ROYAL OPERA HOUSE (COVENT GARDEN) et ENGLISH NATIONAL OPERA (LONDRES) 2013-2014: LES NOUVELLES SAISONS

La salle du Royal Opera House

La vie de l’opéra à Londres est riche, deux grandes scènes et de nombreuses petites compagnies, qui offrent à des jeunes chefs l’occasion de faire grandir leur répertoire (il en fut ainsi pour le jeune italien Daniele Rustioni qui rappelle à chaque interview combien ce système lui a permis d’élargir son répertoire). Les deux grandes scènes, le ROH (Royal Opera House Covent Garden) et l’ENO (English National Opera au London Coliseum) se partagent le marché, l’une est la scène officielle, l’opéra royal, la référence, et l’autre la scène plus populaire, présentant tous les ses opéras en langue anglaise, mais aussi osant scéniquement ce que le ROH  n’ose pas. L’une lance et ose metteurs en scènes, chanteurs, chefs, l’autre consacre. Le jeu est bien huilé, et ma foi, c’est une réussite qui dure depuis très longtemps.

Royal Opera House Covent Garden

Les managers passent, les années passent, les décennies passent et Covent Garden est un théâtre d’une remarquable stabilité. Ce fut le premier opéra étranger que je visitai, à 21 ou 22 ans, tout jeune fan, pour aller voir la star des basses, Nicolai Ghiaurov, dans Boris Godunov (j’en profitai pour aller voir une autre star mythique de mon enfance, Ingrid Bergman dans une pièce de théâtre de Somerset Maugham, The constant wife): Londres à l’époque n’était pas vue par le monde comme la capitale de la City, mais la capitale de l’alternatif,  de toutes les modes du jour, notamment vestimentaires, et tout y était moins cher, les disques, les hôtels, la nourriture: bref, tout a changé.
Pas Covent Garden, ni la vie musicale londonienne qui reste toujours une référence, avec ses orchestres, ses salles de concerts variées, Barbican, Royal Albert Hall, QEH (Queen Elizabeth Hall), ses opéras. Je me souviens de virées aux Proms de Covent Garden, où les fauteuils d’orchestre étaient enlevés, où le public après 6 ou 7 h de queue s’installait sur la moquette pour 2£ et pour voir par exemple tous les Mozart dirigés par le regretté Sir Colin Davis avec Kiri Te Kanawa dont tous les mélomanes parisiens étaient amoureux!
Alors un regard vers Londres, que je ne fréquente plus avec constance (I’m not a constant Wanderer), un retour vers Londres s’impose, car les saisons sont tout de même séduisantes et passer le Channel n’est plus un problème, on peut même, avec un peu de chance, faire un aller et retour dans la journée avec l’Eurostar.

Sept nouvelles productions sur une grosse vingtaine de titres sur la scène principale, et des productions plus expérimentales dans  la salle toute proche du Linbury Studio Theatre.
La saison, dit Kasper Holten, le directeur du ROH, célèbrera Verdi avec une nouvelle production des Vêpres Siciliennes en français (Stephan Herheim) et Wagner par une nouvelle production de Parsifal. A Londres comme ailleurs, quelques chefs de premier plan (Antonio Pappano, directeur musical, Andris Nelsons, John Eliott Gardiner Semyon Bychkov et Sir Simon Rattle) mais plutôt de bon chefs d’opéra qu’on voit un peu partout, mais qui ne sont pas encore des références (comme Bertrand De Billy, Nicola Luisotti ou Maurizio Benini), ou des jeunes qui montent (Cornelius Meister, Henrik Nánási, Dan Ettinger, Teodor Currentzis). Des choix bien plus ouverts qu’à Paris par exemple.
Tout commence en septembre (8 repr.), février, mars par une reprise de Turandot, dirigée en septembre par Henrik Nánási (tiens tiens, le tout nouveau directeur musical de la Komische Oper de Berlin) et Nicola Luisotti en février-mars (7 repr.) avec Lise Lindstrom (sept) / Iréne Theorin (février-mars), Marco Berti (sept) / Alfred Kim (février-mars) et la Liù de Eri Nakamura (sept.) et Ailyn Pérez (février-mars). Une reprise sans intérêt majeur, sinon la curiosité du chef Henrik Nánási (il faut toujours s’intéresser aux chefs émergents, en particulier s’ils officient ordinairement à la Komische Oper de Berlin, Kirill Petrenko et Patrick Lange en viennent).
Autre reprise d’automne, Le Nozze di Figaro, mise en scène David McVicar, direction John Eliott Gardiner (8 représentations en septembre et octobre) et NN en Mai (4 représentations qui devaient être dirigées par Sir Colin Davis) avec deux distributions très différentes, respectivement en automne et en mai: Luca Pisaroni  / Alex Esposito (Figaro), les meilleurs Figaro du moment (avec Vito Priante), Lucy Crowe / Camilla Tilling (Susanna), Christopher Maltman / Gerald Finley (Il Conte), Rebecca Evans / Sally Matthews (La Contessa). Des distributions solides, assez attendues, avec un Conte de Christopher Maltman à considérer en automne. Rien d’exceptionnel, mais du solide.
Toujours en septembre et octobre, une reprise qui devrait intéresser: 6 représentations d’Elektra de Strauss, mise en scène de Charles Edwards, mais surtout direction d’Andris Nelsons, avec l’Elektra de Christine Goerke, Adrianne Pieczonka en Chrysothemis, la Klytämnestra de Michaela Schuster, et Iain Paterson (Orest) et John Daszak en Ägisth. Vaudra le channel, pour Andris Nelsons surtout.
Première nouvelle production de l’année, en octobre novembre et pour 8 représentations dont le 4 novembre dans les cinémas, Les Vêpres Siciliennes en version originale française de 1855, y compris le ballet (la représentation durera 4h30 minutes). Les dernières années, on a vu Les Vêpres Siciliennes à Genève, à Amsterdam, à Francfort, maintenant à Londres, bientôt à Copenhague, mais pas à Paris, dont le directeur-devait-relancer le-chant-français. La direction musicale est assurée par Antonio Pappano et la mise en scène par Stephan Herheim: avant même de considérer la distribution, il faut y aller; et cela se confirme presque au vu de la distribution, Bryan Hymel (Henri), l’Enée des Troyens qui remplaça Kaufmann, Marina Poplavskaia (Hélène), Michael Volle en Montfort et Erwin Schrott en Procida (là je doute, et pour le style, et pour la voix, et pour la prononciation). Mais on viendra, évidemment. On ne peut manquer un tel événement.
Pour 5 représentations (31 octobre-15 novembre), le ROH reprend Wozzeck dans la mise en scène de Keith Warner et une très belle distribution: Simon Keenlyside, Karita Mattila (Marie: une Marie d’exeption), Gerhard Siegel (le capitaine), John Tomlinson (le docteur) et Endrik Wottrich(le tambour major), dirigé par Mark Elder, ce qui hélas tempère très sérieusement mon enthousiasme.
Du 30 novembre au 18 décembre (6 représentations), avec une transmission dans les cinémas le 18 décembre, une nouvelle production de Parsifal, dans une mise en scène du britannique Stephen Langridge et dirigé par Antonio Pappano, avec Simon O’Neill et Angela Denoke, entourés de René Pape (Gurnemanz), Gerard Finley (Amfortas) et Willard White (Klingosr). Une belle distribution, mais sans vraie surprise et qui ne devrait pas valoir une traversée du Channel: on voit partout en Europe des Parsifal de même facture.

