus, c’est une attitude imbécile. Une salle qui n’applaudit pas ou peu est bien plus impressionnante qu’une salle traversée par des cris animaliers, mais cela fait partie du cirque lyrique.
En fait, il n’y a rien à huer, parce que le travail existe, qu’il a du sens,  même si cette production ne restera sans doute pas dans les annales.
La première partie est assez creuse, mais la seconde est plutôt mieux réussie.

Martin Kušej est un metteur en scène sérieux, typique d’un certain Regietheater, on lui doit des travaux de très grande qualité comme Lady Macbeth de Mzensk à Amsterdam (et Paris) ou Die Gezeichneten (à Amsterdam), ou même sa Carmen (Berlin, vue au Châtelet) d’autres moins convaincants comme son Macbeth ou sa Forza del Destino à Munich.

Cet Idomeneo part d’un constat intéressant qui n’est en rien contradictoire avec l’œuvre : dans la mesure où la divinité demande à Idomeneo d’abdiquer en faveur de son fils, Kušej pose la question de l’usure du pouvoir et de ses conséquences sur les peuples, celle de l’utilisation de la religion dans la manipulation des événements, ce qui est plutôt d’actualité, et propose des personnages coincés dans un espace d’où ils ne peuvent s’échapper, l’habituelle boite, avec un fond mobile installé sur une tournette. Labyrinthe (on est en Crète et Idomeneo est petit fils de Minos…) ou mur immaculé, ou maculé de sang. L’espace de jeu est plutôt réduit, un peu étouffant, pendant que souvent on aperçoit les personnages dans l’ombre,  courant en arrière scène ou dans les corridors : comme dans toute tragédie, les événements se passent derrière le décor.
On retrouve dans le décor de Annette Murschetz, les trois couleurs favorites de Kušej, le noir, le blanc, le rouge : fond alternativement noir ou blanc et en deuxième partie blanc maculé de rouge (sang), et chœur maniant des morceaux de tissu rouge (comme celui qui tombait du ciel dans Carmen…), un décor géométrique, abstrait, qui se veut relativement oppressant.

Acte I scène 1 Ilia au milieu des prisonniers troyens © Jean-Pierre Maurin
Acte I scène 1 Ilia au milieu des prisonniers troyens © Jean-Pierre Maurin

La première scène pose la situation telle que voulue par le metteur en scène : il la conçoit en amont de l’action ; des prisonniers opprimés par des gardiens armés en cuir noir, lunettes noires, une rencontre, des regards qui se croisent entre Ilia et Idamante. L’amour est installé et tout peut commencer : Idamante, régent, va libérer les prisonniers troyens.
De cette situation Kušej et son dramaturge tirent la trame politique : Idomeneo absent, avec Idamante se profile ce qu’on appellerait aujourd’hui une autre politique : une clémence envers les prisonniers qu’Idomeneo estimera plus tard prématurée et de nature à irriter les dieux. Ici les dieux sont des prétextes à manœuvres humaines, voire de basse police. Y compris évidemment le vœu d’Idomeneo, acte manqué qui vise à se débarrasser d’un fils trop indépendant, et à garder le pouvoir au nom des prétextes habituels de ceux qui veulent le garder (satisfaire le désir des dieux…). Alors la violence des gardiens, les lunettes noires , tout cela fait un peu partie de la pacotille habituelle de ce type de représentation, les idées sont intéressantes, mais mal ou banalement traduites.
Car Kušej s’est laissé prendre au piège de deux actes dramaturgiquement assez faibles, exposition bien trop longue, succession d’airs sans véritable drame ; alors il ne sait pas trop quoi faire de ses personnages : gestes convenus, courses à vide dans les corridors, tout le monde se croise sans jamais qu’il y ait action.

Les personnages sont dessinés de manière claire : le pouvoir en noir (religion et monarchie), Ilia sortie des prisonniers troyens reprend son allure de princesse (robe longue, bijoux), Idamante en chemise rouge et pantalon beige,

Miss Tick © & ™ Tous droits réservés, Walt Disney Company, Inc.
Miss Tick © & ™ Tous droits réservés, Walt Disney Company, Inc.

