OPERA NATIONAL DE PARIS 2015-2016: LEAR de Aribert REIMANN le 23 MAI 2016 (Dir.mus: Fabio LUISI; Ms en scène: Calixto BIEITO)

Lear (Bo Skovhus) Cordelia (Annette Dasch) ©Elisa Haberer
Lear (Bo Skovhus) Cordelia (Annette Dasch) ©Elisa Haberer

J’ai coutume d’ironiser sur les retards de l’Opéra de Paris en matière de créations, mais pour cette fois je me tairai, puisque Lear, d’Aribert Reimann, créé pour Dietrich Fischer-Dieskau en 1978, a été créé en France (et même en version française !) en 1982 au Palais Garnier dans une production de Jacques Lassalle et Yannis Kokkos, jamais reprise depuis. Stéphane Lissner fait d’une pierre deux coups avec cette nouvelle production, d’une part il crée la version originale allemande, et d’autre part il ouvre enfin Paris à l’espagnol Calixto Bieito, scandaleusement ignoré des scènes parisiennes alors qu’il écume les scènes européennes depuis une vingtaine d’années.

En confiant la direction musicale à Fabio Luisi, Lissner a surpris, car Luisi est plus connu à Paris pour le répertoire italien que germanique ou contemporain, même s’il  est l’un des chefs au répertoire le plus large, puisqu’il a passé la moitié de sa carrière à diriger tous les grands standards allemands et italiens en Allemagne, en Suisse et en Autriche ; c’est son statut de premier chef invité au MET, où il a remplacé James Levine malade, notamment pour le Ring de Lepage, qui l’a « lancé » sur le marché lyrique des chefs de premier plan ; Il est aujourd’hui directeur musical à Zürich et à Gênes (il est génois) et a renoncé à ses fonctions substitutives au MET, pour prendre les rênes de Florence. Il serait arrivé à la Scala si Pereira avait suivi les envies de l’orchestre. C’est en effet un chef solide, aimé des orchestres par sa connaissance approfondie des partitions, par sa technique qui garantit une grande sécurité, mais qui n’a pas la réputation d’être « imaginatif », ce qui est injuste. Ses Wagner new-yorkais n’étaient pas médiocres, très loin de là.

Enfin Lissner réunit une distribution enviable, avec trois sopranos importants, Ricarda Merbeth (Goneril), Erika Sunnegårdh (Regan) et Annette Dasch (Cordelia), le contre-ténor Andrew Watts, le ténor Andreas Conrad, Lear étant confié à Bo Skovhus, désormais le grand titulaire du rôle du vieux roi sur les scènes internationales. On peut difficilement rêver mieux. Fischer-Dieskau sur scène était un mythe vivant lorsqu’il a abordé Lear, et le public accourait pour le seul désir de le voir à l’opéra, ce qui à l’époque était devenu rarissime. Même lorsque le chanteur a quitté les scènes, Lear a alimenté tout de même de manière plus ou moins continue les saisons des théâtres germaniques.

Le Roi Lear est une tragédie qui s’éloigne des canons shakespeariens, au sens où elle se disperse peu en actions secondaires, et qu’elle n’est que l’histoire d’une déchéance programmée, celle d’un Roi trop confiant, qui n’a rien du Prince machiavélien, de ce Prince vanté aussi par Molière dans Tartuffe (Acte V sc.7) qui est un exposé de qualités que le Roi Lear n’a pas, ce qui montre dès le départ de la pièce, que Lear n’est pas (ou plus) un bon souverain.
« Nous vivons sous un Prince ennemi de la fraude
Un Prince dont les yeux se font jour dans les cœurs
Et que ne peut tromper tout l’art des imposteurs
D’un fin discernement sa grande âme pourvue
Sur les choses toujours jette une droite vue ;
Chez elle jamais rien ne surprend trop d’accès,
Et sa ferme raison ne tombe en nul excès. »
On pourrait faire émerger une définition de Lear en remplaçant bien des mots de ce texte par leurs antonymes. Lors que le rideau se lève, Lear ne correspond plus à la définition du Prince vertueux et n’attend de ses filles que des mots, indépendamment de leur véracité, pourvu que ces mots tressent sa gloire. Le jugement l’a déjà abandonné.
C’est donc l’histoire d’une déchéance à laquelle s’attache Shakespeare. Autour de Lear, un monde de duplicité et de mensonge, qu’il épouse pour chasser la seule expression de sincérité, celle de Cordelia, qu’il est incapable de discerner. Du même coup, tous les personnages positifs sont emportés dans la ruine. Et les mécanismes du pouvoir font le reste, avec leurs abus et leurs cruautés : Lear est peu à peu isolé et chassé parce qu’il ne représente plus ni menace ni pouvoir, encore moins que le dernier de ses ex-sujets.