 

Linbury Studio Theatre

A côté de la grande salle de Covent Garden, et à deux pas, une vraie saison de spectacles  hors des sentiers battus au Linbury Studio Theatre, avec quelques spectacles intéressants:
– autour d’un livret de David Pountney, composé et mis en scène par Ben Frost, The Wasp Factory, d’après le roman de Iain Banks pour 6 représentations du 2 au 8 novembre.
Greek/The Killing Flower (Luci mie Traditrici) produite par Music Theatre Wales, une structure de théâtre musical intimiste très active et très inventive. Greek est une réécriture du mythe d’Œdipe par Mark-Anthony Turnage (4 soirées du 21 au 26 octobre) et The Killing Flower (Luci mie Traditrici) une œuvre de Salvatore Sciarrino sur l’histoire de Carlo Gesualdo, le 24 octobre 2013, les deux œuvres dans une mise en scène de Michael McCarthy et sous la direction de Michael Rafferty.

Julian Philips

How the Whale Became une œuvre pour enfants d’après le roman de Ted Hughes, le grand poète anglais, qui écrit une posée inspirée par les grands mythes gaéliques, la nature, et qui a beaucoup écrit pour les enfants.
Au quotidien du 10 décembre au 4 janvier (commande du Royal Opera House à Edward Kemp pour le livret et au compositeur Julian Philips).

 