Elettra caricaturale, du genre sorcière (Miss Tick dans mon Journal de Mickey favori de ma première enfance), pas vraiment aimable, en tous cas un personnage auquel nul spectateur ne peut s’identifier…et un Arbace en lunettes aux verres réfléchissants, avec un accordéon, sorte de vagabond dont on devine que Kušej  fait une sorte d’exécuteur discret et fidèle des œuvres du pouvoir.
On est dans une sorte de symbolique où chaque personnage est un emblème : Idomeneo en noir, presque prêtre et encore roi (comme le sera Idamante dans la dernière image…) un Idamante du genre vaillant étudiant, une Ilia jolie princesse de contes de fées, une Elettra sorcière (de bande dessinée…), un prêtre de Neptune du genre Mage noir avec bagouses  et colliers.
Ainsi se construit une histoire distanciée, dont on veut à toutes forces qu’elle prenne sens, mais qui reste un peu lourde. On a surtout  l’impression que Kušej, à part leur attribuer une fonction, ne fait rien de ses personnages, et n’a pas vraiment travaillé le jeu et les interactions, sauf en de rares moments (scène Idomeneo/Ilia et jeu de séduction d’Ilia qui va assez loin) : c’est en tous cas Ilia qui semble le personnage le plus travaillé.
La deuxième partie, c’est à dire le troisième acte, est sans doute celui qui le plus intéressé le metteur en scène, car il a su créer une tension qu’on attendait en vain précédemment.
Le troisième acte réunit l’ensemble des outils destinés à faire avancer, puis dénouer l’action.
Comme le spectateur, Neptune s’est un peu ennuyé pendant les deux premiers actes, entre les tergiversations d’Idomeneo, l’amour d’Ilia et Idamante, et les illusions d’Elettra et surtout l’impossible communication Idamante /Idomeneo. Le Dieu s’impatiente, il veut sa victime, alors il lance un monstre sur la ville, un de ces monstres dont Neptune a le secret (voir la mort d’Hippolyte). D’ailleurs, la foule du premier acte ne portait-elle pas à Neptune un requin hyperréaliste, grandeur nature en sacrifice (et non une baleine comme j’ai entendu…), à moins qu’elle ne l’honorât sous une forme inhabituelle (et hautement métaphorique) de requin. Vision ironique de Kušej qui ne manque jamais de nous montrer sa distance et provoquer le (sou)rire.

Acte III, sc.1 © Jean-Pierre Maurin
Acte III, sc.1 © Jean-Pierre Maurin

Ce monstre dévore à qui mieux mieux tout ce qui bouge et le rideau s’ouvre sur un amas d’habits sanglants qui fait penser aux tas d’objets appartenant aux déportés qu’on voit dans les films sur les camps, contre un mur maculé. Tous les personnages vont s’y jucher, comme s’il était impossible d’échapper désormais au massacre et au sang, comme le montre la jolie robe souillée d’Ilia.
Le troisième acte dénoue les blocages un à un: Ilia n’a même pas encore avoué son amour à Idamante, mais va enfin le faire en suppliant Idamante de ne pas aller s’affronter au Monstre, comme il le veut, mais Elettra les surprend ainsi qu’Idomeneo (qui  avait subodoré leur amour) qui ne dit rien, et qui cherche seulement à précipiter le départ. Ni Ilia ni Idomeneo n’ont éclairé jusque là Idamante sur la nature de leurs vrais sentiments, c’est donc là le premier élement de résolution.

Idomeneo (Lothar Odinius) à genoux © Jean-Pierre Maurin
Idomeneo (Lothar Odinius) à genoux © Jean-Pierre Maurin

Devant l’urgence (symbolisée par le tas d’habits des morts massacrés par le monstre), le peuple manœuvré par le prêtre de Neptune (ah les curés…) insiste auprès d’Idomeneo, qui enfin avoue les raisons de son hésitation, et provoque la réaction horrifiée de la foule. Idomeneo a donc avoué lui aussi : deuxième élément de résolution.
Mais Arbace annonce qu’Idamante a tué le monstre : il est devenu un authentique héros, avec une vraie légitimité, autre que l’hérédité : il revient sur scène à la fois rassuré sur l’amour de son père (il a dû apprendre entre temps qu’il était la victime désignée du sacrifice à Neptune et comprend donc l’attitude d’Idomeneo), et décidé à être sacrifié. Qu’est ce qu’affronter la mort après avoir vaincu le monstre ? Il confie donc Ilia à son père et le convainc de le sacrifier. Troisième élément de résolution.

Le sacrifice © Jean-Pierre Maurin
Le sacrifice © Jean-Pierre Maurin

Kušej a réglé d’ailleurs une jolie scène avec le père pointant un revolver sur le fils et un joli jeu sur ce revolver qu’on jette ou qu’on ramasse quand au moment fatal intervient Neptune (qu’on voit en chair et en os muni de ce tissu rouge symbole de l’horreur du sacrifice dont se sont revêtus les membre du chœur (comme si on disait en quelque sorte « Je suis Idamante »), alors que le livret prévoit une voix (venue d’ailleurs), comme si Kušej voulait à toutes forces séculariser l’histoire et en faire en quelque sorte une victoire du peuple (ah ! ces communistes !!).

