LA SAISON 2022-2023 DU TEATRO ALLA SCALA

La saison de la Scala est parue et avec elle son cortège de discussions et de considérations diverses. Il y a ceux qui défendent les choix et il y a ceux qui s’en désolent, comme de juste. Mais en l’occurrence la Scala ne mérite ni cet excès d’honneur ni cette indignité. Au vu de cette saison et de quelques autres il est clair que le Teatro alla Scala peine à rester un leader artistique en Europe. Certes le théâtre reste un phare « mythique », mais sa programmation n’a plus la force d’entraînement qu’elle a pu avoir jadis, et elle n’est plus une référence musicale, sauf à de rares exceptions. La Scala est essentiellement un objet médiatique qui fonctionne encore…. Si la saison est attendue avec curiosité, c’est par un vague espoir que ses couleurs en seront ravivées. Ce n’est encore pas le cas pour 2022-2023.

Il y a déjà belle lurette que la Scala n’est plus la référence européenne  ou “le plus grand théâtre lyrique du monde”, même s’il en est encore sans aucun doute le plus célèbre : pas de productions phares, pas de voix nouvelles découvertes, peu de chefs d’envergure – nous avions à ce propos la saison dernière proposé une comparaison cruelle avec une saison du passé.
Mais, plus étonnant, la Scala est en train de perdre aussi ce statut en Italie où d’autres institutions proposent des productions qui attirent plus, des spectacles plus avancés, plus intelligemment distribués et plus ouverts. En bref qui font plus envie.
Cette maison vit sur sa gloire passée, sur son histoire et sa mythologie, et c’est un peu ce qui lui reste: une force d’inertie. Mais elle n’a plus de couleur artistique claire, comme si le pouvoir avait été pris par un algorithme qui prévoit un certain nombre de productions selon des recettes qui recommandent la voie moyenne, sinon quelquefois la poussière, à tous les niveaux. Une saison anonyme, qui n’apparaît être faite que par dosages sans envie, et pourtant malgré une vraie variété dans l’offre et des choix qui peuvent sans aucn doute séduire: paradoxal, je sais.

Les innovations, on les trouve dans un nouveau design pour l’image du matériel promotionnel de la Scala (à part les affiches et « locandine » historiques) ou une façade qui va retrouver les couleurs originales voulues par son architecte Piermarini et un nouveau bâtiment qui agrandit les espaces arrière. La Scala s’agrandit, la Scala ne cesse de se moderniser, c’est parfait, mais pour quelle politique?
Si innovation et couleur pouvaient aussi inonder autre chose que design et façade, on penserait moins à Potemkine…

Il y a longtemps que le spectateur que je suis a constaté cette très lente dégradation : elle ne date pas de cette année ni de la saison précédente, elle a commencé par l’ère Muti, qui au moins avait pour garantie un chef d’envergure dont on pouvait ne pas partager les options, mais qui était très présent . Il y a eu aussi la période Barenboim qui a redonné du brillant, même si Stéphane Lissner était critiqué : mais tout de même, Lohengrin de Claus Guth avec Kaufmann et Harteros, Tristan de Chéreau avec Meier, et le Ring de Cassiers, ou La Traviata de Tcherniakov avec Gatti en fosse, qu’on partage ou non les options des mises en scène, tout cela avait de la gueule.
On chercherait en vain un spectacle qui ait « de la gueule » aujourd’hui, malgré des forces locales toujours exceptionnelles quand elles sont motivées et emportées par l’envie: c’est un point à souligner, choeur, orchestre, et techniciens restent parmi les équipes les plus enviables au monde.
Quant à la saison, un peu de Kaufmann et un peu de Netrebko ne font pas une saison brillante, même si, reconnaissons-le, les temps que nous traversons sont difficiles pour tous les théâtres : mais comment expliquer que la Scala, le théâtre le mieux doté d’Italie, soit l’un des moins stimulants ?

Sur les 14 productions d’opéra certaines peuvent attirer et même valoir le voyage, d’autres choix sont inexplicables et d’autres enfin sans autre intérêt que remplir un agenda. C’est une somme sans ligne, parce que cela va dans tous les sens. Pas de ligne artistique, mais simplement un souci de gestion des attentes supposées du public. Il aime Bohème de Zeffirelli ? on lui donne La Bohème de Zeffirelli. Il rêve au nom de Strehler, si lié à cette maison, on lui sert des Nozze di Figaro qui ne sont que la resucée en moins bien du spectacle parisien. Qu’importe puisque tout le monde, depuis 1981 (date de la production) a oublié…
La politique des metteurs en scène évite soigneusement les grands noms qui circulent dans toute l’Europe et même aux USA aujourd’hui (même à New York qui est pourtant un temple du conservatisme), on cherche soit les morts, les poussiéreux qui l’étaient déjà il y a vingt ans et au mieux ceux qui frôlent de loin une apparence de modernité non dérangeante en se risquant à un ou deux noms à la mode qui apaiseront les regards critiques.

En fait, on n’aime pas le théâtre en ce moment à la Scala. C’est assez singulier dans cette maison, qui accueillit Visconti, Strehler, Ronconi, Lioubimov, Vitez, Ponnelle, Wilson et plus récemment Tcherniakov, Cassiers, Bondy et Chéreau. Mais le phénomène a commencé dès le mandat de Riccardo Muti comme directeur musical, où les spectacles ont perdu de leur intérêt. Le passage de Lissner, si décrié par certains milanais, à un peu rafraîchi l’offre, mais celui d’Alexander Pereira est resté bien trop prudent en la matière.
Mais qu’un Barrie Kosky qui n’est pas un révolutionnaire soit encore inconnu à Milan, ou pire, un italien comme Romeo Castellucci, salué dans le monde entier, c’est tout de même d’un ridicule achevé. On leur préfère Davide Livermore, herméneute de la superficialité insignifiante, qui a son rond de serviette depuis des années et dont on reverra le Macbeth insupportable cette année, avec, en plus une nouvelle production des Contes d’Hoffmann sans doute plumes, paillettes et vidéo.
Même étrangeté dans la politique des chefs d’orchestres, erratique, entre très grands noms particulièrement légitimes et chefs de répertoire à la viennoise (ce qui n’est pas forcément un compliment) dans le théâtre le plus symbolique du système stagione, où le choix du chef est essentiel pour chaque production, où comme disait il y a 50 ans Paolo Grassi, le résultat de la représentation du soir est déterminant et où la programmation devrait être, disent d’autres, le Festival permanent: quand on est la Scala, trouver une dizaine de chefs de bon profil ne doit pas être si difficile … Visiblement, comme on ne les trouve pas, cela signifie qu’ils sont ailleurs et que la Scala n’a plus de pouvoir d’attraction, ou bien, plus vraisemblable, qu’on n’a pas envie de les chercher.
Mais c’est aussi un débat qui remonte à très loin puisque déjà Carlo Fontana répondait que les « grands » chefs ne voulaient plus faire d’opéra hors de leur propre maison. Alors quand on regarde le passé,  les saisons de la Scala sont quelquefois contrastées mais dans l’ensemble elles se tiennent du point de vue des choix de chefs, comme le montrent les cinq exemples ci-dessous : il y a des noms très connus aujourd’hui, mais à l’époque, c’était des chefs plus jeunes, voire débutants, et leur carrière depuis montre que le théâtre avait eu du nez…
Cinq saisons au hasard ( 3 sous Carlo Fontana/Riccardo Muti, et 2 sous Stéphane Lissner/Daniel Barenboim) assez différentes et considérons seulement  les noms des chefs invités

  • 1988-1989 :
    (saison avec tournée du Bolchoï) Riccardo Muti, Seiji Ozawa, Gianandrea Gavazzeni, Daniele Gatti (débuts), Alexandre Lazarev (Bolchoï), Andrei Christiakov (Bolchoï), Gary Bertini, Tiziano Severini, Lorin Maazel, Gennadi Rozhdestvenski, Zoltan Pesko
    Riccardo Muti, directeur musical (6 productions)
  • 1997-1998 :
    Zoltan Pesko, Massimo Zanetti, Gianluigi Gelmetti, Riccardo Muti, Donald Runnicles, Adam Fischer, Valery Gergiev, Bruno Campanella
    Riccardo Muti, directeur musical (3 productions)
  • 1998-1999 :
    Riccardo Muti, Bruno Bartoletti, Giuseppe Sinopoli, Mstislav Rostropovitch, David Robertson, Riccardo Chailly, Gary Bertini.
    Riccardo Muti, directeur musical (5 productions)
  • 2010-2011:
    Daniel Barenboim, Omer Meir Wellber, Daniel Harding, Edward Gardner, Roland Boër, Susanna Mälkki, Yannick Nézet-Séguin, Franz Welser-Möst, Nicola Luisotti, Antonello Allemandi, Rinaldo Alessandrini, Roberto Abbado, Philippe Jordan, Valery Gergiev
    Daniel Barenboim, (1 production) n’était pas encore directeur musical il le sera la saison suivante.
  • 2011-2012
    Daniel Barenboim, Gustavo Dudamel, Daniele Rustioni, Enrique Mazzola, Fabio Luisi, Gianandrea Noseda, Robin Ticciati, Andrea Battistoni, Nicola Luisotti, Marc Albrecht, Marco Letonja, Omer Meir Wellber
    Daniel Barenboim, directeur musical (2 productions)
    Ces cinq exemples parlent d’eux mêmes.

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Cette saison Il y a quatorze productions d’opéra entre reprises et nouvelles productions.
On compte donc :

Nouvelles productions :

Boris Godounov
I Vespri Siciliani
Les contes d’Hoffmann
Li Zite n’galera
Lucia di Lammermoor
Rusalka
Peter Grimes
L’Amore dei tre re’

Reprises :
Salomé : même si la production n’a pas été vue par le public, elle a été, répétée et retransmise en streaming en 2021, c’est donc une reprise.
La Bohème
Andrea Chénier
Macbeth
Il Barbiere di Siviglia
Le nozze di Figaro

Au palmarès des compositeurs :

Répertoire italien
1 Vinci
1 Rossini
1 Donizetti
2 Verdi
1 Puccini
1 Giordano
1 Montemezzi

Répertoire non italien
1 Mozart
1 Offenbach
1 Moussorgsky
1 Dvořák
1 R.Strauss
1 Britten

Un peu de tout, couvrant scrupuleusement toutes les périodes de l’art lyrique, des compositeurs au profil classique, des metteurs en scène éprouvés sinon éprouvants, quelques bons à très bons chefs et deux chefs de grande envergure dont le directeur musical, d’autres chefs qui ailleurs font du répertoire pour une bonne moitié des productions, et des distributions correctes sans remuer les tripes.
J’ai lu avec amusement à propos de cette saison « pluie de stars » : il faudrait s’entendre sur la qualification de « star » Yoncheva ? Rebeka ? Allons donc… J’en trouve trois sur 14 productions, Kaufmann, Netrebko, Flórez… une bruine plutôt qu’une pluie. Et d’ailleurs, les stars viennent sur une ou deux productions, jamais plus, donc c’est un épiphénomène.

 

Décembre 2022
Modest Moussorgski
Boris Godounov

8 repr.(comprises l’Avant-première jeunes (4/12) et la « Prima » (7/12) et du 10 au 29 déc.) – Dir : Riccardo Chailly / MeS : Kasper Holten
Avec Ildar Abdrazakov, Ain Anger, Misha Didyk, Norbert Ernst…
43 ans après la production mythique de Iouri Lioubimov, dirigée par Claudio Abbado dans la version originale (version 1872) de Moussorgski (qui en fait lança cette musique dans tous les théâtres du monde jusque-là habitués à la version Rimsky), la Scala produit un nouveau Boris Godounov. Certes, depuis 1979, l’œuvre a été reprise en 1980-1981, puis le Bolchoï en 1988-1989 l’a présentée en tournée, et Gergiev a dirigé les forces de la Scala dans la production du Mariinski en 2001-2002, mais c’est la première production « maison » du chef d’œuvre de Moussorgski depuis 1979.
En outre, cette ouverture de saison sera marquée par la présentation de la version originale de 1969. Évidemment la direction de Riccardo Chailly sera particulièrement guettée car c’est là que se situe le plus grand intérêt. La distribution solide est quand même assez attendue, avec Ildar Abdrazanov en Boris, évidemment inévitable, avec un Ain Anger en Pimen qu’on eût pu peut-être éviter (ses dernières prestations sont médiocres), mais Misha Didyk est un autre des chanteurs « attendus », qui a l’avantage d’être ukrainien (important un soir de Prima) encore qu’il y ait des ténors russes aujourd’hui bien plus intéressants dans ce rôle. Norbert Ernst en Shuiski en revanche est une jolie idée.
La mise en scène est signée de Kasper Holten, qui avait fait un Ring remarqué à Copenhague en 2006, mais qui depuis n’a pas imprimé les mémoires par des productions notables.
Le débat a porté dans la critique italienne sur la présence d’un entracte, qui ne se justifie pas dans la version de 1869. Mais comment peut-on imaginer une Prima du 7 décembre sans entracte, autant enlever 95% de l’intérêt de la soirée… Enfin, Der fliegende Holländer, qui se joue sans entracte partout dans le monde, a des entractes à la Scala… Quand on vous dit que ce théâtre est unique…

Janvier 2023
Richard Strauss
Salomé

6 repr. du 1er au 31 janv. – Dir : Zubin Mehta/MeS : Damiano Michieletto
Avec Vida Miknevičiūtė, Michael Volle, Wolfgang Ablinger Sperrhacke, Linda Watson…
Comme ailleurs, les productions sacrifiées sur l’autel du Covid reviennent devant le public. Celle-ci avait été doublement frappée : d’une part Zubin Mehta, prévu, avait déclaré forfait et c’est Riccardo Chailly qui avait dirigé à sa place (magnifique interprétation d’ailleurs), et d’autre part, le confinement avait contraint la Scala à une reprise en streaming. Cette année, Mehta revient, et c’est l’attraction.
La production de Michieletto (qui ne m’a pas enthousiasmé) va enfin avoir droit à son vrai public, et attraction supplémentaire, c’est Vida Miknevičiūtė aujourd’hui appelée partout, qui va faire sa première apparition à la Scala en Salomé. Vaut le voyage donc, d’autant que Iochanaan sera l’immense Michael Volle, sauf le 31 janvier où ce sera Tomasz Konieczny. Hérode de choix avec Wolfgang Ablinger Sperrhacke, le meilleur ténor de caractère de langue allemande mais grave chute de goût avec Linda Watson en Hérodias quand on a sur le marché désormais Waltraud Meier… Conclusion : vaut le voyage

 

Février 2023
Giuseppe Verdi
I Vespri Siciliani

7 repr. du 28 janv. au 21 fev. – Dir : Fabio Luisi/MeS : Hugo de Ana
Avec Marina Rebeka/Angela Meade, Piero Pretti, Luca Micheletti/Roman Burdenko, Dmitry Beloselskiy.
Cette production n’est pas en soi une mauvaise idée : depuis la production Pizzi dirigée par Riccardo Muti en 1987-1988 et 1989-1990, pas de Vespri Siciliani à la Scala. Il est vrai aussi que ce n’est pas un titre typiquement scaligère. La confier à Fabio Luisi, solide, élégant, très ductile, ce n’est pas non plus un mauvais choix d’autant qu’il est très aimé de l’orchestre.
Mais donner la mise en scène à Hugo de Ana, qui avait déjà au début des années 2000 massacré un Trovatore dirigé par Muti, c’est une très mauvaise idée. De Ana est peut-être(?) un bon décorateur, mais un mauvais metteur en scène, et il écume les scènes depuis des années sans rien faire de vraiment original. De la vieillerie.
Distribution correcte sans être exceptionnelle, Marina Rebeka fait de belles notes, mais c’est de la glace à aigus. Angela Meade est une vraie Elena (entendue jadis au MET, et avec quel éclat !): si vous y allez, mieux vaut choisir les 11 ou 21 février. Piero Pretti est un bon ténor, mais sans grande personnalité, Dmitry Beloselskiy une belle basse, mais quand on a en Italie un Roberto Tagliavini… Pour Monforte, du neuf, Luca Micheletti qu’on voit plusieurs fois dans la saison, et Roman Burdenko, plus habituel.
Enfin, quand tous les théâtres désormais proposent le plus souvent la version originale en français, la Scala se distingue en programmant la traduction italienne. C’est une faute pour un théâtre qui se dit un temple verdien.
L’Opéra de Rome inaugura sa saison en 2019 par la version française « Les Vêpres siciliennes » sous la direction d’un Daniele Gatti au sommet. Ainsi on évitera les comparaisons…
Un spectacle globalement inutile des choix discutables, qui part sous de mauvais auspices.

Mars 2023
Giacomo Puccini
La Bohème

8 repr. du 4 au 26 mars – Dir : Eun Sun Kim MeS : Franco Zeffirelli
Avec Marina Rebeka/Irina Lungu, Irina Lungu/Mariam Battistelli, Freddie De Tommaso, Yongmin Park, Luca Micheletti
Présenter la énième fois la Bohème de Zeffirelli a été raillé par certains commentateurs ; je ne suis pas de cet avis dans la mesure où cette production attire à chaque fois un public ravi et qu’elle est une signature du théâtre, un des symboles de cette maison. Et donc on peut comprendre.
On peut comprendre aussi l’appel à la jeune cheffe Eun Sun Kim, qui dirige beaucoup en Europe. Et c’est aussi une bonne idée de faire appel à Freddie De Tommaso comme Rodolfo, qui est l’une des voix nouvelles intéressantes du répertoire italien qu’on commence à s’arracher, et le faire débuter à la Scala en Rodolfo qui n’est pas un rôle trop difficile, pourquoi pas ?
Pour le reste, Marina Rebeka en Mimi, ça n’a aucun intérêt, tant les Mimi écument les salles, et Rebeka ne me semble pas avoir le cœur puccinien (en tous cas elle ne me fait pas pleurer) et donner à Irina Lungu Mimi et Musetta en alternance, est-ce une si bonne idée ? On s’ingénie habituellement à bien séparer les deux typologies vocales.
Pour une Bohème à la Scala, l’alternative est simple : ou bien on appelle des stars, et là on crée un événement, ou bien on compose une distribution de jeunes très prometteurs (chef compris), sur Bohème c’est sans grand risque et il y a en Italie des chefs et des cheffes jeunes capables de diriger.
Là on est dans un entre deux, un peu fade, qui ne donne pas vraiment envie.

Mars 2023
Jacques Offenbach
Les Contes d’Hoffmann

6 repr. du 15 au 31 mars – Dir : Frédéric Chaslin/MeS : Davide Livermore
Avec Vittorio Grigolo, Ildar Abdrazakov, Eleonora Buratto, Federica Guida, Francesca Di Sauro, Marina Viotti
Pendant la saison 1994-1995, Les Contes d’Hoffmann fut signé Alfredo Arias et dirigé par Riccardo Chailly. Ça ne manquait pas de gueule. La production fut reprise plusieurs saisons et remplacée en 2012 par celle bien connue de Robert Carsen.
Une nouvelle production, pourquoi pas ?
Comme une saison n’est pas concevable aujourd’hui à la Scala sans Davide Livermore, on lui donne l’opéra fantastique, avec ses jeux d’images vidéos dont il a le secret, quelle que soit l’œuvre, mais au moins celle-ci s’y prêtera. Direction musicale Frédéric Chaslin, très apprécié par Dominique Meyer (bien moins par d’autres) et une distribution que Marina Viotti, Ildar Abdrazakov, Vittorio Grigolo et Eleonora Buratto rendent très solide.
Dans une saison qui ne brille pas par l’originalité, et où on donne pas mal de platitudes de luxe, des Contes d’Hoffmann paillettes sur scène peuvent attirer. Ne vaut pas le voyage en tous cas pour mon goût.

Avril 2023
Leonardo Vinci
Li zite n’galera
5 repr. du 4 au 21 avril – Dir : Andrea Marcon/MeS: Leo Muscato
Avec Raffaele Pe, Marco Filippo Romano, Francesca Aspromonte, Cecilia Molinari etc…
Leo Muscato, vous vous souvenez ? Celui qui avait inversé la fin de Carmen au nom de l’honneur des femmes…
Metteur en scène sans grand intérêt (cependant meilleur dans le comique) mais qui a deux productions à la Scala cette année, comme quoi…
Andrea Marcon, au contraire est l’un des maîtres du répertoire baroque en Italie, une référence internationale. Et donc, c’est un choix judicieux pour cette œuvre inconnue, une commedia per musica, créée à Naples en 1722.
Dans la distribution, Raffaele Pe le contre-ténor et d’autres spécialistes bien connus de ce répertoire. Tout cela fait, si on ferme les yeux sur Muscato (à moins qu’il ne trouve l’inspiration, ce qui est toujours possible), une production qui devrait valoir le voyage, rien que par curiosité.

 

Avril-Mai 2023
Gaetano Donizetti
Lucia di Lammermoor

8 repr. du 13 avril au 5 mai – Dir : Riccardo Chailly/MeS :  Yannis Kokkos
Avec Boris Pinkhasovich, Lisette Oropesa, Juan Diego Flórez, Ildebrando D’Arcangelo, Leonardo Cortellazzi
Avec Flórez, Oropesa et Chailly en fosse, c’est un tiercé gagnant, qui devait être de la Prima annulée pour Covid en 2020 et remplacée par ce spectacle ridicule télévisé réalisé par Davide Nevermore, oh pardon, Livermore.
Entourés, en plus par Boris Pinkhasovich : la Scala va découvrir l’un des meilleurs barytons actuels, et Ildebrando d’Arcangelo bien connu, c’est la garantie d’un succès.
Pour la mise en scène, la dernière, pas géniale mais passable, venait du MET (Mary Alice Zimmermann), et l’avant-dernière était signée Pier’Alli, mieux. Pourquoi faire une nouvelle production si les autres sont encore dans les cartons ? Lucia est l’un de ces titres qui n’a pas besoin de changer si souvent et la production Zimmermann tenait le coup. Alors on fait du neuf (?)… en appelant Yannis Kokkos.
Le décorateur de Vitez (mort en 1990) est un décorateur souvent inspiré mais jamais ne fut un metteur en scène, sauf peut-être pour Les Troyens, sa production qui a le plus marqué, un peu comme le bien plus médiocre Hugo De Ana (voir plus haut). En tous cas pas un metteur en scène d’avenir, mais plutôt des années 1990. Un choix peu explicable sinon par la peur de la nouveauté.
Mais devrait, pour la musique, valoir le voyage.


Mai 2023
Umberto Giordano
Andrea Chénier
7 repr. du 3 au 27 mai – Dir : Marco Armiliato/MeS : Mario Martone
Avec Sonya Yoncheva, Yusif Eyvazov/Jonas Kaufmann, Ambrogio Maestri / Amartuvshin Enkhbat , Elena Zilio
Reprise de la mise en scène de Mario Martone qui avait enchanté la Prima de 2017 (Eyvazov, Salsi, Netrebko). La star cette fois est Jonas Kaufmann, et la starlette Sonya Yoncheva qui n’a pas la moitié de la voix de Netrebko… Pour le reste du solide, avec la seule apparition émouvante, celle de Elena Zilio en Madelon. En fosse, Marco Armiliato, qui avec Fedora l’automne prochain arrivera enfin à diriger à la Scala après une carrière qui l’a mené dans tous les grands opéras de la planète pour diriger le répertoire italien. C’est un bon chef sans aucun doute, en particulier dans le vérisme, un chef de répertoire de série A, qui a beaucoup dirigé au MET et à Vienne.
À Vienne qui propose, si vous avez des envies, un André Chénier avec Jonas Kaufmann, Carlos Alvarez, Maria Agresta sous la direction de Francesco Lanzillotta. Comparez, et décidez…

 

Juin 2023
Antonín Dvořák
Rusalka
6 repr. du 6 au 22 juin 2023 – Dir : Tomáš Hanus/MeS : Emma Dante
Avec Dmitry Korchak, Elena Guseva, Olga Bezsmertna, Okka von der Damerau, Yongmin Park
Emma Dante comme metteuse en scène, c’est au moins un nom italien de prestige dont le choix ne peut heurter. Tomáš Hanus en fosse, c’est un très bon chef d’opéra sur ce répertoire qui assurera un niveau musical très enviable. Okka von der Damerau en Jezibaba et Elena Guseva en princesse étrangère, c’est excellent. Mais Olga Bezsmertna en Rusalka, c’est médiocre, et Dmitry Korchak en prince, c’est une idée baroque. Distribution bizarre, faite d’excellentes idées d’un côté et de drôles d’idées de l’autre qui risquent de gâcher la fête.

 

Juin-Juillet 2023
Giuseppe Verdi
Macbeth

8 repr. du 17 juin au 8 juillet – Dir : Giampaolo Bisanti/MeS : Davide Livermore
Avec Ekaterina Semenchuk/Anna Netrebko, Luca Salsi/ Amartuvshin Enkhbat
Fabio Sartori/Giorgio Berrugi, Jongmin Park
La mise en scène lamentable de Davide Livermore ne sera pas rééquilibrée par la direction de Chailly, remplacé par Giampaolo Bisanti, chef correct sans doute, mais pas pour ce type d’œuvre qui nécessite une toute autre personnalité.  Netrebko en juin-juillet, pour aimanter les premiers touristes qui feront l’aller et retour Vérone-Milan, la solide Semenchuk fera le reste.

Septembre 2023
Gioachino Rossini

Il barbiere di Siviglia
6 repr. du 4 au 18 septembre 2023 – Dir : Evelino Pidò/MeS Leo Muscato
Avec les artistes de l’Accademia del Teatro alla Scala
Orchestra dell’Accademia del Teatro alla Scala.
Toujours excellente idée d’une production de l’Accademia insérée dans le programme annuel. La production est celle de Leo Muscato, qui a remporté un certain succès en septembre 2021, avec Chailly en fosse et une jolie distribution. Ici Evelino Pidò est une garantie de précision pour des jeunes chanteurs et les jeunes musiciens de l’orchestre de l’académie.

Septembre-Octobre 2023
W.A.Mozart
Le nozze di Figaro
7 repr. du 30 sept. au 20 oct – Dir : Andres Oroczo-Estrada/MeS : Giorgio Strehler
Avec Ildebrando D’Arcangelo, Olga Bezsmertna, Luca Micheletti, Benedetta Torre, Svetlina Stoyanova
Andrès Oroczo-Estrada, vient de démissionner de son poste de directeur musical des Wiener Symphoniker après à peine un an d’exercice comme Directeur musical où il succédait à Philippe Jordan. Le chef colombien a une réputation assez solide dans le Mozart symphonique. À noter la comtesse d’Olga Bezsmertna qui m’a vraiment déçu dans ce rôle quand je l’ai entendue à Munich. Ildebrando D’Arcangelo est un chanteur particulièrement rôdé, dans Le nozze où il a chanté Bartolo, Figaro et il Conte Almaviva. Svetlina Stoyanova a chanté Cherubino à Vienne en 2018, Luca Micheletti est metteur en scène devenu chanteur, avec un certain succès et il apparaît plusieurs fois cette saison à la Scala, Benedetta Torre est une jeune chanteuse à laquelle on commence à s’intéresser. Une distribution qui mélange jeunes et moins jeunes. À découvrir seulement si vous êtes par hasard à Milan.


Octobre-Novembre 2023
Benjamin Britten
Peter Grimes

6 repr. du 18 oct. au 2 nov – Dir : Simone Young/ MeS : Robert Carsen
Avec Brandon Jovanovich, Nicole Car, Ólafur Sigurdarson, Natasha Petrinsky
Simone Young est un bon choix pour le chef d’œuvre de Britten, je l’ai entendue à Vienne en janvier dernier et sa direction était très solide. Robert Carsen est Robert Carsen : il n’a plus grand chose à inventer, mais il plaît en Italie où il représente une modernité sans grand risque, donc évidemment en odeur favorable à la Scala. Distribution sans grande saveur cependant, sinon Natasha Petrinsky et Nicole Car, une Ellen Orford sans doute intéressante, mais Brandon Jovanovich en Peter Grimes, ce n’est pas vraiment attirant… Donc une production nouvelle, sur laquelle le théâtre n’a pas l’air de parier, comme si on se disait, « inutile de chercher la distribution idéale, de toute manière le théâtre ne sera pas plein ».

 

Italo Montemezzi
L’amore dei tre re’

5 repr. du 28 oct. au 12 nov – Dir : Michele Mariotti /MeS :Alex Ollé, La Fura dels Baus
Avec Günther Groissböck, Roberto Frontali, Giorgio Berrugi, Chiara Isotton, Giorgio Misseri
Pour information, deux reprises à la Scala l’une en 1948 (dir.Franco Capuana) et l’autre en 1953 (direction Victor De Sabata), chacune pour trois représentations. Avec les cinq prévues, cela fera 11 représentations en 75 ans… L’œuvre est donc un peu disparue des programmes, même si elle fut un des grands succès du MET où elle fut créée en 1914.
On ne peut pas donc reprocher au théâtre de la ré-exhumer et de parier sur L’amore dei tre re’ d’Italo Montemezzi sur un livret de Sem Benelli, créé à la Scala en 1913. Puisque le centenaire n’a pas été fêté, on fête donc en 2023 le 110e anniversaire de la création qui bénéficia de la direction de Tullio Serafin.
Pour ce retour à la Scala, à 71 ans de la mort de Montemezzi, c’est Alex Ollé, de la Fura dels Baus qui met en scène. Entre Carlus Pedrissa et Alex Ollé, c’est le moins intéressant et évidemment le plus consensuel des deux qui a été choisi dans l’équipe de la Fura dels Baus pour cette production. En revanche musicalement, entre Günther Groissböck qu’on n’attendait pas dans ce répertoire, Roberto Frontali, Giorgio Berrugi et Chiara Isotton, c’est une très belle distribution et en fosse, Michele Mariotti ranimera sans doute la flamme morte, du moins on l’espère. Une œuvre à connaître de toute manière, qui ne jouit pas d’une grande faveur cependant malgré son succès avant la deuxième guerre mondiale.
C’est donc un voyage possible, si vous êtes curieux.

Le Ballet :

Le Ballet de la Scala a une grande tradition classique et ceux qui s’y intéressent se rendront certainement à Milan pour constater les premiers résultats du travail de Manuel Legris et de voir sur scène le dernier arrivé, Jacopo Tissi, « guest », et danseur étoile du BolchoÏ, qui a quitté la Russie suite aux événements que vous savez. Les ballettomanes auront peut-être plus de chance que les lyricomanes. Une saison brillante.

Productions :

Casse-Noisette (Chor. Rudolf Noureev)
Soirée chorégraphes : Dawson, Duato, Kratz, Kylián
Le Corsaire (Chor.Manuel Legris)
Soirée William Forsythe (Chor.William Forsythe)
Romeo et Juliette (Chor. Kenneth Mac Millan)
Gala Fracci
Le Lac des Cygnes (Chor.Rudolf Noureev)
Aspects of Nijinsky (Chor.John Neumeier)

 

Les concerts :

C’est toujours une carte maîtresse du théâtre, et cette année, entre les chefs de premier plan et des petits nouveaux, les concerts sont bien diversifiés et, comme la saison dernière, la programmation musicale hors opéra a des attraits que la programmation lyrique n’a pas toujours.
Les concerts symphoniques mêlent orchestre du Teatro alla Scala pour les grands concerts avec chœur et de la Filarmonica pour les concerts strictement symphoniques
La saison de la Filarmonica peut être consultée sur le site https://www.filarmonica.it/

Novembre 2022
9, 10, 12 novembre
Orchestre du Teatro alla Scala
Chœur de femmes du Teatro alla Scala
Chœur d’enfants de l’Accademia du Teatro alla Scala

Daniele Gatti, direction

Mahler, Symphonie n°3

Gatti grand mahlérien revient pour un des monuments de Gustav Mahler. À ne pas manquer

Janvier 2023
16, 18, 19 janvier
Filarmonica della Scala

Daniel Lozakovich, violon
Riccardo Chailly, direction

Tchaïkovski,
Concerto en ré majeur pour violon et orchestre op.35
Symphonie n°6 en si mineur op.74 « Pathétique »

Un programme de couleur russe quelques jours après le Boris Godounov d’ouverture

Février 2023
15, 16, 18 février
Filarmonica della Scala

Daniel Harding, direction

Mozart
Symphonie n° 39 en mi bemol majeur KV 543
Symphonie n° 40 en sol mineur KV 550
Symphonie n° 41 en ut majeur KV 551 « Jupiter »

Les trois dernières symphonies de Mozart, par Daniel Harding, assez familier de cette maison. Harding n’est jamais inintéressant,

Mars 2023
6, 8, 10 mars

Filarmonica della Scala

Marc Bouchkov, violon
Lorenzo Viotti, direction

Haydn
Symphonie n° 104 en ré majeur Hob:I:104 “London”
Korngold
Concerto en ré majeur op. 35 pour violon et orchestre
Strauss
Tod und Verklärung op.24

L’un des jeunes chefs désormais chéris de cette maison, engagé dans un programme très diversifié et une rareté, le concerto de Korngold

Avril 2023
24, 27, 28 avril

Filarmonica della Scala

Timur Zangiev, direction

Tchaikovski, Symphonie n°5 en mi mineur op.64
Chostakovitch, Symphonie n°5 en ré mineur op.47

Le jeune chef russe qui a remplacé Gergiev non sans succès dans les Dame de Pique de ce printemps, dans un programme idiomatique.


