OPERA NATIONAL DE PARIS 2012-2013 : SIEGFRIED de Richard WAGNER le 3 avril 2013 (Dir.mus : Philippe JORDAN ; Ms en Scène Günter KRÄMER)

Dernière image © Opéra national de Paris/ Elisa Haberer

Avant le Ring compact et complet prévu en juin, qui est malgré tout un événement, puisque l’œuvre n’a pas été présentée en continu à Paris depuis une cinquantaine d’années, l’Opéra présente le Ring en épisodes séparés. C’est au tour de Siegfried, dont j’avais écrit en son temps que dans la grisaille générale de ce Ring, Siegfried était le moins nocif. Pour mémoire, je renvoie le lecteur à ce que j’en avais dit  il y a deux ans dans le compte rendu de la représentation d’alors.
En deux ans, les choses ont plutôt stagné. La mise en scène n’a pas évolué, et si je maintiens que ce n’est pas la pire des quatre épisodes (Götterdämmerung est catastrophique, Walkyrie est irritante), je confirme que ce n’est pas vraiment intéressant ou novateur. Bien sûr il  faut désormais éviter de penser au merveilleux Siegfried de Andreas Kriegenburg à Munich, on ne joue pas dans la même cour, on n’est même pas sur la même planète pour  ne pas accabler celui-ci. Mais  celui de la Scala/Staatsoper Berlin (Guy Cassiers) se défend mieux aussi, même sans idées phénoménales.
Dans la mise en scène, on continue de trouver l’acte deux sans magie, sans idées majeures sinon un didactisme inutile (Fafner comme roitelet, une sorte de Kurtz du roman de Conrad, Au coeur des Ténèbres qui avait inspiré, entre autres, Apocalypse now de Coppola: c’est un trafiquant d’armes puisque la première image est celle de porteurs nus de caisses sur lesquelles est frappé le nom Rheingold, qui contiennent en réalité des armes. Veut-il indiquer par là que l’or lui sert à conquérir le pouvoir? veut-il montrer la puissance maléfique de l’Or?
J’aime pourtant penser que Fafner , de tous, est celui qui ne fait rien de l’Or, une sorte de Picsou passif, assis sur son trésor, qui s’oppose à l’industrieux Alberich ou à Wotan habité par la soif de pouvoir et premier avatar d’un capitalisme naissant (eh, oui! la lecture de Chéreau est toujours d’actualité). Ici, absence de magie, absence de sens clair: une fois de plus, les idées scéniques ne sont pas liées à un propos d’ensemble, ce sont des idées qui s’égrènent sans vrai lien les unes aux autres. Cette mise en scène n’emporte jamais la conviction et j’engage ceux qui rêvent de Ring à aller voir aussi ailleurs si cela leur est possible: Munich cet été ou même la petite cité de Cottbus (100.000 habitants), au Nord de Dresde, qui vient de produire un Götterdämmerung que tous les critiques disent être de très grande qualité, et qui a suscité l’enthousiasme, au moins scéniquement. C’est heureux d’avoir un Ring au répertoire de l’Opéra de Paris, mais pour ceux et notamment les jeunes qui voient leur premier Ring, c’est dommage. Enfin, je veux y voir un encouragement à voyager: après tout j’aime à penser que  tout jeune mélomane est un Wanderer qui sommeille…
Du point de vue de la distribution, nous sommes  en retrait par rapport à mars 2011. Le Wanderer correct d’Egils Silins n’a pas la stature de l’Uusitalo d’alors. Le timbre est beau, le chant est juste, mais froid, les graves manquent de consistance et l’interprétation reste un peu plate  même si le troisième acte semble plus habité notamment dans la scène avec Erda ou avec Siegfried.
L’Alberich de Peter Sidhom reste insuffisant (un peu moins cependant que dans mon souvenir d’il y a deux ans), sa prestation vocale n’est pas passionnante (mais scéniquement il se défend bien) et le duo avec le Wanderer du deuxième acte continue de manquer sérieusement d’intensité musicale. Le timbre ne fascine pas,  la puissance n’est pas vraiment au rendez-vous (je soupire hélas douloureusement en pensant au duo Thomas Johannes Meier/Thomas Konieczny hallucinant de Munich, mais comme dit la Grande Duchesse de Gerolstein “quand on n’a pas ce que l’on aime, il faut aimer ce que l’on a” ): dans un Ring, Alberich doit être à la hauteur de Wotan, et ce n’est pas le cas.
L’oiseau de Elena Tsallagova est très agréable à entendre mais mériterait d’être sur scène et non caché en coulisse: elle pourrait remplacer le mime qui fait l’Oiseau (une sorte de double de Siegfried, en culotte courte et chaussettes) . Quant au Mime de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, il est toujours convaincant scéniquement, un vrai rôle de composition, juste et inquiétant à la fois avec la vraie voix pour le rôle, beaucoup d’expressivité et de couleur.

