OPERA NATIONAL DE PARIS 2010-2011 (19 février 2011): FRANCESCA DA RIMINI de Riccardo ZANDONAI (Mise en scène Gianfranco DEL MONACO, avec Roberto ALAGNA)

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On doit remercier Nicolas Joel d’avoir fait entrer au répertoire le chef d’oeuvre de Riccardo Zandonai, d’abord parce que le répertoire italien de la période 1890-1920 n’a jamais vraiment été à l’honneur à Paris: peu de vérisme, peu de Giordano, Mascagni, Leoncavallo qu’on renvoie allègrement dans les cordes . On pourrait dire la même chose du répertoire romantique: à part Lucia di Lammermoor, quelles grandes oeuvres de cette période ont droit de cité dans notre théâtre national?  On a vu dans les dernières années l’Elisir d’amore et Capuletti e Montecchi…maigre consolation en regard de tout ce qu’on n’entend pas. Massimo Bogianckino avait essayé d’y remédier, mais par la suite, aucun des directeurs en place n’a continué vraiment à travailler sur un répertoire qui fut très largement parisien. On pourrait en dire autant de Meyerbeer, de Spontini, de Cherubini.
Alors faire (enfin!) entrer au répertoire Francesca da Rimini de Riccardo Zandonai est une excellente idée, et ouvre des perspectives intéressantes de diversification de la culture lyrique du public parisien. D’autant qu’il suffit d’ouvrir les pages du programme de salle pour comprendre combien Zandonai était lié à la culture française et au monde intellectuel français, combien les échanges intellectuels entre France, Italie et Allemagne étaient riches, et combien les modèles circulaient (Wagner bien sûr, obsession de nombres de musiciens et d’écrivains de l’époque) mais aussi Debussy.
Zandonai était un explorateur de littérature internationale, dans laquelle il a puisé ses sujets (pas vraiment avec bonheur la plupart du temps). C’était un fervent admirateur de Wagner, à l’instar de Pietro Mascagni qui fut l’un de ses maîtres, mais aussi un fervent debussyste. La musique de Debussy est évidemment l’un des grandes références de cette époque. Enfin, c’est Gabriele d’Annunzio qui a vécu à Paris et qui a écrit en français, directement (rappelons le livret du « Martyre de Saint Sebastien »de Debussy), est l’auteur de la Tragédie « Francesca da Rimini », base du livret de Tito Ricordi pour l’opéra de Zandonai. La tragédie fut créée par Eleonora Duse, maîtresse de d’Annunzio, mais surtout actrice mythique qui marqua le monde intellectuel de l’époque d’une manière définitive, et qui reste l’un des grands mythes européens du théâtre, aux côtés de Sarah Bernhardt et de quelques autres.
C’est donc en quelque sorte à une fête européenne de la culture que l’on vient assister: il faut le souligner, à un moment où d’autres idées moins ouvertes traversent les débats du temps. Jamais les idées n’ont cessé de circuler, d’être partagées, d’être aussi discutées ou contestées, que ce soit au début du XXème, et même pendant les grands conflits, ou au Moyen âge. Notre culture  est profondément européenne, et le résultat de circulations des idées, qui sont loin de se fixer ici ou là à l’intérieur de frontières: Dante, Shakespeare, Hugo, Wagner ou d’autres appartiennent à tous, et sûrement pas seulement à une culture « nationale ». Dans cet esprit, les amours de Francesca da Rimini et de Paolo, dont l’histoire est issue de La Divine Comédie de Dante, adaptée en musique près d’une trentaine de fois, en Italie bien sûr, mais aussi ailleurs (on connaît l’oeuvre de Tchaikovski par exemple) sont une de ces histoires qui structurent la culture européenne, comme celle de Tristan et Isolde ou de Roméo et Juliette.

