LA SAISON 2023-2024 de l’OPÉRA NATIONAL DE LYON

Visiblement les temps sont durs à l’Opéra de Lyon. D’abord, on ne peut dire que la municipalité soutienne son Opéra National. On se souvient qu’un des premiers signes de ce soutien fut d’amputer brutalement le budget de l’institution. Un opéra n’est-ce pas, non seulement ça coûte cher, c’est réservé à un public réduit et friqué, et c’est un lieu de culture, donc a priori suspect.
Le contexte local est vraiment brumeux, outre la Mairie, la Région Auvergne-Rhône-Alpes a une politique culturelle proche de l’encéphalogramme plat, et dans l’ensemble le paysage lyrique y est sinistré, entre Clermont-Auvergne Opéra et l’Opéra de Saint Etienne qui font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont, c’est-à-dire pas grand-chose, en l’absence totale de politique régionale concertée ou simplement réfléchie.
Quant à Grenoble, métropole à la vraie tradition culturelle, son activité en matière d’opéra est proche du zéro absolu. Il y a bien sûr Genève, à la politique plus ambitieuse, mais aux tarifs inaccessibles.
Le paysage est sinistré dans la région la plus riche de France après l’Île de France, qui en dit long aussi sur les politiques publiques en matière de lyrique. J’utilise le mot politique, je devrais dire a-politique publique, tant le Ministère de la Culture évite bien soigneusement d’appliquer une politique (il n’en a pas, puisque qu’au plus haut de l’État on s’en moque) préférant gérer ce qui existe sans autre ambition (un mot qui a disparu depuis longtemps rue de Valois) qu’un statu quo. Et en matière de lyrique, malgré les efforts des uns et des autres, c’est un paysage dévasté, parce que le modèle n’est plus adapté.

L’Opéra National de Lyon a longtemps fait figure de leader et de modèle, avec l’Opéra National du Rhin et aussi le Capitole de Toulouse, qui affichent une politique musicale ambitieuse.
Or, coup sur coup, les grèves récentes ont massacré la programmation prévue du Festival 2023, puisque les annulations se sont succédé (y compris trois heures avant le lever de rideau pour l’ouverture du Festival) et un récent communiqué de presse annonce des resserrements budgétaires pour ces derniers mois de saison et la suppression d’une production (avec sans doute les frais d’annulation afférents).
Serge Dorny bénéficiait d’autres temps et d’un soutien sans failles de la municipalité, son successeur Richard Brunel au profil très différent (ce n’est pas du tout un spécialiste du lyrique) n’a pas vu ses débuts facilités et se trouve donc à la peine.
Dans ce contexte a été annoncée la saison 2023-2024 au profil singulier.

Sur les dix productions prévues, on compte deux reprises (Barbe-Bleue d’Offenbach et Brundibár de Hans Krása), une production Dorny qui a été victime de la pandémie (Béatrice et Bénédict de Berlioz), une production venue d’ailleurs (Elias) et pour le reste, quatre productions assez lourdes (cumuler en une saison Die Frau ohne Schatten, La Fanciulla del West, La Dame de Pique et même l’Affaire Makropoulos apparaît un défi, notamment pour l’orchestre).
Au-delà des productions et des distributions, la saison nous semble singulièrement déséquilibrée et lourde pour une salle de 1100 places. Un seul exemple, ouvrir sur Die Frau ohne Schatten jamais joué à Lyon peut sembler une excellente idée, mais où va-t-on mettre les musiciens (rappelons qu’ils n’entraient pas en fosse pour Elektra, sauvée par la mise en scène de Ruth Berghaus qui mettait l’orchestre sur scène) sans réduire l’effectif, ce qui pour cet opéra est non seulement une trahison, mais aussi une absurdité. Femme pour Femme et Strauss pour Strauss, il eût été bien plus intelligent et raffiné d’afficher Die schweigsame Frau (la Femme silencieuse) dont la création en France a eu lieu justement à Lyon (qui s’en souvient ?) et qu’on représente peu (ou pas), plus facile à distribuer et plus adaptée à l’orchestre et à la salle de Lyon et surtout à une tradition de cette maison qui affichait des titres que les autres n’osaient pas, et pas seulement depuis Dorny mais depuis des décennies. Au lieu de ça, on n’a guère que des titres certes séduisants pris un à un, mais sans ligne d’ensemble. Certes, deux titres n’ont jamais été joués à Lyon (Fanciulla del West et Frau ohne Schatten) est-ce une raison pour les afficher la même saison ? Et quand on lit çà et là qu’il s’agit de raretés, on rit sous cape, vu que ce sont des titres joués dans la plupart des grandes salles européennes.

Une saison comme celle de Lyon doit se composer d’une alternance de titres de formats différents, avec une recherche minimale de raffinement, et une ligne, une vraie ligne, et pas un fourre-tout : pour l’intelligence et l’équilibre de la programmation, nous n’y sommes pas.

Octobre 2023
Richard Strauss : Die Frau ohne Schatten
6 repr. du 17 au 31 octobre – (Dir.Mus : Daniele Rustioni/MeS : Mariusz Trelinski )
Avec Vincent Wolfsteiner, Sara Jakubiak, Josef Wagner, Ambur Braid, Lindsay Ammann etc…

On peut admettre que dans une salle aux dimensions moyennes, on n’ait pas besoin de voix immenses, mais la distribution ne fait pas trop rêver. Sara Jakubiak dans l’impératrice, soit mais elle n’est même pas convaincante en Eva de Meistersinger. Vincent Wolfsteiner est souvent appelé pour remplacer les ténors dramatiques souffrants sur les grandes scènes allemandes et j’attends d’entendre Lindsay Ammann en Nourrice qui n’a pas vraiment le format…
Certes, cela va permettre à Daniele Rustioni d’aborder un répertoire qui ne lui est pas familier, en commençant cependant par l’Everest avant le Mont Blanc, et un orchestre qui va découvrir les mille et mille pièges et raffinements de l’œuvre.
Le tout dans une mise en scène de Mariusz Treliński, dont les spectacles vus n’ont jamais convaincus, ni à Aix (L’Ange de Feu tape à l’œil et inutile), ni à Baden Baden (Tristan lourd et sans âme).
Puisque la représentation concertante est Adriana Lecouvreur, il eût été plus facile de distribuer une production d’Adriana Lecouvreur, jamais jouée à Lyon non plus, et de réserver Frau ohne Schatten à la version concertante, ce qui aurait aussi permis une distribution plus convaincante parce que moins chère sur une seule représentation, ou encore de se transférer pour cette série à l’Auditorium,  plus apte à accueillir un large orchestre. La salle avait servi de lieu de repli à l’Opéra pendant la construction de l’Opéra Nouvel (avec des représentations scéniques et non concertantes).

À part la légitime curiosité que m’inspire la direction de Daniele Rustioni, que j’estime beaucoup, il n’y a pas grand-chose à tirer de ce projet à mon avis

Décembre 2023 – Janvier 2024
Félix Mendelssohn : Elias
6 repr. du 17 décembre 2023 au 1er janvier 2024 – (Dir.Mus : Constantin Trinks/MeS : Calixto Bieito )
Avec : Derek Welton, Kai Rüütel-Pajula, Beth Taylor etc
Production du Musiktheater an der Wien (2019)…
Reprise d’une production vue au Theater an der Wien en 2019, qui bénéficiait de Christian Gerhaher en Elias…
Ici Elias sera Derek Welton, excellent baryton en troupe à la Deutsche Oper Berlin, où il est le Wotan du Ring de Stefan Herheim et qu’on a vu en Klingsor à Bayreuth. Aura-t-il l’intériorité et la puissance du prophète, voix de Dieu ? À voir…
En fosse, Constantin Trinks, l’un des très bons chefs de fosse en Allemagne, ce qui devrait être une garantie de qualité. Quant à Calixto Bieito, qualifié par la bonne presse aux ordres de « provocateur », il y a des années qu’il est rentré dans le rang des grands metteurs en scène, sans provocation particulière.

Janvier-Février 2024
Jacques Offenbach : Barbe Bleue
8 repr. du 24 janv. au 4 fév. – (Dir.Mus : James Hendry/MeS : Laurent Pelly )
Avec : Florian Laconi, Christophe Mortagne, Jérémy Duffau, Héloïse Mas, Jennifer Courcier etc…

On aurait plutôt pensé voir reprise cette production souriante de Laurent Pelly pour les fêtes de Noël et réserver Elias au mois de janvier. On aura plaisir à revoir la production lyonnaise et surtout Christophe Mortagne, Héloïse Mas, Jennifer Courcier, survivants de la production de juin 2019. Et on aura plaisir à entendre Florian Laconi. Mais pourquoi diable aller chercher un chef britannique à Hanovre (sans doute valeureux) quand dans ce répertoire on pouvait offrir le pupitre à un jeune chef français ou rappeler Michele Spotti qui a pris beaucoup de bouteille depuis 2019 et qui aurait sans doute pu montrer une direction plus mûrie qu’alors.

 

Mars-Avril 2024
Festival « Rebattre les cartes »

L’expérience apprend que la recherche d’un thème n’est pas forcément chose facile et dépend d’abord, comme l’œuf et la poule, de ce qu’on décide initialement, les œuvres à jouer ou le thème à illustrer.

Quelle que soit la démarche (choix du thème ou choix des œuvres), dans le cas d’un théâtre comme Lyon, qui n’est pas habitué à une alternance serrée de plusieurs titres il s’agit de trouver un équilibre pour assurer aux forces de la maison un confort de travail et une organisation optimale en une période dense. Depuis des années à Lyon la voie choisie était une œuvre lourde avec chœur et orchestre conséquents, une œuvre requérant une distribution plus légère, ou ne demandant pas de chœur important, la troisième œuvre étant décentrée dans un autre théâtre et libérant les forces de l’opéra (Villeurbanne, Croix Rousse).
Avec deux œuvres aussi importantes en effectifs que Fanciulla del West qui demande masses chorales et distribution lourdes (et qui en plus n’a jamais été jouée à Lyon et nécessite pour le chœur un travail d’apprentissage) et Dame de Pique qui n’exige pas moins de participants (certes jouée à Lyon plusieurs fois, mais pour la dernière fois il y a plus de quinze ans…), il semble donc qu’on ait trouvé un mode d’organisation qui ne surcharge pas la maison. Tant mieux.
Il reste que dans la palette subtile que doit être une programmation, ce sont deux grosses machines, certes susceptibles d’amener du public, mais dont la motivation thématique semble fragile. Derrière « rebattre les cartes » on pense évidemment au deuxième acte de Fanciulla et à Dame de Pïque, dont le titre même est indicateur, mais en lisant le texte du programme, se profile derrière ce titre l’idée de femmes qui décident de leur destin, qui convient à Fanciulla, ou à Otages, la création mondiale. Pour Dame de Pique, les arguments développés dans la brochure paraissent bien faibles, à la limite du risible, et montrent aussi par quel jeu d’équilibriste on a essayé de faire rentrer un thème à travers ces choix d’œuvres. Pas très pensé tout cela.

Peut-être serait-il aussi le moment de revoir le format du Festival de Printemps et ses objectifs, pour accueillir un nouveau concept plus conforme aux ambitions et aux moyens actuels du théâtre.
 

Giacomo Puccini : La Fanciulla del West
7 repr. du 15 mars au 2 avril – (Dir.Mus : Daniele Rustioni/MeS : Barbara Wysocka )
Avec : Chiara Isotton, Riccardo Massi, Claudio Sgura etc…

Avec Barbara Wysocka que Lyon aura découverte par la Katia Kabanova de la saison 2022-2023, on a la garantie d’une metteuse en scène qui a des idées et assez rigoureuse. D’elle on connaît notamment Lucia di Lammermoor à Munich, un travail suffisamment réussi et solide pour traverser des années de répertoire et être encore joué régulièrement.
Chiara Isotton est une voix qu’on commence à entendre dans les grands rôles pucciniens en Italie (Tosca par exemple) et l’espace relativement contenu de la salle de l’Opéra de Lyon devrait permettre de mieux se rendre compte des possibilités de cette voix qui il n’y a pas si longtemps était à l’Académie du Teatro alla Scala. À ses côtés en Dick Johnson Riccardo Massi, qu’on commence à voir un peu partout notamment dans des rôles véristes (mais il sera Manrico de Trovatore à Parme pour le Festival Verdi 2023) et Claudio Sgura dans Jack Rance qu’il promène un peu partout avec succès.
En fosse Daniele Rustioni qu’on a pu entendre à Munich dirigeant de manière flamboyante cette œuvre avec un immense succès (avec Kaufmann en Dick Johnson).


P.I.Tchaïkovski : La Dame de Pique (
Пиковая дама)
7 repr. du 16 mars au 3 avril – (Dir.Mus : Daniele Rustioni/MeS :Timofei Kouliabine)
Avec : Elena Guseva, Najmiddin Mavlianov, Elena Zaremba, Konstantin Shushakov etc…
Belle distribution pour cette production de Dame de Pique avec Elena Guseva, bien connue à Lyon depuis Tosca et L’enchanteresse, Najmiddin Mavlianov en Hermann ne devrait pas décevoir, non plus qu’Elena Zaremba en comtesse.
En fosse, de nouveau Daniele Rustioni, aussi présent en 2023 qu’il était absent au Festival 2022, dans un répertoire qu’il connaît bien, pour avoir été dans ses jeunes années à Saint Petersbourg.
La mise en scène est confiée à Timofei Kouliabine, un jeune metteur en scène russe dont on a vu un Rigoletto à Wuppertal, et qui est aussi passé par la Comédie de Valence (mais aussi par le Festival d’Automne et par Genève) au temps où Richard Brunel la dirigeait (Trois sœurs, en langue des signes russe son spectacle le plus connu aujourd’hui). Il est toujours intéressant de découvrir la vigueur de la scène russe dont plusieurs des représentants sont aujourd’hui des stars en Europe occidentale (Tcherniakov, Serebrennikov, Titov) d’autant que la précédente production lyonnaise confiée à Peter Stein, n’avait pas frappé par son originalité ni son génie.

Sebastian Rivas : Otages
6 repr. du 17 au 23 mars – (Dir.Mus : Rut Schereiner /MeS : Richard
Avec : Nicola Beller Carbone
Brunel)(Au théâtre de la Croix Rousse)

C’est l’occasion de découvrir la cheffe Rut Schereiner, née en Argentine, mais qui travaille essentiellement en France, notamment dans le répertoire contemporain, dans une création mondiale du compositeur Sebastian Rivas, né en France aux racines argentines, co-directeur du GRAME-Générateur de Ressources et d’Activités Musicales Exploratoires, installé à Villeurbanne qui est l’un des groupes les plus actifs en matière de recherche musicale. C’est l’occasion de valoriser cette structure (en co-production dans le cadre de la BIME/Biennale internationale des musiques exploratoires) à travers l’un de ses animateurs, qui plus est auteur de plusieurs œuvres scéniques.
C’est Richard Brunel qui assurera la mise en scène, il a en effet déjà monté le texte de Nadia Bouraoui sur lequel s’appuie cette création.
Nicola Beller-Carbone interprétera Sylvie Meyer qui « consent 53 ans durant à l’ordre dans le quel elle est née, jusqu’à une nuit où elle fiche tout en l’air »

Mai 2024
Hector Berlioz : Béatrice et Benedict
7 repr. du 12 au 24 mai – (Dir.Mus : Johannes Debus / MeS : Damiano Michieletto)
Avec : Cecilia Molinari, Robert Lewis, Giulia Scopelliti etc…

C’était l’une des productions victimes de la Pandémie, jouée et enregistrée sans public en Décembre 2020 sous la direction de Daniele Rustioni avec Julien Behr, Ilse Eerens, Michele Losier, Eve-Maud Hubeaux, c’est-à-dire une solide distribution pour une production prévue pour les fêtes.
Il fallait bien reproposer la production, mais cette fois-ci en version apparemment redimensionnée, avec une distribution moins ambitieuse essentiellement adossée aux artistes du Studio à l’exception de Cecilia Molinari, belle artiste qui reprend le rôle de Michèle Losier et à la place de Daniele Rustioni en fosse, Johannes Debus, excellent chef allemand directeur musical de la Canadian Opera Company de Toronto.
La production de Damiano Michieletto que j’ai eu la chance de voir en décembre 2020 en salle, sa première à Lyon, insiste sur des images poétiques dans une sorte de boite à malices musicales.

 

Hans Krása : Brundibar
(Oullins) 3 repr. du 22 au 25 mai
(Saint Priest) 2 repr. du 31 mai au 1er juin
(Dir.Mus : Clément Lonca/ MeS : Jeanne Candel)
Avec : NN
Au théâtre de la Renaissance (Oullins) et au Théâtre Théo Argence (Saint Priest)

Dans une saison sans opéra itinérant ni trop d’opérations hors les murs, pour des raisons de restrictions budgétaires (merci la Mairie de Lyon), c’est une opération qui reprend une production Dorny dans l’Hinterland lyonnais de cet opéra pour enfants de 1938 joué clandestinement d’abord à Prague en 1942 puis au camp de Theresienstadt. La plupart des protagonistes périrent à Auschwitz. Au pupitre le jeune chef lyonnais Clément Lonca, qui a été plusieurs fois assistant à l’Opéra de Lyon et qui est à l’orée d’une carrière de chef d’orchestre qui s’annonce bien.

 

Leoš Janáček, L’Affaire Makropoulos (Vec Makropoulos)
6 repr. du 14 au 24 juin – (Dir.Mus : Alexander Joel/MeS : Richard Brunel)
Avec : Ausriné Stundyté, Peter Hoare, Károly Szemerédy etc…
Distribution intéressante dominée par la grande Ausriné Stundyté et c’est une immense chance pour Lyon de l’entendre en Emilia Marty dans ce qui est l’un des chefs d’œuvres de Janáček, joué à Lyon en 2005 (Mise en scène Nikolaus Lehnhoff).
On peut en revanche douter de la pertinence du choix d’Alexander Joel, chef de répertoire qui n’a jamais brillé pour son originalité. Pour Janáček, c’est d’abord le chef qu’il faut choisir car c’est un répertoire où l’orchestre est déterminant et dans ce cas précis il semble que ce soit une solution de repli. Pour une œuvre aussi importante, c’est plutôt dommage.
La mise en scène sera assurée par Richard Brunel.

Opéra en concert
3 décembre 2023

Francesco Cilea : Adriana Lecouvreur
Dir.Mus : Daniele Rustioni
Avec : Elena Stikhina, Brian Jagde, Misha Kiria, Clementine Margaine etc…
(Auditorium Maurice Ravel, Lyon)
Au TCE (Paris) le 5 décembre 2023

Adriana Lecouvreur est une de ces œuvres que se réservent les stars, la première fut Magda Olivero, impériale, qui en fit son cheval de bataille et l’enregistra même à l’âge de 82 ans… Mais Freni le chanta à la Scala où elle fit crouler la salle et ce fut sa dernière apparition à Paris dans le tout nouvel Opéra-Bastille, au début des années 1990 dans une série de représentations triomphales.
C’est Elena Stikhina qui sera Adriana, comme elle est Aida ailleurs ou Médée (de Cherubini) à Salzbourg. C’est la « grande » voix qui fait tout un peu partout, quelquefois très bien (Lisa à Baden-Baden) quelquefois très mal (Médée à Salzbourg) mais elle plaît aux managers d’opéra, notamment ceux qui sont loin de ce répertoire. Mais souhaitons avoir une belle surprise.
Brian Jagde sera Maurizio di Sassonia, timbre claironnant et artiste à la fois passe partout et fade, qui peut quelquefois faire bien, on se repliera plutôt sur Misha Kiria, jeune baryton très valeureux, en Michonnet, et surtout Clémentine Margaine, superbe mezzo, idéale princesse de Bouillon.

Et puis Daniele Rustioni fera vibrer ce répertoire mal connu en France, dont c’est la première audition à Lyon.

 

Programmation d’appui

À la programmation lyrique qui nous intéresse pour l’essentiel, s’ajoute celle du ballet de Lyon qui a trouvé un titulaire (Cédric Andrieux vient d’en prendre la direction) dans une ville où la danse est très importante, et de nombreux concerts divers, présentant le Studio et ses jeunes chanteurs qui y sont attachés pour deux ans, des concerts de musique de chambre, des récitals de solistes (Renaud Capuçon, violon, Jean-Marc Luisada, piano, Mao Fujita, piano, Kit Armstrong, piano, Alexander Malofeev, piano, Anne Gastinel et Claire Désert en concert violoncelle et piano) et surtout des concerts symphoniques qui marquent le 40ème anniversaire de l’orchestre.

 

 

Concerts symphoniques

À l’instar de celui de Munich qui fête ses 500 ans en invitant ses anciens chefs, L’orchestre de Lyon affiche trois de ses directeurs musicaux, Daniele Rustioni, Kent Nagano, Kazushi Ono (il reste dans la liste Louis Langrée, Ivan Fischer et surtout le premier d’entre eux, John Eliot Gardiner qu’on eût souhaité revoir à cette occasion)

Quatre concerts sont donc programmés :

Orchestre de l’Opéra National de Lyon
Direction : Daniele Rustioni

Le 24 août 2023 au Festival de la Chaise Dieu
Programme :
Mendelssohn, concerto pour violon op.64 (Soliste Francesca Dego)
Wagner, le Ring sans paroles (arrangement de Lorin Maazel)

Le 15 septembre 2023 à l’Opéra de Lyon

Programme :  Les ballets de Tchaïkovski, suites de ballets

 

Direction : Kent Nagano
Le 26 Novembre 2023 à l’Opéra de Lyon
Programme :
L.v.Beethoven
Ouverture Egmont
Ah ! Perfido (Soprano Nicole Car)
Symphonie n°3, Eroica

Direction : Kazushi Ono
Le 12 janvier 2024 à la MC2 Grenoble
Le 13 Janvier 2024 à l’Opéra de Lyon
Le 14 janvier 2024 à l’Auditorium de Dijon

Programme :
Ravel, Le Tombeau de Couperin
Chausson, Poème pour violon et orchestre (violon, Kazimierz Olechowski)
Prokofiev, Roméo et Juliette (Suite)

Enfin un concert du Réveillon aura lieuLe 31 décembre 2023
Au programme non pas les Strauss mais Franz Lehár et Emmerich Kálmán, avec les solistes du studio, ce qui est une excellente idée.
Direction :  Constantin Trinks

Conclusion :
Dans les difficultés que traverse l’opéra en France aujourd’hui, la saison lyonnaise, si elle est exécutée sans accidents, s’annonce tout de même l’une des meilleures qu’on puisse trouver en métropole, malgré les points discutables qu’on y a relevés çà et là.
Après la saison 2022 commencée par un Tannhäuser correct, un Candide discutable et un Moïse et Pharaon anthologique, qui s’est ensuite heurtée à tous les problèmes possibles qui ont gâché le Festival réduit à l’os par les grèves et contraint à la suppression d’une production pour raison financières, on souhaite une saison 2023 plus apaisée.
Mais il faudra tout de même que s’y définisse une politique artistique à la colonne vertébrale plus solide, que la Mairie de Lyon se décide à dire ce qu’elle veut faire vraiment de son opéra, qui semble être un boulet à traîner, et plus généralement que l’État se décide à revoir la situation de l’art lyrique en région et ne pratique pas la politique de l’autruche : il n’est ni normal ni même admissible que la deuxième salle d’opéra de France ait vu sa saison actuelle gâchée par une conspiration de fées carabosses sans que l’État n’ait levé le moindre petit doigt.

 

LA SAISON 2023-2024 de L’OPÉRA NATIONAL DE PARIS

 

C’est la troisième saison d’Alexander Neef à Paris. Cela signifie que désormais un certain nombre de points sont repérables dans sa politique, tant au niveau du répertoire que des distributions.

La maison n’est pas facile, on le sait pour des raisons qui tiennent à son gigantisme, avec ses deux théâtres là où un seul suffirait à n’importe quelle capitale, son corps de ballet pléthorique qui n’a pas vécu des jours si heureux ces dernières années, un public assez peu ouvert et un État qui traine l’institution comme un boulet. À tout cela s’ajoutent les déficits qu’il faut combler depuis le Covid et les grèves.
Visiblement Alexander Neef est un homme discret et résiliant, qui ne s’étale pas dans les médias et qui semble faire régner à l’intérieur de l’institution une ambiance plutôt apaisée, ce qui, compte tenu de l’histoire de la maison, est tout à son avantage.

Les difficultés inhérentes à l’Opéra de Paris ces dernières années n’ont pas vraiment suscité des saisons attirantes, quelques perles sur un tas d’ennui. La Saison 2023-2024 est plus riche de promesses, tant sur le lyrique que sur le ballet, dirigé désormais par José Martinez après l’heureux départ d’Aurélie Dupont.

 

Le lyrique

 

20 productions se divisant comme suit :

8 Nouvelles productions :

  • Adès : The exterminating Angel
  • Bellini: Beatrice di Tenda
  • A. Charpentier : Médée
  • Massenet : Don Quichotte
  • Mozart : Don Giovanni
  • Spontini: La Vestale
  • Wagner: Lohengrin
  • Weill : Street scene (Scène de rue)

12 Reprises :

  • Cilea: Adriana Lecouvreur
  • Donizetti : Don Pasquale
  • Haendel : Giulio Cesare
  • Janaček : L’Affaire Makropoulos
  • Massenet : Cendrillon
  • Mozart : Cosi fan tutte
  • Offenbach : Les Contes d’Hoffmann
  • Puccini : Turandot
  • Ravel : Ma mère L’Oye/L’enfant et les Sortilèges
  • Strauss (R) : Salomé
  • Verdi : Simon Boccanegra
  • Verdi : La Traviata

6 ouvrages en français, 9 en italien, 2 en anglais, 1 en tchèque, 2 en allemand
Parmi eux quatre appartiennent au répertoire des XVIIe et XVIIIe, 9 au XIXe siècle, et quatre au XXe siècle. Prudemment Alexander Neef ne va pas au-delà de 1947 (Street Scene).
Il s’agit de conjuguer goûts du public et une variété suffisante dans la programmation pour défendre une valence culturelle que cette maison doit défendre. Il semble que ce soit assez réussi.

 

NOUVELLES PRODUCTIONS

Septembre-octobre 2023
W.A.Mozart, Don Giovanni
13 repr. du 13 sept au 12 oct – Dir : Alexander Soddy/MeS : Claus Guth
Avec Peter Mattei (A) / Kyle Ketelsen (B) Adela Zaharia (A) / Julia Kleiter(B), Ben Bliss(A) / Cyrille(B)Dubois, John Relyea, Gaelle Arquez(A) / Tara Erraught(B),,Alex Esposito(A)  / Bogdan Talos(B), Guilhem Worms, Ying Fang / Marine Chagnon
Opéra-Bastille

L’Opéra de Paris avait une production de l’époque Mortier tout à fait remarquable qui pouvait durer des années, celle de Michael Haneke crée en 2006. Inexplicablement Stéphane Lissner a voulu une nouvelle production, signée Ivo van Hove, sans aucun intérêt sinon catastrophique en 2019.
Alors Alexander Neef propose une nouvelle production qui n’a de nouvelle que de nom puisqu’elle a été créée à Salzbourg en 2008, c’est-à-dire à peu près contemporaine de celle de Haneke. Signe particulier : c’est sans doute la meilleure production de Don Giovanni qu’on ait fait depuis une vingtaine d’années. Et quand on sait combien l’opéra des opéras est difficile à mettre en scène…
Toutefois, c’est une production qui faisait son effet dans une plus petite salle (au Haus für Mozart de Salzbourg ), ici proposée sur l’immense plateau de Bastille, ce qui laisse supposer qu’elle sera revue.
Musicalement on entendra en fosse Alexander Soddy, le chef britannique qui a fait l’essentiel de sa carrière en Allemagne et Autriche et qui jusqu’à 2022 a été directeur musical au Nationatheater de Mannheim, une baguette dont on dit grand bien.

Et sur scène deux distributions l’une (A) dominée par le couple Peter Mattei/Alex Esposito avec des voix jeunes et intéressantes (Adela Zaharia, Ben Bliss), l’autre par le Don Giovanni de Kyle Ketelsen entouré de Cyrille Dubois, Tara Erraught, Julia Kleiter. Ce qui n’est pas mal non plus. À noter que Peter Mattei était déjà Don Giovanni en 2006 avec Haneke, il y a 17 ans… La mise en scène de Guth devrait fonctionner avec ce Don Giovanni plus mûr…
Aucune hésitation, il faut y courir même si on peut supposer qu’une certaine partie du public recevra l’arrêt d‘autobus de Claus Guth avec des huées, mais à Paris, le bon goût et l’intelligence se font toujours entendre.

Richard Wagner, Lohengrin
9 repr. du 23 sept au 27 oct – Dir : Gustavo Dudamel/ MeS : Kirill Serebrennikov
Avec Piotr Beczala, Johanni van Oostrum / Sinead Campbell Wallace,
Kwangchul Youn, Wolfgang Koch, Nina Stemme/ Ekaterina Gubanova, Shen Yang
Opéra-Bastille
On ne chôme pas à Paris en automne, deux premières d’importance en septembre, il est vrai que l’usine à productions qu’est Bastille le permet.
Deuxième incursion wagnérienne du directeur musical Gustavo Dudamel après un Tristan diversement accueilli. Wait and see. Après avoir traité du papa Parsifal à Vienne dans une production qui a marqué, Kirill Serebrennikov, désormais exilé en Europe occidentale s’occupe de Lohengrin, le fils. Évidemment, c’est une production qu’on ratera difficilement, même si la production de Claus Guth, coproduite avec la Scala, était une grande mise en scène et pouvait être reprise, mais deux fois Claus Guth dans le même mois, c’est sans doute dangereux pour les accidents cardiaques de certains. Il n’est pas sûr que Kirill Serebrennikov les rassérène…
Distribution très solide, avec le Lohengrin n°2 (le n°1, c’est Vogt) des scènes lyriques, Piotr Beczala, belle voix, beau contrôle, mais pas très vibrant. Plus vibrante à prévoir la Elsa de Johanni van Oostrum qui a triomphé à Munich cette saison, en alternance avec l’irlandaise Sinéad Campbell-Wallace, avec par ailleurs Wolfgang Koch et Nina Stemme (en alternance avec Ekaterina Gubanova) dans Telramund/Ortrud. Du très haut niveau, du référentiel, et tout le monde viendra car c’est immanquable.

 

Février-mars 2024
Vincenzo Bellini, Beatrice di Tenda

8 repr. du 9 fév au 7 mars. – Dir : Mark Wigglesworth/MeS : Peter Sellars
Avec Quinn Kelsey, Tamara Wilson, J’Nai Bridges, Pene Pati, Amitai Pati.
Opéra-Bastille
Une excellente idée que d’exhumer Beatrice di Tenda de Bellini, qui entre au répertoire de l’Opéra de Paris, et qui n’eut aucun succès à la création à Venise en 1833. Pour célébrer l’événement on fait appel à Peter Sellars, un nom légendaire qui peut encore étonner (voir sa Clemenza di Tito salzbourgeoise). Sans préjuger de la qualité de la distribution, je déplore profondément que le tropisme désespérément anglo-saxon du casting-management parisien n’ait pas trouvé un chef italien pour diriger cette œuvre, il y en a, et d’excellents, mais visiblement, ils ne s’y intéressent pas à Paris, et la distribution est du même acabit, avec Tamara Wilson, grande voix pas trop belcantiste (mais puisqu’on chante le bel canto comme Verdi aujourd’hui cela n’a aucune importance, d’autant que cette musique sera accueillie à Bastille…) et Queen Kelsey, dont je ne pense pas de bien mais qui qui est le « grand » baryton américain pour le répertoire italien, alors ça s’impose évidemment. Il y a Pene Pati, certes, pas plus italien, mais avec du style, au moins.
À voir évidemment, car c’est une occasion unique de découvrir ce chef d’œuvre.
À noter que Beatrice di Tenda est donné à Naples en version de concert, le 23 septembre 2023, dirigé par Giacomo Sagripanti, avec une distribution pas plus italienne d’ailleurs (mais dont plusieurs font essentiellement carrière en Italie), mais avec des stylistes Andrzej Filonczyk, Jessica Pratt, Matthew Polenzani. Écoutez Andrzej Filonczyk, fabuleux baryton, et comparez avec celui que nous sert Paris…

 

Thomas Adès, The exterminating Angel
7 repr. Du 29 fév. au 23 mars (Dir : Gustavo Dudamel/MeS : Calixto Bieito)
Avec Jacquelyn Stucker, Caroline Wettergreen, Anna Prohaska, Nicky Spence, Philippe Sly, Rodney Gilfry, Frédéric Antoun etc…
Opéra-Bastille

Poursuivant son exploration du répertoire récent anglo-saxon non encore présenté à Paris, après Bernstein (A quiet place), après Adams (Nixon in China), voici The exterminating Angel de Thomas Adès, créé en 2016 à Salzbourg d’après le film de Buñuel et qui fait le tour de toutes les bonnes maisons, parce que sa musique, très contemporaine, est accessible au plus grande nombre… En fosse Gustavo Dudamel qui fait une double opération ; d’une part il attire le public sur un titre pas vraiment connu et d’autre part, il ne risque pas les comparaisons dans ce répertoire (il risquera plus avec Lohengrin, mais on ne peut pas tout avoir…), c’est sa deuxième et dernière apparition dans la saison parisienne dans un opéra…
De beau noms dans la distribution, Wettergreen , Antoun, Gilfry, Sly. Et à la mise en scène, Calixto Bieito, capable en ce moment du meilleur (Guerre et Paix à Genève) comme du pire.
De toute manière, il ne faut pas manquer les opéras à découvrir. Alors, gageons que le public viendra.

Avril 1993
Kurt Weill, Street scene (scène de rue)

5 repr. Du 19 au 27 avtil – Dir : Yshani Perinpanayagam /MeS : Ted Huffman
Avec les artistes de l’Académie de l’Opéra National de Paris
Cet opéra comédie musicale à mi-chemin entre l’opéra de Quat’sous et West Side Story est la marque des efforts de Kurt Weill de produire une musique qui fusionne les traditions européennes et américaines, c’est en tous cas une excellente initiative de l’Opéra que d’offrir un Kurt Weill qui soit « détaché » de son travail avec Brecht, un Kurt Weill de l’exil.
Ted Huffman aime ce type de répertoire et aime travailler avec des jeunes chanteurs (voir sa Poppea d’Aix), et on découvrira une jeune cheffe qui est aussi compositrice et très en phase avec les musiques d’aujourd’hui. Tous les ingrédients sont là pour intéresser un public curieux. Mais ira-t-il jusqu’à Bobligny ?
Musiciens du CNSM
MC93, Bobligny

Avril-mai 2024
Marc Antoine Charpentier, Médée
12 repr. du 10 avril au 11 mai. – Dir : William Christie/MeS : David Mc Vicar
Avec Léa Desandre, Reinoud van Mechelen, Laurent Naouri, Ana Vieira Leite, Gordon Bintner, Emmanuelle Negri, Élodie Fonnard, Lisandro Abadie, Julie Roset, Mariasole Mainini
Orchestre Les Arts Florissants
Palais Garnier

Dans l’exploration du répertoire baroque, cette Médée a une place à part, dans la mesure où c’est le seul opéra de Marc-Antoine Charpentier, créé en 1693 à l’Académie Royale de Musique et pas représentée à l’Opéra depuis. Le livret de Thomas Corneille garantit un texte puissant, Thomas Corneille vit à l’ombre de la gloire de son frère Pierre, mais reste l’un des grands dramaturges du XVIIe. Confiée à William Christie, la production fleurera bon son baroque « historique » et avec David Mc Vicar, on ne risque pas grand chose en matière de vision scénique innovante, c’est le type de metteur « moderne » qui ne fait peur à personne, tant il est « conforme ». La distribution comporte des noms flatteurs de Naouri à Negri en passant par Van Mechelen, avec en Médée Lea Desandre, dont la brochure de l’Opéra valorise la relative jeunesse (la trentaine), marquant là une ignorance coupable. Tout comme Phèdre, Médée passe pour une matrone. Phèdre dont le film de Pierre Jourdan avec Marie Bell a fait un mal fou aux représentations de l’héroïne, la faisant passer pour une vieille dame prise du démon de l’amour pour la jeunesse. Médée, c’est pareil parce qu’on a en tête le film de Pasolini avec Callas.
En réalité, Phèdre comme Médée sont des êtres jeunes, des jeunes filles piégées, et enlevées à leur bonheur, Phèdre a toute légitimité à tomber amoureuse d’un Hippolyte qui a à peu près son âge, et Médée a de tout jeunes enfants. Pourquoi en faire des dames mûres ? Pour en faire des monstres ? Non ce sont pas des monstres, mais des victimes. Pour le reste, le retour de Médée à l’Opéra de Paris, sa maison, ne se rate pas.

 

Mai-juin 2024
Jules Massenet, Don Quichotte
11 repr. du 10 mai au 11 juin  – Dir : Mikhail Tatarnikov/MeS : Damiano Michieletto
Avec Marianne Crebassa, Ildar Abdrazakov / Ildebrando d’Arcangelo, Étienne Dupuis, Emy Gazeilles, Marine Chagnon, Maciej Kawsnikowski, Nicholas Jones
Opéra-Bastille

Retour de Don Quichotte de Massenet, que j’avais découvert dans la belle production de Piero Faggioni avec les superbes Ruggero Raimondi et Gabriel Bacquier sur la scène de Garnier. On se souvient moins que Nicolai Ghiaurov, Viorica Cortez et Robert Massard incarnèrent les trois héros dans une production de Peter Ustinov, et aussi sous la direction de Georges Prêtre, En 2000 et 2001, Don Quichotte fut confié à Samuel Ramey et  à José Van Dam dans la production de Gilbert Deflo. C’est dire que l’Opéra depuis cinquante ans a produit trois productions de Don Quichotte (c’est beaucoup), avec les plus grandes basses de l’époque. Voilà donc a priori une œuvre très bien servie mais qui à chaque fois n’a jamais été reprise, ni celle d’Ustinov, ni celle de Faggioni et celle de Deflo une seule fois.
Il faut souhaiter un autre destin à celle de Damiano Michieletto, qui offre dans sa distribution la basse la plus en vue actuellement, Ildar Abdrazakov en alternance avec un autre grand Ildebrando d’Arcangelo : la tradition est donc respectée avec Etienne Dupuis en Sancho et Marianne Crebassa en Dulcinée.
En fosse Mihail Tatarnikov, qui est un bon chef, mais était-il nécessaire d’aller chercher si loin ?

 

Gaspare Spontini, La Vestale
9 repr. Du 15 juin au 11 juillet. – Dir : Bertrand de Billy/MeS : Lydia Steier
Avec Michael Spyres, Julien Behr, Jean Teitgen, Florent Mbia, Elza van den Heever, Ève-Maud Hubeaux
Opéra-Bastille

Voilà un titre complètement disparu des grimoires de l’Opéra de Paris, que je n’ai vu qu’une fois à La Scala dirigé par Riccardo Muti dans une pâle mise en scène de Liliana Cavani. La Scala elle-même l’avait déjà remonté pour Callas en 1954. C’est dire quelle personnalité nécessite le personnage principal de Julia.
Spontini, compositeur favori de Napoléon, italien écartelé entre Berlin et Paris, qui a retenu notamment les leçons de Gluck et précurseur d’un certain type de Grand-Opéra revient donc à Paris par la grande porte et c’est heureux. Que Bertrand de Billy dirige est aussi un bon choix, il est plutôt bienvenu dans le répertoire XIXe, que Lydia Steier mette en scène, c’est plus désolant. Après sa Salomé imbécile qu’on va d’ailleurs revoir cette saison à Paris (et d’autres productions massacrées du même acabit), elle s’intéresse à cet autre destin de femme sacrifiée. À tout prendre il vaudrait mieux qu’elle regarde ailleurs, mais elle est désormais à la mode, alors on la voit un peu partout en Europe, en plus, c’est une américaine, et donc parée de toutes les vertus pour le staff parisien. Mais peut-être réussira-t-elle ? Qui sait ?
En revanche, belle distribution (Michael Spyres en Licinio et Van der Heever en Julia notamment). L’œuvre qui sera sans doute musicalement très bien défendue mérite la visite à Paris

 

 

REPRISES

Septembre -Octobre
Gaetano Donizettti, Don Pasquale
9 repr.. du 14 sept au 15 oct – Dir : Speranza Scappucci/ MeS : Damiano Michieletto
Avec Laurent Naouri, Florian Sempey, René Barbera, Julie Fuchs, Slawomir Szychowiak
Palais Garnier

Production tiroir-caisse.
Pure reprise de répertoire, pour remplir des caisses qui en ont bien besoin, avec une distribution solide dominée par Naouri et Sempey, et l’Adina de ma ravissante Julie Fuchs. J’ai moins d’attente pour René Barbera, jamais indigne cependant. En fosse, Speranza Scappucci, a toujours beaucoup de succès.

Octobre 2023
Leos Janáček, L’Affaire Makropoulos
5 repr. du 5 au 17 oct – Dir : Susanna Mälkki/MeS : Krzysztof Warlikowski
Avec Kartita Mattila, Pavel Černoch, Cyrille Dubois, Nicholas Jones, Károly Szemerédy, Johan Reuter etc…
Opéra-Bastille
Reprise de la production désormais culte de Warlikowski, pour qui aime King Kong et la mythologie cinématographique américaine avec une chanteuse aussi culte, Karita Mattila qui promène le rôle depuis longtemps et qui lui donne un relief incroyable, autour d’elle Pavel Černoch, toujours excellent, Cyrille Dubois et Károly Szemerédy notamment. Et en fosse, Susanna Mälkki, un choix idéal pour Janáček. Une reprise qui devrait attirer : Mattila en Emilia Marty, cela ne se manque pas.

