En ce jour où le monde apprend la disparition à 85 ans (elle avait le même âge que Claudio Abbado) de Montserrat Caballé, « la Superba » dont on dit qu’elle est la dernière des Divas légendaires, il peut être singulier de rappeler que l’immense chanteuse fut particulièrement clivante. Elle était adulée ou détestée, à un point tel que de célèbres critiques d’opéra (comme Sergio Segalini) ne cessèrent de la conspuer, voire des directeurs d’opéra, comme le placide et élégant Jean-Pierre Brossmann, ou Rolf Liebermann qui ne l’invita plus jamais à Paris quand elle lui refusa I Vespri Siciliani.
Elle chanta à Paris Norma en 1972, puis il fallut attendre Turandot (production de Wallmann aux costumes de Jacques Dupont (1968) reprise par Bernard Lefort en 1981 pour la revoir à Garnier.
Ce fut la saison suivante la légendaire Semiramide d’Aix dans la production toute blanche de Pier Luigi Pizzi, coproduite avec Paris (Bernard Lefort oblige) pour la voir au Théâtre des Champs Elysées (Caballé, Horne, Ramey) puisque Garnier était en travaux. À Paris, elle chanta ensuite la Primadonna d’Ariane à Naxos à l’Opéra-Comique en 1986, et ce fut tout.
Je l’avais vue en 1974 pour la première fois dans Norma à Orange. Elle fut ma première Norma, face à Vickers. La première impression, et ce fut durable, au-delà de la voix et du physique, fut celle qu’on éprouve devant un monument. Monumentale, oui, c’est l’adjectif qui me vient quand je cherche à rassembler mes souvenirs. Monumentale, c’est à dire, vue dans ce théâtre antique bourré à craquer, au loin, sculpturale, immense, presque déjà mythique. Elle m’a laissé cette image pour toujours, celle d’une silhouette impressionnante, d’où s’échappaient des effluves vocales sussurées et pourtant si claires. Je l’ai vue ensuite dans des rôles très divers, Turandot, Semiramide, Salomé, Madame Cortese du Viaggio a Reims avec Abbado à Vienne, et pour la dernière fois en Duchesse de Crackentorp de La Fille du régiment en 2007 où son apparition (très brève) déchainait les hourras de la salle. Je me souviens justement, attendant Dessay à la sortie des artistes, de l’avoir vue fuir emmitouflée dans une fourrure épaisse, couverte d’une toque, à peine reconnaissable (il faisait encore froid en ce mois d’avril) mais immédiatement identifiable à cause de son regard si vif.
Dans des rôles aussi divers, se superposait à chaque fois la lointaine prêtresse d’Orange qui m’a pour toujours imposé une sorte de respect presque religieux : la Diva portait alors bien son nom.
Le souvenir le plus fort de Caballé fut pour moi un soir de Scala, une première de Salomé où la titulaire (Carmen Reppel) était souffrante et où la traditionnelle annonce se termina en explosion quand on donna pour Salomé le nom de la remplaçante, Montserrat Caballé.
Car on l’oublie aussi souvent, Caballé avait une voix suffisamment étendue de spinto pour avoir chanté aussi des rôles germaniques, non seulement Salomé, mais aussi Sieglinde, et même Isolde en fin de carrière: elle a débuté d’ailleurs en troupe à Bâle, à Saarbrücken puis au Theater Bremen jusqu’à 1962 . Elle chantait aussi bien le Bel Canto pur que Verdi (Un ballo in maschera, la Forza del Destino..) ou Puccini (Bohème, Tosca, Turandot) : l’étendue de la voix faisait que rien ne lui était vraiment interdit.
Monumentale la Caballé l’était sur scène, où il lui suffisait d’être, comme un Da Sein du chant. Car tout était dans la voix, dans cette voix d’une étendue incroyable du grave intense et à l’aigu séraphique, c’était une magicienne du son plus que du mot. Il suffisait d’entendre cette pureté sonore pour tomber sous le charme. Nous sommes sans doute à l’opposé d’une Callas qui était corps et âme, là où Caballé était son, un son unique qui faisait délirer mais qui risquait aussi de faire frémir les soirs de méforme. En 1982, lors d’une série d’Anna Bolena à la Scala dans la vieille production de Visconti où Callas avait triomphé, la première fut annulée pour indisposition. À la seconde, elle n’y arriva pas, et le public le lui fit payer cruellement, par de ces huées de toute une salle que jamais je n’oublierai, tant elles furent terribles, déchainées et humiliantes. Elle y fut remplacée définitivement par la jeune débutante Cecilia Gasdia.
Mais justement un soir de janvier 1987, première de la Salomé dont il était question plus haut, elle prit crânement sa revanche, d’autant plus que la production de Bob Wilson (dirigée par Kent Nagano, avec entre autres Bernd Weikl et Helga Dernesch) ne demandait rien au chanteur sinon chanter, debout au proscenium pendant que l’œuvre était mimée en arrière scène, une sorte de représentation (presque) concertante qui ne pouvait que convenir à la Diva.
