LA SAISON 2025-2026 DE L’OPERA NATIONAL DE PARIS

Entre Opéra de Paris, Châtelet, TCE, Opéra-Comique et quelques spectacles à Versailles ou à la Seine musicale, la saison parisienne propose une offre pléthorique, peut-être excessive, car si on fait le compte des sous engloutis à Paris face aux opéras en région qui tirent la langue (on a vu l’affaire de Toulon récemment) on se dit que quelque chose ne tourne pas rond dans le royaume des gosiers d’or.
À cela s’ajoute une autre question, combien de productions mémorables (=dont on se souvient) dans toute cette forêt couteuse… mieux vaut ne pas s’interroger sur le rapport qualité-prix. Quand je lis la programmation 25-26 de l’Opéra-Comique qui présente les énièmes Contes d’Hoffmann, l’enième Werther que le TCE vient de présenter cette saison, et un Faust de Gounod, même en version princeps de 1859, je me dis qu’on se moque un peu du monde à moins que chacune de ces trois productions ne soit la production du siècle, ce dont je doute…
Alors on se tourne vers l’Opéra de Paris, le Moloch de l’art lyrique en France qui présente l’an prochain une saison dont tous auront perçu l’audace et l’originalité, offrant au bon peuple sept nouvelles productions dont quatre sont susceptibles de faire le plein et dix reprises de répertoire, dont La Bohème, Tosca, La Cenerentola, Carmen, et Traviata pour faire chauffer la machine à sous et par ailleurs quelques stars célestes (Kaufmann, Netrebko) pour faire parler la chambre d’écho médiatique. Au total dix-sept productions lyriques, et d’une couleur bien morne. Encore des nuances de gris.
Mais l’Opéra de Paris version Alexander Neef a l’immense avantage de ne pas (trop) faire parler de lui. Pas (trop) de grands scandales de mises en scène et des personnels pas (trop) en grève. Cela doit suffire à Madame Dati, qui ne souhaite qu’une seule chose, c’est que l’Opéra de Paris lui fiche la paix et qu’en général les opéras dont elle n’a que faire la laissent dormir tranquille et rêver à la mairie de Paris.
Enfin, on est à Paris en attente anxieuse d’un directeur musical, après l’aventure Dudamel (qui fut toccata e fuga…), une fonction paraît-il indispensable, mais si l’on excepte Philippe Jordan, le seul dont le passage ait un peu marqué les esprits, qui est en mesure de citer les autres, les vrais et les « in pectore » ? On pensait que Pablo Heras-Casado avait le contrat en poche, et il semble qu’on s’en éloigne. Alors les jeux sont ouverts pour le « totodirettore » (allusion au totocalcio, les paris du foot en Italie) des jeux inutiles parce que jusqu’ici personne n’a répondu à la question : un directeur musical à Paris, pour quoi faire ?
Paris a vécu depuis 1973 tantôt sans directeur musical, et tantôt avec : avez-vous vu la différence ? Le départ de Dudamel a-t-il fait baisser drastiquement le niveau de la maison ? Le moindre spectateur s’en est-il aperçu ?

Du côté de la politique artistique, je devrais écrire de l’apolitique artistique, il y a une couleur indifférente des castings et des choix de chefs et de metteurs en scène qui tirent vers l’outre-atlantique ou l’outre-manche et qui restent largement aux mains des grandes agences. Pour la com, on dit faire de la haute couture/culture, ouverte sur notre monde, pour la réalité, on fait du  casting choisi sur catalogue. Une sorte de petit MET, de METicule qui mettrait Alexander Neef dans les starting-blocks pour la succession de Peter Gelb, l’actuel manager du MET, et qui fait de Paris,  The Sleeping Beauty

Et puis on continue à voir ces absurdités dans le site (dont le design est largement semblable à celui du MET -encore une fraternité- sans doute issu de la même officine) qui font rire à défaut de faire pleurer, comme « l’équipe artistique » qui comprend compositeur et librettiste avec metteur en scène et équipe de production; c’est aussi le cas (et tout aussi ridicule) sur le site du MET et celui du Royal Ballet et Opera de Londres : Mozart sera heureux d’apprendre qu’il fait équipe avec Netia Jones, et pire encore, Verdi avec Shirin Nesrat… Pauvre Verdi qui n’a pas tiré le gros lot…