On sait combien Tristan et Isolde obsède les musiciens de la période,  à cause de la nouveauté musicale, qui va laisser de profonde traces chez tous les novateurs du début du XXème, mais aussi à cause du renouveau du mythe que l’oeuvre a provoqué. Puccini cherchera dans Turandot à écrire le duo impossible Calaf/Turandot en référence à Tristan, Pelléas et Mélisande est évidemment une réécriture du mythe et Francesca da Rimini en reproduit le motif triangulaire, de manière encore plus nette puisque le premier acte montre un Paolo venant chercher Francesca pour la conduire à son futur mari, tout commeTristan conduit Isolde à Marke. Toutefois, dans Francesca da Rimini, par de cristallisation amoureuse créée par un philtre, mais au contraire un immédiat coup de foudre cristallisant immédiatement le drame.

Pour toutes ces raisons, c’est une entreprise passionnante que de se replonger dans une époque, des idées, des œuvres qui symbolisent autant les fondements culturels de notre Europe. Mais cette complexité même ne sert pas toujours l’œuvre de Zandonai. Beaucoup de mélomanes qui ne la connaissent pas la classent immédiatement dans une sorte de post-vérisme et préfèrent s’intéresser aux véristes qu’à leurs épigones. D’autant que pour beaucoup, la littérature musicale vériste est regardée à distance, alors imaginons comment ils peuvent regarder les post-véristes…Ils oublient justement toute la sève des idées, des œuvres, l’ouverture des regards, et s’imaginent souvent plutôt des cloisonnements là où il n’y a que curiosité et ouverture.
Lorsque je vis pour la première fois Francesca da Rimini à Turin au début des années 90, j’ai été frappé d’étonnement: relativement ignorant de cette musique et un peu de la période, je pensais entendre effectivement du sous-Mascagni. Quel étonnement lorsque j’ai entendu tant de réminiscences non des véristes, mais de Debussy, de Wagner, mais aussi des échos de Zemlinski, ou de Busoni, ou même de Fauré. C’est à dire de tous ceux qui portaient la nouveauté, qui travaillaient sur la traduction impressionniste de la musique, sur la couleur, avec une instrumentation très complexe, nuancée, alternant des parti pris chambristes (voir les premières mesures de l’œuvre!) et du symphonisme wagnérien. Pour moi,
« Ce fut comme une apparition ».

imag0362b.1298212500.jpgQu’en est-il de tout cela dans la production parisienne?
D’abord, il faut souligner l’excellent accueil que le public réserve à cette production, triomphe des artistes, joie visible au rideau final: Zandonai a produit son effet. Roberto Alagna aussi, revenant à Paris après plusieurs années, il porte la communication de la production (les affiches indiquent Francesca da Rimini avec Roberto Alagna) et il y a fort à parier que sans lui, il n’est pas sûr que les salles seraient aussi pleines.
Mon appréciation est plus nuancée sur l’économie d’ensemble de cette création (puisque c’est une entrée au répertoire).
Le choix de Nicolas Joel s’est porté sur une équipe (Gianfranco del Monaco, Daniel Oren) plus liée au répertoire traditionnel italien qu’aux raffinements du debussysme triomphant. En choisissant Gianfranco del Monaco, à part faire le choix d’un vieux complice, il fait le choix d’une tradition qui passe inévitablement par le père, Mario del Monaco, qui fut le plus éclatant des Paolo, salué par Zandonai lui-même. En choisissant Daniel Oren, à part faire le choix d’un vieux complice, il fait le choix d’une vision musicale là aussi traditionnelle, plus portée aux effets globaux qu’à une analyse, qui serait un « point de vue », une « lecture ». Sans doute beaucoup de chefs ne se lanceraient-ils pas dans l’aventure, mais je rêverais de chefs qui fouillent les partitions et en portent les secrets, en soulignent les innovations, donnent une vraie couleur: on pense à Boulez d’emblée, parce que c’est un grand chef pour Debussy (mais il nous rirait au nez devant une telle proposition!), on pourrait penser aussi à des chefs comme Daniel Harding, ou Daniele Gatti, plutôt à l’aise chacun dans les pièces de cette période, ou bien même à un Ingo Metzmacher qui rêve de diriger Puccini comme on dirige Schönberg, à cause de l’admiration de l’un pour l’autre.
Daniel Oren ne rend justice qu’aux parties les moins originales de la partition, sans jamais exalter les moments les plus intenses (ouverture, duos de l’acte III et de l’acte IV). Il propose un travail contrasté, techniquement très au point parce que c’est quand même un  chef très professionnel, mais il n’y a pas de vraie lecture, pas de relief, tout semble au même niveau, avec un volume quelquefois trop fort: on est toujours à la surface et jamais dans le tissu musical. En terme de clarté, de mise en relief des sons singuliers, de certains pupitres, c’est tout de même beaucoup moins satisfaisant, et  c’est un peu dommage car cela finit par distiller un aimable ennui quelquefois