Et ce fut incroyable, simplement incroyable : cette Dame déjà mûre (elle avait 54 ans) réussissait à avoir ce fil de voix juvénile et frais qui la rendait stupéfiante…le triomphe de Salomé effaça Bolena.
Les très grands triomphes, elle les obtint entre 1965 et 1985, avec des hauts (une mémorable Elena des Vespri Siciliani au MET avec Gedda, le Bel Canto avec Horne) et des bas (la Bolena de la Scala).
Dans Semiramide avec Horne à Paris elle restait un monument intouchable, mais c’est Horne cependant qui remuait les âmes.
Elle fut Madame Cortese avec Abbado dans une reprise viennoise du stupéfiant Viaggio a Reims de Ronconi, vu à Pesaro et à la Scala (avec Ricciarelli dans Cortese) et elle termina sa carrière par des récitals ou des concerts un peu partout, quelquefois avec sa fille : des « show Caballé » ouverts par le fameux concert avec Freddy Mercury. Mais ce n’est pas ce qu’on retiendra.
Je reste profondément marqué par ce monument au son impossible qu’elle fut, réussissant des filati à se damner, avec une ligne de chant sans accrocs et une puissance inédite qui laissaient le public interdit, mais qui ne fut jamais un roc vocal à la Nilsson : la voix si délicate gardait ses fragilités et quelquefois ses failles. Comme les grandes Divas, elle fut adulée, adorée parce que souvent chavirante, comme les grandes Divas, elle fut contestée, critiquée, conspuée, et, plus rare, elle suscita même de la haine. Il ne faut pas croire à l’unanimisme médiatique d’aujourd’hui, de la part de ceux qui ne l’entendirent qu’au disque.
Elle restera cependant pour moi ce profil lointain dans la douce nuit provençale d’Orange, qui me secoua pour la vie.
Très beau texte qui exprime exactement de que je ressentais lorsque je l’entendais sur scène.La première fois fut la scène finale de Salomé,en version de concert.La beauté de sa voix,le volume vocal,la qualité de son chant étaient siderants,j’en tremble encore.Puis ce fut la Norma d’Orange où un mistral déchaîné ne parvint pas à la faire plier.Ce fut le mistral qui céda.
Il me semble l’avoit entendue souvent à Garnier:Semiramis,Norma,Turandot,en récital aussi où,victime d’une chute de tension,elle tomba évanouie.Elle avait la stature et le tempérament d’une Diva,mais ceux qui travaillèrent avec elle vantent sa gentillesse et sa simplicité.
Adieu Montserrat,et merci.
Habitant à l’époque dans le sud-est, c’était la seule « grande » que nous avions l’occasion de voir et d’entendre régulièrement à Orange, Aix mais aussi Marseille, Avignon ou Nice. Pas toujours au top (comme tous les chanteurs) mais toujours avec une technique et une clarté de voix qui faisaient tout passer et puis une chaleur qui excusait tout. Pour nous la Diva assoluta. Adieu Montserrat.
Adieu Monserrat
Habitant à l’époque dans le sud-est, elle était la seule « grande » que nous pouvions voir et entendre régulièrement à Aix et Orange mais aussi à Marseille, Avignon ou Nice. Si elle n’était pas toujours au top (comme tous les chanteurs), sa technique et la clarté de sa voix faisaient tout passer et puis sa présence chaleureuse emportait l’adhésion de (presque) tout le monde.
Adieu Montserrat et merci pour tous ces merveilleux souvenirs
Nous qui aimons l’opéra disons aujourd’hui au revoir à Monserrat Caballé, une grade diva de l’opéra mondial qui a enchanté son public avec sa belle voix et sa technique vocale spectaculaire.
Son interprétation de Casta Diva de l’opéra Norma de Vincenzo Bellini dans son début à La Scala en 1972 a été sobre, et pour beaucoup, inoubliable.
Je pense que Monserrat Caballé se trouve dans le club privilégié des meilleures sopranos de tous les temps comme Maria Callas, Renata Tebaldi et Joan Sutherland.
Dans le monde de l’opéra l’héritage de Monserrat Caballé continuera de vivre pour les nouvelles générations qui aiment le belcanto et l’opéra.
Adieu Monserrat
Nous qui aimons l’opéra disons aujourd’hui au revoir à Montserrat Caballé, une grade diva de l’opéra mondial qui a enchanté son public avec sa belle voix et sa technique vocale spectaculaire.
Son interprétation de Casta Diva de l’opéra Norma de Vincenzo Bellini dans son début à La Scala en 1972 a été sobre, et pour beaucoup, inoubliable.
Je pense que Montserrat Caballé se trouve dans le club privilégié dès meilleures sopranos de tous les temps comme Maria Callas, Renata Tebaldi et Joan Sutherland.
Dans le monde de l’opéra l’héritage de Montserrat Caballé continuera de vivre pour les nouvelles générations qui aiment le belcanto et l’opéra.
J’ai découvert Montserrat caballé lors de son duo avec Freddie Mercury ♥️ Je n’ai rien entendu d’aussi beau ♥️ de divinement beau ♥️♥️💐💐✴️✴️🌹🌹🩵🩷♥️♥️