Mai 2023
18,19,20 mai
Orchestra del Teatro alla Scala
Chœur du Teatro La Fenice di Venezia
Chœur d’enfants de l’Accademia del Teatro alla Scala
Solistes:
Marina, Rebeka, Krassimira Stoyanova, Regula Mühlemann, Okka von der Damerau, Klaus Florian Vogt, Andrè Schuen, Ain Anger

Mahler, Symphonie n°8 en mi bemol majeur “Des Mille”

Immanquable, évidemment

Octobre 2023
11, 12, 14 octobre

Yuja Wang, piano
Zubin Mehta, direction

Messiaen, Turangalila Symphonie pour piano, ondes Martenot, et orchestre

Tout autant immanquable


Concerts exceptionnels


Décembre 2022
22 décembre 2022
Concert de Noël
Orchestre et chœur du Teatro alla Scala
Lauren Michelle, Annalisa Stroppa, Giovanni Sala, Luca Micheletti

Chef des chœurs : Alberto Malazzi

Zubin Mehta, direction

Haydn,
Symphonie n° 104 en ré majeur Hob:I:104 “London”
Messe en ut majeur “Paukenmesse” Hob:XXII:9

Concert de noël désormais traditionnel, au programme alléchant

Mai 2023
11 mai
Concert pour l’anniversaire de la reconstruction de la Scala
Chœur du Teatro alla Scala

Alberto Malazzi, direction

Rossini, Petite messe solennelle pour solistes, chœur, harmonium et deux pianos

Évidemment passionnant

Juin 2023
14 juin
Armonia Atenea
Gaelle Arquez, Max Emanuel Cencic, Julia Lezhneva, Suzanne jerosme, Dennis ORellana, Stefan Sbonnic
George Petrou, direction

Nicola Porpora, Carlo il calvo

Même en version de concert, la distribution vaut le coup .

Orchestres invités

Novembre 2022
19 novembre
Orchestra dell’Accademia nazionale di Santa Cecilia

Lisa Batiashvili, violon
Antonio Pappano, direction

Beethoven,
Concerto en ré majeur pour violon et orchestre op.61
Schumann,
Symphonie n°2 en ut majeur op.61

Programme très (trop ?) classique.

 

Décembre 2022
3 décembre 2022

English Baroque Solists
Monteverdi Choir

John Eliot Gardiner, direction

Bach,
du « Weihnachtsoratorium » BWV 248
Parties I-II-III

Difficile de manquer Gardiner

Mai 2023
25 mai 2023
Gustav Mahler Jugendorchester

Daniele Gatti, direction

Mahler,
Adagio de la Symphonie n°10
Symphonie n°1 en ré majeur « Titan »

Encore un Mahler, décidément prisé cette année et avec un orchestre de jeunes désormais mythique, jadis créé par Abbado. L’Italie a la chance d’avoir en son sein deux des plus grands chefs mahlériens actuels, qui sont dans la saison de la Scala, il faut en profiter.

Juin 2023
20 juin 2023
Wiener Philharmoniker

Riccardo Chailly, direction

R. Strauss
Don Juan, op 20
Guntram op. 25 Prélude
Feuersnot op.50 Scène d’amour
Ein Heldenleben op.40 Poème symphonique

Un programme Strauss qui offre deux raretés, Guntram et Feuersnot. On ne va pas bouder son plaisir avec un tel orchestre et un tel chef.

 

Récitals

Soulignons encore une fois l’initiative louable de proposer une saison de récitals, profitant souvent de la présence dans les distributions de bien des impétrants. Mais il y a récitals et récitals et je doute de Vittorio Grigolo et Michael Volle rencontrent le même public. Mais c’est aussi habile de réunir des artistes au profil radicalement différent, pour d’authentiques soirées de Lieder (Volle, Werba), de grandes soirées de folie lyrique (Netrebko, Grigolo), de belles soirées vocales (Salsi, Bernheim) et un récital que personne ne doit manquer : Rachmaninov par Evgueni Kissin et Renée Fleming sans doute le must de l’année.
C’est varié, la salle ne sera sans doute pas toujours remplie, mais c’est un programme au dosage assez séduisant.


Décembre 2022
18 décembre
Michael Volle, baryton
Helmut Deutsch, piano

Mozart, Schubert, Liszt


Janvier 2023
8 janvier 2023
Markus Werba, baryton
Michele Gamba, piano

Schubert, Winterreise op.89 D. 911

28 janvier 2023
Renée Fleming soprano
Evgueny Kissin, piano

Rachmaninov

Février 2023
26 février 2023
Vittorio Grigolo, ténor
Vincenzo Scalera, piano

Programme non communiqué

Mars 2023
19 mars 2023
Anna Netrebko, soprano
Elena Bashkirova, piano

Tchaïkovski, Rachmaninov, Rimski-Korsakov, Glinka

Juin 2023
10 juin 2023

Luca Salsi, baryton
Nelson Calzi, piano

Rossini, Bellini, Donizetti, Verdi

Octobre 2023
5 octobre 2023
Benjamin Bernheim, ténor
Carrie-Ann Matheson, piano

Chausson, Berlioz, Duparc, Puccini, Verdi

 

Grands pianistes à la Scala

On oublie souvent quand on ne vit pas ou qu’on n’a pas vécu à Milan que la Scala est non seulement le théâtre lyrique que l’on sait, mais aussi le lieu des « grands » concerts et des « grands » récitals. Il y a certes des auditoriums liés à des orchestres locaux (deux) : le troisième c’est celui du Conservatoire Giuseppe Verdi, belle salle mais moins prestigieuse et à la capacité qui ne concurrence pas la Scala. Milan n’a pas en dehors de la Scala un autre grand lieu de rendez-vous musical de prestige.
Alors les grands récitals de piano ont toujours lieu à la Scala, j’y ai par exemple entendu Horowitz, sauf pour certains programmes : un de mes souvenirs les plus frappants fut la deuxième sonate de Boulez par Maurizio Pollini au Conservatoire. Un de ces souvenirs qui poursuivent une vie.
Les solistes invités font partie de la fleur des pianistes du moment, avec le traditionnel concert de Maurizio Pollini, et la conclusion en octobre avec l’immense Igor Levit. De quoi remplir de grandes soirées.

 

Décembre 2022
11 décembre
Khatia Buniatishvili

Mozart, Bach, Chopin, Liszt, Rachmaninov, Prokofiev

 

Février 2023
13 février 2023

Maurizio Pollini

Programme non communiqué


Mars 2023
20 mars 2023

Jan Lisieki

Chopin, Études et Nocturnes

Avril 2023
2 avril

Rudolf Buchbinder

Bach, Suite anglaise n°3 en sol mineur BWV 808
Beethoven, Sonate n°23 en fa mineur op. 57 « Appassionata »
Schubert, Sonate en si bémol majeur D 960

Octobre 2023
22 octobre 2023

Igor Levit

Liszt, Liebestraum n°3
Mahler, Adagio de la Symphonie n° 10 (arrangement Ronald Stevenson)
Wagner, Prélude de Tristan und Isolde (Arrangement Zoltán Koksis)
Liszt, Sonate en si mineur.

______________________________________

Comme on le voit, comme on a pu le lire, il y a des grands moments à prévoir dans cette saison, mais pas forcément à l’opéra. Ballet, concerts symphoniques, récitals divers devraient offrir de quoi remplir les soirées.

On reste un peu hésitant face au programme lyrique, ce qui est presque un comble concernant la Scala. Des choix souvent ennuyeux, des productions qui ne font pas envie, marquées par la prudence et l’évitement de tout ce qui pourrait secouer les attentes d’un public qu’on doit estimer un peu rassis pour lui servir des choses aussi tièdes.
On connaît ce public de la Scala, très local, ou touristique et d’affaires (les foires) mais on sait aussi que les abonnements ont chuté, que l’on affiche désormais rarement tutto esaurito (complet). À ce type de public, c’est vrai qu’il ne faut servir que du digeste, et surtout pas d’effervescent. Comme d’autres théâtres, la Scala doit se relever des deux années de pandémie, mais la crise du public avait commencé bien avant. On voyait beaucoup de russes et beaucoup d’asiatiques : pour des raisons diverses, les uns et les autres ne voyagent plus. Est-ce la raison de cette prudence affichée pour ne pas heurter le public qui reste ?
Et pourtant, s’il y a des choix difficilement compréhensibles (I vespri siciliani), il y a des titres exigeants ou moins connus (Boris, Salomé, Peter Grimes, Rusalka Macbeth), des titres rares (Li zite n’galera, L’amore dei tre Re’) des titres populaires (Barbiere, Lucia, Chénier, Hoffmann ), des productions mythiques (Nozze, Bohème), c’est à dire une composition soucieuse d’équilibres qui devrait convaincre, et qui ne convainc pas.

Je persiste à croire qu’un peu plus d’ouverture sur les productions et les mises en scène ne devrait pas nuire, je persiste à croire que c’est cette image un peu passéiste des choix scéniques qui jette sur l’ensemble, peut-être injustement, une image poussiéreuse qui n’est pas compensée par des chefs incontestables et des distributions qui font naître l’envie… Mais on continue à l’aimer, ce satané théâtre qui nous énerve tant.

LA SAISON 2021-2022 DU TEATRO DI SAN CARLO DE NAPLES: CHI VA PIANO VA SANO

Après les péripéties de la saison dernière, l’arrivée fracassante de Stéphane Lissner à la tête du plus vénérable des opéras d’Europe, riche d’une tradition séculaire, nous voici revenus à l’ordinaire d’une saison, que comme partout, on espère au moins complète. L’histoire récente de ce théâtre n’est pas médiocre, on y a vu des productions intéressantes, et la période Purchia a été réellement une période qui a « remonté » le théâtre, qui comme toutes les institutions culturelles italiennes, a souffert des variations politiques de l’Etat, dont la culture n’était pas forcément la préoccupation essentielle.
La saison présentée à Stéphane Lissner, sans être un feu d’artifice, est solide et affiche au moins une brochette de voix telle qu’on n’en avait pas vues au San Carlo depuis longtemps comme Radvanovsky, Netrebko, Kaufmann, Oropesa, Abdrazakov, Rashvelishvili. Du point de vue des chefs, c’est un peu moins éclatant, comme si à l’opéra c’étaient seulement les voix qui comptaient : on va entendre Mariotti qui ouvre la saison, mais il ouvrira désormais à partir de 2023 celles de l’Opéra de Rome, et la ligne musicale et orchestrale est une question qu’il faut poser fortement : si la question du chœur est résolue depuis quelques mois par la venue de José-Luis Basso, celle de l’orchestre vient de l’être : Juraj Valčuha au pupitre depuis 2016 va laisser sa place à Dan Ettinger qui va lui succéder à partir de janvier 2023. C’est un choix de sécurité, de solidité, et de raison plus qu’un choix d’éclat artistique: Dan Ettinger, bon chef, est à la tête du Stuttgarter Philharmoniker mais a aussi été plusieurs années directeur musical au Nationatheater de Mannheim, cela signifie un répertoire lyrique important tout en ayant aussi un répertoire symphonique large, et c’est essentiel à Naples qui n’a pas d’orchestre autre que celui du San Carlo. Juraj Valčuha est un très bon chef, mais plus symphonique que lyrique: il dirige cette année seulement une production, et cinq programmes symphoniques.
Pour une phalange comme l’Orchestre du San Carlo, les concerts sont essentiels pour élargir le répertoire, aller de l’avant techniquement et devenir un orchestre plus “hybride” qui correspond mieux à la situation locale. En ce sens, Dan Ettinger a la double expérience symphonique (outre Stuttgart en Israël d’où il est originaire et au Japon notamment) et lyrique (il a dirigé dans la plupart des grands théâtres européens).

Enfin, Stéphane Lissner nous avait dit afficher une certaine prudence sur les mises en scène, et se donnait quelques années avant d’afficher des noms de la mise en scène plus incisifs. Cette année, le nom le plus intéressant est Barrie Kosky, qui vient avec sa production d’Eugène Onéguine, l’une des meilleures sur le marché (co-production Komische Oper, Opernhaus Zürich) avec celle de Tcherniakov au Bolchoï, et prudemment encore il affiche Barrie Kosky dans un titre russe, moins sensible qu’un titre italien.
En revanche, Barenboim a annulé sa venue cette année avec le WEDO, et l’on n’a pas encore de titre de baroque napolitain dans le théâtre de Cour, ce qui avait été annoncé. Sans doute aussi l’académie qu’il a créée n’est-elle pas encore vraiment opérationnelle: vu la situation des théâtres en 2020-2021, bien des projets ont été annulés ou repoussés partout .
Le San Carlo propose une offre qui marque une rupture nette par rapport aux distributions, d’un niveau décidément plus élevé que les années passées, c’est discutable encore pour les chefs et les metteurs en scène, mais la saison est complète, bien articulée, et fait une place importante au Bel Canto, tradition du théâtre, comme il avait été promis.

Les productions :

 

Novembre-décembre 2021
Giuseppe Verdi, Otello (MeS : Mario Martone/Dir : Michele Mariotti)
Avec Jonas Kaufmann (21 nov-4 déc)/ Yusif Eyvazov (7 déc-14 déc), Maria Agresta, Igor Golovatenko, Alessandro Liberatore etc….
Une ouverture de saison avec Jonas Kaufmann pour cinq représentations dans un de ses derniers grands rôles, c’est excitant. Maria Agresta est une Desdemona de bonne facture. On est plus surpris par Igor Golovatenko, très bon chanteur par ailleurs, dans Iago, mais acceptons-en l’augure. La direction de Michele Mariotti est une assurance de qualité et la mise en scène de Mario Martone une assurance de sagesse. Une production solide et sans aucun risque.
(8 repr. du 14 nov. au 14 déc.)

Janvier 2022
Gaetano Donizetti, Lucia di Lammermoor
(MeS : GiannI Amelio/Dir : Carlo Montanaro)
Avec Nadine Sierra, Pene Pati, Gabriele Viviani
Reprise de la production de 2012 qui avait fait parler d’elle, signée du cinéaste Gianni Amelio d’une œuvre créée pour le San Carlo : de ce point de vue Lissner tient parole. Le bel canto s’affirme dès la première reprise dans la saison.
Le plateau est flatteur, avec deux voix jeunes dont on parle, la délicieuse Nadine Sierra et le ténor samoan Pene Pati, qui circule de Vienne à San Diego, en passant par Paris et Berlin une belle recrue pour le bel canto. Direction de Carlo Montanaro, un des chefs qu’on a eu à Paris pour les reprises de répertoire.
(6 repr. du 15 au 29 janv.2022)

Vincenzo Bellini, La Sonnambula (Dir : Lorenzo Passerini)
Avec Jessica Pratt, Alexander Vinigradov, Lawrence Brownlee
Malicieuse soirée concertante avec un des grands chefs d’œuvre du belcanto, pour clore un janvier belcantiste et ainsi afficher une Jessica Pratt bien connue, machine efficace en acrobaties vocales, mais surtout Lawrence Brownlee, un des grands ténors rossiniens et belcantistes de l’époque sous la direction d’un jeune chef de trente ans à peine, Lorenzo Passerini, qu’on commence à voir un peu partout de Las Palmas à Francfort en passant par Turku. Une soirée qui ne coûte pas vraiment cher, et donne un signe…
(30 janvier 2022)

Février 2022
Giuseppe Verdi, Aida
(MeS : Franco Dragone / Dir : Michelangelo Mazza)
Avec Anna Netrebko/Yusif Eyvazov (3 repr. du 15 au 21/02) et Anna Pirozzi/Stefano La Colla (4 repr. du 17 au 26/02) Ekaterina Gubanova (4 repr. du 15 au 26/02)/Agnieszka Rehlis (3 repr. du 17 au 23/02), Franco Vassallo.
Un des coups de l’année, la présence pour trois représentations du couple glamour de l’opéra et de Ekaterina Gubanova en Amneris. Même la distribution B n’est pas si mal, assurée par Anna Pirozzi qui avait été une belle Aida en plein air la saison dernière sur la piazza Plebiscito.  La production est celle qui avait ouvert la saison en 2013 et qui a aussi servi à des représentations d’Aida dans des Zenith divers. Autant dire qu’elle ne sera pas dérangeante. La direction est assurée par Michelangelo Mazza, jeune chef qui ne m’avait pas convaincu à Bussetto, mais qui convainc régulièrement le couple Netrebko/Eyvazov qu’il accompagne souvent en concert, ce qui est un argument massue.
(7 repr. du 15 au 26 février 2022)

Sondra Radvanovsky, le « tre regine » (Concert ; Dir : Riccardo Frizza)
Scènes finales des trois opéras de Donizetti, Anna Bolena, Maria Stuarda, Roberto Devereux
Avec Sondra Radvanovsky, Eduardo Milletti, Antonio di Matteo, Giulio Pelligra, Martina Belli, Sergio Vitale, Caterina Piva.
Stéphane Lissner a annoncé des productions des trois opéras de Donizetti sur « les trois reines », dont deux ont été créés à Naples, Maria Stuarda sous un autre titre en 1834 et Roberto Devereux en 1837. Espérons que ce concert n’est que l’apéritif d’un festin donizettien futur, avec la reine du belcanto et du chant verdien Sondra Radvanovsky qui a été rare en Italie ces dernières années. Un joli cadeau d’hiver au public du San Carlo avec au pupitre le « donizettien » officiel d’Italie, Riccardo Frizza, par ailleurs directeur musical du Festival Donizetti de Bergamo.
(Les 19 et 22 février)

Mars 2022
Mozart, Cosi fan tutte
(MeS : Chiara Muti/Dir : Dan Ettinger)
Avec Mariangela Sicilia, Serena Malfi, Alessio Arduini, Giovanni Sala, paolo Bordogna, Damiana Mizzi.
Reprise de la production familiale d’un Cosi fan tutte conçu ad hoc pour le retour de Riccardo Muti au San Carlo il y a quelques années. Muti n’est pas là, mais Dan Ettinger, familier de Paris aux temps de Lissner. Une distribution équilibrée où l’on note la délicieuse Mariangela Sicilia en Fiordiligi et surtout le Don Alfonso de Paolo Bordogna, qui pour une fois sort du Rossini bouffe où il excelle pour un Mozart pas si bouffe… Wait and see.
(6 repr. du 23 mars au 2 avril 2022)

Avril-mai 2022
Giacomo Puccini, Tosca (MeS : Eduardo De Angelis/Dir : Juraj Valčuha)
Avec Oksana Dyka, Piero Pretti, Ildar Abdrazakov
Deux prise de rôles, le ténor très efficace Piero Pretti, solide et fiable, en Cavaradossi et Ildar Abdrazakov dans un rôle où il est inattendu, Scarpia. En face, hélas, il y aura la Tosca d’Oksana Dyka, l’une des pires Tosca de ma vie, entendue à la Scala et à jamais rayée de mes cadres. Comment Lissner peut-il afficher à Naples, un des temples du belcanto la reine du malcanto quand elle s’essaie au répertoire italien ? En fosse, le directeur musical pour sa seule production de l’année.
(5 repr. du 20 avril au 3 mai 2022)


Mai 2022
Marina Abramović/Marko Nikodijević, 7 deaths of Maria Callas
(MeS : Marina Abramović/Dir: Yoel Gamzou)
Avec Marina Abramović, Annalisa Stroppa, Kristine Opolais, Roberta Mantegna, Selene Zanetti, Zuzana Markovà, Nino Machaidze, Valeria Sepe
Brochette de belles chanteuses pour cet hommage performance à Maria Callas, conçu par la performeuse Marina Abramović dans un spectacle né à Munich qui fait le tour d’Europe.
Coproduction Bayerische Staatsoper, Teatro di San Carlo, Deutsche Oper Berlin, Greek National Opera Athens, Liceu de Barcelona, Opéra National de Paris
(5 repr. du 13 au 15 mai 2022) (2 repr. les 13 et 14 mai)

Juin 2022
Tchaïkovsky, Eugène Onéguine (MeS : Barrie Kosky/Dir : Fabio Luisi)
Avec Alexander Tsymbaliuk, Artur Rucinski, Michael Fabiano, Elena Stikhina, Monica Bacelli, Maria Barakova
Un chef d’œuvre de la mise en scène, l’un des très belles productions signées Barrie Kosky, vue à la Komische Oper et à l’Opernhaus Zürich. Avec la production Tcherniakov, c’est sans doute aujourd’hui la meilleure prod. d’Eugène Onéguine, qui vaut le voyage. De plus, c’est la deuxième apparition (comme me le fait remarquer un lecteur italien attentif) d’une mise en scène de Barrie Kosky en Italie, toujours à la traine quand il s’agit de (bonnes) mises en scène: on a vu en effet  à Rome la fameuse Zauberflöte coréalisée avec Suzanne Andrade, mais jamais de production 100% Kosky . Direction offerte au rigoureux Fabio Luisi, pas toujours imaginatif, mais toujours précis et propre, et distribution de bon niveau, sans être renversante. Il faut y aller… et juin à Naples est si agréable.
Production de la Komische Oper de Berlin
(5 repr. du 15 au 26 juin 2022)

Juillet 2022
Rossini, Il Barbiere di Siviglia 
(MeS : Filippo Crivelli/Dir : Riccardo Frizza)
Avec Davide Luciano, Carlo lepore, Aleksandra Kurzak, Xaber Anduaga, Riccardo Fassi
Pour la saison d’été, on actionne les tiroirs caisses, avec cette production historique, qui remonte à 1998, l’une des belles productions de l’histoire récente de ce théâtre, élégante, ignorant la vulgarité dans les décors d’Emanuele – dit Lele- Luzzati . Même si Riccardo Frizza n’est pas forcément la meilleure des idées pour Rossini, on ne se moque pas du monde au vu de la distribution qui affiche notamment le meilleur Figaro d’aujourd’hui, Davide Luciano, et l’Almaviva du futur, Xaber Anduaga. Allez, après un week end en juin, un petit week end en juillet à Naples ne fera pas de mal…
(5 Repr. du 6 au 16 juil. 2022)

 

Verdi, La Traviata (MeS : Ferzan Özpetek /Dir : Francesco Ivan Ciampa)
Avec Pretty Yende/Rosa Feola, Francesco Demuro/Yijie Shi, Carlos Alvarez/Simone del Savio, Daniela Mazzuccato.
Saison d’été signifie tourisme (si le Covid est oublié) et donc propositions populaires. Après un beau Barbiere di Siviglia, la reprise d’une Traviata maison (2017) qui fit parler, signée du réalisateur Ferzan Özpetek dans de beaux décors de Dante Ferretti. Avec deux distributions qui affichent deux jeunes vedettes du chant, Pretty Yende et Rosa Feola et notamment le grand Carlos Alvarez en Germont aux côtés de Yende. Au pupitre, le chef Francesco Ivan Ciampa, l’un des très bons chefs de sa génération. Une production solide, qui devrait attirer du public.
(8 repr. du 22 au 30 juillet 2022)

Septembre 2022
Bellini, I puritani
(MeS : Emilio Sagi /Dir : Giacomo Sagripanti)
Avec Lisette Oropesa, Xaber Anduaga, Davide Luciano etc…
Une reprise alla grande après l’été, pour la première apparition de Lisette Oropesa au San Carlo, et dans une prise de rôle, entourée des excellents Anduaga et Luciano. En fosse, Giacomo Sagripanti, qui semble entamer une très belle carrière de chef dans la péninsule et hors de la péninsule, même s’il ne m’a jamais vraiment pleinement convaincu, et une mise en scène d’Emilio Sagi, qui ne devrait pas choquer les bonnes âmes, venue du Teatro Real. Mais pour Oropesa et Anduaga, peut valoir un petit tour.
Production du Teatro Real de Madrid (2016)
(4 repr. du 7 au 16 septembre 2022)

Septembre-Octobre 2022
Saint-Saëns, Samson et Dalila
(MeS : Damián Szifron /Dir : Dan Ettinger)
Avec Anita Rashvelishvili, Brian Jagde, Ernesto Petti, Gabriele Sagona, Roberto Scandiuzzi.
L’accueil houleux à cette production lors de la création berlinoise en 2019 se reproduira-t-il à Naples ? Le cinéaste Damián Szifron a opté pour une reconstitution de l’épopée biblique qui semble avoir bien déplu, au point de provoquer des réactions violentes du public, malgré la belle distribution d’alors (Garanča, Volle, Jovanovich, Barenboim). Belle distribution aussi au San Carlo dominée par Anita Rasvelishvili, qui débute à Naples et Brian Jagde, solide ténor qui débute dans le rôle de Samson. En fosse, Dan Ettinger, un chef qui devrait convenir à ce répertoire ; wait and see…
Production de la Staatsoper Unter den Linden Berlin (2019)
(4 repr. du 29 sept. au 9 oct 2022)

Octobre-Novembre 2022
Wagner, Tristan und Isolde
(MeS : Lluis Pasqual/Dir : Constantin Trinks)
Avec Nina Stemme, Stuart Skelton, René Pape, Brian Mulligan, Okka von der Damerau
Brelan d’as pour cette dernière production de l’année, qui reprend pour la troisième fois la production ancienne mais correcte de Lluis Pasqual (2004), avec en fosse Constantin Trinks, l’un des bons chefs allemands d’aujourd’hui. Skelton et Pape (qui débutent au San Carlo), et Stemme, l’une des grandes Isolde de ces dernières années, seront pour le public du San Carlo un magnifique cadeau, avec à leurs côtés Okka von der Damerau qui vient de triompher dans le Tristan mythique de Munich, et l’excellent Brian Mulligan en Kurwenal. Un Tristan ne se manque pas.
(4 repr. du 27 octobre au 5 nov.)

Quatorze propositions dont deux sous forme de concert, et une première impression qui est une petite déception par rapport aux attentes, mais le contexte covidien oblige à la prudence, pour ne pas avoir sur les bras de nouvelles productions à reprogrammer. On compte donc une seule nouvelle production maison, l’Otello inaugural, trois nouvelles productions venues d’ailleurs, l’Eugène Onéguine, sans doute le clou de l’année en matière de mise en scène, Samson et Dalila et I Puritani. Le reste sont des productions maison qui ont laissé de bons souvenirs et qui pour la plupart bénéficient de distributions notables, voire excellentes.
Par ailleurs, une programmation de concerts régulière avec notamment un « Festival de piano » (22 avril- 5 mai) qui réunit rien moins que Daniel Barenboim, Alexandra Dovgan, Beatrice Rana, Bertrand Chamayou, Benjamin Grosvenor, Yuja Wang, Rafla Blechacz nous rappelle l’importance et la nécessité d’une saison musicale et symphonique à Naples, s’appuyant pour partie sur les chefs présents en fosse à l’opéra. Ainsi, outre les concerts du directeur musical  la saison affiche aussi des noms comme Fabio Luisi, Michele Mariotti, James Gaffigan, Ingo Metzmacher, Mark Elder, Dan Ettinger, Henrik Nánási

Stéphane Lissner est prudent, il assure des arrières et garantit d’abord des distributions solides voire exceptionnelles, pour montrer qu’il suit les indications qu’il avait données. Du point de vue des mises en scène, il reste très sage, en s’appuyant notamment sur les réserves locales qui est aussi une manière de rendre hommage à la mémoire du théâtre et au travail effectué précédemment. La mise en scène la plus « originale » est celle de Barrie Kosky avec Eugène Onéguine, une garantie de succès et en même temps une manière d’introduire à dose très mesurée des esthétiques nouvelles.
Sur les chefs, on ne sort pas globalement de ceux qui s’affichaient souvent à Paris, et je ne suis pas loin de penser que la nomination de Michele Mariotti à la direction musicale de l’Opéra de Rome a un peu perturbé des plans futurs, même si le successeur de Juraj Valčuha  a été désigné il y a quelques jours, comme on l’a dit plus haut
Sur les titres affichés en revanche, il affirme nettement une ligne belcantiste : on entendra Donizetti (Lucia, Sonnambula, les trois reines en concentré) et Bellini (I puritani), mais aussi par ailleurs Verdi (Otello, Aida, Traviata), Rossini (Il Barbiere) et Puccini (Tosca). Brèves incursions dans le répertoire allemand (Tristan), français (Samson) et russe (Onéguine) et une performance contemporaine autour de Callas par Marina Abramović : au total, une saison diversifiée, sans aucune prise de risque, moins inventive que prévue, mais sûrement pas médiocre, moins en tous cas que celle d’un autre théâtre de même importance historique plus au nord (suivez mon regard…). On attendra donc pour constater véritablement un « effet Lissner » la saison 2022-2023, mais on pourra faire le voyage de Naples, jamais désagréable, plusieurs fois dans l’année.

LA SAISON 2021-2022 de la BAYERISCHE STAATSOPER: SERGE DORNY INAUGURE SON MANDAT D’INTENDANT

Ce n’est pas un secret, Wanderer aime la Bayerische Staatsoper, assidument fréquentée depuis 1978. Les lecteurs du site wanderersite.com et de ce blog connaissent le nombre de spectacles dont nous avons rendu compte. C’est à notre avis l’une des maisons de référence en Europe. Elle connaît cette année un changement de pilote : il est difficile de ne pas considérer les projets qui vont y naître, d’autant qu’elle sort d’une période brillante, dominée par la présence, plus rare ces dernières années, de Kirill Petrenko, qui drainait les foules sur son seul nom et même si du point de vue des productions il y a eu quand même un peu de médiocrité pour beaucoup d’exceptionnel…

 

C’est évidemment l’une des saisons les plus attendues, dont bien peu de titres ont fuité, parce que c’est la première saison de Serge Dorny, nouvel Intendant de la Bayerische Staatsoper et de Vladimir Jurowski, néo GMD de Munich qui prendra ses fonctions en septembre 2021. Contrairement à ce que certains journalistes ont écrit lors de son Rosenkavalier récent, il n’est pas encore en poste.
Voilà une saison que Serge Dorny place sous un motto humaniste et prometteur: « Chaque homme est un roi, chaque femme une reine » issu d’une phrase de l’auteur hongrois Dezsö Kosztolányi:
“Chaque homme est un chef-d’œuvre. Dans ses yeux, la souffrance et le désir d’être aimé. Dans son cœur, des expériences et des souvenirs, tout comme dans le vôtre. Et sur sa tête, le sommet de son crâne, comme une couronne royale.Chaque homme est un roi.”.
Il entend promouvoir dans sa programmation et dans les initiatives diverses, nouvelles ou pas, la diversité, dans tous les sens du terme, sociale, culturelle, musicale, l’accessibilité du théâtre pour tous, et à l’inverse que le théâtre aille à tous, en se déplaçant à l’extérieur de la ville ou dans divers lieux de la cité. Pour ce faire, il créée aussi deux festivals,

  • « Septemberfest » (septembre en fête) où entre concerts extérieurs, y compris loin de Munich (Ansbach), fêtes dans les espaces de la Résidence, de grands opéras du répertoire (Gianni Schicchi etc…) avec des interprètes d’exception, il veut créer de l’envie.
  • « Ja-Mai Der neue Festival» (le nouveau festival) il veut justement créer un Festival “du nouveau”, mêlant musiques d’hier et d’aujourd’hui en montrant permanences et différences, dans divers lieux culturels de la ville.
  • Enfin, les Münchner Opernfestspiele plus que séculaires, auront un thème directeur annuel, cette année « Strauss, l’opéra et le temps qui passe », autour d’opéras de Strauss au répertoire de Die Frau ohne Schatten à Der Rosenkavalier avec une nouvelle production (Capriccio).