Revenons à la grande salle pour deux reprises d’un intérêt limité, notamment pour cette Carmen mise en scène de Francesca Zambello et dirigée par Daniel Oren (10 représentations du 16 décembre au 9 janvier) avec Elina Garanca alternant avec Christine Rice et Roberto Alagna alternant avec Younghon Lee, en Escamillo Vito Priante/Kostas Smoriginas et en Micaela Veronica Cangemi(!)/Sarah Fox. tout le monde se précipitera à la distribution A!
Autre reprise, Manon de Massenet dans la mise en scène de Laurent Pelly, dirigée par Emmanuel Villaume qu’on voit partout sauf en France avec Ermonela Jaho alternant avec le nouveau soprano émergent Ailyn Pérez, et Matthew Polenzani dans Des Grieux pour 7 représentations du 14 janvier au 4 février. Soit.
Pour 7 représentations aussi du 1er au 24 février (dans les cinémas le 12 février), une nouvelle production de Don Giovanni mise en scène de Kasper Holten, le manager du Royal Opera House, dirigée par Nicola Luisotti dans une bonne distribution dominée par Mariusz Kwiecien, Alex Esposito (Leporello), Malin Byström (Anna), Véronique Gens (Elvira), le Don Ottavio d’Antonio Poli, et le couple Elizabeth Watts et Dawid Kimberg comme Zerlina et Masetto sans oublier le Commendatore d’Alexander Tsymbalyuk. Distribution intéressante à usage local, mais qui ne justifie pas non plus une traversée de tunnel.
Après ce Don Giovanni, une reprise promise au succès de la production désormais mondiale de La Fille du Régiment de Laurent Pelly, créée à Londres, avec Patrizia Ciofi et Juan Diego Florez (sauf le 18 mars où Tonio sera chanté par Frédéric Antoun), Pietro Spagnoli, Ewa Podles et Dame Kiri Te Kanawa dans la Duchesse de Crackentorp (comme à Vienne). Une série très alimentaire dirigée par Yves Abel du 3 au 18 mars.
Du 14 mars au 2 avril (7 représentations), une nouvelle production de Die Frau ohne Schatten dirigée par Semyon Bychkov dans la très bonne mise en scène de Claus Guth déjà vue à la Scala. La distribution voisine de celle de la Scala comprend Emily Magee (L’impératrice), Johan Botha (L’Empereur), Michaela Schuster (la nourrice), Johan Reuter (Barak) et (hélas) Elena Pankratova (la femme du teinturier).
Une reprise du Faust de Gounod très attendue en avril (7 soirs du 4 au 25 avril), dirigée par Maurizio Benini, dans la mise en scène de David McVicar, avec Anna Netrebko et Joseph Calleja, mais aussi Bryn Terfel et Simon Keenlyside: une splendide distribution qui attirera du monde, et une production accompagnée au Lindbury Studio Theatre de deux variations sur le thème de Faust, l’une de Luke Bedford sur un livret de David Harrower, l’autre F4u5t, de Matthew Herbert, une variation électronique sur le Faust de Gounod.
11 représentations alimentaires de La Traviata dans la mise en scène de Richard Eyre, dirigée par Dan Ettinger (sauf le 20 mai, par Paul Wynne Griffiths), du19 avril au 20 mai, avec en alternance Diana Damrau et Ailyn Pérez, Francesco Demuro et Stephen Costello (Alfredo), Dimitri Hvorostovsky et Simon Keenlyside (Germont) et 12 représentations tout aussi alimentaires de Tosca, mise en scène Jonathan Kent du 10 mai au 26 juin, dirigé par Teodor Currentzis et pour les 4 dernières à partir du 16 juin Placido Domingo.  La distribution comprend en alternance Oksana Dyka (je dirais Insana Dyka! lamentable choix) et Sondra Radvanovsky (tellement mieux), Roberto Alagna en Mario alternant avec Riccardo Massi, Thomas Hampson et Sebastian Catana en Scarpia. Reprise sans intérêt qui précède une nouvelle production quant à elle, pleine d’intérêt, des Dialogues des Carmélites, du 29 mai au 11 juin, dans la mise en scène de Robert Carsen vue un peu partout (Scala, Oviedo, Ljubliana, Theater an der Wien) dans une distribution, il faut bien le dire, exceptionnelle: Magladena Kozena, Sophie Koch, Anna Prohaska, Deborah Polaski, Thoams Allen, Yann Beuron et le tout dirigé par Sir Simon Rattle. Là on peut déjà réserver son Eurostar.
Après la Manon de Massenet, la Manon Lescaut de Puccini dans une nouvelle production de Jonathan Kent, dirigée par Antonio Pappano, qui va attirer le monde lyrique international à cause du Chevalier Des Grieux de Jonas Kaufmann, entouré de Kristine Opolais et Christopher Maltman pour 7 représentations du 17 juin au 7 juillet, avec une projection dans les cinémas le 24 juin.
Une reprise de Ariadne auf Naxos dirigée par Antonio Pappano pour 5 représentations du 25 juin au 13 juillet, mise en scène de Christof Loy, avec la Primadonna de Karita Mattila, le Bacchus de Roberto Saccà, la Zerbinetta de Jane Archibald, ainsi que Thomas Allen et Markus Werba,  une très belle distribution pour un week end londonien de début d’été surtout si on combine Ariadne avec Manon lescaut ci-dessus ou Maria Stuarda, la dernière nouvelle production de l’année dirigée par Bertrand De Billy (vous savez, ce chef français inconnu en France et connu de toute l’Europe), du 5 au 18 juillet (6 représentations) dans une mise en scène de Patrice Caurier et Moshe Leiser avec Joyce Di Donato, Carmen Giannatasio et Charles Castronovo.
C’est juillet, c’est le mois des touristes, c’est le moment d’afficher le standard des standards, La Bohème, dans la mise en scène ancienne de John Copley, dirigée par une autre baguette allemande qui monte, Cornelius Meister, sept représentations du 9 au 19 juillet avec deux représentations le 19 juillet et deux distributions : Ermonela Jaho et Angela Gheorghiu (Mimi), Giuseppe Filianoti et Vittorio Grigolo (Rodolfo), Markus Werba et Massimo Cavaletti (Marcello), Simona Mihai et Irina Lungu (Musetta). Du solide et du médiatique.
Et la saison se clôt sur deux représentations (25 et 26 juillet) du Welsh National Opera présentant Moses und Aaron d’Arnold Schoenberg, mise en scène de Jossi Wieler and Sergio Morabito direction de Lothar Koenigs avec Richard Angas et Rainer Trost.

