Incontestablement c’est un beau cadeau que cette retransmission (presque) en direct. C’est un signe de changement que la nouvelle direction veut donner, après avoir inauguré les projections sur grand écran en plein air à Bayreuth même, les projections en streaming, et tout en continuant à publier des CD et DVD des productions en cours. Et c’est en même temps un joli coup pour Arte dont on peut saluer l’action en matière de retransmissions d’opéras et de concerts.
Sur la production elle-même, rien de spécial à ajouter à ce que j’ai écrit suite à la représentation du 27 juillet , publié le 30 juillet sur ce blog. Je confirme ce que j’y écrivais: en dépit des craintes, Annette Dasch réussit à imposer son personnage, grâce à sa présence, grâce aussi à l’élégance de son chant, malgré une voix peu adaptée au rôle, Petra Lang est toujours aussi impressionnante, Klaus Florian Vogt montre une fois de plus douceur, élégance, phrasé exceptionnel, clarté du discours. Oui, la voix n’est pas immense, mais elle remplit la salle du Festspielhaus sans problème et la prestation est remarquable. Ceux qui disent que Vogt est “un peu juste” ou qu’il est un “ténorino” sont de très mauvaise foi. Même dans d’autres salles que Bayreuth, Vogt est un artiste qui passe très largement la rampe. Donc le spectateur n’est pas frustré, il a devant lui un authentique Lohengrin, de la grande lignée des Lohengrin glorieux.
Je suis toujours aussi frappé par Georg Zeppenfeld et sa composition en Henri l’Oiseleur à la mode Ionesco. Les gros plans permettent de voir combien l’artiste (je devrais dire les artistes tant c’est le cas de tous) est concerné par l’action scénique. Samuel Youn est égal à lui même; seul Jukka Rasilainen déçoit un peu: la voix semble fatiguée, et convient plus à l’excellent Kurwenal qu’il chante au Festival qu’à Telramund (rappelons qu’il remplaçait Tomas Tomasson, souffrant, et que j’avais fort apprécié).
Avec la télévision, on a une vision assez précise du travail de mise en scène, du traitement des foules, du jeu des chanteurs. On pourra discuter à l’infini des mérites de Neuenfels, on peut aussi le vouer aux gémonies, mais on ne peut discuter et le sérieux de l’entreprise, et la précision du travail théâtral qui frappe immédiatement. Hans Neuenfels est évidemment un vrai et un grand metteur en scène. Certes, son point de vue est radical, sa vision est d’une rare crudité, et ce type de travail continue d’alimenter les discussions sur les approches scéniques, sur le “Regietheater” sur théâtre et opéra . Mais c’est heureux ! Heureusement, le théâtre est vivant, il est vie, il est débat. Que la TV ce soir nous donne cette image de Bayreuth est aussi un bien pour ceux qui penseraient que le temple wagnérien est un temple fossile. Bayreuth est un lieu permanent de discussions, et la presse allemande en guette les moindres soubresauts. Dernier bruit en date: le choix éventuel de Frank Castorf comme metteur en scène du Ring 2013 amènerait de facto le retrait de Kyrill Petrenko, le chef prévu…
Revenons à ce Lohengrin. J’étais un peu intrigué par les conditions de retransmission. Connaissant la salle, il n’y a aucune possibilité d’y installer des caméras sans provoquer des réactions violentes d’un public qui attend 10 ans une place et qui verrait éventuellement le gel de plusieurs dizaines de places d’un très mauvais œil. Les caméras n’étaient donc pas au Parkett, où le spectateur peut à peine se mouvoir, alors imaginons la TV…
Les caméras étaient souvent en hauteur, deuxième galerie de face (probablement dans les espaces de travail, tour de lumière etc…), dans les cintres au dessus de la scène (belles images, inhabituelles), et sur les côtés des coulisses pour les gros plans. Elles étaient donc situées là où le spectateur n’est jamais. Et ce sont des plans tout nouveaux qu’on a pu ainsi voir. Encore une bonne surprise.
Je me suis demandé aussi pourquoi le choix de Lohengrin dont la mise en scène pouvait indisposer certains spectateurs (la commentatrice d’Arte l’a d’ailleurs souligné, mais Madame Gerlach devrait varier un peu son vocabulaire et ses appréciations). J’ai donc procédé par élimination. Comme toutes les mises en scènes sont âprement discutées, elles auraient toutes provoqué des réactions violentes de toute manière!