 

Octobre-novembre 2023
Jules Massenet, Cendrillon
8 repr. du 25 oct au 16 nov – Dir : Keri-Lynn Wilson/MeS : Mariame Clément
Avec Jeanine de Bique, Daniela Barcellona, Paula Murrihy, Caroline Wettergreen Emy Gazeilles, Marine Chagnon, Laurent Naouri, Philippe Rouillon. Luca Sannai. Laurent Laberdesque. Fabio Bellenghi, Corinne Talibart.
Opéra Bastille

Deux Massenet en une saison qui ne soient ni Manon ni Werther, c’est signe que le répertoire s’étoffe. Distribution solide dominée par Jeanine de Bique dans la production sage et bien accueillie de Mariame Clément, dirigée par Keri-Lynn Wilson, tout c ela est bien pensé et (presque) bien-pensant : on aura constaté que les trois première reprises de la saison sont dirigées par des cheffes, ce qui est très bien, mais pas une seule Nouvelle production, ce qui l’est moins, si l’on excepte Street Scene, le spectacle de l’académie…

 

Novembre 2023
Giacomo Puccini, Turandot

13 repr. du 6 au 29 nov – Dir : Marco Armiliato – Michele Spotti/ MeS : Robert Wilson
Avec Sondra Radvanovsky(A)/Tamara Wilson(B), Brian Jagde(A) / Gregory Kunde(B), Ermonela Jaho(A) / Adriana Gonzalez(B), Carlo Bosi, Mika Kares, Florent Mbia, Maciej KawSnikowski, Nicholas Jones, Guilhem Worms, Fernando Velasquez, Pranvera Lehnert, Izabella Wnorowska-Pluchart
Opéra Bastille

Production tiroir-caisse
On va donc entendre Tamara Wilson dans Turandot aussi bien que dans Beatrice di Tenda (qui pour mémoire a été chanté par Mirella Freni… qui n’a jamais chanté Turandot…) c’est la science du grand écart, mais peu importe. Sondra Radvanovsky a abordé désormais Turandot, n’ayant plus rien à prouver dans le reste du répertoire. Jaho en Liù c’est magnifique, Jagde en Calaf, c’est bien pâle, on préfèrera Kunde. Deux distributions, la A avec Radvanoivsky/Jaho, la B avec Kunde. Choix cornélien.
Au niveau de la mise en scène, c’est du Wilson des familles, et donc plus aucun intérêt, mais dans la fosse, une alternance entre Marco Armiliato, bon chef italien de répertoire qu’on connaît bien, et Michele Spotti, excellent jeune chef qu’il sera intéressant d’aller entendre. On privilégiera donc les cinq soirées entre le 22 et le 29 novembre.

 

Novembre-décembre 2023
Jacques Offenbach, Les Contes d’Hoffmann
10 repr. du 30 nov au 24 déc. – Dir: Eun Sun Kim/MeS: Robert Carsen
Avec Benjamin Bernheim/ Dmitry Korchak, Pretty Yende, Antoinette Dennefeld, Rachel Willis-Sørensen. Christian van Horn, Leonardo Cortellazzi, Christophe Mortagne, Cyrille Lovighi, Christian Rodrigue Moungoungou, Vincent Le Texier, Angela Brower, Sylvie Brunet-Grupposo, Alejandro Baliñas Vieites
Opéra-Bastille
Production tiroir-caisse.

Que ferait l’opéra-Bastille sans cette production des Contes d’Hoffmann signée Robert Carsen 23 ans d’âge (première en 2000) ? Efficace, bien faite, tranquille, remontant à l’époque où Carsen faisait du Théâtre dans le théâtre. C’est la neuvième reprise…
Et pourtant, avant Carsen, ; il y eut Roman Polanski, Jean-Pierre Ponnelle et Patrice Chéreau (l’un de ses grands chefs d’œuvre à l’opéra). L’œuvre est bien servie, sans aucun doute.
La production est solidement distribuée aussi (on préfèrera Bernheim à Korchak cependant), et dirigée par la désormais spécialiste des reprises de répertoire dans les grands théâtres européens Eun Sun Kim, quatrième cheffe à diriger une reprise dans la saison.

Novembre-décembre 2023
Maurice Ravel, Ma Mère l’Oye / L’Enfant et les sortilèges
8 repr. du 21 nov au 14 déc. Dir : Patrick Lange / Chor. Martin Chaix:, MeS : Richard Jones/Antony McDonald
Avec les artistes en résidence à l’Académie et les élèves de l’école de danse de l’Opéra National de Paris
Palais Garnier

Une chorégraphie de Martin Chaix ad hoc pour les élèves de l’école de danse et une œuvre lyrique qui convient idéalement aux élèves de l’Académie, dans une mise en scène qui a déjà fait ses preuves (c’est la cinquième reprise depuis 1998. Un spectacle frais pour les jeunes pousses de l’Opéra qu’il faut aller encourager avec en fosse l’excellent Patrick Lange.

 

Janvier-février 2024
Francesco Cilea, Adriana Lecouvreur

8 repr. Du 16 janv au 7 fév. – Dir : Jader Bignamini/MeS : David Mc Vicar
Avec Anna Netrebko / Anna Pirozzi, Yusif Eyvazov / Giorgio Berrugi, Ekaterina Semenchuk / Clémentine Margaine, Ambrogio Maestri, Sava Vemic, Leonardo Cortellazzi, Alejandro Baliñas Vieites, Nicholas Jones, Marine Chagnon, Ilanah Lobel-Torres, Se-Jin Hwang
Opéra-Bastille

Reprise Tiroir-caisse en or
Que souhaitez-vous Madame Netrebko ? Votre mari ? Mais bien sûr !
Votre chef favori Jader Bignamini ? Mais comment donc ! Et voilà l’affaire est faite.
Pour le reste, en distribution B, Anna Pirozzi, pas si mal, Giorgio Berrugi, qu’on commence à entendre souvent en Italie, et Clementine Margaine, qu’on va peut-être finir à considérer : elle est la Fidès du jour, l’Azucena du jour, mais on lui préfère Semenchuk pour voisiner la Netrebko…
Laissons cela.
Bignamini n’est pas un mauvais chef, Mc Vicar est comme toujours sans intérêt, mais l’intérêt est ailleurs, vous l’aurez bien compris…

Giuseppe Verdi, La Traviata
12 repr. du 25 janv au 25 fév. – Dir : Giacomo Sagripanti/MeS : Simon Stone
Avec Nadine Sierra / Pretty Yende (25 fév.), Marine Chagnon, Cassandre Berthon, René Barbera, Ludovic Tézier, Maciej Kawsnikowski, Alejandro Baliñas Vieites, Florent Mbia, Hyun-Jong Roh, Olivier Ayault, Pierpaolo Palloni
Opéra-Bastille

Reprise Tiroir-Caisse
Enfin la raison s’impose. Cette production avait été créée au Palais Garnier pour seulement 2000 spectateurs. Traviata c’est fait pour les 2700 spectateurs de Bastille et 12 représentations, dont étrangement une seule le 25 février, avec la créatrice de la production, Pretty Yende. On y retrouve Ludovic Tésier, immense, et en Alfredo René Barbera, gentillet, et pour les onze autres représentations, la délicieuse Nadine Sierra.
En fosse, Giacomo Sagripanti qui n’est pas le meilleur des chefs italiens de répertoire d’aujourd’hui, mais on n’est pas à ça près. Et la production de Simon Stone s’installe dans le paysage, à Vienne comme à Paris.

Georg Friedrich Haendel, Giulio Cesare
12 repr. Du 20 janv au 16 fév. – Dir : Harry Bicket/MeS : Laurent Pelly
Avec Emily d’Angelo, Adrien Mathonat, Wiebke Lehmkuhl, Marianne Crebassa, Lisette Oropesa, lestyn Davies, Luca Pisaroni, Rémy Brès
Palais Garnier

Superbe distribution pour cette reprise du Giulio Cesare de Haendel dans la production de Laurent Pelly dont c’est la troisième reprise depuis janvier 2011. On y trouve Oropesa en Cleopatra, la jeune et talentueuse Emily d’Angelo en Giulio Cesare, entourés par rien moins que Luca Pisaroni, Marianne Crebassa et l’excellent Iestyn Davies. En fosse, à la tête de l’Orchestre de l’Opéra Nationalm de Paris, Harry Bicket spécialiste de ce répertoire. Rappelons cepdndant que la production avait été créée par Emmanuelle Haïm et son Concert d’Astrée.

Mars-avril 2024
Giuseppe Verdi, Simon Boccanegra

7 repr. du 12 mars au 3 avril. – Dir : Thomas Hengelbrock/MeS : Calixto Bieito
Avec Ludovic Tézier, Nicole Car, Mika Kares, Charles Castronovo, Étienne Dupuis, Alejandro Baliñas Vieites, Paolo Bondi, Marianne Chandelier
Opéra-Bastille

Reprise de la belle production de Calixto Bieito avec Ludovic Tézier dans le rôle-titre, ce qui est déjà suffisant. Mika Kares, voix de bronze et encéphalogramme plat au niveau de l’expressivité, Castronovo qui devrait bien convenir en Gabriele, et l’étrange choix de Nicole Car en Amelia. Il faudrait quelqu’un de plus de poids pour le rôle (à quand Oropesa ?). En fosse, Thomas Hengelbrock peu fréquent dans ce répertoire.

Mai 2024
Richard Strauss, Salomé

7 repr. du 9 au 28 mai. – Dir : Mark Wigglesworth/MeS : Lydia Steier
Avec Lise Davidsen, Gerhard Siegel, Ekaterina Gubanova, Johan Reuter, Pavol Breslik, Katharina Magiera, Matthäus Schmidlechner, Éric Huchet, Maciei Kawsnikowski, Nicholas Jones, Florent Mbia
Opéra-Bastille
En fosse, Mark Wigglesworth, qui passe de Bellini à Strauss, c’est beau les chefs qui savent tout faire. En scène, que du beau ou du très beau monde entre Davidsen qui n’aura aucun mal à remplir de sa voix immense la salle de Bastille, le couple Gubanova/Siegel et Pavol Breslik en Narraboth de très grand luxe.
Mais le neutre Johan Reuter en Jochanaan, fait tomber la pression. On aurait pu choisir un baryton au plus grand relief pour faire face à Davidsen…
Mise en scène inutile signée d’une des baudruches à la mode de la mise en scène d’aujourd’hui.

 

Juin-juillet 2024
W.A.Mozart, Cosi fan tutte
12 repr. Du 10 juin au 9 juil. – Dir : Pablo Heras Casado/MeS : Anne Teresa de Keersmaker
Avec Vannina Santoni, Angela Brower, Hera Hyesang Park, Josh Lovell, Gordon Bintner, Paulo Szot.
Reprise tiroir-caisse : c’est Mozaaaart
Palais Garnier.

Cosi fan tutte a été diversement servi à l’Opéra de Paris, sous Liebermann, la production de Jean-Pierre Ponnelle ne fut pas une de ses plus grandes réussites, la production Ezio Toffolutti fut souvent reprise et n’avait pour avantage que de pouvoir être reprise tellement elle ne dérangeait personne, celle de Chéreau, très forte, n’eut pas l’heur de plaire ou d’être comprise. Finalement celle de Anne Teresa de Keersmaker depuis janvier 2017 suit son bonhomme de chemin, portée aux nues par les uns, honnie par les autres, elle en sera à sa cinquième reprise. Cette mise en scène ne mérite ni cet excès d’honneur ni cette indignité.
En fosse, Pablo Heras-Casado, un chef précédé d’une réputation qui se dégonfle à chaque fois qu’on l’entend. Poudre aux yeux sans intérêt. Distribution contrastée, entre des voix intéressantes (Santoni, Brower) d’autres moins (Szot) et la découverte d’un ténor à suivre, en troupe à Vienne, Josh Lovell.

 

Au total, une saison qui présente plus d’intérêt que les précédentes, dans le choix des œuvres notamment et dans l’intelligente présence du répertoire historique de la maison, comme le montre le retour de Médée, de La Vestale, mais aussi de Don Quichotte, trois titres sur huit, ce qui est important. Il ne s’agit pas pour moi de défendre le répertoire français, ni la langue française, je n’ai pas ces prurits identitaires inutiles et ridicules, mais il est essentiel qu’une maison témoigne de son histoire et de son passé, et qu’elle le fasse régulièrement.
Que la deuxième ligne de force de la gestion Neef soit l’accueil du répertoire anglo-saxon des cinquante dernières années n’est pas inintéressant non plus, et ne manque pas d’originalité avec ces rendez-vous annuels. Deux œuvres cette saison, Street Scene d’un Kurt Weill en exil qui écrit une œuvre déchirée entre son passé européen et son présent, et The exterminating Angel de Thomas Adès, dont il m’est avis qu’on verra dans pas très longtemps The Tempest que même la Scala a osé…
Enfin deux spectacles confiés à L’Académie, Street Scene justement et L’Enfant et les sortilèges, accouplé à un ballet dansé par l’Ecole de danse, marquent une confiance dans les forces de la maison et son avenir.
Quelque chose commence à se dessiner, une promesse que les deux dernières saisons si mornes ne laissaient pas entrevoir. C’est très positif et on espère que les bourgeons vont fleurir.
D’un autre côté, je déplore personnellement un tropisme anglo-saxon trop marqué au niveau des distributions, l’absence fréquente de chanteurs italiens : c’est une antienne que j’ai aussi reprise à propos de Munich, qui a d’autres tropismes : les directions de casting ont l’indécrottable défaut de rester fidèles à leur aire culturelle, à leurs origines, à leurs habitudes, dans un art qui demande au contraire de respirer au plus large géographiquement. Et plus d’esprit de finesse que de géométrie.

Du point de vue des mises en scène, les nouvelles productions ratissent large, ce qui n’est pas si mal. Entre Bieito, Serebrennikov, McVicar, Sellars, etc…il y en a pour tous les goûts, et il y a même du mauvais goût (Lydia Steier).
En fosse en revanche, si Dudamel est présent seulement deux fois, on ne trouve pas l’imagination au pouvoir, il y a des chefs corrects et de bonne réputation, d’autres moins, mais rien ne fait vraiment rêver…

 

Le Ballet

(Contribution de Jean-Marc Navarro)
L’année écoulée nous aura offert un de ces petits psychodrames à rebondissements comme seul le Ballet de l’Opéra national de Paris aime à les concocter.

  • Acte I : celui d’un naufrage managérial éloquent quand le directeur de la Maison, Alexander Neef, a décidé de nommer Étoile un artiste qui, au-delà de ses qualités artistiques réelles, consacrait chacune de ses interventions médiatiques – nombreuses – depuis des années à conchier l’institution dont il était issu et l’art dont elle prétend incarner la tradition (le ballet académique). Cette décision a entraîné le départ d’Aurélie Dupont, directrice de la Danse, qui n’avait dit-on jamais envisagé une telle nomination et se trouvait désavouée par un directeur plus enclin à se payer un petit coup de pub qu’à mesurer les conséquences d’image et de gestion interne qu’aurait une telle décision au sein de sa Compagnie.
  • L’histoire ne donnera pas tort à Mlle Dupont sur ce point puisque, acte II, s’en est suivie une période de flottement scandée par la perspective ou non du retour en scène du nouveau nommé. La presse se fera écho de ses petits caprices dans le choix des rôles, de ses petites délicatesses dans la gestion de son calendrier, de ses petits atermoiements dans la négociation de son contrat d’Étoile. Sept mois après sa nomination, sans avoir jamais reposé un pied sur la scène de l’Opéra, François Alu sera exfiltré de la Compagnie, départ sans doute salutaire pour l’équilibre collectif interne du Ballet.
  • C’est qu’entre temps, acte III, José Martinez a été nommé directeur de la Danse, à l’issue d’un processus d’appel à candidatures très scientifique et objectif (tout ça pour en arriver à la nomination d’une ancienne Étoile de la Maison dont le nom figurait déjà parmi les favoris depuis un long moment…). Débarrassé de l’épine Alu qu’Alexander Neef avait plantée dans le pied de la Compagnie, José Martinez a eu à cœur depuis sa prise de fonction début décembre d’observer, d’imprimer une communication équilibrée sur ses ambitions et un peu falote sur son projet, de construire des distributions diverses autour de la programmation de sa prédécesseuse. Bref, d’essayer d’apaiser un peu les esprits et de remettre son petit monde au travail, en distillant une douce musique à l’oreille du public : celle d’une volonté claire de revenir à un profil de programmation de fibre plus classique que celle des dernières saisons – difficile toutefois de tomber plus bas dans la très spectaculaire évacuation du répertoire académique opérée par Aurélie Dupont (voir le billet https://wanderersite.com/danse/le-declin/)
  • Acte IV : trois mois après sa prise de fonction, premier coup d’éclat du nouveau directeur de la Danse : pas une, pas deux, trois nominations ! En à peine une semaine, Hannah O’Neill, Marc Moreau (nommés le même soir), Guillaume Diop (nommé à l’issue d’une Giselle en Corée du Sud) accèdent au Graal sur proposition de José Martinez. Il convenait de renforcer les rangs des Étoiles, qui étaient apparus tristement déplumés lors des défilés du Ballet en février, et ce n’est sans doute que le début du renouvellement des cadres suprêmes du Ballet, les départs d’Étoiles expérimentés se profilant dans les prochaines saisons.

 

Quel sera alors l’acte V ? Dans un contexte pollué par « le cas Alu », le départ d’Aurélie Dupont, une programmation que même les plus intenses thuriféraires de la Compagnie commençaient à trouver problématique, José Martinez apparaît comme un sauveur (il faut bien lécher avant de lâcher puis de lyncher…). Il a au moins pour lui le mérite de la cohérence entre ses propos et la réalité de ses actes. À l’Opéra, on se targue d’aimer la tradition et le répertoire tout en piétinant l’une et n’entretenant pas l’autre. Martinez lui n’entre pas dans cette logique comme le montrent ses activités de chorégraphes et transmetteur de répertoire depuis ses adieux.

La saison 2023-2024 dévoilée cette semaine a été largement préparée par Aurélie Dupont, José Martinez ayant eu la pudeur de la présenter comme juste légèrement remaniée. La marque Dupont est bien là, avec deux chorégraphes qu’elle a toujours dit adorer (une belle soirée Kylian et l’entrée au répertoire du Barbe-Bleue de Pina Bausch) et la soirée d’ouverture de saison qui coche toutes les cases attendues des tutelles mais qu’on oubliera aussitôt vue (des femmes chorégraphes, chouette ! du contemporain conceptuel, trop cool !) mais offrira aussi le retour du très populaire The Seasons’ Canon de Crystal Pite.

Mais surprise du chef : la saison affiche un lot de ballets académiques dont le nombre est tout à fait standard pour le type de Compagnies auquel Paris entend appartenir mais qui apparaît désormais impressionnant à Paris tant on était habitué à devoir se limiter à une vache à lait de Noël noyée dans des saisons globalement alla Chaillot : Giselle, Don Quichotte, Le Lac des cygnes, Casse-Noisette ! Si on y ajoute La fille mal gardée et une soirée Robbins, voilà le retour en force des grandes soirées de ballet qui font la part belle à des effectifs dignes de la Compagnie et permettent aux danseurs de prendre des rôles et évoluer dans le répertoire. Voilà aussi – et cela n’est sans doute pas totalement neutre – de quoi assurer un bon petit matelas de recettes, le triple effet magique des hausses de grilles, des tripatouillages de plans de salle et des taux de remplissage systématiquement flatteurs pour les ballets académiques devant produire un plein effet.

Alors bien sûr, on peut regretter que ces titres correspondent à ceux qui ont déjà été repris ces trois quatre dernières saisons. Toujours nulle trace de La Belle au bois dormant, ni de Paquita, de Coppélia ou de Suite en blanc ; il est un peu alarmant de se dire qu’elles n’ont pas été présentées en scène depuis de plus 10 saisons pour certaines ! Dans un art de transmission immatérielle tel que le ballet, voilà qui est très préoccupant. On note également que les productions Noureev des « grands classiques » tiennent le haut du pavé quand ils mériteraient un sacré lifting.

D’autres heureuses nouvelles sont à noter par ailleurs : l’École de danse aura à nouveau droit à une série de spectacles, à une série de démonstrations et à un gala ; les occasions pour les petits rats de se produire à Garnier s’étaient raréfiées ces dernières saisons. Après Peeping Tom (!!), c’est le Béjart Ballet Lausanne qui sera de retour à Paris comme compagnie invitée. José Martinez a aussi mentionné avoir proposé à Marianela Nunez du Royal Ballet de venir danser Giselle.

Attendons de voir si ces premiers signaux se pérennisent et se transforment en marque de fabrique Martinez sur les saisons prochaines ! D’ici là, ouf, commencerait-on à entrevoir la possibilité de reprendre le chemin de la ligne 8 pour aller voir du ballet à l’Opéra, après tant de saisons de vache anorexique ?


Le reste

La saison symphonique et les récitals

C’est simple : il n’y en a pas.
Un seul concert (à la Philharmonie de Paris) de l’Orchestre de l’Opéra National de Paris dirigé par Gustavo Dudamel le 2 avril, au programme Debussy Canteloube Varèse Ravel avec Julie Fuchs, repris le 5 avril 2024 au Festival de Pâques d’Aix en Provence.
Et une apostille le 31 août 2023 à Saint Jean de Luz (Programme Penderecki, Haydn, Schumann)

Il y a bien des séries de musique de chambre à l’Amphithéâtre et les Midis musicaux, mais pas d’autres concerts symphoniques que celui précité.
Est-ce le résultat de la grève des musiciens qui a contraint d’annuler la tournée prévue de l’orchestre sous la direction de son chef ? Est-ce une politique délibérée ? On se perd en conjectures.
Une saison symphonique même petite (il n’y a jamais eu à l’Opéra de véritable saison symphonique articulée) permettrait peut-être d’inviter sur quatre ou cinq concerts par an des chefs qu’on n’a pas l’habitude de voir, qui ont une surface symphonique intéressante, et de faire travailler l’orchestre hors fosse, ce qui est toujours salutaire.
C’est la morne plaine.

Il y a bien des récitals des présentations des artistes de l’académie, mais pas de récital de grandes voix d’aujourd’hui : cela se perd dans les opéras, même en Allemagne, et pourtant, un cycle de récitals s’imposerait dans une maison de cette importance, mais, vous l’aurez compris, en terme de rapport qualité-prix, de présence du public, c’est trop aléatoire, on ne va donc pas de poser la question de l’apport culturel ou de la valence artistique. N’employons pas de vilains mots.
Et puis il y a cet OVNI
2 décembre 2023
Gala Maria Callas
Dir.Mus : Eun Sun Kim / MeS : Robert Carsen
Avec Sondra Radvanovsky

Une opération tout à fait extraordinaire pour célébrer Maria Callas. Un Gala pour soutenir…La Croix rouge ? Non. Les réfugiés Ukrainiens ? Non. Les victimes du tremblement de terre en Turquie et Syrie ? Pas plus.
Lisons la brochure : À l’occasion du centenaire de la naissance
de Maria Callas, le 2 décembre 1923, l’Opéra national de Paris propose un gala exceptionnel au bénéfice des activités de l’institution, le jour même de cet anniversaire.

Les tarifs n’en sont pas communiqués, c’est un Gala de Bienfaisance pour une Institution nécessiteuse : L’Opéra National de Paris.
On croit rêver.
J’ose espérer que l’institution en question fait de l’auto-ironie, soulignant que cette institution publique fait la quête parce que l’État ne lui donne pas assez d’argent.
Nous avons souligné par ailleurs que l’État traitait l’Opéra comme un boulet, nous ne cessons de souligner l’absence de politique du Ministère de la Culture et nous observons la situation difficile des Opéras en région, mais une telle manifestation a quelque chose d’étrange, acceptable ou admissible dans un état libéral comme les USA, où les Opéras doivent chercher leurs financements, inadmissible pour notre première scène nationale, alors que la Culture est l’une des prérogatives de l’État. Dérive libérale de la culture, comme d’autres dispositifs (le Pass Culture pas exemple) et désintérêt au sommet de l’État-Macron, on l’avait compris depuis longtemps et on en a la confirmation. Ce n’est pas l’Opéra de Paris qui est lamentable en l’occurrence, c’est sa tutelle.

Quelques éléments sur la politique tarifaire

Et puisqu’on parle gros sous quelques mots sur les tarifs.
Soyons honnêtes, dans le paysage européen, les tarifs pratiqués à l’Opéra de Paris sont diversifiés et dans la moyenne des salles (haute) de ce niveau, moins chers qu’à Londres, Vienne, et à la Scala bien plus chers qu’à Munich (maximum en saison 163 Euros) et qu’à Hambourg ou Francfort, deux excellents théâtres où le prix maximum n’excède pas 130 Euros L’échelle est large, elle  va pour l’Opéra de 10 (Garnier)/15 (Bastille) à 220 Euros (prix maximum) et pour le ballet du même minimum au maximum de 170 Euros, sachant que le ballet rapporte bien plus à salle complète que l’opéra (vu que le corps de ballet et les solistes forment troupe). Le prix maximum est fonction de l’œuvre, indépendamment qu’elle soit nouvelle production ou reprise, et de ce qu’on suppose de la venue du public. Étrangement d’ailleurs Adriana Lecouvreur avec Netrebko n’est pas au tarif maximum, sans doute parce qu’elle ne les fait pas toutes, et que le reste du cast, chef compris n’est pas trop cher). Mais peu importe, on voit bien quelles reprises servent de tiroir-caisse, quels ballets sont supposés attendus par le public. Apparemment Giselle, Casse-Noisette et l’inévitable Lac des Cygnes rapporteront beaucoup. A noter que La Vestale bénéficie d’une baisse de tarif en juillet, puisque le public d’opéra  est en vacances ou à Aix…

Bien sûr la brochure prévoit des tarifs spéciaux pour les familles, les étudiants, les handicapés, les chômeurs et une infinité de moyens d’accéder au Graal pour moins cher ; c’est un labyrinthe savant, mais il reste que les tarifs, les plans de salle sont assez tortueux, et que le débat continue sur l’accessibilité à cette maison.

 

 

Conclusion

On peut se réjouir de l’esquisse d’un apaisement dans le ballet, après les crises des années précédentes, on peut se réjouir d’une programmation lyrique plus inventive et plus élaborée avec des lignes de force importantes (répertoire historique de l’Opéra de Paris, créations d’œuvres anglo-saxonnes qui manquaient à Paris), tout cela est positif et mérite d’être signalé.
On peut saluer l’effort pour valoriser l’Ecole de Danse et l’Académie, même si la troupe tant souhaitée commence à être formée et qu’elle sera sans doute étoffée les années prochaines.

On peut d’un autre côté déplorer dans les distributions un tropisme anglo-saxon excessif, l’absence de chefs d’envergure, d’autant plus marquée que Gustavo Dudamel assure deux titres et un concert, ce qui n’est pas énorme sur 20 productions.
On peut enfin déplorer qu’en dehors du ballet et du lyrique, il n’y ait pas l’esquisse d’une saison symphonique, ni une saison de récitals. On sent une maison qui fait des efforts, dans un univers qui ne lui est pas très favorable et avec une situation financière critique.  On est, disons, dans une remontée lente et plutôt positive. Et c’est déjà beaucoup. En ce sens, cette saison marque un tournant.

LA SAISON 2022-2023 DU TEATRO SAN CARLO DE NAPLES

Le paysage lyrique italien d’aujourd’hui a singulièrement évolué depuis quelques années, notamment depuis qu’il n’y plus d’institution lyrique qui en soit un fer de lance incontesté. C’est pourquoi pour tout amateur d’opéra intéressé à la vie musicale de la Péninsule, il me semble très stimulant de comparer les politiques des théâtres les plus marquants. Avant d’aborder le Maggio Musicale Fiorentino et l’Opéra de Rome, nous nous intéressons au Teatro San Carlo, l’un des théâtres emblématiques de l’histoire de l’opéra en Italie, dont l’Intendant est Stéphane Lissner.
Entre les annonces lors de son arrivée à Naples, qu’il avait précisé lors d’une interview à Wanderersite.com et la confrontation avec la réalité, pandémie, crise économique, travaux à réaliser dans le théâtre, les choses ne sont pas si faciles, et une personnalité telle que celle de Stéphane Lissner suscite évidemment des oppositions, des critiques, et des manœuvres d’arrière-cour. Si personnage est contesté, on ne peut en revanche contester ni sa force, ni son dynamisme, ni sa malice.
La saison 2021-2022 se poursuit avec L’Eugène Onéguine signé Barrie Kosky, première mise en scène montrée en Italie du metteur en scène australien qui, comme on le sait, vit à Berlin et qui est l’un des plus prolifiques et inventifs dans le paysage actuel et s’annonce pour l’automne un Tristan und Isolde avec rien moins que Nina Stemme, Stuart Skelton, René Pape, Okka von der Damerau, des noms qu’on n’avait pas encore applaudis à Naples.

 

La saison 2022-2023 est marquée par plusieurs éléments :

  • Le théâtre va rester fermé plusieurs mois pour des travaux importants notamment sur la scène, et l’activité sera transférée au Teatro Politeama, une salle qui accueillit des spectacles populaires, des revues (dont celles de Wanda Osiris (1905-1994), célébrissime en Italie). Les productions seront présentées au Politeama en version concertante, manière élégante de conjuguer la nécessité (les travaux) et les économies (frais réduits à la seule distribution, les autres étant des frais fixes)
  • Des productions alléchantes, et un répertoire essentiellement italien (8 titres sur 12), alliant reprises populaires (Butterfly, Bohème, Rigoletto) et titres plus exigeants ou moins représentés (Don Carlo, Anna Bolena Macbeth, Beatrice di Tenda, Maometto II) et par ailleurs 4 autres titres alléchants (Damnation de Faust, Walküre, Requiem de Mozart en version scénique et une création locale d’une œuvre contemporaine Winter Journey)
  • Des metteurs en scène qu’on voit rarement en Italie, Claus Guth pour Don Carlo, Romeo Castellucci (pour la première fois à l’Opéra en Italie) pour le Requiem de Mozart vu à Aix, Calixto Bieito (un peu plus fréquent) pour Maometto II, et Jetske Mijnssen (totalement nouvelle dans la péninsule) pour Anna Bolena.
  • Des reprises du répertoire du San Carlo comme Butterfly et Bohème (reprise de la nouvelle production d’Emma Dante en 2021) et comme Die Walküre signée Federico Tiezzi en 2004-2005.  Des distributions dans l’ensemble très soignées, que ce soit pour les nouvelles productions ou des reprises.

Au total, une saison équilibrée, sinon équilibriste, qui joue sur plusieurs claviers, en essayant d’offrir sur chaque production un élément qui puisse attirer le public, qui comme partout ailleurs, se fait un peu prier pour revenir.

 

La saison lyrique

Novembre-décembre 2022
Giuseppe Verdi
Don Carlo
5 repr. du 26 nov. au 6 déc. – Dir : Juraj Valčuha/MeS : Claus Guth

Avec Michele Pertusi, Matthew Polenzani, Ailyn Perez, Elina Garanča, Ludovic Tézier/Ernesto Petti
Version en cinq actes (en italien)
On peut discuter Matthew Polenzani dans Carlo, ou Ailyn Pérez dans Elisabetta, mais ni Pertusi, ni Tézier (pour 4 repr.) et évidemment pas Garanča. Le public napolitain sera peut-être perplexe devant le travail de Claus Guth, mais devra reconnaître son intelligence. Et puis en fosse, Juraj Valčuha, qui est un chef remarquable fera sans nul doute sonner cette version en cinq actes de Don Carlo (dite version de Modène), pour cette série de représentations d’adieux puis qu’il quitte la direction musicale du San Carlo en décembre 2022 . Sans doute la préparation plus lourde qu’aurait demandé la version originale française a-t-elle fait reculer, mais la version de Modène est un moindre mal.
Il y a vraiment de quoi faire une virée napolitaine pour profiter de son doux soleil d’automne et de ce Verdi quand même exceptionnel.

 

Janvier 2023
Giuseppe Verdi
Rigoletto

4 repr. du 15 au 24 janvier (Dir : Lorenzo Passerini)
Avec Nadine Sierra, Pene Patti, Ludovic Tézier
En version de concert au teatro Politeama
Avec une telle distribution, dominée par le meilleur Rigoletto actuel, et avec une Gilda d’exception et un des nouveaux ténors les plus en vue, le public se moquera sans doute de l’absence de production.  Sur le podium, Lorenzo Passerini, 31 ans, qui depuis la saison dernière dirige dans beaucoup de théâtres, notamment en Allemagne et ailleurs, et qui représente la jeune génération de chefs italiens valeureux.

Février 2023
Hector Berlioz
La Damnation de Faust
4 repr. du 7 au 15 février – Dir : Pinchas Steinberg
Avec Ildar Abdrazakov, Charles Castronovo, Anita Rashvelishvili
En version de concert au teatro Politeama
Encore une distribution flatteuse pour le chef d’œuvre de Berlioz qui va pour l’occasion retrouver son allure d’oratorio prévue à l’origine. On sait que Stéphane Lissner a donné à Anita Rasvelishvili la chance de débuter dans Carmen à la Scala. Charles Castronovo devrait être un Faust séduisant vocalement et on ne présente plus Ildar Abdrazakov. Le tout sous la baguette de Pinchas Steinberg, vieux routier de l’opéra, familier des scènes italiennes, qui garantit un vrai travail d’orchestre..

 

Mars 2023
Giuseppe Verdi
Macbeth
4 repr. du 8 au 18 mars – Dir : Marco Armiliato
Avec Luca Salsi, Alexander Vinogradov, Sondra Radvanovsky, Giulio Pelligra etc…
En version de concert au teatro Politeama
Troisième titre de Verdi dans la saison, soit un quart des titres de l’année. Avec une distribution dominée par Luca Salsi qui promène son Macbeth de Vienne à la Scala, Sondra Radvanovsky, l’une des grandes chanteuses verdiennes du moment (il faut en profiter, elles sont rares), et Alexander Vionogradov, qui promène les basses nobles verdiennes de Zaccaria de Nabucco à Fiesco de Boccanegra dans l’Europe entière. C’est le dernier titre exilé au teatro Politeama, dirigé par Marco Armiliato, l’un des chefs le plus souvent sollicité dans les grandes maisons pour le répertoire italien.
À noter que Radvanovsky et Salsi chantent Macbeth au Liceu de Barcelone en février 2023, dans une production du sculpteur-graveur Jaume Plensa et sous la direction de Josep Pons. Vous aurez donc le choix…


Avril 2023
Richard Wagner
Die Walküre
5 repr du 16 au 29 avril – Dir : Dan Ettinger / MeS Federico Tiezzi
Avec Jonas Kaufmann, Christopher Maltman, John Releya, Okka von der Damerau, Vida Miknevičiūtė.
Pour le retour dans les murs du San Carlo, Stéphane Lissner a réuni une distribution exceptionnelle pour une reprise de Die Walküre dans la production maison, créée en 2005. Dans la fosse, un de ses chefs favoris, le solide Dan Ettinger, qui sera devenu depuis janvier 2023 le directeur musical du San Carlo, succédant à Juraj Valčuha (à mon avis on y perd un peu…)
Jonas Kaufmann en Siegmund, Vida Miknevičiūtė nouvelle en Italie en Sieglinde qui va aussi faire Salome à la Scala, le Wotan nouveau de Christopher Maltman et la Brünnhilde presque neuve d’Okka von der Damerau qu’ona bien aimé à Stuttgart dans sa prise de rôle en avril dernier.
Inutile de dire que cela vaut le voyage…

 

Mai 2023
W.A.Mozart
Requiem

4 repr. du 16 au 20 mai 2023 – Dir : Raphaël Pichon / MeS : Romeo Castellucci
Avec Giulia Semenzato, Sara Mingardo, Julian Pregardien, Nahuel di Pierro
Ensemble Pygmalion Orchestre et chœur du San Carlo.
Ensemble Pygmalion et forces du San Carlo s’unissent sous la direction de Raphael Pichon dans la production qui avait triomphé à Aix en 2019 et qui arrive à Naples, et avec elle pour la première fois sur une scène d’opéra en Italie, une mise en scène de Romeo Castellucci qui devrait être sans doute bien accueillie par le public napolitain, en tous cas mieux que d’autres vues ailleurs. Distribution composée d’excellents chanteurs, dont la seule Sara Mingardo était à Aix.
Pour ceux qui ont envie de voir ou revoir ce merveilleux spectacle. C’est une très belle initiative.

 

Juin 2023
Gaetano Donizetti
Anna Bolena
4 repr. du 8 au 17 juin – Dir : Riccardo Frizza – MeS : Jetske Mijnssen
Avec Alexander Vinogradov, Maria Agresta, Elina Garanča, Xabier Anduaga etc…
Lissner avait annoncé qu’il ferait les trois reines de Donizetti, et voici Anna Bolena dans une distribution où vont s’affronter Maria Agresta en Anna et Elina Garanča en Giovanna Seymour… Ce dernier nom suffit pour faire ses réservations…
Mais Vinogradov, Agresta et Anduaga font une très belle distribution qui sera dirigée par le spécialiste italien de Donizetti, Riccardo Frizza, directeur musical du festival Donizetti de Bergamo. Autant dire que tous les atouts sont réunis. Seule inconnue, la mise en scène de Jetske Mijnssen, qui ne m’avait pas convaincu dans Don Pasquale à la Komische Oper, mais qui semble-t-il a mieux réussi dans cette production qui vient d’Amsterdam.
Évidemment, vaudra le voyage, sans faute.

Juin-Juillet 2023
Giacomo Puccini
La Bohème
7 repr. du 30 juin au 7 juillet – Dir : Francesco Lanzillotta/MeS : Emma Dante
Avec Diana Damrau/Selene Zanetti, Vittorio Grigolo/Vincenzo Costanzo, Andrzej Filończyk etc…
C’est l’été, et l’on programme les grands standards susceptibles d’attirer du public. Reprise de la récente production d’Emma Dante qui a ouvert le mandat de Stéphane Lissner, dans une double distribution, l’une de « stars », avec Damrau et Grigolo, l’autre avec Selene Zanetti qui avait créé la production et le jeune Vincenzo Costanzo, qui a 31ans, assez prometteur.  Le tout avec un Marcello de classe, le magnifique Andrzej Filończyk et en fosse, l’excellent Francesco Lanzillotta.  Une Bohème séduisante pour ce début d’été, qui vaudrait presque le voyage.

 

Septembre 2023
Giacomo Puccini
Madame Butterfly
8 repr. du 12 au 28 sept. – Dir : Dan Ettinger/MeS : Ferzan Ospetek
Avec Ailyn Pérez/Valeria Sepe, Saimir Pirgu/Vincenzo Costanzo, Marina Comparato
Si l’été s’ouvrait avec Bohème, il se ferme avec Butterfly, histoire de lancer la rentrée avec un titre populaire, comme Bohème, dans une production des réserves du San Carlo. Distribution correcte, avec Ailyn Pérez en Butterfly, et Saimir Pirgu en Pinkerton et des jeunes en distribution B. En fosse, Dan Ettinger. Soyons honnêtes, une Butterfly alimentaire qui ne fait pas trop rêver, qui ne coûte pas trop cher et remplit potentiellement la salle

 

Vincenzo Bellini
Beatrice di Tenda
Le 23 septembre 2023 – Dir : Giacomo Sagripanti
Avec Jessica Pratt, Matthew Polenzani, Andrzej Filończyk etc…
Pour une seule soirée en version de concert, et pour marquer le 190e anniversaire de la très rare Beatrice di Tenda de Bellini, créée en mars 1833 à la Fenice de Venise. En fosse, Giacomo Sagripanti qu’on connaît mieux pour son Rossini dirigera un solide trio, la pyrotechnique Jessica Pratt, Matthew Polenzani qui est un bon styliste sans forte personnalité, et l’excellent Andrzej Filończyk, l’un des barytons qui pourrait bien devenir une référence pour le répertoire de la première moitié du XIXe.

 

Ludovico Einaudi
Winter Journey
Les 7 et 8 oct – Dir : Carlo Tenan / MeS : Roberto Andò
Avec Malia, Badara Seck, Jonathan Moore…
Prévu en mars 2020 et annulé pour cause de Covid et de confinement, le spectacle du compositeur Ludovico Einaudi, l’un des compisteurs italiens à succès, dans toute l’Europe, signé Roberto Andò et dirigé par Carlo Tenan revient en automne 2023. Winter Journey est un voyage dans l’hiver européen contemporain et désolé, dans la solitude désespérée de ceux qui sont forcés d’abandonner leur propre pays pour s’embarquer vers des terres où ils peuvent mendier pour gagner leur vie. Un « Voyage d’hiver » gris et amer créé au Teatro Massimo de Palerme, dans cette Sicile qui accueille tant d’immigrés.

Octobre-novembre 2023
Gioachino Rossini
Maometto II
5 repr. du 25 oct. au 5 nov. – Dir : Michele Mariotti /MeS : Calixto Bieito
Avec Roberto Tagliavini, Dmitry Korchak, Vasilisa Berzhanskaja, Varduhi Abrahamyan etc…
La saison se termine alla grande par ce Maometto II de Rossini qui fut créé dans ce théâtre le 3 décembre 1820. Nul doute que Michele Mariotti devrait faire revivre l’œuvre avec la flamme voulue et la nécessaire élégance. La distribution est exemplaire, dominée par Roberto Tagliavini, devenu en quelques années une des basses italiennes de référence, et par Vasilisa Berzhanskaja qui est elle aussi devenue une mezzo incontournable dans Rossini, depuis sa Rosine du Barbiere di Siviglia à Rome, à ses côtés Varduhi Abrahamyan, toujours contrôlée, toujours élégante notamment dans les répertoires XVIIIe et Romantiques. Enfin, le ténor sera Dmitry Korchak, plus irrégulier mais bien connu des rossiniens.
La production est confiée à Calixto Bieito, qui devrait évidemment faire réagir les irréductibles grincheux, car il est rare d’avoir des metteurs en scène de ce calibre dans ce type de répertoire.
De toute manière, quel lyricomane n’inscrirait pas Naples dans ses voyages entre octobre et novembre 2023 ?