Au Linbury Studio Theatre, l’English Touring Opera présentera King Priam de Michael Tippett et Paul Bunyan de Benjamin Britten en février, en mars, deux créations, non encore titrées, l’une de Elspeth Brooke et l’autre de Francisco Coll, ainsi qu’en avril les variations sur le thème de Faust dont il a été question plus haut, et juin, une production de Quartett de Luca Francesconi mise en scène de John Fulljames, ainsi qu’en juillet, un opéra-cabaret de HK Gruber, Gloria – a pigtale,

Frederic Wake-Walker

mise en scène de Frederic Wake-Walker, directeur artistique de l’Opera Group.
La saison du Royal Opera House alterne des productions vraiment intéressantes (Elektra, Les Vêpres Siciliennes, Les Dialogues des Carmélites, Maria Stuarda), mais beaucoup de titres rebattus et alimentaires, comme Bohème, Tosca, Traviata, Fille du Régiment, Carmen, Faust, et même Turandot ou Manon. Les autres nouvelles productions restent relativement attendues comme la Manon Lescaut avec Jonas Kaufmann, ou même le Parsifal et le Don Giovanni. incontestablement des productions attirantes, mais pas transcendantes, et une saison plutôt “conforme” dans l’ensemble, sans grande prise de risque ni même grande originalité: on reste par exemple un peu stupéfait qu’il n’y ait pas une autre grande production de Britten sur la scène nationale britannique l’année de son centenaire, même si la saison 2012-13 présente Gloriana; les grandes scènes internationales n’oseraient-elle plus oser?

 

La belle salle de l’English National Opera (London Coliseum)