"Je suis Idamante" © Jean-Pierre Maurin
“Je suis Idamante” © Jean-Pierre Maurin

En réalité, Kušej s’inspire d’autres versions de la tradition et du mythe, celles qui font que le peuple, soit retire volontairement le fils des mains du père, soit, horrifié par le sacrifice (qui selon les traditions, tantôt est accompli, tantôt est évité), chasse le roi qui va aller fonder Salento dans les Pouilles, car il y a dans la tradition des versions qui font du peuple le protagoniste. C’est une vision qui, loin d’être un délire de metteur en scène, prend en compte la tradition antique qui elle même proposait des variantes. Il s’appuie aussi sur les variantes modernes de la tradition quand il fait d’Idomeneo un autre amoureux d’Ilia, puisque Crébillon dans sa tragédie rend père et fils amoureux de la même femme.

Le plus beau moment de l’opéra vient ensuite: portés en triomphe, Ilia et Idamante vont vers leur destin royal, tandis que balayé par l’histoire Idomeneo apparaît, débarrassé de son vêtement de pouvoir, mais en marcel noir, écroulé, agonisant, il récite son dernier récitatif, d’une voix blanche, à peine audible « Popoli, a voi l’ultima legge impone Idomeneo qual re », une sorte de mort de Boris en version Mozart. Enfin une idée de mise en scène forte et originale que de faire s’éteindre Idomeneo tandis que le couple apparaît sur le fameux tas d’habits, recouvert cette fois d’un drap blanc mais imbibé du sang des habits qu’il recouvre, comme si l’avènement du couple Idamante/Ilia entourés d’hommes en armes se faisait au prix d’un massacre . Rideau.

Pas de ballet possible après une image si noire.
Un dernier acte qui me fait voir cette histoire comme une sorte de variation dramaturgique sur l’histoire d’Hippolyte et d’Aricie (et donc de Phèdre). Songez-y : Aricie fille d’ennemis athéniens, plus ou moins prisonnière à Trézène (comme Ilia à Sidon), Hippolyte amoureux d’elle sans oser lui dire (comme Idamante). Un père disparu, une marâtre (Phèdre) folle amoureuse d’un amour non réciproque (comme Elettra). C’est la même situation que le retour du père (là Thésée, ici Idomeneo) va bouleverser. Hippolyte est englouti par le monstre et les flots quand Idamante est vainqueur. Dans Phèdre, c’est Phèdre qui s’efface, ici c’est Idomeneo. Elettra va retrouver son destin après cette parenthèse crétoise, et le couple va vivre le pouvoir à son tour (les contes diraient qu’ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants) mais l’image finale nous en dissuade.
Comme on le voit, le propos a sa cohérence, les idées ne manquent pas, mais sans nul doute la mise en œuvre, le travail de mise en scène, n’est pas suffisamment approfondi pour donner à l’ensemble un véritable intérêt scénique : c’est intelligent, mais ce n’est qu’intelligent. Il n’y a théâtre que par moments, au troisième acte. A la limite, je me demande si Kušej lui même croit à son histoire…

Mais il y a un autre facteur dans l’accueil réservé que je fais à ce travail, c’est qu’il n’est pas très convaincant musicalement. Si d’un côté la scène ne convainc pas et que de l’autre la musique ne s’affirme pas, alors forcément, le résultat …

Gérard Korsten, le chef sud africain, est un chef de bonne réputation, qu’on a souvent vu distribué dans Mozart, mais aussi dans d’autres répertoires (Offenbach, à Lyon même) : les choses sont en place, mais il manque une armature, une « direction » au sens d’une option claire.
À Londres, c’est Minkowski qui dirigeait, avec une option musicale clairement baroque : ballet final (qui ne va pas du tout avec l’option de Kušej, et je crois qu’il y eut discussion) et Idamante chanté par un contreténor (Franco Fagioli). Par ailleurs, Idamante dans plusieurs enregistrements et non des moindres est chanté par un ténor (Peter Schreier, Ernst Haefliger), dans les plus récents, c’est un mezzo, comme à Lyon.
La version lyonnaise est donc moins baroque, même si la tradition baroque désormais influence fortement les visions mozartiennes actuelles, et celle-ci n’y échappe pas, sans vraiment qu’on ait cependant de choix clairement affichés. Si l’ensemble est au point, l’interprétation reste fade, plate, presque uniforme, avec un singulier manque de couleurs, sauf en de rares moments (quatuor du 3ème acte), et un vrai manque d’énergie , avec d’étranges impressions : quelquefois, l’orchestre m’a semblé sonner comme si on entendait un opera seria…du XIXème : certes Mozart annonce le futur, mais j’ai entendu quelquefois un son presque surprenant, tirant vers un Rossini sérieux, voire Donizetti : ce n’est qu’une impression très personnelle, mais elle exprime que quelque chose de cadrait pas dans le rendu sonore et l’ambiance musicale installée, alors que pour une fois, le son sec de l’acoustique du théâtre correspondait quant à lui à ce que qu’on voyait en scène .
En revanche le chœur m’est apparu vraiment très bien préparé, avec un relief réel et une intensité qu’on ne lui connaissait pas (direction Philip White), d’ailleurs un artiste des chœurs chantait le Grand Prêtre de Neptune (Didier Roussel) et c’est un très bon signe.
“La voix”  chantée par Lukas Jakobski ne se détache pas trop et ne s’impose pas, mais c’est aussi l’option de Kušej qui le veut. Cependant dans l’ensemble, aucun élément de la distribution ne m’est donc apparu faire défaut.
C’est une bonne idée d’entendre Lothar Odinius dans un rôle de premier plan. Dans chacune de ses apparitions récentes auxquelles j’ai assisté, à Lyon (Flamand) ou à Bayreuth dans Walther von der Vogelweide (Tannhäuser) on a senti une voix faite et un vrai style. C’est un chanteur plutôt orienté vers le XVIIIème siècle. Son Idomeneo est impeccable de style, la diction est exemplaire, la voix claire et bien projetée, les aigus sûrs, tenus, homogènes. Dans Fuor del mar il a eu cependant un passage à vide, la voix bougeait légèrement, et n’avait pas cette sûreté qu’elle affiche habituellement. Comme je l’ai souligné plus haut, son récitatif final était en revanche bouleversant, sans doute l’un des moments les plus forts de la soirée. Il lui manque cependant une personnalité dans le rôle qu’il semble ne pas avoir encore trouvée, c’est très propre, très élégant, juste, mais pas encore vraiment incarné.
À ces côtés, l’Arbace de Julien Behr, le régional de l’étape, a remporté un vrai succès, la couleur de la voix est assez voisine de celle d’Odinius, qui a chanté Arbace assez souvent. Behr a une vraie présence en scène, et a vraiment très bien défendu le rôle, le rendant émouvant et vrai, notamment dans son air du 3ème acte qui n’est pas si facile. À suivre.