Car évidemment tout n’est pas égal dans la partition, et si certains moments (essentiellement les duos Paolo/Francesca, ou les grandes scènes de l’acte IV) sont passionnants et magnifiquement servis par une musique fouillée et colorée, d’autres moments restent plus faibles, notamment le premier acte et surtout à mon avis le second, d’autant que la mise en scène ne sert pas la clarté du propos.Tous les éléments dont nous avons parlé plus haut se retrouvent dans les tableaux vivants très « kitsch » qui nous sont proposés: le décor est celui du Vittoriale de Gabriele d’Annunzio, la villa qu’il a aménagée sur les pentes de Gardone Riviera sur le Lac de Garde, jardin excessivement fleuri du 1er acte, frégate de guerre (la nave « Puglia », offerte à D’Annunzio en 1923, enchassée dans le jardin en direction de l’Adriatique, comme une menace vers la côte Dalmate) qui semble une sorte d’apparition du Vaisseau fantôme au deuxième acte, et intérieurs oppressants remplis d’objets dans les actes suivants, intérieurs qui frappent le visiteur du Vittoriale, tout cela se retrouve sur scène, composant des tableaux vivants, qui semblent être en plus des écrins de scènes wagnériennes: arrivée de Paolo construite comme très claire allusion à l’apparition de Lohengrin au 1er acte, composant une scène du deuxième acte voisine à celle du finale du premier acte de Tristan (avec l’échange du philtre), avec en sus, une sortie de Gianciotto de la proue du navire qui renverrait à l’apparition du Hollandais  ou bien Gianciotto qui brise la lance au finale, claire relation à Wotan. Cette mise en scène est essentiellement un travail de lecture du fonds culturel de l’oeuvre, tel que nous l’avons évoqué. Mais au delà, pas de mise en scène, pas de travail sur les acteurs, pas de clarté du propos. La scène de la bataille est illisible au deuxième acte, la scène du premier acte est elle aussi assez cryptique, on distingue mal le rôle du bouffon, celui des femmes et de leur statut – amies? dames de cour? domestiques? On comprend mal pourquoi tout cela se passe et comment s’agence le drame. Les derniers actes, joués d’une traite (Acte I 25 minutes//entracte/Acte II 30 minutes// entracte//Actes III et IV 1h30 joués ensemble), manière de montrer d’abord les éléments de construction de l’histoire, puis le drame en lui-même, et son dénouement ). On donc a droit à une mise en images, à une photorégie comme on aurait un roman-photo, mais sûrement pas un travail dramaturgique qui éclairerait un livret dont la construction dramatique n’est pas si mauvaise, bien au contraire (il fut apprécié par d’Annunzio). On a donc une illustration, frappée du sceau de d’Annunzio, dont le masque mortuaire s’imprime sur le rideau de scène mais sûrement pas une analyse.
La distribution réunie est satisfaisante dans son ensemble, avec une petite faiblesse pour les rôles féminins (Louise Callinan, dans le rôle de Semirama, a des aigus très criés, dès le premier acte, mais les ensembles sont corrects ), la Francesca de Svetla Vassilieva a une forte assise – un petit vibrato- dans le registre central et à l’aigu, mais pas dans les graves souvent détimbrés, et son chant reste peu habité. Les notes sont faites, mais l’émotion n’est pas au rendez-vous. Il reste que la prestation est très honorable. Du côté masculin, notons l’Ostasio de Wojtek Smilek, et le très solide Gianciotto de George Gagnidze, qui fait face à un excellent William Joyner dans le rôle de Malatestino au IVème acte, l’une des scènes les plus intenses de la partition et de la soirée.