Concerts divers et ballets complètent les opéras, comme il se doit.
Au total, Stéphane Lissner joue un jeu d’équilibres subtils, investissant dans des distributions quelquefois follement excitantes, souvent alléchantes, ou au moins solides. Du point de vue des chefs, c’est tout aussi solide sans être éblouissant.
Ce jeu des équilibres on le retrouve dans la série de concerts qui allie, outre le néo directeur musical Dan Ettinger des chefs/cheffes de référence comme Susanna Mälkki ou Fabio Luisi, et dont les programmes alternent concerts vocaux (Netrebko, Agresta etc..) et concerts symphoniques où s’insèrent des voix çà et là, comme si même dans ces concerts, on restait fidèle à la tradition historique très vocale de ce lieu.

Les problèmes économiques très présents sont habilement contournés dans les productions par le recours à du répertoire de la maison, des coproductions ou locations de spectacles et des opéras en versions de concert.
Seules deux nouvelles productions sont « maison », celle de Don Carlo initiale et celle de Maometto II conclusive. Anna Bolena, la troisième, vient d’Amsterdam et le Requiem de Mozart vient d’Aix-en-Provence.

Il reste que, telle qu’elle est, cette saison habilement construite donne envie : elle est guidée par les voix, qui sont l’ADN de ce merveilleux théâtre, mais elle affiche aussi des ambitions dans les choix de mises en scène, entre Calixto Bieito, Claus Guth, Romeo Castellucci et Jetske Mijnssen. Peu d’institutions italiennes n’osent à ce point, tout en reprenant des spectacles locaux très dignes comme La Walkyrie de Federico Tiezzi ou La Bohème signée Emma Dante.
Le travail qui reste à conduire, c’est un travail important sur les forces musicales du théâtre : José Luis Basso, dont on connaît les qualités, a pris en main le chœur depuis une année et espérons que Dan Ettinger saura conduire sa phalange à progresser.
Entre les travaux de rénovation, la question économique, et la restructuration des forces du théâtre, il y a du pain sur la planche, mais la saison telle qu’elle est masque bien les difficultés. On sait à Naples comment faire rêver.

LA SAISON 2022-2023 DE LA WIENER STAATSOPER

Bogdan Roščić continue en 2022-2023, sa troisième saison, le ripolinage (le mot est revenu à la mode lors de notre dernière présidentielle) de la programmation de la Wiener Staatsoper, qui n’apparaît pas aussi aisé qu’on pouvait l’attendre. Les nouvelles productions de sa deuxième saison n’ont pas toutes été accueillies avec faveur par le public et la critique : il est vrai que le public viennois est historiquement plus intéressé par le chant que par les productions proprement dites. La dernière période où de grandes productions (musique, chant et mise en scène) ont été programmées à Vienne fut l’ère Abbado, relativement courte, interrompue par la mort de Klaus Helmut Drese et son remplacement par Eberhard Wächter et Ioan Holender. Entre 1991 et 2020, ce ne sont pas les mises en scènes qui ont marqué cette maison.
Trois décennies, c’est plutôt lourd et ça ne contribue pas à « habituer » un public non aux tendances actuelles de la mise en scène, mais simplement à la question de la mise en scène. D’où des secousses devant un Tristan und Isolde signé Bieito (plus de deux décennies de carrière internationale, petit nouveau apparu il y a deux ans à Vienne avec sa Carmen déjà vénérable et que tout le monde a déjà vue) , voire un Wozzeck de Stone ou un Parsifal de Serebrennikov.
Quant à savoir en revanche si la production du Barbiere di Siviglia signée Herbert Fritsch vaut mieux que la vieille production de Gunther Rennert, c’est aussi un vaste débat : si on remplace une production qui a fait son temps par une autre qui probablement ne fera pas le sien, c’est qu’on a raté son coup. Pour ma part, j’ai beaucoup aimé le Don Giovanni signé Kosky, le Parsifal signé Serebrennikov, mais je sais que beaucoup ne partagent pas mon avis.
C’est toute la complexité de cette maison, qui a besoin de temps pour accueillir sans tousser ou hurler des productions qui ailleurs ne feraient pas tant de bruit .
Et cette complexité tient à plusieurs données.

  • Un système de répertoire qui reste la racine de cette maison, avec ses conséquences sur les répétitions avec des distributions qui doivent toujours avoir au moins quelques éléments attirants pour le public et surtout sur l’esprit général qui y règne qui est esprit de conservation.
  • Un authentique public de fans: Vienne est à peu près la seule maison où à la sortie des artistes, chaque soir, une quinzaine de personnes a minima attendent les chanteurs et le chef pour des selfies, des photos, des autographes, des signatures de documents, voire des cadeaux. J’ai connu ça à Paris dans les années 1970, aujourd’hui les artistes ne sont pas attendus à la sortie du 120 rue de Lyon.
    C’est encore vrai à Munich et un peu vrai à Berlin, mais pas avec la ferveur et la régularité viennoises. Et ce public vient pour les chanteurs, il ne vient pas pour les mises en scène.
  • La présence depuis 2006 à Vienne d‘un autre Théâtre, le Theater an der Wien, système stagione avec des productions très contemporaines, comme si on se partageait le territoire de l’opéra : à la Staatsoper le conservatoire et au Theater an der Wien la création. D’autant plus que la prochaine saison au Theater an der Wien voit les débuts du metteur en scène Stefan Herheim comme Intendant. Les deux maisons ne sont pas comparables, ni pour la capacité, ni pour le système de production, ni pour les présupposés.

Je persiste néanmoins à penser que l’Opéra de Vienne, sans avoir besoin d’être à la pointe de la modernité scénique – ce n’est pas son rôle- et tout en conservant son cortège de stars du chant (sur lequel le dossier de presse insiste très lourdement) et ses distributions somptueuses, a besoin d’être un théâtre de son temps, dont la couleur productive ressemble peu ou prou à celle des autres théâtres comparables, Berlin, Munich, Hambourg ou Londres. Il s’agit simplement de « rattraper » ce retard de plusieurs décennies.
Au-delà de cette constatation, purement déclarative d’un spectateur fidèle des évolutions de l’opéra aujourd’hui, Vienne a aussi besoin de productions qui durent à cause du système de répertoire dont il était question plus haut. Cela signifie que si les productions nouvelles affichées ne sont pas incontestables par leur force et leur qualité, elles risquent de ne pas durer. Là est le pari.

On comprend alors mieux le geste tant raillé de la première saison où ont été achetées des productions récentes à d’autres théâtres, qui avaient fait leurs preuves ailleurs, et qui enrichissaient la maison au lieu de la plomber (par exemple : L’Eugène Onéguine de Tcherniakov ou Die Entführung aus dem Serail signé Neuenfels), c’était une garantie pour des productions de répertoire car on savait d’avance que ces productions étaient bonnes et pouvaient remonter immédiatement le niveau moyen des productions du répertoire viennois.

Cette nouvelle saison est assez étrange a priori : les nouvelles productions affichées sont intéressantes, mais ne font pas tant saliver les Wanderer lyriques que les Wiederaufnahmen, les productions de répertoire retravaillées dont certaines affolent déjà le Landerneau lyrique… Il reste qu’entre nouvelles productions, Wiederaufnahmen et productions de répertoire (celles qui sont très peu répétées et qui se succèdent au quotidien), on a encore un peu plus de 40 spectacles différents d’opéra dans ce théâtre dont un Ring (de répertoire)… Qui peut s’y comparer ?

Nouvelles productions

Six titres, trois titres qui sont indispensables dans une maison de répertoire, deux titres importants mais moins essentiels pour une maison comme Vienne, et une fantaisie…toute viennoise. Mais il faut juger la saison dans sa globalité, avec les Wiederaufnahme et le répertoire.

Septembre-Octobre 2022/Mai 2022
Gustav Mahler
Von der Liebe Tod
10 repr. en deux séries : 6 repr. du 29 sept au 13 oct et 4 repr. du 6 au 16 mai (Dir.Lorenzo Viotti/MeS : Calixto Bieito)
Avec Vera-Lotte Böcker, Tanja Ariane Baumgartner, Daniel Jenz, Florian Boesch
Une soirée « viennoise », voire une soirée maison autour de Gustav Mahler, qui la dirigea, sans jamais avoir écrit d’opéras et donc une sorte de rentrée au répertoire du compositeur.
Une soirée de Théâtre musical, autour de la mort et à travers Das Klagende Lied et les Kindertotenlieder. Habile moyen de faire un travail de mise en scène qui pourra moins heurter les tenants de la tradition parce que l’on ne touche à aucun titre, et par ailleurs d’inviter pour la première fois à Vienne Lorenzo Viotti, dont beaucoup font grand cas.
Avec des chanteurs aux dons de diseurs tels qu’ils s’imposent naturellement dans une telle soirée.
Une initiative surprenante, et une manière surprenante d’ouvrir les nouvelles productions. Mais il faut tenter. Reste à savoir ce qu’on fera de cette soirée dans le répertoire de la maison.

Décembre 2022
Richard Wagner
Die Meistersinger von Nürnberg
(5 repr. du 4 au 20 déc)(Dir : Philippe Jordan/MeS : Keith Warner)
Avec Michael Volle, David Butt Philip, Hanna Elisabeth Müller, Wolfgang Koch, Georg Zeppenfeld
La précédente production, signée Otto Schenk, remontait à 1975 et la dernière reprise remonte, de manière surprenante à 2012. 77 représentations et 47 ans d’âge, ce sont de bons et loyaux services.
Distribution de haut niveau avec le dialogue Wolfgang Koch en Beckmesser (une prise de rôle) et Michael Volle en Hans Sachs (et qui fut un inoubliable Beckmesser à Bayreuth), et le jeune David Butt Philip en Walther, une des voix émergentes les plus intéressantes du moment, une voix large, capable de chanter aussi bien Florestan de Fidelio que Rodolfo de Bohème.
Georg Zeppenfeld plus habituel en Pogner et Hanna Elisabeth Müller, enfin Eva, on l’attendait depuis longtemps dans ce rôle. Philippe Jordan dans la fosse, c’est naturel vu ses fonctions, et une production signée Keith Warner, modernité sans doute sans provocation. Les enjeux sont forts, il ne faut pas à chaque fois dans Wagner effaroucher le public (comme  pour Parsifal de Serebrennikov et Tristan de Bieito), et surtout dans un titre aussi emblématique. On fera le voyage de Vienne…

Février-Avril 2023
Richard Strauss
Salomé

9 repr. en deux séries : 5 repr. du 2 au 12 fév. et 4 repr. du 21 au 29 avril.)
(Dir : Philippe Jordan/MeS : Cyril Teste)
Avec Gerhard Siegel (Fev)/Jörg Schneider (Avr.), Michaela Schuster, Malin Byström, Iain Paterson etc…
251 représentations depuis 1972, la production de Boreslaw Barlog aux couleurs Sécession a vaillamment donné à l’opéra. Il était plus que temps de la remiser.
Et c’est le français Cyril Teste qui va succéder à cette production, souhaitons-lui de durer autant (50 ans)… C’est une de ses premières mises en scène d’opéra (il fait aussi la saison prochaine Fidelio à Nice) et on est très curieux de voir comment ce spécialiste des relations entre scène et vidéo, va lire l’œuvre de Strauss et la pièce de Wilde. En tous cas, c’est une des surprises positives de cette année.
C’est Philippe Jordan qui, en spécialiste et amoureux de Strauss, compositeur avec lequel il fit ses débuts à l’opéra de Vienne (Capriccio). Et la distribution est composée de spécialistes des rôles, notamment Malin Byström qui fut naguère une grande Salomé à Amsterdam avec Gatti et Van Hove, mais aussi Iain Paterson, et bien sûr Gerhard Siegel et Michaela Schuster, (Hérode et Hérodias) sans oublier Jörg Schneider, une des révélations de de ces dernières années, qui reprend Hérode en avril.
On ne manquera pas cette production, évidemment, et d’abord par curiosité pour le travail de Cyril Teste.

Mars/juin 2022
Mozart
Le Nozze di Figaro
9 repr. en deux séries : 7 repr. du 11 au 26 mars. et 4 repr. du 6 au 17 juin.)
Dir : Philippe Jordan/MeS : Barrie Kosky
Avec Andrè Schuen, Hanna Elisabeth Müller, Patricia Nolz, Peter Kellner, Ying Fang etc…
Bogdan Roščić a confié à Barrie Kosky le soin de mettre en scène les trois opéras de la trilogie Da Ponte et la saison 2023-2024 verra sa conclusion avec Così fan tutte. Mozart est évidemment stratégique à Vienne, c’est un des compositeurs « maison », et on ne compte pas le nombre de chanteurs mozartiens légendaires issus de la troupe viennoise. Par ailleurs, les dernières productions signées aussi bien Jean-Louis Martinoty (pour Nozze et Don Giovanni) ou Roberto De Simone (pour Così) n’était pas très satisfaisantes.
J’ai apprécié le Don Giovanni proposé fin 2021, vision abstraite et originale du mythe. On verra si Le nozze di Figaro continue cette veine, où change complètement de direction.
Musicalement, c’est Philippe Jordan qui en assure la direction, ce qui est légitime vu son statut de Directeur musical, les parisiens savent que c’est un chef qui dirige un Mozart solide, classique et assez théâtral.
La distribution montre à la fois un souci de passer à une nouvelle génération de chanteurs : Andrè Schuen vient de faire Figaro (à Aix par exemple), il devient Il conte Almaviva, et Hanna Elisabeth Müller qui était Donna Anna dans Don Giovanni sera la Comtesse : un couple plus jeune que d’habitude.
Bonne part du reste de la distribution vient de la troupe de la maison, aussi bien Peter Kellner (Figaro) que Patricia Nolz, belle chanteuse qui sera Cherubino. Quant au rôle de Susanna, il est confié à Ying Fang, qu’on voit fréquemment dans des rôles mozartiens ou haendeliens, et qui a commencé à chanter sur les grandes scènes du monde, dont New York et Paris.
Et c’est donc une vraie surprise qui attend le spectateur à travers une distribution neuve. Il est vrai qu’on cherche – et sans doute aussi à Vienne- à se constituer un réservoir de bons chanteurs pour Mozart.

Avril 2022
Claudio Monteverdi
Il ritorno d’Ulisse in patria
(5 repr. du 2 au 14 avril) Dir : Pablo Heras Casado/MeS : Jossi Wieler & Sergio Morabito
Avec Georg Nigl, Kate Lindsey, Josh Novell, Andrea Mastroni
Comme c’est étrange : il y a des modes sur des œuvres qu’on va voir plus ou moins adaptées ou arrangées sur plusieurs scènes européennes. Comme on a vu beaucoup L’Orfeo et L’incoronazione di Poppea un peu partout, on s’essaie maintenant à Il ritorno d’Ulisse in patria qu’on verra par exemple à Genève, à Munich, à Barcelone, à Cremone, à Schwetzingen. Mais Bogdan Roščić a programmé depuis son arrivée à Vienne les trois Monteverdi. Il a déjà fait L’Orfeo et L’incoronazione di Poppea. Il programme donc le troisième. Dans une production de Jossie Wieler & Sergio Morabito (qui ont déjà mis en scène Das verratene Meer de Henze) où ce dernier est Chefdramaturg, c’est à dire responsable de la partie « production théâtrale » des opéras. La distribution, dominée par Georg Nigl et Kate Lindsey, (qui sont dans L’Orfeo en juin prochain) est très prometteuse, et c’est Pablo Heras Casado, qui a déjà dirigé L’incoronazione di Poppea, et qui s’apprête en juin à diriger L’Orfeo, qui sera dans la fosse. Ainsi c’est la cohérence musicale qui a été choisie et non la cohérence scénique (comme pour la trilogie Mozart/Da Ponte), puisque les trois Monteverdi ont été réalisés par trois équipes différentes (Lauwers, Morris, Wieler & Morabito). Ce sera de toute manière intéressant à voir.

Mai-Juin 2022
Francis Poulenc
Dialogues de Carmélites

(5 repr. du 21 mai au 2 juin) Dir : Bertrand de Billy/MeS : Magdalena Fuchsberger
Avec Sabine Devieilhe, Bernard Richter, Nicole Car, Michaela Schuster, Eve-Maud Hubeaux
Une seule production, celle de la création en 1959, signée Margherita Wallmann, pour 20 représentations avec la dernière en 1964 justifient cette deuxième production, après 58 ans d’absence. C’est Magdalena Fuchsberger, ex assistante et responsable des reprises à Stuttgart où officiaient Jossi Wieler & Sergio Morabito, qui est chargée de la mise en scène ; on voit donc de qui vient l’idée. Aujourd’hui metteuse en scène, essentiellement dans des théâtres allemands de ville moyennes (Hagen, Lübeck, Heidelberg), cet engagement à Vienne constitue donc un certain enjeu pour cette artiste autrichienne 5 (née à Salzburg) encore jeune.
C’est Bertrand de Billy, bien connu à Vienne qui sera en fosse, avec une distribution solide dominée par Sabine Devieilhe, qui sera Blanche, avec Eve-Maud Hubeaux en Mère Marie et Michaela Schuster en Madame de Croissy.

 

Wiederaufnahmen (Reprises retravaillées)

À peu près  autant de Wiederaufnahmen que de nouvelles productions  avec des distributions de grande classe, sinon immanquables, on comprend le calcul de la Wiener Staatsoper :

  • D’abord, retravailler des œuvres assez rares qui n’ont pas été trop souvent reprises, et qui ne nécessitent donc pas encore de nouvelles productions (La Juive, Jenufa, Lady Macbeth de Mzensk, Cardillac par exemple)
  • Ensuite, retravailler des titres populaires, dont la production peut encore durer (Aida, André Chénier, Fidelio)
  • Valoriser l’ensemble de ces reprises par des distributions séduisantes voire exceptionnelles et ainsi attirer le public et, pour ceux qui viennent de loin, leur permettre d’accéder en même temps aux nouvelles productions souvent qui les accompagnent dans le calendrier.
  • Autre calcul plus « pervers » : on sait que les stars n’aiment pas les répétitions. Une star, c’est bien connu, a des compétences innées… et un agenda si chargé qu’elle n’a pas envie de perdre trop de temps en répétitions alors qu’elle pourrait chanter ailleurs et être grassement payée…
  • Enfin, les polémiques sur les nouvelles productions viennoises et les manœuvres locales habituelles nécessitent que la balance penche aussi vers des distributions qui vont faire taire, puisqu’on pourra dire que Vienne danse avec le feu pour ses nouvelles productions, mais chante avec les stars. Tout cela est de bonne guerre, et met ainsi peut-être le projecteur plus sur les reprises que sur les premières. C’est le calcul qui a déjà été fait dans la saison actuelle avec la prise de rôle de Jonas Kaufmann dans Peter Grimes.
  • En somme, moins de frais de productions, moins de répétitions qu’une première et l’assurance d’un bon remplissage : tout bénéfice.

Septembre 2023
jacques Fromental Halévy
La Juive
(5 repr. du 5 au 18 sept.) Dir : Bertrand de Billy/MeS : Günter Krämer
Avec Roberto Alagna, Sonya Yoncheva, Nina Minasyan, Günther Groissböck, Cyrille Dubois
207 représentations à Vienne entre 1870 et 1933, deux représentations concertantes en 1981 , 36 représentations entre 1999 et 2015 de la production de Günter Krämer, dominée par la prestation désormais légendaire de Neil Shicoff qui a été quasiment de l’ensemble des reprises jusqu’à la dernière de 2015.
À Neil Shicoff succède Roberto Alagna, magnifiquement entouré par des vedettes du chant actuel comme Groissböck ou Yoncheva, et par des grands espoirs internationaux comme Cyrille Dubois qu’on ne présente pas et Nina Minasyan qu’on a vue à Lyon dans Le Coq d’or.
Dans la fosse, Bertrand de Billy, excellent dans ce répertoire.
Y courir évidemment, indépendamment de la production de Krämer, qui ne présente pas d’intérêt . Mais ouvrir la saison ainsi, c’est ce qu’on appelle un beau coup. 

Octobre 2022
Leoš Janáček
Jenůfa
(5 repr. du 9 au 23 octobre 2022) (Dir : Tomáš Hanus/MeS : David Pountney)
Avec Asmik Grigorian, Violeta Urmana, David Butt Philip, Michael Laurenz.
Jenůfa est entré au répertoire à Vienne en 1918 et a connu depuis 7 productions, la production de David Pountney la septième remonte à 2002 et fut créée par Seiji Ozawa. Elle a connu depuis 36 représentations, et elle est suffisamment bonne pour ne pas nécessiter de nouvelle production.
Cette reprise sera dirigée par Tomáš Hanus, qui vient de diriger l’œuvre à Genève avec grand succès et c’est donc une garantie. La distribution est dominée par Asmik Grigorian (Jenůfa) et Violeta Urmana (la sacristine) du côté des deux frères, Laca est confié au jeune ténor David Butt Philip, que le public découvrira aussi en Walther et Steva à l’excellent Michael Laurenz.
Une distribution solide, un excellent chef, une production qui a fait ses preuves, que demander de plus ?

Novembre 2022
Paul Hindemith
Cardillac
(5 repr. du 2 au 13 nov. 2022) (Dir : Cornelius Meister/MeS : Sven-Eric Bechtholf)
Avec Tomasz Konieczny, Vera-Lotte Böcker, Gerhard Siegel etc…
Cardillac n’est pas une des œuvres qui remplissent les programmes (ni les salles) fréquemment : à Vienne, quatre productions depuis 1927 avec au total des quatre productions et en tout 35 représentations… La dernière, signée Sven-Eric Bechtholf remonte à 2010 et a connu 11 représentations en tout (2010, 2012, 2015). La nouvelle production ne s’impose pas, même si la production Bechtholf est comme les autres productions Bechtholf, sans grand intérêt.
La distribution est solide, avec le Cardillac de l’excellent Tomasz Konieczny et Vera-Lotte Böcker, qu’on commence à voir sur bien des scènes, un des sopranos les plus intéressants du moment. Quant à Gerhard Siegel, c’est un des meilleurs ténors de caractère du marché (un Loge exceptionnel). C’est Cornelius Meister, le GMD de Stuttgartqui sera en fosse, et cela, c’est particulièrement intéressant. Il représente la relève de la direction musicale germanique, et a déjà dirigé depuis quelques années 9 productions à Vienne,

Novembre-décembre 2022
Umberto Giordano
Andrea Chénier
(4 repr. du 30 nov au 9 déc. 2022) (Dir : Francesco Lanzilotta/MeS : Otto Schenk)
Avec Jonas Kaufmann, Carlos Alvarez, Maria Agresta.
La distribution parle d’elle-même. Qui manquera un Andrea Chénier avec Jonas Kaufmann ? L’œuvre a connu à Vienne 4 productions, et Lotte Lehmann chanta Madeleine de Coigny à la première en 1926 mais la quatrième, signée Otto Schenk, a connu 120 représentations depuis 1981 : on ne change pas une production qui gagne, d’autant qu’Andrea Chénier est une de ces œuvres où la mise en scène demande réalisme et reconstitution historique… Francesco Lanzillotta, en fosse, est un des excellents chefs de la nouvelle génération italienne et a dirigé à pour la première fois à Vienne la saison actuelle 21/22 avec succès. On ne présente plus Carlos Alvarez, toujours remarquable, et Maria Agresta devrait être une touchante Madeleine.
Préparez donc votre voyage…

Janvier 2023
Giuseppe Verdi
Aida
(4 repr. du 14 au 24 Janvier 2023) (Dir : Nicolas Luisotti/MeS : Nicolas Joel)
Avec Elina Garanca, Jonas Kaufmann, Luca Salsi…
Encore un motif de voyage à Vienne, même si la production signée Nicolas Joel ne décoiffe pas (créée en 1984 et 124 représentations quand même), et même s’il ne faut pas attendre grand-chose de la direction de Nicola Luisotti, chef correct de répertoire, routine confortable qui écume la plupart des grands théâtres internationaux sans jamais étonner…
Mais Garanca, Kaufmann et Salsi valent déjà la réservation d’un train de nuit…
Certes Aida n’est pas annoncée, mais on sussurre, on murmure un nom qui circule d’une cantatrice autrichienne à la double nationalité et qui n’a pas encore repris trop de service depuis la guerre en Ukraine… Vous devinez… ?
Si c’est le cas, on campera autour de l’opéra… prudemment, le nom est gardé in pectore par la direction.
A ne pas manquer évidemment, même si personnellement à choisir j’eus préféré Lanzillotta dans Aida et Luisotti dans Chénier

Février-mars 2023
Ludwig van Beethoven
Fidelio
(4 repr. du 22 fév. au 4 mars 2023) (Dir : Axel Kober/MeS : Otto Schenk)
Avec Brandon Jovanovich, Anja Kampe, Christof Fischesser, Jochen Schmeckenbecher, Slávka Zámečníková.
Se souvient-on que cette production (260 représentations au compteur) fut créée par Leonard Bernstein en 1970, avec Gwyneth Jones, James King, Theo Adam, Franz Crass, Lucia Popp… ?
Cette reprise est moins prestigieuse sans doute, mais solide, avec la lumineuse Leonore d’Anja Kampe. je suis moins convaincu par Brandon Jovanovich en Florestan, mais ils sont bien entourés, en signalant la délicieuse Slávka Zámečníková en Marzelline, Donna Anna fabuleuse à Berlin, qu’on s’arrachera dans les prochaines années. En fosse, Axel Kober, un des chefs très solides pour ce répertoire.
Une reprise qui tiendra sans doute la distance. À remarquer que les productions d’Otto Schenk sont précieusement conservées dans cette maison où il a tant fait. Et cette reprise retravaillée montre que ce Fidelio en a encore pour quelques années.

Mai-Juin 2023
Dmitry Chostakovitch
Lady Macbeth de Mzensk
(5 repr. du 28 mai au 12 juin 2023) (Dir : Alexander Soddy/MeS : Matthias Hartmann)
Avec Günther Groissböck, Aušrinè Stundytè, Dmitry Golovnin, Andrei Popov etc…
Étonnamment, une seule production de l’opéra de Chostakovitch à Vienne, créé très tardivement (2009) repris deux fois (2015 et 2017) pour un total de 16 représentations. Matthias Hartmann n’est pas un metteur en scène très intéressant (un des représentants d’une fausse modernité sans grandes idées), mais la distribution, dominée par la Katerina d’Aušrinè Stundytè, qui est devenue la référence absolue du rôle depuis six à sept ans (elle a explosé à Anvers dans la production Bieito) à ses côtés Günther Groissböck qu’on ne présente plus et Dmitry Golovnin, que je considère comme l’un des ténors les plus intéressants du répertoire russe, qui sera Serghei.
En fosse, un chef que tous désignent comme l’une des figures du futur de la direction musicale, Alexander Soddy, GMD à Mannheim, qui fut l’assistant de Petrenko à Bayreuth. À écouter avec curiosité d’autant qu’aussi bien à Berlin qu’à Londres, il commence vraiment à intéresser les maisons d’opéra.

Comme on le voit, même sans nouvelles productions, il y aurait de quoi faire quelques voyages viennois tant ces reprises sont somptueusement distribuées.
Considérons maintenant le répertoire, qui comme on le sait à Vienne, ne fait pas l’objet de travail de répétitions longues, mais qui constitue le quotidien de la maison et presque son âme. La question du répertoire, bien au-delà de la question de la troupe, nécessite une organisation technique particulière, avec une occupation de la scène continue, nuit et jour (faire et défaire les décors par exemple) : les horaires de répétitions, les répétitions générales des nouvelles productions dans une maison qui joue quasiment chaque soir nécessitent un agenda serré.
Bogdan Roščić a réduit le nombre de titres proposés pour aérer un peu la programmation et laisser un peu plus d’espace, il a compensé quelquefois en élargissant le nombre de représentations de titres populaires en deux séries distribuées sur la saison, voire trois pour Tosca, avec des distributions un peu ou totalement différentes et des changements de chefs.
Sauf en de rares occasions, chaque distribution a au moins un élément digne d’intérêt, une star, une prise de rôle, une première apparition à Vienne. Du point de vue des productions, dans les représentations de répertoire, on prend ce qu’il y a en magasin, et c’est aussi la raison pour laquelle Bogdan Roščić a acheté des productions réussies qui avaient fait leur temps ailleurs pour rafraîchir la “garderobe”.
Mais on remarque aussi la présence de productions historiques, qui sont des témoignages, en premier lieu la fameuse Tosca de Margharete Wallmann, qui remonte à 1958, que tout visiteur de l’opéra de Vienne doit au moins avoir vue une fois, mais il y en a d’autres, comme La Bohème de Zeffirelli (la même qu’à la Scala), ou diverses productions d’Otto Schenk dont le Rosenkavalier. En bref, même si les conditions musicales ne sont pas toujours idéales, loin de là (en fosse, l’orchestre de la Staatsoper, à géométrie variable à cause du nombre de titres et de l’alternance au quotidien, ne ressemble quelquefois que de très très loin aux fameux Wiener Philharmoniker qui sont issus de l’orchestre ; il faut sans cesse corriger certains journalistes qui appellent Wiener Philharmoniker l’orchestre en fosse à l’Opéra. Les Wiener Philharmoniker n’officient en fosse ès qualité qu’au festival de Salzbourg…
Il reste qu’en Europe occidentale, seules Munich et Vienne peuvent afficher un nombre aussi important de productions, et ne leur sont comparables que des institutions russes comme le Bolchoï ou le Mariinsky, impraticables en ce moment pour les raisons qu’on sait.

Alors avant d’aborder les titres singuliers (quand cela vaut la peine, il est bon de faire quelques statistiques des compositeurs proposés cette saison.
R= Répertoire
W=Wiederaufnahme (reprise travaillée)
NP= Nouvelle production

1 Beethoven (Fidelio) W
1 Berg (Wozzeck R)
1 Bizet (Carmen) R
1 Chostakovitch (Lady Macbeth de Mzensk) W
3 Donizetti (La fille du régiment R, L ‘Elisir d’amore R, Don Pasquale R)
1 Giordano (Andrea Chénier) W
1 Halévy (La juive, W)
1 Hindemith (Cardillac W)
1 Janáček (Jenůfa W)
1 Mahler (NP)
1 Mascagni/Leoncavallo (Cav-Pag R)
2 Massenet (Werther R, Manon R)
2 Monteverdi (Il ritorno di Ulisse NP, L’Orfeo R)
3 Mozart (Die Zauberflöte R, Don Giovanni R, Nozze di Figaro NP)
1 Poulenc (Dialogues des Carmélites NP)
3 Puccini (Madame Butterfly R, La Bohème R, Tosca R)
2 Rossini (Il Barbiere di Siviglia R, La Cenerentola R)
1 Strauss J. (Fledermaus R)
4 Strauss (Salomé NP, Elektra R, Ariadne auf Naxos R, Rosenkavalier R)
4 Verdi (Aida W, Macbeth R, Rigoletto R, Traviata R)
7 Wagner (Meistersinger NP, Parsifal R, Lohengrin R, Ring (4 titres) R)

Répertoire

Septembre 2022/Avril 2023
Georges Bizet
Carmen
8 repr. : 4 repr. du 6 au 15 sept 2022(A) et 4 repr. du 19 au 28 avril 2023  (B)
(Dir : Yves Abel(A) Alexander Soddy (B)/MeS : Calixto Bieito)
Avec Elina Garança, Piotr Beczala, Roberto Tagliavini, Slávka Zámečníková (A)
Eve-Maud Hubeaux, David Butt Philip, Erwin Schrott, Slávka Zámečníková (B)

Ouverture de saison et mois de septembre construit pour attirer le public : Carmen avec Garança et Beczala, c’est évidemment très attirant d’autant que Tagliavini est excellent, et que Slávka Zámečníková sera sans doute une excellente Micaela.
La reprise d’avril est intéressante à cause des voix nouvelles (Eve-Maud Hubeaux en Carmen, et David Butt Philip qu’on va voir assez souvent dans la saison en Don José). Pour Erwin Schrott, c’est moins convaincant.
Yves Abel est un chef solide et bien connu à Vienne (mais dans un autre répertoire) et Soddy pour la reprise devrait intéresser.

Septembre/Décembre 2022
Mozart
Die Zauberflöte
9 repr. : 4 repr. du 7 au 16 sept 2022(A) et 5 repr. du 7 au 19 déc. 2022  (B)
(Dir : Bertrand de Billy(A) Alexander Soddy (B)/MeS : Patrice Caurier-Moshe Leiser)
Avec Günther Groissböck, Pavel Petrov, Golda Schultz, Kathrin Lewek etc.. (A)
Franz-Josef Selig, Sebastian Kohlhepp, Erin Morley, Brenda Rae etc… (B)
Pour la distribution, sans doute mieux vaut la distribution B (décembre) avec Selig et le jeune Sebastien Kohlhepp, excellent ténor.

Septembre 2022/Janvier-Février 2023
Mozart
Don Giovanni
9 repr. : 5 repr. du 17 au 28 sept 2022(A) et 4 repr. du 29 janv. au 6 fév. 2023  (B)
Dir : Philippe Jordan(A) Antonello Manacorda(B)/ MeS : Barrie Kosky
Avec Kyle Ketelsen, Philippe Sly, Hanna Elisabeth Müller, Pavol Breslik, Tara Erraught, Ain Anger (A)
Kyle Ketelsen, Philippe Sly, Eleonora Buratto, Dmitry Korchak, Kate Lindsey,  Ain Anger (B)
Une production que j’ai beaucoup aimée, et des deux distributions, sans doute faut-il conseiller celle de septembre (A), dirigée par Philippe Jordan avec l’essentiel du cast de la création en décembre 2021. La distribution B garde le couple phénoménal Ketelsen/Sly, mais en fosse, je ne suis jamais convaincu par Antonello Manacorda.

Septembre 2022/Janvier 2023
Rossini
Il barbiere di Siviglia
9 repr. : 4 repr. du 22 au 30 sept 2022(A) et 5 repr. du 3 au 15 janv. 2023  (B)
(Dir : Giacomo Sagripanti (A)/ Michele Mariotti (B) ; MeS : Herbert Fritsch)
Avec Levy Sekgapane, Vasilisa Berzhanskaya, Paolo Bordogna, Marco Caria etc…(A)
Alasdair Kent, Patricia Nolz, Paolo Bordogna, Boris Pinkhasovich etc…(B)
Distribution A absolument « rossinienne » avec une Berzhanskaya fabuleuse Rosine découverte par l’Opéra de Rome que celui de Vienne semble s’être assuré pour beaucoup de représentations. Distribution B moins « idiomatique », même avec de bons chanteurs, (Rossini demande vraiment des chanteurs rompus à l’exercice…) mais en fosse Michele Mariotti est la garantie rossinienne, bien plus que Bisanti (A)… Choix difficile, mais si vous avez à choisir, plutôt d’autant que le mois (avec La Juive et Carmen et le reste) vous garantit un petit Festival d’opéra particulièrement séduisant. 

Octobre 2022
Giuseppe Verdi
Rigoletto
(4 repr. du 1er au 11 oct) (Dir : Pier Giorgio Morandi MeS : Pierre Audi)
Avec Benjamin Bernheim, Erin Morley, Simon Keenlyside
Mise en scène sans intérêt, chef de répertoire sans grand intérêt, distribution séduisante (Keenlyside en Rigoletto est assez attirant, hors des sentiers battus) Bernheim aura les notes, le timbre, la couleur, presque tout en somme…
Si vous êtes par là, pourquoi pas ?

Claudio Monteverdi
L’Orfeo
(4 repr. du 14 au 22 oct. ) (Dir : Stefan Gottfried MeS : Tom Morris)
Avec Georg Nigl, Patricia Nolz, Slávka Zámečníková
Reprise de la production qui va avoir sa première en juin 2022, une distribution dominée par Georg Nigl mais Patricia Nolz est vraiment intéressante et il vous faut découvrir Slávka Zámečníková ! Dommage que Pablo Heras-Casado ne soit plus en fosse

Octobre 2022-Février-mars 2022
Gaetano Donizetti
L’Elisir d’amore
8 repr. : 4 du 21 au 30 oct 2022, 4 du 21 févr. au 10 mars 2023
Dir : Gianluca Capuano(A)/Stefano Montanari (B)/MeS Otto Schenk
Avec Slávka Zámečníková, Bogdan Volkov, Davide Luciano, Alex Esposito…(A)
Kristina Mkhitaryan, Francesco Demuro, Clemens Unterreiner, Ambrogio Maestri etc…(B)
Vu que les deux chefs sont vraiment excellents, parmi les meilleurs sur ce répertoire, c’est la distribution qui fera la différence, et là, pas d’hésitation, c’est la A qu’il faut aller écouter. Bogdan Volkov en Nemorino devrait être magnifique.

Octobre-novembre 2022/Février 2023
Giuseppe Verdi
La Traviata
9 repr. du 29 oct au 8 nov (A) et du 5 au 11 fév 2023 (B)
Dir : Thomas Guggeis(A)/Nicola Luisotti (B)MeS : Simon Stone
Avec
A et B: Kristina Mkhitaryan, Dmytro Popov, Amartuvshin Enkhbat
Aucun intérêt à aucun niveau. Une série purement alimentaire, sauf si le hasard vous trouve à Vienne évidemment.

Novembre 2022

Richard Strauss
Ariadne aud Naxos
4 repr. du 9 au 17 novembre Dir : Thomas Guggeis/MeS : Sven Eric Bechtholf
Avec Christina Bock, Eric Cutler, Camilla Nylund, Caroline Wettergreen.
Pour Nylund et Cutler, évidemment passionnants, peut-être aussi le chef Thomas Guggeis , mais pas pour la mise en scène,

Giuseppe Verdi
Macbeth
4 repr. du 18 au 27 novembre Dir : Giampaolo Bisanti/MeS : Barrie Kosky
Avec Simon Keenlyside, Riccardo Fassi, Anna Pirozzi, Freddie De Tommaso
Même si pour Macbeth, on aurait peut-être préféré un autre chef, la mise en scène exceptionnelle de Barrie Kosky, de très loin le meilleur Macbeth du marché  vaut le coup. Distribution dominée par Simon Keenlyside dont on connaît l’intelligence et les qualités et Anna Pirozzi, en grande forme en ce moment, avec Riccardo Fassi qui est aussi une très bonne basse.

Jules Massenet
Werther
4 repr. du 19 au 29 novembre Dir : Alejo Pérez/MeS : Andre Serban
Avec Attila Mokus, Vasilisa Berzhanskaya, Dmitry Korchak
Pour Berzhanskaya et pour Aléjo Pérez, toujours intéressant, si vous êtes sur place mais ne vaut évidemment pas un voyage.

Novembre-décembre 2022/Mars 2023/Mai 2023
Giacomo Puccini
Tosca
10 repr. du 23 nov au 5 déc (A), du 25 au 31 mars (B), du 12 au 18 mai (C) Dir : Giacomo Sagripanti (A)(C), Marco Armiliato(B)/MeS : Margarethe Wallmann
Avec
A : Camilla Nylund, Stefano La Colla, Erwin Schrott
B : Krassimira Stoyanova, Michele Fabiano, Luca Salsi
C : Maria Agresta, Piotr Beczala, Bryn Terfel
En absolu, distribution B la plus équilibrée avec un bon chef de repertoire. Mais peut-on manquer un Scarpia de Bryn Terfel (distr.C)
Et de toute manière, il faut voir une fois dans sa vie ce monument historique qu’est la Tosca de Vienne.

Décembre 2022
Richard Strauss
Der Rosenkavalier
3 repr. du 18 au 26 décembre – Dir : Philippe Jordan MeS : Otto Schenk
Avec Krassimira Stoyanova, Günther Groissböck, Kate Lindsey, Adrian Eröd, Vera-Lotte Böcker etc…
Si vous passez les fêtes à Vienne, à ne pas manquer, c’est une très belle distribution, une très belle production historique et Philippe Jordan est un très bon straussien.

Décembre 2022-Janvier 2023
Gaetano Donizetti
La fille du régiment
4 repr. du 25 déc. au 2 janv. – Dir : Michele Spotti MeS : Laurent Pelly
Avec Pretty Yende, Juan Diego Flórez, Adrian Eröd etc..
Production désormais culte, créée en 2007 par Natalie Dessay, et déjà Flórez. En fosse, Michele Spotti à Vienne pour la première fois qui a montré à Bergamo combien il possédait cette partition et combien il lui donnait verve et force. Vous passez les fêtes à Vienne. Ne manquez pas une des soirées.

Johann Strauss
Die Fledermaus
6 repr :  31 déc (A)/(B), 1 janv (B), 4 janv. (B), 6 janv (A)(B)- Dir : NN (A) Simone Young (B) MeS : Otto Schenk.
Avec
Peter Simonischek, Jörg Schneider, Daria Sushkova etc…(A)
Peter Simonischek, Andreas Schager, Rachel Willis-Sørensen, Christina Böck, Vera-Lotte Böcker (B)
Pour canaliser la demande du public, deux representations les 31 et 6 janvier, avec une autre distribution. Mais il faut évidemment chercher la distribution B, dominée notamment par Andreas Schager et Rachel Willis-Sørensen. Fledermaus à Vienne, c’est évidemment un must notamment avec le grand Simonischek en Frosch.

Janvier 2023
Richard Strauss
Elektra
3 repr. du 5 au 11 jan. – Dir : Simone Young MeS : Harry Kupfer
Avec Violeta Urmana, Nina Stemme, Simone Schneider, Jörg Schneider, Christof Fischesser
Avec intelligence, Bogdan Roščić a remisé la médiocre production Laufenberg et repris la production désormais historique de Harry Kupfer, créée par Claudio Abbado en 1989, restée dans les entrepôts. Direction sans doute solide de Simone Young, et trio de choc avec Violeta Urmana en Clytemnestre, désormais un de ses rôles fétiches, Nina Stemme qu’on ne présente plus, et Simone Schneider en Chrysothemis, qui est l’une des voix les plus intéressantes et vibrantes, et sensibles du moment.