Ilia (Elena Galitskaya) Idamante (Kate Aldrich)© Jean-Pierre Maurin
Ilia (Elena Galitskaya) Idamante (Kate Aldrich)© Jean-Pierre Maurin

L’Idamante de Kate Aldrich est énergique, avec une voix pleine et naturellement intense. Elle sait colorer et émouvoir, parce qu’elle est douée d’une vraie présence scénique. Je me souviens que son Adriano (Rienzi) à Berlin m’avait impressionné. Du point de vue strictement stylistique, elle n’a pas la rigueur de son collègue Odinius, mais elle est tellement vivante dans son chant, elle remplit tellement l’espace qu’elle emporte l’adhésion. Elle vit, dans une production où le travail sur l’acteur pèche un peu.
J’avais été très impressionné par la Senta de Ingela Brimberg aussi bien à Grenoble qu’à Genève, incarnation, engagement, puissance. Elle était phénoménale notamment à Genève. Elettra n’est sans doute pas un rôle pour elle, même si elle est très engagée dans ce personnage, qui pourtant ne lui va pas : certes, elle n’est pas servie par l’allure dont la mise en scène l’affuble, mais la voix, qui est forte, n’a pas la ductilité voulue, il y a des sons fixes, peu de legato, et même quelques problèmes de justesse dans oh smania oh furie.

Ilia (Elena Galitskaya) © Jean-Pierre Maurin
Ilia (Elena Galitskaya) © Jean-Pierre Maurin

C’est l’Ilia de Elena Galitskaya qui est sans doute la plus convaincante ce soir. D’abord parce qu’elle a une présence rayonnante en scène, dès qu’elle apparaît au milieu des prisonniers troyens, et évidemment un engagement fort. Ensuite parce que la fraîcheur vocale correspond à la jeunesse du rôle et au personnage, enfin parce que la voix est puissante, bien posée, très bien projetée, l’aigu est large, même s’il devrait peut-être quelquefois être mieux contrôlé. On n’a pas toujours l’habitude de voir une Ilia si présente, vocalement et scéniquement et si émouvante. À suivre elle aussi.
Voilà donc une soirée en demi-teinte. Une mise en scène fondée sur des idées intéressantes mais traduites de manière assez banale, de très beaux moments mais dans l’ensemble un manque de tension, notamment dans la première partie. Mais la responsabilité est partagée; je pense que si le chef avait donné à l’ensemble une âme au lieu de donner seulement des départs, s’il avait su mieux accompagner ce qu’on voyait sur scène, sans doute l’impression d’ensemble eût-elle été plus convaincante. Plus que Kušej, qui ne signe néanmoins pas là un de ses meilleurs spectacles, même s’il a semblé mal supporter les quelques huées, c’est le manque de cohérence dans l’approche musicale qui m’a le plus ennuyé : dans cette œuvre si difficile à traduire scéniquement (Py à Aix en 2009 partait des mêmes présupposés, avec un résultat aussi contesté par le public), un chef doit s’imposer pour donner une couleur et une cohérence et pas seulement une technique. Ce sera pour une autre fois. [wpsr_facebook]

