pour les fous d'opéras, de concerts classiques et de théâtre
OPÉRA DE LYON 2012-2013 : MACBETH de Giuseppe VERDI le 13 octobre 2012 (Dir.mus : Kazushi ONO, Ms en scène Ivo VAN HOVE)
J’ai trouvé l’une des clefs de la représentation, en écoutant la radio hier, rentrant après cette première de Macbeth de Giuseppe Verdi: la barbarie, disait la voix, c’est par exemple aujourd’hui Goldman Sachs. C’est bien ce que nous dit la mise en scène de Ivo van Hove qui considère le monde de la finance comme le vrai pouvoir du jour. Ainsi s’opère la transposition du monde gris, brumeux et sauvage du Moyen âge écossais au monde gris et tout aussi sauvage du Vatican de la finance, Wall Street. La sauvagerie en costume-cravate, la barbarie du pouvoir au sein de La Banque, les constructions mafieuses, les complots, la soif éternelle du pouvoir utilisant les leviers du jour. Voilà la réponse à la question : que nous dit Macbeth aujourd’hui ?
La radio (décidément !) ce matin m’a donné la seconde clef du spectacle, une clef encore plus universelle que tous les lecteurs de littérature connaissent ; elle était exprimée par Michel Bouquet (invité de Rebecca Manzoni sur France Inter): la grande pièce de théâtre (on pourrait dire la grande littérature) s’en sort toujours quel que soit le contexte historique, elle a toujours quelque chose à dire, on la retourne, et elle donne sa réponse. Ainsi parlait Michel Bouquet au sujet du « Roi se meurt », ainsi pourrait-on parler du Macbeth de Shakespeare, et du Macbeth de Verdi. Plaquez la pièce à la réalité du jour, pressez-la, et elle donne son jus, toujours recommencé et toujours frais.
Ainsi le décor de Jan Versweyveld est-il unique, un espace tragique délimité par de vastes espaces gris sur lesquels se projettent des images de Tal Yarden (comme à Amsterdam dans Der Schatzgräber), toujours en négatif et noir et blanc, donnant l’impression du rêve, de l’irréel, de la représentation mentale, et derrière des bureaux qui courent tout autour, des écrans qui projettent tantôt des graphiques, des chiffres comme dans les salles de marchés, tantôt les images mentales des personnages non sans humour (chat noir, crapaud, selon les recettes des sorcières ou des extraits de dessins animés –dont « Ma sorcière bien aimée »- mettant en scène les sorcières).
Le rideau se lève sur une salle de marché où les sorcières sont des traders ou des conseillères (en communication bien sûr). Image frappante, traversée par une femme de ménage qui va être le témoin muet et permanent du drame, dont le rôle va s’éclairer à la fin surprenante. Dans cette première scène, elle nettoie les déchets laissés par les traders-sorcières, qui pendant leur sabbat, puisent dans les ordures (essentiellement du papier hygiénique) et les jettent au sol. Dans ce monde dont l’enfer est figuré en projection par l’Empire State Building, tous nos tics high teck sont sarcastiquement montrés: le roi Duncan est mort et tous les employés pianotent sur leurs mobiles pour tweeter la nouvelle, la lettre de Macbeth est lue par la Lady sur son Ipad, déjà utilisé dans « le Misanthrope » de la Schaubühne (cf compte rendu), du même Ivo van Hove, vu aux ateliers Berthier ce printemps (cf autre compte rendu).
La grande différence entre Shakespeare et Verdi, c’est que Verdi isole le couple en éliminant de nombreux personnages, et surtout, le montre bousculé, apeuré, féroce parce qu’effrayé devant le crime initial commis. Ainsi l’espace conçu très vaste (tout le plateau) montre-t-il très souvent le couple seul , traversé par ses doutes, se jetant à corps perdu dans le meurtre , et en même temps quelque part émouvant :
le merveilleux quatrième acte où pendant la scène du somnambulisme lady Macbeth en combinaison noire, pieds nus, tour à tour évite puis cherche Macbeth (qui a abandonné le costume cravate, signe de la caste, de la bande pourrait-on dire) en chemise défaite.
Dans le monologue de Macbeth qui suit,
0 réflexion sur « OPÉRA DE LYON 2012-2013 : MACBETH de Giuseppe VERDI le 13 octobre 2012 (Dir.mus : Kazushi ONO, Ms en scène Ivo VAN HOVE) »
Merci pour cet article très complet. L’actualisation de cet opéra, à la fois osée et intéressante, semble très réussie !
Merci pour cet article très pertinent et très juste dans son analyse.
Je trouve toutefois que la direction de K. Ono manque de caractère passionnel et émotionnel, nécessité impérieuse pour cette partition! Qui plus est face à une mise en scène faisant la part belle à la dimension psychologique des personnages. Le spectacle n’en gagnerait qu’en éloquence!