English National Opera

Avec 10 nouvelles productions, 4 reprises et 4 opéras contemporains, soit 18 productions. l’English National Opera affiche une très bonne santé, en prise avec tout ce que l’Europe théâtrale compte de metteurs en scènes actuels,  travaillant sur des visions renouvelées du grand répertoire traditionnel. Car l’ENO, l’opéra en langue anglaise, présente essentiellement des œuvres du répertoire, sur de longues séries, la plupart du temps 10 à 12 représentations,  sa vocation étant de faire partager l’opéra à tous par une politique tarifaire relativement raisonnable (de 12£ à 99£) dans une (belle) salle à vision essentiellement frontale.
Fidelio, en coproduction avec la Bayerische Staatsoper, ouvre la saison le 25 septembre pour 7 représentations jusqu’au 17 octobre, dans la mise en scène décoiffante de Calixto Bieito, et sous la direction du directeur musical Edward Gardner, avec Emma Bell (Leonore) et Stuart Skelton (Florestan). Le  chant anglo-saxon étant bien représenté dans les opéras du monde, pas de difficulté à afficher des chanteurs de réputation internationale pour chanter le répertoire en anglais.
Du 30 septembre au 6 novembre, Die Fledermaus, autre nouvelle production dirigée par Eun Sun Kim et mise en scène de Christopher Alden pour 11 représentations avec Tom Randle, Julia Sporsén, Jennifer Holloway et Edgaras Montvidas. Une coproduction avec la Canadian Opera Company de Toronto.
14 représentations de Madama Butterfly, une grande reprise de cette coproduction avec le MET mise en scène de Anthony Minghella reprise par Sarah Tipple, et dirigée par Gianluca Marciano et Martin Fitzpatrick avec Dina Kuznetsova ou Mary Plazas (Cio-Cio San), Timothy Richards (qui appartient à la troupe de la Komische Oper de Berlin) ou Gwyn Hughes Jones (F.B. Pinkerton).
Une nouvelle production qu’on verra à Aix en Provence et à Amsterdam, Die Zauberflöte (The Magic Flute) dans une mise en scène de Simon McBurney, dirigée  par Gergely Madaras avec Ben Johnson (Tamino), Devon Guthrie (Pamina), James Creswell (Sarastro) pour 12 représentations du 7 novembre au 7 décembre.
Une reprise de Satyagraha de Philip Glass, en coproduction avec le MET, mise en scène de Phelim McDermott (le chef n’est pas encore connu) pour 6 représentations du 20 novembre au 8 décembre avec Alan Oke (M. K. Gandhi), Janis Kelly (Mrs Naidoo). Je l’ai écrit plus haut: les représentations d’opéra contemporain doivent faire l’objet de reprises, pour s’imposer dans une normalité que les seuls moments de création ne permettent pas.
Autre reprise magnifiquement distribuée, Peter Grimes de Benjamin Britten dirigée par Edward Gardner, mise en scène de David Alden en coproduction avec De Vlaamse Opera, l’Opera de Oviedo et la Deutsche Oper Berlin, avec Stuart Skelton (Peter Grimes), Elza van den Heever (Ellen Orford), Iain Paterson (Balstrode) et aussi Felicity Palmer (Mrs Sedley). 8 représentations à partir du 29 janvier et jusqu’au 27 février. Vaut le voyage!!
Une nouvelle production qui va succéder à la légendaire production de Jonathan Miller, du Rigoletto de Verdi pour 11 représentations du 13 février au 14 mars, dirigée par Christopher Alden, et dirigée par Graeme Jenkins avec Quinn Kelsey (Rigoletto), Barry Banks (Duke of Mantua), Anna Christy (Gilda), Peter Rose/Matthew Treviño (Sparafucile) et même Diane Montague (Giovanna).
8 représentations de Rodelinda de Haendel, très populaire en Grande Bretagne, pour 8 représentations dirigées par Christian Curnyn (on le verra aussi à Francfort) et mise en scène par Richard Jones, en coproduction avec le Bolshoï (entre le 28 février et le 15 mars) avec Rebecca Evans (Rodelinda), Iestyn Davies (Bertarido), John Mark Ainsley (Grimoaldo).
Dans un espace extérieur new look l’Ambika P3, près de Regents Park et le célèbre Madame Tussaud’s, Powder Her Face, création de Thomas Adès, dans une mise en scène de Joe Hill-Gibbins (le chef n’est pas encore connu).
Une création mondiale en coproduction avec l’Oper Bonn, Thebans, variation sur l’histoire d’Œdipe  mise en scène de Pierre Audi, et dirigée par Edward Gardner pour 8 représentations à partir du 3 mai 2014,  avec notamment Roland Wood (Oedipus), Peter Hoare (Creon), Julia Sporsén (Antigone), Matthew Best (Tiresias).
Mozart (Così fan Tutte) est à l’honneur par cette nouvelle production mise en scène par Katie Mitchell (à qui l’on doit Written on skin de George Benjamin) et dirigée par Ryan Wigglesworth, compositeur en résidence à l’ENO, et jeune chef de 34 ans, en coproduction avec le MET, et pour 12 représentations à partir du 16 mai 2014 avec la distribution suivante assez correcte: Kate Valentine (Fiordiligi), Christine Rice (Dorabella), Norman Reinhardt (Ferrando), Marcus Farnsworth (Guglielmo), Roderick Williams (Don Alfonso), Mary Bevan (Despina).
Voilà un événement, qui confirme l’amour des britanniques pour Berlioz, une nouvelle production de Benvenuto Cellini (qu’on vit à Bastille dans une mise en scène de Denis Krief au début des années 90, qui ne figure pas dans l’archive Memopera du site de l’Opéra et qui ne fut jamais repris…) mise en scène par le cinéaste britannique (né aux USA) Terry Gilliam, ancien des Monty Python. Dirigée par Edward Gardner, et coproduite par De Nederlandse Opera. La distribution comprend Michael Spyres (Benvenuto Cellini), Corrine Winters (Teresa), Pavlo Hunka (Balcucci), Nicky Spence (Francesco), Paula Mirriny (Ascanio), Willard White (Pope Clement VII), Richard Burkhard (Fieramosca), et sera affichée pour 8 représentations à partir du 5 juin 2014. Même en anglais, vaut le voyage pour la rareté.
A partir du 16 juin, et pour 9 représentations, une reprise des Pêcheurs de perles (The Pearl Fishers) dans la mise en scène de Penny Woolcock , cinéaste et metteur en scène britannique élevée en Amérique du Sud et revenue en Grande Bretagne en 1970, on lui doit la mise en scène de Doctor Atomic au MET dont il reste un DVD, et dans les beaux décors de Dick Bird. Le cast inclut Sophie Bevan (Leila), John Tessier (Nadir), George von Bergen (Zurga). Chef non encore connu.
Enfin dernière production de l’année, à partir du 29 juin et pour trois soirs, River of Fundament, de Jonathan Belper, mis en scène par Matthew Barney, inspirée d’un roman de Norman Mailer “Ancient evenings”, un projet du Manchester International Festival (MIF) initié en 2007 et qui mélange cinéma, sculpture, opéra autour d’éléments mythologiques de l’Egypte ancienne.
On le voit, une programmation diversifiée, faisant largement appel à la dernière génération de metteurs en scène britanniques, adossée aux grands standards du répertoire, mais avec des œuvres contemporaines créées ou reprises (Thebans, Powder her face, Satyagraha et River of Fundament) et des raretés (Benvenuto Cellini). Si vous allez à Londres, ne vous focalisez pas sur Covent Garden et prenez toujours garde à ce que l’ENO affiche, c’est toujours intéressant, et même quelquefois plus stimulant que le grand frère ROH, comme cette prochain saison, témoignage de la vitalité de l’art lyrique outre Manche, où les théâtres subventionnés sont aussi alimentés par une école de chant et une école musicale très actives, d’une très grande vitalité, d’où il sort régulièrement des chefs et des chanteurs de toute première importance.
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Une image des Pêcheurs de Perles

OPÉRAS EN EUROPE ET AILLEURS 2012-2013 (1) : SPECTACLES A RETENIR – LONDRES, NEW YORK

“Wandern”, randonner à travers les opéras ici et ailleurs est l’activité typique du Wanderer. Même si les saisons sont déjà entamées, il reste suffisamment d’occasions de voyager jusqu’en juin-juillet 2013 pour pouvoir profiter des offres des différentes salles d’opéra en Europe ou ailleurs. J’ai essayé dans mes indications de classer à la fois par aire géographique, mais aussi par “style” de production dans les différents théâtres. Il est clair que les lecteurs curieux de “Regietheater” iront plutôt du côté d’Amsterdam, Madrid, Bruxelles ou Berlin, ceux qui au contraire y sont plutôt réfractaires iront plutôt vers Rome, Valencia, Florence. Ceux qui aiment les grandes distributions avec un spectacle moderne, mais encore sage, iront vers New York ou Londres, et ceux curieux d’œuvres inconnues très liées à un répertoire national chercheront du côté de Budapest, Moscou ou Saint Petersbourg. A chacun ses préférences, mais si l’on va quelque part dans le but de voir un opéra, autant aller vers ce que l’on n’a pas chez soi.