Erda © Opéra national de Paris/ Elisa Haberer

La Erda de Qiu Lin Zhang qu’elle promène désormais sur toutes les scènes est solide, malgré un vibrato pour moi toujours excessif, et la mise en scène du dialogue Wanderer/Erda n’est pas le pire moment du spectacle, il en résulte un échange intense, musicalement réussi, la voix a du volume et de la présence même si elle bouge un peu. Positif.

Siegfried et Fafner © Opéra national de Paris/ Elisa Haberer

Le Fafner de Peter Lobert est aussi une surprise, c’est un nouveau venu (il y a deux ans c’était Stephen Milling, le Gurnemanz de Salzbourg) et son monologue-avertissement à Siegfried sonne avec bonheur (jolis graves, belle présence vocale).
Autre nouvelle recrue de ce Ring (vue dans Walkyrie et Siegfried) c’est la Brünnhilde de Alwyn Mellor, dans ces quarante redoutables minutes que constituent l’intervention de Brünnhilde dans Siegfried, perchée au milieu de l’escalier monumental à la pente raide, qui pourrait être fatal à tout faux pas motivé par une  envolée trop vécue ou trop allante. Aigus (qu’elle n’a pas) souvent criés (notamment le dernier, préparé avec soin et lancé sans vrai élan), registre central correct mais pas très convaincant au niveau de l’interprétation ou de la couleur: au total, une Brünnhilde quelconque dont la voix convient mal à un vaisseau comme Bastille. Nous n’y sommes pas vraiment, c’est le maillon faible.
Enfin Torsten Kerl: voilà un bon chanteur, attentif et clair dans sa diction, doué d’une belle musicalité mais au volume tout de même moyen et à la projection problématique. Certes, les aigus sont défendus, même dans le chant de la forge (avec quelques menues scories), et l’artiste tient la distance là où d’autres s’épuisent au troisième acte. Il reste que je pense qu’il ne devrait pas chanter Siegfried, ni trop souvent, ni trop longtemps: il est bien plus convaincant dans Tannhäuser ou Rienzi. Il n’est pas un Siegfried pour moi (et dans Götterdämmerung qui demande d’autres qualités et une autre couleur, c’est encore plus vrai) et il prend un risque. J’espère me tromper.
Il reste l’orchestre.
Si Philippe Jordan n’est pas toujours convaincant et souvent accusé d’être peu engagé ou d’être simplement au point, mais jamais vraiment plus, je dois reconnaître  plus encore qu’il y a deux ans, que son orchestre est ce qu’il y a de plus convaincant dans la soirée. Il y a non seulement un évident travail technique: les pupitres sont impeccables, pas de scories, pas de faiblesses notamment dans les cuivres, mais aussi une profondeur nouvelle dans la lecture et l’interprétation à noter: le prélude du premier acte, le chant de la forge, le prélude du deuxième acte, les murmures de la forêt très attentifs à la couleur, pleins de retenue, l’énergie du début du troisième acte et l’accompagnement remarquable du dialogue avec Erda:  j’ai vraiment trouvé que la représentation n’avait vraiment d’intérêt réel que par lui, qui tenait vraiment la colonne vertébrale de l’ensemble (au contraire de l’impression au sortir de l’Or du Rhin il y a deux mois) et maintenait un élan général: il y a une présence de l’orchestre  particulièrement vive et intéressante, et pas du tout l’impression d’interprétation sage et sans caractère qu’on pouvait quelquefois avoir. Pas de vraie magie sonore à la Nagano, mais tout de même une vraie présence et une vraie affirmation.
Alors, ce Siegfried reste peu passionnant, plombé par une vision scénique dépassée, un visuel assez laid (cela  pourrait se comprendre à la limite, dans le monde décrit par Wagner) un plateau correct sans plus, avec des insuffisances (Brünnhilde/Mellor) un manque d’engagement dans l’interprétation (Wanderer/Silins), un chant médiocre (Alberich/ Sidhom) ou inadapté au rôle (Siegfried/Kerl) et de la représentation ne ressort  ni optimisme, ni joie comme ce devrait être le cas (le seul du Ring avec le premier acte de Walkyrie où l’on peut croire à quelque chose) mais simple impression d’ordinaire, même coloré par une direction musicale qui essaie de se convaincre qu’il vaut la peine d’y aller.
Je me souviens de ce que j’ai écrit à l’issue du 25 janvier 2013 à Munich: “Ainsi je répète ce que j’ai écrit au début de ce compte rendu: une soirée mémorable, surprenante, attachante. Un Siegfried qui déclenche un tel enthousiasme et de si nombreux rappels, on n’en voit pas tous les jours.” On va sans doute me reprocher ce rapprochement, mais comment ne pas le faire entre deux maisons comparables? Je ne compare pas Paris et le plus grand Festival existant, mais deux opéras qui font vivre l’art lyrique dans leurs villes respectives . Devinez où est la vie et l’invention? [wpsr_facebook]

Tableau final © Opéra national de Paris/ Elisa Haberer

 