Ce qui frappe, c’est la ligne d’une programmation qui cette année annonce une couleur nouvelle donnée au répertoire, qui va s’élargir un peu plus au XXe siècle et à des œuvres non encore présentées à Munich comme Le Nez de Chostakovitch ou Les Diables de Loudun. À cet effet, il fait appel à tout ce que le monde du théâtre compte comme metteurs en scène d’exception.
Au total, une programmation exigeante, à la fois complexe et accessible. C’est un pari séduisant, qui veut imposer la culture comme une obligation pour la construction de l’humain, mais une culture sans concession, qui doit servir l’intelligence et non l’autosatisfaction, au risque du conflit, du rugueux : je n’invente rien, tout est dit dans les divers documents qu’on pourra aussi trouver sur le site staatsoper.de.
En fait les principes qui ont porté Lyon au sommet des opéras en Europe sont repris, dans une maison aux moyens considérables, riche d’une tradition séculaire, et qui se porte déjà très bien après la brillante période Bachler/Petrenko. Au lieu de se reposer sur du plan-plan de luxe, les choses vont être un peu bousculées et c’est particulièrement stimulant.

Les nouvelles productions :

Octobre-novembre 2021
Chostakovitch, Le Nez (
MeS: Kirill Serebrennikov/Dir : Vladimir Jurowski)
Avec Doris Soffel, Laura Aikin, Boris Pinkhasovich, Sergei Leiferkus, Andrey Popov, Tansel Akseybek  Gennadi Bezzubenkov etc…
C’est surprenant mais l’œuvre n’est pas au répertoire du théâtre, alors qu’elle est l’une des pièces les plus emblématiques de Chostakovitch, couronnant en quelque sorte sa première période « futuriste » (Création en 1930)… trop futuriste sans doute puisque l’URSS devra attendre 1974 pour qu’elle soit de nouveau proposée. Appuyée sur le regard sarcastique de Gogol sur l’ambiance péterbourgeoise, elle peut être adaptée à de nombreux contextes et styles. Kirill Serebrennikov en signera une mise en scène sans nul doute très contemporaine et engagée. La liste des interprètes parle d’elle-même, on y trouve les meilleurs chanteurs, dont la grande Doris Soffel, Sergei Leiferkus, ou Boris Pinkhasovitch. C’est aussi une œuvre emblématique pour Vladimir Jurowski, une sorte de signature initiale qui donne un vrai ton à la programmation.
(7 repr. Du 24/10 au 5/11 et les 17 et 20/07)

Décembre 2021-janvier 2022
Lehár, Giuditta (MeS: Christoph Marthaler/Dir : Gábor Káli)
Avec Vida Miknevičiūtė, Jochen Schmeckenbecher, Daniel Behle, Kerstin Avemo, Sebastian Kohlhepp
(6 repr. du 18/12 au 6/01)
Une œuvre de Lehár créée à l’Opéra de Vienne en 1934, et qui pourtant n’a pas marqué les mémoires, alors qu’elle fut retransmise à l’époque par 120 radios dans le monde. C’est une œuvre hybride, qui illustre à l’instar des Contes d’Hoffmann d’Offenbach, le désir de son auteur de se confronter à un style plus sérieux, entre opérette et opéra, compte tenu qu’il existe aussi des opérettes sérieuses. C’est exactement le profil qui convient à Christoph Marthaler, qui adore ces œuvres entre chien et loup, qui permettent aussi bien à la fantaisie que la mélancolie de s’installer. Distribution de très haut niveau évidemment, et direction musicale confiée à un jeune chef hongrois peu connu, Gábor Káli lauréat du concours de jeunes chefs d’orchestres de Salzbourg en 2018, et l’un des plus sûrs espoirs de la baguette parce qu’il a triomphé souvent depuis, aussi bien au concert qu’à l’opéra.

Janvier-février-mars 2022
Leoš Janáček, La petite renarde rusée (
MeS: Barrie Kosky/Dir : Mirga Grażinyté-Tyla)
Avec Wolfgang Koch, Yajie Zhang, Elena Tsallagova, Angela Brower etc…
L’œuvre mi-figue, mi-raisin de Janáček, conte animalier et donc histoire d’une profonde humanité, d’une infinie poésie, non dépourvue de tristesse et de nostalgie, est confiée à Barrie Kosky, mage du théâtre et magnifique raconteur d’histoires. La distribution est dominée par Elena Tsallagova (la renarde) et Wolfgang Koch (le garde-chasse). En fosse, pour la première fois à Munich, Mirga Grażinyté-Tyla, Directrice musicale  du Birmingham Symphony Orchestra, l’une des baguettes les plus riches d’avenir aujourd’hui. Il faudra sans doute faire le voyage.
(9 repr. Du 30/01 au 15/02, 11 et 16/07(Oper für alle).


Février-mars-juillet 2022
Benjamin Britten, Peter Grimes (
MeS: Stefan Herheim, Dir: Edward Gardner)
Avec Stuart Skelton, Rachel Willis-Sørensen, Iain Paterson, Claudia Mahnke etc…
Autre grand moment de la saison, la première mise en scène à Munich de Stefan Herheim qui se confronte au chef d’œuvre de Britten absent du Nationaltheater depuis une vingtaine d’années. En fosse, Edward Gardner, un spécialiste de ce répertoire, successeur de Vladimir Jurowski au London Philharmonic Orchestra. Stuart Skelton est Peter Grimes, retissant l’histoire des ténors wagnériens se confrontant au chef d’œuvre de Britten (souvenons-nous de Jon Vickers, qui fut longtemps le Peter Grimes de référence, après Peter Pears), à ses côtés une distribution particulièrement adaptée à cette œuvre, Rachel Willis-Sørensen, Iain Peterson, Claudia Mahnke par exemple. Un retour qui se veut marquant.
(7 repr. Du 28/02 au 13/03, 9 et 12/07)

Le Cuvillés-Theater

Mars 2022
Haydn, L’infedeltà delusa
(MeS: Marie-Eve Signeyrole/Dir : Giedré Šlekytė)
Avec les membres de l’Opéra-Studio de la Bayerische Staatsoper
(6 repr.du 19 au 29/03)
Pour l’Opéra Studio, dans l’écrin somptueux du Théâtre Cuvilliés, un opéra de Haydn, bien plus rare sur les scènes d’opéra que sur les podiums d’orchestres. L’infedeltà delusa (livret de Marco Coltellini) qui remonte à 1773, raconte une histoire marivaudienne de couples, de déguisements ancêtre de Cosi fan tutte en quelque sorte. Œuvre idéale pour de jeunes chanteurs, parce qu’elle oblige à la fois au jeu théâtral de la comédie et du même coup à une véritable attention au texte, sans de monstrueuses difficultés de chant. Dans la fosse, Giedré Šlekytė, une autre cheffe d’orchestre lithuanienne d’avenir et pour la mise en scène Serge Dorny a invité Marie-Eve Signeyrole, dont on a pu voir récemment à Strasbourg Samson et Dalila, et qui travaille régulièrement en Allemagne.
La production du Studio est un rendez-vous annuel traditionnel, et la rencontre avec Haydn est une excellente idée.
Bayerisches Staatsorchester
Cuvilliés-Theater

Mai-Juillet 2022
Berlioz, Les Troyens (
MeS: Christophe Honoré/Dir : Daniele Rustioni)
avec Marie-Nicole Lemieux, Eve Maud-Hubeaux, Anita Rashvelishvili/Ekaterina Sementchuk, Stéphane Degout, Gregory Kunde/Brandon Jovanovitch
Une équipe liée à Serge Dorny pour ces Troyens qui reviennent à Munich après deux décennies d’absence (précédente production avec Zubin Mehta au pupitre), d’une part il offre à Christophe Honoré cette œuvre monumentale, mais aussi intimiste, qui devrait lui convenir, notamment en confrontant sa grande sensibilité aux destins des deux grands personnages féminins. Ce sera l’occasion pour le public munichois de découvrir l’approche si particulière de Christophe Honoré, qui pour la première fois passe les frontières. L’autre compère, c’est Daniele Rustioni, premier chef invité à Munich désormais, qui adore la musique de Berlioz. Enfin une distribution particulièrement soignée (plus séduisante en mai qu’en juillet à mon avis) sur le plateau, Marie-Nicole Lemieux en Cassandre, Anita Rashvelishvili en Didon (Ekaterina Sementchuk en juillet) et surtout Gregory Kunde en Énée (Brandon Jovanovich en juillet), entourés notamment de Stéphane Degout (Chorèbe) et de Eve-Maud hubeaux en Ascagne et notons le ténor Martin Mitterrutzner en Iopas, c’est paraît-il un des ténors de l’avenir.
On ira, bien entendu.
(7 repr. du 9 au 29 mai, et les 6 et 10 juillet)

 

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Festival Ja-Mai der neue Festival (en divers lieux culturels de la cité)

C’est sans doute la plus grande nouveauté de l’année, un festival de Printemps qui associe des formes très contemporaines et d’autres anciennes, qui confronte les genres, le langage, parlé, chanté, psalmodié, qui confronte et qui tresse. Mais un festival qui sort aussi de la grande maison pour aller au contact d’autres lieux, d’autres institutions, qui ainsi accueillent aussi ces formes nouvelles, mais aussi d’autres ensembles musicaux. Cette année c’est une trilogie de Georg Friedrich Haas (et de son librettiste Händl Klaus) créées dans le cadre intime du merveilleux théâtre de Schwetzingen en 2016 qui est ici reprise, chacun des œuvres, Thomas, Bluthaus et Koma tressée à des madrigaux de Monteverdi et faisant chacun l’objet d’une production avec une équipe différente.

Georg Friedrich Haas/Claudio Monteverdi :
Thomas/ Il lamento di Arianna (MeS : Anne Sophie Mahler, Dir : Alexandre Bloch)
Avec Holger Falk, Konstantin Krimmel, Caspar Singh etc…
Münchener Kammerorchester
L’équipe la plus nouvelle, le jeune chef français (excellent) Alexandre Bloch, directeur musical de l’Orchestre National de Lille qui conduira le Münchener Kammerorchester et la metteuse en scène berlinoise Anne-Sophie Mahler, qui a été aux écoles de Marthaler et de Schlingensief, qui la rend immédiatement sympathique et qui conduit une carrière de théâtre et d’opéra un peu partout en Allemagne.
(4 repr. du 20 au 29 mai)
à la Reithalle

Bluthaus/Il lamento della ninfa/Il ballo delle ingrate (MeS : Claus Guth, Dir : Titus Engel)
Avec Vera-Lotte Böcker, Nicola Beller-Carbone, Bo Skovhus
Bayerisches Staatsorchester
Production Bayerische Staatsoper, Residenztheater München
Coproduction Opéra National de Lyon, Bergen Nasjonale Opera
Une production qu’on verra à Lyon dans les prochaines années, et une équipe plus connue, composée du chef suisse remarquable Titus Engel (qui a dirigé à Lyon le dernier Château de Barbe-Bleue, et Claus Guth, absent de l’Opéra de Munich depuis au moins une décennie, avec une distribution très solide où l’on note la présence de Bo Skovhus.
(5 repr. du 21 au 29/05)
Au Cuvilliés-Theater

Koma/Il combattimento di Tancredi e Clorinda (MeS: Romeo Castellucci, Dir : Teodor Currentzis)
Avec Kayleigh Decker, Deanna Breiwick, Daniel Gloger, Nikolaï Borchev
MusicAeterna
Production Bayerische Staatsoper, Münchner Volkstheater, Münchner Kammerspiele,
Coproduction Theater Basel, Théâtre National Croate de Zagreb, Opéra de Rouen, Novaya Opera Moscou Münchner Volkstheater
(4 repr. du 22 au 29 mai)
Au Münchner Volkstheater.
Gradation dans la sensation, l’équipe Castellucci/Currentzis fera courir le banc l’arrière banc et tous les animaux du pays lyrique munichois et non munichois.
Comme on peut le constater, une entreprise complètement neuve, ouverte, et riche de potentialités, qui devrait si elle fonctionne, devenir un rendez-vous incontournable.

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Juin 2022
Krzysztof Penderecki, Die Teufel von Loudun (Les diables de Loudun) (
MeS: Simon Stone/Dir : Vladimir Jurowski)
Avec Ausrine Stundyté, John Lundgren, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Ursula Hesse von der Steinen, Lindsey Ammann etc…
Bayerische Staatsorchester
En ouverture du festival d’été, l’œuvre de Penderecki jamais jouée à Munich qui raconte l’histoire des possédées de Loudun et du malheureux prêtre Urbain Grandier (racontée dans le fameux film en 1971 de Ken Russell, Les Diables qui a sans doute puisé l’idée dans cette œuvre). Elle sera jouée dans la version originale de 1969 (Hambourg) qui selon Vladimir Jurowski est plus « rude » musicalement que la version révisée de 2012-2013. Distribution exceptionnelle et mise en scène de Simon Stone, quoi va sans doute créer un univers particulier dont il a le secret, tel que celui créé pour le Lear de Reiman à Salzbourg
(4 repr. du 27 juin au 7 juillet)

Prinzregententheater

Juillet 2022
Richard Strauss, Capriccio
(MeS: David Marton, Dir : Lothar Koenigs)
Avec Diana Damrau, Michael Nagy, Pavol Breslik, Vito Priante, Tanja Ariane Baumgartner etc…
Distribution éblouissante pour cette première à Munich de la production vue à Lyon et Bruxelles d’un David Marton familier des Kammerspiele de Munich mais qui n’a jamais travaillé à la Staatsoper. Marton s’intéresse au travail sur les livrets, à la relation entre texte et musique (il est lui-même musicien) et à la déconstruction des œuvres. C’est dans ce sens l’œuvre idéale pour lui, lieu d’un débat théorique sur le genre opéra, alors que l’Europe entière se) déchire sous les bombes (création en 1942), c’est cet aller-retour entre Art et barbarie qui fascine et qui confirme que l’art doit triompher, toujours et partout.
(5 repr. du 17 au 27/07)
Au Prinzregententheater

On peut le constater, ces nouvelles productions sont nettement orientées vers le XXe siècle, en proposant une large palette de styles aussi bien  traditionnels (Peter Grimes) que résolument contemporains (Trilogie de Georg Friedrich Haas) mais aussi de format (avec de gros formats comme Les Troyens et Les Diables de Loudun), mais aussi large palette de traditions, russe, française, britannique, germanique en restant soucieux de la tradition de la maison avec le focus sur Richard Strauss incluant la nouvelle production de Capriccio. L’offre est exigeante mais loin d’être inaccessible parce qu’elle suit une ligne précise et surtout parce qu’à tous niveaux la qualité est exceptionnelle, et pas seulement sur les nouvelles productions, mais aussi pour le répertoire.

Répertoire :

 

On ne va pas s’intéresser à chaque titre, le lecteur reconnaîtra les siens, mais signaler çà et là les nouveautés. Car il y en a, notamment pour les chefs qui assurent les représentations ; on va voir dans la fosse de très nombreuses nouvelles têtes pour Munich, des chanteurs confirmés, mais aussi des voix nouvelles.
Rappelons ce que signifie répertoire en termes d’organisation.
Un théâtre de répertoire entretient une troupe de chanteurs différente selon la taille de la maison, à Munich autour de 25 chanteurs, qui assurent tous les rôles secondaires, mais qui peuvent aussi soit assurer les premiers rôles ou pourvoir le cas échéant doubler. Le choix des chanteurs est donc essentiel, d’où l’importance du studio, où les jeunes trouvent ensuite un premier engagement dans la troupe du théâtre s’ils sont valeureux.
Les répétitions des Premières sont très longues, et très précises, avec un cahier des charges essentiel pour les reprises (cahier de régie). On imagine cette importance quand le spectacle remonte à plusieurs dizaines années (par ex. La Cenerentola de Ponnelle). Quelquefois les productions sont l’objet d’un « ravalement » qu’on appelle « Wiederaufnahme », dans ce cas il y a plus de répétitions que pour une reprise normale. Car il y a en cas de reprise de répertoire très peu de répétitions (quelquefois même pas un service d’orchestre), il faut donc des chefs sûrs qui connaissent parfaitement la partition et certains n’arrivent évidemment pas à imposer à l’orchestre de rompre avec des habitudes, notamment dans un répertoire qu’ils connaissent (trop) bien.
Les reprises de répertoire en général affichent les titres créées l’année précédente dans les distributions et avec le chef de la première, et sinon les reprises d’autres titres sont affichés régulièrement pour les grands standards, éventuellement avec des casts différents. C’est le cas la saison prochaine pour Die Tote Stadt (créé avec Petrenko/Kaufmann et Petersen et affichée cette année avec Lothar Koenigs/Klaus Florian Vogt, Elena Guseva) ou Die Frau ohne Schatten (Petrenko/Koch, Pankratova, Schuster, Dean-Smith et Merbeth dans la dernière reprise de 2017 et cette année Gergiev/Volle-Stemme, Jovanovich-Nylund, Fujimura)…
Par ailleurs Serge Dorny, qui on va le voir appelle de nombreux chefs différents notamment pour le répertoire italien s’est attaché la présence régulière de Daniele Rustioni, nommé premier chef invité, qui dirigera cinq productions dont Tabarro, Gianni Schicchi, Otello, Un Ballo in maschera en répertoire et une Première (Les Troyens). Du côté du répertoire allemand, il s’est attaché Lothar Koenigs, chef de bon niveau, qui dirigeait déjà à Munich, et qui assurera cette année une Première (Capriccio), mais aussi quelques reprises (Die Tote Stadt, Tristan und Isolde).

 

Septembre 2021 (Septemberfest)
Puccini, Gianni Schicchi (MeS : Lotte de Beer/Dir : Daniele Rustioni)
Avec Ambrogio Maestri, Emily Pogorelc, Galeano Salas, Lindsey Ammann etc…
(2 repr. 18 et 19/09 tarif spécial de 25€/8€)

Puccini, Il Tabarro (MeS : Lotte de Beer/Dir : Daniele Rustioni)
Avec Wolfgang Koch, Yonghoon Lee, Eva-Maria Westbroek
(2 repr. 18 et 19/09 tarif spécial de 25€/8€)
À noter : les représentations de Gianni Schicchi et Tabarro sont séparées et constituent chacune une représentation.
Daniele Rustioni ouvre une programmation de répertoire par ces spectacles au tarif très « politique », mais sans faire d’économies sur les distributions.

 

Septembre-Octobre 2021
Der Fliegende Holländer
(MeS : Peter Kontwitschny /Dir :Bertrand de Billy)
Avec Christof Fischesser, Anja Kampe, Benjamin Bruns, John Lundgren etc…
La production déjà ancienne de Franz Kontwitschny avec une dsitribution tout à fait exceptionnelle et en fosse, Bertrand de Billy qui est un chef plutôt solide.
(4 repr. du 24/09 au 6/10)

Verdi, La Forza del destino (MeS : Martin Kušej /Dir : Andrea Battistoni)
Avec Anja Harteros, Mika Kares, George Petean, Jonas Kaufmann, Ekaterina Sementchuk, Ambrogio Maestri
(3 repr. Du 26/09 au 2/10)
Chef intéressant (plus intéressant qu’Asher Fisch qui a assuré les représentations jusqu’ici), distribution sans reproche,

Octobre-novembre 2021/Février-mars 2022
Puccini, Tosca
(MeS : Luc Bondy/Dir : Daniel Oren (Oct.)/Carlo Rizzi (Fév.)
Avec Anja Harteros, Najmiddin Mavlyanov(Oct.) /Piotr Beczala(Fév.), Luca Salsi (Oct.)/Ambrogio Maestri (Fév.)
(4 repr. du 19/10 au 1/11)
(4 repr. du 20/02 au 4/03)
Sans doute une des dernières présentations de la production Bondy qui a fait son temps (il s’en prépare sans doute une autre pour les saisons prochaines), il faudra écouter Najmiddin Mavlyanov, un Mario déjà fort demandé, et bien sûr, pour Anja Harteros, immense Tosca devant l’Eternel.

Octobre 2021
Puccini, Turandot
(MeS : Carlus Padrissa (La Fura dels Baus)/Dir : Gábor Káli)
Avec Anna Pirozzi, Brian Jagde, Elena Guseva, Alexander Vinogradov
(3 repr. du 7/10 au 13/10)
Du très classique, mais Pirozzi est vraiment très bonne, et on écoutera le jeune Gábor Káli en fosse, avant la première de Giuditta.

Verdi, Falstaff (MeS Mateja Koležnik / Dir : Antonino Fogliani)
Avec Bryn Terfel, Vito Priante, Galeano Salas, Eleonora Buratto, Lindsey Ammann etc…
La distribution se passe de commentaires, et au pupitre opère l’excellent Antonino Fogliani.
(3 repr. du 15 au 21/10)

Octobre-Novembre
Verdi, Il Trovatore
(MeS : Olivier Py/Dir : Francesco Ivan Ciampa)
Avec George Petean, Sondra Radvanovsky, Okka von der Damerau, Francesco Meli
Là encore, même si la production Py est médiocre, la distribution se passe de commentaires et en fosse, Francesco Ivan Ciampa, un chef que très peu de français (ou d’allemands) connaissent, de la même génération que Daniele Rustioni et qui est absolument remarquable, bien plus intéressant que ceux qu’on nous impose généralement pour ces titres à Paris ou ailleurs.
(3 repr. du 31/10 au 6/11)

Novembre 2021
Bizet, Carmen
(MeS : Lina Wertmüller/Dir : Alexandre Bloch)
Avec Dmytro Popov, Lucas Meachem, Varduhi Abrahamyan, Rosa Feola
Du solide avec une Carmen de Varduhi Abrahamyan et une Micaela de Rosa Feola, pas si mal… avec en fosse, Alexandre Bloch, excellent chef français qu’on va revoir à Munich.
(5 repr. du 10 au 24/11)

Braunfels, Die Vögel (MeS: Frank Castorf/Dir : Ingo Metzmacher)
Avec Wolfgang Koch, Günter Papendell, Charles Workman, Michael Nagy, Caroline Wettergreen
Représentations suspendues pour cause de Covid en octobre-novembre 2020 et donc reprise cette saison avec la même distribution (magnifique) de la production luxuriante de Frank Castorf avec le décor fabuleux d’Aleksandar Denić… Sous la direction experte d’Ingo Metzmacher
(3 repr. Du 12 au 18/11)

Novembre-Décembre 2021
Weber, Der Freischütz
(MeS : Dmitry Tcherniakov/Dir : Lothar Koenigs)
Avec Sean Michael Plumb, Golda Schultz, Anna Prohaska, Pavel Černoch, Tomasz Konieczny, Georg Zeppenfeld
Distribution sans reproche de cette production vue en streaming et qui mérite une visite en salle, avec au pupitre Lothar Koenigs (je n’avais pas aimé Manacorda) et une MeS de Tcherniakov qui à la TV ne m’avait pas convaincu. Il faudra aller voir…
(4 repr. du 26/11 au 5/12)

Décembre 2021
Korngold, Die tote Stadt
(MeS : Simon Stone/Dir : Lothar Koenigs)
Avec Klaus-Florian Vogt, Elena Guseva, Christoph Pohl, Jennifer Johnston etc..
Distribution correcte (Vogt ! Guseva !) mais nous avons de tels souvenirs du trio Kaufmann/Petersen/Petrenko que ce sera difficile…
(4 repr. Du 1er au 10/12)


Donizetti, L’Elisir d’amore
(MeS : David Bösch/Dir : Evelino Pidò)
Avec Emily Pogorelc, Bogdan Volkov, Erwin Schrott, André Schuen
Du répertoire, avec la jeune Emily Pogorelc qui a intégré la troupe et un trio masculin qui promet fort. Au pupitre le solide Pidò que Serge Dorny a invité pour les Donizetti de répertoire. Et toujours la merveilleuse production de David Bösch.
(3 repr. Du 11 au 17/12)

Mozart, Die Zauberflöte (MeS : August Everding/Dir : Ivor Bolton)
Avec Günther Groissböck, Pavol Breslik, Sabine Devieilhe, Olga Kulchynska etc…
Wow, joli cadeau de Noël, distribution excellente, chef très solide et familier du lieu, et mise en scène historique d’August Everding. À coupler avec Giuditta…
(5 repr. Du 21 au 30/12)

Janvier 2022
Strauss (R.): Ariadne auf Naxos
(MeS : Robert Carsen/Dir : Ulf Schirmer)
Avec Markus Eiche, Daniela Sindram, Brandon Jovanovich, Erin Morley, Tamara Wilson et Udo Wartveitl etc…
Très belle distribution et un chef solide, GMD à Leipzig, qu’on n’avait plus vu à Munich depuis longtemps. Production typiquement carsenienne. Et en prime un acteur munichois connu (Udo Wartveitl ) en majordome.
(3 repr. Du 18 au 26/01)


Janvier-février/Juillet 2022
Strauss (R.): Die schweigsame Frau
(MeS : Barrie Kosky/Dir : Stefan Soltesz)
Avec Franz Hawlata, Christa Mayer (Janv.) Okka von der Damerau (Juil.), Daniel Behle, Brenda Rae etc…
Magnifique production de Barrie Kosky qu’on ne se lasse pas de voir, magnifique Hawlata, toujours extraordinaire acteur et cette fois au pupitre le remarquable Stefan Soltesz, sous-estimé qui doit être pétillant dans cette partition.
(4 repr. Du 29/01 au 4/02 et le 22/07)

Janvier/Juin-Juillet 2022
Puccini, La Bohème
(MeS : Otto Schenk/Dir : Francesco Lanzillotta)
Avec Angel Blue (Janvier) /Ailyn Pérez (Juillet), Emily Pogorelc(Jv)/Aida Garifullina(Jt), Evan LeRoy Johnson(Jv)/Piotr Beczala(Jt) etc…
Du bon répertoire, pour Wanderer de passage, et surtout un autre excellent chef, qu’il faut absolument connaître, Francesco Lanzillotta, qui lui mérite la Scala.
(6 repr. Du 5 au 9/01 et du 25 au 30/07)

Verdi, La Traviata (MeS : Günter Krämer/Dir : Giedré Šlekytė)
Avec Alexandra Kurzak (Janvier)/Lisette Oropesa (Juin-Juillet), Dmytro Popov(Janvier)/Stephen Costello (Juin-Juillet) Simon Keenlyside (Janvier)/Leo Nucci (28/06), Placido Domingo (1/07)
Là aussi du répertoire et un peu de paillettes, avec au pupitre la jeune (et excellente) Giedré Šlekytė et des chanteurs dont on peut dire qu’ils sont hors classe, au moins pour les sopranos et les barytons.
(7 repr du 8/01 au 21/01, et les 28/06 et 1/07)

Février 2022
Rossini, Il Turco in Italia
(MeS : Christof Loy/Dir: Gianluca Capuano)
Avec Alex Esposito, Lisette Oropesa, Nikolay Borchev etc…
Christof Loy, du solide un peu pareil tout le temps, mais distribution exceptionnelle et très bon chef pour Rossini… Si vous passez par là, il faut y entrer.
(4 repr. Du 09 au 18/02)

Mars 2022
Mozart, Le nozze di Figaro
(MeS: Christof Loy/Dir: Thomas Hengelbrock)
Avec Gerald Finley, Golda Schultz, Katharina Konradi, Alex Esposito, Anne Sofie von Otter etc…
Une production correcte, du moderne passepartout, du Christof Loy de bon niveau, et une distribution fabuleuse. Hengelbrock au pupitre, ce ne devrait pas être mauvais…
(4 repr. Du 9 au 20/03)

Donizetti, Lucia di Lammermoor (MeS: Barbara Wysocka/Dir: Evelino Pidò)
avec Nadine Sierra, Andrzej Filończyk, Xabier Anduaga, Riccardo Zanellato
Excellente distribution avec le couple Anduaga/Sierra, mais aussi le baryton Filończyk excellent et Zanellato, la basse fidèle à Serge Dorny. Au pupitre qui fut de Petrenko (soupir à fendre l’âme), le très sûr Pidò. Mise en scène « moderne » qui passe assez bien.
(4 repr. Du 12 au 24/03)

Rossini, La Cenerentola (MeS : Jean-Pierre Ponnelle/Dir : Michele Spotti
avec Marianne Crebassa, Edgardo Rocha, Mattia Olivieri, Renato Girolami, Erwin Schrott
Grande distribution pour une production historique, voire légendaire avec un jeune chef nouveau à Munich mais pas à Lyon, et réel espoir de la direction rossinienne mais pas que : Michele Spotti… Vaut le voyage…
(4 repr. Du 18 au 25/03)

Avril 2022
Mozart, Die Entführung aus dem Serail
(MeS : Martin Duncan/Dir : Stefano Montanari)
Avec Sofia Fomina, Elisabeth Sutphan, Daniel Behle, Jonas Hacker, Ante Jerkunica
Production passable, distribution correcte sans plus mais au pupitre, Stefano Montanari, et là c’est encore un autre nom que les lyonnais connaissent et apprécient, et qui est en train d’exploser partout… Un très grand chef.
(3 repr. du 8 au 13/04)

Wagner, Parsifal (MeS : Pierre Audi/Dir : Mikko Franck)
Avec Christian Gerhaher, Christof Fischesser, Simon O’Neill, Jochen Schmeckenbecher, Anja Harteros
Le Parsifal en noir et blanc d’Audi/Baselitz confié à la baguette de Mikko Franck, c’est particulièrement intéressant, avec une distribution de très haut niveau et une nouvelle Kundry toute jeune : Anja Harteros qui se jette dans le rôle et qui va faire qu’on se précipitera pour entendre. Là encore un voyage devrait s’imposer…
(3 repr. du 14au 23/04 )


Avril-Mai/Juillet 2021
Verdi, Macbeth
(MeS : Martin Kušej/ Dir : Andrea Battistoni (avril)/Fabio Luisi (Juillet)
avec Ludovic Tézier (Avril/Mai)/Artur Rucinski(Juil), Tareq Nazmi (Avril/Mai)/Vitali Kowaljow (Juillet), Ekaterina Sementchuk (Avril/Mai)/Anna Netrebko (Juillet), Freddie de Tommaso (Avril/Mai)/Evan LeRoy Johnson (Juillet)
Une distribution en dentelles où l’on préfèrera le couple Tézier/Sementchuk à Rucinski/Netrebko, d’autant qu’en avril mai, il y a Freddie de Tommaso, le nouveau ténor qu’il faut avoir vu et entendu… Au pupitre, Andrea Battistoni ce qui est bien, ou Fabio Luisi, ce qui est très bien. Choisissez selon vos goûts…
6 repr. du 24/04 au 04/05 et les 14 et 18 juillet)

Mai 2022
Händel, Agrippina
(MeS: Barrie Kosky/Dir: Stefano Montanari)
Avec Joyce DiDonato, Gianluca Buratto, John Holiday, Elsa Benoit, Mattia Olivieri etc…
Münchener Kammerorchester
Ce n’est même pas la peine d’hésiter prenez déjà votre billet d’avion, avec Stefano Montanari dans la fosse, dans le merveilleux Prinzregententheater, et la bonne production de Barrie Kosky, très concentrée dans sa cage de métal.
(3 repr. Du 7 au 13/05 au Prinzregententheater)

Mai-Juillet 2022
Strauss (R),  Der Rosenkavalier
(MeS : Barrie Kosky/Dir : Vladimir Jurowski)
Avec Marlis Petersen, Samantha Hankey, Katharina Konradi, Christof Fischesser, Johannes-Martin Kränzle, Daniela Köhler, Ursula Hesse von der Steinen etc…
Deux Kosky pendant les mêmes semaines, cela ne se manqué pas: votre billet d’avion permettra de voir aussi ce merveilleux Rosenkavalier vu à la TV et si original, si “ailleurs”, si intelligent, si magnifiquement interprété et chanté qu’on attend de le voir en scène avec impatience, d’autant que ce sera la version normale et non celle covidienne révisée par Ekkerhard Kloke qui sera proposée, sous la direction du maître de maison Vladimir Jurowski.
(5 repr. Du 8 au 15/05 et les 21 et 24/07)

Rossini, Il barbiere di Siviglia (MeS : Ferruccio Soleri/Dir : Antonino Fogliani)
Avec Alasdair Kent, Ambrogio Maestri, Vasilisa Berzhanskaja, Andrei Zhilikohovsky, Adam Palka
Solide distribution où l’on pourra entendre la merveilleuse Rosine de Vasilisa Berzhanskaja et Adam Palka (Le Mephisto de Castorf à Vienne) en Basilio. On regrette que Andrzej Filończyk distribué dans Lucia di Lammermoor ne soit pas Figaro; il y est exceptionnel… Au pupitre, Antonino Fogliani, garantie d’excellence.
(3 repr. Du 10 au 16/05)

Verdi, Otello (MeS : Amelie Niermeyer/Dir : Daniele Rustioni (mai-juin) Antonino Fogliani (juillet)
Avec Anja Harteros, Arsen Soghomonyan/Gregory Kunde, Luca Salsi/Gerald Finley, Oleksiy Palchykov
La distribution parle d’elle-même, la mise en scène excellente, et les deux chefs prévus sont remarquables.  On choisira peut-être juillet pour Kunde et Finley…
(5 repr. Du 27/05 au 2/06 et les 2 et 5/07)

Mai-Juin 2022
Puccini, Madama Butterfly
(MeS: Wolf Busse/Dir: Antonello Manacorda)
Avec Ermonela Jaho, Charles Castronovo, Davide Luciano etc…
Une mise en scène qui est un peu épuisée, une distribution de très grand niveau (Davide Luciano peut-être sous-utilisé en Sharpless) et au pupitre Antonello Manacorda qui a troqué Weber contre Puccini.
(3 repr. du 31/05 au 5/06)

Juin 2022
Wagner, Tristan und Isolde
(MeS : Krzysztof Warlikowski/Dir : Lothar Koenigs)
Avec Wolfgang Koch, Stuart Skelton, Nina Stemme, Mika Kares, Okka von der Damerau
La distribution est magnifique, même sans Kaufmann. Mais sans Petrenko, c’est un peu dur, même si Koenigs est solide… Du répertoire de grand luxe, mais c’est du répertoire…
(4 repr. du 6 au 20/06)

Verdi Un Ballo in maschera (MeS : Johannes Erath/Dir : Daniele Rustioni)
Avec Piotr Beczala, Carlos Alvarez, Sondra Radvanovsky, Judit Kutasi, Deanna Breiwick
Là en revanche pas d’hésitation, il faut y voler : distribution exceptionnelle, grand chef, et production de Johannes Erath pas inintéressante…
(4 repr. du 12 au 22 juin)

Juillet 2022
Strauss (R.) : Die Frau ohne Schatten
(MeS : Warlikowski/Dir : Valery Gergiev)
Avec Brandon Jovanovich, Camilla Nylund, Mihoko Fujimura, Michael Volle, Nina Stemme
Là encore, sans Petrenko cela fait (un peu) souffrir. Mais ne jouons pas les enfants gâtés. Gergiev en fosse même entre deux avions, est un très grand musicien, la production est désormais légendaire et la distribution fabuleuse…
(2 repr. Les 28 et 31/07)

 

Comme on peut le constater, il y a même pour le répertoire, une exigence de qualité au plus haut niveau. Et la palette de nouveaux chefs (et cheffes) excellents inconnus à Munich et souvent ailleurs que Dorny a invités va redonner un véritable intérêt à certaines reprises. Du répertoire que certains théâtres du même niveau envieraient pour leurs nouvelles productions. Pourvu que ça dure…

 

Concerts symphoniques : « Akademiekonzerte »

 

Le Bayerisches Staatsorchester, orchestre d’Etat de Bavière est l’orchestre historique de Munich, dont les racines remontent au XVIe siècle et à Roland de Lassus qui en fut le Kapellmeister à partir de 1563. C’est en 1811 que l’Académie de musique est formée, d’où le nom d’ «Akademiekonzerte ».
La longue liste des directeurs musicaux de l’orchestre incluent les plus prestigieux des grands chefs historiques qui ont pour nom Hans von Bülow, Hermann Levi, Richard Strauss, Felix Mottl, Bruno Walter, Hans Knappertsbusch, Clemens Krauss, Georg Solti, Ferenc Fricsay, Joseph Keilberth, Wolfgang Sawallisch, Zubin Mehta, Kent Nagano, Kirill Petrenko et en septembre prochain Vladimir Jurowski.
Vladimir Jurowski va diriger 3 des 6 Akademiekonzerte et il a décidé d’orienter  ses trois concerts autour des compositeurs joués dans les créations de la saison :

  • Un concert autour des œuvres du jeune Chostakovitch
  • Un concert autour de Britten au temps Peter Grimes
  • Le dernier concert autour de l’œuvre symphonique de Penderecki

Les autres concerts seront dirigés par Fabio Luisi (Bruckner/Bruch), Cristian Macelaru et Mikhail Jurowski (père de Vladimir) dont les programmes seront consacrés à la musique russe, et notamment la thématique de la patrie et de l’exil.