Quant à Roberto Alagna, il triomphe, visiblement heureux de recevoir de la salle pareil hommage. J’ai toujours beaucoup aimé cette voix lumineuse, solaire, toujours bien contrôlée, sachant toujours alléger, sussurer, adoucir, et projetant parfaitement des aigus sans failles. Les difficultés de santé ont alimenté des moments difficiles, mais dans l’ensemble les prestations d’Alagna sont toujours assez convaincantes. On l’aime moins quand il essaie d’imposer sa famille un peu partout, mais passons.
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Dans Paolo il Bello, l’artiste tenait visiblement à montrer que les problèmes étaient résolus: la voix a gagné en largeur, et même en puissance et il le montre, il le montre même un peu trop,car ce qu’il gagne en puissance, il le perd en couleur, et en variété, il a un peu tendance à tout chanter en force, et il perd donc en subtilité. Il m’avait surpris et très séduit jadis dans sa vision très étudiée de Don Carlos, où justement tout était en nuances et d’une extrême beauté (son enregistrement avec Pappano est à ce titre anthologique). Ici, on n’y est pas vraiment. Il est vrai qu’il est dirigé d’une manière là aussi un peu uniforme et que le rôle est très tendu. Certes, la prestation est très bonne, mais pas éclatante, comme on aimerait l’entendre.

Au total, une soirée qui fut incontestablement bonne, parce qu’il n’est pas donné d’entendre souvent Francesca da Rimini et que la distribution réunie, sans être exceptionnelle, est très solide, et défend bien l’œuvre. Je pense cependant qu’il a manqué une vraie mise en scène, et une  direction musicale plus fouillée pour rendre pleinement justice à l’œuvre, et pour mieux diriger les chanteurs, un peu laissés à eux-mêmes scéniquement et musicalement. Il reste peu de temps pour y aller, mobilisez votre énergie et allez à Bastille, cela vaut le coup d’entrer en communication avec cette œuvre très intéressante, aux facettes multiples, reflet d’une époque qu’on dit belle et qui fut surtout riche.

OPÉRA DE LYON 2009-2010: MANON LESCAUT de Puccini (Kazushi Ono, Svetla Vassileva) le 28 janvier 2010

Manon a inspiré les musiciens, ballets et opéras, mais aussi films s´appuient sur l´oeuvre de l´abbé Prévost tout au long des trois siècles qui nous séparent de la première édition du roman. Le XIXème siècle en a fait un grand mythe romantique de l´amour. Auber, Massenet, Puccini nous ont laissé une Manon – et Massenet même deux, puisqu´il en a laissé une suite en 1894 (le Portrait de Manon) – , au XXème c´est le tour de Henze dans son Boulevard Solitude . Huit ans séparent la Manon de Massenet de celle de Puccini. Le livret de Puccini a été écrit à plusieurs mains, et l´immense succès de Massenet freinait beaucoup Giulio Ricordi, mais Puccini tenait à cette histoire d´amour. Alors que Massenet reste fidèle à la trame du roman (même s´il élimine l´épisode américain et sans la figure de Tiberge mais Puccini la sacrifie aussi, en reprenant seulement de pâles traits dans le personnage d´Edmond au premier acte), Puccini transforme profondément l’intrigue en se concentrant sur l´histoire du couple et de leur passion , plus que sur le destin de Manon et en proposant une construction trés elliptique, presque parabolique: il élimine totalement le bonheur du couple, et après le premier acte et la fuite, on retrouve Manon , qui a déjà quitté Des Grieux, chez Géronte. Le climax de l´oeuvre étant l´arrestation de Manon à la fin du deuxième acte. La rencontre et la fuite, les retrouvailles, la chute, la mort: quatre moments clefs de l´existence du couple: de cette concentration naît une construction serrée, qui plaît à Puccini (La Bohème est à peu près construite en quatre moments de la même manière). Puccini semble moins à l´aise dans les moments plus narratifs, ce qui l´intéresse ce sont les vraies scènes entre personnages forts, les grands duos – il rêva de produire un duo d´amour qui eût pu voisiner celui de Tristan), bref, les grands chocs. L´oeuvre, considérée quelquefois encore comme une oeuvre de jeunesse, contient déjà une structure harmonique complexe, une maîtrise absolue de la mélodie et de l´instrumentation: ce n´est pas un hasard si Abbado, qui n´a jamais dirigé de Puccini à l´opéra, projetait de s´attaquer à Manon Lescaut.