OSTERFESTSPIELE SALZBURG 2013: PARSIFAL de Richard WAGNER le 1er AVRIL 2013 (Dir.mus: Christian THIELEMANN, Ms en scène:Michael SCHULZ)

Acte 1 ©Forster

Couronnement de ce premier Festival de Pâques “post Berliner”, cette production de Parsifal avait été pourtant programmée par Sir Simon Rattle, mal lui en a pris, et Christian Thielemann l’a reprise à son compte, mal lui en a pris aussi. Car alors que les concerts annoncent une ère future moins plate et des moments plus passionnants, cette production est une énorme déception, à bien des niveaux, à commencer par la mise en scène de Michael Schulz, prétentieuse, absconse, inutile. Quand le public paie le prix demandé par le Festival, il y a de quoi être furieux d’avoir à subir pareille punition. Si encore du point de vue musical les choses corrigeaient le tir! Mais ce n’est pas non plus le cas, malgré de bonnes intentions, et une incontestable qualité, cela passe mal: même si évidemment nous sommes à un niveau plus qu’honorable, ce Parsifal ne sera pas mémorable.
La mise en scène de Michael Schulz prétend revenir au religieux . Religieuse la présence d’un Christ dès le début (coincé dans une colonne translucide) puis de deux (celui d’avant et d’après le résurrection) au troisième acte. Religieuse la séparation de l’espace marqué par un grand rectangle central où se situe l’action, espace sacré délimité qui serait ce qu’on appelle dans l’antiquité un “téménos”.

Enchantement du Vendredi Saint ©Forster

Religieuse la présence ce que je suppose être des anges musiciens (ils pourraient être aussi des figurants d’un “Jesus Christ Superstar” quelconque) qui accompagnent Parsifal même (horribile visu!) au royaume de Klingsor.

Acte 2 ©Forster

Religieux l’espace de Klingsor, fait de statues de différents figures religieuses (une Vierge, un Bouddha, et tant de statues grecques ou romaines) avec leurs double colorés suspendus à la verticale (je pensais que ces doubles s’écrouleraient au final du deux…et cela n’a pas lieu…), blanches à l’endroit, colorées à l’envers: l’atelier du sculpteur??
Religieuse enfin la figuration de Kundry en Marie-Madeleine dès qu’elle quitte les habits (assez minables et banals) de la séductrice, elle court après le Christ (ou les Christ) en adorante éperdue.
Deux danseurs accompagnent Amfortas, un peu comme dans le Rheingold de Cassiers, mais on ne comprendra jamais (enfin, je ne comprendrai jamais…) pourquoi ils sont là ( rêves érotiques d’un roi qui aurait dû rester chaste?).
Et puis  des chevaliers vêtus en soldats de Fukushima, ou en extra terrestres, soldats d’un monde de “Day After”?…Et puis un Christ errant, rôdant autour des protagonistes à chaque moment clé, mourant à l’acte III, puis ressuscitant : un autre personnage qui le suit comme son double, vêtu d’un collant noir, qui l’enlève dès que Christ I meurt pour incarner la résurrection en Christ II adoré par Kundry.

Acte 1 Verwandlung ©Forster

Peu d’éléments spectaculaires, des Verwandlungen (transformations) bien peu transformées (colonnes de plexiglas remplies de fumées colorées au I, sorte de grille illuminée type rayons UVA au III, remplie de cadavres et entourée d’animaux sauvages) . Seule idée intéressante, le fait qu’Amfortas et Klingsor soient chantés par le même artiste, deux faces fraternelles et opposées: Wolfgang Koch, même si Amfortas a une tessiture plus grave que Klingsor… et que Koch ne soit pas aussi performant dans Amfortas que dans Klingsor.
Du point de vue de la direction d’acteurs, rien: on s’ennuie ferme, et Johan Botha, qui a une vraie voix, n’a strictement aucune, mais aucune présence, il est totalement inexistant scéniquement (la scène avec Kundry est à ce titre caricaturale). On a l’impression d’une sorte de cérémonie, mais est-elle mystique (Le XXIe siècle sera mystique ou ne sera pas, dit Malraux) ? religieuse? humaniste? Quant au Graal, c’est une boite que vont aller regarder (sniffer?) tour à tour tous les chevaliers pour se redonner de la force.
Les chevaliers sont extérieurs à la cérémonie, rejetés sur les côtés de l’immense plateau, le long de l’orchestre, puis face à terre autour du fameux rectangles: il faut les tergiversations d’Amfortas pour qu’ils osent le franchir.

Acte 2 Filles fleurs ©Barbara Gindl

La scène des filles fleurs est construite pour laisser apparaître des filles fleurs qui quittent leurs robes vaguement fleuries pour une tenue (tunique blanche et cuissardes blanches) de prostituées berlinoises: des hiérodoules, des prostituées sacrées en quelque sorte.
En vous jetant quelques éléments de mise en scène, j’essaie de transcrire l’impression désordonnée et peu lisible qu’elle procure.