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Des éléments encore à définir
Il y a cependant des points qui surprennent : cette année le GMD Vladimir Jurowski dirige seulement trois opéras, il devrait au moins en diriger le double. Mais il termine plusieurs mandats notamment en Russie, et l’année prochaine tout devrait revenir à la normalité.
D’autres points sur l’offre de la maison ne sont pas encore arrêtés : la politique en matière de vidéos et de streamings que Bachler avait développée n’a pas été évoquée, on ne sait pas non plus ce que va devenir la collection d’enregistrements que Bachler vient de commencer avec une Mahler VII phénoménale de Kirill Petrenko. Nous en sommes aux balbutiements et Serge Dorny aura sans doute à décider de poursuivre le projet, de le reprofiler ou d’interrompre : tout cela n’est pas encore clair. On sait que Serge Dorny préfère l’opéra en salle à l’opéra en boite, comme tout le monde. Il n’avait pas les moyens de développer une politique vidéo à Lyon, ainsi de magnifiques spectacles ne le resteront que dans nos souvenirs, mais Munich est riche, et les confinements ont donné l’habitude au public de retrouver en ligne des spectacles qu’ils ont vus ou non en salle. Il faudra sans doute qu’un bilan soit tiré de la période et de la politique menée jusque-là. Attendons.

 

Ce qu’on peut affirmer c’est qu’il ne s’agit pas d’une saison de rattrapage covid, le système de répertoire est pour cela une garantie. C’est une saison pensée, avec une ligne soutenue, affirmée par les nouvelles productions, mais qui ne sacrifie pas le répertoire, notamment avec un vrai soin dans le choix des chefs et les distributions, jamais médiocres.
Le niveau affirme au contraire d’emblée une ambition et une respiration fortes, en cohérence avec l’histoire de cette maison, et en empruntant résolument un chemin qu’on sent aussi neuf et ouvert. Le public traditionnel y trouvera son compte, mais c’est un programme qui saura exciter aussi la curiosité. Voilà une saison qui conjugue la fête (trois festivals), la rencontre, l’exigence mais aussi le réalisme et le pragmatisme.
C’est une première saison, c’est une nouvelle ère, et il va aussi falloir prendre ses marques. Il reste aussi évidemment à souhaiter qu’on reste à ce niveau d’excellence pour les suivantes. Serge Dorny a raté peu de choses à Lyon, on ne peut que lui souhaiter la même réussite aux bords de l’Isar qu’aux bords du Rhône et de la Saône… La Bavière a bien de la chance.

 

 

QUEL SYSTÈME PRODUCTIF POUR LE LYRIQUE? (1)

Deux parties pour ce long exposé qui essaie d’expliquer les caractères des deux systèmes productifs qui organisent l’offre lyrique dans les opéras du monde, avec les conséquences afférentes.

Définitions et données de départ

On s’interroge ici et là sur l’avenir de l’opéra, on déplore le manque de créations, un public vieillissant, trop traditionnel, mais on ne s’interroge pas souvent, du moins dans les médias, sur le système productif qui sous-tend la diffusion du genre lyrique. Or deux systèmes règnent dans le monde de l’opéra, celui dit de répertoire et celui dit stagione.

J’ai toujours défendu le système de répertoire à l’allemande, qui est pour moi la garantie de maintien d’une offre lyrique abondante, diversifiée et bien distribuée sur un territoire, garantie aussi d’éducation du public qui a accès à un grand nombre d’œuvres à entendre en direct, dans des conditions globalement acceptables. Il est plus contraignant en revanche pour les artistes.

Que signifie le mot « répertoire » ?

On lit dans le dictionnaire « Liste des pièces qui forment le fonds d’un théâtre. » Le mot lui-même vient du verbe latin reperire, qui signifie trouver, retrouver après recherche, et le mot repertorium signifie “inventaire”.
On emploie le mot fonds comme pour le fonds d’une bibliothèque, à savoir le nombre de livres et documents qu’elle abrite. En ce sens, le théâtre de répertoire est donc un « Lieu de savoir » comme l’entend Christian Jacob dans son impressionnante production.[1]
Le théâtre de répertoire met à disposition du public annuellement une partie de son « répertoire », au quotidien : il puise dans son fonds de productions existantes et en sélectionne une vingtaine, une trentaine, voire une cinquantaine d’œuvres et propose cinq à six nouvelles productions qui rejoindront ce fonds, destinées à être reprises pendant des années. Le répertoire, c’est l’esprit de collection.
Le mot italien « stagione » signifie « saison ». Rien à voir avec le savoir ou le fonds d’une bibliothèque, mais il réfère aux œuvres présentées dans les saisons des opéras au XVIIIe et XIXe, où la notion de reprise et donc de construction d’un répertoire était inconnue, au moins jusqu’aux années 1830; au XVIIIe c’est la nouveauté qui fait marcher la machine . Le mot “stagione” fait partie du vocabulaire théâtral où la « saison » désigne l’ensemble du programme annuel présenté dans un théâtre, qui change chaque année. Comme on le voit c’est très différent de l’idée de « répertoire ». On commence à jouer ou rejouer des opéras créés auparavant essentiellement à partir du succès planétaire de Rossini. c’est à dire après 1830, quand Rossini s’arrête de créer. Comme si le “répertoire” naissait du ralentissement (tout relatif) de la création.
Pour revenir à la bibliothèque, imaginons que certaines bibliothèques permettraient l’accès permanent à tout leur fonds et que d’autres sélectionneraient un nombre réduit de livres à disposition des lecteurs, qui changeraient annuellement, à l’exclusion de tous les autres. Vous aurez une idée de la différence, qui en termes de culture, de savoir, de liberté, ne correspond pas du tout à la même philosophie.
Prenons le cinéma : une cinémathèque est un lieu de savoir avec un fonds de films, et les salles de cinéma ou les multiplex sont gérés par un système stagione en quelque sorte, qui choisissent(?) quoi proposer au public
Ainsi dans ce système à l’opéra la plupart du temps aujourd’hui, les productions présentées l’année A ne sont pas toujours reprises l’année B, mais éventuellement plusieurs années après avec une nouvelle distribution ou un nouveau chef, ou ne sont simplement jamais reprises. Il faudrait réfléchir plus profondément à la question du théâtre comme lieu de savoir. Le théâtre en ce sens n’a pas le même rôle dans l’esprit de la société qu’un musée, alors qu’il s’en rapproche. Et dans ce cadre, la stagione, c’est l’esprit de sélection, forcément plus élitiste.

Le système de stagione, celui qu’on connaît notamment en Italie, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, en Grande Bretagne, aux USA et en France garantit au moins dans les grands théâtres un niveau de représentation optimal, mais en revanche pèche par l’absence d’une offre très large et convient dans le cas d’un public potentiel limité. Un petit tour et puis s’en va…
Dans ce système, à part les grands standards tiroir-caisse, il faut donc attendre des années avant de voir ou revoir un titre.
Prenons quelques exemples wagnériens.
Parsifal, un titre connu et aimé du public, a été présenté à l’Opéra de Lyon en 2012, alors que sa dernière production remontait à 1977, soit 35 ans auparavant ; le Vaisseau fantôme, une œuvre de Wagner plus « facile », a été produit en 2014 soit 26 ans après sa dernière production, en 1988. L’amateur de Wagner, ou simplement d’opéra, s’il habite à Lyon ou ne voyage pas, peut crever la gueule ouverte en attendant… Ou se précipiter sur les enregistrements, mais comme on sait l’oreille s’éduque en écoutant les œuvres au théâtre et se pervertit souvent en les écoutant au disque.
Voyager ? S’il va à Paris, il aura peut-être vu Parsifal en 2018, dans la production inutile de Richard Jones, ou bien… 10 ans auparavant dans celle de Warlikowski, avec dans l’histoire récente, un trou de 22 ans entre 1975 et la nouvelle production de Graham Vick en 1997. Pour Le Vaisseau Fantôme, on ne l’a pas vu à Paris depuis 10 ans (dernière reprise en 2010). Et Paris est le théâtre d’opéra le plus productif en France avec une petite vingtaine de productions annuelles.

Les directeurs d’opéra n’ont pas là-dedans pas de responsabilité particulière, c’est le système qui veut cette situation. Une nouvelle production en système stagione devrait pourtant être reprise pendant plusieurs saisons, c’est bien le moindre pour l’amortir mais souvent elle ne l’est plus jamais, pour toutes sortes de raisons… c’est le cas du Parsifal de Warlikowski, chef-d’œuvre détruit par Nicolas Joel, c’est aussi le olus souvent le cas des « créations » : de la scène au tiroir.

De la stagione au répertoire.

Or, on reparle beaucoup aujourd’hui de retour au répertoire et au système de troupe, sans doute pour alimenter le « nouveau modèle économique » prêché par la ministre de la culture, qui a confié à deux haut-fonctionnaires connus (?) pour être de grands spécialistes (?) de l’opéra la mission « d’épauler » le nouvel arrivant à Paris – Alexander Neef – dans sa réflexion sur l’avenir de l’Opéra. Les résultats de cette mission devraient être connus très bientôt, et nous y reviendrons en temps utile.
D’abord, rappelons cette vérité : la plupart des théâtres d’opéra qui affichent un système stagione ont tout de même souvent une troupe, le corps de ballet, plus de 150 danseurs pour le cas de Paris. Il reste à savoir si cette « troupe » est utilisée au mieux de son potentiel. Et c’est une autre question.
Par ailleurs, un autre théâtre français est régi par un système de troupe, la Comédie Française, depuis 1680 avec comme corrélat le système dit de l’alternance, c’est-à-dire alterner plusieurs spectacles différents dans la semaine ou le mois et donc régie par un système de répertoire plus ou moins stagionisé. Il reste que « l’entrée au répertoire de la Comédie Française » d’un texte de théâtre fait souvent événement – c’est d’ailleurs l’expression dont use le dictionnaire pour expliciter le mot répertoire. Pas vraiment à l’Opéra.

Rappelons enfin que le système de troupe, que d’aucuns appellent de leurs vœux, a été la cause de la réforme de l’Opéra de Paris en 1970, quand Jacques Duhamel, autre grand ministre de la Culture s’est attaqué à la réforme de l’institution malade – l’Opéra de Paris aurait donc visiblement une maladie chronique ? Exit la troupe en 1970.
50 ans après, y reviendrait-on ?

Le débat sur le répertoire est entré dans l’arène, à la faveur de la crise financière de l’institution et de l’agitation sur laquelle on ne reviendra pas mais aussi de l’arrivée d’Alexander Neef, qui a toujours répondu de manière évasive à la question, même si pourtant, lui, le répertoire, il connaît parce qu’il est né en Allemagne, où les dizaines et dizaines sinon centaines de théâtres qui irriguent le pays fonctionnent selon ce système.
Alexander Neef est né en Baden Württemberg et a étudié à Tübingen, l’une des plus prestigieuses universités allemandes, au sud de Stuttgart : une région où l’on compte parmi des théâtres de référence, Mannheim (un Nationaltheater), Karlsruhe (Badisches Staatstheater), Stuttgart (Staatstheater), des théâtres de valence importante, mais aussi des salles plus petites, mais productives, comme Freiburg, Heidelberg, ou Pforzheim qui ont une production lyrique, théâtrale et même pour certains chorégraphique, et dans une moindre mesure, Heilbronn. Il y a à Tübingen un Landestheater (Théâtre régional) exclusivement consacré à la prose, mais avec une troupe, sans compter les Festivals, celui, baroque, de Schwetzingen près de Heidelberg et le Festival Rossini de Wildbad, en Forêt Noire.
Tous les théâtres ont un système de troupe, et de répertoire plus ou moins large : Alexander Neef connaît parfaitement le système allemand, et s’il s’intéressait au spectacle quand il était étudiant, il a dû en profiter dans la mesure où ces théâtres sont au plus distants de 150 km les uns des autres. Stuttgart est à 75 km de Karlsruhe, 40 km de Pforzheim, 120 km de Mannheim, elle-même distante de 13 km de Heidelberg. La géographie des théâtres qui font du lyrique en Allemagne fait rêver…

Qu’est-ce que le système de répertoire ?

Il convient de clarifier le fonctionnement du système de répertoire

  • Une alternance au quotidien de diverses productions. Par exemple, à Vienne, temple du répertoire, entre le 10 et le 17 octobre 2020, alternance de Salomé, Don Carlos (Version française), Die Entführung aus dem Serail, Don Pasquale (avec deux jours en relâche pour répétitions). Dans ces pages nous avons repéré pour 2020-2021, 10 nouvelles productions, 3 productions retravaillées, 1 production revue au niveau musical, et 26 productions dites de répertoire, soit un total de 40 productions différentes, sans compter le ballet.
  • Pour faire fonctionner une alternance serrée, il faut avoir à disposition des artistes au quotidien, préparés et sous contrat long. Une troupe attachée au théâtre, c’est-à-dire des chanteurs qui assurent l’essentiel des rôles. Dans les grands théâtres d’opéra, les rôles principaux sont souvent assurés par des « stars » ou des chanteurs « free-lance » qui sans être des stars, ont un nom dans l’univers lyrique. Mais quelquefois, on donne à des chanteurs de la troupe qu’on estime avoir un avenir dans la carrière des rôles importants. Natalie Dessay fut membre de la troupe de Vienne, et chanta Sophie dans les fameux Rosenkavalier dirigés par Carlos Kleiber. On peut citer dans les chanteurs français actuels, pas les moindres, ceux qui ont adhéré à ce système : Julie Fuchs (ex-Zurich), Elsa Benoit (Munich encore actuellement), ou Elsa Dreisig (à la Staatsoper de Berlin).
    Les chanteurs de la troupe signent un contrat avec un certain nombre de représentations, et doivent se tenir disponibles au cas où (remplacements au pied levé etc…). Ils peuvent chanter ailleurs en dehors de leurs obligations et/ou après autorisation de la direction du théâtre. Beaucoup de très grands chanteurs d’aujourd’hui ou d’hier ont chanté en troupe comme Caballé à Brême ou Kaufmann à Zurich. Tout l’art du « directeur de casting » qui recrute est de flairer la voix d’avenir dont il va s’assurer la présence pendant quelques années et qui attirera le public.
    Il y a encore une cinquantaine d’années, d’immenses chanteurs étaient attachés à des théâtres, comme Vienne ou Munich (c’était à Munich qu’on pouvait entendre Fischer-Dieskau à l’opéra) ou à Vienne qu’on entendait principalement Agnès Baltsa, ou auparavant, Rysanek, Berry, Schwarzkopf. C’était un moment où chaque opéra avait sa couleur et ses stars parce que les stars voyageaient moins.
  • Pareil système demande des organisations techniques particulières, et pour les productions un cahier des charges qui permette l’alternance serrée sur le plateau et donc des changements rapides. C’était facile quand la plupart des productions étaient faites de toiles peintes : faciles à ranger, aisées à monter. C’est devenu plus difficile quand les productions ont été construites « en dur » avec montage et démontage complexe, depuis la fin des années 1960. Aujourd’hui, avec l’usage plus fréquent des projections et de la vidéo, cela pourrait redevenir plus aisé. Il reste que la logistique du système dans de grandes maisons demande une occupation du plateau à peu près 24/24 avec équipes alternées : on peut imaginer en 24h:
    – le démontage du spectacle A de la soirée
    – le montage du décor d’un futur spectacle B pour une répétition du matin
    – son démontage
    – le montage du décor de la soirée d’un spectacle C
    Et ceci pratiquement au quotidien, sans compter les représentations en matinée.
    Au Bolchoï ou au Mariinsky, il y a le week-end des représentations à midi et des représentations le soir, sur plusieurs scènes.
    Cela suppose donc des équipes nombreuses, des roulements, et des plateaux techniquement préparés à une alternance serrée. Cela suppose peu de soirées de relâche et une continuité des spectacles. Cela supposerait en France une remise à plat des conventions collectives avec les syndicats… bonjour la joie…
    C’est pourquoi ce n’est pas tout à fait le moment d’y penser.
  • Cela suppose enfin une tarification encore plus diversifiée, car il y aura des soirées de répertoire ordinaires, d’autres avec stars, des nouvelles productions, du ballet etc. La tarification est la plupart du temps déjà diversifiée, mais le système dit de répertoire qui joue 30 ou 40 productions par an doit garantir en même temps un remplissage optimal de la salle, tout en préservant un pourcentage de places à bas prix (d’où les places debout de l’opéra de Vienne ou de celui de Munich par exemple) qui permettent au public amateur de lyrique de venir écouter une production plusieurs fois sans devoir débourser une somme folle.
    Il est obligatoire pour un grand théâtre public de préserver un nombre suffisant de places à bas prix aisément accessibles, c’est le cas à Vienne, à Munich, ailleurs en Allemagne, mais aussi à la Scala : mais c’est un système qui en France n’a jamais vraiment existé (sauf sous Mortier), même si existent des places à des tarifs très bas, mais en nombre ridicule. On lira avec intérêt cet article (http://jriou.org/blog/00752.html) qui dénonça en 2012  la fin des places debout, œuvre de Christophe Tardieu, comme par hasard l’un des deux personnalités désignées pour revoir le « modèle économique ».
    Il y a aussi des soirées alimentaires pour lesquelles selon la distribution les prix varieront : la Tosca viennoise a 62 ans, elle est amortie depuis longtemps avec ses 600 représentations, même si les décors en ont été rafraichis. Les prix ne seront pas les mêmes si pour deux soirs Kaufmann et Harteros chantent.
  • Dans un tel système, les modes d’organisation que ce soit la technique ou la billetterie sont forcément fortement impactés. On ne gère pas le temps et la logistique du théâtre avec deux ou trois productions par mois, et une dizaine :  il faudrait recruter une armée de dramaturges et d’assistants fixes pour le maintien des productions et la gestion des répétitions, forcément moins nombreuses si on joue plus de titres. Paris n’est pas habitué à ce système, même s’il en possède le plateau technique nécessaire.
  • Et puis il y a la question essentielle de la réponse du public : un public a ses habitudes, ses rituels, ses attentes. Celui de l’opéra, plus âgé, encore plus.
    Ce système qui couvre pratiquement tous les théâtres publics (essentiellement municipaux) allemands serait difficile à Paris, mais carrément impossible en France en région : un rapide regard sur la quantité de productions et de représentations dans les opéras hors Paris ne pourrait pas être mis en place, il demanderait une campagne de recrutement impressionnante de personnels en risquant de ne plus trouver son public, selon une loi qui veut que moins on joue, et moins le public vient ou revient. Mais il ne pourrait pas non plus être financé. En dehors des théâtres « nationaux », les opéras municipaux font ce qu’ils peuvent pour assurer une programmation la plupart du temps minimale, qui par manque de moyens n’est pas toujours recommandable.

Enfin, last but not least, les théâtres de répertoire portent le répertoire national,  c’est-à-dire qu’ils affichent les titres de référence de la tradition locale, répertoire germanique en Allemagne, russe en Russie – on peut voir à Saint-Pétersbourg ou à Moscou des titres qu’on ne voit jamais ou si rarement au-delà des frontières russes, tout comme à Budapest on entend du Erkel, ou à Prague du Smetana. Si le répertoire national est porté en Italie dans un système stagione, ce n’est pas vraiment le cas avec le répertoire français à Paris, par exemple.

L’Opéra de Paris serait-il préparé à un tel système ?

Garnier n’est plus conçu comme un théâtre de répertoire, même s’il l’était avant 1970.  Mais son équipement technique n’a rien à voir avec Bastille qui a été conçu et construit au contraire pour faire du répertoire, même s’il n’en a jamais fait en trente ans de carrière.  Sinon à quoi servirait sa scène énorme (un terrain de foot) et ses dessous aux mêmes dimensions, son système de chariots permettant rapidement de monter des productions et de les laisser construites pendant la série de représentations, sa scène de répétition latérale, à jardin, à ma connaissance jamais utilisée, avec une fosse et trois rangs de spectateurs – je ne sais même pas si elle existe encore- et la possibilité offerte de jouer aussi bien dans la ex/future salle modulable, et dans la salle principale à partir de la même scène. Tout a été conçu pour permettre une alternance serrée et des changements rapides d’un nombre important de productions en même temps.
Comme ce système n’a jamais été adopté, sans doute d’autres habitudes ont été prises d’utiliser les espaces d’une autre manière, sans faire exploser le plateau, avec les espaces de l’ex-salle modulable comme dépôt de décors et avec une autre gestion du temps. Bastille était programmé et pensé comme opéra de répertoire (Michael Dittmann qui a conçu le projet technique était allemand et familier du système) mais on a fait de la stagione. D’où forcément d’autres habitudes, d‘autres utilisations, d’autres rythmes, sans compter qu’inévitablement ce qui était techniquement modernissime en 1990 ne l’est plus tout à fait en 2020.
Toutefois, Bastille reste un instrument étonnant voire unique par les surfaces de travail offertes, du producteur au consommateur. Mais le système de stagione y est l’ADN des habitudes des uns et des autres. Il n’y a pas là à reprocher à qui que ce soit des choix erronés parce qu’il y a eu un consensus sur le système de production. En France aujourd’hui et depuis 50 ans on ne pense l’opéra qu’en stagione, tout comme d’ailleurs le théâtre, car en dehors de la Comédie Française, c’est le système stagione qui règne aussi et qui – fait essentiel – a façonné le public.

De plus l’Opéra de Paris, avec ses deux salles, affiche déjà 550 représentations par an, ce qui est énorme. Le système de répertoire ne modifierait sans doute pas fondamentalement le nombre de représentations mais aurait en revanche un effet très important sur les organisations, avec les inévitables conflits sociaux, sans assurance sur une amélioration nette de l’offre, des coûts, et surtout de la fréquentation.

Donc, ne s’imposent ni la nécessité ni l’opportunité réelle de passer à un système de répertoire à l’allemande, d’autant qu’un tel modèle, détail important demande (presque) impérativement qu’on nomme un directeur musical présent, qui ait un répertoire lyrique très large (profil Franz Welser Möst, ou Fabio Luisi), et le successeur de Philippe Jordan qui se profile à ce qu’il semble ne répond pas du tout à cette définition… Donc je ne vois pas comment l’Opéra pourrait basculer sur ce modèle. La situation parisienne est déjà en soi complexe pour ne pas rajouter des réponses erronées à des questions qui au fond, ne se posent pas.
Alexander Neef a pour l’instant bien d’autres chats à fouetter, et son premier mandat devrait être largement consacré à faire repartir la machine, atténuer l’ambiance tendue qui y règne depuis des mois, recommencer à produire et installer sa nouvelle équipe et son nouveau projet.

(Suite le 7 décembre 2020)

[1] Christian Jacob est directeur de recherche au CNRS, professeur à EHESS, il a dirigé l’ouvrage Les lieux de savoir, 1-Espaces et communautés (2007), 2- Les mains de l’intellect (2011) (Albin Michel) , mais aussi entre autres l’auteur de Des mondes lettrés aux lieux de savoir (Les Belles Lettres, 2018), c’est un des grands spécialistes de l’histoire de la diffusion du savoir.

OPERNHAUS ZÜRICH, PRÉSENTATION DE LA SAISON LYRIQUE 2020-2021

L’Opernhaus Zürich est une de ces maisons très solides qui déçoivent rarement. On avait craint au départ d’Alexander Pereira pour Salzbourg que la régularité et la qualité en pâtissent, et Andreas Homoki a prudemment mené une politique faite d’idées remarquables, et d’un souci de préserver répertoire et public. Ainsi y-a-t-il à Zürich des productions que chacun devrait avoir vu, comme le Macbeth de Barrie Kosky, ou des productions de Tcherniakov notables, dernière en date, l’Affaire Makropoulos, mais aussi de Bieito (Die Soldaten) ou de Christof Loy (Alcina), ainsi qu’une politique musicale équilibrée où l’on entend des stars comme par exemple Cecilia Bartoli (c’est son incontestable maison) ou Anja Harteros, voire aussi Nina Stemme et des chefs notables: Franz Welser-Möst, Daniele Gatti, Fabio Luisi et bientôt Gianandrea Noseda sont les directeurs musicaux qui se sont succédé. Un orchestre solide fait de deux entités, la Philharmonia Zürich pour le répertoire XIXe et XXe, et L’Orchestra La Scintilla pour le répertoire baroque, un chœur de bon niveau et un plateau technique enviable constituent les forces incontestables de ce théâtre, situé au bord du lac de Zürich.
C’est aussi un théâtre aux dimensions très moyennes (1100 places) mais qui peut représenter tous les répertoires, de Meistersinger à Alcina, avec un des rapports scène-salle les plus confortables qui soient pour les chanteurs et les spectateurs.
Le résultat ? On a là une des scènes européennes les plus enviables, de celles qu’il faut fréquenter avec régularité, d’autant qu’elle est à portée de TGV pour les français, de pendolino pour les italiens, d’ICE pour les allemands et de confortables trains de nuits pour les autrichiens, sans compter son aéroport international.
Tant de motifs de fréquenter Zürich, mis à part des prix suisses, notamment l’hôtellerie, la nourriture et les prix des billets (certes ça fait beaucoup). Une fois n’est pas coutume, on peut s’offrir une exception, mais pour les français comme les allemands, la frontière n’est pas si éloignée et si l’on vient en voiture, on peut dormir en France ou en Allemagne, où les prix de l’hôtellerie sont plus raisonnables ou profiter des dimanches où la plupart des productions sont données en matinée… Mes amis italiens viennent à plusieurs dans une voiture et font l’aller et retour Milan-Zürich dans la journée. Quant aux genevois, ils font régulièrement le voyage, on entend beaucoup parler français à l’Opéra de Zürich.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce théâtre, nous renvoyons en ce moment à leurs spectacles en streaming, ce qui donnera une idée de leur qualité.
https://www.opernhaus.ch/spielplan/streaming/

Zürich est un théâtre de répertoire, avec une troupe dont fit partie par exemple Jonas Kaufmann, ou plus récemment Julie Fuchs, ce qui donne une idée de la qualité, avec en plus un très bon Opéra Studio, dont les jeunes membres sont très sollicités dans les productions, et pas seulement pour les utilités.

La saison 2021 présente pour le lyrique 10 nouvelles productions (trois pour le ballet) et 17 reprises de répertoire (trois pour le ballet), ce qui fait pour le lyrique 27 productions d’opéra, sans oublier deux productions pour enfants.

Au niveau de la palette de compositeurs, on note Moussorsgki (1), Tchaikovski (1) pour le répertoire russe, Weill(1), Strauss (1) Mozart (1) Gluck (1), Kálmán(1), Haendel (1), Haubenstock Ramati (1) pour le répertoire allemand, Verdi (3), Puccini(1), Donizetti (5), Bellini (1), Pergolesi (1), Rossini( 3) pour le répertoire italien, Offenbach (1), Massenet(2) pour le répertoire français et Sondheim (1), où l’on remarque qu’il n’y aucun Wagner, ce qui est rare pour ce théâtre, et que le répertoire italien se taille la part du lion (14 titres sur 27) avec dans les titres choisis, une particulière insistance sur le Belcanto (5 Donizetti et 1 Bellini); il est vrai que la salle de Zurich est idéale pour se répertoire. Enfin les deux opéras les plus populaires de Massenet sont affichés dans la même saison.

 

Nouvelles productions :

 

Sept-Oct. 2020
Moussorgski, Boris Godounov (7 repr.) MeS: Barrie Kosky, Dir: Kirill Karabits avec Michael Volle, John Daszak, Irene Friedli, Brindley Sherratt, Edgaras Montvidas, Oksana Volkova, Johannes Martin Kränzle etc…
Philharmonia Zurich
La saison s’ouvre sur une production qui va susciter un grand intérêt des mélomanes, d’une part envers une œuvre phare du répertoire et spectaculaire, d’autre part à cause de la curiosité de l’angle qui sera celui de Barrie Kosky, qui a laissé à Zurich des productions devenues des références : Die Gezeichneten et surtout Eugène Onéguine et Macbeth, sans doute la production du chef d’œuvre de Verdi la plus fascinante aujourd’hui en Europe et au-delà. Et puis, troisième élément de poids, la prise de rôle de Michael Volle dans Boris, chanteur de référence pour rôle de référence. Il sera entouré d’une belle distribution dont Johannes Martin Kränzle, John Daszak,  Edgaras Montvidas . Direction musicale de Kirill Karabits, le chef ukrainien, chef du Bournemouth Symphony Orchestra et qui vient de laisser le poste de GMD du Deutsches Nationaltheater Weimar.