Kazushi Ono, qui dirige la production de Lyon semble être, par son attirance vers les oeuvres du XXème siècle, bien adapté à une lecture « moderne » de l´écriture puccinienne. Puccini,  rappelons-le, a suivi avec attention notamment le parcours de Schönberg et aimait le Pierrot Lunaire. La lecture du chef japonais est précise, très claire et révèle bien les niveaux de l´instrumentation, il met notamment bien en valeur les vents, il suit les chanteurs avec grande attention, mais son interprétation  manque à mon avis de ce lyrisme intrinsèque à Puccini et reste un peu froide. Il est vrai qu´il n´est pas aidé par l´acoustique très sèche de l´opéra de Lyon, qui ne permet pas au son de se développer, de réverbérer, d´envelopper le spectateur.

Les voix sont pour le moins contrastées: Svetla Vassilieva est une Manon crédible, à l’aigu triomphant, au volume énorme. La voix manque cependant d’homogénéité et se détimbre dans le grave, comme si tous ses efforts avaient porté exclusivement sur les aigus. c’est dommage car les moyens sont très impressionnants et le personnage bien campé.

J’avais déjà remarqué Lionel Lhote dans Germont en juin dernier lors des représentations de Traviata à Lyon: il impressionne très favorablement dans Lescaut, c’est décidément un baryton à suivre, avec du style, de la puissance, de l’élégance.

Ni style ni élégance en revanche chez Misha Didyk qui est un bien piètre Des Grieux.  Non qu’il manquât de puissance, mais la technique est défaillante, peu de legato, les passages très mal négociés, il donne l’impression de s’égosiller et en plus la voix n’est pas de première qualité.Vaillant mais sûrement pas prince…

Le Géronte d’ Alexander Teliga est honorable et les autres rôles sont correctement tenus, sans plus. Notons quand même l’excellent Edmond de Benjamin Bernheim: il faudra l’écouter dans d’autres rôles, car il a chanté sa partie de manière particulièrement élégante et stylée, qui tranchait avec le désordre de Didyk.

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Photo Jean-Louis Hernandez

Quant à la mise en scène, dans un beau décor de Paco Azorín  inspiré d’une célèbre série de tableaux de Monet, la Gare St Lazare (Art Institute de Chicago et Musée d’Orsay notamment) et des costumes de Franca Squarciapino, elle transpose l’action au XXème siècle, dans les années quarante : Géronte de fermier général devient producteur de films à quatre sous, le deuxième acte se déroule dans un hangar studio (allusion à Lulu?), et l’on y tourne un film en costumes ( 2bf8c3d42a.1265063359.jpg

 

Photo Jean-Louis Hernandez

du XVIIIème bien sûr), mais tout cela est anecdotique: Pasqual a voulu insister sur le voyage et notamment le voyage tragique: le troisième acte, départ pour l’Amérique, est une claire allusion à la déportation, et ces voies de chemin de fer qui n’arrivent nulle part sinon là où Manon trouve la mort au quatrième acte en sont une autre. Modernité, crudité du propos, aventures tragiques d’adultes: il y a tout cela dans ce travail interessant sinon toujours convaincant, les deux derniers actes (et notamment le troisième) sont les plus réussis, on aurait aimé un travail scénique plus raffiné sur les choeurs et les foules du premier acte, on aurait aimé un deuxième acte plus fluide et plus clair dans le propos, mais on se souviendra des deux derniers, et notamment de la descente des wagons et du défilé des malheureuses vers le départ pour l’Amérique.Au total un spectacle de bonne qualité scénique au propos pertinent, mais musicalement partiellement convaincant. Les lyonnais ou les Rhônalpins y passeront un très bon moment. Les parisiens pour cette fois peuvent rester dans la capitale!