Filles fleurs ©Barbara Gindl

Le décor (mais pas vraiment les costumes) d’Alexander Polzin est assez élégant et du moins au départ, il y a quelques jolies images, mais encore faudrait-il que tout cela soit vraiment fondé en sens: on comprend que l’idée est celle d’un théâtre grec (le grosses Festspielhaus est à vision frontale), que orchestre, espaces latéraux et plateau sont une sorte d’espace consacré, essayant d’effacer le quatrième mur, que nous sommes sensés participer à la cérémonie, mais en réalité, le spectateur reste froid et distancié, et surtout, sceptique.
Musicalement cela va évidemment mieux, ce n’est pas difficile d’ailleurs, sans aller vraiment parfaitement.
La distribution est équilibrée, mais sans aucun vrai protagoniste, sans aucune vraie référence: la comparaison avec le Parsifal de New York est à ce titre cruelle car elle montre ce que devrait être une distribution au festival de Pâques de Salzbourg, et par contrecoup ce qu’elle n’est pas, et ce que les distributions et productions ne sont plus depuis pas mal de temps. Aucun artiste ne dépare, aucun n’explose.

Stephen Milling et Johan Botha ©Forster

Stephen Milling en Gurnemanz est  correct, le timbre est beau, mais il fatigue un peu à la fin, si les graves sont beaux, les aigus sont quelquefois tirés, et la diction n’est pas toujours au rendez-vous pour mon goût. Il reste peut-être le plus à sa place, avec Michaela Schuster.

Wolfgang Koch, Amfortas ©Forster

Au contraire de Wolfgang Koch, à la diction parfaite, à la voix d’une belle couleur, au timbre velouté, mais aux graves problématiques dans Amfortas, un Amfortas peu concerné, peu engagé (il est vrai qu’avec une telle mise en scène…), et un Klingsor beaucoup plus présent, beaucoup mieux impliqué, au texte beaucoup mieux interprété (le rôle est aussi un peu plus aigu). Voilà quand même un bon Klingsor, qui fait plaisir à entendre (alors que je me plaignais hier de la rareté des Klingsor convaincants en entendant Wegner à Munich). Ce Klingsor est accompagné d’un double, un personnage nain que d’aucuns ont identifié à sa virilité perdue que Kundry va égorger à la fin de l’acte 2…(hier à Salzbourg, l’imagination était au pouvoir: mais sous les pavés, on était loin loin de la plage!)

Wolfgang Koch, Klingsor ©Forster

Titurel sans reproche de Milcho Borovinov.

Michaela Schuster ©Forster

Michaela Schuster avait ce soir des problèmes à l’aigu, très criés: les aigus de Kundry sont meurtriers. Mais malgré cela, c’est quand même de tous les protagonistes la plus dramatique, la plus concernée, la plus impliquée, la plus présente, et celle qui offre la vision la plus accomplie.
Quant à Johan Botha, la voix est là, claire, affirmée, avec une bonne diction, des aigus présents, sonnants , et donc un ensemble vocal très satisfaisant, si ce n’est que le personnage est totalement absent, des notes magnifiquement chantées, mais bien peu d’engagement, bien peu d’implication, et un comportement scénique totalement inexistant, ce qui gâche l’ensemble et en fait un Parsifal presque sans intérêt un Parsifal transparent, dans son costume un peu ridicule. Dommage.
A cette distribution aux effets contrastés répond un chœur magnifique composé des chœurs du Semperoper de Dresde et de l’Opéra de Munich (surtout les hommes, tout à fait extraordinaires) et un orchestre discutable, non par la qualité intrinsèque de l’orchestre, mais par la manière dont il est conduit par Christian Thielemann.
Christian Thielemann propose une lecture éminemment analytique de la partition. Pas une note, pas un son qui n’échappe à un traitement isolé, particulier, pas un pupitre (notamment les bois) qui n’échappe à son regard acéré, avec une conséquence immédiate: l’orchestre doit être totalement parfait parce que chaque instrument isolé peut livrer quelque défaut, et une autre conséquence pour l’auditeur, celle d’une audition un peu fragmentée, sans legato, sans chaleur, et sans solution de continuité. C’est très marquant au premier acte, moins au deuxième, plus dramatique et plus présent. Au troisième acte la direction de Thielemann m’est apparue analytique comme au premier acte, mais en même temps plus dramatique: il reste que l’engagement n’a rien à voir avec ce que faisait Nagano la veille, notamment dans le prélude ou la Verwandlungsmusik du IIIème acte, stupéfiants à l’orchestre à Munich et ici plus distanciés et plus froids, une direction sous verre et non en prise directe avec le cœur et les émotions, mais une direction hautement pensée.
Le son de l’orchestre, très clair, translucide même contraste avec ce qu’on pouvait entendre jadis dans cette salle avec les Berliner Philharmoniker (avec Abbado en 2002, la mise en scène médiocre de Peter Stein qui avait dit son désintérêt pour l’œuvre, avait aussi plombé une performance musicale d’un haut niveau, mais  la prestation d’ensemble avait été bien plus exceptionnelle à Berlin en novembre 2001 en version semi-concertante, et n’évoquons pas dans cette même salle le Parsifal enchanteur, magique, miraculeux de Karajan), mais, dans une autre direction, le son produit par la Staatskapelle Dresden et la couleur orchestrale sont souvent de très haute qualité, même si le son de Munich la veille avait quelque chose de plus spectaculaire, de plus direct, de plus “animé” au sens propre du terme.
Il reste malgré toutes ces remarques que Thielemann est évidemment un très grand chef: on peut discuter son option, mais on ne peut pas discuter la qualité du résultat, même s’il ne convainc pas. Certains critiques allemands avec qui j’échangeais à l’entracte disaient que ce type d’option convenait à Bayreuth, où la disposition de la fosse permet ensuite au son de se mettre en place et se mélanger, alors qu’à Salzbourg, l’audition est directe, et le son n’a pas l’heur de se mélanger en étant d’abord renvoyé sur la scène, puis dans la salle.
Même si ce Parsifal est ennuyeux, la responsabilité première n’en incombe pas au chef, mais à une production qui plombe d’ensemble, à une distribution qui manque peut-être d’engagement (mais là aussi, la mise en scène a peut-être sa responsabilité), et moins à un orchestre qui reste l’élément le plus convaincant de l’ensemble. Je suis persuadé qu’avec une autre mise en scène, le lien oeil/oreille aurait sans doute été autre.
Je cherche une expression qui corresponde à mon sentiment, à l’expression la plus juste possible de mon sentiment complètement paradoxal: c’est un ratage, mais un ratage sans médiocrité, non empreint d’une certaine grandeur.
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Saluts de toute la distribution le 1er avril