Nov-déc. 2020
Pergolesi, L’Olimpiade (9 repr.) MeS: David Marton, Dir: Ottavio Dantone avec Vivica Genaux, Delphine Galou, Carlo Allemano, Anna Bonitatibus, Sophie Junker, Thomas Erlank.
Orchestra La Scintilla
Une rareté de Pergolèse, avec une belle distribution (Vivica Genaux, Delphine Galou) dirigée par Ottavio Dantone, un des spécialistes de ce répertoire.  Et le remarquable David Marton fait pour la première fois des infidélités à Lyon qui fut le seul Opéra où il avait jusque-là travaillé. Ce sera sans doute passionnant.

Déc 2020-janv. 2021
Verdi, Simon Boccanegra
(9 repr.), MeS: Andreas Homoki, Dir: Fabio Luisi, avec Christian Gerhaher, Jennifer Rowley, Christof Fischesser, Otar Jorjikia,Nicholas Brownlee etc…
Philharmonia Zurich
Plus que la mise en scène (Homoki), plus même que la direction musicale (Fabio Luisi), ce qui va exciter les curiosités, c’est Christian Gerhaher, le symbole même du chanteur de répertoire allemand, qui n’a pas de concurrent actuel comme Wozzeck ou comme Wolfram et qui va affronter un grand rôle verdien, Simon Boccanegra – sans doute le plus grand rôle de baryton italien alors qu’il n’est jamais affiché dans ce répertoire. Ce sera sans doute une expérience fascinante. À ne manquer sous aucun prétexte.

Fév-mars 2021
Gluck, Orphée et Eurydice
(9 repr.),  MeS: Christoph Marthaler, Dir: Stefano Montanari, avec Chiara Skerath, Nadezhda Karyazina, Alice Duport Percier et danseurs…
Philharmonia Zurich
L’Orphée de Gluck dans une production qui va sûrement ravir les passionnés de théâtre, puis Christoph Marthaler, plus rare ces dernières années revient pour mettre en scène le plus fameux des opéras composés autour d’Orphée, et c’est sans doute un événement. Stefano Montanari que les lyonnais connaissent bien (L’Opéra de Lyon le premier lui a donné une place de choix parmi les chefs invités, notamment pour les Mozart, mais aussi pour l’Orphée de Gluck qu’il dirigea (Prod.Marton). Vivacité, énergie communicative, précision, voilà les qualités de ce chef (qui est aussi violoniste) auxquels désormais s’intéressent beaucoup de théâtres européens, et c’est heureux. Enfin une distribution jeune, avec l’arrivée dans des grands rôles de chanteurs émergés récemment, Chiara Skerath et Nadezhda Karyazina…Donc un spectacle à voir et qui mérite le voyage.

Mars-avril 2021
Roman Haubenstock-Ramati, Amerika
(7 repr.) MeS : Sebastian Baumgarten, Dir: Gabriel Feltz, avec Paul Curievici, Mojca Erdmann, Robert Pomakov, Ruben Drole etc…
Philharmonia Zürich
Roman Haubenstock-Ramati est un compositeur (1919-1994) qui a travaillé à Cracovie, Tel-Aviv, Vienne où il a été professeur à la Musikhochschule. On lui doit entrle e autres œuvres un opéra (Amerika) et un anti-opéra (Comédie). Amerika, tiré du premier roman de Kafka (écrit à la veille de la première guerre mondiale) a été créé au Deutsche Oper Berlin en octobre 1966. C’est Sebastian Baumgarten qui en assurera la mise en scène (il signa le fameux Tannhäuser dans une usine à Méthane à Bayreuth et ne laissa pas de bons souvenirs), et la direction musicale est confiée à Gabriel Feltz, bien connu dans le monde germanique. Une vraie rareté.

Avril-mai 2021
Jacques Offenbach, Les contes d’Hoffmann,
(10 repr.), MeS: Andreas Homoki, Dir : Antonino Fogliani, avec Saimir Pirgu, Andrew Foster-Williams, Alexandra Kadurina, Katrina Galka, Ekaterina Bakanova, Lauren Fagan etc…
Philharmonia Zürich
Une nouvelle production un peu alimentaire, le titre est de ceux qui attirent la foule, et pour le servir, la mise en scène d’Andreas Homoki, le maître de maison qui signe sa deuxième production de la saison après Simon Boccanegra. Au pupitre, l’excellent Antonino Fogliani qu’on voit de plus en plus un peu partout en Europe et c’est Saimir Pirgu qui chantera Hoffmann, face aux quatre méchants d’Andrew Foster-Williams.

Gioachino Rossini, La Donna del lago (3 repr.) Version concertante, Mise en espace: Stephanie Lenzen, Dir: Antonino Fogliani avec Edgardo Rochas, Vivica Genaux, Karine Deshayes, Stanislav Vorobyov, Sergey Romanovsky
Philharmonia Zürich
Une mise en espace d’un opéra qui aurait peut-être mérité une production, tant il est rare aujourd’hui. A part Antonino Fogliani au pupitre, spécialiste de ce répertoire, Edgardo Rochas et Sergey Romanovsky les ténors qu’on voit de plus en plus sur les scènes rossiniennes, aux côtés du Malcolm de Vivica Genaux, c’est Karine Deshayes qui va reprendre le flambeau du rôle redoutable d’Elena et on sera tout ouïe !

Mai 2021 (au Theater Winterthur)
Gaetano Donizetti, Viva la mamma (5 repr.), MeS: Melanie Huber, Dir: Carrie-Ann Matheson avec Lina Dambrauskaité, Yuriy Hadzetskyy, Andrew Moore etc…
Musikkollegium Winterthur
Traditionnellement, une production de l’année faite par les forces de Winterthur est incluse dans la saison zurichoise, c’est l’opéra-bouffe Viva la Mamma, d’un Donizetti un peu délirant qui est au programme.

Mai-juin 2021
Richard Strauss, Capriccio
(7 repr.), MeS: Christof Loy, Dir: Markus Poschner avec Julia Kleiter, Markus Eiche, Ben Bliss, John Chest, Christof Fischesser, Paula Murrihy etc…
Philharmonia Zürich
C’est Markus Poschner, actuel directeur du Bruckner-Orchester de Linz et directeur musical du théâtre local qui va diriger cette nouvelle édition de Capriccio, mise en scène par le mieux connu Christof Loy (qui signa une Alcina exceptionnelle à Zurich). Zurich diversifie les chefs invités et élargit le spectre. Plus classique la distribution, solide, est dominée par Julia Kleiter et Markus Eiche, tous deux remarquables, et du jeune ténor américain Ben Bliss.

Juin-juil. 2021
Gaetano Donizetti, Lucia di Lammermoor
(7 repr.), MeS: Tatjana Gürbaca Dir: Speranza Scappucci, avec Massimo Cavaletti, Lisette Oropesa, Piotr Beczala, Andrew Owens.
Philharmonia Zürich
Pour cette histoire qui crucifie les femmes isolées, perdues, victimes dans un monde d’hommes, c’est à deux femmes qu’est confiée cette nouvelle production, Tatjana Gürbaca, désormais bien installée dans le paysage des metteurs en scène d’aujourd’hui, et Speranza Scappucci, qui en peu de temps s’est fait un nom dans les chefs d’orchestre, notamment pour le répertoire italien. Et puis une distribution dominée par la magnifique Lisette Oropesa (un must) entourée de rien moins que Piotr Beczala et Massimo Cavaletti. Un petit week-end de début d’été à Zurich ??

 

Répertoire :

 

17 reprises sont prévues avec une moyenne de 5 représentations par titre

Sept-Oct 2020
Guseppe Verdi, I Vespri Siciliani, (5 repr.) MeS : Calixto Bieito, Dir : Fabio Luisi, avec Maria Agresta, Bryan Hymel, Alexander Vinogradov, Quinn Kelsey etc…
Philharmonia Zürich
Une distribution solide sans être exceptionnelle (Bryan Hymel peut-il encore chanter Arrigo?), garantie par la direction musicale d’un expert comme Fabio Luisi. La production de Calixto Bieito avec la même distribution, est prévue en juin 2020…si le coronavirus le permet, ce qui est loin d’être certain.
Il est plus probable que cette reprise sera sans doute une nouvelle production reportée…

Emmerich Kálmán, Die Czardasfürstin
, (5 repr.) MeS : Jan Philipp Gloger, Dir : Ulf Schirmer, avec Annette Dasch, Pavol Breslik, Spencer Lang, Rebeca Olvera etc…
Philharmonia Zürich
Autre production prévue en avril et mai 2020 et de facto reportée: la reprise en début de saison prochaine est sans doute une manière de postposer la création, comme pour I Vespri Siciliani, ce qui signifierait, avec le Boris Godunov prévu, que la saison 2020-2021 commencerait avec trois nouvelles productions, à condition que les répétitions puissent se faire dans de bonnes conditions…que de « si… » ! Il reste que la distribution (Pavol Breslik et Annette Dasch) est prometteuse. et que cette opérette désormais rare est un must, qu’il faut avoir vu. En France, elle fut l’un des grands succès du couple  symbole de l’opérette que fut Marcel Merkès et Paulette Merval .

Oct. 2020
Gaetano Donizetti, Maria Stuarda
, (5 repr.) MeS : David Alden, Dir : Enrique Mazzola avec Salomé Jicia, Diana Damrau, Paolo Fanale, Nicolas Testé etc…
Philharmonia Zürich
Du bel canto et l’affrontement traditionnel entre Elisabeth et Marie Stuart. Cette fois, c’est Diana Damrau qui est la reine prisonnière, et la jeune Salomé Jicia (révélée au Festival de Pesaro dans le rôle de Semiramide) qui sera la méchante Elisabeth. Mise en scène de David Alden spécialiste du répertoire italien et direction experte de Enrique Mazzola. Ce devrait être intéressant

Oct.-nov.2020
Gaetano Donizetti, L’Elisir d’amore
, (5 repr.) (5 repr.)MeS : Grischa Asagaroff, Dir : NN avec
Mané Galoyan, Mauro Peter, Samuel Dale Johnson, Erwin Schrott, etc…
Philharmonia Zürich. Un peu moins intéressant peut être et en tous cas alimentaire cette reprise sans chef annoncé de l’Elisir d’Amore, avec notamment Mauro Peter, le ténor autrichien découvert dans Mozart, et Erwin Schrott, qui devrait en faire des tonnes dans Dulcamara.

Nov.-déc. 2020
Jules Massenet, Manon
, (5 repr.) MeS : Floris Visser, Dir : Fabio Luisi avec Vannina Santoni, Benjamin Bernheim, Audun Iversen, Alastair Miles etc…
Philharmonia Zürich
Couple français pour opéra français sous la direction experte de Fabio Luisi. Vannina Santoni a tôt fait de conquérir les scènes nationales et internationales, et Benjamin Bernheim (né à Paris, grandi en Suisse et ex membre de la troupe de Zurich) est désormais (et justement) le ténor to be heard surtout dans un rôle typique du répertoire lyrique français. Production récente de Floris Visse accueillie diversement à la création, en 2019…

Déc. 2020-janv. 2021
Gioachino Rossini, Il viaggio a Reims, (7 repr.) MeS : Christoph Marthaler Dir : Riccardo Minasi avec Pietro Spagnoli, Anna Aglatova, Serena Farnocchia, Nadezhda Karyazina, Aleksandra Olczyk, Alexey Nekludov etc…
Philharmonia Zürich.
Reprise de la production signée Christoph Marthaler (lire notre compte rendu dans ce blog Viaggio a Reims-Zürich ) dirigée par Riccardo Minasi, qui dirige beaucoup à Zurich, notamment le répertoire XVIIIe  avec une distribution complètement renouvelée où l’on relève les noms d’Anna Aglatova (excellente jeune chanteuse venue de Russie) ou de la plus expérimentée Serena Farnocchia. Un Viaggio a Reims est toujours un moment excitant pour le spectateur.

Déc.-Janvier 2021
Georg-Friedrich Haendel, Alcina
, (5 repr.) MeS : Christof Loy Dir : Giovanni Antonini avec Cecilia Bartoli, Magdalena Kožená, Sandrine Piau, Deniz Uzun, Samuel Boden etc…
Orchestra La Scintilla
Trio de choc pour cette reprise de la magnifique production de Christof Loy (voir notre compte rendu sur ce blog), toujours dirigée par Giovanni Antonini : Cecilia Bartoli, Magdalena Kožená, Sandrine Piau…Ces trois noms et la qualité de la production suffisent pour que vous alliez prendre votre billet de TGV…

Janvier 2021
Stephen Sondheim, Sweeney Todd
, (6 repr.) MeS : Andreas Homoki Dir : David Charles Abell avec Bryn Terfel, Angelika Kirschlager, Elliott Madore, Liliana Nikiteanu…
Philharmonia Zürich
Un Musical de Stephen Sondheim n’est jamais à négliger, surtout cette histoire noire de Barbier Serial killer qui aime les tourtes à la viande (qui a inspiré Tim Burton) et surtout quand les protagonistes s’appellent Bryn Terfel et Angelika Kirschlager . Reprise de la production de 2018 assez bien accueillie, surtout musicalement.

Janv.-Fév. 2021
Gioachino Rossini, Il Barbiere di Siviglia
, (5 repr.) MeS: Joahnnes Polzgütter Dir: Georges Petrou avec Konstantin Shushakov/Dean Murphy, Alasdair Kent, Paolo Bordogna, Aigul Akhmetshina etc..
Une production du Berbier di Siviglia venue de Winterthur pour en quelque sorte, présenter les nouveaux memebres de la troupe de Zurich, assez profondément renouvelée.
Musikkollegium Winterthur

Févr.-mars 2021
Vincenzo Bellini, I Puritani
, (5 repr.) MeS : Andreas Homoki Dir : Daniele Squeo avec Stanislas Voribyov, Wenwei Zhang, Lawrence Brownlee, George Petean, irina Lungu
Philharmonia Zürich
Un chef italien venu de Karsruhe où il est Kapellmeister, une distribution dominée par Irina Lungu, Elvira de choix, Lawrence Browlee (Arturo) et George Petean (Riccardo), du bon niveau. Pour la production d’Andreas Homoki , voir le compte rendu sur ce blog)

Mars.-avr. 2021
Gaetano Donizetti, Don Pasquale
, (6 repr.) MeS : Christof Loy Dir : Sesto Quatrini avec Pietro Spagnoli, Konstantin Shushakov, Edgardo Rocha, Aleksandra Kubas-Kruk, etc…
Philharmonia Zürich
Un Don Pasquale qui met à contribution de nouveaux membres de la troupe, auxquels s’adjoignent des chanteurs de choix, Pietro Spagnoli (Don Pasquale), Edgardo Rocha (Ernesto) et une nouvelle venue qui a déjà quand même beaucoup chanté, y compris au Bolchoi, Aleksandra Kubas-Kruk en Norina.

Jules Massenet, Werther, (5 repr.) MeS : Tatjana Gürbaca Dir : Giedrė Šlekytė avec Charles Castronovo, Stéphanie d’Oustrac, Sandra Hamaoui, Audun Iversen etc…
Philharmonia Zürich
La lithuanienne Giedrė Šlekytė qu’on commence à voir dans les grands théâtres (Komische Oper par exemple) dirige ce Werther signé Tatjana Gürbaca, une production qu’on a vue à Strasbourg (voir le compte rendu de DAvid Verdier dans Wanderersite.com). Deux chanteurs de choix pour cette reprise, l’excellent Charles Castronovo sera Werther, et Stéphanie d’Oustrac Charlotte, comme à Lyon et Paris dans la version concertante, et comme il y a deux ans à Nancy. Bien des motifs de faire le voyage .

Avril-mai 2021
P.I. Tchaikovsky, Yevgeny Oneghin
, (5 repr.) MeS : Barrie Kosky Dir : Kirill Karabits avec Liliana Nikiteanu, Gelena Gaskarova, Konstantin Shushakov, Pavol Breslik, Margarita Nekrasova, David Shipley etc…
Philharmonia Zürich
La merveilleuse production de Barrie Kosky, si poétique, vue à la Komische Oper de Berlin (voir notre compte rendu sur Wanderersite.com) est coproduite avec Zürich et réunit sous la direction de Kirill Karabits (voir plus haut Boris Godunov) Gelena Gaskarova (Tatjana), Konstantin Shushakov (Onéguine) et Pavol Breslik en Lenski, soit une distribution partiellement renouvelée puisque Pavol Breslik était déjà présent lors des premières séries en 2017. La production vaut le voyage, et l’œuvre est l’une des plus belles musiques de Tchaïkovsky

Mai 2021
Bertolt Brecht/Kurt Weill: Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny
, (5 repr.) (5 repr.)MeS : Sebastian Baumgarten Dir : Thomas Søndergård avec Doris Soffel, Cameron Becker, Robert Gleadow, Valentina Farcas, Christopher Ventris etc…
Philharmonia Zürich
Une mise en scène plutôt réussie de cette œuvre si difficile à monter, et si l’on excepte Christopher Ventris et Ruben Drole, la distribution est pleinement renouvelée, Doris Soffel est Leocadia (c’était Karita Mattila) et Valentina Farcas Jenny. Au pupitre le danois Thomas Søndergård, plutôt familier du répertoire XXe et contemporain. Pour fêter le 70e anniversaire de la mort de Kurt Weill .

Juin 2021
Giacomo Puccini, Madama Butterfly
, (6 repr.) MeS : Ted Huffmann Dir : Marco Armiliato avec Ana Maria Martinez, Judith Schmidt/Katia Ledoux, Saimir Pirgu, Brian Mulligan etc…
Philharmonia Zürich
Un chef de bon niveau (Marco Armiliato) pour cette reprise un peu alimentaire du chef d’œuvre de Puccini, dans la production de Ted Huffmann vue à Montpellier en octobre 2019 et créée à Zürich en 2017. On y retrouve Saimir Pirgu (Pinkerton) et Brian Mulligan (Sharpless), Butterfly est Ana Maria Martinez. Si vous êtes à Zurich…

Juin-Juil. 2021
Giuseppe Verdi, Don Carlos
, (5 repr.) MeS : Sven-Eric Bechtolf Dir : Mark Elder avec Marcelo Alvarez, Tatjana Serjan, Vitaly Kovaljow, Simon Keenlyside, Ludovic Tézier, Ekaterina Sementchuk etc…
Philharmonia Zürich
Production banale de Sven Eric Bechtolf, avec une distribution plutôt intéressante avec notamment deux Posa de choix, Simon Keenlyside et Ludovic Tézier pour les deux dernières) et Tatjana Serjan en Elisabetta. Si Alvarez ne fait pas de routine cela pourrait être intéressant, mais pourquoi diable  aller chercher Mark Elder, qui n’est pas réputé pour être un chef verdien pour diriger ce chef d’oeuvre ?

Juil.2021
W.A.Mozart: Idomeneo
, (4 repr.) MeS : Jetske Mijnssen
Dir : Giovanni Antonini avec Sergey Romanovsky, Olivia Vermeulen, Lauren Snouffer, Guanqun Yu etc…
Orchestra La Scintilla
De nouveau Giovanni Antonini (qui l’avait dirigé lors de la première en 2018) déjà présent dans la saison pour monter au pupitre d’un Idomeneo minimaliste mais élégant signé Jetske Mijnssen, à la distribution complètement modifiée (sauf l’Elettra plutôt solide de Guanqun Yu) qui verra Sergey Romanovsky, excellent rossinien, chanter le roi naufragé et potentiel assassin de son fils Idamante (Olivia Vermeulen).

 

Autres productions
(pour enfants et familles)

 

Sept., nov., déc. 2020, janvier 2021
Wolfgang Mitterer, Das tapfere Schneiderlein
(Le vaillant petit tailleur) (21 repr.) MeS : Kai Anne Schuhmacher, Dir : Ann-Katrin Stöcker, avec Luca Bernard/Nathan Haller, Ziyi Dai/Erica Petrocelli, Ruben Drole/ Yuriy Hadzetskyy
Un « Familienoper », opéra pour familles, d’après Grimm, dans une des petites salles de l’Opéra limitée à 50 places, ce qui justifie le nombre de représentations : Kai Anne Schuhmacher est aussi l’auteur des costumes et des marionnettes tenues par les chanteurs. Pour enfants de plus de 6 ans.
Notons dans la distribution le tout jeune canadien Nathan Haller, ce ténor est un futur grand…

Nov., déc. 2020, janv., févr 2021
Pierangelo Valtinoni, Alice in Wonderland
(Alice au pays des merveilles) (13 repr.) Mes:  Nadja Lotschki Dir : Michael Richter avec Sandra Hamaoui/Lina Dambrauskaité Ruben Drole/Gary Martin Valeriy Murga/Andrew Moore
etc…
Donné dans la journée (sauf le 15 décembre), le matin ou en début d’après-midi, c’est une commande de l’Opéra de Zurich dont la création aura lieu le 14 novembre 2020, un « opéra-conte » pour enfants de plus de 7 ans.

Certes, vu la période, rien n’est inscrit dans le marbre et le bon déroulement des saisons dépend de la situation sanitaire. Les fins de saison 2019-2020 de tous les Théâtres d’Opéra du monde sont fortement menacées et cela aura des conséquences notables sur les saisons qui commencent en septembre.
Mais à supposer, ce que nous souhaitons, que tout se passe normalement, la saison 2020/2021 à Zurich est une saison équilibrée, avec des nouvelles productions stimulantes et des reprises solides, cela signifie de toujours garder l’attention sur cette maison à la qualité constante, qui donne souvent sa chance à de nouveaux chanteurs et de nouveaux chefs . Des voyages en perspectives si…

OPÉRA NATIONAL DE PARIS 2018-2019: SIMON BOCCANEGRA de Giuseppe VERDI le 28 NOVEMBRE 2018 (Dir.mus, Fabio LUISI; Ms: Calixto BIEITO

La carcasse de navire

Le cas Boccanegra

Une chose est claire : il n’y a pas de production de Simon Boccanegra aujourd’hui qui ne soit mise en relation avec la production légendaire de Giorgio Strehler (1971)  qui a fait le tour du monde, de Paris à Tokyo en passant par Washington et Moscou, et qui a fini à Vienne (apportée par Abbado) où deux imbéciles devant l’éternel , Eberhard Waechter (qui pourtant chanta Simon à Munich dirigé par Abbado avec Janowitz en Amelia en 1971, mais pas dans la production Strehler) et Ioan Holänder, ont décidé de la détruire après le départ du chef italien vers Berlin: comme tous les imbéciles, ils devaient en avoir peur, puisqu’ils ont même refusé de la revendre au Teatro Carlo Felice de Gênes qui voulait légitimement l’acheter.
Avec une vidéo de la RAI (qui intègre une introduction flamboyante de Strehler), qui circule encore aujourd’hui, ce spectacle peut être vu de tous les amateurs d’opéra. Il y a aussi une vidéo de l’Opéra de Paris, dont je possède miraculeusement une copie, qui a croupi dans les caves, puisque de sombres questions de droits ont empêché les vidéos de l’ère Liebermann d’être plus tard exploitées. C’est ainsi que la Lulu de Chéreau a disparu des radars et bien d’autres retransmissions. La vidéo de Paris est peut-être encore musicalement supérieure à celle de Milan, malgré les rapports exécrables qu’Abbado a entretenus avec l’orchestre de l’Opéra.
Mon lien à Simon Boccanegra est si personnel qu’un « post » sur le blog était inévitable, tant je sens le besoin, après  avoir vu la production parisienne, très digne, de bon niveau, de faire le point sur cette œuvre, sur les mises en scènes de Verdi, et évidemment sur la production de Calixto Bieito et Fabio Luisi.

De la difficulté à mettre Verdi en scène

On serait bien en peine de citer de nombreuses productions « historiques » d’opéras de Verdi, il y a la fameuse Traviata de Visconti-Callas, il y a ce Simon Boccanegra de Strehler, puis quatre ans après son Macbeth, toutes à la Scala. Il y a peut-être l’Otello de Zeffirelli, encore à la Scala et ses différentes Aida, moins réussies, et le Don Carlo de Ronconi, copieusement hué, toujours à la Scala qui était alors un théâtre de référence. Mais connaît-on un Trovatore qui ait laissé quelque trace dans la mémoire, ou une Forza del Destino, voire un Ballo in maschera ou un Rigoletto (peut-être le travail de Jonathan Miller à l’ENO  qui inventa la transposition en quartier mafieux) ? Quelques productions de Traviata restent aujourd’hui digne d’intérêt comme celle de Willie Decker à Salzbourg et ailleurs et sûrement Marthaler à Paris  mais au total, c’est bien peu.

Verdi a une place tellement particulière dans le paysage lyrique que toute mise en scène un peu « décalée » ou « originale », notamment de l’horribilis Regietheater qui a produit dans les années 80 des Aida, des Nabucco qui provoquèrent de mémorables scandales en Allemagne, signés notamment par Hans Neuenfels, crée souvent le scandale chez un public pour qui compte bien plus la musique et le chant que la mise en scène.
C’est clair, quand un Verdi est merveilleusement chanté, on évacue la mise en scène (voir l’Otello de Karajan…) : on ne compte plus les productions médiocres qui ont servi d’écrin poussiéreux à des diamants musicaux et vocaux.
La question tient sans doute à ce que la mise en scène « moderne » s’intéresse plus aux drames dont le livret est continu, c’est à dire aux livrets écrits après Wagner. Verdi et notamment la première moitié de sa production reste tributaire des formes classiques, récitatif, air, cabalette et la dramaturgie doit passer par les fourches caudines de livrets souvent improbables, sauf lorsqu’ils prennent leurs source chez Hugo ou Shakespeare : ce n’est pas un hasard si la plupart des grandes mises en scène de Verdi travaillent sur les titres notamment issus de Shakespeare (encore plus que Hugo : Ernani mis en scène en 1982 par Luca Ronconi à la Scala fut un échec ). Mise en scène et Verdi ne vont ensemble qu’avec difficulté, même si certaines productions comme le Macbeth de Barrie Kosky à Zurich sont des références d’aujourd’hui.

Aucune des productions verdiennes actuelles de l’Opéra de Paris (mais c’est le cas ailleurs aussi) ne tient la rampe ou ne mérite même la mémoire, et pour moi qui pleure souvent l’ère Liebermann, ni la Forza del Destino d’alors, ni Trovatore qui devait être de Visconti et qui fut de Tito Capobianco ne laissèrent de traces durables. Seuls survivent dans la mémoire I Vespri Siciliani (John Dexter, un spectacle dans les décors de Josef Svoboda très post-Appia, magnifique et fascinant) si adapté par anticipation esthétique à l’Opéra-Bastille qui ne le verra jamais, et ce Simon Boccanegra, venu de la Scala, qui triompha deux saisons de suite, malgré l’absence d’Abbado (remplacé par Nello Santi) la seconde saison…

Au commencement était Strehler 

Cette longue introduction pour replacer la mise en scène de Calixto Bieito dans la double perspective des mises en scène verdiennes, et de l’histoire de Simon Boccanegra en particulier.
On doit à Giorgio Strehler quatre mises en scène verdiennes, La Traviata (1947) Simon Boccanegra (1971), Macbeth (1975), Falstaff (1980).

Acte I (Strehler Frigerio)

En 1971, Simon Boccanegra n’était pas considéré comme l’un des chefs d’œuvre de Verdi, c’est justement cette production qui va projeter au premier plan une œuvre considérée comme secondaire, au livret alambiqué avec son prologue qui se déroule vingt-cinq ans auparavant, par sa longueur un acte à lui tout seul.
C’est donc depuis Strehler-Abbado que tous les théâtres en ont proposé des productions, toutes à peu près transparentes, y compris celles dirigées par Abbado après Strehler, à savoir Peter Stein à Salzbourg (c’est la production actuelle de l’Opéra de Vienne, qui remplaça celle de Strehler détruite par la paire d’imbéciles citée plus haut), et ce qu’il faut appeler hélas une mise en scène, à Ferrara, signée d’un certain Carl Philip von Maldeghem (2001).
Strehler avait conçu un travail qui rendait compte à la fois des aspects politiques du drame et de la solitude de ces grandes âmes (car  par-delà leurs haines, tous ces personnages sont des âmes nobles, Paolo mis à part). Il a conçu un prologue nocturne, pour exalter dans le reste de l’opéra la lumière mordorée du soleil, qui se couche au soir de la vie de Simon.
Strehler fait respirer l’espace en évoquant sans cesse la mer, qu’on ne voit d’ailleurs qu’à travers des voiles (à l’acte I pour l’air d’Amelia « Come in quest’ora bruna/Sorridon gli astri e il mare! » et au final où le corsaire Boccanegra retourne vers la mer) ou à travers le récit des personnages et notamment d’Amelia, élevée en bord de mer, vivant en bord de mer, enlevée par les sbires de Paolo en bord de mer qui chante la mer dès le début de l’acte I et qui ainsi se montre digne fille de son père.
La mise en scène de Strehler donnait un espace, une respiration où la mer sans cesse évoquée était singulièrement ressentie. Il avait su aussi rendre par l’alternance nuit /jour en opposant prologue nocturne et actes et avait inscrit le drame dans une histoire, politique, temporelle (les héros vieillissent : le duo final des deux vieillards était un moment d’émotion incroyable) et individuelle. Il avait su allier destins individuels et isolés et histoire politique, avec les plébéiens un peu populistes contre les patriciens conservateurs, avec la corruption et les manœuvres qui mènent au pouvoir et les sbires qui réclament leur dû après avoir fait élire leur chef : en bref, la loi de tout pouvoir, qui n’est pouvoir que parce qu’il a su gérer sa part d’ombre. Au milieu de cette lecture politique très moderne, qui n’a rien d’étonnant (depuis la République Romaine et la montée des populares contre le patriciat, au Moyen âge sous Cola di Rienzo toujours à Rome, et bien sûr aujourd’hui, le jeu est le même), il y a une histoire d’amour entre une fille et son père, une histoire d’amour entre deux jeunes gens nobles, une histoire d’amour/haine entre deux vieillards que rien n’oppose en fait humainement. D’ailleurs comme une figure christique, Simon le politique ne cesse de demander au peuple et à son assemblée la paix et l’amour.
Dans la production de Strehler (et mettons à part les aspects musicaux inaccessibles aujourd’hui à aucun chef ni aucun chanteur), il y avait la totalité d’une histoire racontée dans son milieu historique d’origine (Strehler ne transpose jamais, sauf dans son Falstaff dont le cadre est la plaine du Pô), qui mêle politique et rêves individuels, dans un décor sublime d’Ezio Frigerio, qui a marqué les esprits (Ah ! ce lent lever de rideau du premier acte avec cette voile qui se découvre) et des éclairages non moins sublimes. Rien n’était laissé au hasard et rien n’était laissé de côté. La légende musicale a fait le reste.

Et aujourd’hui Bieito

Commencer l’analyse de ce spectacle par Strehler, référence universelle de tout metteur en scène qui s’attaque à Simon Boccanegra, est inévitable et il serait bien surprenant que Calixto Bieito, artiste d’une implacable rigueur ne s’en inspirât point.
Mais s’inspirer ne veut pas dire imiter, car imiter la production de Strehler serait une entreprise inutile sinon ridicule : s’inspirer, c’est se positionner « par rapport à ». C’est la démarche de Bieito qui, à l’instar de Johan Simons en 2006 (et même de Nicolas Brieger en 1994, dont la production de l’ère Blanchard a été suffisamment solide pour survivre jusqu’en 2002 sous Gall), privilégie un axe : pour Simons c’était le politique, et pour Bieito c’est le destin individuel des êtres.
Alors, Bieito va mot à mot s’inscrire volontairement à l’opposé de Strehler. Et c’est cette lecture antithétique qui a désarçonné une partie des spectateurs : à la lumière de la mer et du ciel, à la respiration de l’œuvre, Bieito privilégie le noir artificiel coupé de la glace des néons (car l’obscurité de Strehler n’est pas artificielle, c’est celle de la nuit, éclairée à la torche et au rythme de la musique – Strehler était aussi musicien). À l’espace et à la respiration strehleriennes, Bieito propose un espace unique et clos, un espace tragique vite étouffant conçu par Susanne Gschwender. En renonçant à l’histoire politique avec ses assemblées et ses complots, en faisant du chœur plus une utilité (qu’on ne voit même pas toujours) qu’une présence (sinon musicale), en renonçant aux êtres inscrits dans l’histoire, il montre des individus solitaires, surgissant de l’obscurité, seuls, enfermés sur eux-mêmes, distribués dans l’ombre du vaste plateau de Bastille, jamais vraiment hors champ, et rarement dans le champ, se touchant assez rarement, comme enfermés dans leur bulle. Et il renonce à la trame, refusant les armes (épées etc..), refusant les objets, refusant toute anecdote.