A priori, on comprend pourquoi aucun des grands projets autour du Roi Lear au XIXème siècle n’a vraiment réussi. La trame est peu « opératique » puisqu’au fond tout est à peu près dit dès les premières scènes et qu’il y a peu de péripéties. Drame d’individualités plus que de situations, Lear n’avait sans doute pas un destin lyrique malgré les envies des uns ou des autres.
Ce qui caractérise le Roi Lear, c’est aussi un certain dépouillement et Calixto Bieito l’a bien saisi, décevant ceux qui pensaient à une mise en scène échevelée et provocatrice. D’abord, aucun spectacle de Bieito n’est provocateur, si l’on considère que l’adjectif gratuit est sous-entendu. Bieito est un analyste des textes et des situations et va jusqu’au bout de leurs possibles, sans jamais en abdiquer la cohérence. Ainsi de cette idée de doubler Lear par un personnage de fou, dépouillé jusqu’à la nudité, corps décharné comme pris au Greco confié à l’excellent Ernst Alisch. Ce qui passionne Bieito, c’est la constatation d’une violence universelle, d’un isolement des êtres, et d’une société presque seulement régie par des rapports de forces. Il en résulte souvent des tensions à la limite du supportable, des images de violence, du sang et du sexe : mais quel autre spectacle s’offre-t-il à nous dans le monde d’aujourd’hui ? Ainsi du Roi Lear, qui n’est que le constat d’une déchéance et d’une déréliction du monde, états et individus. Où les « bons » meurent et les « méchants » triomphent, où le mensonge est l’outil du verbe, et le verbe n’est plus Dieu. Rien n’est racheté à la fin. Le désert des âmes règne dans une désolation de corps difformes, mis à nu, et un désert fait de cadavres, dans un monde étrange entre théâtre de la cruauté et théâtre de l’absurde, quelque part entre Artaud et le Ionesco du « Roi se meurt » .
Comment montrer le désert des âmes, c’est bien l’objet de cette pièce terrible à laquelle Aribert Reimann s’est attaqué, pour que le personnage de Lear habille Dietrich Fischer-Dieskau, dans un hiver des âmes, sans voyage autre qu’une errance et qu’un abandon.
La partition de Reimann fait la part belle aux écarts, aux solos de percussions ici placées dans les loges d’avant-scène, au niveau des baignoires, et quasiment dissimulées à la vue du public, mais donnant une sorte de ligne permanente; les cordes, dans la seconde partie surtout, sont particulièrement subtiles, et très sollicitées dans un jeu de clair-obscur que Fabio Luisi réussit à merveille à rendre. Dans l’ensemble, l’orchestre de l’opéra est remarquable, et Luisi, qui est un très grand technicien exalte avec une précision redoutable les rugosités de la partition, qui finit par sonner étrangement « classique », dans un climat tendu, ce qui n’étonnera pas personne vu l’œuvre.
Classique aussi la vocalité qui résume sans doute toutes les couleurs vocales de l’opéra, du contreténor au baryton-basse, et les variations sur la voix de soprano, du dramatique au lyrique, trois couleurs différentes merveilleusement personnifiées par Merbeth, Sunnegårdh et Dasch. Cette dernière, qui reprend un rôle créé par Julia Varady (Madame Fischer-Dieskau à la ville), une voix pleine, qui oscillait entre Donna Elvira (dont elle fut une interprète légendaire) et Abigail (phénoménale sur la scène de l’Opéra Bastille), et qui n’avait aucune difficulté avec ce rôle construit pour elle. Annette Dasch a cette expressivité marquée, avec une voix toujours aux limites (on pense à son Elsa, sur le fil du rasoir elle aussi), mais qui va très bien avec le propos de Bieito et ce personnage fragile, sensible et tendre. Annette Dasch a une sorte de « tendresse tendue » qui rend cette fragilité éminemment prenante et émouvante, même si le chant n’a peut-être pas la richesse d’autres voix, elle a une présence en scène qui saisit le spectateur, d’une manière singulière, elle est à la fois jeune et mûre, fille et mère, comme le souligne la figure de pietà michelangelesque que Bieito compose à son retour vers son père, une figure maternelle guidant un père que la raison a abandonné.