Saluts de l’orchestre et de tous les artistes le 1er avril

BAYERISCHE STAATSOPER 2012-2013: PARSIFAL de Richard WAGNER le 31 mars 2013 (Dir.Mus: Kent NAGANO, Ms en scène: Peter KONWITSCHNY)

Munich, 31 mars 2013

Il y a en cette période de Pâques de bicentenaire Wagner floraison de Parsifal, encore plus que d’habitude,  en terre germanique. Vienne, Munich, Salzbourg, Zürich, Berlin affichent Parsifal en cette période, et bien sûr tous les autres théâtres qui peuvent se le permettre en Allemagne. Il ne vaut donc mieux pas d’annulations en cette période par crainte que le marché ne soit saturé et que le remplaçant soit une denrée rare.
Et pourtant à Vienne, Jonas Kaufmann a annulé toutes les représentations et comble de malheur, Franz Welser-Möst a eu un accident circulatoire pendant la représentation et a été remplacé sur l’heure par un assistant. A Munich, c’est John Tomlinson qui le matin de la représentation était aphone, et le théâtre a dû trouver un Gurnemanz  disponible pour le soir, cela ne court pas les rues, en la personne de Attila Jun, arrivé par le train peu de temps avant le lever de rideau, qui a dû chanter avec partition sur le côté, pendant que Tomlinson jouait le rôle.
J’ai fait une infidélité à Salzbourg pour venir à Munich: on sait mon lien à Parsifal, on sait aussi que depuis le Ring dernier de Munich en janvier, j’ai un intérêt renouvelé pour Kent Nagano. Alors, 130 km ne sont pas pécher Seigneur, et à Pâques, deux Parsifal coup sur coup (car le 1er avril,  tout à l’heure, ce sera Salzbourg) vous assurent un long séjour au Paradis.
Et puis, j’aime l’opéra de Munich, un lieu où l’on se sent bien, une salle magnifique, une acoustique exemplaire, et des spectacles toujours de bon sinon haut niveau. Un vrai théâtre de tradition, qui ne bouge pas à travers le temps, avec ses habitudes (la glace à la vanille aux cerises chaudes) son public assez habillé, ses dames en Dirndltracht, ses messieurs en loden ou en smoking, et toujours beaucoup de jeunes aux places debout. C’était ainsi en 1980, c’est ainsi en 2013.
Ce Parsifal remonte à 1995, au temps de l’intendant Peter Jonas, qui a confié de nombreuses productions notamment wagnériennes à Peter Konwitschny.

Acte 1, cérémonie du Graal (c) Bayerische Staasoper

La mise en scène a vieilli, mais n’est pas inintéressante, axant l’action autour de Kundry, faisant irruption sur un cheval de bois, et jouant avec Parsifal. Le thème en est la rédemption, que tous recherchent (y compris Klingsor), figurée par une Vierge devant laquelle il se prosterne au début du second acte, vierge que l’on avait vu comme Graal au premier acte: un Graal étrange, que Amfortas (Michael Volle) ouvrait dans un tronc d’arbre blanc (une sorte de tronc à la Kaspar David Friedrich (qui deviendra noir au troisième acte) et qui laissait apparaître une Madone avec deux angelots (des servants) qui distribuaient le pain et le vin aux chevaliers…seulement, sous les traits de la  Madone, c’est Kundry!