Scène du conseil (Final Acte I) Ludovic Tézier (Simon Boccanegra) et Francesco Demuro (Gabriele Adorno)

Quant à la mer, elle est présente de manière écrasante et sombre, sous la forme de l’étrave et du bulbe d’un navire en cale sèche, avec ses entrailles dans lesquelles Simon Boccanegra se perd, solitaire, quand il n’est pas sur le plateau : un univers qui évoque le maritime mais un maritime à l’arrêt, en réparation, pourquoi pas à l’abandon comme ces carcasses qui vont mourir en Inde pour être dépecées. Univers mental, concentration (que d’aucuns appellent stupidement ennui : comment s’ennuyer avec cette musique ?), et si tout cela n’était qu’un rêve ? Et dans ces entrailles de navire, avec ses piliers métalliques enchevêtrés, comment ne pas penser non plus au fameux Pont Morandi, dont l’architecture rappelait un peu et volontairement l’architecture navale…
La première image, sans la musique, dans un silence pesant, dans l’ombre, est justement l’ombre de Simon s’allongeant au proscenium, comme il s’allongera à l’acte I (avec sa fille) ou à l’acte III (au moment où il boit le poison). Simon, allongé, comme écrasé, comme plongeant dans un sommeil narcoleptique pour échapper à la crise et au monde devient ici une figure, comme un refrain.
Le traitement même du personnage par Bieito accentue cette singularité : il en fait un être ailleurs, à la fois concerné et distancié. Ses changements de costume aussi montrent une évolution psychologique, au départ personnage « ordinaire » comme l’est le peuple qui l’entoure : certains ont noté la laideur des costumes : qu’est-ce que le beau et le laid au théâtre ? Qui peut qualifier la laideur ? Le laid est sublimé par l’art…
Au théâtre c’est le fonctionnel qui doit dominer : or Bieito fait de Simon furtivement le porte-parole des gens ordinaires et habille Amelia-Maria comme eux, parce qu’elle est issue de ce monde-là, parce qu’elle n’est pas une aristocrate, parce qu’elle est la fille de sa classe et de son père. Les costumes (de Ingo Krügler) sont d’ailleurs le seul signe « idéologique » de cette production, et c’est sur eux que certains se sont fixés…signe idéologique de ce qu’est le genre « opéra ».

Suivons les évolutions du costume de Simon : il est d’abord en parka de cuir, corsaire si l’on veut, plus ou moins comme les autres, et mal coiffé.
En devenant Doge, ostensiblement il se recoiffe, se change à vue, endosse cravate et costume, et lunettes, qui lui donnent un air sérieux et classent son homme avec des attributs du politique selon les lieux communs (souvenons-nous de l’ironie suscitée par les cravates mal nouées de François Hollande, signe d’un ordinaire peu conforme à l’image que les médias voulaient de la fonction, mais pourtant signe d’une normalité revendiquée).
Mais cela dure peu: dès qu’il découvre en Amelia sa fille, il se « défroque », enlève cravate et veste, et se retrouve en chemise col ouvert et bretelles : il est nu, en quelque sorte, il est non plus le politique, mais l’individu.

Ludovic Tézier (Simon Boccanegra)

Retrouver sa fille, c’est du même coup faire coller politique et individu (il porte sans cesse la veste de cuir de sa fille) et œuvrer à la réconciliation des deux classes dont elle est le fruit, c’est porter un discours d’amour et de paix, un discours direct et non plus le discours xyloglottique  auquel nous sommes habitués. Bieito lie l’aventure du père désormais comblé à celle du politique (d’où aussi le discours sur Venise, très lisible pour le public de la création, en plein Risorgimento) et fait du destin de Boccanegra un destin individuel presque indépendant des vicissitudes politiques : christique là encore, il meurt pour l’amour, la paix et la réconciliation qu’Adorno portera, incarnation du καλὸς κἀγαθός (litt. Le beau et le bon) de l’idéologie  grecque, incarnation du bon gouvernement.

Maria Agresta (Amelia/Maria) et Ludovic Tézier (Simon Boccanegra)

Le jeu des costumes est une sorte de fil rouge de cette mise en scène : Simon porte la veste de sa fille, qui a servi de couverture lorsqu’il s’est allongé, il la porte à la main, comme le signe de sa présence désormais à ses côtés. Même Fiesco, pourtant toujours sanglé dans son costume trois pièces se débarrasse de sa veste et la jette, puis la ramasse selon les scènes.

Un travail minimaliste, concentré, abstrait

Signes minimalistes ? Sûrement, mais rien n’est plus individuel que le costume et la manière dont on le porte. Pietro sanglé dans son cuir ne sera jamais qu’un apparatchik, et Paolo un peu débraillé et vaguement vulgaire (au contraire d’ailleurs du chant impeccable porté par Nicola Alaimo) ne suscite pas, à vue, l’adhésion ; il porte un seau, où certains ont vu une ventoline, mais qui pourrait être aussi l’attribut de son âme (on en fait des choses dans un seau…), en tous cas un signe que le personnage est marginal, qu’il n’est pas comme les autres, une sorte de stigmatisé, percé par les frustrations. Inutile alors de le faire grimaçant avec des yeux hallucinés dans une composition à la Strehler (Felice Schiavi en fit le rôle d’une vie). Le Paolo de Bieito est digne dans son indignité.
Enfin, et à l’opposé de Strehler, les personnages ne vieillissent pas entre le prologue et les trois actes, ce qui peut désorienter le spectateur qui ne connaîtrait pas l’œuvre : Bieito construit un continuum d’un moment à l’autre parce que si le temps a passé les hommes et leurs haines n’ont pas changé, et le monde est le même, avec ce Simon encore perdu dans sa tristesse structurelle, tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change.
Tout cela montre la rigueur avec laquelle Bieito a conduit sa mise en scène. Alors, les réflexions sur la beauté ou la laideur sont à la fois vaines et impropres dans un discours scénique où ce n’est pas l’histoire ou la trame qui comptent, mais les relations entre les êtres ou leur terrible vacuité.
Dans ce travail en effet, peu de gens se touchent, chacun arrive sur scène, lentement, d’abord ombre, puis silhouette et enfin personnage d’un lieu imprécis, comme remontant à la surface où défilent en vidéo (de Sarah Derendinger) les visages des personnages en plan si rapproché qu’ils semblent tous se ressembler et être interchangeables. Seuls Fiesco et Simon se touchent déjà au prologue et notamment dans un moment sublime de l’acte III où Fiesco essuie le visage de Simon agonisant, dans un geste fraternel et protecteur, et aussi naturellement la fille et le père, Amelia et Simon. Pour le reste, pas de gestes intempestifs qui seraient trop sentimentaux ou pathétiques, ce qui a fait dire – et je m’inscris en faux- qu’il n’y avait pas de direction d’acteurs. Bieito impose aux chanteurs une fixité, une abstraction qui pèse sur l’ensemble mais qui répond à ce que veut faire de ce drame le metteur en scène, un espace mental, un système aux planètes autonomes et sans soleil qui répond à la noirceur de cette histoire. Un Nadir livide en quelque sorte…
Au long du spectacle traverse la scène sans cesse la silhouette fantomatique de Maria, la fille de Fiesco que Boccanegra a (des)honorée, un cadavre malingre qu’il embrasse au moment où il est élu doge, comme si le pouvoir lui portait en même temps l’absence, le vide et que l’amour de sa vie devenait spectre, imposant aussi son corps nu humé par les rats aux spectateurs, un corps qu’on suppose en décomposition prochaine, comme le bateau gigantesque qui tourne sur scène. Simon Boccanegra ou le drame de la décomposition d’un être qui n’est plus lui-même au pouvoir et ne se retrouve qu’avec sa fille.
D’où ce sentiment de détachement, cette absence de pathétique et de vibration, ces émotions données au compte-gouttes qui n’en sont que plus fortes, et cette vision détachée du réel et presque abstraite qui domine l’ensemble de la production. De manière contradictoire d’ailleurs on entend les regrets de ceux qui voient encore (après vingt ans) en Bieito le provocateur qui fit tant parler lors de son Ballo in maschera mais on voit aussi les regards scandalisés devant le corps nu sur lequel des rats circulent à l’entracte…
Il n’y a aucun doute pour moi, nous nous trouvons devant une des mises en scène récentes les plus accomplies du chef d’œuvre de Verdi. Ceux qui ont vu Strehler sans doute gardent vif le souvenir de cette absolue réussite, mais courir après les fantômes et les souvenirs n’empêche en rien de s’intéresser au présent . Il y eût un jour l’absolu et nous sommes dans le relatif ;  une chose est claire cependant, la production de Calixto Bieito, toute discutable qu’elle soit, a le courage de changer totalement de point de vue sur l’œuvre et de présenter une vision très cohérente de cet opéra si particulier, qui allie l’histoire, la politique et l’introspection.
Bieito choisit l’introspection, radicalement, faisant du personnage de Simon le centre d’un système où les autres peuvent apparaître comme des ombres, apparaissant ou disparaissant au gré des montées d’images du personnage principal, perdu dans son monde qui n’a plus de lien avec le réel. Bieito ne nous montre pas une histoire, d’autres l’ont fait et bien mieux, il nous montre des êtres perdus dans leur rêve, leurs haines, leurs fragilités qui errent dans une sorte de no man’s land aux frontières imprécises et ce faisant, il approfondit notre écoute de la musique.

Un parti pris musical aussi sombre que la scène

Justement, c’est une des musiques les plus sublimes écrites par Verdi, que Claudio Abbado pour l’éternité a fixée, dans une interprétation où il allie l’intériorité et la méditation, mais aussi la vibration et le théâtre, fouillant dans la partition jusqu’à donner l’impression d’une musique qui pleure (scène finale entre Fiesco et Simon). Cette musique était un cœur battant à différents rythmes, alliant l’épique et l’intime (acte I), palpitant quelquefois (l’accompagnement des airs d’Adorno). Simon Boccanegra est tellement intimement lié à Abbado qu’il est difficile d’avoir un jugement distancié sur une interprétation dont toutes les fibres vibrent à l’unisson et qui épuise tous les spectateurs sous l’émotion.
Bien entendu, Fabio Luisi va dans une toute autre direction, très cohérente elle aussi, et surtout très en phase avec le spectacle. Comme toujours chez ce chef à la technique rodée par des années au service du répertoire le plus large (il doit être un des chefs qui a dirigé le plus de titres de tous les répertoires), la précision et la sûreté de son geste aboutissent à une interprétation techniquement sans failles, aussi bien dans le dosage des sons que dans la limpidité, et l’orchestre de l’Opéra le suit résolument, affichant un son charnu et délicat, tout en ombres et lumières. Conformément au rythme scénique, ralenti, qui affiche silences longs et ambiances ombrées, le rythme orchestral est plutôt lent, sans moments nerveux, y compris là où ce serait plus nécessaire (par exemple,  l’accompagnement d’orchestre de l’air d’Adorno de l’acte II « O inferno! Amelia qui ! … » demeure un peu éteint pour mon goût et pour un air de colère et d’ardeur), à d’autres moments j’ai eu la même impression d’un orchestre très (voire trop) contrôlé sans ce fameux halètement verdien. Mais Simon Boccanegra n’est pas Trovatore, et la mise en scène n’incite pas à l’explosion, mais bien plutôt à la concentration, comme une sorte de Requiem plus noir encore que celui qu’a écrit Verdi lui-même.
En ce sens Fabio Luisi est cohérent, et il veille aussi à contrôler un plateau certes remarquable, mais qui a besoin d’être soutenu par l’orchestre, et qui dans le vaste vaisseau (c’est le cas de le dire) de Bastille, risque toujours d’être un peu couvert par la musique. Luisi se montre donc plutôt retenu, mais sans vraie tension et pour mon goût quelquefois un tantinet mou. Mais de tels choix complètent parfaitement l’ambiance scénique très particulière voulue par Bieito, même si j’ai trop dans la tête un certain chef pour être pleinement objectif.
Le chœur dirigé par le remarquable José Luis Basso n’a pas évidemment la mobilité qu’il pourrait avoir dans les grandes scènes du conseil, ou même au prologue. Calixto Bieito le veut de face, au proscenium, sous l’immense carène de navire, presque comme un oratorio écrasant et les scènes de foules ne sont volontairement pas réglées :  Bieito fait presque du « semi-scénique », comme si les personnages surgis de nulle part rentraient dans le moule musical et s’y lovaient sans « agir »…
Ainsi le chœur au proscenium, entourant Boccanegra à terre sur le cadavre de sa fille au prologue, l’étouffant presque (là où chez Strehler le chœur formait une ronde infernale autour d’un Boccanegra porté par la foule et couvert de sa cape) ou celui du conseil, qui devient le peuple tandis que les conseillers s’opposent entre les coursives du navire, comme si prévalait le son et la musique du peuple sur celle des politiques. La mise en scène du chœur dit beaucoup sur le parti pris de Bieito.

Un plateau vocal de haut niveau et convaincant

Mikhail Timoshenko (Pietro) et Nicola Alaimo (Paolo)Soyons immédiatement clairs en ce qui concerne le plateau vocal réuni à Paris : dans mon oreille j’ai en permanence les autres entendus une douzaine de fois entre 1978 et 1982 et à Vienne ensuite, ce qui pourrait être une distribution B (Bruson, Raimondi, Ricciarelli…)  C’est ainsi et on pourra m’en faire reproche, que je considère Freni, Ghiaurov, Cappuccilli insurpassables dans leurs rôles. Ce n’est aucunement faire insulte au plateau réuni à Paris, sans doute ce qu’on peut faire de mieux aujourd’hui que de le reconnaître. Qui en effet pourrait refuser la palme du jour à Ludovic Tézier ? J’ai écrit suffisamment souvent que son timbre me rappelait Cappuccilli pour ne pas me dédire aujourd’hui, alors qu’il reprend scéniquement ce qui fut pour Cappuccilli le rôle d’une vie. Rien à reprocher à ce chant, techniquement parfait, contrôlé, avec une belle émission, une projection sans faille et une belle diction. Tézier est aujourd’hui sans doute le baryton le plus accompli pour Verdi.
Il reste qu’il n’a pas encore le rôle totalement dans le corps et dans la tête pour l’incarner totalement : un rôle pareil cela se rode. Il part de très haut et sans doute très vite sera-t-il  le Boccanegra de l’époque, c’est déjà aujourd’hui le meilleur de ceux que nous entendons habituellement sur les scènes dans ce rôle. La volonté de Bieito d’en faire un Boccanegra un peu absent, presque désincarné, presque désabusé et constamment ailleurs convient très bien à ce chant et cette une prise de rôle scénique. Et nous ne pouvons que saluer une performance magnifique que nous attendons dans quelques temps encore plus incarnée, encore plus dominée. Mais déjà c’est une très grande performance.
Maria Agresta a l’avantage d’une voix fraiche, jeune et techniquement très au point : elle se sort du final du premier acte (au conseil) avec tous les honneurs parce que toutes les notes sont faites, y compris les « scalette » redoutables. Elle n’aborde pas le rôle pour la première fois : elle l’a chanté avec Riccardo Muti à Rome il y a quatre ans. On entend dans sa manière de chanter qu’elle a beaucoup écouté Mirella Freni. Son Amelia est émouvante, mais le timbre est un peu clair, et ne possède pas dans la voix la couleur tragique qui frappe toujours chez son illustre devancière. Enfin, au moins ce mercredi, la voix accusait de menues irrégularités dans la ligne de chant, pas toujours homogène, avec quelques échos un peu métalliques ou acerbes. Il reste que cette Amelia-là reste aujourd’hui sans doute l’une des plus justes sur le marché lyrique.

Mika Kares (Fiesco) Ludovic Tézier (Simon Boccanegra) Acte III

Mika Kares continue la tradition des grandes basses finlandaises et j’avoue avoir été touché par son Fiesco, magnifié par la mise en scène de Bieito et l’attention que le metteur en scène a portée à son personnage. La voix est puissante et profonde (les graves de « il lacerato spirito » passent sans problème et ne sont pas détimbrés), elle s’élargit avec sûreté à l’aigu et les accents, la couleur me sont apparus très en place et particulièrement sentis. Ce n’est pas une voix tout d’une pièce qui ne ferait que du beau son. Il faut attendre le duo final avec Boccanegra pour atteindre au sublime : c’est sans doute le plus beau moment de la mise en scène mais c’est aussi le moment où le chant est le plus ressenti et le plus incarné, par les deux interprètes d’ailleurs. Les accents de Fiesco étaient d’une justesse et d’une intensité très rarement atteintes par les basses habituées à ce rôle. Allez, osons-le, il était « ghiaurovien ».
La vraie surprise vient peut-être du Paolo de Nicola Alaimo, un rôle noir auquel il ne nous a pas vraiment habitués et qui est peut-être un Paolo définitif : justesse des accents, contrôle vocal, magnifique émission, travail sur la couleur ; il réussit même – un comble pour un tel rôle – à émouvoir à chaque fois qu’il chante, tant le personnage voulu par Bieito a l’ambiguïté de certains méchants. C’est une très grande composition, très différente de celle du méchant halluciné de Felice Schiavi chez Strehler et qui personnellement m’a totalement convaincu. Nicola Alaimo est simplement grandiose.
D’une certaine manière, Francesco Demuro est aussi une surprise dans Adorno qui reste un rôle secondaire dans l’économie de l’œuvre. J’ai dans l’œil et l’oreille l’entrée au premier acte de Roberto Alagna courant autour du plateau, solaire en Adorno juvénile dans la production de Stein en 2000 à Salzbourg avec Abbado: il y fut extraordinaire. J’ai aussi dans l’oreille la perfection formelle de Veriano Lucchetti, impeccable de style et d’expressivité.
Demuro lui-aussi réussit à imposer le personnage, dont il n’a pas tout à fait la voix mais qu’il arrive à imposer par la technique, la clarté de la diction, le contrôle. On sent qu’il approche des limites de sa voix, mais cette tension convient parfaitement à la situation, et au total, il est très convaincant. J’irais même jusqu’à dire que c’est dans Adorno qu’il m’a le plus convaincu, bien plus que dans son Fenton que je trouve un peu fade et dont il est le grand titulaire actuellement.

Mikhail Timoshenko (Pietro) et Nicola Alaimo (Paolo)

Enfin Mikhail Timoshenko dans Pietro (vu comme un parfait apparatchik à qui est confié le sale boulot d’égorger en scène Paolo) montre un joli timbre de baryton basse, très employé à Paris, et qui ne devrait pas tarder à aborder des rôles plus importants.

On le voit, au terme de cette longue analyse, il n’y a pas grand-chose à reprocher à une production que j’estime être aujourd’hui non seulement la plus belle production verdienne de l’Opéra de Paris, mais aussi la meilleure production qu’on puisse avoir de Simon Boccanegra aujourd’hui, bien supérieure à celles honteusement médiocres de Berlin ou de la Scala, d’une grande tenue musicale (avec mes réserves sur le rythme et la tension) et vocale avec l’une des distributions les plus convaincantes qu’on puisse voir aujourd’hui. Je dis bien, aujourd’hui. Pour le reste, je retourne à mes souvenirs.

Dispositif scénique, étrave et bulbe…

 

OPERA NATIONAL DE PARIS 2015-2016: LEAR de Aribert REIMANN le 23 MAI 2016 (Dir.mus: Fabio LUISI; Ms en scène: Calixto BIEITO)

Lear (Bo Skovhus) Cordelia (Annette Dasch) ©Elisa Haberer
Lear (Bo Skovhus) Cordelia (Annette Dasch) ©Elisa Haberer

J’ai coutume d’ironiser sur les retards de l’Opéra de Paris en matière de créations, mais pour cette fois je me tairai, puisque Lear, d’Aribert Reimann, créé pour Dietrich Fischer-Dieskau en 1978, a été créé en France (et même en version française !) en 1982 au Palais Garnier dans une production de Jacques Lassalle et Yannis Kokkos, jamais reprise depuis. Stéphane Lissner fait d’une pierre deux coups avec cette nouvelle production, d’une part il crée la version originale allemande, et d’autre part il ouvre enfin Paris à l’espagnol Calixto Bieito, scandaleusement ignoré des scènes parisiennes alors qu’il écume les scènes européennes depuis une vingtaine d’années.

En confiant la direction musicale à Fabio Luisi, Lissner a surpris, car Luisi est plus connu à Paris pour le répertoire italien que germanique ou contemporain, même s’il  est l’un des chefs au répertoire le plus large, puisqu’il a passé la moitié de sa carrière à diriger tous les grands standards allemands et italiens en Allemagne, en Suisse et en Autriche ; c’est son statut de premier chef invité au MET, où il a remplacé James Levine malade, notamment pour le Ring de Lepage, qui l’a « lancé » sur le marché lyrique des chefs de premier plan ; Il est aujourd’hui directeur musical à Zürich et à Gênes (il est génois) et a renoncé à ses fonctions substitutives au MET, pour prendre les rênes de Florence. Il serait arrivé à la Scala si Pereira avait suivi les envies de l’orchestre. C’est en effet un chef solide, aimé des orchestres par sa connaissance approfondie des partitions, par sa technique qui garantit une grande sécurité, mais qui n’a pas la réputation d’être « imaginatif », ce qui est injuste. Ses Wagner new-yorkais n’étaient pas médiocres, très loin de là.

Enfin Lissner réunit une distribution enviable, avec trois sopranos importants, Ricarda Merbeth (Goneril), Erika Sunnegårdh (Regan) et Annette Dasch (Cordelia), le contre-ténor Andrew Watts, le ténor Andreas Conrad, Lear étant confié à Bo Skovhus, désormais le grand titulaire du rôle du vieux roi sur les scènes internationales. On peut difficilement rêver mieux. Fischer-Dieskau sur scène était un mythe vivant lorsqu’il a abordé Lear, et le public accourait pour le seul désir de le voir à l’opéra, ce qui à l’époque était devenu rarissime. Même lorsque le chanteur a quitté les scènes, Lear a alimenté tout de même de manière plus ou moins continue les saisons des théâtres germaniques.

Le Roi Lear est une tragédie qui s’éloigne des canons shakespeariens, au sens où elle se disperse peu en actions secondaires, et qu’elle n’est que l’histoire d’une déchéance programmée, celle d’un Roi trop confiant, qui n’a rien du Prince machiavélien, de ce Prince vanté aussi par Molière dans Tartuffe (Acte V sc.7) qui est un exposé de qualités que le Roi Lear n’a pas, ce qui montre dès le départ de la pièce, que Lear n’est pas (ou plus) un bon souverain.
« Nous vivons sous un Prince ennemi de la fraude
Un Prince dont les yeux se font jour dans les cœurs
Et que ne peut tromper tout l’art des imposteurs
D’un fin discernement sa grande âme pourvue
Sur les choses toujours jette une droite vue ;
Chez elle jamais rien ne surprend trop d’accès,
Et sa ferme raison ne tombe en nul excès. »
On pourrait faire émerger une définition de Lear en remplaçant bien des mots de ce texte par leurs antonymes. Lors que le rideau se lève, Lear ne correspond plus à la définition du Prince vertueux et n’attend de ses filles que des mots, indépendamment de leur véracité, pourvu que ces mots tressent sa gloire. Le jugement l’a déjà abandonné.
C’est donc l’histoire d’une déchéance à laquelle s’attache Shakespeare. Autour de Lear, un monde de duplicité et de mensonge, qu’il épouse pour chasser la seule expression de sincérité, celle de Cordelia, qu’il est incapable de discerner. Du même coup, tous les personnages positifs sont emportés dans la ruine. Et les mécanismes du pouvoir font le reste, avec leurs abus et leurs cruautés : Lear est peu à peu isolé et chassé parce qu’il ne représente plus ni menace ni pouvoir, encore moins que le dernier de ses ex-sujets.

A priori, on comprend pourquoi aucun des grands projets autour du Roi Lear au XIXème siècle n’a vraiment réussi. La trame est peu « opératique » puisqu’au fond tout est à peu près dit dès les premières scènes et qu’il y a peu de péripéties. Drame d’individualités plus que de situations, Lear n’avait sans doute pas un destin lyrique malgré les envies des uns ou des autres.
Ce qui caractérise le Roi Lear, c’est aussi un certain dépouillement et Calixto Bieito l’a bien saisi, décevant ceux qui pensaient à une mise en scène échevelée et provocatrice. D’abord, aucun spectacle de Bieito n’est provocateur, si l’on considère que l’adjectif gratuit est sous-entendu. Bieito est un analyste des textes et des situations et va jusqu’au bout de leurs possibles, sans jamais en abdiquer la cohérence. Ainsi de cette idée de doubler Lear par un personnage de fou, dépouillé jusqu’à la nudité, corps décharné comme pris au Greco confié à l’excellent Ernst Alisch. Ce qui passionne Bieito, c’est la constatation d’une violence universelle, d’un isolement des êtres, et d’une société presque seulement régie par des rapports de forces. Il en résulte souvent des tensions à la limite du supportable, des images de violence, du sang et du sexe : mais quel autre spectacle s’offre-t-il à nous dans le monde d’aujourd’hui ? Ainsi du Roi Lear, qui n’est que le constat d’une déchéance et d’une déréliction du monde, états et individus. Où les « bons » meurent et les « méchants » triomphent, où le mensonge est l’outil du verbe, et le verbe n’est plus Dieu. Rien n’est racheté à la fin. Le désert des âmes règne dans une désolation de corps difformes, mis à nu, et un désert fait de cadavres, dans un monde étrange entre théâtre de la cruauté et théâtre de l’absurde, quelque part entre Artaud et le Ionesco du « Roi se meurt » .
Comment montrer le désert des âmes, c’est bien l’objet de cette pièce terrible à laquelle Aribert Reimann s’est attaqué, pour que le personnage de Lear habille Dietrich Fischer-Dieskau, dans un hiver des âmes, sans voyage autre qu’une errance et qu’un abandon.
La partition de Reimann fait la part belle aux écarts, aux solos de percussions ici placées dans les loges d’avant-scène, au niveau des baignoires, et quasiment dissimulées à la vue du public, mais donnant une sorte de ligne permanente; les cordes, dans la seconde partie surtout, sont particulièrement subtiles, et très sollicitées dans un jeu de clair-obscur que Fabio Luisi réussit à merveille à rendre. Dans l’ensemble, l’orchestre de l’opéra est remarquable, et Luisi, qui est un très grand technicien exalte avec une précision redoutable les rugosités de la partition, qui finit par sonner étrangement « classique », dans un climat tendu, ce qui n’étonnera pas personne vu l’œuvre.
Classique aussi la vocalité qui résume sans doute toutes les couleurs vocales de l’opéra, du contreténor au baryton-basse, et les variations sur la voix de soprano, du dramatique au lyrique, trois couleurs différentes merveilleusement personnifiées par Merbeth, Sunnegårdh et Dasch. Cette dernière, qui reprend un rôle créé par Julia Varady (Madame Fischer-Dieskau à la ville), une voix pleine, qui oscillait entre Donna Elvira (dont elle fut une interprète légendaire) et Abigail (phénoménale sur la scène de l’Opéra Bastille), et qui n’avait aucune difficulté avec ce rôle construit pour elle. Annette Dasch a cette expressivité marquée, avec une voix toujours aux limites (on pense à son Elsa, sur le fil du rasoir elle aussi), mais qui va très bien avec le propos de Bieito et ce personnage fragile, sensible et tendre. Annette Dasch a une sorte de « tendresse tendue » qui rend cette fragilité éminemment prenante et émouvante, même si le chant n’a peut-être pas la richesse d’autres voix, elle a une présence en scène qui saisit le spectateur, d’une manière singulière, elle est à la fois jeune et mûre, fille et mère, comme le souligne la figure de pietà michelangelesque que Bieito compose à son retour vers son père, une figure maternelle guidant un père que la raison a abandonné.

 Regain (Erika Sunnegårdh) Lear (Bo Skovhus) Goneril (Ricarda Merbeth) Narr (Ernst Alisch) (©Elisa Haberer
Regain (Erika Sunnegårdh) Lear (Bo Skovhus) Goneril (Ricarda Merbeth) Narr (Ernst Alisch) ©Elisa Haberer

Ricarda Merbeth est une Goneril aux aigus triomphants et tranchants, avec des écarts phénoménaux , une expressivité extraordinaire, glaçante, et un jeu particulièrement fort. La couleur, le ton, le jeu tout en fait un personnage totalement opposé à Cordelia, une sorte de soleil noir contre le soleil pâle. Merbeth, qui ne me convainc pas toujours (une voix souvent exceptionnelle, mais une interprétation pour mon goût assez frustre) trouve ici un personnage qui lui va tout spécialement, pour cette fois totalement convaincant et présent.
Erika Sunnegårdh est surprenante de présence : son chant se définit par l’expressivité et la couleur, dans une interprétation très ciselée, particulièrement sarcastique, avec un timbre plus chaud que celui de Merbeth, et un sens de la parole particulièrement travaillé. C’est peut-être des trois sopranos celle que j’ai préférée, avec beaucoup de présence, sans la puissance d’une Merbeth certes mais, un sens de l’insinuation, une ironie marquée, une sulfureuse présence qui m’ont vraiment étonné. Les trois femmes marquent la production dans leurs personnalités contrastées, qui valent bien celles de l’enregistrement d’Albrecht.
Autour de Lear et des trois femmes gravitent des personnages divers, épisodiques, dont certains frappent pour la performance, comme l’Edgar d’Andrew Watts, le contreténor qui réussit à imposer une figure à la fois inquiétante et déchirante, dont la voix (de tête) réussit presque à créer le malaise ; performance exceptionnelle, qui marque la représentation, tandis que Andreas Conrad (Edmund) en très bon caractériste (c’est un Mime excellent), réussit à imposer à la fois l’idée de fragilité, d’inquiétude et de crainte qui habite le personnage. D’ailleurs, l’ensemble des personnages qui entourent Lear sont tous à des degrés divers ballotés entre une vraie faiblesse ou une vraie fragilité, et quelque chose de mystérieux ou de redoutable, par ces faiblesses même, comme l’Albany de Andreas Scheibner ou même le roi de France de Gidon Saks, à la fois noble et faible, du moins tel qu’il est ressenti par la mise en scène de Bieito, ou le Gloster bouleversant de Lauri Vasar, un des artistes les plus solides de l’actuelle génération.
Bo Skovhus est devenu le Lear du moment. L’acteur est tendu et émouvant dans son personnage de roi descendant progressivement aux enfers, personnage à la Ionesco que ne démentirait pas le Béranger 1er du Roi se meurt, comme évoqué plus haut. La voix particulière, opaque, qui semble quelquefois fatiguée (mais l’est-elle vraiment ?) convient tout particulièrement à Lear, une voix dépourvue de la noblesse et de la profondeur qu’avait Fischer-Dieskau, mais qui en revanche gagne en humanité et en déchirement. Bo Skovhus cependant a quelquefois tendance à chanter de manière uniforme des rôles assez différents ; j’ai retrouvé dans ce Lear des accents d’autres rôles, comme Cortez de Die Eroberung von Mexico, voire Schön dans Lulu . J’applaudis la performance, mais je ne suis pas vraiment ému.  Il reste que l’image finale de Lear, assis au bord de scène, restera marquante.