Les maîtres chanteurs et Tristan sont déjà en DVD et sont des productions déjà anciennes. Par ailleurs, Les Maîtres Chanteurs sont très longs (trop long sans doute pour le temps télévisuel: rien que l’acte III dure 2 heures) et Tristan n’est pas non plus un des opéras les plus courts. Parsifal aurait pu convenir, car le côté spectaculaire de la mise en scène de Stefan Herheim, les changements à vue auraient pu convenir à la TV, mais vu les angles de prise de vue, certains effets étaient très difficiles à rendre à l’écran, notamment les effets du troisième acte avec les miroirs et la salle en reflet. Par ailleurs, Parsifal est un opéra lui aussi assez long. Restent Tannhäuser et Lohengrin, qui durent chacun à peu près autant et qui sont deux oeuvres réputées “plus faciles”. Proposer pour la première retransmission en direct une nouvelle production et une production si critiquée (dont la distribution est pour le moins contrastée) était peut-être risqué pour le spectacle et la suite de son exploitation. Reste donc Lohengrin qui a plein d’avantages: la production est récente (un an) et elle a pu être déjà rodée musicalement (notamment la direction d’orchestre, aux dires de tous bien meilleure cette année que l’an dernier), elle est déjà connue scéniquement et au total n’a pas été si mal accueillie par la presse et le public, et Hans Neuenfels est une gloire du théâtre allemand. La musique est plus accessible à un large public que celle de Parsifal ou de Tristan et la distribution est solide (sans compter la présence d’Annette Dasch, qui en Allemagne est une figure exploitée par les magazines people). En somme on comprend ce choix, et au total, c’est un choix cohérent.
Voilà donc une soirée de plus à Bayreuth pour moi, inattendue, mais très satisfaisante: le téléspectateur a pu réellement se rendre compte de ce qu’est ce Festival aujourd’hui. Merci encore Arte.
j’ai commencé à regarder sur ARTE cet opéra que j’aime beaucoup
mais imaginons qq’un qui ne connait pas l’oeuvre……………….
il ne comprend RIEN
les me tteurs en scène Allemands ne savent vraiment pas quoi inventer
pour me consoler de tant d’horreur je me suis mis le DVD avec Placido
Domingo
Des souris et des hommes, ou pas de quoi fouetter un chat !
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Un metteur en scène prétendu sulfureux, mais je ne vois rien de choquant ni de très novateur. Il modernise ? Oui, avec des costumes pas toujours du meilleur goût. Mais le cor reste le cor, l’épée reste l’épée. La torture du texte a ses limites. Des réussites, il y en a, des idées, il n’en manque pas. C’est parfois sursignifiant, comme la Lulu d’Olivier Py. On croit que le spectateur ne peut pas comprendre les feuilletés de sens du texte, alors on en rajoute, on sature le visuel. Signe des temps, l’image règne en despote.
La dernière image du duc de Brabant est excellente, mais j’y entrevois une référence (enlaidie) à Kubrick, faussement obscure. Rien de neuf en tout cas, rien de choquant. Que cet horrible foetus lance son cordon ombilical, formidable ! On peut aller plus loin dans l’organique, je pense. Il faudra y songer pour les années qui viennent.
De fait, ce spectacle me rappelle ce que firent Boulez et Chéreau. Pour Boulez : Andris Nelsons lit la partition avec un regard neuf. Formidable de clarté, je ne le trouve pas lent, au contraire (prélude du 3e acte, vif et ironique au possible). Un futur grand nom de la baguette, c’est sûr. Orchestre et choeur impressionnants de puissance et de justesse. Je vois une distorsion parfois entre le souffle épique de la musique, sublime, et la laideur crue des décors… Les chanteurs inégaux, mais on est loin de la catastrophe que j’attendais. Il y a Vogt, très bon, au phrasé et à l’élégance qui vont bien au héros. Elsa, très bonne aussi, elle tient ses notes, elle joue à merveille. Palme d’or à l’Ortrud de Petra Lang : voilà une chanteuse wagnérienne, qui plus est excellente actrice, haïssable au possible. Voix puissante, présence incroyable, engagement : oui, mille fois oui, Petra Lang est absolument formidable !
Au total, un cru très honorable, cohérent sur le plan de la mise en scène, mais parfois peu en phase avec l’ensemble du propos, même s’il est évident qu’une mise en scène ne saurait être totalisante.
Ma vraie réserve porte sur un aspect essentiel : le cygne et le spirituel. Tout est humanisé. Le pouvoir est radiographié, passé au scalpel, démonté, dénoncé. Oui, c’est formidable parce que le texte dit cela aussi. Lohengrin est un opéra politique. Oui. MAIS je ne pense pas qu’humaniser à ce point l’opéra soit de nature à nous révéler totalement sa dimension spirituelle et mystique qui est forte chez Wagner. Le metteur en scène nous dit, pendant les excellents reportages proposés par Arte (merci Arte, mille fois !) qu’il a débarrassé Wagner de son encens et de son mysticisme pour retrouver la sensualité… Là où je pense qu’il y a erreur, c’est précisément dans cette fausse opposition entre sensualité et mysticisme. L’opéra est mystique ET sensuel, humain ET divin, il n’y a qu’à considérer les effets physiques de la musique sur l’auditeur, ou écouter les enregistrements de Karajan, hédonistes au possible et d’une sensualité de braise… La fin, de ce point de vue, est un semi-ratage. On n’attend plus de nacelle ni de cygne romantique de pacotille (quoique… pour le néophyte que je suis, une lecture littérale suffirait, avant d’aller vers des mises en scène plus risquées), mais on attend quand même un dépassement de l’humain et de son animalité radicale. La vision du metteur en scène est donc une réussite de ce point de vue : il nous livre une lecture, une vision, mais pas LA révélation absolue. Est-ce Wagner qu’on assassine ? Non, il n’est pas trahi. Il est juste relu, mais partiellement relu. A ce titre, pour cette partialité et ses partis pris, cette mise en scène est une mise en scène qui ne mérite ni enthousiasme ni huées.