 Regain (Erika Sunnegårdh) Lear (Bo Skovhus) Goneril (Ricarda Merbeth) Narr (Ernst Alisch) (©Elisa Haberer
Regain (Erika Sunnegårdh) Lear (Bo Skovhus) Goneril (Ricarda Merbeth) Narr (Ernst Alisch) ©Elisa Haberer

Ricarda Merbeth est une Goneril aux aigus triomphants et tranchants, avec des écarts phénoménaux , une expressivité extraordinaire, glaçante, et un jeu particulièrement fort. La couleur, le ton, le jeu tout en fait un personnage totalement opposé à Cordelia, une sorte de soleil noir contre le soleil pâle. Merbeth, qui ne me convainc pas toujours (une voix souvent exceptionnelle, mais une interprétation pour mon goût assez frustre) trouve ici un personnage qui lui va tout spécialement, pour cette fois totalement convaincant et présent.
Erika Sunnegårdh est surprenante de présence : son chant se définit par l’expressivité et la couleur, dans une interprétation très ciselée, particulièrement sarcastique, avec un timbre plus chaud que celui de Merbeth, et un sens de la parole particulièrement travaillé. C’est peut-être des trois sopranos celle que j’ai préférée, avec beaucoup de présence, sans la puissance d’une Merbeth certes mais, un sens de l’insinuation, une ironie marquée, une sulfureuse présence qui m’ont vraiment étonné. Les trois femmes marquent la production dans leurs personnalités contrastées, qui valent bien celles de l’enregistrement d’Albrecht.
Autour de Lear et des trois femmes gravitent des personnages divers, épisodiques, dont certains frappent pour la performance, comme l’Edgar d’Andrew Watts, le contreténor qui réussit à imposer une figure à la fois inquiétante et déchirante, dont la voix (de tête) réussit presque à créer le malaise ; performance exceptionnelle, qui marque la représentation, tandis que Andreas Conrad (Edmund) en très bon caractériste (c’est un Mime excellent), réussit à imposer à la fois l’idée de fragilité, d’inquiétude et de crainte qui habite le personnage. D’ailleurs, l’ensemble des personnages qui entourent Lear sont tous à des degrés divers ballotés entre une vraie faiblesse ou une vraie fragilité, et quelque chose de mystérieux ou de redoutable, par ces faiblesses même, comme l’Albany de Andreas Scheibner ou même le roi de France de Gidon Saks, à la fois noble et faible, du moins tel qu’il est ressenti par la mise en scène de Bieito, ou le Gloster bouleversant de Lauri Vasar, un des artistes les plus solides de l’actuelle génération.
Bo Skovhus est devenu le Lear du moment. L’acteur est tendu et émouvant dans son personnage de roi descendant progressivement aux enfers, personnage à la Ionesco que ne démentirait pas le Béranger 1er du Roi se meurt, comme évoqué plus haut. La voix particulière, opaque, qui semble quelquefois fatiguée (mais l’est-elle vraiment ?) convient tout particulièrement à Lear, une voix dépourvue de la noblesse et de la profondeur qu’avait Fischer-Dieskau, mais qui en revanche gagne en humanité et en déchirement. Bo Skovhus cependant a quelquefois tendance à chanter de manière uniforme des rôles assez différents ; j’ai retrouvé dans ce Lear des accents d’autres rôles, comme Cortez de Die Eroberung von Mexico, voire Schön dans Lulu . J’applaudis la performance, mais je ne suis pas vraiment ému.  Il reste que l’image finale de Lear, assis au bord de scène, restera marquante.