Neptuneposeidon

GENEVA WAGNER FESTIVAL 2013: DER FLIEGENDE HOLLÄNDER le 5 NOVEMBRE 2013 (Dir.mus: Kirill KARABITS, Ms en scène Alexander SCHULIN)

Je vais vous soumettre un grave problème: le Hollandais volant est-il un fantôme? un fantasme? un personnage de chair et d’os à qui il est arrivé une désagréable aventure? Probablement, si le Vaisseau est fantôme, il y a de bonnes chances que son capitaine le soit, sinon, il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark (enfin…d’Écosse en l’occurrence). C’est une question qui a semblé tarauder certains lors du spectacle présenté dans le cadre du Geneva Wagner Festival, organisé par le Cercle Romand Richard Wagner, financé par la Fondation Hans Wildorf et dirigé par Jean-Marie Blanchard, ex-directeur du Grand Théâtre de Genève. Au vu du succès remporté par la représentation, de l’enthousiasme du public, de la qualité globale du spectacle, la question du fantôme ne perturbe pas notre plaisir.
De fait dans la mise en scène d’Alexander Schulin, Le Hollandais apparaît comme un fantôme, ou plutôt au départ comme un monstre marin émergeant des flots bruns dans le lointain, puis comme une sorte de Belphégor un peu sauvageon, enfin, lorsqu’il rencontre sa promise, il est (presque) présentable dans son vieil habit XVIIIème un peu passé (et froissé).
La mise en scène de Schulin n’apporte rien de neuf dans la lecture de l’œuvre, on peut même dire une fois de plus, merci Harry Kupfer, tant est présent le souvenir de la mise en scène “princeps” des trente dernières années , à Bayreuth en 1978. Il travaille comme tant et tant de metteurs en scène depuis (dont récemment Andreas Homoki à Zürich et à la Scala, ou  Philipp Stölzl à Berlin ou enfin Claus Guth à Bayreuth) sur l’idée que le Hollandais est un fantasme d’une Senta un peu trop adolescente ou un peu trop romantique ou un peu possédée (Senta/Satan?).

Ingela Brimberg © Gregory Batardon

Au lieu du portrait, elle tient dans ses bras comme son Doudou, une poupée à l’effigie du Hollandais, qui va aussi quelquefois se substituer au réel, s’y superposer ou s’y ajouter: le duo Senta/Hollandais est de ce fait un trio. Rien de neuf sous le soleil wagnérien, au final, elle se précipite sur le devant de la fosse et esquisse le geste (coupé par le noir total) de s’y jeter. La fosse comme l’Océan, on a aussi déjà vu. Auparavant, Senta cherche à suivre le Hollandais et se heurte à un mur: là il faut remercier Claus Guth à Bayreuth dont c’est l’image finale. Comme on le voit, Alexander Schulin a de (bonnes) références.

Ingela Brimberg © Gregory Batardon

Là où Schulin a vraiment fait du bon travail, ce n’est pas sur le concept qui commence à être sérieusement éculé, mais sur la manière qu’il a eue grâce au décor de Bettina Meyer  essentiel, mais très efficace, d’occuper l’espace, très réduit et surtout très bas de plafond. Il a su aussi jouer à la fois avec la vidéo, avec la perspective qui est si marquée que les personnages en fond de scène apparaissent géants (un peu comme ce qu’avaient fait les Hermann avec Wozzeck à la Monnaie il y a si longtemps – la production fut reprise par Lissner -et Blanchard- au Châtelet quand le Châtelet était théâtre musical et non théâtre du musical) et il a créé une ambiance grise et noire, peu situable, abstraite, et sans vraie tache de couleur sinon le costume de Georg (Erik pour les habitués à version habituelle), d’un marron décalé qui isole le chasseur au milieu des marins (Homoki avait fait la même chose à la Scala, mais avec le vert): cirés noirs, tabliers gris un peu bariolés (blanc, gris, noir), redingotes grises, un univers presque monocolore où la petite chemise de nuit rose et sexy d’ado que porte Senta tout au long de la soirée tranche:  l’univers des rêves ou des fantasmes est rarement coloré. Un univers non pas épique, mais intime où la tempête est sous les crânes et non sur les océans. Autre bonne idée: là où Kupfer montrait clairement les moments fantasmés et les moments réels par des changements de décor aussi acrobatiques que brutaux, Schulin ne donne pas toujours de clefs suivant en cela la lettre du texte: Versank ich jetzt in wunderbares Träumen?/Was ich erblicke ist es Wahn? – ai-je sombré dans un rêve merveilleux? ce que j’aperçois est-ce illusion? dit Senta au début du duo avec le Hollandais. De fait la mise en scène joue de cette ambigüité, d’autant que le duo est construit comme un rêve de Georg qui dort côté jardin. Un rêve dans le rêve qui par la construction en abîme sert bien un travail centré autour d’un univers mental. Dans un espace aussi réduit, les chœurs sont particulièrement bien réglés (et comme toujours vraiment remarquables quand c’est le chœur du Grand Théâtre dirigé par  Ching-Lien Wu) notamment pour le choeur des fileuses, particulièrement réussi (les fileuses cousent en réalité les fanions- noirs- qui décoreront les guirlandes de la fête de retour du vaisseau de Daland) et bien sûr au moment de la tempête du troisième acte où l’équipage du Hollandais chante dans la fosse, idée cohérente d’un océan qui est la fosse d’orchestre, mais aussi pendant que la fête des vivants sur le plateau est bien chorégraphiée : le chœur de Genève est très engagé dans le jeu, mouvements souples, corps dansants, vraie présence théâtrale, un travail excellent, scénique et musical. Au total donc un spectacle qui ne révolutionne pas la mise en scène, mais qui compte tenu des contraintes est habile et en tous cas fonctionne très bien, avec de jolis effets (effets vidéos du navire en tempête assez saisissants) et une bonne direction d’acteurs.