A quand un vrai film-opéra, capable d’oser ce que le théâtre ne pourra oser ? Un travail de grande ampleur, apte à saisir au mieux les couches de sens, réconciliant la chair et l’esprit tout en s’entourant de soufre, puisqu’il en faut aujourd’hui pour attirer les foules. Allez, j’appelle Mickael Haneke ou Lars Von Trier, et on en rediscute ! Voir David Cronenberg…
Haneke mettant en scène un Lohengrin, ce serait certainement une sorte de cauchemar. Je ne doute pas qu’en bon prof moraliste chiantissime il nous filerait encore un coup de règle sur les doigts pour avoir eu le malheur d’aimer cette musique plus que tout, ce vieux barbon. Bon. Après les propos récent de Von Trier à Cannes, je pense que ça ne va pas le faire non plus. Cronenberg, je prends ma place dès demain, par contre. Même si mon choix irait plutôt vers Amenabar ou Sorrentino, les virtuoses du ciné d’aujourd’hui.
Sinon, d’accord avec vous sur Petra Lang, cette rouquine dodue, sensuelle à souhait, avec une voix à se pâmer. La déesse déchue avait du chien. Et d’accord aussi sur Vogt, assez décrié, que j’ai trouvé vraiment bouleversant.
Quant à la mise en scène, bon, c’était tout simplement de la merde, si vous me pardonnez cette grossièreté. Mais ça n’a aucune importance. Les wagnériens sont habitués à toutes ces sortes de bêtises. La musique transcende ces idioties quoiqu’il arrive.
Et en tout cas merci, merci mille fois à Arte pour la retransmission.
Merveilleux Klaus Florian Vogt ! Chant et interprétation en progrès à chaque fois.
Je n’ai pas aimé le jeu d’Annette Dasch – et j’ai détesté la mise en scène.
J’étais enchantée !!!!! Merci pour cette merveilleuse soirée. Tout comme Gobin la mise en scène m’a laissée….. perplexe…..
Moi non plus, je ne vois pas ce que cette mise en scène apporte à l’oeuvre de Wagner… La métaphore introduite par les rats me semble lourde, trop appuyée et le foetus de la fin m’évoque évidemment celui de Kubrick, en plus hideux.
Mais j’ai beaucoup aimé le choeur – vraiment magnifique. Quant aux solistes, je les ai trouvé excellents, avec en tête Klaus Florian Vogt : je l’avais vu dans une autre production de Lohengrin et l’avais trouvé raide, inexpressif, dans son costume argenté. Là, il m’a semblé parfait, scéniquement et vocalement, même si sa voix n’est pas de celles que je préfère…
Etant dépourvue de culture musicale en la matière,je dois dire que pour une fois,
j’ai été conquise! Dorénavant je ne verrai plus l’opéra avec le même regard,mon
oreille commence à apprécier…J’ai aimé cette mise en scène audacieuse ,dépouillée
et originale.Eveil tardif certes,mais réussi!
Cher Monsieur,
Je vous invite à lire mes commentaires sur mon site :
http://chorier.blog.
Je viens d’adresser également un commentaire sur le site de “La septième augmentée” du critique Hervé Gallien (alias Critipolemik).
Bien à vous.
Christian Chorier
Officier des Arts et Lettres
(chorier.opera@wanadoo.fr)
Spécialiste d’Art Lyrique depuis 37 années (mon domaine professionnel) et 50 ans de passion et d’intérêt pour le monde de l’opéra !
NB – Par honnêteté intellectuelle, veuillez nous dévoiler votre identité et votre cursus musical.
Mon coeur balance définitivement du côté des mises en scènes “modernes”, tant les autres respirent l’ennui ! Parce que les épées en plastique, les tuniques à deux balles, les arbres en carton pâte, etc. c’est profondément mortel…
Je vais à Bayreuth cet été (2012) Mr Chorier, et je ne suis pas un snob ou rien d’autre…
J’ai pris en photos avec mon appareil numérique en regardant l’opéra LOHENGRIN sur ARTE les choeurs transformés en rats noirs et souris roses et les jeunes femmes habillée en robes années 50 avec des queues de rats, je penseque j’aurai eu si j’y étais malgré la qualité des chants un fou rire au milieu de la noble assemblée de Bayreuth
L’un des chanteurs avait les cheveux coiffés de 10 cm de haut comme si il venait d’être éléctrocuté
la prochaine fois il faudrait les déguiser en FTP FFI et mettre une traction avant sur la scène…..avec des nains de jardin
Avec toutes ces mises en scène, trés laides le plus souvent, les directrices veulent poursuive la “dénazification” du Festival.
Wagner l’avait cependant anticipée: cf. le final du livret des “Meistersinger”.
Il serait temps qu’elles procèdent aujourd’hui à sa “démarxisation”.
Mais les projets à court ou moyen terme démontrent qu’elles n’en prennent absolument pas le chemin, hélas!…