Lear (Bo Skovhus) ©Elisa Haberer
Lear (Bo Skovhus) ©Elisa Haberer

Le chœur masculin (dir.Alessandro di Stefano) est particulièrement attentif aux paroles, même si on l’entend dissimulé derrière les lattes de bois qui forment décor. Quant à Fabio Luisi, inattendu dans ce répertoire, il a conduit l’orchestre de l’opéra avec une sûreté et une rigueur marquées. Il réussit à rendre à la fois toutes les délicatesses de cette musique et même son classicisme, et les écarts, les dissonances, la force, notamment des percussions particulièrement élaborées et distribuées aux marches de l’orchestre. Ainsi, jamais les voix ne sont couvertes, et l’approche est si claire et si transparente que la lisibilité de la musique est totale : l’orchestre de l’opéra, sans aucune scorie, avec une tension remarquée et un engagement total, dans une partition qui allie rudesse et délicatesse, violence et retenue, est tout particulièrement à l’honneur.
Au total, une soirée passionnante, surprenante aussi par certains aspects, qui a été accueillie triomphalement par le public –Reimann, présent et ravi, et  même Bieito, ce qui ne laisse pas d’étonner-, car elle correspond exactement à ce qu’on attend de l’opéra, drame, émotion, tension. Il reste à souhaiter que la production soit reprise dans les saisons suivantes pour s’installer durablement dans le paysage français où depuis les 34 dernières années, elle n’avait pas réussi à s’imposer. [wpsr_facebook]

Décor et ambiance©Elisa Haberer
Décor et ambiance©Elisa Haberer

 

GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE 2010-2011: ELEKTRA de Richard STRAUSS (19 novembre 2010)(ms en scène Christoph NEL, dir.mus Stefan SOLTESZ)

 

elektra-540-2.1290373200.jpgPhoto Grand Théâtre de Genève

Cette Elektra genevoise a de quoi attirer, Jeanne-Michèle Charbonnet dans le rôle titre, et Eva Marton comme Clytemnestre sont des têtes d’affiche non négligeables. Par ailleurs Stefan Soltesz dans la fosse, un habitué des grandes scènes allemandes qui fut notamment assistant  de Karl Böhm était une garantie de qualité. Au-delà du plaisir de réécouter ce qui fut pour moi l’une des grandes émotions de ma vie musicale (avec Nilsson, Rysanek, Varnay et Böhm il est vrai), cette soirée fut seulement passable.
La surprise vient de la merveilleuse Chrysothemis de Erika Sunnegårdh, une voix lumineuse d’une grande pureté, des aigus faciles, une technique de fer, c’est elle indiscutablement qui non seulement est la révélation de la soirée, mais qui en plus domine de très loin les deux autres dames. Pour elle, on ne regrette pas le voyage. Un nom a suivre désormais partout.