Lear (Bo Skovhus) ©Elisa Haberer
Lear (Bo Skovhus) ©Elisa Haberer

Le chœur masculin (dir.Alessandro di Stefano) est particulièrement attentif aux paroles, même si on l’entend dissimulé derrière les lattes de bois qui forment décor. Quant à Fabio Luisi, inattendu dans ce répertoire, il a conduit l’orchestre de l’opéra avec une sûreté et une rigueur marquées. Il réussit à rendre à la fois toutes les délicatesses de cette musique et même son classicisme, et les écarts, les dissonances, la force, notamment des percussions particulièrement élaborées et distribuées aux marches de l’orchestre. Ainsi, jamais les voix ne sont couvertes, et l’approche est si claire et si transparente que la lisibilité de la musique est totale : l’orchestre de l’opéra, sans aucune scorie, avec une tension remarquée et un engagement total, dans une partition qui allie rudesse et délicatesse, violence et retenue, est tout particulièrement à l’honneur.
Au total, une soirée passionnante, surprenante aussi par certains aspects, qui a été accueillie triomphalement par le public –Reimann, présent et ravi, et  même Bieito, ce qui ne laisse pas d’étonner-, car elle correspond exactement à ce qu’on attend de l’opéra, drame, émotion, tension. Il reste à souhaiter que la production soit reprise dans les saisons suivantes pour s’installer durablement dans le paysage français où depuis les 34 dernières années, elle n’avait pas réussi à s’imposer. [wpsr_facebook]

Décor et ambiance©Elisa Haberer
Décor et ambiance©Elisa Haberer

 

LES SAISONS 2016-2017 (6): OPERNHAUS ZÜRICH

Don Carlo (Prod.Bechtolf) ©Judith Schlosser
Don Carlo (Prod.Bechtolf) ©Judith Schlosser

Il y a au moins six théâtres qui en Suisse présentent de l’opéra. St. Gallen, Bâle, Biel/Soleure, Berne, Genève, Zürich. Parmi les six, trois se détachent car ils disposent de moyens plus importants. Bâle, plutôt spécialisé dans une modernité quelquefois radicale, (même si l’intendant Georges Delnon est désormais à Hambourg aux côtés de Kent Nagano) :  il suffit de voir le site et de savoir que Simon Stone l’étonnant metteur en scène australien y est « Hausregisseur » à savoir metteur en scène en résidence pour se persuader que la route tracée par Delnon sera poursuivie par Andreas Beck. Mais sur des chemins encore plus aventureux, à la recherche de nouvelles figures et ce sera sûrement passionnant. Rien qu’en mai, Macbeth de Verdi par Olivier Py, en surtout en juin Donnerstag aus Licht de Stockhausen (mise en scène de Lydia Steier la jeune américaine, dirigé par Titus Engel). Nous en reparlerons à la publication de la saison 2016-2017.
De Genève qui vient de sortir sa saison au théâtre des Nations, établissement provisoire durant les gigantesques travaux du Grand Théâtre, il sera question dans les prochains jours. Mais le plus riche et le plus important théâtre de Suisse est l’Opernhaus Zürich, une sorte d’antichambre de Munich, dirigé par Andreas Homoki le metteur en scène, qui a succédé à l’ère ventennale de Alexander Pereira. Théâtre ouvert, bons chanteurs, metteurs en scène de référence, mais en même temps une alternance de modernité et de tradition, avec un bon orchestre (le Philharmonia Zürich) dirigé par Fabio Luisi qui en est le directeur musical, avec une saison très diversifiée, sur un système de répertoire un peu « stagionisé », une petite troupe très valeureuse à laquelle a appartenu pendant deux ans notre Julie Fuchs, et un opéra-studio de haut niveau où enseignent entre autres Helen Donath, Ann Murray, Felicity Palmer.
Zürich est aujourd’hui à 3h de TGV de Paris, et constitue un but enviable de sortie opéra, avec des possibilités de combinaison Bâle-Zürich, manière en un Week end de voir deux des maisons les plus intéressantes de Suisse. Une suggestion : la Suisse c’est cher, mais l’Allemagne bien moins, dormez à deux pas de Bâle, à Weil am Rhein, et passez votre soirée à l’opéra de Bâle, puis à une heure de train, allez à Zürich…mais je m’égare.

Celui qui est curieux d’opéra ne peut ignorer Zürich, et donc en voici les musts de la saison 2016-2017, nouvelles productions et reprises dignes de déplacement.

NOUVELLES PRODUCTIONS

Septembre – octobre 2016

Der Freischütz, de C.M. von Weber
Moment d’émotion, c’est à Zürich que je vis Der Freischütz pour la première fois dans une mise en scène de Ruth Berghaus, ce qui était déjà un must, mais aussi dirigé par Nikolaus Harnoncourt, ce qui en faisait une fête. Voir qu’une nouvelle production ouvre la saison me donne des envies furieuses de voyage, pour entendre à nouveau sonner cette musique dans cette salle aux dimensions si raisonnables (1200 spectateurs). C’est Herbert Fritsch, plutôt homme de théâtre que d’opéra, acteur (c’est un des acteurs de Carstorf), qui en assure la mise en scène et Marc Albrecht la direction musicale. Dans la distribution, Kaspar le méchant sera Christoph Fischesser, Max, Christopher Ventris, Kuno,  Pavel Daniluk, tandis qu’Agathe sera la toute jeune mais puissante soprano norvégienne Lise Davidsen. Vu la rareté de l’œuvre sur les scènes malgré  la réputation dont elle jouit et malgré son importance musicale dans l’histoire de la musique du XIXème, cette production vaut bien un peu de TGV…
Du 18 septembre au 22 octobre, 10 représentations

Novembre-décembre 2016

Die Entführung aus dem Serail de W.A.Mozart.
Après avoir été absent des scènes, l’opéra de Mozart que d’aucuns méprisent est de nouveau sur les scènes. Lyon cette année en juin, Amsterdam et Zürich la saison prochaine. Une œuvre pas si légère, qui, comme La clémence de Titus, comme aussi Zauberflöte, chante la clémence du pouvoir et le pardon. Une notion humaniste et illuministe, surtout quand le pardon vient du Pacha Selim, c’est à dire de l’Autre : autre pays, autre religion…
Pour Entführung, on a absolument besoin aujourd’hui de vrais metteurs en scène et non d’illustrateurs légers. On avait eu en son temps Strehler le merveilleux, qui en faisait un livre pour enfants, et presque un conte de fées : le monde entier connaît cette production qui faisait de l’Enlèvement au Sérail l’Enchantement au Sérail. C’est David Hermann qui en assure la mise en scène : depuis deux ou trois ans, c’est la génération des 30-40 ans qui envahissent les scènes et c’est une très bonne nouvelle. À 39 ans, on l’a vu dans pas mal de théâtres, et même en France où il a fait trois productions à Nancy-Metz ( Armide, Iolanta, l’Italienne à Alger). On le reverra aussi très bientôt à Karlsruhe où il ouvre le Ring à quatre par Rheingold. Et il vient de produire l’Affaire Makropoulos à la Deutsche Oper de Berlin. La direction musicale – et c’est très stimulant – est confiée à Teodor Currentzis pour les 5 premières représentations (Novembre) tandis que Chrsitoph Altstaedt assurera les 4 dernières de décembre et l’orchestre sera la formation baroque de l’orchestre de l’opéra, l’orchestra La Scintilla. La distribution est dominée par Olga Peretyatko, Konstanze, (tandis que Blonde sera Claire de Sévigné), tandis que  Belmonte sera Pavol Breslik, tandis qu’Osmin sera Nahuel di Pierro (un ancien du Studio de l’Opéra de Paris) et Pedrillo Michael Laurenz.
Vaut le TGV.
Du 6 novembre au 21 décembre (9 représentations)
Le 13 novembre, version de concert au TCE

Der Zauberer von Oz (le magicien d’Oz) de Pierangelo Valtinoni.
Création mondiale de cet opéra pour enfants d’un compositeur de 57 ans, mise en scène d’un jeune metteur en scène hollandais de 32 ans, Floris Visser, qui a mis en scène la dernière production de Cosi fan Tutte au Bolshoï et dirigé par la jeune et prometteuse chef estonienne Kristiina Poska. La distribution comprend outre SoprAlti, le chœur d’enfant de l’Opéra,   Rebecca Olvera en alternance avec Deanna Breiwick, Iain Milne, Cheyne Davidson et Reinhard Mayr.
£15 représentations (dont plusieurs réservées aux scolaires) du 19 novembre 2016 au 5 février 2017.

Messa da Requiem, de Giuseppe Verdi
Un spectacle où vont se mêler opéra et ballet, avec le Ballett Zürich, dans une conception d’ensemble de Christian Spuck, chorégraphie et mise en scène, et des décors de Christian Schmidt avec le Ballett Zürich. L’orchestre Philharmonia Zürich sera dirigé en décembre et pour la dernière par Fabio Luisi, et pour 3 représentations les 23 décembre, 1er et 8 janvier par  Karina Canellakis, tandis que les solistes du Requiem de Verdi composeront un quatuor de luxe : Krassimira Stoyanova (soprano), Veronica Simeoni (mezzosoprano), Francesco Meli (ténor), Georg Zeppenfeld (basse)
Une expérience sans nul doute stimulante. Mériterait par curiosité un petit voyage.
Du 3 décembre 2016 au 13 janvier 2017 (10 représentations)

Janvier-Février 2017

Médée, de Marc Antoine Charpentier (livret de Thomas Corneille).
La tragédie lyrique de Marc-Antoine Charpentier dirigée par William Christie sans Les Arts Florissants, mais avec l’Orchestra La Scintilla, dans une mise en scène du maître de maison Andreas Homoki, avec Stéphanie d’Oustrac dans Médée, tandis que Jason sera Reinoud van Mechelen. Ils seront entourés de Nahuel di Pierro, Melissa Petit, Spencer Lang, Florie Valiquette et Carmen Seibel.
Du 22 janvier 2017 au 18 février 2017 (9 représentations)

Février-Mars 2017

Orest, de Manfred Trojahn. De Médée à Oreste, des héros antiques qui n’ont jamais quitté la scène. Théâtre musical en six scènes, créé à Amsterdam en 2011, qu’on a vu entre autres à Vienne et à Hanovre, qui arrive à Zürich pour la création en Suisse dans une mise en scène de Hans Neuenfels, et dirigé par Erik Nielsen, un jeune chef de 40 ans qu’on voit un peu partout en Europe dans un répertoire divers, qui a déjà dirigé à Zürich Peter Grimes. La distribution est dominée par l’Orest de Georg Nigl et l’Elektra de Ruxanda Donose, entourés de Claudia Boyle, Claire de Sévigné, Airam Hernandez, Raymond Very.Du 26 février 2017 au 24 mars 2017 (7 représentations)

Avril 2017

Werther, de Jules Massenet.
On se battra sûrement, ils viendront de partout pour entendre sur scène pendant tout le mois d’avril Juan Diego Flórez, qui vient d’aborder le rôle de Werther dans un Werther concertant à Paris (avec Joyce Di Donato) et à qui la salle à taille humaine de Zürich devrait convenir. Charlotte sera Anna Stéphany, Albert, Audun Iversen et Sophie, Melissa Petit, tandis que le Bailli sera Valeriy Murga .Tatiana Gürbaca assure la mise en scène – je n’en ai pas un bon souvenir dans la mise en espace du Fidelio d’Abbado à Lucerne, même si depuis, elle a mûri…C’est Cornelius Meister, un des meilleurs chefs de la jeune génération allemande, qui dirigera le Phiharmonia Zürich
Du 2 au 30 avril 2017 (10 représentations)

Mai-Juin 2017

 Der feurige Engel (L’ange de feu) de Serguei Prokofiev. Les théâtres se donnent le mot, Komische Oper, Staatsoper Munich, Opéra de Lyon, et maintenant Zürich pour une œuvre de Prokofiev qui reste rare. Après Benedict Andrews et Barrie Kosky, c’est Calixto Bieito qui met en scène l’opéra de la folie furieuse et des fantasmes. Gianandrea Noseda, qu’un long séjour à St Petersburg a rendu spécialiste du répertoire russe dirige le Philharmonia Zürich. Renata sera comme à Lyon Ausrine Stundyte, et Ruprecht Leigh Melrose, magnifique baryton entendu dans Rheingold à la Ruhrtriennale. Ils seront entourés par Dmitry Golovnin, Liliana Nikiteanu, Pavel Daniluk, Iain Milne, Judit Kutasí et Judith Schmid.
Evidemment, à ne pas manquer.
Du 7 mai au 5 juin 2017 pour 8 représentations.

Juin-Juillet 2017 

 Das Land des Lächeln (La pays du sourire) de Franz Lehár. Après l’Ange de Feu, la nouvelle production suivante est l’opérette mélancolique de Lehár. Les mois se suivent sans se ressembler. Il est vrai que sa popularité en terre germanique ne se dément pas et que tous les grands ténors l’ont chanté. Ce sera le cas de Piotr Beczala, qui sera le prince Sou-Chong, face à la Lisa de Julia Kleiter, un couple formidable pour cette opérette, autour de qui chanteront Rebeca Olvera, Spencer Lang, Cheyne Davidson et Martin Zysset. C’est Fabio Luisi qui dirigera le Philharmonia Zürich et c’est Andreas Homoki qui en assurera la mise en scène. Une production zurichoise pur sucre donc.
On ne manque évidemment pas une opérette classique de cette trempe, sauf si l’on est snob et qu’on ne sort pas de Wagner/Strauss ou de Romeo/Warli.
Du 18 juin au 13 juillet 2017 (8 représentations)

Vous pensiez sans doute que c’était là la saison ? Il y a les nouvelles productions (9), certes, mais il reste 19 productions d’opéra de répertoire, qui vont de Lohengrin à Schauspieldirektor. On verra donc une toute petite trentaine d’opéras à Zürich…

 

REPRISES DE RÉPERTOIRE

 Septembre-Octobre 2016

 Der Schauspieldirektor, de W.A.Mozart
14 représentations de septembre à avril, dont 3 à Zürich et 11 dans diverses villes du Canton de Zürich. C’est la troupe qui va assurer les représentations, dirigées par Thomas Barthel et dans une mise en scène de Rüdiger Murbach

Faust, de Charles Gounod
La reprise de la mise en scène de Jan Philipp Gloger (Fliegende Holländer à Bayreuth), dirigée par Philippe Auguin, avec notamment Michele Fabiano (Faust), Kyle Ketelsen (Mephisto), Anita Hartig (Marguerite).
Du 20 septembre au 7 octobre (5 représentations)

Cavalleria Rusticana, de Pietro Mascagni – I Pagliacci, de Ruggiero Leoncavallo.
Retour du couple standard de l’opéra, dans la vieille mise en scène de Grischa Asagaroff, si longtemps attaché à Zürich aux temps de Alexander Pereira. Cela nous garantira un grand repos des neurones. Musicalement en revanche c’est beaucoup plus intéressant, car au pupitre c’est Daniele Rustioni qui dirigera (La Juive et Simon Boccanegra à Lyon) et c’est Roberto Alagna qui sera à la fois Turiddu et Canio, dans une salle aux dimensions qui permettront à notre star de ne pas trop forcer. Santuzza sera Catherine Naglestad (décibels garantis), et Nedda  Aleksandra Kurzak.
Une vraie représentation de répertoire, avec de quoi attirer un public de fans.
Du 24 septembre au 12 octobre (5 représentations).

À qui aime regarder comment est construite une saison, ce début est intéressant. En début de saison, l’Opernhaus Zürich lance la machine et le retour du public grâce à deux reprises (moins pesantes financièrement) qui garantissent la fréquentation avec un rapport dépenses/recettes plus favorables, et une première symbolique, Der Freischütz, qui va attirer la presse, continuant par un Mozart bien distribué qui ne décevra donc pas.

Le nozze di Figaro, de W.A Mozart
Un marronnier des saisons. Mozart remplit toujours, surtout dans une salle pour lequel c’est un compositeur idéal et notamment Le nozze di Figaro, dans la mise en scène de Sven Erik Bechtolf qui est un metteur en scène sans grand intérêt pour mon goût (la banalité du faux modernisme), mais qui musicalement présente bien plus d’intérêt, avec au pupitre Giovanni Antonini, à la tête du Philharmonia Zürich, spécialiste du baroque et des interprétations sur instruments anciens, et une distribution de très bel intérêt : Michael Nagy (Il conte), Julia Kleiter (La contessa), Julie Fuchs (Susanna), Ruben Drole (ce pur produit de la formation zurichoise, qui tourne beaucoup en Europe désormais dans les grands Mozart sera Figaro), tandis qu’Anna Goryachova sera Cherubino.
Une reprise intéressante, si vous passez par Zürich.
Du 15 au 29 octobre (5 représentations).

Octobre-Novembre 2016

Autre répertoire idéalement destiné à une salle de la jauge et du volume de Zürich (Et Cecilia Bartoli l’a bien compris), le bel canto, représenté à Zürich plus qu’ailleurs.

I Capuleti e i Montecchi, de Vincenzo Bellini. L’un des grands chefs d’œuvre de Bellini, assez rare sur les scènes (Muti en fit dans les années 80 un de ses chevaux de bataille avec Baltsa et Anderson à la Scala et on vit Mortier l’offrir en écrin à Anna Netrebko et Joyce Di Donato à Paris dans une production de 1995, régulièrement reprise, de Robert Carsen.
Ici, c’est une représentation de vrai répertoire, avec des noms valeureux mais moins connus et un bon chef (Maurizio Benini) spécialiste du répertoire italien, notamment au MET. Le couple Roméo et Juliette sera Anna Stéphany et Olga Kulchynska et le rôle de Tebaldo (ne jamais oublier Tebaldo dans I Capuleti e I Montecchi) sera tenu par l’excellent Benjamin Bernheim. La mise en scène est signée d’un habitué de Zürich, Christof Loy qui nous garantit du bon vieux Regietheater.
Du 30 octobre au 13 novembre 2016 (5 représentations)

Novembre-Décembre 2016

Don Carlo, de Giuseppe Verdi (version italienne). Première très grande reprise de la saison 2016-2017, bien distribuée et bien dirigée, même si la mise en scène de Sven-Erik Bechtolf ne nous garantit pas l’imagination et l’innovation. Fabio Luisi, le directeur musical, sera à la tête du Philharmonia Zürich.
La salle garantit aux grandes voix un relief inhabituel. On courra donc écouter Anja Harteros en Elisabetta, la plus grande Elisabetta du moment, aux côtés du Don Carlo de Rámon Vargas (garantie d’une exécution propre, élégante) et du Flippo II de René Pape, du Rodrigo de Peter Mattei , le Grand Inquisiteur de Rafal Siwek, et de l’Eboli de Marina Prudenskaia. Avec une distribution pareille, on peut supporter Bechtolf. C’est la version italienne qui est ici représentée mais le livret programme de la saison n’indique pas si c’est la version Modène (5 actes) ou Milan (4 actes) qui sera provilégiée.
Il faut venir à Zürich, et surtout combiner (début décembre) avec la soirée Messa da Requiem ce qui garantira deux grandes soirées Verdi.
Du 27 novembre au 10 décembre (5 représentations).

Décembre sera italien à Zürich, car continuant l’exploration du répertoire belcantiste, et notamment de Bellini : après I Capuleti e I Montecchi, c’est le tour de I Puritani.

I Puritani, de Vincenzo Bellini.
Autre reprise solide sans être tourneboulante sur le papier que cette reprise de la production de Andreas Homoki dirigée par Enrique Mazzola. Avec des jeunes chanteurs, comme l’excellente Nadine Sierra qui sera Elvira. C’est Javier Camarena qui chante Sir Arturo Talbot, et Michele Pertusi Giorgio, ainsi que George Petean Sir Riccardo Forth. Distribution très solide pour une belle soirée .
Du 11 au 26 décembre (5 représentations)

 

Un mois de décembre où l’on peut voir Don Carlo, Messa da Requiem, I Puritani, et même Die Entführung aus dem Serail est exceptionnel dans des conditions musicales de grande qualité. Il faudra envisager Zürich en décembre 2016.

Décembre-Janvier-février 2017

Lady Macbeth de Mzensk, de D.Chostakovitch.
L’opéra vedette de Chostakovitch dans la production d’Andreas Homoki, dirigé par Vasily Petrenko, dans une distribution sans grands noms mais solide, à la tête de laquelle on découvrira la Katerina de Gut-Brit Barkmin, le Boris de Pavel Daniluk, et le Sergueï de Maxim Aksenov et le Sinowij de Oleksyi Palchykov
Du 27 décembre 2016 au 14 Janvier 2017 (4 représentations)

 

Alcina, de G.F.Haendel
Retour d’une des productions vedettes de la maison et d’une distribution éblouissante, dirigée par Giovanni Antonini à la tête de l’Orchestra La Scintilla, formation baroque de l’opéra de Zürich. La mise en scène en abyme de Christof Loy, sur le théâtre, ses magies et illusions. Cecilia Bartoli en Alcina (époustouflante, émouvante, profonde, sensible), Philippe Jaroussky en Ruggiero, Varduhi Abrahamyan en Bradamante et Julie Fuchs en Morgana.
Du 31 décembre au 10 janvier (6 représentations).
Pour commencer 2017 dans le bonheur lyrique, une virée à Zürich s’impose pour voir et revoir cette Alcina.

Lucia di Lammermoor, de Gaetano Donizetti
La production de Damiano Michieletto revient à Zürich, dirigée par un des chefs emblématiques de l’opéra de Zürich, qui fête son 85ème anniversaire cet année, un chef qu’on a souvent connu à Paris dans les années 70 : Nello Santi. La distribution est dominée par la Lucia de Venera Dimadieva, dont on parle beaucoup, et l’Edgardo du lumineux Ismael Jordi. Levente Molnár sera Sir Enrico Ashton, Arturo sera chanté par Oleksyi Palchykov, tandis que Raimondo Bidebent sera Krzysztof Baczyk, jeune basse polonaise très talentueuse.
Du 4 au 19 février 2017 (6 représentations)

Mars 2017

Otello, de Giuseppe Verdi.
Après la Messa da Requiem et Don Carlo, troisième production verdienne, cette fois dirigée par Marco Armiliato et mise en scène par Graham Vick : une distribution de répertoire solide, avec l’Otello bien connu d’Aleksandr Antonenko, grande voix autoroutière, sûre mais peu émouvante, face à la Desdemona fragile et émouvante de Maria Agresta. Le méchant, Jago sera le très solide Željko Lučić tandis que Cassio sera Benjamin Bernheim, le magnifique Cassio du dernier Otello de Salzbourg qui relevait largement le niveau du chant.
Du 5 au 23 mars (6 représentations)

Don Giovanni, de W.A.Mozart.
Du solide destiné à maintenir la venue du public là où la nouvelle production du moment est l’Orest de Manfred Trojahn. De l’art de l’équilibre subtil…C’est Riccardo Minasi, spécialisé dans le baroque, qui dirigera le Philharmonia Zürich dans la reprise de la production de Sebastian Baumgarten (Tannhäuser à Bayreuth, Carmen à la Komische Oper de Berlin), avec le Don Giovanni de Levente Molnár, le Leporello de Ruben Drole, la Donna Anna de Susanna Philips, la Donna Elvira de Layla Claire. Mauro Peter sera Don Ottavio, Zerlina Olga Kulchynska et Masetto Krzysztof Baczyk, tandis que le Commendatore sera Wenwei Zhang. Une distribution faite de jeunes chanteurs talentueux et riches de futur.
Du 11 au 31 mars (5 représentations)

Avril – Mai 2017

L’Elisir d’amore,  de Gaetano Donizetti.
Voilà encore une reprise « alimentaire » qui pour un investissement minimum, prévoit des recettes confortables : la mise en scène est de Grischa Asagaroff, qui remonte donc aux temps de Pereira, dont il était le metteur en scène à tout faire, et c’est Nello Santi qui dirige, comme Lucia di Lammermoor. Olga Kulchynska est Adina, Pavol Breslik est Nemorino, Belcore Levente Molnár et Dulcamara Renato Girolami, tandis que Giannetta sera Rebecca Olvera. Une distribution faite d’habitués et de « locaux ».
Du 7 au 21 avril (5 représentations).

La Bohème (prod.Tandberg) ©Judith Schlosser
La Bohème (prod.Tandberg) ©Judith Schlosser

La Bohème, de Giacomo Puccini.
Encore une reprise « alimentaire » (toutes les reprises de Bohème sont alimentaires) dirigée par le jeune Giampaolo Bisanti (qui fut remarquable à la création de la production alors qu’il remplaçait Mikko Franck, malade) dans la mise en scène contestée l’an dernier du norvégien Ole Anders Tandberg, qui a risqué une sortie de la « doxa » scénique de Bohème, en proposant une vision oscillant entre réalité et fantastique, dans un univers presque féérique. Une production encore nouvelle avec une distribution complètement renouvelée dominé par le Rodolfo de Benjamin Bernheim (à voir pour sûr), la Mimi d’Eleonora Buratto, la Musetta de la jeune Elsa Dreising et le Marcello du vaillant Andrei Bondarenko (qui reste de la distribution originale) alors que Colline sera l’excellent jeune polonais Krzysztof Baczyk.
Du 15 avril au 10 mai 2017 (6 représentations).

Macbeth, de Giuseppe Verdi.
Reprise de la nouvelle production de la saison présente 2015-2016, mise en scène de Barrie Kosky et dirigée par Gianandrea Noseda, qui dirige en même temps la nouvelle production de L’Ange de Feu de Prokofiev. Distribution partiellement différente (cette année c’était Teodor Currentzis au pupitre avec Markus Bruch et Tatiana Serjan) dominée par le Macbeth de Aleksey Markov (un remarquable baryton) la Lady (assez connue désormais) de Tatiana Serjan et le Banco de Wenwei Zhang, ainsi que le Macduff du jeune Joshua Guerrero.
Je serais curieux de cette reprise qui àmon avis vaut le voyage.
Du 23 avril au 26 mai 2017 (6 représentations).

Orlando Paladino, de Joseph Haydn
Les opéras de Haydn sont suffisamment rares dans les saisons des grands théâtres pour souligner cette reprise zurichoise qui sera présentée dans quelques jours (mai 2016) en création au Théâtre de Winterthur et à Zürich, avec le Musikcollegium Winterthur comme orchestre.
C’est donc à l’Opernhaus Zürich que cette production sera proposée dans une belle distribution : Jane Archibald, Ruben Drole, Michael Spyres, Anna Goryachova, Mauro Peter et Mélissa Petit. La mise en scène est assurée par la hollandaise Jetske Mijnssen qu’on a vu notamment à l’opéra de Nancy-Lorraine et à Versailles (L’Orfeo). Le Musikcollegium Winterthur sera dirigé comme cette année par le musicologue et musicien spécialiste du baroque Gianluca Capuano.
Du 16 mai au 3 juin 2017 (5 représentations).

Juin-Juillet 2017

Un ballo in maschera (Prod.Pountney) ©Opernhaus Zürich
Un ballo in maschera (Prod.Pountney) ©Opernhaus Zürich

Un Ballo in maschera, de Giuseppe Verdi.
Encore une reprise verdienne, très bien distribuée qui devrait remplir le théâtre sans aucune difficulté. Reprise de la production (2011) de David Pountney qui inscrit le travail dans le « théâtre dans le théâtre », avec une distribution presqu’entièrement revue. C’est Fabio Luisi qui dirige le Philharmonia Zürich, avec Marcelo Alvarez (Gustavo III), Sondra Radvanovsky (Amelia) George Petean (Anckarstroem), Marie Nicole Lemieux (Ulrica Arvidson). Sen Guo (Oscar) est la seule qui participa à la création en 2011. Une distribution suffisamment excitante pour attirer les amateurs. Vaut donc le TGV.
Du 6 au 24 juin (6 représentations)

Lohengrin, de Richard Wagner.
Seule production wagnérienne de l’année, elle attirera forcément les addicts au grand Richard, d’autant que la distribution en est renouvelée. C’est Fabio Luisi qui dirige le Philharmonia Zürich, et c’est Brandon Jovanovich (Walther à Paris) qui reprend le rôle créé dans cette production d’Andreas Homoki (la fameuse production bavaroise, bière et Lederhose) par Klaus Florian Vogt. Christoph Fischesser sera Heinrich der Vogler, tandis qu’Elsa sera la toute jeune américaine Rachel Willis-Sørensen, qui vient de triompher aux Operalia en accumulant les prix. Telramund sera Martin Gantner et Ortrud Michaela Maertens, qui était décevante à la création viennoise de cette production. Une distribution très largement importée des USA (trois des protagonistes) qui témoigne de la vitalité du chant wagnérien outre-atlantique, mais qui n’est pas forcément synonyme d’incarnation…
Du 4 au 16 juillet 2017 (4 représentations)

Il Barbiere di Siviglia (Prod.Lievi/Botta) ©Opernhaus Zürich
Il Barbiere di Siviglia (Prod.Lievi/Botta) ©Opernhaus Zürich

Il barbiere di Siviglia, de Gioacchino Rossini
Parfaite production estivale, où il faut conquérir un public plus ouvert voire touristique sans dépenser beaucoup d’argent. Il faut donc une distribution largement locale, et une reprise qui ne doit pas trop choquer. C’est la production ancienne de Cesare Lievi (du temps de Pereira), metteur en scène italien qui prit un départ fulgurant quand il travaillait avec son frère Daniele à la fin des années 80, un décorateur génial. Malheureusement Daniele est mort prématurément. Le décor est ici de l’architecte Mario Botta (Espace Malraux de Chambéry, Cathédrale d’Evry, espaces scéniques et de travail de la Scala).
La direction musicale est assurée par Enrique Mazzola, très bon chef pour ce répertoire, et la distribution solide sans être exceptionnelle : Javier Camarena en Almaviva, Levente Molnár en Figaro, Anna Goryachova en Rosina, Wenwei Khang en Basilio et le vétéran Carlos Chausson (qui chantait dans Il Viaggio a Reims d’Abbado dans les années 80) en Bartolo.
Du 7 au 14 juillet 2017 (4 représentations)

 

Ces deux dernières productions, alternant avec la nouvelle production de Das Land des Lächeln (le Pays du sourire) sont destinées à drainer un public large et montrent comment toute saison doit être un équilibre entre des productions destinées à public plus captif (ou appelé faussement « élitiste ») et des productions attirant un public plus large qui équilibrent les rentrées financières. On remarquera que les reprises sont très largement faites de titres populaires où le répertoire italien est bien représenté. D’ailleurs le public italien ou italophone va sans doute plus facilement rejoindre Zürich par train à cause de l’ouverture très prochaine (Déc.2016) du tunnel du Gotthard, le plus long tunnel ferroviaire du monde (53km) qui raccourcira le trajet entre Lugano et Zürich et mettra à terme (quand le tunnel du Ceneri près de Lugano sera ouvert) Milan à 3h de Zürich.
Mais tout cela est prospective . La saison zurichoise est comme souvent riche, diversifiée, et témoigne d’une belle solidité, sans forcément en appeler à des vedettes et en faisant confiance à des jeunes qui commencent à faire leurs preuves. Fabio Luisi à mesure qu’il laisse le MET s’installe de plus en plus à Zürich et dirige 5 productions (dont deux nouvelles).
Beaucoup exprimaient des doutes sur la succession de Pereira, Homoki a consolidé le travail de son prédécesseur, et donné une orientation plus jeune et plus ouverte encore. Zürich reste une escale obligée du « Lyric Tour ». [wpsr_facebook]

La Bohème (prod.Tandberg) ©Judith Schlosser
La Bohème (prod.Tandberg) ©Judith Schlosser

OPERNHAUS ZÜRICH 2014-2015: NORMA de Vincenzo BELLINI le 6 FÉVRIER 2015 (Dir.mus: Fabio LUISI; Ms en scène: Robert WILSON)

L'affiche de Norma (2011) © Suzanne Schwiertz
L’affiche de Norma (2011) © Suzanne Schwiertz

J’ai aimé, j’ai adoré Bob Wilson. Je n’ai manqué aucun de ses spectacles entre la fin des années 70 et les années 90. Je suis même allé au fin fond de l’Ohio voir une de ses premières œuvres « Poles », une installation en pleine campagne en face d’une école Montessori à Grailville, à quelques encablures de Cincinnati où je séjournais. J’ai vu Einstein on the beach, Parsifal, Salomé, Le Ring, Orlando (avec une fulgurante Isabelle Huppert), Butterfly et plein d ‘autres choses encore.
J’avoue qu’il n’arrive plus à m’étonner, même si ses spectacles restent fascinants, et cette Norma produite en 2010-2011 à l’Opéra de Zurich et reprise pour la première fois cette saison n’y fait pas exception.
Quand je fais le bilan de mon parcours lyrique, je n’ai pas souvent vu Norma. Ma première fut à Orange en 1974, lors d’une représentation mythique avec Montserrat Caballé et Jon Vickers, Joséphine Veasey en Adalgisa sous la direction de Giuseppe Patanè injustement oublié et pas toujours bien considéré, au temps où Orange représentait quelque chose dans le paysage. Cette représentation existe en vidéo, et il faut sans cesse y revenir pour comprendre ce que peut et doit être Norma.
À la Scala, dans la mise en scène de Mauro Bolognini (1972) reprise deux fois (en 1974-75 et 76-77) avec dans les trois séries Montserrat Caballé en Norma et Cossotto, Cortez et Troyanos en Adalgisa, l’œuvre n’a plus été reprise. Et c’est un signe.
Les dernières divas qui ont marqué le rôle en Norma sont Joan Sutherland, qui a chanté essentiellement dans les pays anglo-saxons, Beverly Sills, qui n’a pratiquement jamais quitté les USA, et Montserrat Caballé qui l’a chanté un peu partout. Cela remonte aux années 70…
Bien sûr je n’oublie pas Callas ni Gencer, hors compétition, ni Gruberova, merveilleuse chanteuse, mais que je n’arrive pas à sentir en Norma, ni la récente Bartoli, impressionnante en scène à Salzbourg. Le reste est broutille.
Car il faut pour Norma à la fois la rondeur et la douceur sonores, le lyrisme éthéré et un sens dramatique aigu, sans que le rôle ne verse dans le répertoire de soprano dramatique. Et d’ailleurs si l’on a coutume de donner Norma à un soprano et Adalgisa à un mezzo soprano, il n’est pas sûr que les choses soient aussi claires. Au niveau du timbre, Adalgisa est un timbre plutôt clair et Norma un timbre plutôt sombre : écoutons Leyla Gencer dans le rôle et écoutons les premières répliques du personnage. Ecrit à un moment où les caractéristiques vocales n’étaient pas aussi délimitées qu’aujourd’hui, le rôle de Norma sied à une large palette de tessitures, des mezzos qui ont envie d’être sopranos, des sopranos qui sont en réalité des mezzos manqués : il faut engagement vocal et dramatique, il faut les aigus et suraigus, il faut du grave et surtout une capacité à passer du grave à l’aigu sans vaciller, il faut l’agilité, il faut la souplesse, il faut savoir filer les notes, il faut le contrôle. Bref, il faut tout et son contraire et c’est la raison pour laquelle seules des sopranos d’exception, les artistes planétaires, d’une intelligence et d’une intuition peu communes ont pu triompher dans ce rôle ou bien plutôt le marquer à jamais.
Cela n’empêche pas qu’aujourd’hui bien des chanteuses se frottent au rôle, et même avec succès, mais c’est un opéra qu’on donne assez peu, et le public ne mesure pas toujours les exigences du rôle, l’importance de l’orchestre, et la nécessaire homogénéité de la distribution : toute Adalgisa se rêve un jour Norma, si par hasard elles ne chantent pas alternativement les deux. On a même vu côte à côte la mezzo Bartoli en Norma, et la soprano Sumi Jo en Adalgisa.
Tout de même, si la créatrice du rôle Giuditta Pasta est à l’origine un mezzo comme la Malibran, la tendance aujourd’hui est de le distribuer à un soprano (et Bartoli fait exception, mais elle se l’est distribué..).
Il était donc d’autant plus intéressant de profiter de ma présence à Zurich pour un autre opéra moins complexe à distribuer (Tristan) et d’aller voir cette Norma proposée il y a quatre ans dans une mise en scène de Robert Wilson (on disait plutôt Bob, on dit aujourd’hui Robert…) alors avec Elena Mosuc (qu’on a vue dans Norma à Lyon et Paris en concert l’an dernier) et cette fois avec Maria Agresta, qui est en train de gravir à grande vitesse les sentiers de la gloire,  sous la direction du directeur musical de Zurich, Fabio Luisi.
Bien m’en a pris parce que ce fut une belle soirée.