Londres et New York ont en commun de proposer une large palette de productions soignées, modernes mais encore sages, comme je l’ai dit, avec des distributions souvent de très haut niveau. New York cependant est moins regardant sur les chefs, plutôt de solides chefs de répertoire, comme Maurizio Benini ou Marco Armiliato, que des grands chefs de renom international comme Daniele Gatti (qui dirigera tout de même Parsifal). Au contraire, le Royal Opera House (Covent Garden) de Londres propose des chefs au plus grand relief, au premier rang desquels le directeur musical Antonio Pappano, qui dirige presque tous les Verdi, le jeune et très talentueux Robin Ticciati, ou George Benjamin.

La scène du MET

Qui va à New York traverse rarement l’Atlantique seulement pour voir une production d’opéra, mais la programmation du MET est riche (28 productions, voir le site), et affiche toujours son lot de grands chanteurs, dans des productions soignées, notamment au Printemps 2013, très riche: on pourra cette année revoir le Ring de Wagner (Avril-Mai), dirigé par Fabio Luisi, dans une distribution moins attirante que l’an dernier parce que sans Bryn Terfel (remplacé par Marc Delavan), sans Eva-Maria Westbroek (remplacée par Martina Serafin que je n’aime pas beaucoup), sans Jonas Kaufmann (remplacé par Simon O’Neill), en mars -avril,  il y aura aussi une Traviata, dirigée par Yannick Nézet-Séguin dans la célèbre production salzbourgeoise  de Willi Decker, avec Diana Damrau (qui ouvrira dans ce rôle la saison 2013-2014 de la Scala), Saimir Pirgu dans Alfredo et surtout Placido Domingo dans Germont . Si Eva-Maria Westbroek ne sera pas dans le Ring, elle sera en mars à l’affiche d’une reprise de la vieille production de Piero Faggioni de Francesca da Rimini de Zandonai, dirigée par Marco Armiliato avec Marcello Giordani , tandis que Natalie Dessay sera la vedette d’une nouvelle production de David McVicar de Giulio Cesare de Haendel, dirigée par Harry Bicket.

La façade du MET

D’ici la fin de l’année, on pourra voir aussi Les Troyens (en décembre 2012), dirigés par Fabio Luisi avec certes la Didon de Susan Graham et la Cassandre de Deborah Voigt mais avec Marcello Giordani (encore lui!)- pas vraiment le type de ténor souhaité pour Énée- et dans une production moyenne de Francesca Zambello, il est encore temps de découvrir la création de Thomas Adès, dirigée par le compositeur, The Tempest, avec le grand Simon Keenlyside, dans une mise en scène spectaculaire de Robert Lepage, qui, on l’oublie souvent, a beaucoup travaillé Shakespeare (jusqu’au 17 novembre).
Mais l’événement de l’année, la production qui vaudra à elle seule la traversée de l’Océan, est Parsifal, dirigé par Daniele Gatti dans la production vue à Lyon l’an dernier de François Girard, en février -mars 2013 avec Jonas Kaufmann dans le rôle du chaste fol, Katarina Dalayman dans Kundry (bon, quand on n’a pas ce que l’on aime, il faut aimer ce que l’on a), et l’Amfortas de Peter Mattei, le Klingsor d’Evguenyi Nikitin, et le Gurnemanz de René Pape: une distribution presque inégalable aujourd’hui.

 

La scène du Royal Opera House Covent Garden

Londres est incontestablement plus facile à rejoindre, même s’il n’est pas forcément plus facile d’obtenir des billets à prix raisonnables. Mais la présence d’Antonio Pappano comme directeur musical, un chef qui dirige (bien) tant Verdi que Wagner, et qui dirige beaucoup au pupitre du Royal Opera House est une garantie pour le spectateur.

Dans les prochains mois, on peut noter tout d’abord en décembre Robert le Diable, de Giacomo Meyerbeer, dans une mise en scène de Laurent Pelly, dirigée par Daniel Oren (hum…je n’ose dire hélas), un chef qui connaît ce type de répertoire, et parfait technicien, mais au son souvent fracassant (enfin…pour Meyerbeer!), avec Bryan Himel et Marina Poplavskaya, Nicolas Courjal et John Releya, c’est à dire une jolie distribution. En janvier pour les curieux une reprise du dernier opéra(2008) de Harrison Birtwistle The Minotaur dirigée par Antonio Pappano dans une mise en scène de Stephen Landgridge, en février un  Eugène Oneguine très prometteur, dirigé par Robin Ticciati dans une nouvelle mise en scène de l’actuel directeur du Royal Opera House Kasper Holten (très critiqué à Berlin pour son Lohengrin) avec une très solide distribution, Krassimira Stoyanova,  Pavol Breslik et surtout Simon Keenlyside, qui vaut sans doute à lui seul le voyage. En mars, George Benjamin dirigera son opéra Written on skin dans la production de Katie Mitchell vue à Aix, avec comme à Aix  la magnifique Barbara Hannigan et Bejun Mehta. Notons en mars avril une nouvelle production de Nabucco, de Verdi, en coproduction avec la Scala, dirigée par Nicola Luisotti, mise en scène par Daniele Abbado (fils de…) avec l’inusable Leo Nucci, Liudmyla Monastyrska, Vitalij Kowaljov, et le jeune ténor Andrea Caré, remarqué à Genève dans Macbeth, mais voilà, Nabucco fin avril, c’est Placido Domingo, et là c’est plein, mais tentez la liste d’attente.