© Gregory Batardon

Musicalement, tout le monde s’est trouvé un peu bluffé par la tension qui préside à ce spectacle, le halètement permanent des rythmes, la dynamique imposée par le chef Kirill Karabits qui a fait là avec un orchestre de jeunes (Haute école de musique de Genève, Haute école de musique du Vaud-Valais-Fribourg, Conservatoire national supérieur de musique et de danse, Paris) un remarquable travail de préparation musicale, un travail de précision qui fait qu’en cette 4ème représentation, il y a peu de problèmes de décalage ou d’attaques. Certes, il faut passer sur des cuivres un peu trop problématiques – dans une œuvre qui en regorge c’est gênant -, mais, signe de la qualité de la prestation d’ensemble, on n’en est pas (trop) perturbé. Du point de vue de la dynamique, si importante dans cette version parisienne de 1841, du tempo, de la tension dramatique, c’est vraiment remarquable, tellement plus intéressant et plus habité que ce que faisait Minkowski avec la même œuvre il y a quelques mois (voir le compte rendu), avec pour (petite) partie les mêmes artistes.
Là où Blanchard a toujours fait merveille c’est par l’attention aux équilibres de distribution: il n’a pas failli à sa réputation. La suédoise Ingela Brimberg était déjà magnifique avec Minkowski, elle est ici fantastique de présence, de jeu, de gestuelle et sa voix est totalement exceptionnelle, intense, large (même si la salle du bâtiment des forces motrices-BFM- a des dimensions qui permettent aux voix volumineuses de facilement s’imposer) avec des aigus d’une force, d’une intensité et d’une sûreté extraordinaires: derrière cette Senta là, il y a une Sieglinde (et une Chrysothemis…). La voix que je trouvais froide à Grenoble, est ici complètement incarnée (la scène fait toute la différence); grande voix à la fois lyrique et dramatique, c’est une chanteuse à suivre qu’on devrait revoir très vite.
Le Hollandais d’Alfred Walker a fait belle impression: la voix est certes bien posée, la diction et l’articulation impeccables (école américaine oblige), je me demande s’il n’est pas servi par le personnage et son costume de monstre nocturne car il impressionne notamment au départ. J’ai cependant trouvé que la voix dont le timbre est vraiment de grande qualité,  suave et très pur, manquait quelquefois (juste un peu) de projection et qu’elle apparaissait un peu mate à certains moments. C’est incontestablement un beau Hollandais, je ne suis pas sûr que le volume passe une très grande salle; il faudra en tous cas le réentendre pour se faire une opinion définitive.
Le timbre de Dimitry Ivashchenko est moins joli (cela va avec le personnage: il a un timbre de maquignon), son Donald cependant gagne en présence et s’affirme de plus en plus: la fin du duo initial avec le Hollandais est très réussie, et ses interventions du deuxième acte (au troisième, il a très peu à chanter) sont plutôt mieux scandées, plus colorées. Le personnage est très réussi.
Le Georg d’Eric Cutler, qui a remplacé sur toute la série José Ferrero, est sans doute avec Ingela Brimberg le grand succès de la soirée: son Georg est naturellement très bien chanté, avec là aussi une diction exemplaire, et une technique de souffle impeccable. La voix est assez large et claire, toujours maîtrisée, avec un style et un contrôle qui sont des modèles du genre, mais au-delà de toutes les qualités musicales éminentes, c’est son intensité, son engagement, sa manière de colorer le rôle qui en font vraiment un personnage tragique (et rien du faible qu’on voit quelquefois sur les scènes). J’ai très rarement vu un Erik (je n’ai pas vu souvent de Georg!) aussi intense et aussi présent et j’ai très rarement autant vibré aux scènes avec Senta. Magnifique.
Maximilian Schmitt dans le Steuermann (en ciré et pyjama en dessous, on a ses élégances) est comme toujours (je l’ai entendu à Lucerne avec Abbado en concert) correct, bien contrôlé, mais sans véritable caractère ni charisme. Une prestation honnête mais qui n’a rien à voir avec celle de Bernard Richter, qui avait une autre élégance,  dans le même rôle avec Minkowski.
Enfin, la Mary de la brésilienne Kismara Pessati se défend mieux que d’autres dans le rôle ingrat (et pas si facile) de Mary.
Au total, je le répète, un  très beau moment, doué de cette magie qui prend le spectateur, qui fait oublier les quelques scories et qui montre que sans forces de référence, ni vedettes, mais avec un ensemble homogène, engagé, et un plateau sans faiblesses, on peut faire du très beau travail. Et puis le Bâtiment des Forces Motrices, planté sur son île au milieu du Rhône avait bien l’air d’un Vaisseau Fantôme,  dans la nuit pluvieuse de ce mois de Novembre; ce lieu, superbe, était l’écrin idéal pour cette opération qui va se prolonger à Luxembourg et Caen. Merci Genève, et merci Blanchard, dont le retour à Genève s’est soldé par un vrai succès. Ediles lyonnais, vous cherchez un directeur pour l’Opéra? Vous l’avez trouvé.
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Genève, BFM, 5 novembre 2013