Norma est à l’origine une tragédie (1831) d’Alexandre Soumet, Norma ou l’infanticide, qui est à la Gaule ce que Médée est à la Grèce. Beaucoup de mauvaises tragédies ont fait de très beaux opéras, et les bonnes tragédies peuvent faire de beaux opéras, mais ce n’est pas systématique. La même année, Bellini en fait un opéra. C’est une tragédie et donc Bob Wilson crée un espace tragique, une action tragique, comme si tragique rimait avec désincarné, distant et hiératique. C’est beau, c’est lointain, c’est lent…et le travail de Bob Wilson n’est pas différent de ce qu’il fait ailleurs pour d’autres œuvres, inspiration du Nô japonais, hiératisme des figures, gestes lents et personnages isolés, ne se touchant pratiquement jamais, dans une sorte de jeu de marionnettes humaines où apparaissent çà et là des animaux mythiques (Licorne) ou symboliques (Lion), le tout dans des éclairages merveilleux, avec des transitions subtiles et des références théâtrales précises : les croisements des traines, Giorgio Strehler l’avait utilisé avec quel brio et quelle justesse dans Macbeth…en 1975, et bien des techniques d’éclairage (les contre jour) avaient déjà été expérimentées et utilisées par le grand metteur en scène italien.

Le choeur © Suzanne Schwiertz
Le choeur © Suzanne Schwiertz

Il y a de belles images comme le chœur (vraiment excellent, dirigé par Ernst Raffelsberger) affublé de rameaux effeuillés, qui est à la fois chœur et forêt décharnée quand il est assemblé, mais qui rappelle aussi des armes ou des lances, et donc l’ambiance guerrière qui règne ou du moins l’attente de l’attaque et d’une révolte que Norma repousse systématiquement en utilisant ses prérogatives de prêtresse et ses dons de medium. Elle fait en somme ce que tous les prêtres de l’antiquité (et d’époques plus récentes) installés auprès des oracles ou des politiques faisaient (et font?), de l’exégèse religieuse dictée par la nécessité politique, par l’opportunité du moment, par les intérêts particuliers et, ici, personnelle.

Image initiale © Suzanne Schwiertz
Image initiale © Suzanne Schwiertz

Pas d’autre dramaturgie qu’une succession de symboles, cercle traversé par des traits, lumières isolant des personnages, système solaire figuré scandant le dernier duo Norma-Pollione, des variations de lumières au milieu de décors essentiels, minéraux (trio final du 1er acte) ou métalliques. C’est beau, c’est même quelquefois fascinant (dernière scène et montée au bûcher), mais c’est tout de même un peu systématique (son Incoronazione di Poppea qu’on voit actuellement à Milan est une sorte de spectacle jumeau et on n’a pas l’impression d’avancer ou d’évoluer). Un travail wilsonien, pour ne pas dire un lieu commun wilsonien, ni plus, ni moins.

Fin 1er acte © Suzanne Schwiertz
Fin 1er acte (2011) © Suzanne Schwiertz

Il en va différemment musicalement, dans une salle aux dimensions idéales pour ce type de répertoire et pour les voix.
Le premier artisan en est Fabio Luisi. Sa très longue fréquentation du répertoire (il a passé grande partie de sa carrière comme chef de répertoire à Vienne, à Berlin et ailleurs – mais pas en Italie où finalement il n’a été redécouvert qu’assez récemment) en fait un chef très attentif au plateau, très soucieux de ne jamais pousser les chanteurs dans leurs retranchements, un chef à l’écoute, plutôt qu’un chef autiste  comme il y en a beaucoup à l’opéra et surtout un chef ductile, capable de (bien) diriger Wagner aussi bien que Verdi.
Je trouve qu’au-delà du plateau, Fabio Luisi est l’artisan de la réussite de la soirée par une approche de la partition qui sait faire la place à l’épique et au lyrisme, par des variations de couleur qui ne se limitent pas aux seules variations de tempo : la manière rapide de diriger certains moments du chœur (« guerra ») ou l’ouverture se retrouve chez d’autres chefs notamment italiens, même si Bonynge nous a habitués à des tempos moins contrastés. En ce sens Fabio Luisi s’inscrit dans la vraie tradition italienne.
Moins traditionnel en revanche le souci de fouiller la partition, d’en relever certaines phrases, de clarifier les différents niveaux, d’exalter certains pupitres, de savoir alléger jusqu’au murmure. Moins traditionnels l’élégance des transitions et la souplesse des phrasés. Fascinants les pizzicati « cachés » qu’il nous révèle, le soin mis à exalter altos et violoncelles, comme pour nous indiquer que la partition n’est pas un écrin pour chanteurs, mais qu’elle porte en elle à la fois et couleur et profondeur, et qu’elle est la créatrice de la dynamique musicale de la soirée. À ce titre, la scène finale, à l’orchestre, est vraiment bouleversante, et crée bonne part de l’émotion qu’elle diffuse.
Doit-on rappeler l’admiration que Wagner portait à Bellini : il a lui-même dirigé Norma à Riga, et a écrit sur la mélodie bellinienne et son apparente simplicité des lignes bien senties. Et Wilhelmine Schröder-Devrient, qu’il admirait et qui fut sa créatrice de Senta, d’ Elisabeth et d’Adriano de Rienzi, fut une notable Norma qu’elle interpréta même sur la scène de Zurich.

Norma ou l'infanticide  © Suzanne Schwiertz
Norma ou l’infanticide (2011) © Suzanne Schwiertz

 

Nous devons reconnaître qu’ici Luisi travaille dans le tissu de la partition, dont il révèle des détails inconnus, et donc un tissu orchestral plus complexe et profond qu’il n’y paraît : Bellini va plus loin que la mélodie auquel on le réduit souvent et cette direction donne a l’ensemble une grande cohérence; elle permet notamment d’homogénéïser le plateau. Un plateau globalement satisfaisant, avec de belles personnalités, émergentes ou non.
La Clotilde de Judith Schmid s’impose par une voix forte, bien projetée, mais  sans vraie couleur, un peu trop « droite » tandis que le Flavio de Dmitry Ivanchey, droit venu de l’Helikon de Moscou et qui appartient à la troupe (excellente) de Zurich se sort avec honneur du rôle qu’il aborde, tout comme sa collègue pour la première fois.
La surprise très agréable vient de l’Oroveso de Wenwei Zhang, jeune basse chinoise qui a travaillé à l’Opernstudio de Francfort, désormais en troupe à Zurich. Une voix qui, sans être forcément large, est parfaitement projetée, et qui donc convient parfaitement à la salle. Son visage asiatique sied aussi aux maquillages wilsoniens et c’est l’un de ceux dont la tenue en scène correspond le mieux par son hiératisme et sa fixité à la volonté de la mise en scène. De plus, la diction est claire, l’émission parfaite, le phrasé soigné, chacune de ses apparitions a été un vrai moment musical. Ce n’est pas pour l’instant une voix spectaculaire, mais c’est incontestablement une voix. À suivre sans aucun doute : voilà un chanteur qui montre du goût, de l’intelligence et une vraie présence.
Marco Berti est un artiste qu’on voit beaucoup sur les scènes, il fait partie de la catégorie (rare) des ténors italiens. C’est une voix forte, avec des aigus placés et triomphants. Il répond sans aucun doute pour cela aux exigences du rôle de Pollione …s’il ne fallait que cela. Mais Pollione est un de ces rôles ingrats qui ne font jamais triompher, tant la présence de Norma est écrasante. Un Pollione, fût-il Vickers, fût-il Bergonzi, ne construira jamais sa carrière sur ce rôle. Rôle ingrat aussi que d’être une sorte de vilain, d’infidèle, même amoureux. Car l’amour, n’est-ce pas, n’explique pas tout.
Un rôle ingrat parce que, comme les rôles féminins, il n’est pas clairement défini. Pour sûr ce n’est pas un ténor di grazia, mais pas plus un ténor dramatique. C’est un ténor pour rôles difficiles de type Florestan ou Enée, nécessitant une voix large, mais modulée, des aigus dardés, mais du style, mais de la couleur, un dramatico-belcantiste (catégorie qui n’existe pas), aujourd’hui on pense à Brian Hymel, à John Osborn, peut-être qui excella à Salzbourg. Ce fut aussi Vickers parce que Vickers savait ce que chanter signifie (n’oublions pas qu’il fut aussi bien Tristan qu’Otello ou Nerone de Poppea), ce que colorer signifie. Ce fut Bergonzi parce que en matière d’émission et de style, il était unique. Marco Berti chante à peu près Bellini comme il fait Puccini, aigus dardés, trop poussés (au début notamment dans une salle aux dimensions très moyennes) manque de legato, manque de style et difficultés à affronter les passages,  les agilités et les modulations pour lesquels il a systématiquement de gros problèmes de justesse. Avec sa technique, son intonation est en permanence au bord de la rupture, un peu comme le fut Salvatore Licitra, Marco Berti répond en force contrôlée, mais pas en élégance, mais pas en style. Il en ressort un personnage qui sonne vériste, cinquante ans avant le vérisme.

"Guerra"  © Suzanne Schwiertz
“Guerra” (prod.2011) © Suzanne Schwiertz

Roxana Constantinescu est une jeune mezzo roumaine, qui aborde ici Adalgisa pour la première fois. Sans nul doute il y a du style, un soin très sourcilleux apporté aux notes filées, à l’expressivité, à l’élégance. Sans nul doute aussi il y a une technique bien maîtrisée acquise à l’école de Mozart ou de Rossini qu’elle a beaucoup chantés déjà, il y a quelquefois de l’émotion et toujours de la vie. Ce qui lui manque le plus souvent c’est de la couleur, c’est une personnalité vocale affirmée. Son Adalgisa est bonne, mais elle manque d’incarnation. Le timbre est assez quelconque et il faut à mon avis qu’elle travaille plus l’expressivité. Il est vrai que la mise en scène un peu vitrifiée de Bob Wilson n’aide pas à se revêtir d’un rôle, mais elle aurait dû peut-être lui permettre d’aller fouiller le chant et la musique. Je tournais autour du pot mais je crois avoir trouvé ce qui pour mon goût fait problème, c’est quelque part la musicalité, ou l’intuition musicale. Il reste que la prestation est fort honorable. Mira o Norma fut un vrai moment de bonheur.
Maria Agresta fait figure de nouveau phénix du chant italien et on l’a vue aborder tous les grands rôles de soprano verdien, mais aussi Puritani à Paris.
J’ai souligné les difficultés de Norma et les pièges de ce rôle aux multiples facettes. Et la soprano italienne s’en sort avec tous les honneurs. Elle triomphe grâce à une belle présence scénique, grâce à une grande sûreté vocale sur toute l’étendue du registre, le registre aigu et suraigu bien sûr et le registre grave, bien dominé et jamais détimbré. La couleur est plutôt claire, mais l’assise est large. Et la présence vocale prend de plus en plus d’assurance, le deuxième acte est vraiment émouvant, contrôlé, très senti.

Certes, on relève dans Casta Diva non des difficultés, le mot serait trop rude, mais quelques menus problèmes de passages (avec les conséquences sur quelques petits problèmes d’intonation), de trilles, et un certain manque d’homogénéité, mais n’est pas Caballé qui veut et même Caballé avait ses détracteurs, voir ses chiens galeux qui hurlaient à son passage. D’ailleurs Agresta n’a pas vraiment une voix profilée « bel canto » au sens où on l’entend aujourd’hui, ces voix sous verre qui m’agacent et qui ne touchent pas, ces machines parfaites ou « crémeuses » qui vont droit à l’oreille mais jamais droit au cœur encore moins à l’âme. Agresta est plutôt de celles qui vivent, qui risquent, qui donnent, et c’est pourquoi elle me plaît. Hier, même dans la mise en scène de Bob Wilson qui revendique une sorte d’intériorité ou de « répression expressive », une sorte de formalisme qui pourrait être une gangue, Agresta vibrait, Agresta donnait, Agresta vivait et diffusait une jeunesse et presque une fraîcheur émouvante. C’est avec Wenwei Zhang celle qui a le mieux réussi à entrer dans le monde wilsonien.
Comme souvent à Zurich, une belle soirée musicale : malgré les réserves sur Wilson, monde à la fois minimaliste par ce qu’il montre et maximaliste par ce qu’il évoque, le spectacle donne à voir et à rêver, et la musique, vraiment, a fait le reste. Dans le genre Norma « traditionnelle » (c’est à dire sans instruments anciens, sans orchestre baroque, sans rêves bartoliens), on peut difficilement faire mieux à mon avis.[wpsr_facebook]

Norma 52011) © Suzanne Schwiertz
Norma (2011) © Suzanne Schwiertz

METROPOLITAN OPERA NEW YORK 2014-2015: MACBETH de Giuseppe VERDI le 12 OCTOBRE (Dir.mus: Fabio LUISI; Ms en scène: Adrian NOBLE) avec Anna NETREBKO

Scène finale ©Marty Sohl/Metropolitan Opera
Scène finale ©Marty Sohl/Metropolitan Opera

Il y a des vogues à l’opéra, liées à un metteur en scène, liées à un artiste, liées à des circonstances. Il y a depuis quelques années une vogue Macbeth (et non Macbetto, bien que Macbetto soit le nom que le livret utilise, le titre est bien celui de Shakespeare, et c’est le premier texte de Shakespeare que Verdi propose à l’opéra). On en a vu à Genève (Christof Loy et Metzmacher), on en a vu à la Scala (Barberio Corsetti et Gergiev), on en a vu à Munich (Martin Kusej et Carignani) et on revoit à New York cette production de Adrian Noble créée  en 2007 , qui actualise l’ambiance sans vraiment changer la dramaturgie.
C’est une fois de plus Claudio Abbado qui le 7 décembre 1975 a « relancé » cette œuvre qui n’était pas si souvent représentée (à la Scala une production dirigée par De Sabata en 1952-53 avec Maria Callas et une production en 1963-64 dirigée par Hermann Scherchen, mise en scène de Jean Vilar, avec Birgit Nilsson). Rappelons pour mémoire que c’est Glyndebourne en 1938-39 qui la remet au goût du jour en Europe et que Macbeth n’entrera au répertoire du Met qu’en 1959. Abbado dans une production mémorable de Giorgio Strehler (dont on a une vidéo, par chance) avec Shirley Verrett et Piero Cappucilli en a proposé une de ces versions définitives à peu près insurpassable. J’ai eu la chance de la voir en 1985 sous la direction d’Abbado, avec Piero Cappuccilli, Nicolaï Ghiaurov et Ghena Dimitrova, voix immense, mais peu raffinée. Je vous fait grâce des superlatifs.
La question du Macbeth de Verdi est celle de la Lady. Voilà un rôle redoutable entre tous, qui exige une personnalité d’exception sachant parler (la lecture initiale de la lettre), sachant vocaliser, avec des aigus immenses, avec des graves marqués. On y a vu aussi bien des sopranos (Callas, Gencer – phénoménale- ou Nilsson) que des mezzos (Shirley Verrett, Jennifer Larmore récemment), et au fond la question n’est pas si importante, la distinction au XIXème n’étant pas si marquante (voir Norma…).
La vraie question c’est Verdi lui-même qui la pose en demandant une voix qui ne soit pas belle, mais expressive, , et qui demande notamment une technique de fer et un contrôle très serré, notamment dans l’utilisation des mezze-voci et des notes filées. Dans Una macchia è qui tuttora!, la créatrice du rôle, Marianna Barbieri-Nini disait avoir cru devenir folle en essayant pendant trois mois d’imiter les paroles à peine esquissées et presque bredouillées des somnambules pour rendre la vérité de la situation. Peu de sopranos ont cet exact contrôle qui leur permet de retenir la voix et de projeter tout à la fois, sans vraiment articuler ; la scène du somnambulisme reste un des grands défis d’une carrière de chanteuse.
On ne peut dire que les chanteuses citées plus haut (Verrett, Gencer, Callas) ne soient pas de belles voix, et elles ont marqué le rôle : la question n’est pas belle ou pas belle, mais celle de la vérité de l’expressionCe qui est nouveau en 1847. Écoutez Una macchia è qui tuttora! par Leyla Gencer sur You Tube, il y a pas mal d’extraits. C’est prodigieux de vérité.
Malgré tout, Verdi hésita sans cesse entre tendance belcantiste et vérité de l’expression, le débat ouvert par Macbeth ne fut jamais clos.
Même si le rôle de Macbeth demande une certaine endurance (le dernier air, long, demande des aigus notables), on ne peut dire qu’il marque tant les analystes que le rôle de la Lady, moteur de l’action qui a quatre airs dont les plus spectaculaires (le brindisi Si colmi il calice dans la scène du spectre). Opéra de chanteuse, c’est aussi un opéra de chef. Il faut à la fois la fameuse pulsion verdienne : après tout, la première version remonte à 1847 à un moment où Verdi sort à peine de Giovanna d’Arco et d’Attila, et où il n’a pas encore écrit la fameuse trilogie (Rigoletto, Traviata, Trovatore). Il  reprend l’œuvre pour Paris en 1865, c’est la version habituellement donnée en y ajoutant notamment le chœur final. N’est pas Boito qui veut : le livret de Francesco Maria Piave et Andrea Maffei est relativement faible. Mais c’est ainsi une œuvre tiraillée entre deux styles, celui post ballo in maschera qui produira des chefs d’œuvres comme Don Carlo, et celui d’avant, le style dzim boum boum disent les méchants, plus marqué par des rythmes, une pulsion soutenue, et une technique de chant qui tient encore largement du bel canto. Les œuvres hybrides méritent des grands chefs, qui seuls peuvent proposer un vrai discours sur l’œuvre.
J’avais peu apprécié la direction de Paolo Carignani à Munich, très sonore et sans profondeur, j’avais en revanche bien apprécié l’effort de Ingo Metzmacher dont ce n’est pas habituellement le répertoire et qui avait proposé un Macbeth d’une couleur particulière, avec un orchestre il est vrai quelquefois hésitant. Fabio Luisi a fait toute la première partie de sa carrière dans le répertoire, il y a 15 ans, il écumait les scènes germaniques, de Berlin à Vienne sans jamais diriger en Italie, son pays d’origine (il est génois). Depuis qu’il a servi de doublure à Levine malade au MET, et qu’il en est le principal chef invité, il est devenu un interlocuteur possible des grandes fosses européennes et il est aussi directeur musical de Zurich, succédant à son compatriote Daniele Gatti , et en plus directeur honoraire à Gênes. Il a aussi commencé à diriger à la Scala.
Comme tous les chefs qui ont fait beaucoup de répertoire à l’opéra, c’est un excellent technicien, qui met en place, très attentif au plateau, qui suit les voix avec bonheur et sait équilibrer les volumes entre plateau et fosse. Et comme bien des chefs qui ont suivi ce type de carrière, il n’est pas vraiment original, il ne faut pas attendre de lui une lecture innovante, un discours révolutionnaire sur les œuvres. Certains n’ont pas aimé son Ring à New York, le trouvant plat, voire flasque, je les trouve injustes. Son Ring avait une couleur nouvelle pour le MET où Wagner est l’apanage quasi exclusif de James Levine. Il avait un parfum plus retenu, presque plus raffiné.

Dans Macbeth, il a à la fois la pulsion, le rythme, la battue, la netteté des attaques (il est vrai que l’orchestre est remarquable), mais aussi le souci d’accompagner les voix en proposant une vision, assez coloriste de l’œuvre ; j’avoue que c’est pour moi l’un des meilleurs exemples de direction verdienne de ces dernières années, à la fois raffinée et variée dans la coloration de chaque moment, mais aussi énergique, parfaitement au point dans les ensembles, et proposant au total une vision très complète de ce Macbeth entre deux eaux que Verdi a écrit. Direction idiomatique si l’on veut, parce que très italienne, mais surtout théâtrale et vive, claire et vibrante. C’est un chef que j’ai toujours apprécié pour son sérieux et aussi sa modestie et qui garantit toujours un bon niveau, à défaut d’emporter la salle par un niveau exceptionnel. Il jouit à New York d’une estime reconnue, toujours accueilli très chaleureusement par le public. Il est l’un des artisans évidents de la réussite de cette soirée (en réalité une matinée, puisque, direct dans les cinémas oblige, la représentation commençait à 13h à New York).
Il est servi par une distribution digne de la réputation du MET, affichant Anna Netrebko, Zeljko Lucic, René Pape, Joseph Calleja, tous familiers et appréciés du lieu. Cette reprise avait pour attraction justement la Lady Macbeth d’Anna Netrebko, qui a abordé le rôle fin juin à Munich. C’était donc sa deuxième production.
Pour avoir entendu Netrebko et à Munich en juin, et à Paris (le 14 juillet) et à Salzbourg (dans Trovatore), on ne peut que constater l’évidence de sa transformation vocale, de son élargissement de lirico à lirico spinto, tout en gardant ses qualités de contrôle, le soin donné aux cadences, aux agilités.
Je me souviens lors de ses Capuleti e Montecchi à l’Opéra Bastille, où elle était enceinte, j’avais dit mon étonnement devant sa largeur vocale et j’avais émis l’hypothèse devant quelques amis que derrière cette Giulietta j’entendais une Norma future. On m’avait évidemment ri au nez.

Et Netrebko prépare et Elsa pour Bayreuth, et Norma, à peu près à la même époque…
Dans la gestion de sa carrière, elle ne pouvait se limiter aux rôles de lirico-colorature du bel canto romantique ou même à Mozart (le disque Mozart fait avec Abbado avait d’ailleurs été difficile pour elle) : la voix s’est transformée, et déjà il y a quelques années (je me souviens d’une Yolanta avec Gergiev à Baden Baden) on pouvait constater l’élargissement vocal, mais aussi craindre un peu trop de métal à l’aigu.
Le travail sur la technique, l’élargissement vocal font qu’aujourd’hui, elle est au rendez-vous des grands rôles verdiens du répertoire et que les aigus un peu métalliques qu’elle avait eus au sortir de sa première grossesse ont disparu.
Alors, évidemment, les amateurs très exigeants et un peu tatillons, pour ne pas dire excessivement maniaques, regretteront cette Lady Macbeth à la voix si large et si triomphante. Une voix ronde, homogène, techniquement impeccable ou à peu près (certes, le fil di voce final de la scène du somnambulisme est un peu plus voce que fil, mais la note y est, nette, alors qu’à Munich c’était un peu approximatif), avec un sens de la parole étonnant (la lecture de la lettre est faite avec un soin tout particulier, avec une couleur dans la manière de dire les mots qui frappe), un phrasé impeccable, une diction remarquable, et des aigus triomphants à chaque moment voulu par la partition. Il serait aussi fort injuste de passer sous silence ce qui couronne le tout, une présence et un sens du jeu formidable dans un rôle qui exige une personnalité et un investissement scéniques notoires.

Anna Netrebko (Lady Macbeth) ©Marty Sohl/Metropolitan Opera
Anna Netrebko (Lady Macbeth) ©Marty Sohl/Metropolitan Opera

Elle est plus à l’aise qu’à Munich où Kusej en faisait une femme plus ordinaire, peut être plus vulgaire, une sorte de sorcière affublée d’une perruque rousse dont on connaît souvent le sens à la scène. Elle est ici une blonde platinée, pulpeuse, sorte d’héroïne de film noir américain. Elle y est magnifique.
En matière de Lady Macbeth, je voudrais tout de même dire qu’avec la distance du temps, celle qui me reste en tête est Jennifer Larmore à Genève, dans un style totalement différent, avec une voix évidemment moins explosive, mais une dignité, une tenue et une grandeur en scène telles que son personnage reste imprimé dans mes souvenirs. J’avais sur le moment dans ce blog exprimé quelques doutes, la mémoire du cœur a parlé. Elles sont difficilement comparables, évidemment, mais elles sont toutes deux sur le piédestal. Elle renvoient certaines Lady récentes (Tatiana Serjan et Lucrecia Garcia à la Scala notamment) à leurs chères études.

MAcbeth (Zeljko Lucic) et Lady Macbeth (Anna Netrebko) ©Marty Sohl/Metropolitan Opera
MAcbeth (Zeljko Lucic) et Lady Macbeth (Anna Netrebko) ©Marty Sohl/Metropolitan Opera

Le cas de Zeljko Lucic est différent. Voilà un chanteur qui a toutes les qualités du baryton, il a les aigus, il a l’endurance, il a la projection, et pourtant chacune de ses interventions me laisse sur ma faim. C’est très correct, c’est bien chanté, mais cela reste pour mon goût sans grande couleur, sans vraie personnalité vocale. Et surtout le timbre n’est pas séduisant.
C’est la première fois ici qu’il a réussi à me convaincre : il garde les qualités techniques évoquées plus haut, mais ce qui quelquefois m’arrêtait (le timbre, la couleur), ici me paraît plus adéquat au rôle, à la fois énergique et faible, à la fois courageux, mais dominé. La scène du brindisi m’a vraiment plu, dans sa manière de jouer les hallucinés à la voix blanche, une sorte de voix bien posée, bien projetée, mais à la couleur désespérément grise : l’opposition avec la Lady tout en relief physique et sonore est magnifiquement posée, à cette Lady platinée correspond un Macbeth anthracite, deux faces d’un même Janus fatal.

René Pape (Banquo) ©Marty Sohl/Metropolitan Opera
René Pape (Banquo) ©Marty Sohl/Metropolitan Opera

Que dire de René Pape qui n’ait déjà été dit dans toutes ses apparitions ? Il porte la noblesse de Banquo dans la voix.  L’opposition entre la voix de Zeljko Lucic, plus mate, légèrement pâteuse, et le timbre profond et sonore de Pape, dans la première scène avec les sorcières montre déjà l’opposition frappante entre les deux personnages et construit leur avenir. Évidemment, l’air de Banquo Come dal ciel precipita à son fils Fléance (un tout jeune figurant d’une douzaine d’années, très à l’aise et à la fois bien présent sur le plateau, une personnalité scénique en herbe…du nom de Moritz Linn) est un des sommets musicaux de la représentation. On ne s’étonnera pas du triomphe final.

Dans cette œuvre aux voix sombres, les deux ténors portent en eux l’avenir : après la nuit, les voix solaires.
Verdi très habilement ne donne pas à ces voix de rôle essentiel, Macduff a une réplique en première partie, et n’apparaît vraiment qu’au quatrième acte, avec un unique air, très beau d’ailleurs et l’un de ces airs porte drapeau de tous les ténors.
Malcolm quant à lui n’a que des ensembles.

Joseph Calleja (Macduff) ©Marty Sohl/Metropolitan Opera
Joseph Calleja (Macduff) ©Marty Sohl/Metropolitan Opera

Joseph Calleja est un ténor à succès du MET, le chanteur maltais n’a peut-être pas le timbre du siècle, mais il a une belle technique, un sens du phrasé remarquable, une capacité à colorer et à interpréter qui en fait un des grands ténors du jour. C’est donc un luxe que de l’afficher dans Macduff. Son air du quatrième acte O figli, o figli miei !…, venant après le chœur Patria oppressa est un bien joli moment, très retenu, poétique, même si dans ce rôle on a pu entendre aussi bien ou mieux (je me souviens d’un Alagna exceptionnel par exemple avec Muti à la Scala en 1997). Il reste que c’est un très beau moment. Quant au Malcolm de Noah Baetge, il est très correct et vaillant, mais peut-on en dire plus pour un rôle aussi épisodique ?
Adrian Noble (rappelons ses Mozart lyonnais) a proposé une version actualisée de Macbeth, en plaçant l’intrigue de nos jours. Les personnages évoluent dans un espace ouvert, noir ou gris, fait d’arbres décharnés (décors et costumes de Mark Thompson) avec quelques éléments venus des cintres qui dessinent l’espace de jeu,  et quelques objets, un lit, des lustres.
Du point de vue dramaturgique, aucune proposition. La transposition est l’unique idée, sans exploitation, sans approfondissement.
Les sorcières sont des sortes de ménagères de moins (ou plus) de cinquante ans, des ménagères-mégères issues d’un quotidien médiocre, les courtisans sont l’image des courtisans de toujours, accourant auprès du pouvoir quel qu’il soit et sans considération pour son odeur, les soldats et le peuple au cinquième acte sont des soldats modernes (ils ont une Jeep…et après ?) et le peuple est pauvre comme il se doit. Très franchement, cette production se serait passée dans le moyen-âge reculé d’une Ecosse sauvage, on n’aurait pas vraiment vu de différence.

Scène du somnambulisme ©Marty Sohl/Metropolitan Opera
Scène du somnambulisme ©Marty Sohl/Metropolitan Opera

Certes, certaines scènes sont bien réglées (la scène du Brindisi), les éclairages (de Jean Kalman) souvent très suggestifs, ou certaines images sont fortes (Lady Macbeth somnambule sur un chemin de ronde figuré par des chaises amoncelées, en fond de scène), voire la scène finale, mais il n’y ni de quoi fouetter un chat, ni personne d’autre : une mise en scène qui est modernisante pour montrer qu’on est au XXIème siècle mais qui ne pose aucune question dramaturgique sur la nature de l’œuvre. A ce titre, et dans le même style d’inspiration, Tcherniakov avait autrement posé la question à Paris en faisant de Macbeth et Lady Macbeth des clones des Ceaucescu.
Mais on ne venait pas pour la mise en scène, on venait évidemment d’abord pour Netrebko et de ce point de vue on a été comblé. L’impressionnante prestation salzbourgeoise dans Trovatore a été confirmée par cette incarnation de la Lady. Une Lady un peu trop chatoyante au goût de certains sans doute, une Lady en pleine santé à la voix éclatante, une Lady à la présence scénique irradiante, bien plus marquée que dans Trovatore à Salzbourg (il est vrai que le rôle s’y prête) mais la misère du chant verdien qui a laminé ce répertoire ces quinze dernières années fait que nous ne pouvons que saluer cette entrée de la chanteuse au firmament verdien là où on ne l’on attendait pas vraiment.

Alors, pour le deuxième jour consécutif, le michelangelesque Lincoln Center paraissait l’écrin idéal, le MET était bien ce jour-là le Capitole du chant.[wpsr_facebook]

Brindisi ©Marty Sohl/Metropolitan Opera
Brindisi ©Marty Sohl/Metropolitan Opera