Acte 2 (c) Bayerische Staasoper

Le meilleur est le second acte, symétrique du premier, avec un Klingsor régnant sur le même royaume que le Graal, où les chevaliers sont substitués par les filles fleurs (même dispositif: un pont montant, même gestes autour de Parsifal que les chevaliers autour de Gurnemanz pendant le récit du premier acte: en bref, construction d’un système d’écho qui n’est pas si incohérent.
Le troisième acte en revanche est bien plat (on dirait du Günter Krämer…), il ne s’y passe pas grand chose, au moins pendant la première partie. La cérémonie du Graal est mieux réglée et plus intéressante, Amfortas se précipitant sur la lance comme pour se suicider, mais la Sainte Lance donne la vie et non la mort et il se fond dans l’anonymat, comme Parsifal d’ailleurs, laissant apparaître une Kundry morte, en habit de Kundry la séductrice, tenant la lance entre ses mains un peu comme une Vierge des Sept Douleurs pendant que descend une colombe dessinée sur une feuille comme un dessin d’enfant,

Rideau de scène (c) Bayerische Staasoper

rappelant le rideau de scène composé de centaines de feuilles en écritures diverses reprenant la phrase “Erlösung dem Erlöser” (Rédemption pour le rédempteur) Motto du Graal.
Dans ce paysage, Amfortas montre sa blessure qui est une castration et dans le même geste Klingor montre la sienne (Furchtbare Not), car tous les personnages vivent la même hantise, cette hantise que Parsifal au départ ne peut comprendre.
Musicalement, la distribution est inégale: Michael Volle en Amfortas affiche son timbre d’une insolente suavité, sa diction exemplaire. la mise en scène l’oblige le plus souvent à chanter coucher ou recroquevillé, et les aigus en pâtissent un peu, il est obligé de les crier ou des les éructer de manière douloureuse voire un peu expressionniste (Erbarmen! au premier acte), il n’a pas la douleur digne et presque définitive d’un Mattei (au MET). Petra Lang en Kundry ne m’est pas apparue au meilleur de sa forme, même si la prestation reste de haut niveau: bonne diction, projection aisée, mais aigus moins triomphants et un peu criés. On l’a entendue meilleure. De John Wegner en Klingsor on ne dira rien de notable: voix engorgée, opaque, sans expression. Il était (un peu) meilleur à Bayreuth dans ce rôle dans la production de Christoph Schlingensief. Là il faut reconnaître que c’est assez pénible. mais les très bons Klingsor sont rares.
Très bon ensemble des Filles Fleurs avec une première FilleFleur splendide, et accompagnée de manière incroyablement suave et suggestive par Nagano.

Les deux Gurnemanz

Gurnemanz, c’est donc Attila Jun, arrivé en catastrophe, qui chante pendant que Tomlinson mime bruyamment les paroles (on l’entend surtout au premier acte siffler et souffler). Au premier acte Attila Jun, qui a un très beau timbre, a pris ses marques, y compris sonores car il est souvent couvert par l’orchestre, et la prestation reste moyenne (on peut le comprendre vu les circonstances). Totalement différent au troisième, où il a dû utiliser le temps du deuxième acte pour relire la partition et répéter, où la voix est mieux posée, où le chant est exemplaire, où la présence est forte. Et Tomlinson enfin silencieux mime si bien que l’on a quelquefois l’illusion que dans ce karaoké scénique sacré, c’est lui chante. D’où des moments musicalement magnifiques en ce troisième acte si ennuyeux dans la mise en scène de l’Enchantement du Vendredi Saint (salle éclairée et c’est à peu près tout).
Du Parsifal de Michael Weinius qui chantait à Munich pour la première fois, il y a peu de choses à dire et c’est plutôt décevant. Arrivé en se balançant sur une liane au premier acte, on se rend compte bien vite que le figurant sculptural sur la liane laisse en réalité place à un vrai Heldentenor aux dimensions respectables, mais à la voix un peu contrasté, peu de médium, inaudible dans les moments les plus doux, peu de grave aussi, et un aigu très assuré (Amfortas! die Wunde! vraiment bien lancé), d’où des moments plats, inexistants doublées d’une diction très moyenne. Son final est vraiment assez problématique.
Au total très gros succès et ovation pour les deux Gurnemanz, pour Petra Lang et succès pour Volle et même pour Parsifal, très bien accueilli: le public est gentil en ce jour de fête.