Giacomo Puccini
La Bohème
5 repr. du 19 au 31 jan. – Dir : Eun Sun Kim MeS : Franco Zeffirelli
Avec Benjamin Bernheim, Rachel Willis-Sørensen, Boris Pinkhasovich, Slávka Zámečníková.
Pour voir la production Zeffirelli, qui fait les beaux soirs de la Scala et de Vienne depuis les années 1960 (à Vienne, 443 représentations depuis 1963). Bernheim au timbre d’or, mais au phrasé italien à polir, et pour le reste entendre Slávka Zámečníková en Musetta. On ne ma convaincra jamais que Rachel Willis-Sørensen convienne au repertoire italien.

Février 2023
Mozart
Die Zauberflöte für Kinder
2 repr. le 17 févr. 2023
Deux représentations en une journée de cette présentation pour les classes du pilier du patrimoine musical local

Richard Wagner
Tristan und Isolde
3 repr. du 20 au 26 févr. – Dir. : Philippe Jordan/MeS : Calixto Bieito
Avec : Nina Stemme, Andreas Schager, Christof Fischesser, Christa Mayer, Iain Paterson
Distribution dominée par Nina Stemme et Andreas Schager. Stemme succède à Martina Serafin et elle n’aura aucun mal à la faire oublier, si elle est plus en forme qu’à Aix en Provence. En fosse, Philippe Jordan et production intelligente de Calixto Bieito (et donc mal accueillie par un certain public).


Mars 2023
Gioachino Rossini
La Cenerentola
4 repr. du 3 au 12 mars – Dir: Stefano Montanari/MeS : Sven Eric Bechtholf
Avec Dmitry Korchak, Roberto Tagliavini, Vasilisa Berzhanskaya, Pietro Spagnoli, Michael Arivoni.
Oui pour Vasilisa Berzhanskaya et Roberto Tagliavini, oui pour le magnifique Stefano Montanari en fosse. Il y a d’autres ténors que Dmitry Korchak… Quant à la production de Sven Eric Bechtholf, elle est sans intérêt comme la plupart des productions signées par ce metteur en scène très surfait.

P.I.Tchaïkovski
Eugène Onéguine
4 repr. du 14 au 24 mars – Dir: Tomáš Hanus/MeS : Dmitry Tcherniakov
Avec Etienne Dupuis, Nicole Car, Iván Ayón Rivas, Dimttry IvaschenkoBelle production de Dmitry Tcherniakov, qu’il faut avoir vu. En fosse Tomáš Hanus remarquable chef d’opéra et distribution solide sans être exceptionnelle.

Mars-Avril 2023
Alban Berg
Wozzeck
3 repr. du 29 mars au 5 avril – Dir: Philippe Jordan/MeS : Simon Stone
Avec Johannes Martin Kränzle, Sean Panikkar, Sara Jakubiak, Dmitry Belosselskiy, Jörg Schneider
Johannes Martin Kränzle en Wozzeck, c’est évidemment très intéressant, tant le chanteur est un acteur éblouissant et un diseur fantastique et sensible. Moins convaincu par l’annonce de Sara Jakubiak en Marie, qui ne m’a jamais convaincu. En revanche bon entourage (Excellent Panikkar notamment).

Avril 2023

Richard Wagner
Parsifal
4 repr. du 6 au 16 avril – Dir: Philippe Jordan/MeS : Kirill Serebrennikov
Avec : Michael Nagy, Franz-Josef Selig, Klaus Florian Vogt, Ekaterina Gubanova, Derek Welton.
La production de Serebrennikov avec une distribution complètement modifiée, dont l’intérêt est Michael Nagy en Amfortas, Selig en Gurnemanz, et bien sûr Vogt en Parsifal (même si ce n’est pas le rôle où je le préfère) et la Kundry de Gubanova, qui devrait être intéressante dans le personnage voulu par Serebrennikov. Pourrait valoir un voyage.

Richard Wagner
Lohengrin
3 repr. du 15 au 23 avril – Dir: Omer Meir Wellber/MeS : Andreas Homoki
Avec Tareq Nazmi, Piotr Beczala, Camilla Nylund, Tomasz Konieczny, Nina Stemme
Autre distribution intéressante, Beczala et Nylund en Lohengrin et Elsa, et Konieczny Telramund bien connu, et surtout Stemme en Ortrud…
En fosse, Omer Meir Wellber, très irrégulier. A entendre pour la distribution et combiner 15 avril (Parsifal) et 16 avril (Lohengrin)

Avril-Mai 2023
Jules Massenet
Manon
5 repr. du 30 avril au 13 mai – Dir : Bertrand De Billy/MeS : Andrei Serban
Avec Pretty Yende, Charles Castronovo etc…
Si on aime…

Mai 2023
Gaetano Donizetti
Don Pasquale
4 repr. du 17 au 26 mai – Dir :  Francesco Lanzillotta/ MeS : Irina Brook
Avec Michele Pertusi, Brenda Rae, Josh Lovell, Michael Arivony
Intéressant pour Lanzillotta en fosse, excellent et Pertusi toujours intéressant. Pour le reste…

Juin 2023
Richard Wagner
Der Ring des Nibelungen
2 séries – Dir : Franz Welser-Möst/MeS : Sven Eric Bechtholf

Das Rheingold
1er et 21 juin 2023
Avec Eric Owens, Tanja Ariane Baumgartner, Michael Nagy, Michael Laurenz, Ain Anger

Die Walküre
4 et 22 juin 2023
Avec Eric Owens, Ricarda Merbeth, Giorgio Berrugi, Ain Anger, Tamara Wilson, Tanja Ariane Baumgartner

Siegfried
11 et 25 juin 2023
Avec Eric Owens, Klaus Florian Vogt, Ricarda Merbeth, Michael Nagy, Ain Anger

Götterdämmerung
18 et 30 juin 2023
Avec Burkhard Fritz, Dmitry Belosselskiy, Ricarda Merbeth, Michael Nagy, Regine Hangler etc…

La mise en scène est sans aucun intérêt (Sven Eric Bechtholf), en revanche, Franz Welser-Möst en fosse, c’est diablement passionnant (c’est lui qui a créé cette nouvelle production en 2007). Pour la distribution, c’est le Wotan d’Eric Owens, extraordinaire Alberich de la production Lepage au MET, et le Siegfried (de Siegfried) de Klaus Florian Vogt dans une prise de rôle qui seront évidemment une attraction pour tous les wagnériens : le très prudent ténor pourrait nous étonner diablement. L’Alberich de Michael Nagy devrait aussi être digne d’intérêt tant le chanteur est intelligent. Des valeurs sûres comme Tanja Ariane Baumgartner qui est une excellente Fricka et une équation à deux inconnues à tester, Tamara Wilson en Sieglinde, et Giorgio Beruggi en Siegmund.
Très tentant… très tentant…

Pietro Mascagni/Ruggiero Leoncavallo
Cavalleria Rusticana/Pagliacci
4 repr. du 15 au 27 juin – Dir : Daniel Harding/ MeS : Jean-Pierre Ponnelle
Avec Asmik Grigorian, Jonathan Tetelman, Amartuvshin Enkhbat, Yonghoon Lee
Pour Harding, intéressant en fosse et notamment dans un répertoire où il est inattendu, et pour Grigorian

Giacomo Puccini
Madama Butterfly
4 repr. du 20 au 29 juin – Dir :  Antonello Manacorda/ MeS : Anthony Minghella
Avec Sony Yoncheva, Charles Castronovo, Boris Pinkhasovich, Isabel Signoret
Intéressant pour la mise en scène. Pour le reste, si vous êtes à Vienne pour le Ring, et si vous n’avez rien de mieux…

Évidemment de petites vacances d’une dizaine de jours à Vienne entre le 20 et le 30 juin rempliraient vos soirées d’opéra…

Même avec de nouvelles productions, même avec des mises en scènes plus actuelles que depuis des années, la Wiener Staatsoper reste un temple de la tradition et du classicisme. La programmation n’a pas de prétentions autres que faire de l’opéra. Cela semble évident, mais d’autres maisons comme Genève ou Munich essaient d’accompagner la programmation d’un discours sur l’actualité, sur l’art, sur notre monde. Rien de tout cela ici. L’Opéra dans tous ses états, qui va de l’impossible à rater à l’aimable médiocrité. Avec 42 productions annuelles, il y a le choix : Vienne sera toujours Vienne et au fond, vaut toujours le voyage, si on peut combiner Opéra, Musikverein (ou Konzerthaus) et Theater an der Wien.

 

 

LA SAISON 2021-2022 DE LA WIENER STAATSOPER

UNE NORMALITÉ DE TRÈS HAUT NIVEAU

Après une première saison 2020-21 tronquée par la pandémie, mais dont nous avons pu voir quelques moments clefs en streaming ou même en salle, la saison 2021-22 s’annonce un peu moins explosive. Cinq nouvelles productions et quelques « Wiederaufnahmen » de productions de répertoire rafraichies, et pour le reste des productions de répertoire plus ou moins habituelles font une année presque normale, que nous allons détailler.
La Wiener Staatsoper est une maison de grande tradition, et pour sûr le modèle du système de répertoire, nous l’avons souvent souligné. Dominique Meyer en avait fait d’ailleurs le pilier de sa politique, garantissant un niveau moyen élevé de ses représentations « ordinaires », plus élevé en tous cas que celui de son prédécesseur Ioan Holender.
Le nouvel intendant Bogdan Roščić devait donc marquer une ligne de rupture, notamment au regard de la politique de mises en scène menée depuis des années, qui faisait de Vienne un temple très traditionnel, ce qui n’est pas problématique, mais aussi d’une certaine médiocrité scénique, ce qui l’est plus. Un seul exemple, la production musicalement fabuleuse de Die Frau ohne Schatten en juin 2019 dirigée par un Christian Thielemann des grands soirs avec un cast à faire pâlir, dans une mise en scène plan-plan et sans aucun intérêt de Vincent Huguet, dont nous avions rendu compte dans le site Wanderer.

Bogdan Roščić a donc suivi une double ligne : des nouvelles productions faisant appel à des metteurs en scène plus inventifs, comme le Parsifal signé Kirill Serebrennikov  dont Wanderer a rendu compte, et d’un autre côté là où c’était nécessaire rafraîchir le répertoire rapidement en achetant des productions  qui avaient marqué ailleurs, c’est le cas de l’Eugène Onéguine vu par Dmitry Tcherniakov, ou du Faust de Frank Castorf, dont Wanderer a aussi rendu compte, mais aussi de l’Incoronazione di Poppea (de Jan Lauwers) pris à Salzbourg et du Macbeth (dont Wanderer a rendu compte en juin dernier) signé Kosky qui vient de Zurich (Wanderer a aussi rendu compte de la production zurichoise) sans jamais renoncer à l’excellence musicale, voir à l’exceptionnel (cf. Parsifal) qui fait partie de l’ADN de la maison, au moins pour les Premières et les grandes reprises. Le public viennois est en effet l’un des plus sensibles qui soient aux équipes musicales et aux voix.

Tout cela doit demander à Bogdan Roščić, et à ses équipes, notamment à son responsable-casting Robert Körner (qui officiait naguère à Lyon) un jeu subtil d’équilibres qui devrait à terme permettre à ce public d’évoluer dans ses habitudes et attentes. Un retournement de la sorte se fait progressivement et lentement.
C’est pourquoi cette deuxième année apparaît comme un peu moins bouleversée, mais avec des nouvelles productions qui stimulent les envies du mélomane voyageur…

 

Nouvelles productions :
Les cinq nouvelles productions donnent une belle visibilité sur les intentions de la direction du théâtre, qui loin de négliger le répertoire, veulent au contraire l’asseoir et le « ravaler » avec des productions correspondant un peu plus à notre modernité : Rossini (Il Barbiere di Siviglia), Mozart (Don Giovanni) Berg (Wozzeck), Wagner (Tristan und Isolde), Monteverdi (L’Orfeo) sont des productions-emblèmes qu’il faut à la fois considérer en soi, de simples nouvelles productions d’une saison, mais surtout par ce qu’elles disent derrière, entre les lignes, des intentions artistiques.

Septembre 2021/Juin 2022
Rossini, Il barbiere di Siviglia
(6 repr. du 28 sept au 14 oct/4 repr. du 4 au 12 juin) (MeS : Herbert Fritsch)
Avec

  • Dir : Michele Mariotti
    Florez/Berzhanskaja/Bordogna/Abdrazakov/Luciano/Brauer-Kvam
  • Juin Dir : Stefano Montanari
    Florez/Molinari/Bank/Kellner/Olivieri

La production de Gunther Rennert a fait son temps, qui fut particulièrement long (depuis 1966), mais elle n’a pas été reprise depuis 1990, ce qui est surprenant pour un titre aussi populaire. La nouvelle production est confiée à Herbert Fritsch, qui a fait ses classes chez Castorf à la Volksbühne de Berlin jusqu’en 2007. Voilà qui promet.
Du côté de la distribution, en octobre, du beau monde, avec Florez et Vasilisa Berzhanskaya (remplaçant Crebassa), mais aussi Bordogna et Abdrazakov, avec le Figaro d’Etienne Dupuis à découvrir remplaçant Davide Luciano, le tout sous la direction experte de Michele Mariotti, né dans les langes de Rossini.
En juin  un autre chef, Stefano Montanari, aussi excellent que Mariotti, sinon encore plus inventif, et une distribution où les basses sont celles de la maison (Bankl, Kellner) et où Etienne Dupuis laisse la place à Mattia Olivieri, l’un des meilleurs jeunes barytons de la péninsule qui vient de triompher dans le rôle à la Scala. Pour le reste, Florez répondra aussi présents en juin. Florez a été Faust dans la production de Frank Castorf, il peut affronter Herbert Fritsch dans Almaviva. Quant à Crebassa elle sera remplacée par Cecilia Molinari. Le public viennois n’est pas au bout de ses (bonnes) surprises.

Décembre 2021
Mozart, Don Giovanni
(Dir : Philippe Jordan/MeS : Barrie Kosky)
Avec Ketelsen/Sly/de Barbeyrac/Anger/Kellner/ H.E.Müller/Lindsey/Nolz
Attention! Piège. La durée relative de la mise en scène fameuse de Franco Zeffirelli de 1972 à 1990 ne doit pas masquer les successives, Bondy (plutôt pas mal) dura deux saisons, puis De Simone pas beaucoup plus. La dernière, celle de Martinoty dura l’ère Dominique Meyer mais n’était pas de celles qu’on garde pour l’éternité.
L’échec récent de Castellucci à Salzbourg nous indique combien l’œuvre de Mozart est piégeuse.
Comme c’est la mode aujourd’hui, on confie la trilogie Da Ponte à un seul metteur en scène, Barrie Kosky, qui se lance dans l’aventure. S’il y réussit, tout le monde courra à Vienne pour voir.

Du côté musical, pas de risque en fosse où Philippe Jordan, mozartien devant l’Éternel, assure la direction musicale, mais sur scène, un plateau inhabituel avec Kyle Ketelsen en Don Giovanni, lui qui fut un extraordinaire Leporello, et en Leporello, Philippe Sly, qui ne fut pas un Don si convaincant. Un Ottavio de grand style, Stanislas de Barbeyrac, et deux dames qui devraient convaincre, -mais qui sait? – Hanna Elisabeth Müller en Anna et Kate Lindsey en Elvira. Sachant la difficulté à monter Mozart aujourd’hui, rien n’est assuré. Attendons.
(6 repr du 5 au 20 déc/5 repr. du 3 au 15 juin)

Mars 2022
Berg, Wozzeck
(Dir : Philippe Jordan/MeS : Simon Stone)
Avec Gerhaher/Kampe/Panikkar/Schneider/Belosselsky
La mise en scène de Dresen a duré jusqu’à 2014, et c’était une très belle production dont il existe une vidéo avec Grundheber, Behrens et Abbado. Plusieurs dizaines de représentations plus tard, il peut s’avérer nécessaire de produire une nouvelle production, confiée à Simon Stone, dont l’Opéra de Vienne propose en début de saison la Traviata parisienne, avec Pretty Yende, Frédéric Antoun et Ludovic Tézier.
La distribution de ce Wozzeck est superbe, Gerhaher et Kampe ont déjà fait les beaux soirs de Munich dans ces rôles. Cela devrait valoir le voyage.
(5 repr. du 22 mars au 3 avril)

Avril 2022
Wagner, Tristan und Isolde (5 repr.  du 14 avril au 1er mai)
(Dir : Philippe Jordan/MeS : Calixto Bieito)
(Avec Schager, Serafin, Pape, Gubanova, Paterson)

Trois productions depuis 1967, Everding, qui a duré jusqu’à 2003, puis Gunter Krämer (celui qui commit le Ring parisien) et enfin depuis 2013 David McVicar, dont on connaît les productions sans sel ni poivre.

Cette fois-ci ce sera Calixto Bieito, qui peut être va réveiller un peu l’histoire des productions de l’œuvre à Vienne. Au fond, le travail de Bogdan Roščić est aisé pour le choix des metteurs en scène, comme aucun des noms importants de la mise en scène n’ont travaillé à Vienne depuis des années, il lui suffit de distribuer des productions à la bande des quatre ou cinq habituels, Bieito, Stone, Kosky, Tcherniakov et quelques autres et le tour est joué. En un an on aura aussi vu Castorf, Serebrennikov … L’Opéra de Vienne se « normalise », il rentre dans la ronde des opéras d’Europe qui ont depuis longtemps des spectacles signés de ces artistes, mais il faudra aussi trouver des noms nouveaux…
Du côté musical, on connaît le Wagner de Philippe Jordan, garantie de solidité, et la distribution est sans reproche, là aussi habituelle : Schager, Pape, Paterson, Gubanova : que de bons chanteurs. Bien sûr, c’est hélas Martina Serafin qui chante Isolde, mais on ne peut pas tout avoir.

Juin 2022
Monteverdi, L’Orfeo

(4 repr. du 11 au 18 juin 2022)
Dir : Pablo Heras Casado/MeS Tom Morris)
Avec Nigl, Lindsey, Zámečníková, Mastroni, Bock

Après L’Incoranazione di Poppea venue de Salzbourg (Lauwers) qui a très bien marché auprès du public, c’est au tour de L’Orfeo ; c’est Munich qui a à mon avis la meilleure production actuelle (David Bösch), et Bogdan Roščić table sur un autre style, celui de l’imagination anglo-saxonne, entre marionnettes et émerveillements scéniques de Tom Morris.
Wait and see, mais musicalement, même si je ne suis pas toujours convaincu par Heras Casado, c’est une distribution très séduisante, dominée par Georg Nigl, l’autre baryton (à côté de Gerhaher), qui devrait être très stimulant car l’autrichien Georg Nigl est l’un des plus intéressants de sa génération.

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Juin-Juillet 2022
Rossinimania
Du 28 juin au 8 juillet

Une nouveauté, une révolution même à l’Opéra de Vienne qui va rester ouvert après sa fermeture… pour accueillir une tournée de l’Opéra de Monte-Carlo et surtout Cecilia Bartoli, qui tenez-vous bien, n’a jamais chanté à l’Opéra de Vienne. Alors, c’est une semaine Bartolimania aussi bien que Rossinimania

 

28 juin
La Cenerentola
(Repr. semi-scénique)
Dir : Gianluca Capuano/ Real.sc. Claudia Blersch
Avec Bartoli, Rocha, Alaimo, Chausson, Coca Loza, Bove, Olvera
Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo
Les Musiciens du Prince Monaco

Une réalisation qui a beaucoup tourné, toujours avec le même succès, avec les costumes de l’opéra de Zurich, et une distribution hyper-rodée. Ce devrait être le triomphe mérité habituel avec Capuano au pupitre des excellents Musiciens du Prince-Monaco.

Il Turco in Italia
(3 repr. les 3, 5 et 7 juillet 2022)
Dir : Gianluca Capuano/MeS : Jean-Louis Grinda
Avec Abdrazakov, Bartoli, Alaimo, Banks, Romeo ; Lo Monaco, Astorga
Les Musiciens du Prince-Monaco
Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo
La production qui sera créée en janvier à Monte-Carlo est présentée à Vienne pour trois soirs avec une distribution dominée par Cecilia Bartoli et Ildar Abdrazakov, et avec Barry Banks qui n’a pas convaincu à Pesaro.
Aucun souci du côté de l’orchestre, avec Capuano et Les Musiciens du Prince. On sait aussi déjà que la mise en scène de Jean-Louis Grinda ne sera pas révolutionnaire, cela reposera les viennois un peu secoués ces deux dernières années.

Rossini-Gala
8 juillet 2021

Dir : Gianluca Capuano
Les Musiciens du Prince-Monaco
Avec : Bartoli, Abrahamyan, Villazón, Levy-Sekgapane, Corbelli, Abdrazakov

Fin en feu d’artifice rossinien. Faisons confiance à Cecilia Bartoli pour animer la soirée et mettre la salle en délire avec cette brochette de chanteurs et remarquons la présence de Levy-Sekgapane, ténor aux aigus stratosphériques et au timbre lumineux. À suivre.

Voilà une saison aux Premières un peu plus normalisées que la saison dernière, avec des poids lourds du répertoire Barbier, Don Giovanni, Wozzeck, Tristan… Bogdan Roščić poursuit son travail de rafraichissement, voire de nettoyage et il faut reconnaître que cette maison en avait un peu besoin.
L’initiative rossinienne est aussi une excellente opération de communication envers le public viennois, l’impression produite par cette deuxième saison est celle d’une consolidation des principes affichés la saison dernière avec une sorte de rythme normal retrouvé.

Même si elles sont entrées au répertoire, certaines productions 2020, à cause du Covid, n’ont pas encore été vues en public, mais éventuellement en streaming, c’est le cas de Das verratene Meer, de Traviata et de Parsifal, nous les signalons en priorité, et puis il y a des Wiederaufnahmen, des reprises retravaillées (alors que les titres de répertoire ne le sont pas)..

Reprises post Covid de productions réalisées mais non représentées en public

Septembre 2021
Giuseppe Verdi, La Traviata
(Dir. : Nicola Luisotti/Ms : Simon Stone)
Avec Pretty Yende, Ludovic Tézier, Frédéric Antoun…
En ce début de saison, des titres d’appel, dont Falstaff et Tosca, pour réamorcer la pompe et attirer le public et puis la nouvelle production du Barbier de Séville en fin de mois. Ce spectacle est la production parisienne vue à Garnier avec comme à Paris Pretty Yende et Ludovic Tézier, mais avec Frédéric Antoun, nouveau venu en Alfredo. Distribution qui garantit des soirées de haut niveau vocal.
(5 repr. du 5 au 18 Septembre)
Coproduction Opéra de Paris

Septembre 2021
Hans Werner Henze, Das verratene Meer
(Dir.: Simone Young/Ms : Jossi Wieler/Sergio Morabito)
Avec Vera-Lotte Boecker, Bo Skovhus, Josh Lovell…
“La mer trahie”, titre du drame musical de Henze créé à Berlin en 1990 n’est pas le plus connu des opéras de Henze, tiré du roman de Mishima « Le marin rejeté par la mer » de 1963. Désespoir, déchirement face aux valeurs, bouleversement des individus, violence, tous les ingrédients de Mishima sont là, mis en musique par Henze qui a vécu les mêmes déchirements en faisant des choix opposés.
3 repr. les 19, 23, 27 septembre

Décembre 2021
Richard Wagner, Parsifal
(Dir. : Philippe Jordan/Ms : Kirill Serebrennikov)
Avec Brandon Jovanovich, Anja Kampe, Wolfgang Koch, René Pape
Reprise de la mise en scène dont Wanderersite a rendu compte, mais sans Elina Garanča ni Jonas Kaufmann ni Georg Zeppenfeld, mais avec Jovanovich,  Kampe et Pape, ce qui n’est pas si mal non plus. A noter que Wolfgang Koch chante Amfortas ET Klingsor, ce qui va encore accentuer la mise en abyme du travail de Serebrennikov. À voir évidemment, d’autant que la production succède à celle si médiocre d’Alvis Hermanis.
(5 repr. du 12 au 26 déc.)
A noter : avec le Don Giovanni de Kosky qui commence le 5 décembre, les Wanderer du lyrique devront jouer des dates pour combiner une riche virée viennoise car décembre est sans doute le mois le plus adapté à un voyage dans la capitale autrichienne si on y va pour l’Opéra.

Les « Wiederaufnahmnen »
Dans le système de répertoire, il y a des reprises directes, avec très peu de répétitions et puis les « Wiederaufnahmen » qui sont les reprises retravaillées scéniquement et musicalement, en général de productions qu’on n’a pas l’intention de remplacer à court terme.
On va donc retrouver des productions de l’ère précédente et de l’ère Holender, avec de nouvelles distributions et de nouveaux chefs. Il y a neuf reprises retravaillées, et une reprise retravaillée seulement musicalement (Capriccio).

Septembre 2021
Giuseppe Verdi, Falstaff (Dir : Nicola Luisotti/Gianpaolo Bisanti/Ms : Marco Arturo Marelli)
Avec Wolfgang Koch/Gerald Finley, Josh Lovell/Frédéric Antoun, Boris Pinkhasovich, Eleonora Buratto…
Deux chefs italiens solides, dont le second (Bisanti) commence à être invité un peu partout en Europe, et une double distribution plutôt stimulante, notamment les deux Falstaff.
9 repr. (5 en sept 2021) /4 en juin 2022 (du 14 au 24 juin 2022)

 

Novembre 2021
Rihcard Wagner, Der fliegende Holländer (Dir. : Bertrand de Billy/Ms : Christine Mielitz)
Avec Anja Kampe, Bryn Terfel, Eric Cutler, Franz Josef Selig
Production de 2003 (de la période Holender), avec déjà 58 représentations au compteur. Distribution de très haut vol, à peu près ce qui se fait de mieux aujourd’hui.
5 repr. du 17 nov. au 2 déc. 2021

Décembre 2021
Giuseppe Verdi, Don Carlo (ital.) (Dir : Franz Welser Möst/Ms Daniele Abbado)
Avec Ain Anger, Boris Pinkasovitch, Fabio Sartori, Anita Rashvelichvili, Asmik Grigorian
Petite histoire : Franz Welser-Möst revient au pupitre d’une production qu’il a créée en 2012, avant de laisser la fonction de GMD en 2014. La distribution, correcte, vaut surtout par les deux dames, Gubanova et surtout Grigorian, Qui ne devrait pas manquer d’exciter toutes les curiosités des fans.
(4 repr. du 16 au 25 déc. 2021)
Notons qu’avec Parsifal et Don Giovanni, ce Don Carlo est une raison de plus d’un voyage à Vienne en décembre 2021, à vos agendas.

Janvier 2022
Tchaïkovski : La Dame de Pique (Dir. : Valery Gergiev/Ms : Vera Nemirova)
Avec Dmitry Golovnin, Boris Pinkasovitch, Elena Guseva, Olga Borodina
Reprise de la production de 2007, alors créée par Seiji Ozawa qu’on n’a pas vue à Vienne depuis 2015. C’est Valery Gergiev qui sera dans la fosse, voilà donc une reprise alla grande, d’autant que Gergiev est assez rare à Vienne car on ne l’a vu que pour Parsifal en 2019 et Lohengrin en 2020. Belle distribution avecla très intense Elena Guseva en Lisa.
(4 repr. du 21 au 30 janv. 2022)

Britten: Peter Grimes (Dir.: Simone Young/Ms: Christine Mielitz)
Avec Jonas Kaufmann, Sir Bryn Terfel, Lise Davidsen
Reprise de la première production viennoise de l’Opéra de Britten, entré au répertoire en 1996, par une étincelante distribution avec la prise de rôle de Jonas Kaufmann. Cela devrait fortement stimuler le public à voir ou revoir cette œuvre, qui en sera le 26 janvier 2022 à sa 42e représentation à Vienne.
(5 repr. du 26 janvier au 8 février 2022)

Février 2022
Giacomo Puccini : Manon Lescaut (Dir. : Nicola Luisotti/Ms : Robert Carsen)
Avec Asmik Grigorian, Brian Jagde, Boris Pinkasovich.
Se souvient-on que Carsen émergea à l’international par Manon Lescaut à l’Opéra-Bastille tout neuf, en 1991, dans une production venue de l’Opéra des Flandres, qui reste l’une de  ses meilleures. Le solide Nicola Luisotti en fosse, mais vaut évidemment par la Manon de Asmik Grigorian, plus connue pour ses rôles de répertoire germanique du XXe siècle. Grande curiosité …
(5 repr. du 1er au 13 février 2022)

Erich Wolfgang Korngold : Die tote Stadt (Dir. :Thomas Guggeis/Ms: Willy Decker)
Avec Klaus Florian Vogt, Vida Miknevičiūtė, Adrian Eröd, Monika Bohinec
Production de 2004, sous le mandat Holender, pas reprise depuis 2017, ici avec une belle distribution, Vogt, l’un des Paul de référence aujourd’hui, et dans le rôle de Marietta, la voix qui monte, qui vient de triompher à Salzbourg dans Chrysothemis Vida Miknevičiūté. En fosse, Thomas Guggeis, l’un des jeunes chefs remarqués à Berlin autour de Daniel Barenboim. Ce devrait être solide.
(4 repr. du 6 au 14 février 2022)

Gaetano Donizetti : Anna Bolena (Dir.:  Giacomo Sagripanti /Ms : Eric Genovèse)
Avec Erwin Schrott, Diana Damrau, Ekaterina Sementchuk, Pene Patti, Virginie Verrez
Une des productions réussies de l’ère Meyer, il est vrai qu’à la première en 2011, les deux dames étaient Anna Netrebko, déjà star  et Elina Garanča à l’aube de sa gloire. Au pupitre Giacomo Sagripanti, un chef italien qui conduit une belle carrière à l’international. Diana Damrau et Ekaterina Sementchuk ne devraient pas décevoir. À noter le ténor Pene Patti qu’on commence à voir un peu partout.
(3 repr. du 12 au 19 février 2022)

Mai 2022
Modest Mussorgski : Boris Godunov (Dir.: Sebastian Weigle/Ms: Yannis Kokkos)
Avec Ildar Abdrazakov, Vitalij Kowaljow, Dmitry Golovnin, Thomas Ebenstein, Tamuna Gochashvili
Production classique de l’ère Holender (2007). Kokkos avait déjà mis en scène Boris Godunov à Bologne. Distribution solide dominée évidemment par Ildar Abdrazakov.
(5 repr. du 11 au 27 mai 2022)


Reprise musicale
Juin 2022
Richard Strauss : Capriccio (Dir.: Philippe Jordan/Ms : Marco Arturo Marelli)
Avec Maria Bengtsson, Adrian Eröd, Daniel Behle, André Schuen, Christof Fischesser, Michaela Schuster.
C’est une reprise musicale, ce qui signifie que la mise en scène n’est pas retravaillée, il est vrai que la production Marelli qui remonte à 2008 (avant-dernière année de l’ère Holender) est passe-partout et ne nécessite pas forcément d’être revue. À noter que ce fut la première apparition de Philippe Jordan au pupitre de la Wiener Staatsoper. 13 ans après il en est le directeur musical. Distribution équilibrée, et de qualité.
(4 repr.du 20 au 30 juin 2022)

On le constate, tout ce qui est proposé est solide, bien distribué et devrait garantir un haut niveau moyen de représentations. Mais le cœur, l’ADN de ce théâtre est le répertoire, c’est à dire l’alternance serrée de représentations avec peu de répétitions, quelques « guest-stars » et la troupe. On joue pratiquement tous les soirs à Vienne et il y a toujours un opéra à voir, chaque soir différent.
Cependant, la nouvelle direction a limité le nombre de titres à 40, ce qui n’est déjà pas mal et dépasse la plupart des maisons comparables. Voici la liste des titres présentés, en dehors de ceux que nous avons détaillés :

Octobre 2021 :
Otello
L’Incoronazione di Poppea
Eugène Onéguine
Adriana Lecouveeur (Octobre et novembre) (à noter Elina Garanča en princesse de Bouillon)

Novembre 2021 :
Faust (première le 31 octobre)
Nabucco (ce devait être la prise de rôle d’Anna Netrebko en Abigaille, il faudra attendre parce qu’elle a annulé à cause d’une opération d’urgence, il reste Placido Domingo en Nabucco pour la dernière, les autres étant assurées par Amartuvshin Enkhbat) et les Zaccaria du remarquable Roberto Tagliavini, la basse italienne de référence aujourd’hui)
Carmen
L’Elisir d’amore (Novembre, décembre, février, mars)


Décembre 2021 :

Don Pasquale (Décembre 2021, avril, mai 2022)
Tosca (Décembre, février, mars)
Die Fledermaus (Décembre, janvier)

Janvier 2022 :
La Bohème
La Cenerentola
Werther
Macbeth

Février 2022: Voir ci-dessus Wiederaufnahmen

Mars 2022:
Salomé
Die Entführung aus dem Serail
Rigoletto
Wozzeck (mars-avril)

Avril 2022
Der Rosenkavalier
Tristan und Isolde (avril-mai 2022)
Lucia di Lammermoor

Mai 2022
Le nozze di Figaro
Das Rheingold
Die Walküre
Siegfried
Götterdämmerung

Juin 2022
I Puritani
Il Barbiere di Siviglia
Die Zauberflöte

Dans cette liste abondante, on remarque la Tétralogie de Richard Wagner, qui sera donnée deux fois au mois de mai dans la production bien connue de Sven Eric Bechtolf (2007-2008)
Nous donnons les principaux éléments de la distribution
Direction musicale Axel Kober
Avec John Lundgren, Daniel Behle, Monika Bohinec, Jochen Schmeckenbecher, Stuart Skelton, Lise Davidsen, Nina Stemme, Michael Weinius etc…

Cela mérite peut-être un petit voyage.

Vienne qui avait un peu disparu des radars, non pour le niveau musical, toujours haut, mais par les choix de productions et de mises en scène, revient sur le devant de la scène.  Sans proposer des choix d’une originalité marquée, l’Opéra de Vienne propose un choix de nouvelles productions comparables aux théâtres européens de même importance avec des distributions de très haut niveau. En deux saisons même tronquées, on reparle de Vienne et on a vraiment envie d’y découvrir des spectacles.  Donc on ne peut qu’encourager à bien étudier les périodes qui permettront à l’amateur de faire le plein d’opéra et en particulier décembre 2021.

Pour plus de détails, regarder le site très clair de la Wiener Staatsoper (https://www.wiener-staatsoper.at) et notamment la page de tous les titres présentés dans la saison (https://www.wiener-staatsoper.at/spielplan-kartenkauf/werke/)en cliquant sur le titre, vous y découvrirez les distributions notamment pour le répertoire)

Et dans quelques jours sur Wanderersite.com une interview passionnante de Bogdan Roščić, Directeur de l’Opéra de Vienne.

Bogdan Roščić, Directeur de l’Opéra de Vienne ©WienerStaatsoper

 

 

 

 

 

 

WIENER STAATSOPER 2020-2021, NOUVELLE SAISON et NOUVELLE DIRECTION

Haus am Ring

Bogdan Roscic, (venu de Sony Classical) nouveau directeur de l’Opéra de Vienne où il succède à Dominique Meyer, commence son mandat avec une année à surprises motivées par l’épidémie de Covid-19. On ne sait en effet que sera le 6 septembre, jour de l’Ouverture, la situation en termes de circulation du virus, de distanciation sociale, de thérapies, même si les conditions en Autriche ont été moins dramatiques qu’ailleurs en Europe. Chargé de faire souffler un vent nouveau sur l’institution et la programmation, Bogdan Roscic propose effectivement beaucoup de changements, dans beaucoup de continuité aussi.
D’une certaine manière, l’évolution de la Staatsoper de Vienne est comparable – toutes proportions gardées- à celle du Grand Théâtre de Genève, avec les mêmes ingrédients, et une même volonté de changer de logiciel, même si sur le papier cela semble être une révolution. Méfions-nous quand même de la communication triomphaliste…
Des nouvelles productions qui renversent la vapeur, mais dont un certain nombre sont connues parce qu’elles viennent d’ailleurs. C’était attendu et c’était le motto de la nouvelle direction qui faisait fuiter habilement certains noms annonciateurs de crises cardiaques à Vienne, comme Frank Castorf.
Des « Wiederaufnahme » (reprises retravaillées) ou des « Musikalische einstudierungen » (retravail musical) avec des productions sorties du répertoire et qui y entrent de nouveau (Elektra de Kupfer par exemple), c’est en revanche un peu inattendu…
Et le répertoire, parce que dans cette maison on ne peut le changer du jour au lendemain, affiche des masse de granit historiques (Tosca…), et des productions nombreuses de Sven-Eric Bechtolf, c’est à dire une modernité qui-ne-fait-pas-peur  et souvent désolante.
Quelque chose change, c’est sûr, et une institution aussi installée dans l’histoire et la tradition doit le faire sans tout à fait heurter les habitudes…parce qu’à Vienne, les directeurs d’opéra ont souvent valsé, et pas au bal de l’Opéra.

Historiquement, il faut être clair. Vienne est une capitale musicale de premier plan, et la Staatsoper est le navire amiral de la musique à Vienne, c’est une institution énorme, où c’est la musique qui prime sur la scène, et cela a toujours été le cas. Les très grandes productions d’opéra, celles dont on se souvient, celles qu’on aimerait voir et revoir, ne viennent pas de Vienne. Il y a eu des productions qui ont marqué la « Haus am Ring », mais le temps d’une saison et d’un règne, pas sur toute une vie. Même le fameux Rosenkavalier de Otto Schenk, une référence, est plutôt meilleur dans sa version munichoise un peu postérieure. Mais on se souvient de la présence de Karajan, de Bernstein, de Kleiber, d’Abbado, de Muti, de Prêtre, d’Ozawa au pupitre, et plus récemment de Thielemann ou de Rattle. C’est là la force de cette maison, et de cet orchestre qui est le terreau du Philharmonique de Vienne, c’est ce qui fait et qui fera la gloire de Vienne, pas les productions (pas même celles des metteurs en scène que j’aime si dans la fosse il y a un quidam…).
Si l’on veut voir à Vienne des curiosités, ce sont des productions historiques, encore au répertoire, Il Barbiere di Siviglia (Gunther Rennert, depuis 1966, première dirigée par Karl Böhm avec Fritz Wunderlich), Tosca (Margarethe Wallmann depuis 1958, première dirigée par Herbert von Karajan avec Renata Tebaldi en Tosca !), La Bohème de Franco Zeffirelli depuis 1963, copie exacte de celle de la Scala, première dirigée par Herbert von Karajan avec Gianni Raimondi et Mirella Freni (tout comme à la Scala), ou la Salomé de Boleslaw Barlog de 1972, première dirigée par Karl Böhm) et cela ne dérange pas. Pour Bohème et Tosca, on se demande bien ce qu’une nouvelle production pourrait apporter, tant les nouvelles productions de Bohème et Tosca çà et là sont sans intérêt.
Plus important que les productions fétiches citées, ce qui est important à Vienne, c’est le répertoire, c’est la présence de nombreuses reprises qui font que le touriste de passage ou le viennois qui a envie d’entendre un opéra, le puisse pratiquement chaque soir, la plupart du temps (mais pas toujours) dans des conditions plutôt honnêtes et quelquefois pour des soirées musicalement exceptionnelles. Les tentatives de revenir sur le système de répertoire se sont toujours heurtées à l’hostilité du public et de la presse et ont conduit à l’interruption de plusieurs mandats par le passé.

Que cette maison soit celle qui, plus que toute autre en Europe, illustre une certaine histoire de l’opéra, son archive en ligne le montre, qui depuis 1869 retrace beaucoup de soirées avec leur distribution, et depuis 1955 toutes les soirées sans exception, une promenade dans les rêves, les mythes, qui enchante l’amateur d’opéra. Tapez Lilly Lehmann et vous aurez toutes les représentations où elle chanta à Vienne…
Voilà qui fascine ici.

Pour une maison à l’activité aussi énorme, il faut lister les titres pour se faire une idée globale, voici donc les nouvelles productions que nous reverrons point par point pour l’essentiel.

Nouvelles productions (10 et 2 opéras pour enfants):

  • 2020
  • Madama Butterfly (Septembre)
  • Die Entführung aus dem Serail (Octobre)
  • Eugène Onéguine (Octobre)
  • Die Entführung in Zauberreich (Octobre, opéra pour enfants)
  • Das verratene Meer (Décembre)
  • 2021
  • Der Barbier für Kinder (Janvier) adaptation pour enfants de Il barbiere di Siviglia de Rossini
  • Carmen (Février)
  • La Traviata (Mars)
  • Parsifal (Avril)
  • Faust (Avril)
  • L’incoronazione di Poppea (Mai)
  • Macbeth (Juin)

En italique, les productions créées ailleurs.
Hors opéras pour enfants, sur 10 nouvelles productions, seules deux (Parsifal, et Das verratene Meer) sont d’authentiques nouvelles productions…l’imagination ne semble pas vraiment au pouvoir…

Wiederaufnahmen (3 reprises retravaillées) :

  • Elektra
  • Don Carlos (Fr.)
  • Le nozze di Figaro

Musikalische Wiedereinstudierung (1 production retravaillée musicalement)

  • Der Rosenkavalier

Répertoire (26 titres):

  • Simon Boccanegra
  • L’elisir d’amore
  • La Fille du régiment
  • Salomé
  • Don Pasquale
  • Cavalleria/Pagliacci
  • A Midsummer night’s dream
  • Roméo et Juliette
  • Ariadne auf Naxos
  • Arabella
  • Werther
  • La Bohème
  • Tosca
  • Hänsel und Gretel
  • Die Fledermaus
  • Rusalka
  • Nabucco
  • La Cenerentola
  • Don Pasquale
  • Manon
  • Rigoletto
  • Turandot
  • Die Walküre
  • Die Zauberflöte
  • Les contes d’Hoffmann
  • Lohengrin

 

Vienne a eu jusque-là un plus grand nombre de productions de répertoire, à partir de la saison 2020/2021, la Staatsoper sera à peu près dans la bonne moyenne haute des autres théâtres de l’ère germanophone.