Façade de Covent Garden

En mai, un must: Don Carlo de Verdi dirigé par Antonio Pappano dans une reprise de la mise en scène indifférente de Nicholas Hytner, mais avec un cast d’exception: Jonas Kaufmann, Anja Harteros, Christine Rice, Ferruccio Furlanetto, et Mariusz Kwiecien, en mai-juin autre must, connu des parisiens, La Donna del Lago avec le trio habituel Juan Diego Florez, Joyce di Donato, Daniela Barcellona dans une production de John Fulljames et dirigé par Michele Mariotti et en juin, un opéra moins connu de Benjamin Britten pour son centenaire, Gloriana, qui retrace les amours d’Elisabeth 1ère et de Robert Devereux dans une mise en scène de Richard Jones, et dirigée par Paul Daniel, avec Susan Bullock dans Elisabeth, Toby Spence dans Devereux et Kate Royal dans Penelope, cela vaudra le voyage, et une reprise de Simon Boccanegra dans la vieille production de Elijah Moshinsky, dirigée par Antonio Pappano avec Thomas Hampson dans le doge.En juillet (au milieu de représentations de Tosca et Rondine de grande série) deux Capriccio de Strauss en version de concert dirigés par Andrew Davis avec Renée Fleming naturellement, et surtout Christian Gerhaher en Olivier, Joseph Kaiser en Flamand, Peter Rose en La Roche et Bo Skovhus en Comte. Pour une virée d’été à Londres, cela doit valoir le coup.

La salle de l’ENO

Mais à Londres, il y a aussi l’ENO (English National Opera) qui est à Londres ce que la Komische Oper est à Berlin, l’opéra plus accessible en langue anglaise, qui se permet, comme la Komische Oper en moins radical cependant, des mises en scènes plus ouvertes qu’à Covent Garden (comme le Don Giovanni en reprise cette année en octobre-novembre dans la production de Rufus Norris qui fit beaucoup parler d’elle en 2010 dirigée par Edward Gardner avec l’excellent Iain Paterson dans Don Giovanni). Les réalisations de l’ENO sont toujours d’un niveau très respectable musicalement, et donnent l’occasion d’entendre des voix intéressantes issues du monde anglo-saxon, soit des jeunes à découvrir, qui feront les distributions des grandes scènes de demain, soit des chanteurs connus, qui reviennent à l’ENO pour une production ou l’autre (comme justement Iain Paterson). Même chose pour les chefs, qu’on voit souvent dans les scènes européennes, comme Edward Gardner le directeur musical .
C’est aussi un lieu où l’on peut découvrir le répertoire anglais moins connu, comme pendant tout ce mois de novembre The Pilgrim’s Progress de Vaughan Williams, dans une mise en scène de Yoshi Oida et la direction de Martyn Brabbins, qui a dirigé l’an dernier à Lyon L’Enfant et les sortilèges de Ravel et Der Zwerg d’Alexander von Zemlinsky.
En novembre et décembre une nouvelle(?) production de Carmen de Calixto Bieito qui promène cette Carmen de Barcelone à Venise en passant par Bâle et maintenant Londres, bel exemple de commerce international, dirigée par Ryan Wigglesworth avec Ruxandra Donose  en Carmen et Adam Diegel en Don José.
Autre nouvelle production plutôt aux couleurs du Regietheater, en février et mars, La Traviata, de Verdi dans une mise en scène de Peter Kontwitschny et dirigée par Michael Hofstetter avec notamment Anthony Michaels-Moore en Germont. A la même période, la Médée de Charpentier (Medea en version anglaise) mise en scène de David McVicar et dirigée par Christian Curnyn, avec Sarah Connolly en Médée est loin d’être négligeable. En avril, une création, The sunken Garden, du hollandais Michel van der Aa, élève de Louis Andriessen, dirigée par André de Ridder et mise en scène par Michel van der Aa avec Roderick Williams en coproduction avec le Toronto Luminato Festival, l’Opéra de Lyon, le Holland Festival et le London’s Barbican Centre; en mai un nouveau Wozzeck dirigé par Edward Gardner et mis en scène par Carrie Cracknell ainsi en juin qu’une coproduction avec le Teatro Real de Madrid (qui fera la création mondiale le 22 janvier 2013 dirigée par Dennis Russell Davies) de l’opéra de Philip Glass The perfect American, sur la dernière année de Walt Disney, avec Christopher Purves en Walt Disney dans une production de Phelim Mc Dermott et dirigée à londres par Gareth Jones.  Enfin en juin également  une reprise du magnifique Death in Venice de Britten dans la mise en scène de Deborah Warner, dirigé par Edward Gardner avec John Graham-Hall.