J’ai assisté à une représentation de Macbeth hier soir à l’opéra de Lyon et j’en suis revenu contrarié par cette mise en scène brouillonne totalement “hors-sujet” qui ignore complètement l’esprit shakespearien de l’oeuvre. C’est à se demander si Ivo van Hove a pris la peine de lire le livret! Même si l’on accepte son parti pris, les bonnes idées et les trouvailles de mise en scène restent assez rares.
A mon retour, j’ai lu ce que pensait la critique de cette transposition maladroite qui ne fonctionne à aucun moment. A ma grande surprise, certaines, comme la vôtre, sont assez complaisantes. Mais fort heureusement, il reste encore des personnes courageuses et sincères pour signaler si une transposition a fonctionné ou pas (même avec l’aide de la notice “Macbeth, notre contemporain!). A l’évidence, ce n’était pas le cas de celle-ci.
J’ai approuvé à 100% du début à la fin l’excellente critique de M. Jacques Schmitt (lien ci-dessus). A l’inverse du spectacle, son analyse est d’une grande finesse.
Vouloir a tout prix “se donner l’illusion de la modernité et de l’audace, le frisson de la transgression” (Raphaël de Gubernatis du Nouvel Observateur) conduit souvent à des ratages d’anthologie qui dénaturent complètement l’oeuvre originale.
Pour ma part, j’aurais préféré une version de concert…
Bravo pour votre courage.
Ci-dessous ce que j’ai écrit, allant largement dans votre sens, au risque de me faire censurer…..
Cordialement.
Une bonne soirée à l’opéra en perspective, un Mac Beth d’un Verdi qui ne trompe jamais, le tout un samedi soir de première, entre 4 très bons amis : tout se présentait merveilleusement bien !
A l’arrivée, un premier ami qui jette l’éponge à l’entracte, un deuxieme qui s’endort en permanence, un troisieme qui n’a rien compris à l’histoire, et moi qui ne peut m’empêcher d’huer le metteur en scène : merci Lyon, à quand au retour au bon vieux classicisme que tant d’opéras en Europe vous offre avec délectation ?…..
Une bonne soirée à l’opéra en perspective, un Mac Beth d’un Verdi qui ne trompe jamais, le tout un samedi soir de première, entre 4 très bons amis : tout se présentait merveilleusement bien !
A l’arrivée, un premier ami qui jette l’éponge à l’entracte, un deuxieme qui s’endort en permanence, un troisieme qui n’a rien compris à l’histoire, et moi qui ne peut m’empêcher d’huer le metteur en scène : merci Lyon, à quand au retour au bon vieux classicisme que tant d’opéras en Europe vous offre avec délectation ?…..
Ah oui j’oubliais : les 10 minutes du Bal des Sorcières au début du 3eme acte ? disparues corps et âme, pas simple il est vrai de faire danser des sorcières en talon aiguille……. une offense à Verdi, ni plus ni moins.
Moi qui suis une inconditionnelle de “Macbeth” (et de “Don Carlo”), j’ai été épouvantée par la lecture qu’en a donnée Ivo Van Hove. Quelle prétention de vouloir “relire” Shakespeare pourtant si limpide ! Quel accablant manque d’imagination de ne pouvoir créer des images qui servent le texte et d’être obligé de raconter une autre histoire, afin d’être “différent” !
Alors, non seulement je ne retournerai pas voir “Macbeth” redonné en mai cette année, mais j’attendrai de lire des critiques de “Don Carlo” mis en scène par Chritophe Honoré pour prendre des places, car le “dialogue des Carmélites” de ce dernier, avec des Carmélites en tablier et des seins nus totalement inutiles pour commencer l’opéra ne m’avait pas convaincue.
Il y a pourtant des metteurs en scène qui “modernisent” les opéras sans les dénaturer et donnent un bonheur inégalable à tous les publics. Patrice Chéreau en était un, Robert Carsen en est un autre, Robert Lepage un troisième…
Je suis un inconditionnel de Shakespeare et Verdi.
J’ai beaucoup aimé la lecture qu’en a faite Ivo Van Hove. La critique très détaillée du Blog du Wanderer m’a certainement aidée à entrer facilement dans cette transposition que j’ai trouvée très interessante et très réussie.
J’attendais avec impatience une reprise et j’y entraine cette année un dizaine d’amis.
Merci à l’Opéra de Lyon pour ce Festival Verdi qui promet des moments d’exception !!!
PS/ J’aime aussi beaucoup le travail de Patrice Chéreau, celui de Robert Carsen également … pourquoi les opposer, le travail que fait Ivo Van Hove est également remarquable !!!
Merci pour cet article très complet. L’actualisation de cet opéra, à la fois osée et intéressante, semble très réussie !
Merci pour cet article très pertinent et très juste dans son analyse.
Je trouve toutefois que la direction de K. Ono manque de caractère passionnel et émotionnel, nécessité impérieuse pour cette partition! Qui plus est face à une mise en scène faisant la part belle à la dimension psychologique des personnages. Le spectacle n’en gagnerait qu’en éloquence!