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Nouvelles productions

 

Septembre 2020/Janvier 2021/Mars/Avril
Puccini, Madama Butterfly (12 repr.), MeS : Anthony Minghella Dir : Philippe Jordan (sept-janv)/Ramón Tebar (16 janv)/Joana Mallwitz (Mars-Avril) avec :
-sept. : Asmik Grigorian, Freddie De Tommaso, Boris Pinkhasovich
-janvier : Asmik Grigorian, Marcelo Puente, Boris Pinkhasovich
-mars-avril : Hui he, Roberto Alagna, Boris Pinkhasovich
Quelle drôle d’idée ! Non pas d’ouvrir avec Butterfly, mais avec cette production-là. On concède que la production Josef Gielen (Près de 400 représentations depuis la création en 1957 sous la direction de Dimitri Mitropoulos avec Sena Jurinak…) avait vécu depuis longtemps, sans avoir la qualité de la Tosca de Wallmann. Il était temps de la remiser.
Mais au lieu d’ouvrir sur une production maison, ce à quoi on pouvait s’attendre avec une nouvelle équipe de direction, on présente une production née en 2005, dont le metteur en scène est mort il y a douze ans (Anthony Minghella), passée successivement par l’ENO (où elle a été créée), puis le MET, avant d’atterrir à Vienne. Drôle de manière d’annoncer des nouveautés.
Les nouveautés elles sont dans la distribution, avec Asmik Grigorian dans Butterfly, et les deux ténors en alternance qui sont parmi les voix nouvelles intéressantes, Freddie De Tommaso et Marcelo Puente. Dans les reprises de l’année, on retrouvera du plus traditionnel (mais pas moins bon) avec Hui hé et Roberto Alagna, mais sans Jordan puisque c’est la jeune et talentueuse Joana Mallwitz (34 ans) qui dirigera en mars et avril… Un début en mode mineur et c’est dommage. 

Octobre 2020/Juin 2021
W.A.Mozart, Die Entführung aus dem Serail (8 repr.), MeS : Hans Neuenfels, Dir : Antonello Manacorda avec:
– oct: Lisette Oropesa, Regula Mühlemann, Daniel Behle, Michael Laurenz, Goran Juric
– juin : Brenda Rae, Regula Mühlemann, Daniel Behle, Michael Laurenz, Goran Juric
Jolie distribution dominée par Lisette Oropesa, une magnifique Konstanze. Je pense cependant que pour une œuvre aussi inscrite dans le répertoire et dans les gênes de la ville de Vienne où elle a été créée (au Burgtheater), le choix du chef Antonello Manacorda, assez irrégulier, peut surprendre, mais qui sait…
Quant à Neuenfels, qui signe la production, c’est sa deuxième apparition après une production du Prophète pendant la saison 1997-1998. On aurait pu tout aussi bien la reprendre d’ailleurs, puisque Manacorda a dirigé Meyerbeer à Francfort…Au lieu de cela on va chercher une production de Mayence de 1999, qui a même eu les honneurs d’une retransmission télévisée.
Il est vrai en revanche qu’une nouvelle production de Die Entführung aus dem Serail s’imposait vu la désastreuse production précédente (signée  Karin Beier et dirigée par Philippe Jordan, avec Diana Damrau) qui n’a duré que 10 représentations en 2006 (pour un ouvrage du répertoire aussi important, c’est un vrai trou noir).
Il est enfin dommage que la production des Herrmann (1989) créée par Harnoncourt n’ait probablement pas été conservée, parce qu’elle aurait été une reprise intéressante.
Là encore, risquer une nouvelle production maison pour un ouvrage aussi essentiel dans le répertoire de Vienne, n’aurait pas été un contresens.

Octobre-Novembre 2020
P.I.Tchaïkovsky, Eugène Onéguine
(5 repr.), MeS : Dmitry Tcherniakov, Dir : Tomáš Hanus avec Tamuna Gochashvili, Anna Goryachova, Andrè Schuen, Bogdan Volkov, Dmitry Ivashchenko
Dans ce Musée de la production moderne, il fallait évidemment une salle Tcherniakov. Le choix est tombé sur une de ses productions premières montrées en Europe occidentale (Barenboim l’avait déjà invité à Berlin pour Boris et Nagano à Munich pour Khovantchina, Eugène Onéguine, créée au Bolchoï et montrée ensuite à Paris (en 2008…) avec les forces du Bolchoï, dont il existe un DVD. Les viennois verront donc du jeune Tcherniakov, en souhaitant qu’il retravaille sa production. Solide distribution : on est heureux de voir l’excellent Bogdan Volkov dans Lenski.
Surprise du chef : Tomáš Hanus qu’on connaît sur un autre répertoire sera au pupitre. C’est plutôt un bon chef, on attendra donc avec confiance.

Décembre 2020
Hans Werner Henze, Das verratene Meer (4 repr.) MeS: Jossi Wieler & Sergio Morabito, Dir: Simone Young avec Vera Lotte Böcker, Bo Skovhus, Josh Lovell
Création à Vienne de cet opéra rarement proposé, créé à la Deutsche Oper de Berlin en 1990, sur un livret de Hans Ulrich Treichel d’après Le marin rejeté par la mer, de Mishima (1963).
C’est la première production maison de la saison, confiée à Jossi Wieler & Sergio Morabito, une garantie dans le monde de la mise en scène d‘aujourd’hui avec Bo Skovhus toujours impressionnant en scène et la jeune Vera Lotte Böcker qu’on a récemment découverte à la Komische Oper de Berlin dans Frühlingsstürme où elle était vraiment excellente. Dans la fosse, la très solide Simone Young.

Février-mars/mai-juin 2021
Georges Bizet, Carmen (11 repr.) MeS : Calixto Bieito, Dir : Andrés Orozco-Estrada (Février-mars-mai-juin)Alexander Soddy (9 juin) avec
– Février-mars : Anita Rashvelishvili, Charles Castronovo, Erwin Schrott, Olga Kulchynska
– Mai-juin : Michèle Losier, Dmytro Popov, Sergei Kaydalov, Vera-Lotte Böcker
Ne rions pas, après avoir fait le tour du monde de l’opéra depuis plus de 20 ans, la Carmen de Calixto Bieito, qui est même passée par Paris, arrive à Vienne pour remplacer la vieille production de Franco Zeffirelli ; j’y avais vu en son temps Baltsa, Carreras et Ramey, dirigés par Claudio Abbado (en 1990) (Soupir…), ce sera cette année Castronovo et Rashvelishvili, ce qui est bien, et Erwin Schrott, ce qui est moins bien, mais le rôle d’Escamillo-Matamore lui va bien…Au pupitre Andrés Orozco-Estrada, l’actuel directeur musical du Symphonique de Vienne, autrichien d‘origine colombienne, ce qui ne devrait pas être mal.
Enfin gageons que Bieito ne fera même plus peur au public de Vienne, c’est dire…

Mars 2021
Giuseppe Verdi, La Traviata,
(5 repr.) MeS : Simon Stone, Dir : Giacomo Sagripanti avec Pretty Yende, Frédéric Antoun, Igor Golovatenko
Tiens, une mise en scène récent mais bien entendue née ailleurs, la Traviata parisienne signée Simon Stone arrive à Vienne avec ici aussi Pretty Yende dans le rôle-titre et l’excellent Frédéric Antoun en Alfredo. Igor Golovatenko est Germont. Giacomo Sagripanti est pour la première fois dans la fosse viennoise, un chef correct, mais pour une  nouvelle Traviata à Vienne, d’autres chefs ne convenaient-ils pas mieux ?
La production de Simon Stone succède à celle de Jean-François Sivadier, vue aussi à Aix, qui n’était pas si médiocre et qui en valait bien d’autres, d’autant que la production de Simon Stone ne vaut pas cet excès d’honneur, ce n’est pas l’une de ses meilleures créations. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Oui sans doute si on veut montrer à tous prix que la dernière actualité de la scène moderne arrive à Vienne. Inutile.
Voir: http://wanderersite.com/2019/09/le-bucher-des-vanites/

Avril 2021
Richard Wagner, Parsifal (4 repr.) MeS Kirill Serebrennikov, Dir: Philippe Jordan avec Jonas Kaufmann, Elina Garanča, Wolfgang Koch, Georg Zeppenfeld, Ludovic Tézier
Deuxième authentique production maison qui remplace la très récente production d’Alvis Hermanis (12 représentations depuis 2017) d’une œuvre qui il faut bien le dire, était l’objet chaque année de distributions très solides et souvent de chefs remarquables. Quelle raison peut justifier le retrait au bout de si peu de temps? Peut-être sa qualité discutable, peut-être les déclarations d’Hermanis, politiquement très peu correctes, qui ont singulièrement freiné sa carrière ces dernières années. mais ce sont des conjectures. (Et un grand merci au lecteur qui m’a rappelé que la production Mielitz, médiocre, avait été retirée en 2017).
Parsifal est donc un symbole, et c’est Philippe Jordan qui en assurera la direction. Il ne pouvait en être autrement à partir du moment où il y a un directeur musical dans la maison.
C’est Kirill Serebrennikov qui en assurera la mise en scène, mais sa situation en Russie impose la présence d’un dramaturge qui est Sergio Morabito. D’autres théâtres ont fait ainsi travailler Serebrennikov par personne interposée, et le message pacifique de Parsifal convient à la situation difficile à laquelle il doit faire face.
Une distribution hors normes, pour quatre représentations seulement où ce sera la ruée, avec deux prises de rôle, Ludovic Tézier, en Amfortas, deviendra-t-il le lointain successeur d’Ernest Blanc ? Et Elina Garanča aborde Kundry face au Parsifal de Jonas Kaufmann, au Gurnemanz de Georg Zeppenfeld, et au Klingsor de Wolfgang Koch, remarquables tous, voire exceptionnels mais moins nouveaux dans ces rôles.
Une distribution de feu. C’est la production à ne rater sous aucun, mais aucun prétexte.

Mai 2021
Charles Gounod, Faust
(4 repr.) MeS: Frank Castorf Dir: Bertrand de Billy avec Juan Diego Flórez, Adam Palka, Nicole Car, Boris Prygl
Castorf à l’opéra de Vienne !! je présume que des défibrillateurs supplémentaires seront installés dans la salle pour soigner les crises cardiaques.
Pour faire au mieux, on devrait souhaiter que le Burgtheater accueille le Faust de Goethe du même Castorf, pour établir un discours cohérent entre ces deux Häuser am Ring…
La production est connue, elle vient de Stuttgart et Wanderersite en a rendu compte, c’est évidemment une production d’une prodigieuse intelligence, qui travaille sur le mythe de Faust dans un contexte français et parisien (stupéfiant décor de Alexander Denić) .
C’est Bertrand de Billy qui dirige, on espère qu’il connaît la production et c’est Juan Diego Flórez et Nicole Car qui chantent Faust et Marguerite, ce qui nous garantit un chant impeccable. Bien heureusement, c’est le seul survivant de Stuttgart, Adam Palka, qui reprend Mephisto, où il avait été totalement bluffant. Wanderer y sera, peut-il en être autrement ?
Voir: http://wanderersite.com/2016/11/f-comme-faust-f-comme-france/

Mai-juin 2021
Claudio
Monteverdi, L’incoronazione di Poppea (5 repr.) MeS : Jan Lauwers, Dir: Pablo Heras Casado avec Kate Lindsey, Slávka Zámečniková, Xavier Sabata, Christina Bock, Willard White, Vera-Lotte Böcker.
Autre production importée, cette fois de Salzbourg où elle a été présentée en 2018 avec William Christie en fosse. On y retrouve Kate Lindsey entourée du remarquable Xavier Sabata, de Willard White  notamment. La production fortement marquée par le corps, qui souligne où illustre les sentiments et attitudes des personnages avait été assez bien accueillie à Salzbourg, même si certains l’avaient vertement critiquée. Dans la fosse, Pablo Heras Casado  aborde un répertoire où on l’entend très peu, mais la direction de Willima Chrisite avait été critiquée à Salzbourg. Raison de plus pour faire le voyage.

Juin 2021
Giuseppe Verdi, Macbeth,
(6 repr.), MeS Barrie Kosky, Dir: Philippe Jordan avec Luca Salsi, Roberto Tagliavini, Martina Serafin, Freddie De Tommaso
Si la distribution est loin de me convaincre pour les deux protagonistes, car Macbeth exige bien plus que deux grandes voix, et Luca Salsi n’a pas vraiment la subtilité exigée pour un rôle où se sont illustrés un Bruson ou un Cappuccilli. Un Tézier aurait été bienvenu. Quant à Serafin, dans le répertoire italien…(soupir…). Reste Tagliavini, excellent, et Freddie De Tommaso, la voix de ténor émergente qu’on va voir partout. La manière de distribuer le répertoire italien lourd (comme le Macbeth de Verdi) me laisse quand même quelquefois rêveur hors d’Italie, notamment pour ce genre d’œuvre.
Jordan dans la fosse, cela montre aussi l’importance accordée à cette dernière production de la saison…
Car et c’est là le point fort, ce Macbeth venu de Zurich est simplement la plus belle mise en scène de Macbeth de Verdi qu’on ait vu depuis Strehler. Barrie Kosky fait un Macbeth noir, avec un espace de jeu de quatre m2, éclairé, un drame à deux où les deux protagonistes se meuvent et s’étouffent. Un des plus beaux spectacles de ces dernières années, à voir absolument si on l’a raté à Zurich, où le rapport scène salle était idéal.
Voir: http://wanderersite.com/2018/10/les-corbeaux-volent-la-ou-est-la-charogne/

 

Wiederaufnahmen (Reprises retravaillées)

 

Septembre 2020/Juin 2021
Richard Strauss, Elektra (7 repr.), MeS: Harry Kupfer, Dir: Franz Welser-Möst /Alexander Soddy (19 & 22 sept) avec
Septembre: Ricarda Merbeth, Doris Soffel, Camilla Nylund, Derek Welton
Juin: Ausrine Stundyte, Michaela Schuster, Camilla Nylund, Derek Welton

On est évidemment curieux d’entendre Ausrine Stundyte (on connaît l’Elektra de Merbeth)qui devrait mieux lui convenir que Salomé – du moins pour mon goût. Belle distribution, avec Nylund et Doris Soffel, et l’Orest de Derek Welton ne devrait pas décevoir non plus.
Franz Welser-Möst pour son grand retour à Vienne dans une de ses œuvres fétiches, mais surtout le retour (après l’intermède raté Uwe-Eric Laufenberg) de la très belle production de Harry Kupfer, violente et glaciale, créée par Claudio Abbado en 1989, une des rares productions de Kupfer au répertoire de Vienne. Comme le grand metteur en scène vient de disparaître, ce sera aussi un hommage. Par chance, la production n’a pas été détruite. Une excellente initiative.

 

Septembre-Octobre 2020
Giuseppe Verdi, Don Carlos (version originale)
(5 repr), MeS: Peter Konwitschny Dir: Bertrand de Billy avec Jonas Kaufmann, Ildar Abdrazakov, Igor Golovatenko, Eve-Maud Hubeaux, Malin Byström, Roberto Scandiuzzi
Autre belle initiative, la reprise de ce Don Carlos spectaculaire, qui se déroule sur scène, en salle, dans les corridors, avec son ballet délirant et si juste « le rêve petit bourgeois d’Eboli » . D’une part, la production Peter Konwitschny est cohérente et sans concessions, d’autre part elle rend justice au grand opéra spectaculaire. En fosse, Bertrand de Billy et une distribution rompue à cette œuvre (à part Golovatenko…on rêverait là aussi Tézier) où il y a certes  Kaufmann (magnifique dans Carlos) et Byström, mais on remarque en Eboli celle qui à Lyon nous avait tant plu, Eve-Maud Hubeaux, qui entre à Vienne « alla grande », avec le Grand Inquisiteur de Lyon, Roberto Scandiuzzi et le Philippe II de Ildar Abdrazakov, qui le chantait à Paris.

Janvier-Février 2021
W.A. Mozart: Le nozze di Figaro
(5 repr.) MeS: Jean-Pierre Ponnelle (reprise par Grischa Asagaroff) Dir: Philippe Jordan avec Andrè Schuen, Federica Lombardi, Louise Alder, Philippe Sly, Virginie Verrez
On devrait conserver les productions Ponnelle qui circulent encore précieusement, tant elles ne vieillissent pas, avec leurs images magnifiques et leur élégance intrinsèque. Certes, aujourd’hui, la mode est à la trilogie Da Ponte confiée à un seul metteur en scène mais je ne suis pas si sûr que ce soit une idée géniale de notre théâtre contemporain. Il fait donc accueillir ce retour de Ponnelle à Vienne avec une joie sans mélange. Philippe Jordan dans la fosse retrouvera Mozart dans la ville où le compositeur vécut, et où il créa Le nozze di Figaro. Distribution qui ne me convainc pas où l’on entendra cependant avec plaisir l’Almaviva Andrè Schuen, originaire du Sud Tyrol (italien) mais d’origine ni germanophone ni italophone, mais ladine (la langue des Grisons, troisième langue du Sud-Tyrol) que les spectateurs d’Angers ont déjà entendu.

 

 

Musikalische Neueinstudierung (reprise musicale)

 

Décembre 2020/juin 2021
Richard Strauss, Der Rosenkavalier
( 7 repr.) MeS: Otto Schenk. Dir: Philippe Jordan avec

  • Décembre : Krassimira Stoyanova, Günther Groissböck, Daniela Sindram, Jochen Schmechenbecker, Erin Morley, Piotr Beczala
  • Juin : Martina Serafin, Albert Pesendörfer, Adrian Eröd, Jennifer Holloway, Louise Alder, Freddie De Tommaso.

Voilà une œuvre fétiche de l’opéra de Vienne, voilà une mise en scène historique de la maison (Otto Schenk, 1968, antérieure à sa production munichoise et un peu moins de 400 représentations) créée en fosse par Leonard Bernstein, voilà aussi la dernière production d’opéra dirigée par Carlos Kleiber… un monument en somme.
Le directeur musical ne peut faire autrement que la diriger, d’autant que Philippe Jordan est un bon straussien et qu’il n’e l’a dirigée que deux fois à Paris, une fois sous Mortier, et une fois sous Lissner.
Il est légitime qu’il retravaille la lecture avec l’orchestre et qu’il « créée des habitudes » dans une œuvre rebattue pour l’orchestre de la Staatsoper et reprise presque chaque année au répertoire.
En décembre, il dirigera un cast excellent  (Krassimira Stoyanova, Günther Groissböck, Daniela Sindram, Jochen Schmechenbecker) avec le chanteur italien de Piotr Beczala, un peu moins excitant en juin (Martina Serafin, Albert Pesendörfer, Adrian Eröd, Jennifer Holloway, Louise Alder, Freddie De Tommaso).
Il n’importe, Rosenkavalier à Vienne c’est un « Hausoper », un opéra qui est chez lui. Il s’agit donc d’un enjeu fort pour le directeur musical.

 

 

Chefs engagés :

Philippe Jordan, Directeur musical : Parsifal, Der Rosenkavalier, Madame Butterfly, Le nozze di Figaro, Macbeth

Bertrand de Billy : Don Carlos, Faust, Tosca, Werther, Ariadne auf Naxos
Giacomo Sagripanti : La Traviata, L’Elisir d’amore, La Fille du régiment
Pablo Heras Casado: L’incoronazione di Poppea
Antonello Manacorda : Die Entführung auf dem Serail
Franz Welser-Möst : Elektra
Alexander Soddy : Elektra, Carmen, Salomé
Ramón Tebar: Madama Butterfly
Joana Mallwitz: Madame Butterfly
Simone Young: Das verratene Meer, A Midsummer Night’s Dream
Sebastian Weigle: Arabella
Christian Thielemann: Ariadne auf Naxos
Andrés Orozco-Estrada: Carmen
Marco Armiliato: Cavalleria Rusticana – I Pagliacci, Don Pasquale
Cornelius Meister: Die Fledermaus, Hänsel und Gretel, Lohengrin
Adam Fischer: Die Walküre, Die Zauberflöte
Tomáš Hanus: Eugène Onéguine, Rusalka
Stefano Montanari: Il barbiere di Siviglia
Eun Sun Kim: La Bohème
Gianluca Capuano: La Cenerentola
Axel Kober, Les contes d’Hoffmann
Evelino Pidò: Manon, Roméo et Juliette, Simon Boccanegra
Paolo Carignani: Nabucco, Rigoletto
Pier Giorgio Morandi: Tosca
Giampaolo Bisanti: Turandot

On le voit, parmi les chefs engagés, on remarque quelques chefs de premier plan, comme Christian Thielemann et le retour de deux chefs qui avaient rompu de manière spectaculaire avec Dominique Meyer, Franz Welser-Möst l’ex-GMD de l’Opéra de Vienne et Bertrand de Billy, ce dernier très sollicité, dirigeant trois opéras français, Ariadne auf Naxos une longue série de Tosca, l’une des reprises importantes de l’année, comme on va le voir.

Pour le reste, on remarque quelques noms intéressants comme Gianluca Capuano (La Cenerentola), Cornelius Meister (qui dirige trois productions dont un Lohengrin de fin de saison, Andrés Orozco-Estrada, qui succède à Philippe Jordan à la tête du Wiener Symphoniker (c’est une courtoisie normale que d’inviter le voisin) Sebastian Weigle à qui est confié Arabella. Stefano Montanari, nouveau venu à Vienne pour il Barbiere di Siviglia, nouveau également Giacomo Sagripanti, invité tout septembre pour diriger L’Elisir d’amore et La Fille du régiment .
Dans le regard sur le répertoire, nous avons relevé une sélection de titres qui pourraient être intéressants.

Novembre 2020/Mars 2021
Richard Strauss, Ariadne auf Naxos
(7 repr.) MeS Sven-Eric Bechtolf, Dir : Christian Thielemann (Novembre), Bertrand de Billy (Mars) avec
– Novembre : Camilla Nylund, Jennifer Holloway, Stephen Gould, Erin Morley
– Mars : Lise Davidsen, Angela Brower, Brandon Jovanovich, Erin Morley
Christian Thielemann, adoré à Vienne, revient pour Strauss, un de ses compositeurs de prédilection pour une petite série d’Ariadne auf Naxos en novembre. En mars, ce sera Bertrand de Billy, décidément très sollicité dans cette saison.
Les deux distributions, très différentes, sont vraiment d’un (très bon) niveau comparable, avec dans l’une la très belle primadonna de Camilla Nylund, et en mars la présence de Lise Davidsen, entendue dans ce rôle à Aix. Mise en scène de Sven Eric Bechtolf, rien à dire.

Décembre 2020/Janv-Fév 2021/Mai 2021
Giacomo Puccini, Tosca
(12 repr.) MeS: Margarethe Wallmann, Dir: Bertrand de Billy (déc.)Pier Giorgio Morandi (Janv-fév-mai)
Qu’il soit entendu que Tosca à Vienne doit être vu une fois par tout visiteur, c’est une production muséale (1958) et Dominique Meyer avait pris soin de faire restaurer les productions les plus anciennes. Qu’il soit aussi entendu qu’avec 12 représentations, c’est une production alimentaire, avec un prix d’appel, la présence d’Anna Netrebko pour les trois premières (au-delà ce serait hasardeux) avec Monsieur…Dès la quatrième, c’est au tour de l’excellente Saioa Hernandez, qui ne chantera cette saison qu’une représentation.
Décembre : Anna Netrebko/Saioa Hernandez, Yusif Eyvazof, Wolfgang Koch
Janv-Février : Sonya Yoncheva, Roberto Alagna, Alexey Markov
Mai : Anja Harteros, Massimo Giordano, Luca Salsi
On a là une palette de possibilités selon les goûts, avec quatre Tosca qui sont des grands noms (Netrebko, Harteros), des petits noms (Yoncheva) un véritable espoir (Hernandez), palette de ténors aussi desquels on retiendra Alagna évidemment, et Giordano en l’espérant plus en forme qu’à Lyon, et trois Scarpia de choix, Koch pour l’intelligence, Markov pour l’élégance, Salsi pour la grosse voix, mais pour rien d’autre tant il n’a pas le profil pour le personnage. Bref, en douze représentations, une sorte de voyage dans les possibles pour Tosca.

Décembre 2020
Jules Massenet, Werther
, (4 repr.) MeS : Andrei Serban, Dir : Bertrand de Billy avec Piotr Beczala, Gaelle Arquez, Daniela Fally, Clemens Unterreiner.
Andrei Serban fut dans les années 1990 un exemple de metteur en scène ébouriffé. Il s’est coiffé depuis et représente une sage modernité aux yeux du très conservateur Opéra de Vienne. D’où plusieurs productions de répertoire, jouées assez souvent, comme ce Werther qui remonte à 2005 et repris plusieurs dizaines de fois depuis. Intérêt de cette reprise, la présence de Bertrand de Billy en fosse, mais surtout de Piotr Beczala, un Werther exemplaire et Gaelle Arquez en Charlotte.

Janvier 2021
Antonín Dvořák, Rusalka
(4 repr.) MeS : Sven-Eric Bechtolf Dir : Tomáš Hanus avec Piotr Beczala, Elena Zhidkova, Kristine Opolais etc…Bechtolf, la fausse modernité et le vrai conformisme, directeur du théâtre au Festival de Salzbourg jusqu’à 2016. Ce n’est pas de la mise en scène que vient l’intérêt mais du chef, pleinement dans son répertoire, voire une référence, et une belle distribution, avec Opolais, Zhidkova, deux bêtes de scène, et Beczala, moins bête de scène, mais lui aussi référence dans ce type de rôle.

Avril 2021
Wagner, Die Walküre
(4 repr.), MeS Sven-Eric Bechtolf, Dir : Adam Fischer avec Andreas Schager, Mika Kares, Günther Groissböck, Camilla Nylund, Martina Serafin.
Là où Walküre passe…le wagnérien fait halte. Avril sera un mois wagnérien à Vienne avec ce Parsifal exceptionnel dont on a parlé et cette Walküre. En arrangeant son emploi du temps, on peut voir la dernière de Parsifal (11 avril) et la première de Die Walküre (14 avril). Adam Fischer est un chef solide, qui fréquente le Ring depuis des décennies, la mise en scène de Bechtolf est attendue, c’est à dire sans intérêt, et la distribution entre Schager, Kares, Groissböck et Nylund est plutôt très flatteuse. Il reste que je me demande ce qu’on continue de trouver à Martina Serafin.

Juin 2021
Richard Wagner, Lohengrin
(4 repr) MeS : Andreas Homoki, Dir : Cornelius Meister avec Kwangchul Youn, Klaus Florian Vogt, Sara Jakubiak, Tanja Ariane Baumgartner, Adrian Eröd.
Continuons la promenade wagnerienne. La production de Homoki, qu’on voit aussi à Zürich est faite pour les amateurs de Dirndl et culottes de peau, la direction de Cornelius Meister ne devrait pas être négligeable, la distribution solide mais pas exceptionnelle, même avec Vogt, le Lohengrin de ce début de XXIe siècle. Vous pouvez combiner avec l’autre production de Zurich, le Macbeth miraculeux de Kosky, qui est présenté dans la même période. Cela vous fera du Zurich sur Danube.

Mai 2021
Jacques Offenbach, Les contes d’Hoffmann
(5 repr.), MeS : Andrei Serban, Dir : Axel Kober avec Juan Diego Flórez, Sabine Devieilhe, Miche!le Losier, Erwin Schrott etc…
Andrei Serban, production de 1993, qui a sans doute épuisé ce qu’elle avait à dire. Axel Kober, bon chef, mais surprenant dans ce répertoire qui n’est pas le sien. Enfin dans la distribution, à part Erwin Schrott qui dans ce rôle (Lindorf etc..) c’est à dire le méchant, en fera des tonnes. On note Michèle Losier dans la Muse, Sabine Devieilhe en Olympia et Juan Diego Flórez dans Hoffmann, celui qui fut le plus grand chanteur pour Rossini et le répertoire romantique à la faveur de l’âge se lance dans le répertoire fin XIXe, Werther, Faust et Hoffmann…soit. L’intelligence, le phrasé, la technique restent… et on l’aime.

 

Conclusion :
Au-delà du souhait que la saison se réalise complètement et dès septembre, c’est une saison un peu bizarre, qui semble une manière de dire : « c’est le changement », en s’appuyant sur une dizaine de productions de metteurs en scène d’aujourd’hui, comme un défilé muséal de mises en scènes contemporaines (enfin pas toutes, parce que certaines sont de vieux souvenirs), de metteurs en scène qui souvent jamais n’ont travaillé dans la maison. Donc c’est la carte de visite d’un futur qu’on espère plus original, plus inventif et moins « conforme » (dans l’autre sens…). Avec Vienne, dernier bastion d’un théâtre plutôt traditionnel, qui rentre dans l’ordre moderne, le « mortierisme » se sera installé dans tous les grands théâtres d’opéra d’Europe occidentale ou peu s’en faut. Mais c’est un faux mortierisme, parce que Gérard Mortier était un intellectuel et un vrai créateur dans son ordre. Ici, on a de la gestion de productions achetées ou louées ailleurs. Le panier de la ménagère, c’est possible une saison mais pas deux. Vienne devra ou bien aller plus loin et se montrer créatif et simplement plus intelligent, ou bien le spectateur verra le même style partout et la routine s’installera.
Du point de vue musical, on est à Vienne et des chefs invités stimulants sont attendus. Vienne est pour moi d’abord un Opéra pour grands chanteurs et grands chefs : grands chanteurs cette année ? Un peu mais pas trop, et quand même pas mal de jeunes artistes qui commencent la carrière et qui vont se faire entendre, ce qui est positif. Grands chefs d’aujourd’hui ? Un peu mais vraiment pas trop. L’impression est celle d’un « plan plan » un peu plus coloré que précédemment, mais pas fondamentalement différent avec d’autres noms d’une qualité comparable. Sans doute la nouvelle direction procède-t-elle prudemment, à l’instar d’un Aviel Cahn à Genève, mais Aviel Cahn a un projet lisible et affirmé, ici il ne l’est pas encore, sinon par l’effet d’annonce : mais à vouloir s’afficher moderne, on arrive à faire sourire : reprendre après 20 ans et une douzaine de théâtres la fameuse Carmen de Bieito, c’est touchant dans la volonté de se montrer risque-tout (on pouvait en dire de même quand cette Carmen a été montrée à Paris). Il valait mieux garder la vieille production Zeffirelli…
Évidemment, d’un point de vue économique avec deux seules vraies nouvelles productions d’opéra sur une dizaine, c’est plutôt de bonne gestion.
En fait, à part la production de Parsifal, vraiment exceptionnelle, les bonnes idées on les trouve dans les reprises de vieilles (et excellentes) productions de la maison, L’Elektra de Kupfer, créée par Claudio Abbado en 1989 et reprise jusqu’à 2012, Le nozze di Figaro de Ponnelle (243 représentations de 1977 à 2010) une production que personne n’a oubliée, d’une suprême élégance, et l’intelligent et spectaculaire Don Carlos de Peter Konwitschny (2004), dont la dernière reprise remonte à 2013. Il reste qu’on aura par ailleurs plaisir à (re)voir le Kosky, le Tcherniakov, le Lauwers etc…Car ces considérations n’empêchent pas les productions présentées d’être intéressantes, mais comme elles sont connues et appréciées, c’est autant de risque que l’équipe de Vienne ne prend pas, Attendons la saison suivante pour nous faire une idée plus précise du nouveau cours que prend cette vénérable maison.

STAATSOPER BERLIN 2020-2021: PRÉSENTATION DE LA SAISON LYRIQUE

 

La Staatsoper Unter den Linden

Le paysage berlinois a trois salles d’opéra ce qui est un résultat de l’histoire, bien que la ville au XXe ait toujours eu plusieurs salles d’opéra

  • La Deutsche Oper Berlin est l’ex-opéra de Berlin-Ouest, lui-même héritier du Deutsches Opernhaus, ouvert en 1912
  • La Komische Oper de Berlin, héritière du Metropol Theater créé à la même adresse en 1898, puis installé dans d’autres lieux de Berlin-Mitte, un théâtre d’opérettes et de revues.
  • La Staatsoper de Berlin, située au centre historique institutionnel de Berlin, à deux pas de la Cathédrale ou du Palais impérial. C’est l’opéra historique de Berlin, inauguré en 1742, avec dans la fosse l’orchestre symbolique de la ville, la Staatskapelle Berlin fondée quant à elle au XVIe siècle.

Ces deux derniers théâtres sont situés dans ce qui était Berlin-Est avant la chute du mur , où se trouvaient aussi les principaux théâtres et l’essentiel des Musées. Ainsi, Berlin Ouest a dû ouvrir des lieux de spectacles nouveaux, dans des quartiers qui n’étaient pas a priori des quartiers de vie nocturne.
À la chute du mur, Berlin s’est retrouvé avec trois salles d’opéra dont deux à peu près similaires, la Deutsche Oper et la Staatsoper, toutes situées sur l’axe central de la ville à plusieurs kilomètres les unes des autres, et deux principales salles de concert, la Philharmonie à l’Ouest, construite à deux pas du Mur et le Konzerthaus à l’Est, qui est la salle de concerts historique…
La Komische Oper, héritière de la très riche tradition d’opérette de la ville et d’oeuvres musicales légères, a un rôle très différent, c’est des trois le théâtre qui a la couleur la plus claire (opéra populaire, genres très diversifiés).

Bebelplatz

La fonction « historique » de la Staatsoper est aussi soulignée par sa situation, donnant sur la prestigieuse Unter den Linden et sur la Bebelplatz, l’ex Forum Fridericianum, délimité par la Staatsoper, l’Université Humboldt et la cathédrale catholique Sainte Edwige, la plus ancienne église catholique de Berlin. C’est donc une des esplanades les plus emblématiques du passé de la ville.
Cette position prestigieuse est renforcée depuis 1992, par la présence comme directeur musical de Daniel Barenboim, qui, licencié de manière brutale et humiliante par Pierre Bergé, alors tout puissant président du Conseil d’administration de l’Opéra de Paris, se trouvait être disponible. À quelque chose malheur est bon : il aurait peut-être raté Berlin alors qu’il n’aurait de toute façon pas fait très long feu à Paris, à cause des errances de la politique culturelle (si politique il y a d’ailleurs) à cause de la valse des excellences à la tête de l’Opéra et aussi à cause de sa propre personnalité, qui s’accommode mal d’une tutelle même légère.

À la Staatsoper de Berlin, les intendants passent (Georg Quander, Peter Mussbach, Ronald Adler (commissaire), Jürgen Flimm, Matthias Schultz), Barenboim reste. La ville tient plus à son directeur musical qu’à ses intendants, c’est un peu comme le Roi et ses gouvernements. L’illustration parfaite de l’adage « L’intendance suivra… ».
De fait, Daniel Barenboim, par sa puissance de feu, ses réseaux, sa capacité à mobiliser des fonds, mais aussi ses positions politiques (notamment sur la question de la Palestine et d’Israel, qui lui fait honneur) et bien sûr son génie musical est devenu le vrai successeur de Karajan à Berlin en termes de pouvoir (et Karajan ne régnait que sur Berlin-ouest…).

À ce titre aussi, au début du mois de janvier 2020, le récent concert de Kirill Petrenko avec Daniel Barenboim comme soliste était une sorte d’entrevue du Camp du Drap d’Or, au pied musical…Les deux phares musicaux berlinois, l’ancien et le nouveau, se rencontraient. C’était obligatoire.
Les longs travaux de consolidation et restauration de la Staatsoper (sept ans) ont installé à portée de corridor l’opéra, la Fondation Barenboim-Saïd et la Pierre-Boulez Saal, siège du West-Eastern Diwan orchestra.  Administration, salles de répétitions, Fondation Saïd-Barenboim sont donc géographiquement solidaires : au cœur de Berlin – le mélomane ne s’en plaindra pas, c’est Barenboim-Quarter dont la Pierre-Boulez Saal, un outil architectoniquemement extraordinaire (un « cadeau » de Frank Gehry à Barenboim), est en quelque sorte la salle de musique privée du Maître, qui y dirige, qui y joue et qui a la main sur tous les programmes en patron de la Fondation.
Barenboim, maître de maison de tout ce dispositif, dirige à l’opéra essentiellement Wagner, mais aussi un certain nombre de premières de toutes sortes : ces dernières années il a abordé un répertoire qui lui était tout à fait étranger, comme le répertoire italien, voire français (jamais on aurait imaginé l’entendre dans Les Pêcheurs de Perles de Bizet ou Medea de Cherubini) ou russe (il va revenir à Bastille dirigeant La Dame de Pique) qu’il abandonne ensuite aux Kapellmeister de la maison ou à des jeunes chefs qu’il choisit et dont il lance la carrière..

Ce système a donné des productions de référence qui ont fait de la Staatsoper de Berlin le théâtre vers lequel tous les regards se portent, avec la présence de metteurs en scène parmi les plus emblématiques du dernier XXe siècle, Chéreau (avec qui Barenboim avait prévu plusieurs productions pour Bastille quand il devait en être le directeur musical), Kupfer (long compagnonnage depuis le Ring de Bayreuth) et maintenant Dmitry Tcherniakov, qui a signé à Berlin de très nombreuses productions, de Rimsky-Korsakov à Prokofiev en passant par Wagner : on lui doit notamment un Tristan et un Parsifal qui vont entrer de plain-pied dans la légende.
Plus que d’autres, Barenboim travaille par affinités électives, c’est un homme de fidélités à des metteurs en scène, à des chanteurs : à ce titre sa production des Meistersinger von Nürnberg est un hommage à tous les chanteurs avec qui il a fidèlement travaillé dans sa carrière.
La programmation n’en est pas pour autant un concerto pour Barenboim et orchestre.  Il est bien trop prodigieusement intelligent pour éviter qu’on lui fasse de l’ombre, notamment dans une ville où il a peu de rivaux…Daniel Barenboim a toujours veillé par exemple pour les raisons expliquées plus haut à entretenir des relations excellentes avec le Philharmonique de Berlin, du temps d’Abbado bien sûr, à cause de la longue amitié qui les liait, où il y eut un Falstaff, et du temps de Simon Rattle, avec plusieurs productions notables, dont De la Maison des morts de Leoš Janáček (celle de Chéreau venue d’Aix); il devait diriger cette saison Idomeneo (annulé pour cause de virus) et ce sera la saison prochaine une Jenufa qui fera évidemment courir.
Mais on y voit aussi fréquemment Zubin Mehta, amicalement lié à Barenboim comme il l’était à Abbado.
À l’autre bout, Barenboim n’hésite pas à inviter à diriger de jeunes chefs et ainsi les lancer, ce fut naguère le cas de Omer Meir Wellber, c’est aujourd’hui  celui de Thomas Guggeis, arrivé in extremis pour remplacer Christoph von Dohnanyi dont il était l’assistant dans la production de Salomé (Hans Neuenfels) et qui dirige cinq productions cette année.
Mais on a beaucoup accusé Barenboim (78 ans cette année) de s’accrocher à son post : aux tout nouveaux Oper ! Awards 2019, il a eu le prix de la GRÖSSTES ÄRGERNIS (La plus grosse colère) pour la prolongation de son contrat jusqu’à 2027 – il aura alors 85 ans.

Son activité continue d’être débordante entre concerts, récitals de piano, opéras, mais on remarque qu’il va un peu ralentir son rythme la saison prochaine, où il va diriger deux nouvelles productions (Quartett de Francesconi et Le nozze di Figaro. Il devait cette année diriger Cosi fan Tutte, mais le coronavirus en a décidé autrement et Cosi fan Tutte, inscrit dans la saison au titre de répertoire, sera de fait une nouvelle production reportée. Proposant une nouvelle trilogie Mozart/Da Ponte mise en scène par Vincent Huguet, il était important d’afficher un titre par an – il y en aura donc deux la saison prochaine. Et on verra sans doute Don Giovanni en 21/22.
Dans les reprises, il sera au pupitre de ce Così fan tutte (une reprise, qui sera donc une première) et de Parsifal, comme presque chaque année (il ne dirige aucun des trois autres Wagner). Au total  Daniel Barenboim dirige 17 représentations ce qui est peu.
Les apparitions raréfiées cette prochaine saison annoncent-elles un début de retrait ? Quand on connaît l’énergie du personnage, cela ne laisse pas d’étonner. La saison 2019-2020, interrompue l’a vu diriger deux nouvelles productions Die Lustigen Weiber von Windsor et Samson et Dalila et il aurait dû diriger Così fan tutte à Pâques, et les reprises du Ring de Wagner en septembre 2019, et Carmen en mars. Il est nettement moins impliqué dans la saison qui vient.

Alors inévitablement se pose la question de l’après-Barenboim, qui est une question fort lourde pour une institution qu’il a dirigée depuis 1992, soit pour l’instant 28 ans en lui redonnant un lustre international qu’elle n’avait plus (même si c’était quand même un grand théâtre de tradition).
Par ailleurs, cette saison, parmi les chefs invités, on note des noms rares à Berlin (et ailleurs) à l’opéra, comme Matthias Pintscher ( Nouvelle production Lohengrin et Wozzeck de répertoire) ou rares à Berlin mais pas ailleurs comme Antonio Pappano (Nouvelle production La Fanciulla del West), tandis qu’on remarque que Marc Minkowski (Nouvelle production Mitridate Re di Ponto de Mozart et reprise d’Orfeo ed Euridice de Gluck) Simon Rattle (Nouvelle production Jenufa) et Simone Young dans trois productions (reprises) (Khovantschina, Die Frau ohne Schatten, Der Rosenkavalier) seront au pupitre berlinois cette année.
Panorama étrange et contrasté avec des choix incontestables, et d’autres plus étonnants.
Par ailleurs, se pose aussi notamment cette année une autre question : le niveau artistique est un peu en dents de scie, il y a certes des grands chefs et de belles distributions, mais bien des reprises restent d’un niveau modeste, même si on essaie de faire appel à de nouveaux chefs  ou de nouvelles voix  (Vida Miknevičiūtė dans Salomé) et donc c’est l’hétérogénéité de l’offre qui frappe, notamment quand on compare cette saison à celle de Munich, plus imaginative ou surtout à celle de Zurich, plus homogène et aux reprises plus stimulantes. C’est une année un peu en creux, mais sans doute aussi les circonstances l’ont-elles imposée.