Kent Nagano et son orchestre

Reste l’authentique triomphateur de la soirée, Kent Nagano, accueilli par la salle en délire. La prestation du chef est exemplaire, référentielle: une direction incroyablement dynamique, contrastée, demandant à l’orchestre de sonner avec un volume d’un étonnante rondeur, ne couvrant jamais les voix, demandant des pianissimi de rêve: on sent que les musiciens le suivent. La précision du geste, l’attention aux détails, les contrastes sonores, tout est là, dans une option qui n’est pas mystique, pas de ralentissements, pas de rythmes alanguis, pas de son ecclésial, mais du souffle, mais de l’énergie, mais du drame plutôt que du mystère. Les “Verwandlungmusik” musiques de transformation sont littéralement sublimes au premier acte, j’ai retrouvé mes émotions d’adolescent découvrant cette musique, et celle du troisième acte est  spectrale, obscure, impressionnante: une des meilleures que j’ai entendues. Le prélude du troisième acte m’est apparu aussi très émouvant, dans son crescendo et sa retenue, quant au second acte, il est exemplaire de théâtralité et de dramatisme. Pour lui et presque seulement pour lui, mais quel moment! Cela valait mille coups de braver la neige, les frimas, les (une) frontière (s): il méritait les cloches de Pâques.
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Acte 1 (c) Bayerische Staasoper

OSTERFESTSPIELE SALZBURG 2013: Christian THIELEMANN dirige la SÄCHSISCHE STAATSKAPELLE DRESDEN le 30 MARS 2013 (HENZE-BEETHOVEN-BRAHMS) avec Yefim BRONFMAN

