IN MEMORIAM RENÉ GONZALEZ

René Gonzalez n’est plus, au terme d’une lutte de plusieurs années contre un cancer qui a fini par l’emporter. Figure peu connue du grand public, mais très importante dans le monde du théâtre il a été le directeur heureux du théâtre de Vidy Lausanne pendant plus de vingt ans, rendant du même coup heureux les spectateurs suisses, et la municipalité de Lausanne. Il était devenu une institution. On ne compte plus les compagnies, les acteurs et actrices qu’il a promus, accompagnés, les spectacles à succès qu’il a exportés et qui ont fait une carrière triomphale en France. On sait moins qu’il fut le premier directeur de l’Opéra Bastille, un choix intelligent pour monter un opéra populaire, et qu’il en a assuré la première année. Mais très vite, il a senti que le monde de l’opéra n’était pas le sien et a accepté dès 1990 l’offre de Lausanne en prenant Vidy, le théâtre au bord de l’eau, d’abord avec Mathias Langhoff, puis seul. On a même parlé de lui à un moment pour Avignon. Mais il aimait Lausanne, loin des intrigues parisiennes, où il faisait ce qui lui plaisait d’une programmation sans concessions qui n’a jamais pêché par facilité.
Nous nous étions connus à cette époque, et je me souviens de longues discussions passionnantes sur le théâtre  et sur l’opéra dont il découvrait l’univers complexe et trop peu humain pour lui. Je me souviens d’un être modeste, chaleureux, prodigieusement généreux, qui adorait discuter, débattre, longtemps après la fin des spectacles, tard dans la nuit.
C’est lui qui avait créé à Vidy  « Orlando » de Virginia Woolf, avec Isabelle Huppert et dans une mise en scène de Bob Wilson. Ceux qui aiment le théâtre se souviennent de ce triomphe à l’Odéon. Il m’avait téléphoné pour me dire de venir à Lausanne (j’étais alors en poste en Allemagne) voir le spectacle, que j’avais ensuite revu à l’Odéon. La salle de Vidy, frontale, aux dimensions moyennes permettait un vrai rapport intime avec le plateau; elle était idéale pour ce spectacle, un monologue où le spectateur avait besoin de proximité pour pleinement profiter de ce magnifique travail scénique, une des performances de théâtre les plus fortes de ces trente dernières années. Je me souviens plus de Vidy que de l’Odéon, un peu impersonnel, qui convenait moins au travail de Wilson.
A la fin du spectacle, il m’avait fait le beau cadeau (ainsi qu’au jeune collègue qui m’accompagnait) de nous inviter à dîner dans une pizzeria proche avec Isabelle Huppert. On peut imaginer quel souvenir ce fut .
Nous nous appelions de loin en loin, nous nous sommes souvent revus, et je suivais sa programmation à Lausanne, toujours stupéfait par les voies « différentes » qu’il explorait, loin de tout conformisme et toujours à l’affût de figures nouvelles.
C’était un de ces managers qui ont aidé  la scène française à être quelquefois autre chose que l’océan d’ennui qu’elle est en ce moment.
C’est une lourde perte, artistique et surtout humaine.
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