 

Nouvelles productions :

 

 

8 Nouvelles productions (sans compter les fausses reprises de productions de 2019-2020 non créées que nous évoquerons dans la partie “Répertoire” ) dont 2 en version chambriste (un opéra pour enfant et un opéra de chambre contemporain)

Oct. 2020
Luca Francesconi, Quartett, (5 repr.), MeS : Barbara Wysoka Dir : Daniel Barenboim avec Mojka Erdmann et Thomas Oliemans
Tandis que la Bayerische Staatsoper crée Timon of Athens (voir notre présentation de la saison bavaroise), Berlin propose l’un des grands succès de Francesconi, Quartett, créé à la Scala en 2011, d’après la pièce d’Heiner Müller, tirée elle-même des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Barenboim dirige, ce qui est un signe important, deux chanteurs, l’excellent baryton Thomas Oliemans et Mojca Erdmann, qui sera aussi à l’affiche plus tard dans la saison dans un autre opéra contemporain de Jörg Widmann, Babylon (l ’opéra contemporain aime les voix suraiguës). La mise en scène est assurée par Barbara Wysocka, qui il y a quelques années avait mis en scène Lucia di Lammermoor à Munich dirigée par Kirill petrenko, qu’on vient de revoir en streaming.

Nov. 2020
W.A.Mozart, Mitridate, re di Ponto
, (5 repr.), MeS : Satoshi Myagi Dir : Marc Minkowski avec Pene Pati, Julie Fuchs, Elsa Dreisig, Jakub Józef Orliński, Anna Prohaska etc…
C’est la production phare des Barocktage 2020, dirigée par Marc Minkowski et surtout mise en scène dans l’esprit du Kabuki par l’un des plus grands metteurs en scène japonais, Satoshi Myagi, ce qui devrait être vraiment intéressant vu ses relectures des grands classiques occidentaux. Dans la distribution, rien que des chanteurs actuellement très demandés, Julie Fuchs, Elsa Dreisig, Jakub Józef Orliński, Anna Prohaska et un nouveau venu, le ténor néozélandais Pene Pati qui a fait des débuts remarqués à San Francisco (mais aussi à Bordeaux dans le rôle de Percy d’Anna Bolena en 2018 et qui devait chanter Romeo en ce dernier mois de mars), voix claire, idéale pour le bel canto.

Déc.2020/Janv. 2021
Richard Wagner, Lohengrin
, (6 repr.), MeS : Calixto Bieito Dir : Matthias Pintscher avec Roberto Alagna, Sonya Yoncheva, Martin Gantner, Ekaterina Gubanova, Adam Kutny
On se précipitera pour le couple vedette Alagna/Yoncheva. Cette production, qui succède à celle un peu irrégulière de Stefan Herheim en 2009, est confiée à Calixto Bieito qui va proposer sa vision aussitôt après avoir proposé son Ring à Paris ( plongeon dans Wagner et jonglage d’agenda en vue ). Roberto Alagna cette fois-ci devrait s’y coller, et Sonya Yoncheva  qui s’essaie à tout s’essaie aussi à Wagner. Plus classiques Martin Gantner et Ekaterina Gubanova dans les rôles des méchants. Et puis au pupitre on expérimentera Matthias Pintscher un nouveau venu à l’opéra autre que contemporain (il a dirigé à la Staatsoper Violetter Schnee de Beat Furrer et à Vienne la première mondiale d’Orlando d’Olga Neuwirth, d’après Virginia Woolf) à qui sera aussi confié Wozzeck dans la saison. Sans doute désire-t-il comme beaucoup de chefs catalogués dans un répertoire, à élargir ses interventions. Au total un Lohengrin plein de nouveautés et de risques, qui va sans nul doute exciter la curiosité.

Février 2021
Leoš Janáček, Jenufa, (6 repr.), MeS : Damiano Michieletto Dir : Simon Rattle avec Hanna Schwarz, Stuart Skelton, Ladislav Elgr, Evelyn Herlitzius, Camilla Nylund etc…
Rattle-Michieletto-Nylund-Herlitzius sont des noms qui sur une affiche ne laissent aucun fan d’opéra indifférent. Damiano Michieletto enfant terrible plus habituel dans le répertoire italien s’attaque à Janáček, Sir Simon Rattle est en général remarquable dans ce répertoire, et Nylund et Herlitzius devraient y faire merveille sans oublier la vénérable Hanna Schwarz, la Fricka du Ring de Chéreau. Voilà qui suffit pour justifier un voyage.

Mars 2021 (Feststage)
W.A.Mozart, Le nozze di Figaro,
(3 repr.), MeS : Vincent Huguet Dir : Daniel Barenboim avec Gyula Orendt, Nadine Sierra, Marianne Crebassa, Siegfried Jerusalem, Waltraud Meier, Elsa Dreisig, Riccardo Fassi, Stephan Rügamer etc…
Il faudra évidemment aller voir Cosi fan tutte et ces Nozze di Figaro, d’abord parce qu’elles marquent le goût ancien pour l’opéra mozartien du maître des lieux : rappelons qu’il enregistra très tôt (dans les années 70) Don Giovanni et Le Nozze di Figaro, un peu plus tard Così fan tutte, et que jamais il n’a marqué une distance par rapport à ce répertoire. C’est donc toujours un événement quand il retourne au pupitre pour diriger un opéra de Mozart. C’est par ailleurs aujourd’hui la mode que de proposer au même metteur en scène la trilogie Mozart/Da Ponte, une mode qui ne me convainc pas ( La trilogie Da Ponte/Mozart n’est pas le Ring) même si cela affiche un projet cohérent de confier à un univers unique les trois opéras de Mozart. Strehler de dix ans en dix ans (grosso modo) l’avait entrepris, mais si Le nozze di Figaro à Paris (1973) étaient un coup de génie, ni Don Giovanni (1987) à la Scala ni Così fan tutte (1998) au Piccolo Teatro de Milan n’avaient atteint ce degré de réussite.
C’est donc Vincent Huguet qui s’y attaque. Les précédents spectacles de Vincent Huguet ne m’ont pas vraiment convaincu. Espérons que ces Mozart casseront cette impression. La distribution faite d’une nouvelle génération d’excellents chanteurs (Gyula Orendt, Marianne Crebassa, Nadina Sierra, Elsa Dreisig etc…devrait exciter la curiosité, et encore plus la présence d’une Marcellina aussi luxueuse qu’inattendue, Waltraud Meier tout comme le Don Curzio de Siegfried Jerusalem: jamais un Don Curzio ne suscitera autant de curiosité. On fait à Berlin comme à Vienne où les gloires du passé furent souvent employées dans les tout petits rôles (je vis à Vienne Erich Kunz dans Benoit de La Bohème par ex). 

Juin 2021
Giacomo Puccini, La Fanciulla del West (7 repr.)
MeS: Lydia Steier, Dir: Antonio Pappano avec Anja Kampe, Yusif Eyvazov, Michael Volle, Graham Clark etc…
Antonio Pappano dirige très peu l’opéra en dehors de Londres, c’est d’autant plus intéressant de le voir à Berlin. Comme c’est un chef au très large répertoire, italien comme allemand, rien d’étonnant à le voir diriger Puccini, et un Puccini pas si fréquent. La production est confiée à Lydia Steier, qui là où elle passe, provoque la polémique dans le public ou la critique, et quelquefois même à la direction du théâtre (Genève). Et dans la distribution Anja Kampe, qui a déjà interprété le rôle de Minnie à Munich (voir le compte rendu dans Wanderersite.com), Michael Volle dans Jack Rance qui devrait être évidemment très attendu et Yusif Eyvazov dans Dick Johnson qui me laisse plus perplexe vu ses capacités d’acteur, et là aussi, dans les « petits rôles » une vieille connaissance, Graham Clark, qui participa y compris à Bayreuth à de nombreuses productions dirigées par Barenboim

Opéras pour enfants et opéras de chambre (dans l’ancienne salle de répétition d’orchestre)

Janv.2021
Lucia Ronchetti, Pinocchios Abenteuer, Instrumentale Komödie (Comédie instrumentale)
(à partir de 6 ans), (15 repr.) pour soprano et cinq musiciens, MeS : Swaantje Lena Kleff,  Dir : Adrian Heger avec en alternance Sophia Aristidou et Hanna Herfurtner.
Adaptation des aventures de Pinocchio pour prouver son courage, notamment en combattant des bêtes, des personnages louches, une baleine.

Avril 2021
Georg Friedrich Haas, Thomas, Kammeroper (2013)
, (8 repr.), MeS: Barbora Horáková Joly Dir: Max Renne avec les membres de l’Opéra Studio et des membres de la Staatskapelle Berlin ainsi que des artistes invités.
Un opéra de chambre sur la réaction devant la mort d’un ami : Matthias meurt à l’hôpital et Thomas, entouré de l’agitation des soignants, est laissé seul, avec ses souvenirs et son deuil. D’une effrayante actualité.

 

 

Répertoire:

 

26 reprises (dont deux ou trois « fausses » reprises de nouvelles productions qui n’ont pas eu lieu en 2019-2020)

Sept.2020
Giuseppe Verdi, Il trovatore,
(6 repr.), MeS: Philipp Stölzl, Dir: Massimo Zanetti avec Liudmyla Monastyrska, Vladislav Sulimsky, Marcelo Alvarez, Violeta Urmana, Adrian Sâmpetrean
Reprise alimentaire : septembre est musicalement très riche à Berlin et il faut proposer des titres qui attirent. Massimo Zanetti est un bon professionnel, la distribution est digne d’intérêt surtout pour Urmana en Azucena et Sulimsky, le baryton qui monte, en Luna. Alvarez est de plus en plus routinier, et Monastyrska qui est une bonne soprano dramatique d’agilité (Abigaille, Odabella), manque de ce lyrisme et de cette apparente fragilité qui font les grandes Leonora.

Otto Nicolaï, Die lustigen Weiber von Windsor, (4 repr.), MeS: David Bösch, Dir: Daniel Barenboim/Thomas Guggeis avec Michael Volle, René Pape, Pavol Breslik, Wilhelm Schwinghammer, Linard Vrielink, Mandy Fredrich, Michaela Schuster, Anna Prohaska, David Oštrek
Deux représentations dirigées par Barenboim et deux par Guggeis. La mise en scène de David Bösch assez réussie et bénéficie surtout d’une distribution splendide de chanteurs acteurs, dominée par les voix masculines, Michael Volle, René Pape, Pavol Breslik et Linard Vrielink, tous remarquables, et les voix féminines ne déméritent pas et sont très homogènes ; à voir sans aucun doute, d’autant que l’œuvre est rare, voire inexistante en France ou en Suisse.

Richard Wagner, Der fliegende Holländer, (4 repr.), MeS: Philipp Stölzl, Dir: Thomas Guggeis avec Matthias Goerne, Peter Rose, Ricarda Merbeth et Stephan Rügamer.
Thomas Guggeis est encore au pupitre, pour cette reprise de la production de Philipp Stölzl, proche par son esprit de la légendaire production d’Harry Kupfer à Bayreuth. La distribution est de bon niveau, Matthias Goerne, Peter Rose, Ricarda Merbeth et l’excellent Rügamer font partie de la crème du chant allemand.

Sept. 2020/Juin 2021
Walk the Walk
, (9 repr.)
Performance du compositeur et installateur danois Simon Steen-Andersen.

Oct. 2020
Modest Mussorgsky, Khovantchina
, (5 repr), MeS: Claus Guth, Dir: Simone Young avec Mika Kares, Sergey Skorokhodov, john Daszak, Vladislav Sulimsky, Alexey Tikhomirov, Marina Prudenskaya etc…
Voilà une reprise qui pourrait bien être une nouvelle production car on peut douter que la première ait lieu en juin 2020, au rythme où vont les choses.Une reprise (?) de 5 représentations qui devraient être prises d’assaut. Un metteur en scène qui fait toujours discuter, mais qui travaille toujours intelligemment, on aurait aimé que Vladimir Jurowski puisse diriger cette reprise, c’est quand même un des grands chefs de ce temps, et ce sera Simone Young, évidemment moins stimulante, même si bonne cheffe. Mais il y a une distribution de très haut niveau, réunissant quelques-uns des meilleurs chanteurs de la nouvelle génération, dont l’excellent Mika Kares, mais aussi Vladislav Sulimsky ou Alexey Tikhomirov. À voir évidemment !

Georges Bizet, Les pêcheurs de perles (3 repr.) MeS: Wim Wenders, Dir: Victorien Vanoosten avec Olga Peretyatko, Pavol Breslik, Alfredo Daza.
Reprise de la production de Wim Wenders du chef d’œuvre de Bizet, avec notamment Olga Peretyatko et Pavol Breslik, et le baryton maison Alfredo Daza. Notons l’appel à Victorien Vanoosten, un des chefs français de nouvelle génération, qui a étudié à Paris, mais aussi à Helsinki notamment avec Esa Pekka Salonen (école finlandaise, aujourd’hui la plus considérée), et d’autres. Il a été l’assistant de Daniel Barenboim pour Les Pêcheurs de Perles et reprend la production qu’il a déjà dirigée en 2018.

Oct-nov 2020/Avril 2021
Richard Wagner, Tannhäuser
(6 Repr.), MeS : Sasha Waltz, Dir : Thomas Guggeis avec Klaus Florian Vogt, Rachel Willis-Sørensen, Wilhelm Schwinghammer, Lauri Vasar, Marina Prudenskaya.
La production chorégraphiée et si originale de Sasha Waltz, dirigée par le très sollicité Thomas Guggeis, dans une distribution nouvelle, dominée par Klaus Florian Vogt avec l’Elisabeth de Rachel Willis-Sørensen et la Venus de Marina Prudenskaya. Si vous êtes à Berlin…

Oct-nov 2020
Benjamin Britten, The Turn of the screw
(4 Repr.), MeS : Claus Guth Dir :  Finnegan Downie Dear avec Stephan Rügamer, Maria Bengtsson, Angela Denoke etc…
La production de Claus Guth (à qui les questions de psychisme conviennent toujours) et la direction de Finnegan Downie Dear, directeur musical du Shadwell Opera, une des compagnies anglaises les plus inventives, peuvent stimuler la curiosité, mais aussi la distribution où l’on note Stefan Rügamer, magnifique chanteur acteur, de la troupe locale, mais aussi le retour de la grande Angela Denoke, dans le rôle de la gouvernante Mrs. Grose.

Nov.2020
Orpheus-festival (dans le cadre des Barocktage 2020)

 Les Barocktage 2020, outre Mitridate re di Ponto proposent un focus sur le mythe d’Orphée, avec trois Orphée différents, celui, berlinois, de Carl Heinrich Graun (1704-1759), celui, italien, de Monteverdi et celui viennois de Gluck

Carl Heinrich Graun, Orfeo (1 repr. concertante) Dir: Howard Arman avec Lucile Richardot, Sophie Karthäuser, Andrew Watts etc…
Akademie für Alte Musik
Jolie distribution pour cette unique représentation concertante dirigée par Howard Arman plus connu comme chef de chœur ( il dirige actuellement le Chor des Bayerischen Rundfunks, l’un des meilleurs sinon le meilleur au monde) que chef d’orchestre. Carl Friedrich Graun, compositeur à la cour de Frédéric II, est lié à Berlin et la distribution est dominée par les remarquables Lucile Richardot et Sophie Karthäuser.

Claudio Monteverdi, L’Orfeo (3 repr.) MeS: Sasha Waltz Dir: Jonathan Cohen avec Georg Nigl, Ana Lucia Richter, Katharina Kammerloher
Le spectacle qui lie opéra et danse a fait le tour de l’Europe (Amsterdam, Lille, Luxembourg, Bergen etc…) avec les mêmes protagonistes Georg Nigl et Ana Lucia Richter, le Vocalconsort Berlin et les Freiburger Barockconsort et donc, si vous l’avez raté, c’est l’occasion de le voir. Vaut le détour.

Christoph Willibald Gluck, Orfeo ed Euridice (3 repr.) MeS: Jurgen Flimm Dir: Marc Minkowski avec Bejun Mehta, Valentina Nafornița, Victoria Random
La version italienne de 1762 de Ranieri de’ Calzabigi, dirigée par Marc Minkowski (qui a souvent dirigé l’œuvre, notamment en français) avec comme particuarité Bejun Mehta en Orfeo contreténor, dans la mise en scène noire de Jürgen Flimm et les décors du grand architecte américain Frank Gehry. Vaut vraiment le détour aussi !

Never look back, ein Orpheus-Festival (5 repr.) dans l’ancienne salle de répétitions d’orchestre, une série de propositions sur le thème d’Orphée des écoles d’art berlinoises.

Nov-déc 2020/Janv.2021
Engelbert Humperdinck, Hänsel und Gretel,
(7 repr.) MeS: Achim Freyer Dir: Thomas Guggeis avec Gyula Orendt, Anna Samuil, Katrin Wundsam, Adriane Queiroz etc..
Reprise tout à fait traditionnelle en période de Noël de Hänsel et Gretel, si populaire en Allemagne…dans la production d’Achim Freyer (2017). Le Freyer plasticien donne à cette production le caractère très particulier de son univers. Encore une fois Thomas Guggeis au pupitre. 

Déc. 2020
Giuseppe Verdi, Rigoletto (5 repr.), MeS: Bartlett Sher Dir: Karel Mark Chichon avec Luca Salsi, Irina Lungu, Piotr Buszewski etc…
Reprise de la nouvelle production de juin 2019 de Bartlett Sher, transposée dans les années 20, dans une ambiance mélangeant l’expressionnisme d’Otto Dix et le maniérisme de Giulio Romano à Mantoue (Palazzo Te), on dirait donc manieristo-expressionniste…Toute nouvelle distribution à commencer le chef  Karel Mark Chichon familier de ce répertoire et assez apprécié en général, Luca Salsi dans Rigoletto, Irina Lungu  dans Gilda tandis que la plus grande curiosité viendra du  Duca du tout jeune ténor polonais Piotr Buszewski, voix claire de ténor lyrique, qui commence à peine à chanter en Europe (Leipzig, Berlin, après quelques apparitions aux USA).

Déc. 2020/Janv-fév-avril2021
W.A.Mozart, Die Zauberflöte
(12 repr.) MeS August Everding, Dir: Oksana Lyniv avec Mauro Peter, Jan Martiník, Evelin Novak, Serena Sáenz, Gloria Rehm, Roman Trekel etc…
Distribution passe partout (avec Mauro Peter, bien installé comme ténor mozartien, qui s’appuie sur la troupe (Jan Martinik comme Sarastro), mais la programmation joue sur les deux productions de Zauberflöte du répertoire de Berlin, la plus récente production Yuval Sharon, présentée en décembre 2019, et celle d’August Everding, légendaire, qui appartient au répertoire de Berlin comme de Munich. En 2019/2020, les deux productions devaient être proposées dans la même saison (décembre et avril) avec des distributions et des chefs différents. C’est en 2020/2021 la production d’August Everding qui est proposée sur 12 représentations (puisque les représentations d’avril ont été annulées). Au pupitre, Oksana Lyniv qui désormais est une inévitable des théâtres.

Janvier 2021
Richard Strauss, Die Frau ohne Schatten,
(4.repr) MeS: Claus Guth Dir: Simone Young avec Eric Cutler, Vida Miknevičiūtė, Michaela Schuster, Georg Nigl, Wolfgang Koch etc…
Une des grandes productions de la maison (Claus Guth), dans une distribution modifiée (Eric Cutler en Empereur, Vida Miknevičiūtė en impératrice) et au pupitre la solide Simone Young.

Janvier 2021
W.A.Mozart, Idomeneo (4 repr.) MeS, David Mc Vicar Dir: Louis Langrée avec Andrew Staples, Lea Desandre, Victoria Randem, Olga Peretyatko etc…
La nouvelle production d’avril 2020 (Festtage 2020, direction Simon Rattle) a été annulée pour cause de virus, elle est proposée en reprise (mais en réalité ce sera donc une nouvelle production) en janvier 2021 avec au pupitre Louis Langrée et une distribution différente, toujours Andrew Staples en Idomeneo, toujours Olga Peretyatko en Elettra, mais Léa Desandre (excellent choix) au lieu de Magdalena Kožená en Idamante et Victoria Randem au lieu d’Anna Prohaska en Ilia.

Janv-fév 2021
L.v.Beethoven, Fidelio (6 repr.), MeS: Harry Kupfer, Dir: Lahav Shani avec Simone Schneider, Greer Grimsley, René Pape, Andreas Schager/David Butt Philip, Evelin Novak, Florian Hoffmann, Arttu Kataja.
Une reprise de la production Kupfer, discutée lors des premières représentations, cette fois dirigée par le très doué Lahav Shani, chef israélien vainqueur du concours Mahler de direction d’orchestre de Bamberg, et aujourd’hui successeur de Nézet-Séguin à Rotterdam. La distribution affiche Andreas Schager sur 4 soirées, David Butt Philip sur les deux dernières, et René Pape en Rocco, Simone Schneider en Fidelio/Léonore, Greer Grimsley en Pizarro. Pour le chef d’abord.

Fév. – mars 2021
W.A.Mozart, Così fan tutte
(3 repr.) MeS : Vincent Huguet, Dir: Daniel Barenboim avec Barbara Frittoli, Elsa Dreisig, Marianne Crebassa, Paolo Fanale, Gyula Orendt, Ferruccio Furlanetto
Ce devait être une reprise, ce sera une première, pour trois représentations du Cosi fan Tutte prévu cette année qui a dû être annulé. Même distribution composée de la nouvelle génération: Elsa Dreisig en Fiordiligi et Marianne Crebassa en Dorabella, ce devrait être excellent, Paolo Fanale en Ferrando et Gyula Orendt en Guglielmo tout autant, Orendt est un magnifique chanteur et Fanale un ténor très sensible. Les surprises viennent de Barbara Frittoli en Despina (dans un rôle où je ne la sens pas trop) et un Alfonso aussi luxueux qu’inattendu, Ferruccio Furlanetto.

Fév-mars 2021
Giacomo Puccini, Tosca,
(6 repr.), MeS: Alvis Hermanis, Dir: Massimo Zanetti/Julien Salemkour avec Angel Blue, Brian Jagde/Marcelo Puente, Lucio Gallo, Jan Martiník.
Pure reprise alimentaire avec la jeune Angel Blue, la Tosca d’Aix, et deux ténors dont on parle Brian Jagde (2 premières rep.) et Marcelo Puente (4 dernières), ainsi qu’en Scarpia Lucio Gallo, qu’on n’a pas vu depuis très longtemps. Direction Massimo Zanetti et pour les deux dernières, Julien Salemkour, ex-assistant de Barenboim. Une reprise sans véritable intérêt

Mars 2021
Richard Strauss, Der Rosenkavalier
, (4.repr) MeS: André Heller / Wolfgang Schilly, Dir: Simone Young avec Camilla Nylund, Günther Groissbock, Adrian Angelico, Nadine Sierra, Jonathan Winell etc…
Simone Young dirige cette reprise avec une belle distribution: Nylund, Groissböck, le meilleur Ochs aujourd’hui et la jeune et fraîche Nadine Sierra en Sophie, ainsi que dans Octavian, Adrian Angelico, le mezzo-trans norvégien qui a tant fait parler et qui a déjà chanté Octavian à Oslo et Stockholm. Un ensemble solide dans une production très « wienerisch »

Mars-avril 2021
Richard Wagner, Parsifal
(3 repr.) MeS: Dmitry Tcherniakov, Dir: Daniel Barenboim, avec René Pape, Marina Prudenskaya, Andreas Schager, Falk Struckmann, John Tomlinson etc…
Reprise de ce Parsifal qui va devenir légendaire, pour trois représentations seulement, avec toujours Andreas Schager (Parsifal) et René Pape (Gurnemanz) les piliers de la production, mais Falk Stuckmann en Klingsor et Marina Prudenskaia en Kundry. Cette dernière fera difficilement oublier Anja Kampe et Waltraud Maier, qui fit ses adieux au rôle dans cette production. Mais si vous n’avez pas vu ce Parsifal, il faut évidemment y aller ventre à terre.

Avril-Mai 2021
Giacomo Puccini, La Bohème,
(5 repr.) MeS : Lindy Hume, Dir : Rafael Payare avec Aida Garifullina, Elsa Dreisig, Dmitry Korchak, Alfredo Daza etc…
Une reprise alimentaire, avec le couple Garifullina/Korchak en Mimi et Rodolfo, Dreisig/Daza en Musetta/Marcello (Adriane Queiroz pour la dernière). Le chef vénézuélien Rafael Payare, issu du Sistema de José Antonio Abreu, qui fut assistant de Claudio Abbado et de Daniel Barenboim est au pupitre.

Mai 2021
Giuseppe Verdi, La Traviata,
(6 repr.) MeS: Dieter Dorn, Dir: Eun Sun kim  avec Elsa Dreisig, Freddie De Tommaso/Rame Lahaj, George Petean etc…
Autre reprise alimentaire avec Elsa Dreisig très présente dans les distributions parce qu’elle appartient à la troupe de la Staatsoper. Et deux ténors à l’orée de la carrière, Freddie De Tommaso et Rame Lahaj, ainsi que l’excellent George Petean comme Germont. Quant à Eun Sun Kim, on la voit de plus en plus diriger en Allemagne.

Alban Berg, Wozzeck, (4 repr.), MeS: Andrea Breth, Dir: Matthias Pintscher avec Matthias Goerne, Eva-Maria Westbroek, Florian Hoffmann, Graham Clark, John Daszak, Katharina Kammerloher, Heinz Zednik etc…
Comme souvent désormais, les gloires du passé dans les productions actuelles et dans de petits rôles c’est le cas de Heinz Zednik ici dans Der Narr (le fou), et des moins petits (Graham Clark dans Der Hauptmann – Le Capitaine). Le couple Wozzeck/Marie c’est Matthias Goerne et Eva Marie Westbroek, John Daszak est le tambour major, distribution très solide, presque référentielle. Le chef est Matthias Pintscher qui aborde le grand répertoire d’opéra.

Richard Strauss, Salomé (4 repr.), MeS : Hans Neuenfels, Dir : Thomas Guggeis avec Vida Miknevičiūtė, John Daszak, Waltraud Meier, Johan Reuter, Siyabonga Maqungo etc…Certes, c’est Waltraud Meier qui chante Herodias, et John Daszak Herodes mais plus d’Ausrine Stundyté en Salomé, on va découvrir Vida Miknevičiūtė qui aura aussi été Die Kaiserin dans Die Frau ohne Schatten cette saison. À découvrir donc, sous la direction de Thomas Guggeis, qui a créé la production encore récente de Hans Neuenfels.

Mai-juin 2021
Carl-Maria von Weber, Der Freischütz
, (5 repr.) MeS: Michael Thalheimer Dir: Alexander Soddy avec Victoria Randem, Evelin Novak, Stephan Rügamer/Andreas Schager, Falk Struckmann etc…
Un Freischütz c’est toujours à prendre, parce que l’œuvre est rare et difficile. C’est une reprise de la production de 2015 de Michel Thalheimer diversement accueillie. Au pupitre Alexander Soddy, GMD du Nationaltheater Mannheim et ex assistant de Petrenko dans le Ring de Bayreuth. Distribution solide comprenant le Max de Stefan Rügamer, ténor excellent de la troupe de la Staatsoper, qui va étrangement alterner avec le puissant Andreas Schager, deux voix très différentes, presque opposées par le timbre et le volume.  Agathe est Evelin Novak dans une distribution largement puisée dans la troupe. Survivant de la création, Falk Struckmann en Kaspar…

Juin-Juil. 2021
Jörg Widmann, Babylon
, (4 repr.) MeS : Andreas Kriegenburg, Dir : Christopher Ward avec Mojca Erdmann, Susanne Elmark, Charles Workman, Willard White, Marina Prudenskaya
La saison s’achève sur 4 représentations de Babylon, l’opéra de Jörg Widmann, livret du philosophe Peter Sloterdijk créé à Munich en 2012 sous la direction de Kent Nagano.
À Berlin, la production d’Andreas Kriegenburg qui remonte à la saison 2018-2019 (mars 2019) a été dirigée à la création par Daniel Barenboim, et sera reprise la saison prochaine par Christopher Ward, GMD d’Aix la Chapelle, et ex-assistant de Simon Rattle pour le Ring d’Aix et de Kent Nagano lorsqu’il dirigeait Munich. La distribution est sensiblement identique à celle de la première. Seule exception Willard White succède à John Tomlinson comme Roi-Prêtre. Saluons le fait qu’un opéra contemporain soit repris et entre au répertoire.

Conclusions :

À vrai dire, l’impression laissée par cette saison est mitigée. Elle semble moins brillante et moins inventive que la précédente. D’abord nous l’avons souligné, l’impression d’un Daniel Barenboim en retrait, ensuite, certains choix de distribution étranges (l’alternance Rügamer/Schager dans Freischütz non par rapport à la qualité intrinsèque des deux artistes, mais à leur voix complètement différentes sur le même rôle).
D’un autre côté, Berlin fait résolument appel notamment dans les reprises de répertoire, à des jeunes chanteurs, quelquefois tout à fait débutants, y compris dans des rôles importants (Vida Miknevičiūtė à la fois Kaiserin dans Die Frau ohne Schatten et Salomé, les ténors Freddie De Tommaso, Rame Lahaj dans Traviata, Piotr Buszewski dans Rigoletto, ou David Butt Philip alternant dans Florestan avec Andreas Schager) et surtout à des jeunes chefs, nous avons signalé plus haut Thomas Guggeis, mais nous pourrions évoquer aussi Victorien Vanoosten, Finnegan Downie Dear, Lahav Shani, sans oublier Matthias Pintscher, pas si jeune mais rare à l’opéra qui aborde des œuvres étrangères à son répertoire habituel. Tout cela peut être défendu, d’autant que dans l’ensemble il est plutôt fait appel dans les productions de référence à la jeune génération des chanteurs (voir les Mozart par exemple : qui connaît Gyula Orendt, qui va chanter et Guglielmo et il conte ? C’est pourtant un chanteur qui fut un Zurga remarquable dans Les Pêcheurs de Perles de Wenders lors des premières dirigées par Barenboim, ou un Galveston de grand niveau dans Lessons in love and violence de George Benjamin (à Lyon la saison dernière).
Du positif et du discutable donc.

Mais la situation elle-même à cause du coronavirus est lourde de conséquences sur la saison prochaine : trois productions prévues Cosi fan tutte, Idomeneo, Khovantchina n’ont pas eu lieu ou n’auront pas lieu cette saison : il est fort douteux que les théâtres rouvrent avant l’été, et à supposer que ce soit possible, dans quelles conditions ? Avec quelle distanciation sociale ? Avec quel public pour un opéra international ou un Festival quand le public international ne sera pas dans les mêmes situations sanitaires selon les pays ?
Pour Berlin, c’est déjà le cas pour Cosi fan tutte et Idomeneo, et Khovantchina prévu en juin reste lourdement menacé. D’où l’affichage de ces titres la saison prochaine qui s’ajoutent de facto aux nouvelles productions prévues et que l’on propose sur de très courtes périodes (3 repr. pour Così fan Tutte, exactement comme prévu la saison actuelle (report sine die dans les mêmes conditions ?), 4 représentations pour Idomeneo au lieu de 5 cette saison, mais avec changement de chef et d’Idamante (Rattle pas libre et donc du même coup Magdalena Kožená), avec l’avantage que ces productions étaient prêtes en mars et n’auront pas besoin de longues semaines de répétitions. Pour Khovantchina prévu pour cinq représentations, au lieu des six affichées en juin, c’est un peu différent. Si la production comme c’est à craindre est annulée en juin, elle sera affichée en octobre (mais avec Simone Young et sans Vladimir Jurowski) , à un moment où tout reprendra progressivement, ce qui laisse le temps pour des répétitions en septembre, voire en juin (si c’est possible). Cela permettra-t-il de valider au moins partiellement des billets déjà achetés, de ne pas dénoncer les contrats, autant de questions qui me paraissent légitime de poser, et pas seulement pour Berlin.

C’est à la fois la conséquence de la situation que nous vivons, et aussi du système de répertoire qui permet un appel fort à la troupe, et d’afficher en peu de temps certaines reprises, notamment quand la troupe est bonne, comme c’est le cas à la Staatsoper de Berlin. Ainsi les grands standards sont-ils forcément affichés chaque saison (ce que j’appelle les productions « alimentaires ») et en 2020-2021, il y en aura au moins cinq Tosca, Traviata, La Bohème, Rigoletto, Die Zauberflöte, susceptibles d’attirer du public.

Ne nous berçons pas d’illusions : le monde du spectacle va se relever lentement de la situation inédite et dramatique qu’il connaît actuellement, et les saisons déjà présentées sur ce blog trahissent en creux pour la plupart, les problèmes que les théâtres affrontent actuellement. Il n’est pas sûr qu’au final elles se déroulent comme elles sont annoncées sur le papier. Mais il faut y croire.

Staatsoper, la salle

OPÉRA NATIONAL DE PARIS 2020-2021: PRÉSENTATION DE LA PROCHAINE SAISON LYRIQUE ET SYMPHONIQUE

Sauve qui peut.
Stéphane Lissner signe un programme qu’il ne suivra pas puisqu’il part pour Naples jouir de la plus belle baie du monde et d’un des plus beaux théâtres qui soient, lieu de la grande tradition italienne.
Quant au directeur musical Philippe Jordan, il aura déjà un pied à Vienne, le théâtre de référence du genre, et ne sera présent que pour son deuxième Ring. Reste Aurélie Dupont à la tête du ballet, pour poursuivre une gestion pour le moins problématique.
Le seul événement de l’année, Ring mis à part, sera la présence de Daniel Barenboim au pupitre de Bastille pour la première fois, puisque Pierre Bergé l’en avait chassé avant même qu’il lève la baguette de directeur musical en 1989. C’est évidemment un événement symbolique considérable, car les très grands chefs mythiques ne sont pas légion depuis très longtemps dans les fosses bastillaises.

Un regard sur les chefs invités pendant la saison montre d’ailleurs que si la plupart sont des bons chefs, on peine à voir de grands chefs.

Annus Horribilis

Annus Horribilis, telle a été l’année du 350ème anniversaire de la maison, qui s’est terminée par la plus longue grève de son histoire. Avec le coronavirus et la fermeture pour plusieurs mois des théâtres, la catastrophe continue, annulées par exemple les premières productions du Ring, sur lequel l’Opéra comptait pour se refaire au moins une image sinon une santé.
Il n’est pas question de revenir sur les motifs de cette très longue grève, une sorte de feuilleton quotidien où les artistes eux-mêmes (et le public avec) apprenaient à 15h (au mieux) qu’ils ne chanteraient pas le soir à 19h30.
En revanche, un tel mouvement, qui a atteint toutes les forces de la maison, est indice du profond malaise de ce théâtre, au-delà du motif affiché de la réforme des retraites. Un malaise qu’on avait perçu dans le ballet, et Madame Dupont ne fera pas d’ombre à Brigitte Lefèvre ni même à Benjamin Millepied qui l’ont précédée : avec elle « on allait voir ce qu’on allait voir »…et on a vu. Mais la question dépasse celle du Corps de ballet, elle réside dans la relation que l’on à une mission artistique, sur la confiance qu’on a dans les pilotes, sur le sentiment d’appartenance.
On aurait pu souhaiter pour Stéphane Lissner une fin de mandat moins bousculée, je persiste à penser qu’il n’a pas du tout démérité dans sa programmation, après les années Nicolas Joel (encore un qui nous avait claironné qu’on allait voir ce qu’on allait voir…et on a vu). Mais Lissner au terme d’une carrière riche n’a pas pu donner à cette maison la cohésion que sa glorieuse histoire mériterait, et il ne s’est pas vraiment attaché aux réformes qui étaient peut-être nécessaires, il n’avait pas envie de s’y atteler, alors qu’au terme de sa carrière il eût pu sans trop de risque pour son image s’y engager, mais sans doute aussi le silence assourdissant du Ministère de la Culture sur ces questions ne l’encourageait pas.

Une immense « boutique »

L’Opéra de Paris est certes un objet artistique, mais aussi et surtout politique (on n’est pas fondé par Louis XIV pour rien). Le politique, qui a déjà fort à faire par ailleurs, n’a pas envie d’y rajouter la question de l’Opéra, lancinante, qui apparaît, disparaît, et réapparaît régulièrement depuis que je fréquente les lieux, soit depuis 1973. La réforme des retraites n’est que la goutte d’eau qui fait déborder le vase souvent plein de l’Opéra de Paris.

Et pourtant quel théâtre au monde pourrait se targuer de cette puissance de feu : une salle historique de 2000 places, le Palais Garnier, qui aurait sans doute pu suffire à notre plaisir, une des merveilles des théâtres au monde, une salle récente, l’Opéra Bastille (30 ans à peine) de 2700 places esthétiquement et architectoniquement ratée, sans parler des espaces techniques, mais qui bon an mal an depuis son ouverture a répondu à l’exigence d’élargir le public, et qui ces dernières années notamment à cause d’une politique tarifaire erratique mais pas seulement, n’arrivait plus à remplir…
Et voilà qu’on nous a annoncé récemment la future ouverture de la salle ex-modulable, troisième espace d’un millier de places, restée fermée depuis l’inauguration du théâtre. Ce qui ferait si les trois salles fonctionnaient en même temps 5700 places offertes au quotidien rien que pour l’Opéra de Paris. On aimerait que le bassin de public soit aussi énorme, cela signifierait que l’opéra et le ballet sont devenus les chouchous du public.
Bon courage pour gérer ce mastodonte, parce qu’il faudra programmer des centaines de soirées et que Paris a déjà bien d’autres salles concurrentes, avec moins de charges et plus de sveltesse. C’est exactement l’histoire de l’A380 d’Airbus, arrivé trop tard sur le marché et remplacé par des avions de capacité moindre et technologiquement plus efficients.

L’Opéra de Paris dans son format actuel ne correspond plus au profil voulu pour le genre, à moins d’un manager génial qui réussisse à résoudre la quadrature du cercle, ce que nous souhaitons à Alexander Neef.

Nous l’avons déjà écrit : quand au début des années 1980 a été lancé le projet Bastille, il n’y avait pas d’alternative à Paris, le succès de l’Opéra à Garnier ne se démentait pas, le public affluait et débordait. À l’inauguration de Bastille en 1989 les choses avaient déjà changé avec notamment le Châtelet et bientôt le Théâtre des Champs Elysées.
L’Opéra-Bastille, construit pour être un théâtre de répertoire à l’alternance serrée (on parlait d’un « Opéra national populaire » sur le modèle de l’ENO de Londres ou de la Volksoper de Vienne) est devenu un théâtre de stagione-répertoire (rappelons pour mémoire que Barenboim a été chassé sous le prétexte qu’il proposait un pur théâtre de stagione, une hérésie paraît-il à l’époque qui allait contre tout le projet « populaire » affiché de Bastille). Bastille est redevenu un théâtre de stagione-répertoire sur le modèle du MET, et du ROH Covent Garden, avec un nombre de productions respectable puisé dans le répertoire de la maison (un répertoire construit par Hugues Gall qui a répondu à sa mission) et huit ou neuf nouvelles productions par an… Mais on a oublié le concept d’opéra populaire.

Management et politique culturelle

L’Opéra de Paris, rappelons-le aussi, fut au XIXe le plus grand et le plus prestigieux des opéras, rang qu’il a perdu au XXe, notamment après la deuxième guerre mondiale. Quand Rolf Liebermann en a pris les rênes en 1973, c’était une institution tellement fossilisée qu’il a dû refonder tout son fonctionnement artistique, en licenciant dans la douleur et la troupe et le chœur.
Si l’on reprend le management de la maison pendant ces années : Liebermann, qui en a fait simplement une maison européenne normale à l’instar de Londres, est resté sept ans, puis remercié. Puis se sont succédé, plus ou moins de deux ans en deux ans, Bernard Lefort, Alain Lombard et Paul Puaux (interim) Massimo Bocianckino, Jean-Louis Martinoty, René Gonzalès, Jean-Marie Blanchard pour arriver à Hugues Gall, le seul qui a duré une dizaine d’années, Gérard Mortier, dura cinq ans, puis  arrivèrent Nicolas Joel et enfin Stéphane Lissner (il y a quand même eu depuis l’inauguration de Bastille, soit 30 ans, six directeurs généraux).
Comment construire une politique durable à ce rythme, là où ailleurs les managers durent au minimum dix ans ?
Le manque de regard stratégique des politiques est justifié par cette valse de Directeurs généraux, qui n’ont simplement pas le temps de construire une politique à long terme et qui sont réduits à « faire des coups » qui sont autant de coups d’épée dans l’eau la plupart du temps, même pour les productions à succès. La question de la stratégie tient moins aux individus qu’au suivi très lâche, sinon incompétent de la tutelle.
Le Ministère de la Culture aujourd’hui est le grand muet:  on n’y pense pas à long terme : le rôle qu’on y préfère, depuis qu’il n’y a plus de stratégie, c’est d’être la puissance qui nomme avec les jeux de cour, les jeux de couloir, les jeux de lobbying qui vont avec. La dernière nomination d’Alexander Neef a dû être reprise en main par la Présidence de la République, ce qui en dit long sur l’état des troupes et sur les agitations de la courette culturelle.
Cela traduit à la fois la pauvreté conceptuelle de nos politiques culturelles,  la charge que constitue le « machin » Opéra de Paris, et enfin le manque de candidats capables de le gouverner. Serge Dorny était de ceux-là, mais pour les raisons ci-dessus évoquées, on lui a préféré Lissner, selon la vieille théorie du bâton de maréchal, et Dorny a été bien inspiré de se tourner vers Munich.