Concert du 26 mars ©OFS/Matthias Creutzinger

Il faut le confesser, il y a longtemps qu’au festival de Pâques on n’avait pas été à pareille fête. Soyons justes, les concerts du Berliner Philharmoniker avec Jansons ou Mehta étaient très réussis, voire extraordinaires. Presque systématiquement en revanche, ceux dirigés par Simon Rattle manquaient de souffle ou d’intérêt. L’an dernier Das Lied von der Erde, avec les mêmes solistes et le même orchestre qu’avec Abbado un an avant (Rattle suit toujours à un an les programmes d’Abbado, et c’est cruel pour lui) avait été d’un ennui marquant. Et je me souviens il y a quelques années d’une 2ème de Brahms sans aucun intérêt, et même franchement mauvaise. Rattle n’est pas avec Berlin (et c’est paradoxal) aussi intéressant dans le répertoire classique allemand qu’il ne l’était avec le CBSO précédemment. La note pour la note, l’effet pour l’effet (souvent théâtral et souvent superficiel), même au prix d’acrobaties de l’orchestre, mais le cœur vide et l’âme aux abonnés absents. Voilà pourquoi aussi les abonnés avaient chuté d’une manière impressionnante à Salzbourg.
Cette année, effet Thielemann, effet rejet aussi des Berliner après le coup de Baden-Baden, 10% de fréquentation en plus à Salzbourg.
Et ce soir un vrai concert de musique allemande, de Beethoven à Henze, qui nous a convaincus que peut-être, le festival de Pâques avait gagné à ce changement (au moins à ce stade des concerts, et après deux soirées).
Ce fut effectivement un grand moment de musique, un grand moment d’émotion, et la démonstration s’il le fallait que la Staatskapelle est pleinement à la hauteur de l’enjeu.
Dans la pièce de Henze “Fraternité” créée en 1999 pour Kurt Masur et le New York Philharmonic, est un “air” pour orchestre destiné à fêter le nouveau millénaire. Cette pièce remplace la création mondiale de “Isolde’s Tod” prévue, et que la disparition de Henze en octobre 2012 a forcé à annuler. Fraternité est un air pour orchestre et donc présente une sorte de palette totale des possibilités d’un orchestre, en 8 minutes, en un crescendo mélodique qui en même temps est une symphonie de couleurs diverses qui vont être explorées dans un format d’air instrumental, construit comme un air chanté, avec sa partie lente, intime, ses crescendos à l’aigu, et surtout l’exposition totale de toutes les parties d’orchestre, qui laissent jouir de la qualité de chaque pupitre de la phalange de Dresde . Chacun dans sa sphère prend sa part de la mélodie de Henze construite comme une sorte de mélodie infinie qui devrait illustrer l’idéal de fraternité, par les sons et la structure, solidaires les uns des autres, construisant ensemble une mélodie, prenant tour à tour la main dans une perfection technique remarquable, et bâtissant ensemble une sorte de métaphore musicale de la fraternité. Une sorte d’utopie mélodique.
Le 5ème concerto de Beethoven, l’Empereur, est évidemment une pièce de référence du répertoire pianistique. Dès le début, dès la cadence initiale, Yefim Bronfman frappe par la douceur du toucher et la netteté du son en même temps dans un style rien moins que démonstratif, avec une fluidité stupéfiante. Son approche fait passer au premier plan non pas l’énergie superficielle, mais au contraire une sorte de légèreté, faite d’effleurements miraculeux qui provquent immédiatement une grande émotion et une certaine stupéfaction.  En écho, Thielemann, avec une direction très précise, très attentive aux systèmes d’écho entre le piano et les pupitres singuliers – le final avec le dialogue entre le timbalier et le piano (répété le matin même à la demande de Bronfman) est une des moments les plus frappants de cette exécution, où Thielemann fixé sur le piano, adapte sa battue aux mouvements précis du soliste pour mieux conduire le timbalier, il en résulte une sorte de duo étonnant, techniquement parfait, incroyablement lisible dans l’aller/retour pianiste, baguette, qui emporte l’adhésion et provoque l’enthousiasme. Cette construction dialoguée, et enflammée, est un des éléments particulièrement marquants de cette exécution. D’un côté un pianiste toujours élégant, jamais démonstratif, jamais exubérant, et surtout toujours exact, et de l’autre un orchestre au son très “classique”, très structuré, très clair, très énergique, qui lui répond avec une clarté exemplaire, et sans jamais aucune lourdeur, je dirais presque “à la Böhm” . On revient à une interprétation d’ensemble “classique”, et avec une telle perfection et un tel engagement que le résultat ne peut que provoquer chez le public conquis un délirant enthousiasme qui provoque un bis du pianiste, une pièce acrobatique, fluide comme le jeu de l’eau d’une fontaine baroque, à la fois brillante et hyper technique avec un toucher à peine sensible qui provoque néanmoins un son aérien: stupéfiant. Alors évidemment à l’entracte tous proposaient un auteur, car la connaissance de la littérature pianistique même des mélomanes les plus avérés reste limitée: les propositions allaient de Liszt à Schubert, en passant par Chopin et Debussy. Bref, tout le petit monde du piano! Peu importe après tout, mais c’était stupéfiant, notamment la dernière note, comme un envol à peine effleuré, et disparaissant dans les limbes: merveilleux.
J’ai vu un Thielemann bien moins raide que par le passé, bien moins lourd, beaucoup plus net dans ses gestes, attentif au maximum à chaque élément et chaque pupitre, dont la battue tellement lisible qui correspond à la clarté du son de l’orchestre qu’on dirait qu’il y a une bien plus forte osmose entre Dresde et Thielemann qu’il pouvait y en avoir entre Munich et Thielemann, par exemple. Et cela nous permet de redécouvrir s’il est besoin l’extraordinaire qualité de cet orchestre, ce son plein et en même temps non pas léger, mais transparent qui a fait dire à beaucoup qu’il y avait longtemps, dans cette salle, qu’on n’avait pas entendu quelque chose d’aussi convaincant.
Et le Brahms (Symphonie n°4) a fait dire à l’une de mes amies, admiratrice éperdue des Berliner, qui vient chaque année au Festival de Pâques depuis la première année de Karajan,  qu’un tel Brahms, elle n’en avait pas entendu depuis des lustres et qu’il fallait remonter justement à Karajan pour retrouver pareille exécution. Il est vrai que les Brahms récents de Sir Simon Rattle avec les Berliner n’ont convaincu personne.
Ici, nous en sommes tous restés bouche bée. Ce fut la perfection, perfection technique, bien sûr, avec un orchestre dont la clarté, je le répète, permet de remarquer chaque scorie, et il n’y en eut point: une musique où l’on ne recherche pas spécifiquement la beauté du son, mais le relief, mais la monumentalité, mais la dynamique interne une flexibilité étonnante. Le dernier mouvement fut évidemment exemplaire, sans jamais être tonitruant, mais toujours juste dans l’expression et le tempo, référence à Bach dont il s’inspire, mais aussi avec des moments qui renvoient aussi à certaines phrases de Wagner (utilisation des bois, époustouflants de technique, de justesse et d’émotion). Pour ma part j’ai peut-être encore préféré le deuxième mouvement, andante moderato, sublime moment où les couleurs orchestrales sont mises en valeur de manière telle que cela prend presque à la gorge, comme une cantilène élégiaque.
Le premier mouvement, Thielemann le voit d’une couleur grise: il nous a dit en répétition le matin “Connaissez vous Hambourg en novembre? Eh bien, c’est comme le début de cette symphonie” , gris, sombre,  venteux, presque inquiétant. Il en résulte un moment extraordinaire d’intensité, qui nous a donné un Brahms à la fois moderne et engagé, mais avec des couleurs qui rappelaient certains chefs du passé, Sawallisch, Böhm et même Karajan, dont Thielemann fut l’assistant. J’ai suffisamment pensé que Thielemann n’apportait rien de neuf pour me dédire cette fois, ce Brahms surgit peut-être aujourd’hui tout droit de nos rêves et des nostalgies du passé, mais ce classicisme est en réalité une réinterprétation, un regard d’aujourd’hui qui combine passé et présent, en un classicisme moderne qui pourrait bien être LA référence. En tous cas, il y a des années et des années que je n’avais entendu un tel Brahms. Ce fut grandiose et convaincant. Pour les concerts de Thielemann, déjà, ce festival fait référence et a réussi son coup.
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Yefim Bronfman ©Dario Acosta