 

MC2 GRENOBLE 2012-2013: DER FLIEGENDE HOLLÄNDER de Richard WAGNER le 23 MAI 2013 (LES MUSICIENS DU LOUVRE-GRENOBLE,Dir.mus: Marc MINKOWSKI)

Une semaine après Der Fliegende Holländer à Berlin, deux soirées à Grenoble avec les Musiciens du Louvre-Grenoble et Marc Minkowski dans un projet hommage à Wagner, qui pointe une erreur de jugement: celle du directeur de l’opéra de l’époque Léon Pillet, qui  préféra un compositeur français, estimé plus sûr, Pierre-Louis Philippe Dietsch, pour composer sur le sujet du Hollandais Volant que Wagner avait projeté, après une lecture de Heine (Les Mémoires de Monsieur Schnabelewopski) et aussi après une épouvantable tempête vécue au large de la Norvège, alors qu’il fuyait Riga, où il était criblé de dettes. Dietsch composa “La vaisseau fantôme ou le Maudit des mers”, 11 représentations en 1843 et puis c’est tout à l’opéra, nous entendrons demain la 13ème (la 12ème fut entendue ce mardi 21 mai à l’opéra de Versailles).  À Versailles, le choix a été fait d’enchaîner les deux œuvres, à Grenoble, le projet sera divisé en deux soirées (les 23 et 24 mai) avec un enregistrement chez Naïve à la clef. L’opération est coorganisée par le Palazzetto Bru Zane, le centre de musique romantique française très actif: il s’agit donc à la fois d’un projet sur Dietsch et d’un projet qui consiste à présenter la version parisienne du vaisseau de 1841 (encore que la version de 1860 fût aussi composée pour un concert parisien), celle sans la “rédemption” et celle qui est obligatoirement jouée en un acte, mais aujourd’hui, on joue Der fliegende Holländer sans entracte dans la plupart des théâtres, y compris la version de 1860.
C’est une initiative intelligente, stimulante, et bien accueillie par le public grenoblois.
Mais voilà, l’auditorium de la MC2 a une acoustique très réverbérante, avec un son très présent et prononcé qui convient aux récitals d’instruments solistes et à la musique de chambre ou à des formations symphoniques moyennes (musique du XVIIème, XVIIIème, romantique) mais à cause de son podium réduit, à cause de son toit assez bas, elle ne convient pas au grand répertoire symphonique qui a besoin de plus espace. Or, Der fliegende Holländer, par son urgence, sa dynamique, ses chœurs importants a besoin d’espaces plus larges et le son nous arrive ici avec un volume excessif, même si la proximité des chanteurs et des musiciens n’est pas désagréable.
La première remarque est donc cette inadéquation du lieu, peut-être eût il mieux convenu d’utiliser la salle de théâtre, plus volumineuse, qui a une fosse, pour une représentation semi-scénique: c’est évidemment une opinion, qu’on peut discuter.
On sait les Musiciens du Louvre-Grenoble plutôt spécialisés dans un répertoire plus ancien (le XVIIIème), et même si la musique romantique est jouée désormais depuis longtemps aussi par des instruments d’époque (voir l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique), cette incursion dans un opéra de Wagner pouvait apparaître saugrenue pour  certains.
Certes le son est différent, plus âpre, plus rêche, cela s’entend dans les cuivres,  qui sont très découverts et un peu brutaux, on entend ordinairement des cuivres aujourd’hui beaucoup plus subtils, avec plus, beaucoup plus même de legato mais on doit applaudir l’engagement de l’ensemble de l’orchestre, très impliqué, très vif, très dynamique, très jeune avec des moments particulièrement réussis (La tempête du début du troisième acte, avec le très bon chœur  de Chambre Philharmonique Estonien). Le jeu des musiciens, la manière d’aborder l’œuvre, peuvent être discutés, mais il reste une vraie “franchise” dans cette manière d’aborder Wagner.