On aime Eva Marton pour ce qu’elle fut, une des grandes stars des années « post-Nillsson », que j’entendis notamment dans Elektra, à Vienne avec Abbado, dans l’Impératrice avec Sawallisch à la Scala (une Femme sans ombre bouleversante mise en scène par Ponnelle), et même à Bayreuth dans Tannhäuser. La voix était solide, résistante, mais jamais bouleversante, ni vraiment « animée ». Il en est de même pour sa Clytemnestre, plutôt plate. La voix a des restes encore notables, mais l’interprétation, les inflexions vocales nécessaires sur un texte où chaque mot doit être distillé (écoutons Resnik chez Solti !) restent largement en-deçà de ce qu’on pouvait attendre. Du dialogue de deux monstres qui forme le pivot de l’œuvre, il reste alors bien peu, et c’est dommage.

elektra-614.1290373240.jpgPhoto Grand Théâtre de Genève

Jeanne-Michèle Charbonnet a un jeu très (trop ?) engagé qui n’est pas servi par sa voix, visiblement peu adaptée au rôle : un vibrato très gênant, de vilains aigus, jamais pleins, jamais réussis, des cris. On sait qu’Elektra est redoutable, mais dans cette prestation il n’y a rien de vraiment convaincant. Jeanne-Michèle Charbonnet était une Isolde crédible dans ce même théâtre, et propose en général des prestations de grande qualité, elle est ici une Elektra vocalement à côté, qui peine face à  la voix ensoleillée de sa Chrysothémis. Seul le moment de la rencontre avec Oreste crée une tension réelle, peut-être aussi à cause du très bon Oreste de Egils Silins, et peut-être parce que la musique est plus lyrique et moins sauvage, ce qui convient mieux à la  voix de Madame Charbonnet. L’Aegisth de Jan Vacìk est traditionnel, les servantes du début sont très irrégulières, certaines sont même difficilement supportables.
L’orchestre de la Suisse Romande est plutôt techniquement au point, la direction de Stefan Soltesz est claire et fluide à défaut d’être sauvage et paroxystique, et tout cela reste sans vrai relief.

La mise en scène de Christoph Nel, un metteur en scène habitué des scènes allemandes, (tout comme la costumière Bettina Walter) s’appuie sur l’impressionnant dispositif construit par Roland Aeschlimann, une sorte de forteresse fissurée à l’esthétique très Bauhaus qui ne cesse de tourner sur elle-même. L’espace interne n’est qu’entrevu (un bureau, une lampe) mais jamais utilisé. Le drame se joue à l’extérieur (l’histoire du mythe est évoquée plusieurs fois) et on sent bien qu’à l’intérieur se joue une histoire sanglante par des images fortes de cadavres qui sortent des fenêtres,  mais aucune dialectique intérieur/extérieur n’est lisible, alors qu’Elektra est structurellement DEHORS, et les autres structurellement DEDANS. L’espace en effet ne structure pas le jeu et devient essentiellement décoratif, alors que l’on aurait pu s’appuyer sur la hauteur, les dessous, le centre. Ainsi on se fatigue vite de ce tourniquet incessant qui très rapidement n’apprend plus rien sur l’œuvre Les costumes assez sobres de Bettina Walter soulignent une sorte de quotidien sans âme, Clytemnestre est vêtue comme une ménagère de plus de cinquante ans, et Elektra en négligé, mais Chrysothémis d’une blancheur candide, presque une mariée ou un ange, frappe incontestablement et montre l’intérêt que le personnage a pu provoquer dans l’équipe de mise en scène.

Il en résulte un spectacle sans vrai caractère, qui, malgré le bain de sang final,  n’a pas la sauvagerie animale d’autres mises en scène (Kupfer, Friedrich) ou qui n’est pas soutenu par un vrai propos (Dodine à Salzbourg) . Les idées ne sont pas poussées jusqu’au bout, et comme la musique ne suit pas vraiment, on sort avec  Erika Sunnegårdh dans le cœur et l’oreille, et c’est tout.

elektra-867-2.1290373258.jpgPhoto Grand Théâtre de Genève