Nous nous trouvons donc devant un État qui considère plutôt son Opéra National comme un boulet à traîner, devant une maison dont le format ne correspond plus ni à l’époque, ni au bassin de public, devant un management qui est incapable de donner un sens et une direction dans lesquels le personnel de l’opéra puisse se reconnaître et retrouver un sens à son travail, et devant une crise économique profonde due aux événements récents et actuels.

On comprendra bien que dans la situation actuelle, la question de la programmation est contingente (et la programmation lyrique est plutôt solide ces dernières années, et qu’il s’agit bien plus de restimuler à tous niveaux une machine qui semble en suspens, en attente d’arrivée du nouveau directeur général, du nouveau directeur musical, et en attente du départ de la directrice du ballet, qui n’a pas donné de grandes preuves de compétences. La situation n’est pas vraiment azuréenne

Malgré les problèmes, une programmation qui se défend

Néanmoins, celui qui écrit a suivi cette maison passionnément, il l’aime comme on aime sa vieille école, où l’on a tout appris, il retourne toujours à Garnier avec émotion, se revoyant dans ses jeunes années, tout excité à l’idée d’entendre ses voix préférées. Celui qui écrit est loin d’être indifférent à cette maison, – même si depuis, il a élu domicile opératique plutôt ailleurs. Et il espère toujours que tout cela va se stabiliser et repartir sur des bases plus solides.
Pendant la longue grève de l’opéra, on a vécu sans Opéra et sans avoir l’air d’en souffrir (évidemment les autres maisons parisiennes fonctionnaient et les grèves focalisaient l’attention ailleurs) comme si cette maison était devenue inutile et ne provoquait qu’indifférence, comme si on s’en passait sans douleur. Quelle tristesse… Qui redonnera de l’âme à l’Opéra de Paris, qui lui redonnera son histoire et la joie de travailler pour elle, qui ranimera son lustre, qui recréera des rituels, qui recréera chaque soir la joie d’y aller ?

C’est dans ces conditions que Stéphane Lissner signe une programmation 2020-2021 amputée de deux productions (Jenufa et le ballet Le Rouge et le Noir) et un nombre de productions moindre, mais des nouvelles productions et reprises alléchantes et notamment un Ring. C’est tout à son honneur. La programmation lyrique résiste bien à ce contexte. Mais qu’en sera-t-il dans cinq ou six mois ? L’opéra sera-t-il en mesure de la réaliser compte tenu du drame que l’Europe et le monde traversent en ce moment? Ce sont de vraies questions. Mais, n’est-ce pas, mieux vaut rêver.

Opéra :

18 spectacles lyriques, 9 nouvelles productions (Ring inclus) et 9 reprises

Avant d’en aborder les détails, quelques observations.
Nous en avons des preuves chaque année, dans un théâtre qui a mission de répertoire et qui doit faire des reprises, en réalité, beaucoup de productions ne sont proposées qu’une saison, au mieux deux saisons, alors que – comme Gall l’avait pensé- certaines productions sont faites pour durer bien plus longtemps ; la plupart du temps, les seules productions qui furent reprises plusieurs fois le furent sous Gall et quelques (rares) fois après lui .
Quel sens avait donc de refaire une Bohème aussi particulière que celle de Claus Guth alors que c’est l’opéra « durable » type et que la production Jonathan Miller pouvait durer encore, comme aurait pu durer (à plus forte raison) la magnifique production Menotti de Garnier, et comme dure encore Zeffirelli à Milan ou Vienne. Claus Guth avec sa vision si particulière se comprend dans un contexte de Festival, pas à Bastille qui a 2700 places à remplir.
Quel intérêt de proposer une nouvelle production de Manon ? C’est depuis 1974 la cinquième production, celle de Deflo (ère Gall) ayant été proposée quatre fois (un record), alors que l’Opéra-Comique, en plus, a proposé l’œuvre la saison dernière ?
L’ancienne production Serreau de l’Opéra de Paris était nulle, mais ne valait-il donc pas mieux alors louer celle de Pelly au MET (déjà proposée à la Scala), que de proposer une nouvelle production qui durera ce que dure les roses… Car ce n’est pas la production de Vincent Huguet (bien sage en l’occurrence) qui attire les foules ici, c’est la distribution et le couple Pretty Yende-Benjamin Bernheim :  alors qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivraie.
Dans la prochaine saison, mêmes interrogations : quel intérêt de proposer une nouvelle production d’Aïda, 7 ans après celle de Py ? On ne regrettera pas la production Py, et l’appel très intéressant à Lotte De Beer n’est pas en cause, mais le choix de refaire une Aïda, dont l’Opéra de Paris s’était passé depuis des dizaines d’années avant 2013, alors que manquent au répertoire de Paris ou n’ont pas été proposés depuis longtemps un Trouvère en français (de nouveau on propose en reprise la version italienne), Ernani, Attila, I Lombardi (ou pourquoi pas Jérusalem vu à Garnier en 1984), ou le Macbeth de Tcherniakov (depuis onze ans, il n’y pas eu une seule reprise) voire un Macbeth dans la version parisienne, Les Vêpres siciliennes en français, présenté à Amsterdam, Munich, Genève, mais pas à Paris. Et plutôt qu’une nouvelle Aïda, un nouveau Falstaff ne se justifiait-il pas mieux, puisque la production Pitoiset remonte à 1999.

En revanche, on ne peut dire la même chose des nouvelles productions de Faust ou de La Dame de Pique.
–  Pour Faust, l’échec retentissant de la production Martinoty justifiait une nouvelle production, proposée opportunément au grand Tobias Kratzer, qui fera sans doute frémir le public particulièrement conservateur de l’Opéra, mais qui ne manquera pas d’intelligence.
– Pour La Dame de Pique, ce sera la troisième production après Konchalovsky (en 1991) une des première productions de Bastille, et celle de Dodin, reprise de 1999 jusqu’à 2012. La venue de Barenboim justifie la nouvelle production, d’autant qu’il s’agit d’une coproduction avec la Staatsoper de Berlin.

Il reste que sur les nouvelles productions comme pour les représentations de répertoire qui vont être reprises, les distributions sont à la hauteur,

Nouvelles productions :

 

  • Le Ring : Calixto Bieito, Dir : Philippe Jordan avec Iain Paterson (Wotan), Martina Serafin/Ricarda Merbeth (Brünnhilde), Andreas Schager (Siegfried), Jonas Kaufmann (Siegmund), Eva-Maria Westbroek (Sieglinde), Elaterina Gubanova (Fricka), Jochen Schmeckenbecher (Alberich), Gerhard Siegel (Mime) etc…(Nov-dec) (2 Ring complets) et sont prévues Siegfried (en oct., 3 repr.) et Götterdämmerung (en nov, 3 repr.), mais tout cela sera en suspens à cause du problème Rheingold/Walkyrie non présentés ce printemps.

Qu’un Ring attire les foules est évident, que cette maison ait une production médiocre (Günter Krämer) dans ses réserves, grâce aux idées de Nicolas Joel, c’est aussi évident.
Que Lissner ait envie de laisser un Ring à Paris qui ait sa patte, c’est peut-être compréhensible, à condition que Calixto Bieito signe une mise en scène qui soit plus brillante que l’existante, alors que ces deux ou trois dernières années il n’a pas été très inventif.
Que Philippe Jordan continue d’avoir envie de diriger le Ring, c’est aussi d’autant plus compréhensible qu’il part à Vienne, et qu’il aura sans doute à le diriger là-bas, avec un tout autre enjeu.
Bref, les deux protagonistes ont un motif évident de voir ce Ring naître. Il reste qu’on peut malgré tout s’interroger sur la pertinence d’investir dans une nouvelle production, dans la mesure où l’ancienne toute médiocre qu’elle soit, pouvait être reprise avec une distribution étincelante qui aurait pu justifier la reprise à moindre frais – et on aurait fermé les yeux, dans la tradition de certaines reprises du répertoire : la production Bechtolf de Vienne n’a aucun intérêt non plus, et elle est pourtant fréquemment reprise.
On a là un nouveau Ring mais une distribution qui présente des hauts et des bas : Jochen Schmekenbecher est par exemple un excellent choix pour Alberich ou Ain Anger en Hagen, il n’est pas sûr qu’aujourd’hui Eva-Maria Westbroek soit une Sieglinde incontestable, et enfin soyons clairs, pour un Kaufmann et un Schager, on aura une Serafin et un Paterson, qui, tout en étant de bons professionnels, n’ont pas montré être les Brünnhilde et les Wotan de la décennie, ni de l’année.
De plus, Das Rheingold et Die Walküre doivent glisser la saison prochaine. Dans les conditions actuelles, Das Rheingold a été annulé et on voit mal comment Die Walküre pourrait naître début mai, les répétitions devant nécessairement commencer alors que le confinement continuera encore probablement plusieurs semaines ; dans les conditions les plus optimistes, c’est en début de saison prochaine qu’il faudra préparer en même temps les quatre opéras du Ring pour fin novembre prochain…Quant à la construction des décors de Siegfried et Götterdämmerung (à supposer que les deux autres soient prêts…), il n’est pas sûr que le confinement la permette…
Le feuilleton ne fait donc que commencer.

  • Sept morts de Maria Callas , Conception Marina Abramović, Musique Marko Nikodijević, MeS Marina Abramović (avec Lynsey Peysinger), Dir.mus : Yoel Gamzou (Orchestre de l’Opéra National de Paris) (Sept.2020) (4 repr), Palais Garnier.
    Une création de la performeuse Marina Abramović, bien connue pour la manière extrême de travailler sur son corps, passionnée de Maria Callas, qui construit un opéra sur les sept morts de grandes héroïnes chantées par Callas, Carmen, Tosca, Desdemona, Lucia, Norma, Cio Cio San, Violetta.
    Un projet conçu comme européen, qui tourne aussi à Athènes, Berlin, Munich, Florence et qui va pâtir de la période (repr. supprimées à Munich par exemple).
  • Giuseppe Verdi, Aida, MeS : Lotte De Beer, Dir : Michele Mariotti, avec Kaufmann, Radvanosky, Tézier, Garanča (12 fev/2 mars), et Pretti, Stikhina/ Rowley, Sgura, Dudnikova, (6-27 mars) (Fev-mars 2021) (14 repr.), Opéra-Bastille.
    Tout en s’interrogeant sur la pertinence de cette nouvelle production, on doit se féliciter de la présence à la mise en scène de Lotte De Beer (qui fit à Munich un Trittico assez intéressant), d’une distribution A totalement tourneboulante et d’un grand chef verdien.
  • P.I.Tchaïkovski, La Dame de pique, MeS Tcherniakov, Dir : Daniel Barenboim/Oksana Lyniv avec Jovanovich, Lundgren, Dupuis, Urmana, Grigorian, Margaine etc…(Mai-juin 2021)(7 repr). Palais Garnier.
    Une distribution très solide notamment pour les rôles féminins, et une mise en scène évidemment prometteuse car Tcherniakov est une boite à idées.
    Mais ce qui va déterminer la ruée, c’est l’arrivée enfin au pupitre de l’Orchestre de l’Opéra (pour 4 représentations seulement) de Daniel Barenboim : on l’attend depuis 30 ans. Un mythe vivant dans la fosse de l’Opéra, ça n’était pas arrivé depuis des lustres et Barenboim n’a jamais dirigé à l’Opéra de Paris. Les trois autres représentations seront dirigées par Oksana Lyniv, l’une des cheffes les plus en vue aujourd’hui (la première cheffe invitée à Bayreuth), ce qui est pas inintéressant non plus.
  • Charles Gounod, Faust, MeS Tobias Kratzer, Dir : Lorenzo Viotti avec Benjamin Bernheim, Ildar Abdrazakov, Florian Sempey, Ermonela Jaho etc (du 16 mars au 3 avril), Steven Costello, John Relyea, Anita Hartig (6-21 avril) (Mars-avril 2021)(13 repr), Opéra-Bastille.
    Il faut faire oublier la prod.Martinoty pour ce titre emblématique de l’Opéra de Paris qui doit être régulièrement affiché. Cette fois-ci, c’est à Tobias Kratzer que Lissner confie la mise en scène, ce qui est un choix excellent, Kratzer étant l’un des plus grands metteurs en scène aujourd’hui, d’une fulgurante intelligence, particulièrement pour le répertoire du XIXe. Quant à Lorenzo Viotti, c’est le jeune chef qu’on s’arrache à l’opéra ces derniers temps. Excellente distribution A, un peu plus discutable la distribution B, mais pour les deux on se demande où sont passés les chanteurs français pour les principaux rôles : à part Bernheim et Sempey (et aussi Sylvie Brunet-Grupposo) indiscutables, où sont les autres ?
  • Marc-André Dalbavie, Le soulier de satin, MeS: Stanislas Nordey Dir : M.A.Dalbavie avec Luca Pisaroni, Eve-Maud Hubeaux, Jean-Sébastien Bou, Vannina Santoni etc…(Mai-juin 2021) (5 repr.) Opéra-Bastille
    Très belle distribution pour cette création attendue de Marc-André Dalbavie, dont la mise en scène est confiée à Stanislas Nordey. Claudel à l’opéra, c’est quand même un événement.

Reprises de répertoire :

Beaucoup de reprises « alimentaires » cette saison (Elisir, Carmen, Traviata, Tosca, Zauberflöte, Trovatore), et quelques-unes plus stimulantes (Snegourotchka, Iphigénie en Tauride) et le seul Strauss de l’année, Capriccio à Garnier avec des distributions pour la plupart intéressantes qui donnent à ces reprises un véritable intérêt pour certaines.

  • Donizetti, L’elisir d’amore, MeS : Pelly, Dir : Frizza avec Julie Fuchs, Xabier Anduaga, Gabriele Viviani, Bryn Terfel (Sept.oct)(10 repr.) Opéra-Bastille. Entre Julie Fuchs et Xabier Anduaga, c’est la nouvelle génération qui est ici en première ligne, et Bryn Terfel en Dulcamara, c’est plutôt excitant. Quant à Riccardo Frizza, c’est un spécialiste de ce répertoire.
  • Bizet, Carmen, MeS : Bieito, (Sept-oct/Déc) (19 repr.) Opéra-Bastille
    • Sept-oct 2020 Dir : Hindoyan avec Vittorio Grigolo/Charles Castronovo, Adam Plachetka, Clémentine Margaine/Elina Garanča, Nadine Sierra
    • Déc.2020
      Dir : K.L.Wilson avec Charles Castronovo, Lucas Meachem, Varduhi Abrahamyan, Valentina Naforniţă

Le nombre de représentations (19) montre que l’effet Carmen fonctionne toujours, dans une production (Bieito) qui a fait ses preuves sur pas mal de scènes du monde depuis 20 ans. Deux chefs, Domingo Hindoyan, surgi récemment sur la scène internationale (on l’entend partout) et plutôt intéressant et la cheffe canadienne Keri-Lynn Wilson, qu’on voit aussi dans de nombreux opéras, d’Oslo à Moscou. Quant aux deux distributions, celle d’octobre avec Garanča et Sierra attirera les foules, mais celle de décembre n’est pas mal non plus (Castronovo/Abrahamyan)

  • Gluck, Iphigénie en Tauride, MeS : Warlikowski, Dir : Hengelbrock avec Joyce Di Donato, Florian Sempey, Stanislas de Barbeyrac, Laurent Naouri (Sept-oct.2020) (8 repr.) Palais Garnier. Reprise d’un très beau spectacle de Warlikowski, l’un des premiers (2006) au temps de Mortier qui va bénéficier de la baguette experte dans ce répertoire de Thomas Hengelbrock avec pour l’occasion une distribution exceptionnelle dont Joyce Di Donato est le diamant, accompagnée d’autres joyaux (Sempey, Barbeyrac, Naouri). Il faudra y courir. 
  • Rimsky-Korsakov, La fille de neige (Snegourotchka), MeS : Tcherniakov, Dir : Tatarnikov avec Ayda Garifullina, Yurij Minenko, Oksana Dyla, Marie-Nicole Lemieux, Stanislav Trofimov (Oct-nov 2020), (6 repr.) Opéra-Bastille. Autre grand moment glorieux de l’histoire des représentations de l’Opéra de Paris avec une distribution de grande qualité et un excellent chef, directeur musical du Mikhailovski de Saint Petersbourg. À voir et à revoir.
  • Verdi, La Traviata, MeS : Stone, Dir : James Gaffigan avec Zuzana Marková, Frédéric Antoun, Peter Mattei (Nov-déc 2020) (10 repr.) Palais Garnier
    La production discutée de Simon Stone, dirigée cette fois par James Gaffigan, un chef correct, avec une distribution nouvelle et le très grand Peter Mattei en Germont.
  • Mozart, Die Zauberflöte, MeS : Carsen, Dir : Cornelius Meister avec Cyrille Dubois/Stanislas de Barbeyrac, Julie Fuchs/Christiane Karg, Alex Esposito/Florian Sempey, Nicolas Testé, Sabine Devieihle/Nina Minasyan, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Janv-fév 2021)(15 repr.) Opéra-Bastille.
    Belle distribution dans toutes ses déclinaisons, et chef plutôt intéressant, GMD de la Staatsoper de Stuttgart. La production de Robert Carsen est un beau spectacle intelligent ; il faut donc y aller.
  • Verdi, Il Trovatore, MeS : Alex Ollé (La Fura dels Baus), Dir : Luisotti (janv-fév-mars 2021) (12 repr.) Opéra-Bastille
    – avec Luca Salsi, Krassimira Stoyanova, Brian Jagde, Daniela Barcellona (21 janv-14 fév)
    avec Artur Ruciński, Marina Rebeka, Yusif Eyvazov, Daniela Barcellona (17 fév-3 mars)
    Comme on l’a souligné plus haut, on peut, on doit regretter que la version française Le Trouvère, n’ait pas encore été tentée à Paris. Nicola Luisotti est un bon professionnel et les deux distributions sont correctes sans être fabuleuses, malgré la grande Stoyanova et la populaire Marina Rebeka.

Strauss, Capriccio, MeS : Carsen , Dir : Marc Albrecht avec Diana Damrau, Simon Keenlyside, Pavol Breslik, Günther Groissböck, Ekaterina Gubanova (Janv-fév 2021)(8 repr.) Palais Garnier.
Une autre production de Robert Carsen, intéressante, très bien distribuée et dirigée par un spécialiste de Strauss, une de ces reprises qui stimulent et qu’on peut vraiment aller revoir (ou simplement voir).

Puccini, Tosca, MeS : Audi,
– Mai: Dir : Sagripanti avec Alexandra Kurzak, Roberto Alagna, Zeljko Lučić
– Juin: Dir : Ettinger avec Maria Agresta Michele Fabiano, Ludovic Tézier(Mai-juin 2021)(15 repr.) Opéra-Bastille.
Avec 15 représentations, cette reprise de la Tosca médiocre de Pierre Audi affiche des distributions qui vont attirer le public aussi bien le couple Kurzak/Alagna que Agresta/Fabiano (je ne suis pas sûr qu’Agresta soit une Tosca), avec une deuxième distribution qui bénéficie en plus du Scarpia de Ludovic Tézier. Les deux chefs sont aimés à Paris, mais ne m’inspirent pas beaucoup personnellement.

En conclusion

Une saison d’opéra dans l’ensemble intéressante, avec les réserves exprimées plus haut, mais diversifiée, avec des distributions solides, des productions stimulantes et des metteurs en scène qui titillent (Bieito, Kratzer, Tcherniakov etc..) y compris dans les reprises. On regrette d’autant plus évidemment la suppression de Jenufa au vu de ce qui se profilait (distribution exceptionnelle, prod. Warlikowski). Au niveau musical, la présence de Barenboim au pupitre de Dame de Pique, qu’on espérait depuis l’arrivée de Lissner à l’Opéra, se réalise au moment de son départ et c’est pour moi, bien plus que Le Ring, l’événement de l’année.
Espérons simplement que le coronavirus ne dévore pas ce projet, très menacé au moins pour le début de saison et donc pour le Ring.


Concerts :

 

Dans les concerts programmés à Bastille ou à Garnier, il faut saluer l’excellent cycle de musique de chambre à l’Amphithéâtre, belle initiative pour aider les musiciens de l’Opéra à « faire de la musique ensemble » dans un programme assez structuré autour des instruments (cordes, vents, sextuors, percussions) ou d’une thématique (Orient Express, musique française) ainsi que les « Midis musicaux » à Garnier, un lointain souvenir de ceux du Châtelet que Lissner et Blanchard avaient inventé à la fin des années 1980.

Les concerts symphoniques ont en revanche à mon avis deux problèmes :

  • D’une part un nombre insuffisant (quatre) à la régularité élastique, sans vraie ligne.
  • D’autre part l’omniprésence de Philippe Jordan au pupitre, (trois concerts sur quatre en 2019-2020) alors que l’on pourrait en profiter pour inviter d’autres chefs (si le nombre de concerts était plus consistant).

Structurer, cela veut dire afficher une ligne de programmation (cycles, thématiques, monographies) et donner des rendez-vous fixes et une régularité (un programme par mois, peut-être deux soirées par programme etc…) et surtout dans un seul lieu.
La saison offre cette saison quatre concerts symphoniques, deux à Bastille, un à Garnier, un à la Philharmonie, dont le 27 juin 2021 un gala lyrique « au bénéfice des activités de l’Opéra de Paris » à un moment où l’Opéra a beaucoup souffert et a besoin de soutiens financiers ainsi qu’un concert au programme non communiqué, sans doute pour célébrer le départ de Philippe Jordan (1er juillet 2021).

Il reste dans « l’ordinaire » deux concerts

  • 16 octobre 2020 : Dir : Philippe Jordan
    Schönberg : Verklärte Nacht
    Strauss: Eine Alpensinfonie
    Opéra-Bastille
  • 5 mai 2021: Dir: Daniel Barenboim
    P.I.Tchaikovski
    Concerto n°1 pour piano et orchestre en si bémol mineur op.23
    Piano : Martha Argerich
    Symphonie n°5 en mi mineur
    Philharmonie de Paris

L’irrégularité des dates saute aux yeux : 20 octobre, 5 mai, 27 juin, 1er juillet et la seule cohérence programmatique est la soirée Tchaikovski liée à la série de La Dame de Pique, avec Barenboim et Argerich dont le programme suscitera une ruée à la Philharmonie.
Il y là quelque chose à retravailler : l’Orchestre de l’Opéra National de Paris a longtemps été considéré comme le meilleur sur la place, et il mériterait d’être mieux mis en valeur dans des programmes symphoniques réguliers que quatre soirées un peu jetées là au hasard.

Pour la programmation du ballet et les réflexions qu’elle suscite, voir le site Wanderersite.com dans ses pages « Danse ».

Tarifs
Tarif pour les “grands” ballets compris entre 15 et 150 €
Tarif pour les opéras compris entre 15 et 195/210 €
Tarif pour le Festival Ring compris entre 215 € et 1000 €
On est loin de l’opéra populaire vu le nombre de places à tarifs “raisonnables”, mais 215€ pour un Ring complet comme tarif minimal (plus de 50€ en moyenne par place/opéra aux places les plus mauvaises de la salle) sans faire l’effort d’un prix politique, c’est scandaleux. Et dire qu’on a supprimé les places debout instituées par Mortier…On n’aime pas les pauvres à l’Opéra de Paris.

 

 

 

LA SAISON 2019-2020 DE L’OPÉRA DE PARIS

Une saison terne, sans imagination, qui parie sur un Ring aux prix exorbitants et à la distribution assez ordinaire, à quelques rares exceptions.

L’Opéra de Paris nouveau est arrivé ! Une saison déjà auscultée, décortiquée, analysée… Cette année, débute le deuxième Ring de la maison en une décennie, de quoi faire oublier qu’on n’en avait pas eu depuis plus de cinquante ans (enfin si, un demi… en 1976). Il y eu le Ring Joel (Krämer) il y aura le Ring Lissner (Bieito). Trois Ring ont écumé la carrière de Stéphane Lissner : un à Aix (Braunschweig à oublier), un à la Scala (Cassiers, qui vit sa dernière saison à Berlin en septembre prochain) et maintenant un à Bastille (Bieito) dont on sent bien qu’il a déjà une odeur de soufre. Les pâles effarouché(e)s ont déjà eu la peur de leur vie dans une Carmen de vingt ans d’âge et en l’occurrence très sage. Nous n’osons imaginer les ambulances à la sortie de la salle.
Trêve de plaisanterie : au moins nous aurons un travail intelligent, une qualité que personne ne peut dénier à Calixto Bieito. Quant à Philippe Jordan il aura donc dirigé deux productions différentes du Ring à Paris, quel luxe !

Je me demande toujours si dans une maison comme Paris un directeur musical est  indispensable dans les conditions d’une salle qui doit beaucoup programmer. La présence d’un directeur musical plombe souvent l’appel à d’autres chefs de renom sur des grandes œuvres du répertoire ou pour les nouvelles productions.
Paris n’a pas toujours eu de directeur musical, même si se sont succédé pour des durées très diverses Solti, Zagrosek, Chung, Conlon puis Jordan. Ni Liebermann, ni Mortier n’étaient convaincus de sa nécessité, pas plus que Dominique Meyer à Vienne après la démission de Franz Welser-Möst.
Deux options : ou vous avez un directeur musical qui fait à lui seul événement comme Kirill Petrenko à Munich ou Daniel Barenboim à la Staatsoper de Berlin, ou vous appelez un chef encore jeune qui va profiter pour élargir et construire son répertoire, c’est le cas de Philippe Jordan qui va partir vers Vienne avec dans sa besace un répertoire important constitué à Paris allant de Wagner à Strauss et de Verdi à Borodine.

Pour le reste wait and see.

Au-delà du Ring quelques observations générales, au moment où à Paris se choisit le futur directeur général, avec les inévitables bruits qui circulent et qui excitent le landerneau lyrique dont il a été suffisamment question dans ce blog pour ne pas y revenir.Cette saison n’est pas musicalement si excitante, (un Ring ne fait pas le printemps) et pauvre en idées même si chaque production est assez bien distribuée. Nous allons essayer de comprendre pourquoi.

Un Ring pour un théâtre est un gros investissement en mobilisation des équipes, des espaces, des forces techniques, et il est naturel qu’il soit divisé en deux saisons, il est naturel aussi qu’en terme de nouvelles productions, les choses ne soient pas aussi chatoyantes à côté.
Ce Ring sera présenté en deux parties, Rheingold en Avril 2020, Walküre en mai, Siegfried en octobre et Götterdämmerung en novembre avec deux cycles fin novembre et début décembre 2020.
Musicalement, nous connaissons l’approche de Philippe Jordan et donc l’attente est moindre. En revanche, la distribution nous semble un peu irrégulière. C’est bien d’afficher Jonas Kaufmann en Siegmund (il attirera les foules) avec la Sieglinde d’Eva Maria Westbroek (on retrouvera ainsi le couple du MET de la production Lepage, quelques années après) et Andreas Schager en Siegfried qui désormais le chantera partout (et notamment à Bayreuth), il y a un Alberich moins connu, mais qui est un très bon chanteur, Jochen Schmeckenbecher, l’excellent Gerhard Siegel en Mime et le Loge des premières années de Castorf à Bayreuth, Norbert Ernst. J’ai plus de doutes sur le Wotan de Iain Paterson, non que ce chanteur au chant élégant ne soit pas valeureux, mais pour l’avoir entendu à Bayreuth dans Rheingold, je ne suis pas convaincu qu’il soit un Wotan pour les trois opéras. Et je nourris encore plus de doute sur Martina Serafin en Brünnhilde de Walküre et Siegfried. Elle ne m’a jamais convaincu dans aucun rôle, je n’en donc attends rien non plus dans Brünnhilde. Ricarda Merbeth sera la Brünnhilde du Götterdämmerung, là on aura au moins du solide.

À part le Ring, la saison nous propose quelques nouvelles productions :

Et d’abord un OVNI, une opération qui montre les hésitations d’une programmation qui n’ose plus grand chose. On sait que Paris n’a pas à son répertoire les grandes œuvres du bel canto romantique, si peu de Donizetti (qu’attend cette direction ou une autre pour programmer au moins La Favorite, créé pour ce théâtre en 1840 ?) et quelques rares Bellini.
–  C’est ainsi que Il Pirata est présenté en version de concert pour deux malheureuses soirées en décembre. Une opération qui permet d’afficher Riccardo Frizza au pupitre et surtout Sondra Radvanovsky en Imogene, Michael Spyres en Gualtiero et Ludovic Tézier en Ernesto. Une distribution qui aurait tenu ses dix représentations à Garnier et qui au moins aurait montré que cette programmation avait un sou d’originalité, une qualité qu’elle est loin d’afficher cette saison, plutôt terne et peu imaginative. Mais c’est un opéra sans coûts de production avec un simple coût de plateau: demander un tarif maximum de 160€, c’est tout bénéfice pour la maison…

Pour le reste, les nouvelles productions sont :

  • La Traviata (septembre-octobre 2019, Garnier) pour 13 représentations: que serait un théâtre d’opéra sans La Traviata ? La production de Benoît Jacquot, sage et donc apte à n’effrayer personne, et surtout à remplir le tiroir-caisse a tenu quatre saisons, reprise quasiment chaque année à l’exception de la saison 2016/2017. Elle aurait pu durer quelques saisons de plus, mais en 2018/2019, c’est Simon Stone, l’un des très grands de la mise en scène d’aujourd’hui, qui va officier. Alors évidemment la curiosité est plutôt excitée.
    Du côté musical, un chef, Michele Mariotti, une référence aujourd’hui dans Verdi (en alternance pour les trois dernières représentations avec Carlo Montanaro) et donc pas de souci.
    Du côté de la distribution, une alternance entre deux cast, le couple Pretty Yende/Benjamin Bernheim qui a l’air de prendre de l’espace dans la programmation parisienne et le couple Nino Machaidze/Atalla Ayan.
    C’est déjà l’occasion de confirmer l’intérêt réel pour Benjamin Bernheim qu’on a peu vu à Paris, et du brésilien Atalla Ayan qui alternaient déjà dans La Bohème de Guth en 2017/2018. Quant à Pretty Yende, on ne la présente plus et Nino Machaidze, un peu plus avant dans la carrière que sa collègue, est un soprano apprécié.
    Tout est en place pour attirer le public, remplir les caisses, faire parler la presse. C’est ce qu’on appelle une opération sans risque, pour une œuvre qui va retourner à Garnier, le lieu idéal pour Traviata, tant par la jauge de la salle que par son architecture et son style. Mortier l’avait bien compirs en programma à Garnier la merveilleuse Traviata de Marthaler (avec Christine Schäfer et Jonas Kaufmann, ça vous dit quelque chose?)
  • Les Indes galantes de Rameau (septembre -octobre 2019 pour 13 représentations). C’est le 350ème anniversaire de L’Opéra et cette nouvelle production alternera avec La Traviata en septembre et octobre 2019. Les Indes Galantes est une œuvre emblématique de l’Opéra de Paris, à cause de la production mythique de Maurice Lehmann en 1956 qui fit courir le public et qui resta un marqueur de notre théâtre national de ces années-là. Stéphane Lissner met donc les petits plats dans les grands et il n’est évidemment pas question de proposer une mise en scène qui ne puisse pas concurrencer la légendaire production précédente. Il a donc fait appel à Clément Cogitore, dont on peut résumer l’art ainsi (extrait de son site) : « mêlant films, vidéos, installations et photographies son travail questionne les modalités de cohabitation des hommes avec leurs images. Il y est le plus souvent question de rituels, de mémoire collective, de figuration du sacré ainsi que d’une certaine idée de la perméabilité des mondes. »
    A priori cela devrait convenir à cette œuvre un peu folle, qui réunira la fine fleur du chant français, de Sabine Devieilhe à Julie Fuchs, de Florian Sempey à Stanislas de Barbeyrac, sans oublier Jodie Devos, Alexandre Duhamel et Mathias Vidal. Le tout dirigé par Leonardo Garcia Alarcón à la tête de sa Cappella Mediterranea. On peut cependant être surpris que l’Orchestre de l’Opéra ne soit pas associé à l’opération, mais il sera pris sans doute par les répétitions de Traviata, et mobilisé sur le répertoire.
    On peut être encore plus surpris que Rameau soit affiché…à Bastille. Certes, Bastille convient pour une opération qu’on attend spectaculaire, et qui technologiquement est peut-être une salle plus adaptée que Garnier…mais Rameau est-il fait pour cet immense vaisseau ?
  • Le Prince Igor (Borodine)(fin novembre- décembre 2019 pour 10 représentations) : production choisie pour les fêtes et c’est une fête que d’accueillir pour la première fois à l’Opéra, Barrie Kosky, l’un des très grands de la mise en scène d’opéra et qui accomplit un travail exemplaire à la Komische Oper de Berlin. L’œuvre est distribuée correctement avec notamment la Kontchakovna de Anita Rachvelishvili, qui fit tant de bruit à New York dans ce rôle, Pavel Černoch dans Vladimir. C’est Evguenyi Nikitin qui sera Igor, je me demande la voix n’est pas trop légère pour un rôle marqué fortement par Ildar Abdrazakov aujourd’hui.
    Une opération satisfaisante, encore qu’on puisse se demander pour une œuvre qui sans doute sera peu reprise, si l’on n’aurait pas pu réserver Kosky pour un autre titre, et proposer à Paris la magnifique production de Dmitry Tcherniakov (un nom qui doit faire frémir depuis les derniers Troyens) qu’on a vue à New York et Amsterdam, et qui avait même convaincu le public du MET, connu pour son conservatisme à côté duquel celui de Paris semblerait ouvert. Cela aurait coûté sans doute moins cher.
  • Manon (Massenet) (Mars-avril 2020 pour 13 représentations) : depuis 1974, c’est la cinquième production de l’opéra de Massenet. Signe particulier, on l’a vue à Garnier, puis à l’Opéra-Comique, puis à Bastille. Voilà une œuvre qui s’adapte à tous les théâtres, même si c’est à l’Opéra-Comique qu’elle a été créée en 1884. Autre signe particulier, la dernière production, signée Coline Serreau, que même Nicolas Joel n’a pas osé reprendre (vous vous souvenez ? les patins à roulettes dans Saint Sulpice…) a duré une seule saison et 10 représentations. Dépense inutile.
    D’abord il n’est pas dit que Bastille convienne à Manon, ensuite Massenet n’a donc écrit que Manon et Werther ? Stéphane Lissner ne pouvait-il pas afficher Don Quichotte, qu’on n’a pas vu depuis 17 ans? Manque d’imagination, ou envie encore une fois de remplir le théâtre? Il n’est pas sûr que Manon y réussisse, même si comme pour Traviata, on y affiche Pretty Yende et Benjamin Bernheim, en alternance avec Sofia Fomina et Stephen Costello. Au pupitre, Dan Ettinger.

Pour le reste, des reprises qu’on va essayer de classer, bien distribuées, avec des choix de chefs quelquefois discutables.
Quelles reprises pour 2018-2019 ?

Les opéras contemporains :

Pour faire bonne mesure et afficher la volonté de maintenir le répertoire contemporain, et de reprendre des œuvres qui bien souvent ne remplissent pas, la saison affiche

  • Lear de Reimann (novembre-décembre 2019, 6 représentations), dans la réalisation de Calixto Bieito (pas très inspirée), on profite visiblement de la présence du metteur en scène espagnol sur le Ring pour reprendre son spectacle, qui affichera Bo Skovhus dans Lear et la plupart des chanteurs de la première en 2016, à part Ricarda Merbeth, remplacée par Evelyn Herlitzius, ce qui n’est pas si mal. Comme en 2016, c’est Fabio Luisi qui assure la direction musicale. Plutôt une bonne affiche.
    Yvonne, princesse de Bourgogne (février-mars, 6 représentations), de Philippe Boesmans, créé à Paris en 2009 sous l’ère Mortier. C’est une reprise bienvenue dans la mesure où l’on reproche suffisamment aux théâtres de ne jamais reprendre les créations pour saluer celle-ci, avec une distribution complètement refondue (Naouri, Uria-Monzon, Behr, Dennefeld) et la présence de Susanna Mälkki au pupitre qui succède ainsi à Sylvain Cambreling. Susanna Mälkki est une référence en musique contemporaine, mais cette cheffe de grande qualité que d’aucuns voient succéder à Philippe Jordan pourrait aussi se voir offrir d’autres titres du répertoire, le succès de sa récente Rusalka l’a montré car c’est là qu’on l’attendra le jour où… 

Les reprises

  • Les Puritains de Bellini (septembre-octobre 2019, 9 représentations, Bastille), la production assez fade de Laurent Pelly, dirigée par Riccardo Frizza un spécialiste de ce répertoire, qui n’est pas le seul italien à diriger le bel canto, il faudrait peut-être s’en souvenir. Dans une distribution satisfaisante autour d’Elsa Dreisig réunissant Javier Camarena en alternance avec Francesco Demuro et Alexander Tsymbaliuk. Une série pour remplir l’agenda. Remarquons cependant que le bel canto aurait mieux sa place à Garnier.
  • Don Carlo de Verdi (traduction italienne en cinq actes, octobre-novembre 2019, 10 représentations, Bastille). Le retour de la production Warlikowski dans la traduction italienne en cinq actes de 1872 pour Naples (et pas celle de Modène de 1886). C’est-à-dire grosso modo la traduction de la version originale. Opération qui affiche un très bon chef, Fabio Luisi et une distribution dominée par le Filippo II de René Pape. Roberto Alagna en Don Carlo (il fut magnifique au Châtelet en 1996 dans la version française, qu’en sera-t-il 23 ans après ?) avec Alexandra Kurzak en Elisabeth, selon le bon principe du « tu en veux un, tu auras les deux ! » appliqué plus tard dans l’année par le couple Netrebko/Eyvasov, pratiques d’un autre âge où les stars imposent leurs conditions (on se souvient que Liebermann n’avait pas affiché la Sutherland parce qu’elle imposait son mari Bonynge comme chef, mais autres temps autres mœurs), le couple alternera avec le Don Carlo de Michael Fabiano et l’Elisabeth de Nicole Car, Etienne Dupuis sera Posa et on attendra surtout l’Eboli d’Anita Rashvelishvili. Honnêtement, l’opération vaut pour Luisi, Pape et Rashvelishvili.
    Quant au choix de la version italienne, elle aurait du sens si on affichait en regard de la version française celle de Milan en quatre actes en 1884, qui marquent vraiment leurs différences, où à la rigueur celle de Modène. Mais cela supposerait une nouvelle dramaturgie ou une autre mise en scène comme la solution adoptée par Vienne qui a la version française (F.Konwitschny) et en face la traduction italienne en quatre actes (D.Abbado). Il aurait été plus sensé de reprogrammer la version originale qu’on a quand même très peu vue à Paris avec une autre équipe de chanteurs.
  • Don Giovanni de Mozart (mars-avril 2020, 12 représentations, Garnier).La production de 2019 d’Ivo van Hove, qu’on verra au printemps et qui se substitue cette année à la production Haneke qui aurait pu vivre encore un peu, sera présentée avec une distribution assez modifiée : si Mikhail Timoshenko restera Masetto, Philippe Sly Leporello, Stanislas de Barbeyrac Ottavio, et Jacquelyn Wagner Anna,  le Don Giovanni sera l’excellent Luca Pisaroni au lieu d’Etienne Dupuis, et Elvira sera Stéphanie d’Oustrac au lieu de Nicole Car, Zerline Zuzana Markova au lieu d’Elsa Dreisig. Philippe Jordan reste aux commandes. Notons le repassage de Don Giovanni à Garnier après les années Haneke à Bastille.
  • L’Après-midi d’un faune (Debussy) / L’enfant et les sortilèges(Ravel)(Janvier 2020, 7 représentations, Garnier) reprise 1998 (Gall).
    Debussy et Ravel face à face, danse et opéra face à face, sous la baguette estonienne de Vello Pähn, avec non le ballet de l’opéra qui danse sans doute trop, mais la Compagnie Rosas de la chorégraphie d’Anna Teresa de Keersmaker, déjà invitée en mars 2019. Quant à L’enfant et les sortilèges, la production sera confié à l’Académie de l’Opéra de Paris dans la production de 1998, reprise de l’époque Gall, de Richard Jones et Anthony Mc Donald. Je lis mal le rapport scénique et visuel entre les deux spectacles. Mais sans doute y-en-a-t-il un puisque c’est ainsi programmé…
  • Adriana Lecouvreur de Cilea (avril-mai 2020, 7 représentations, Bastille). Qui se souvient que la production Boutté d’Adriana Lecouvreur en 1992-1993 fut l’un des premiers authentiques triomphes de Bastille ? Cette production, à l’initiative de Jean-Marie Blanchard, éphémère « Administrateur général » comme on disait alors, dont plusieurs spectacles ont duré et perduré des années (on reverra même cette année la Butterfly de Robert Wilson, une autre production Blanchard) fut l’entrée au répertoire de cette œuvre peu donnée à l’époque en France
    La cause de ce succès? La dernière apparition de Mirella Freni à l’Opéra de Paris qui chaque soir faisait littéralement crouler la salle sous les hurlements.
    La production modeste de Boutté (qui était malade) a fait place à une autre, signée David McVicar, à l’initiative de Nicolas Joel, qui date de 2015, et qui affichait alors Angela Gheorghiu et Marcelo Alvarez sous la direction de Daniel Oren.
    Cette année Stéphane Lissner la reprend et c’est le valeureux Giacomo Sagripanti (qu’on n’a jamais entendu dans ce répertoire) qui dirigera l’autre couple glamour de l’opéra des fans, Anna Netrebko (avec en alternance sur deux dates Elena Stikhina) avec son époux Yusif Eyvazov, qui passait par la Bastille par le plus grand des hasards. La Princesse de Bouillon sera Ekaterina Sementchuk, ce qui nous promet un beau duo avec la Netrebko. Guettez le jeune serbe Sava Vemić une basse profonde incroyable qu’on va voir plusieurs fois dans la saison, et qui chantera le Prince de Bouillon.
  • Boris Godounov de Moussorgski (mai-juin 2020, 12 représentations, Bastille). La production vedette d’Ivo van Hove discutée, mais qui a remporté un vrai succès revient pour un nombre respectable de représentations et un cast pas mal renouvelé : c’est Michael Schønwandt qui succède à Vladimir Jurowski au pupitre. Un chef respectable mais qui n’a ni l’aura ni l’inventivité de Jurowski. Pourquoi ce choix ?
    C’est René Pape qui incarnera le Tsar, et c’est presque une prise de rôle (deuxième production où il le chante à ma connaissance); on trouve aussi des chanteurs intéressants comme Lauri Vasar (Chtchelkalov), Andreas Conrad (Chouiski), Dmitry Belosselsky (Pimen) et Elena Zaremba dans la nourrice. De la saison dernière on retrouve cependant Evdokia Malevskaya dans Fiodor, Ruzan Mantashyan en Xenia, l’innocent si émouvant de Vasily Efimov, le Varlaam d’Evguenyi Nikitin et le Grigori de Dimitry Golovnin.
  • Cosi fan tutte de Mozart (juin-juillet 2020, 9 représentations, Garnier) (3ème reprise 2017-2018)
    Ce Cosi est repris pour la troisième fois depuis sa création en 2017, succédant à quatre autres productions dont celle de Patrice Chéreau vue à Aix et reprise deux saisons à Paris. Cosi entra au répertoire du Palais Garnier en 1974 dans une mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle, pas une de ses meilleures mais dirigée par Josef Krips quelques semaines avant sa disparition. Elle aurait pu durer des années supplémentaires, mais Bernard Lefort eut la grande sagesse de replier Cosi à Favart (Garnier trop vaste paraît-il) dans une production de Jean-Claude Auvray qui dura une seule saison.
    Hugues Gall proposa en 1996 une production d’Ezio Toffolutti qui a eu le seul mérite d’exister et de durer…jusqu’à 2014, vu que Joel ne reprit pas la production Chéreau que Mortier avait coproduit avec Aix. Il est vrai que la production Chéreau n’était pas l’une de ses plus marquantes non plus, mais c’était Chéreau quand même et pas Toffolutti.
    Alors Lissner décida qu’il fallait une nouvelle production, et il a confié cette chorégraphie des couples à Anna Teresa de Keersmaker qui s’y est collée. Un travail d’un intérêt discutable, mais repris presque chaque saison tout de même depuis…
    C’est Antonello Manacorda, un chef qui dirige souvent en Allemagne et qui fut le premier violon du LFO d’Abbado à Lucerne, qui en assumera la direction musicale dans une distribution sage et sans grand éclat, Jacquelyn Wagner (Fiordiligi) Stéphanie Lauricella (Dorabella) Stephen Costello (Ferrando) Philippe Sly (Guglielmo), Paulo Szot (Don Alfonso) et Ginger Costa-Jackson (Despina).
    Une reprise alimentaire au moment du rush touristique estival, qui permettra d’écouter Mozart en visitant Garnier.