En revanche la direction de Marc Minkowski ne fait rien pour adoucir les effets ou donner un peu de raffinement. Certes, la version de Paris doit plutôt être jouée “haletante”, dynamique et énergique dans la tradition des opéras de Weber ou de Schubert, ou même des premiers opéras de Wagner. Mais là, avec  l’acoustique et l’interprétation du chef, on a une sorte de double peine: manque de souplesse, manque de couleur,  un volume  excessif en permanence, et un manque de subtilité: on l’entend dans le duo Senta/Hollandais du deuxième acte, dont l’une des qualités est la douceur de l’accompagnement orchestral, si bien réussi par Daniel Harding la semaine dernière, et ici presque gênant qui casse une peu la magie musicale.
Du côté des chanteurs, c’est plutôt une très agréable surprise, car la distribution réunie est jeune et remarquable dans son ensemble. À la différence de Versailles, où le Hollandais était confié à Vincent Le Texier, pour l’enregistrement à Grenoble, c’est Evguenyi Nikitin qui est le Hollandais, a priori un joli coup qui place en vedette celui qui devait le chanter à Bayreuth l’an dernier et qui en a été exclu à cause d’un tatouage nazi malencontreux. Il chante dans tous les grands théâtres, et donc on s’attendait à une prestation magnifique. Las, c’est une déception, comme dans Klingsor à New York en février dernier (dans le magistral Parsifal dirigé par Daniele Gatti). La voix est mal projetée, elle reste mate et sans vrai volume (même dans cette salle si favorable), il semble très fatigué, et sans aucun engagement (ce qui tranche avec les autres chanteurs) même si la diction est correcte et que le timbre reste beau. Mais il n’a rien d’un Hollandais réclamé dans les grandes scènes internationales: quelle différence abyssale avec Michael Volle la semaine dernière à Berlin qui était si émouvant et si présent.
Face à lui, une découverte, la jeune basse finlandaise Mika Kares (en Donald, c’est à dire Daland) basse profonde qui rappelle un autre finlandais, Matti Salminen, même si le physique est très différent. Très bien préparé, le chanteur est le seul à essayer de jouer un peu, de créer des interactions, car il chante sans partition. L’entrée en scène au premier acte, le duo du premier acte sont vraiment des moments magnifiques: il faut vraiment revoir en scène cet artiste, qui est une authentique révélation.
Le Georg (Erik) d’Eric Cutler a la technique américaine, très contrôlée, avec un centre étendu, des aigus bien négociés, une voix suffisamment large (car Georg/Erik n’est pas une voix légère): certes, dans les ensembles avec un orchestre au volume qui assomme dans la salle, notamment à la fin, on l’entend mal, mais son élégance dans le duo avec Senta montre vraiment les qualités de l’artiste, à réentendre dans Belmonte ou Tamino.
J’ai déjà plusieurs fois signalé Bernard Richter, ténor suisse d’une suprême élégance, à l’aigu très sûr, au timbre superbe, à la diction modèle, que j’avais découvert dans Don Ottavio à l’Opéra de Paris l’an dernier mais qui y chante régulièrement depuis 2006. Un Steuermann très maîtrisé, presque trop “beau” pour le rôle.
J’ai revu avec plaisir Hélène Schneiderman, en troupe à Stuttgart depuis 1984, qui a aussi été à Heidelberg où j’ai vécu, et qui y avait laissé une trace profonde,  une chanteuse toujours “honnête”, toujours préparée, toujours présente, dans Mary, qui n’est pas un rôle de grand relief, et dans lequel elle ne démérite pas.
Enfin, terminons par une autre découverte, Ingela Brimberg, un soprano suédois dans la grande tradition des voix suédoises au volume étonnant, à la technique solide, aux aigus perçants et parfaitement placés, avec une couleur un peu froide qui rappelle beaucoup Lisbeth Balslev. L’acoustique de la salle rend ses aigus énormes et presque trop volumineux, mais dans une salle ordinaire d’opéra, nul doute qu’elle ferait merveille. En tous cas, une Senta de grande allure, sans une faiblesse, avec un engagement qui tranche avec son partenaire Nikitin. Là aussi une jolie révélation.
Au total et malgré mes réserves sur l’orchestre et le chef, une entreprise justifiée, très soignée, et ma foi, riche de potentiel pour tous ces jeunes chanteurs, un vrai Fliegende Holländer, qui rend clairement justice à l’œuvre, sans doute une première pour Grenoble et les grenoblois n’ont pas été volés!
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