J’ai assisté à une représentation de Macbeth hier soir à l’opéra de Lyon et j’en suis revenu contrarié par cette mise en scène brouillonne totalement “hors-sujet” qui ignore complètement l’esprit shakespearien de l’oeuvre. C’est à se demander si Ivo van Hove a pris la peine de lire le livret! Même si l’on accepte son parti pris, les bonnes idées et les trouvailles de mise en scène restent assez rares.
A mon retour, j’ai lu ce que pensait la critique de cette transposition maladroite qui ne fonctionne à aucun moment. A ma grande surprise, certaines, comme la vôtre, sont assez complaisantes. Mais fort heureusement, il reste encore des personnes courageuses et sincères pour signaler si une transposition a fonctionné ou pas (même avec l’aide de la notice “Macbeth, notre contemporain!). A l’évidence, ce n’était pas le cas de celle-ci.
http://www.resmusica.com/2012/10/20/macbeth-a-lyon-une-idee-ne-fait-pas-l%E2%80%99opera/
J’ai approuvé à 100% du début à la fin l’excellente critique de M. Jacques Schmitt (lien ci-dessus). A l’inverse du spectacle, son analyse est d’une grande finesse.
Vouloir a tout prix “se donner l’illusion de la modernité et de l’audace, le frisson de la transgression” (Raphaël de Gubernatis du Nouvel Observateur) conduit souvent à des ratages d’anthologie qui dénaturent complètement l’oeuvre originale.
Pour ma part, j’aurais préféré une version de concert…
Bravo pour votre courage.
Ci-dessous ce que j’ai écrit, allant largement dans votre sens, au risque de me faire censurer…..
Cordialement.
Une bonne soirée à l’opéra en perspective, un Mac Beth d’un Verdi qui ne trompe jamais, le tout un samedi soir de première, entre 4 très bons amis : tout se présentait merveilleusement bien !
A l’arrivée, un premier ami qui jette l’éponge à l’entracte, un deuxieme qui s’endort en permanence, un troisieme qui n’a rien compris à l’histoire, et moi qui ne peut m’empêcher d’huer le metteur en scène : merci Lyon, à quand au retour au bon vieux classicisme que tant d’opéras en Europe vous offre avec délectation ?…..
Une bonne soirée à l’opéra en perspective, un Mac Beth d’un Verdi qui ne trompe jamais, le tout un samedi soir de première, entre 4 très bons amis : tout se présentait merveilleusement bien !
A l’arrivée, un premier ami qui jette l’éponge à l’entracte, un deuxieme qui s’endort en permanence, un troisieme qui n’a rien compris à l’histoire, et moi qui ne peut m’empêcher d’huer le metteur en scène : merci Lyon, à quand au retour au bon vieux classicisme que tant d’opéras en Europe vous offre avec délectation ?…..
Ah oui j’oubliais : les 10 minutes du Bal des Sorcières au début du 3eme acte ? disparues corps et âme, pas simple il est vrai de faire danser des sorcières en talon aiguille……. une offense à Verdi, ni plus ni moins.
Moi qui suis une inconditionnelle de “Macbeth” (et de “Don Carlo”), j’ai été épouvantée par la lecture qu’en a donnée Ivo Van Hove. Quelle prétention de vouloir “relire” Shakespeare pourtant si limpide ! Quel accablant manque d’imagination de ne pouvoir créer des images qui servent le texte et d’être obligé de raconter une autre histoire, afin d’être “différent” !
Alors, non seulement je ne retournerai pas voir “Macbeth” redonné en mai cette année, mais j’attendrai de lire des critiques de “Don Carlo” mis en scène par Chritophe Honoré pour prendre des places, car le “dialogue des Carmélites” de ce dernier, avec des Carmélites en tablier et des seins nus totalement inutiles pour commencer l’opéra ne m’avait pas convaincue.
Il y a pourtant des metteurs en scène qui “modernisent” les opéras sans les dénaturer et donnent un bonheur inégalable à tous les publics. Patrice Chéreau en était un, Robert Carsen en est un autre, Robert Lepage un troisième…
Je suis un inconditionnel de Shakespeare et Verdi.
J’ai beaucoup aimé la lecture qu’en a faite Ivo Van Hove. La critique très détaillée du Blog du Wanderer m’a certainement aidée à entrer facilement dans cette transposition que j’ai trouvée très interessante et très réussie.
J’attendais avec impatience une reprise et j’y entraine cette année un dizaine d’amis.
Merci à l’Opéra de Lyon pour ce Festival Verdi qui promet des moments d’exception !!!
PS/ J’aime aussi beaucoup le travail de Patrice Chéreau, celui de Robert Carsen également … pourquoi les opposer, le travail que fait Ivo Van Hove est également remarquable !!!