Les opérations tiroir-caisse :

Pour faire face aux dépenses des nouvelles productions, et pour remplir un théâtre comme Bastille de plus en plus difficile à remplir, il est nécessaire d’afficher un certain nombre de productions au remplissage plus prometteur que d’autres.

  • Madame Butterfly de Puccini (de septembre à novembre 2019 pour 15 représentations, Bastille). C’est je crois la 10e reprise d’une production Blanchard de 1993. Une durée respectable pour une production de Robert Wilson qui colle au Japon comme un costume sur mesure. 15 représentations, cela veut dire qu’on attend du cash. Direction de Giacomo Sagripanti, habitué de Paris, mais pas dans ce répertoire avec une distribution honnête, sans être éblouissante. Ana Maria Martinez, un soprano très correct en alternance avec Dinara Alleva, jeune trentenaire originaire de Bakou. Les Suzuki seraient presque plus intéressantes, avec Marie-Nicole Lemieux et Eve-Maud Hubeaux en alternance, et signalons Laurent Naouri en Sharpless, Quant aux ténors, on affiche dans Pinkerton Giorgio Berrugi e Dmytro Popov .
    Une distribution de grande série qui sent son industrie.
  • Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach (janvier-février 2020, 8 représentations, Bastille)(8ème reprise depuis 2000). Là aussi, cela sent son industrie : on aurait pu trouver un chef moins routinier que Mark Elder (une seule représentation donnée à Pierre Vallet), certes respectable mais sans plus, pour une reprise qui affiche quand même Michael Fabiano et Laurent Naouri et trois créatures très diverses, Jodie Devos (Olympia), Véronique Gens (Giulietta) et Aylin Perez (Antonia). Sans grand intérêt quand même.
  • Le Barbier de Séville, de Rossini (janvier-février 2020, 12 représentations, Bastille) (4ème reprise depuis 2014). Depuis 1981, cinq productions se sont succédé, Maurice Benichou au Théâtre des Champs Elysées, Jean-Marie Simon à Favart, puis Dario Fo à l’ouverture de Bastille (1992). Enfin Coline Serreau vint en 2002 et remplit les saisons même sous Mortier ! Dernière série en 2012.
    Et en 2014, Nicolas Joel fit venir de Genève la production de Damiano Michieletto qui fait encore les beaux soirs de Bastille. Direction musicale de Carlo Montanaro avec un cast non dépourvu d’intérêt : une Rosina version soprano avec la remarquable Lisette Oropesa qui a « conquis » Paris dans Les Huguenots : à ses côtés l’Almaviva de Xabier Anduaga qui est le ténor « qui monte qui monte » dans ce répertoire et les Figaro de Florian Sempey et Andrzej Filończyk, Carlo Lepore en Bartolo et Krzysztof Bączyk en Basilio. À voir pour Oropesa et Anduaga notamment.
  • Rigoletto, de Verdi (juin-juillet 2020, 14 représentations, Bastille). Encore une production tiroir-caisse, même dans celle si discutée de Guth (pas autant que La Bohème cosmonautique cependant). Appeler Claus Guth pour du répertoire c’est peut-être gâcher d’autres occasions de l’appeler pour des œuvres moins labourées. On pourrait comprendre Claus Guth mettant en scène Bohème ou Rigoletto dans un Festival de type Aix ou Glyndebourne, mais pour Bastille et l’usage qu’on va en faire, c’est pour le moins discutable. L’intérêt de cette reprise, c’est au pupitre l’une des grandes cheffes actuelles pour le répertoire italien, Speranza Scappucci, moins pour la distribution qui propose le Rigoletto désormais autoroutier de Željko Lučić, la Gilda d’Elsa Dreisig (que Bastille distribue beaucoup cette année et c’est plutôt positif) et le Duc de Frédéric Antoun. À voir essentiellement pour Scappucci quand même.
  • La Bohème de Puccini (juin-juillet 2020, 15 représentations, Bastille), même observations que précédemment sur la production de Claus Guth. La direction en est confiée au jeune Lorenzo Viotti, très en vue actuellement, avec un cast à tiroirs, trois Mimi (Ermonela Jaho, Elena Stikhina, Marina Costa-Jackson), deux Musetta plutôt stimulantes (Julie Fuchs et Elena Tsallagova, trois Rodolfo de qualité, Francesco Demuro, Vittorio Grigolo et Benjamin Bernheim qu’on voit décidément souvent cette saison.

Le ballet

  • Je ne traite jamais du ballet, ayant peu de compétence en la matière, mais on sait les difficultés que traverse la compagnie depuis quelques années. On sait aussi que cette compagnie représente une tradition qui remonte au XVIIe. On s’attendrait donc à ce qu’elle danse d’abord dans le répertoire classique qui est son ADN. Or Raymonda et Giselle sont les deux seuls ballets du répertoire classique affichés. Si je comprends que le Ballet de l’Opéra doive afficher du répertoire contemporain, ou des chorégraphes classiques du XXe comme Balanchine ou d’autres, je ne comprends pas cette pauvreté, cette indigence même en ballets classiques. À la différence d’autres pays, le France est riche de chorégraphes et de compagnies de danse contemporaine qui font référence. N’y aurait-il pas sens en contrepoint à faire danser le ballet de l’Opéra en cohérence avec sa tradition classique? S’étonnera-t-on alors que Bolshoï, Mariinsky, Royal Ballet et d’autres affichent leur santé insolente face à la grisaille parisienne. Le prochain directeur devra régler des comptes que Lissner n’a pas su ou voulu régler.

Quelques chiffres :

Sur 2019-2020

Nouvelles productions : 6 (les deux dernières du Ring sont sur 2020-2021)
Version de concert : 1
Reprises : 14

Les chefs:

Présence de Philippe Jordan : 4 productions sur 20 (21 avec Il Pirata)
Répertoire italien : Fabio Luisi (1), Giacomo Sagripanti (2), Michele Mariotti (1), Speranza Scapucci (1), Lorenzo Viotti (1) Riccardo Frizza (2) Carlo Montanaro (2)

Répertoire contemporain: Fabio Luisi (1), Susanna Mälkki (1)

Répertoire russe : Michael Schønwandt(1), Philippe Jordan (1)

Mozart:  Philippe Jordan (1), Antonello Manacorda (1)
Répertoire germanique : Philippe Jordan(2)
Répertoire français : Dan Ettinger (1), Leonardo Garcia Alarcón (1), Vello Pähn (2) Mark Elder (1)
Le seul chef français invité, Pierre Vallet, l’est pour une seule représentation des Contes d’Hoffmann, et fait carrière essentiellement à l’étranger…La direction de l’Opéra aurait pu faire un effort, il y a aujourd’hui en France des chefs qui sont dignes de l’opéra de Paris. C’est vraiment inexplicable et un peu ridicule.

Les prix :

Ils partent de 5€ montent à l’orchestre jusqu’à 210€ pour les nouvelles productions, tarifs pratiqués dans les grandes salles internationales, confiantes dans un public qui paie sans barguigner. J’avoue que j’hésiterais à mettre 180€ dans un Rigoletto ou une Bohème de répertoire, avec des chefs intéressants mais pas un seul chef qui de toute la saison ne sorte de l’ordinaire du répertoire d’opéra passepartout (à part Jordan, Luisi et Mariotti) . Mettre encore 145€ pour des Contes d’Hoffmann vus et revus, pour une Butterfly vieille d’une trentaine d’années ou presque, et donc largement amortie, c’est simplement contribuer à assainir les comptes de la maison pour laquelle le contribuable paie déjà beaucoup.
Quant au Ring, les tarifs partent de 40€ et montent à 280€ par opéra, ou 1000€ pour les quatre. Vu la distribution réunie et le chef déjà entendu dans cette œuvre le rapport qualité-prix n’y est pas.
À Munich, les prix en saison du Ring (il est vrai de répertoire) de la saison dernière montaient au maximum à 163€ et en Festival à 243€ avec une distribution étincelante (Nina Stemme et non Martina Serafin, et là aussi Jonas Kaufmann en Festival) et surtout, excusez du peu, un chef du nom de Kirill Petrenko. Quitte à investir…
Le plus grand scandale est la variation impressionnante des plus bas prix. Passer le plus bas prix de 5€ à 25 € pour le Ring, c’est augmenter de 500% si je ne m’abuse. Alors que les prix les plus hauts n’augmentent que de 33%. Qui frappe-t-on le plus? Qu’un établissement public soit aussi discriminatoire socialement est un pur scandale.

Je crois que Bastille a été construit sur un concept d’opéra populaire : une expression antiphrastique aujourd’hui ; on n’en veut simplement pas. Le public vache à lait à qui cette année on offre une qualité moyenne en-deçà des années précédentes, paie le prix fort et c’est bien là l’essentiel.

 

OPÉRA NATIONAL DE PARIS 2018-2019: SIMON BOCCANEGRA de Giuseppe VERDI le 28 NOVEMBRE 2018 (Dir.mus, Fabio LUISI; Ms: Calixto BIEITO

La carcasse de navire

Le cas Boccanegra

Une chose est claire : il n’y a pas de production de Simon Boccanegra aujourd’hui qui ne soit mise en relation avec la production légendaire de Giorgio Strehler (1971)  qui a fait le tour du monde, de Paris à Tokyo en passant par Washington et Moscou, et qui a fini à Vienne (apportée par Abbado) où deux imbéciles devant l’éternel , Eberhard Waechter (qui pourtant chanta Simon à Munich dirigé par Abbado avec Janowitz en Amelia en 1971, mais pas dans la production Strehler) et Ioan Holänder, ont décidé de la détruire après le départ du chef italien vers Berlin: comme tous les imbéciles, ils devaient en avoir peur, puisqu’ils ont même refusé de la revendre au Teatro Carlo Felice de Gênes qui voulait légitimement l’acheter.
Avec une vidéo de la RAI (qui intègre une introduction flamboyante de Strehler), qui circule encore aujourd’hui, ce spectacle peut être vu de tous les amateurs d’opéra. Il y a aussi une vidéo de l’Opéra de Paris, dont je possède miraculeusement une copie, qui a croupi dans les caves, puisque de sombres questions de droits ont empêché les vidéos de l’ère Liebermann d’être plus tard exploitées. C’est ainsi que la Lulu de Chéreau a disparu des radars et bien d’autres retransmissions. La vidéo de Paris est peut-être encore musicalement supérieure à celle de Milan, malgré les rapports exécrables qu’Abbado a entretenus avec l’orchestre de l’Opéra.
Mon lien à Simon Boccanegra est si personnel qu’un « post » sur le blog était inévitable, tant je sens le besoin, après  avoir vu la production parisienne, très digne, de bon niveau, de faire le point sur cette œuvre, sur les mises en scènes de Verdi, et évidemment sur la production de Calixto Bieito et Fabio Luisi.

De la difficulté à mettre Verdi en scène

On serait bien en peine de citer de nombreuses productions « historiques » d’opéras de Verdi, il y a la fameuse Traviata de Visconti-Callas, il y a ce Simon Boccanegra de Strehler, puis quatre ans après son Macbeth, toutes à la Scala. Il y a peut-être l’Otello de Zeffirelli, encore à la Scala et ses différentes Aida, moins réussies, et le Don Carlo de Ronconi, copieusement hué, toujours à la Scala qui était alors un théâtre de référence. Mais connaît-on un Trovatore qui ait laissé quelque trace dans la mémoire, ou une Forza del Destino, voire un Ballo in maschera ou un Rigoletto (peut-être le travail de Jonathan Miller à l’ENO  qui inventa la transposition en quartier mafieux) ? Quelques productions de Traviata restent aujourd’hui digne d’intérêt comme celle de Willie Decker à Salzbourg et ailleurs et sûrement Marthaler à Paris  mais au total, c’est bien peu.

Verdi a une place tellement particulière dans le paysage lyrique que toute mise en scène un peu « décalée » ou « originale », notamment de l’horribilis Regietheater qui a produit dans les années 80 des Aida, des Nabucco qui provoquèrent de mémorables scandales en Allemagne, signés notamment par Hans Neuenfels, crée souvent le scandale chez un public pour qui compte bien plus la musique et le chant que la mise en scène.
C’est clair, quand un Verdi est merveilleusement chanté, on évacue la mise en scène (voir l’Otello de Karajan…) : on ne compte plus les productions médiocres qui ont servi d’écrin poussiéreux à des diamants musicaux et vocaux.
La question tient sans doute à ce que la mise en scène « moderne » s’intéresse plus aux drames dont le livret est continu, c’est à dire aux livrets écrits après Wagner. Verdi et notamment la première moitié de sa production reste tributaire des formes classiques, récitatif, air, cabalette et la dramaturgie doit passer par les fourches caudines de livrets souvent improbables, sauf lorsqu’ils prennent leurs source chez Hugo ou Shakespeare : ce n’est pas un hasard si la plupart des grandes mises en scène de Verdi travaillent sur les titres notamment issus de Shakespeare (encore plus que Hugo : Ernani mis en scène en 1982 par Luca Ronconi à la Scala fut un échec ). Mise en scène et Verdi ne vont ensemble qu’avec difficulté, même si certaines productions comme le Macbeth de Barrie Kosky à Zurich sont des références d’aujourd’hui.

Aucune des productions verdiennes actuelles de l’Opéra de Paris (mais c’est le cas ailleurs aussi) ne tient la rampe ou ne mérite même la mémoire, et pour moi qui pleure souvent l’ère Liebermann, ni la Forza del Destino d’alors, ni Trovatore qui devait être de Visconti et qui fut de Tito Capobianco ne laissèrent de traces durables. Seuls survivent dans la mémoire I Vespri Siciliani (John Dexter, un spectacle dans les décors de Josef Svoboda très post-Appia, magnifique et fascinant) si adapté par anticipation esthétique à l’Opéra-Bastille qui ne le verra jamais, et ce Simon Boccanegra, venu de la Scala, qui triompha deux saisons de suite, malgré l’absence d’Abbado (remplacé par Nello Santi) la seconde saison…

Au commencement était Strehler 

Cette longue introduction pour replacer la mise en scène de Calixto Bieito dans la double perspective des mises en scène verdiennes, et de l’histoire de Simon Boccanegra en particulier.
On doit à Giorgio Strehler quatre mises en scène verdiennes, La Traviata (1947) Simon Boccanegra (1971), Macbeth (1975), Falstaff (1980).

Acte I (Strehler Frigerio)

En 1971, Simon Boccanegra n’était pas considéré comme l’un des chefs d’œuvre de Verdi, c’est justement cette production qui va projeter au premier plan une œuvre considérée comme secondaire, au livret alambiqué avec son prologue qui se déroule vingt-cinq ans auparavant, par sa longueur un acte à lui tout seul.
C’est donc depuis Strehler-Abbado que tous les théâtres en ont proposé des productions, toutes à peu près transparentes, y compris celles dirigées par Abbado après Strehler, à savoir Peter Stein à Salzbourg (c’est la production actuelle de l’Opéra de Vienne, qui remplaça celle de Strehler détruite par la paire d’imbéciles citée plus haut), et ce qu’il faut appeler hélas une mise en scène, à Ferrara, signée d’un certain Carl Philip von Maldeghem (2001).
Strehler avait conçu un travail qui rendait compte à la fois des aspects politiques du drame et de la solitude de ces grandes âmes (car  par-delà leurs haines, tous ces personnages sont des âmes nobles, Paolo mis à part). Il a conçu un prologue nocturne, pour exalter dans le reste de l’opéra la lumière mordorée du soleil, qui se couche au soir de la vie de Simon.
Strehler fait respirer l’espace en évoquant sans cesse la mer, qu’on ne voit d’ailleurs qu’à travers des voiles (à l’acte I pour l’air d’Amelia « Come in quest’ora bruna/Sorridon gli astri e il mare! » et au final où le corsaire Boccanegra retourne vers la mer) ou à travers le récit des personnages et notamment d’Amelia, élevée en bord de mer, vivant en bord de mer, enlevée par les sbires de Paolo en bord de mer qui chante la mer dès le début de l’acte I et qui ainsi se montre digne fille de son père.
La mise en scène de Strehler donnait un espace, une respiration où la mer sans cesse évoquée était singulièrement ressentie. Il avait su aussi rendre par l’alternance nuit /jour en opposant prologue nocturne et actes et avait inscrit le drame dans une histoire, politique, temporelle (les héros vieillissent : le duo final des deux vieillards était un moment d’émotion incroyable) et individuelle. Il avait su allier destins individuels et isolés et histoire politique, avec les plébéiens un peu populistes contre les patriciens conservateurs, avec la corruption et les manœuvres qui mènent au pouvoir et les sbires qui réclament leur dû après avoir fait élire leur chef : en bref, la loi de tout pouvoir, qui n’est pouvoir que parce qu’il a su gérer sa part d’ombre. Au milieu de cette lecture politique très moderne, qui n’a rien d’étonnant (depuis la République Romaine et la montée des populares contre le patriciat, au Moyen âge sous Cola di Rienzo toujours à Rome, et bien sûr aujourd’hui, le jeu est le même), il y a une histoire d’amour entre une fille et son père, une histoire d’amour entre deux jeunes gens nobles, une histoire d’amour/haine entre deux vieillards que rien n’oppose en fait humainement. D’ailleurs comme une figure christique, Simon le politique ne cesse de demander au peuple et à son assemblée la paix et l’amour.
Dans la production de Strehler (et mettons à part les aspects musicaux inaccessibles aujourd’hui à aucun chef ni aucun chanteur), il y avait la totalité d’une histoire racontée dans son milieu historique d’origine (Strehler ne transpose jamais, sauf dans son Falstaff dont le cadre est la plaine du Pô), qui mêle politique et rêves individuels, dans un décor sublime d’Ezio Frigerio, qui a marqué les esprits (Ah ! ce lent lever de rideau du premier acte avec cette voile qui se découvre) et des éclairages non moins sublimes. Rien n’était laissé au hasard et rien n’était laissé de côté. La légende musicale a fait le reste.

Et aujourd’hui Bieito

Commencer l’analyse de ce spectacle par Strehler, référence universelle de tout metteur en scène qui s’attaque à Simon Boccanegra, est inévitable et il serait bien surprenant que Calixto Bieito, artiste d’une implacable rigueur ne s’en inspirât point.
Mais s’inspirer ne veut pas dire imiter, car imiter la production de Strehler serait une entreprise inutile sinon ridicule : s’inspirer, c’est se positionner « par rapport à ». C’est la démarche de Bieito qui, à l’instar de Johan Simons en 2006 (et même de Nicolas Brieger en 1994, dont la production de l’ère Blanchard a été suffisamment solide pour survivre jusqu’en 2002 sous Gall), privilégie un axe : pour Simons c’était le politique, et pour Bieito c’est le destin individuel des êtres.
Alors, Bieito va mot à mot s’inscrire volontairement à l’opposé de Strehler. Et c’est cette lecture antithétique qui a désarçonné une partie des spectateurs : à la lumière de la mer et du ciel, à la respiration de l’œuvre, Bieito privilégie le noir artificiel coupé de la glace des néons (car l’obscurité de Strehler n’est pas artificielle, c’est celle de la nuit, éclairée à la torche et au rythme de la musique – Strehler était aussi musicien). À l’espace et à la respiration strehleriennes, Bieito propose un espace unique et clos, un espace tragique vite étouffant conçu par Susanne Gschwender. En renonçant à l’histoire politique avec ses assemblées et ses complots, en faisant du chœur plus une utilité (qu’on ne voit même pas toujours) qu’une présence (sinon musicale), en renonçant aux êtres inscrits dans l’histoire, il montre des individus solitaires, surgissant de l’obscurité, seuls, enfermés sur eux-mêmes, distribués dans l’ombre du vaste plateau de Bastille, jamais vraiment hors champ, et rarement dans le champ, se touchant assez rarement, comme enfermés dans leur bulle. Et il renonce à la trame, refusant les armes (épées etc..), refusant les objets, refusant toute anecdote.

Scène du conseil (Final Acte I) Ludovic Tézier (Simon Boccanegra) et Francesco Demuro (Gabriele Adorno)

Quant à la mer, elle est présente de manière écrasante et sombre, sous la forme de l’étrave et du bulbe d’un navire en cale sèche, avec ses entrailles dans lesquelles Simon Boccanegra se perd, solitaire, quand il n’est pas sur le plateau : un univers qui évoque le maritime mais un maritime à l’arrêt, en réparation, pourquoi pas à l’abandon comme ces carcasses qui vont mourir en Inde pour être dépecées. Univers mental, concentration (que d’aucuns appellent stupidement ennui : comment s’ennuyer avec cette musique ?), et si tout cela n’était qu’un rêve ? Et dans ces entrailles de navire, avec ses piliers métalliques enchevêtrés, comment ne pas penser non plus au fameux Pont Morandi, dont l’architecture rappelait un peu et volontairement l’architecture navale…
La première image, sans la musique, dans un silence pesant, dans l’ombre, est justement l’ombre de Simon s’allongeant au proscenium, comme il s’allongera à l’acte I (avec sa fille) ou à l’acte III (au moment où il boit le poison). Simon, allongé, comme écrasé, comme plongeant dans un sommeil narcoleptique pour échapper à la crise et au monde devient ici une figure, comme un refrain.
Le traitement même du personnage par Bieito accentue cette singularité : il en fait un être ailleurs, à la fois concerné et distancié. Ses changements de costume aussi montrent une évolution psychologique, au départ personnage « ordinaire » comme l’est le peuple qui l’entoure : certains ont noté la laideur des costumes : qu’est-ce que le beau et le laid au théâtre ? Qui peut qualifier la laideur ? Le laid est sublimé par l’art…
Au théâtre c’est le fonctionnel qui doit dominer : or Bieito fait de Simon furtivement le porte-parole des gens ordinaires et habille Amelia-Maria comme eux, parce qu’elle est issue de ce monde-là, parce qu’elle n’est pas une aristocrate, parce qu’elle est la fille de sa classe et de son père. Les costumes (de Ingo Krügler) sont d’ailleurs le seul signe « idéologique » de cette production, et c’est sur eux que certains se sont fixés…signe idéologique de ce qu’est le genre « opéra ».

Suivons les évolutions du costume de Simon : il est d’abord en parka de cuir, corsaire si l’on veut, plus ou moins comme les autres, et mal coiffé.
En devenant Doge, ostensiblement il se recoiffe, se change à vue, endosse cravate et costume, et lunettes, qui lui donnent un air sérieux et classent son homme avec des attributs du politique selon les lieux communs (souvenons-nous de l’ironie suscitée par les cravates mal nouées de François Hollande, signe d’un ordinaire peu conforme à l’image que les médias voulaient de la fonction, mais pourtant signe d’une normalité revendiquée).
Mais cela dure peu: dès qu’il découvre en Amelia sa fille, il se « défroque », enlève cravate et veste, et se retrouve en chemise col ouvert et bretelles : il est nu, en quelque sorte, il est non plus le politique, mais l’individu.

Ludovic Tézier (Simon Boccanegra)

Retrouver sa fille, c’est du même coup faire coller politique et individu (il porte sans cesse la veste de cuir de sa fille) et œuvrer à la réconciliation des deux classes dont elle est le fruit, c’est porter un discours d’amour et de paix, un discours direct et non plus le discours xyloglottique  auquel nous sommes habitués. Bieito lie l’aventure du père désormais comblé à celle du politique (d’où aussi le discours sur Venise, très lisible pour le public de la création, en plein Risorgimento) et fait du destin de Boccanegra un destin individuel presque indépendant des vicissitudes politiques : christique là encore, il meurt pour l’amour, la paix et la réconciliation qu’Adorno portera, incarnation du καλὸς κἀγαθός (litt. Le beau et le bon) de l’idéologie  grecque, incarnation du bon gouvernement.

Maria Agresta (Amelia/Maria) et Ludovic Tézier (Simon Boccanegra)

Le jeu des costumes est une sorte de fil rouge de cette mise en scène : Simon porte la veste de sa fille, qui a servi de couverture lorsqu’il s’est allongé, il la porte à la main, comme le signe de sa présence désormais à ses côtés. Même Fiesco, pourtant toujours sanglé dans son costume trois pièces se débarrasse de sa veste et la jette, puis la ramasse selon les scènes.

Un travail minimaliste, concentré, abstrait

Signes minimalistes ? Sûrement, mais rien n’est plus individuel que le costume et la manière dont on le porte. Pietro sanglé dans son cuir ne sera jamais qu’un apparatchik, et Paolo un peu débraillé et vaguement vulgaire (au contraire d’ailleurs du chant impeccable porté par Nicola Alaimo) ne suscite pas, à vue, l’adhésion ; il porte un seau, où certains ont vu une ventoline, mais qui pourrait être aussi l’attribut de son âme (on en fait des choses dans un seau…), en tous cas un signe que le personnage est marginal, qu’il n’est pas comme les autres, une sorte de stigmatisé, percé par les frustrations. Inutile alors de le faire grimaçant avec des yeux hallucinés dans une composition à la Strehler (Felice Schiavi en fit le rôle d’une vie). Le Paolo de Bieito est digne dans son indignité.
Enfin, et à l’opposé de Strehler, les personnages ne vieillissent pas entre le prologue et les trois actes, ce qui peut désorienter le spectateur qui ne connaîtrait pas l’œuvre : Bieito construit un continuum d’un moment à l’autre parce que si le temps a passé les hommes et leurs haines n’ont pas changé, et le monde est le même, avec ce Simon encore perdu dans sa tristesse structurelle, tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change.
Tout cela montre la rigueur avec laquelle Bieito a conduit sa mise en scène. Alors, les réflexions sur la beauté ou la laideur sont à la fois vaines et impropres dans un discours scénique où ce n’est pas l’histoire ou la trame qui comptent, mais les relations entre les êtres ou leur terrible vacuité.
Dans ce travail en effet, peu de gens se touchent, chacun arrive sur scène, lentement, d’abord ombre, puis silhouette et enfin personnage d’un lieu imprécis, comme remontant à la surface où défilent en vidéo (de Sarah Derendinger) les visages des personnages en plan si rapproché qu’ils semblent tous se ressembler et être interchangeables. Seuls Fiesco et Simon se touchent déjà au prologue et notamment dans un moment sublime de l’acte III où Fiesco essuie le visage de Simon agonisant, dans un geste fraternel et protecteur, et aussi naturellement la fille et le père, Amelia et Simon. Pour le reste, pas de gestes intempestifs qui seraient trop sentimentaux ou pathétiques, ce qui a fait dire – et je m’inscris en faux- qu’il n’y avait pas de direction d’acteurs. Bieito impose aux chanteurs une fixité, une abstraction qui pèse sur l’ensemble mais qui répond à ce que veut faire de ce drame le metteur en scène, un espace mental, un système aux planètes autonomes et sans soleil qui répond à la noirceur de cette histoire. Un Nadir livide en quelque sorte…
Au long du spectacle traverse la scène sans cesse la silhouette fantomatique de Maria, la fille de Fiesco que Boccanegra a (des)honorée, un cadavre malingre qu’il embrasse au moment où il est élu doge, comme si le pouvoir lui portait en même temps l’absence, le vide et que l’amour de sa vie devenait spectre, imposant aussi son corps nu humé par les rats aux spectateurs, un corps qu’on suppose en décomposition prochaine, comme le bateau gigantesque qui tourne sur scène. Simon Boccanegra ou le drame de la décomposition d’un être qui n’est plus lui-même au pouvoir et ne se retrouve qu’avec sa fille.
D’où ce sentiment de détachement, cette absence de pathétique et de vibration, ces émotions données au compte-gouttes qui n’en sont que plus fortes, et cette vision détachée du réel et presque abstraite qui domine l’ensemble de la production. De manière contradictoire d’ailleurs on entend les regrets de ceux qui voient encore (après vingt ans) en Bieito le provocateur qui fit tant parler lors de son Ballo in maschera mais on voit aussi les regards scandalisés devant le corps nu sur lequel des rats circulent à l’entracte…
Il n’y a aucun doute pour moi, nous nous trouvons devant une des mises en scène récentes les plus accomplies du chef d’œuvre de Verdi. Ceux qui ont vu Strehler sans doute gardent vif le souvenir de cette absolue réussite, mais courir après les fantômes et les souvenirs n’empêche en rien de s’intéresser au présent . Il y eût un jour l’absolu et nous sommes dans le relatif ;  une chose est claire cependant, la production de Calixto Bieito, toute discutable qu’elle soit, a le courage de changer totalement de point de vue sur l’œuvre et de présenter une vision très cohérente de cet opéra si particulier, qui allie l’histoire, la politique et l’introspection.
Bieito choisit l’introspection, radicalement, faisant du personnage de Simon le centre d’un système où les autres peuvent apparaître comme des ombres, apparaissant ou disparaissant au gré des montées d’images du personnage principal, perdu dans son monde qui n’a plus de lien avec le réel. Bieito ne nous montre pas une histoire, d’autres l’ont fait et bien mieux, il nous montre des êtres perdus dans leur rêve, leurs haines, leurs fragilités qui errent dans une sorte de no man’s land aux frontières imprécises et ce faisant, il approfondit notre écoute de la musique.

Un parti pris musical aussi sombre que la scène

Justement, c’est une des musiques les plus sublimes écrites par Verdi, que Claudio Abbado pour l’éternité a fixée, dans une interprétation où il allie l’intériorité et la méditation, mais aussi la vibration et le théâtre, fouillant dans la partition jusqu’à donner l’impression d’une musique qui pleure (scène finale entre Fiesco et Simon). Cette musique était un cœur battant à différents rythmes, alliant l’épique et l’intime (acte I), palpitant quelquefois (l’accompagnement des airs d’Adorno). Simon Boccanegra est tellement intimement lié à Abbado qu’il est difficile d’avoir un jugement distancié sur une interprétation dont toutes les fibres vibrent à l’unisson et qui épuise tous les spectateurs sous l’émotion.
Bien entendu, Fabio Luisi va dans une toute autre direction, très cohérente elle aussi, et surtout très en phase avec le spectacle. Comme toujours chez ce chef à la technique rodée par des années au service du répertoire le plus large (il doit être un des chefs qui a dirigé le plus de titres de tous les répertoires), la précision et la sûreté de son geste aboutissent à une interprétation techniquement sans failles, aussi bien dans le dosage des sons que dans la limpidité, et l’orchestre de l’Opéra le suit résolument, affichant un son charnu et délicat, tout en ombres et lumières. Conformément au rythme scénique, ralenti, qui affiche silences longs et ambiances ombrées, le rythme orchestral est plutôt lent, sans moments nerveux, y compris là où ce serait plus nécessaire (par exemple,  l’accompagnement d’orchestre de l’air d’Adorno de l’acte II « O inferno! Amelia qui ! … » demeure un peu éteint pour mon goût et pour un air de colère et d’ardeur), à d’autres moments j’ai eu la même impression d’un orchestre très (voire trop) contrôlé sans ce fameux halètement verdien. Mais Simon Boccanegra n’est pas Trovatore, et la mise en scène n’incite pas à l’explosion, mais bien plutôt à la concentration, comme une sorte de Requiem plus noir encore que celui qu’a écrit Verdi lui-même.
En ce sens Fabio Luisi est cohérent, et il veille aussi à contrôler un plateau certes remarquable, mais qui a besoin d’être soutenu par l’orchestre, et qui dans le vaste vaisseau (c’est le cas de le dire) de Bastille, risque toujours d’être un peu couvert par la musique. Luisi se montre donc plutôt retenu, mais sans vraie tension et pour mon goût quelquefois un tantinet mou. Mais de tels choix complètent parfaitement l’ambiance scénique très particulière voulue par Bieito, même si j’ai trop dans la tête un certain chef pour être pleinement objectif.
Le chœur dirigé par le remarquable José Luis Basso n’a pas évidemment la mobilité qu’il pourrait avoir dans les grandes scènes du conseil, ou même au prologue. Calixto Bieito le veut de face, au proscenium, sous l’immense carène de navire, presque comme un oratorio écrasant et les scènes de foules ne sont volontairement pas réglées :  Bieito fait presque du « semi-scénique », comme si les personnages surgis de nulle part rentraient dans le moule musical et s’y lovaient sans « agir »…
Ainsi le chœur au proscenium, entourant Boccanegra à terre sur le cadavre de sa fille au prologue, l’étouffant presque (là où chez Strehler le chœur formait une ronde infernale autour d’un Boccanegra porté par la foule et couvert de sa cape) ou celui du conseil, qui devient le peuple tandis que les conseillers s’opposent entre les coursives du navire, comme si prévalait le son et la musique du peuple sur celle des politiques. La mise en scène du chœur dit beaucoup sur le parti pris de Bieito.

Un plateau vocal de haut niveau et convaincant

Mikhail Timoshenko (Pietro) et Nicola Alaimo (Paolo)Soyons immédiatement clairs en ce qui concerne le plateau vocal réuni à Paris : dans mon oreille j’ai en permanence les autres entendus une douzaine de fois entre 1978 et 1982 et à Vienne ensuite, ce qui pourrait être une distribution B (Bruson, Raimondi, Ricciarelli…)  C’est ainsi et on pourra m’en faire reproche, que je considère Freni, Ghiaurov, Cappuccilli insurpassables dans leurs rôles. Ce n’est aucunement faire insulte au plateau réuni à Paris, sans doute ce qu’on peut faire de mieux aujourd’hui que de le reconnaître. Qui en effet pourrait refuser la palme du jour à Ludovic Tézier ? J’ai écrit suffisamment souvent que son timbre me rappelait Cappuccilli pour ne pas me dédire aujourd’hui, alors qu’il reprend scéniquement ce qui fut pour Cappuccilli le rôle d’une vie. Rien à reprocher à ce chant, techniquement parfait, contrôlé, avec une belle émission, une projection sans faille et une belle diction. Tézier est aujourd’hui sans doute le baryton le plus accompli pour Verdi.
Il reste qu’il n’a pas encore le rôle totalement dans le corps et dans la tête pour l’incarner totalement : un rôle pareil cela se rode. Il part de très haut et sans doute très vite sera-t-il  le Boccanegra de l’époque, c’est déjà aujourd’hui le meilleur de ceux que nous entendons habituellement sur les scènes dans ce rôle. La volonté de Bieito d’en faire un Boccanegra un peu absent, presque désincarné, presque désabusé et constamment ailleurs convient très bien à ce chant et cette une prise de rôle scénique. Et nous ne pouvons que saluer une performance magnifique que nous attendons dans quelques temps encore plus incarnée, encore plus dominée. Mais déjà c’est une très grande performance.
Maria Agresta a l’avantage d’une voix fraiche, jeune et techniquement très au point : elle se sort du final du premier acte (au conseil) avec tous les honneurs parce que toutes les notes sont faites, y compris les « scalette » redoutables. Elle n’aborde pas le rôle pour la première fois : elle l’a chanté avec Riccardo Muti à Rome il y a quatre ans. On entend dans sa manière de chanter qu’elle a beaucoup écouté Mirella Freni. Son Amelia est émouvante, mais le timbre est un peu clair, et ne possède pas dans la voix la couleur tragique qui frappe toujours chez son illustre devancière. Enfin, au moins ce mercredi, la voix accusait de menues irrégularités dans la ligne de chant, pas toujours homogène, avec quelques échos un peu métalliques ou acerbes. Il reste que cette Amelia-là reste aujourd’hui sans doute l’une des plus justes sur le marché lyrique.

Mika Kares (Fiesco) Ludovic Tézier (Simon Boccanegra) Acte III

Mika Kares continue la tradition des grandes basses finlandaises et j’avoue avoir été touché par son Fiesco, magnifié par la mise en scène de Bieito et l’attention que le metteur en scène a portée à son personnage. La voix est puissante et profonde (les graves de « il lacerato spirito » passent sans problème et ne sont pas détimbrés), elle s’élargit avec sûreté à l’aigu et les accents, la couleur me sont apparus très en place et particulièrement sentis. Ce n’est pas une voix tout d’une pièce qui ne ferait que du beau son. Il faut attendre le duo final avec Boccanegra pour atteindre au sublime : c’est sans doute le plus beau moment de la mise en scène mais c’est aussi le moment où le chant est le plus ressenti et le plus incarné, par les deux interprètes d’ailleurs. Les accents de Fiesco étaient d’une justesse et d’une intensité très rarement atteintes par les basses habituées à ce rôle. Allez, osons-le, il était « ghiaurovien ».
La vraie surprise vient peut-être du Paolo de Nicola Alaimo, un rôle noir auquel il ne nous a pas vraiment habitués et qui est peut-être un Paolo définitif : justesse des accents, contrôle vocal, magnifique émission, travail sur la couleur ; il réussit même – un comble pour un tel rôle – à émouvoir à chaque fois qu’il chante, tant le personnage voulu par Bieito a l’ambiguïté de certains méchants. C’est une très grande composition, très différente de celle du méchant halluciné de Felice Schiavi chez Strehler et qui personnellement m’a totalement convaincu. Nicola Alaimo est simplement grandiose.
D’une certaine manière, Francesco Demuro est aussi une surprise dans Adorno qui reste un rôle secondaire dans l’économie de l’œuvre. J’ai dans l’œil et l’oreille l’entrée au premier acte de Roberto Alagna courant autour du plateau, solaire en Adorno juvénile dans la production de Stein en 2000 à Salzbourg avec Abbado: il y fut extraordinaire. J’ai aussi dans l’oreille la perfection formelle de Veriano Lucchetti, impeccable de style et d’expressivité.
Demuro lui-aussi réussit à imposer le personnage, dont il n’a pas tout à fait la voix mais qu’il arrive à imposer par la technique, la clarté de la diction, le contrôle. On sent qu’il approche des limites de sa voix, mais cette tension convient parfaitement à la situation, et au total, il est très convaincant. J’irais même jusqu’à dire que c’est dans Adorno qu’il m’a le plus convaincu, bien plus que dans son Fenton que je trouve un peu fade et dont il est le grand titulaire actuellement.

Mikhail Timoshenko (Pietro) et Nicola Alaimo (Paolo)

Enfin Mikhail Timoshenko dans Pietro (vu comme un parfait apparatchik à qui est confié le sale boulot d’égorger en scène Paolo) montre un joli timbre de baryton basse, très employé à Paris, et qui ne devrait pas tarder à aborder des rôles plus importants.

On le voit, au terme de cette longue analyse, il n’y a pas grand-chose à reprocher à une production que j’estime être aujourd’hui non seulement la plus belle production verdienne de l’Opéra de Paris, mais aussi la meilleure production qu’on puisse avoir de Simon Boccanegra aujourd’hui, bien supérieure à celles honteusement médiocres de Berlin ou de la Scala, d’une grande tenue musicale (avec mes réserves sur le rythme et la tension) et vocale avec l’une des distributions les plus convaincantes qu’on puisse voir aujourd’hui. Je dis bien, aujourd’hui. Pour le reste, je retourne à mes souvenirs.

Dispositif scénique, étrave et bulbe…