Facade du London Coliseum, siège de l’ENO

En lisant ce programme, et en le comparant avec celui du ROH, on voit immédiatement où l’on défend le futur du genre lyrique et la modernité.

Voilà tout de même quelques belles occasions de passer le channel, en mer ou en tunnel (et même dans la journée quand il y a des matinées) . Pour mon choix ce serait  Eugène Onéguine pour la jouissance de cette merveilleuse musique, et pour Keenlyside, Medea de Charpentier à l’ENO pour Sarah Connolly et David McVicar, Don Carlo au ROH pour le cast, et pour Britten Gloriana  au ROH et Death in Venice  à l’ENO qu’on peut voir à la même période ,  et enfin, last but not least The Pilgrim Progress, The sunken Garden, A perfect American à l’ENO pour la curiosité.

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ENGLISH NATIONAL OPERA, LONDON COLISEUM 2009-2010: RIGOLETTO de Giuseppe VERDI (17 octobre 2009)

 

 

Dans les années 70, on a beaucoup discuté de l’avenir de l’Opéra Comique, laissé en friche, après la réforme de l’Opéra voulue par Jacques Duhamel, et l’argumentaire se référait très souvent à l’exemple de Londres, où le Royal Opera House de Covent Garden est l’opéra “haut de gamme”, alors que le Coliseum, ex Sadler’s Wells, aujourd’hui English National Opera joue celui d’opéra populaire, où toutes les œuvres sont données en anglais et où les compagnies sont formées souvent d’artistes jeunes qui pour la plupart font ensuite de solides carrières internationales. La très belle salle du Coliseum, impressionnante avec ses ors et ses statues de la fin du XIXème reprenait justement en ce début de saison une production de Rigoletto de Jonathan Miller, qui avait beaucoup fait discuter à l’époque de sa création en 1982, qui transpose l’action dans la Little Italy un peu mafieuse des années cinquante. La curiosité m’a conduit à aller voir ce spectacle, 27 ans après sa création, pour constater qu’il n’a pas vraiment vieilli, et que la transposition fonctionne, avec une  logique encore plus effrayante que celle de la version traditionnelle (située dans la Mantoue de la Renaissance). Il est vrai que les rivalités entre les clans et les luttes violentes du Moyen âge et de la Renaissance (voir Romeo et Juliette, ou West Side Story, pour rester à New York) ont laissé en héritage aux générations futures du sud de l’Italie cette culture du clan qui a abouti à la perversion mafieuse. L’intrigue de Rigoletto se prête bien à la transposition: un prince et des courtisans à sa botte qui peuvent se glisser dans les habits du boss  et de ses affidés, des trafics louches et des violences à l’ombre du boss/prince, des violences sur des familles réticentes (Monterone), les tueurs à gage (Sparafucile), ajoutons les ruelles mal famées et les lieux de rencontre des clans (bars, salles de réception dignes du « Parrain » de Coppola), tout cela fonctionne à merveille et rend parfaitement justice à l’œuvre.

La distribution rassemblée pour cette reprise est très homogène, dominée par le Rigoletto émouvant de Anthony Michaels-Moore, à la voix puissante, à l’interprétation intense, qui en fait un des titulaires intéressants du rôle. A l’heure où l’on ne trouve pas de successeur à Leo Nucci, voilà un excellent candidat à la succession, même si sa carrière est déjà longue: c’est une véritable incarnation,  il n’en fait pas un personnage caricatural et ne surjoue jamais comme cela peut être le cas dans ce rôle.  Le duc de Mantoue est confié au jeune ténor Michael Fabiano, physique avantageux, voix claire, bien posée, affirmée même; il campe un personnage crédible et l’interprétation est bien maîtrisée, voilà une voix à suivre, qui me semble prête à aborder de grands rôles du bel canto romantique. Un peu en retrait, la Gilda de Katherine Whyte, qui comme Michael Fabiano faisait ses débuts londoniens. La voix est claire, mais manque de la puissance voulue pour les grandes scènes dramatiques, trop petite pour l’immense salle du Coliseum, trop grêle encore pour aborder le rôle, même si le chant est contrôlé. A noter dans la distribution l’impressionnant Sparafucile de Brindley Sheratt, un nom à retenir, voix somptueuse, timbre velouté, puissance, une belle surprise.
La déception vient de la direction de Stephen Lord (débuts à l’ENO) le chef du St Louis Opera, routinière, manquant de nerfs et d’énergie, très conforme sinon conformiste, et pour tout dire ennuyeuse, dès le départ, des lenteurs, des étirements, même quand la scène était vibrante et électrique.

Une très bonne soirée tout de même! Ah! j’oubliais, c’était évidemment en anglais, comme m’avait averti la dame du box office (mais je le savais), et ce n’était pas trop gênant, tout a fonctionné car l’anglais dans Little Italy, c’est -aussi- la langue du pays…