Et toujours cette volonté de mettre les titres en Français (on est en France, scrogneugneu) imitant en cela encore Londres (mais pas New york dont les titres sont dans la langue du livret) quand on programme une œuvre en langue originale. Alors,  on ne sait pourquoi au beau milieu de la brochure, on écrit Nixon in China et pas Nixon en Chine qui ferait sans doute trop plouc pour l’american-bastillian way of life

Cette maison qui m’a tant donné jadis, qui m’a tant appris aussi, et que j’aime comme l’alma mater de ma vie lyrique mérite mieux que cette programmation facile, racoleuse et faussement culturelle et surtout interchangeable, sans personnalité, sans caractères ni trouvailles : quand je vois ce qu’elle produit, quand je vois l’absence totale de vraie ligne, quand je lis les programmes et les distributions, j’ai vraiment envie de replonger dans son passé, qu’il ait pour nom Lissner, Mortier, Gall ou Liebermann où chacun pour des raisons très différentes avait affiché une vraie couleur… On nous fait prendre une fois de plus des vessies pour des lanternes pendant que des opéras en région qui font de gros efforts se battent pour survivre. À Strasbourg, Lille, Lyon ou Rouen il se passe des choses plus intéressantes  qui au moins excitent la curiosité.

La saison lyrique

La saison 2025-2026 est donc une saison sans grand intérêt, qui est loin de faire de l’Opéra national de Paris un phare européen dans son domaine. Tout au plus la saison affiche-t-elle le même gris qu’on rencontre dans les autres maisons internationales du même acabit (le MET  et Covent Garden offrent comme Paris leurs lots de fadeur, annoncés à coups de trompettes de la renommée: autant alors faire un pool et des économies d’échelle tant les programmations et les distributions issues du même esprit, des mêmes écoles et mêmes agences se ressemblent avec souvent les mêmes artistes). Où est la personnalité propre de l’Opéra de Paris dans ce paysage?

Les médias avaient claironné l’arrivée de la troupe à Paris comme le miracle de la Sainte Ampoule : qu’est-ce que la troupe a changé du profil général de la maison ? Le seul point qui bouge, c’est le ballet, parce qu’il y a là une politique et une ligne depuis que José Martinez en a pris la direction. Notre ami Jean-Marc Navarro lui consacre ci-après une analyse de saison qui complète notre regard sur le lyrique.

Dans les nouvelles productions, une Aida inutile, la continuation d‘un Ring qui fait douter tout le Landernau lyrique, un Onéguine un peu plus intéressant, une Finta Giardinera hors les murs dans le 93 pour se rapprocher du peuple, Satyagraha pour faire moderne (doublé d’une reprise de Nixon in China pour attirer les foules tant assoiffées de John Adams et Philip Glass), et Ercole amante pour afficher qu’on s’intéresse aux femmes compositrices inconnues et qu’on est dans le vent de l’histoire.
Des nouveautés dans le répertoire français tant appelé à la rescousse au début du mandat Neef ? Non, mais une reprise de Carmen, dans une production rebattue en circuit partout dans le monde depuis désormais plus de 25 ans.
Des opéras russes hors standards (il y a une forêt de Rimski-Korsakov possibles) ?  Trop compliqué de faire un peu de sur-mesure pour le supermarché lyrique.
Un Verdi qui sorte des sentiers battus ? il y en a peu sur les grandes scènes hors Italie, peu sur des scènes anglo-saxonnes (pour Paris le modèle de référence) et donc peu de chanteurs adaptés dans les rayons basiques offerts par les agents, et du bel canto, il y en a eu la saison dernière avec Beatrice di Tenda, non belcantiste, mais acceptable…. et donc repos.
Le résultat est bien mince…

Nouvelles productions :

Giuseppe Verdi: Aida
12 repr. du 24 sept. au 4 nov. (avt-première jeunes le 20 sept) (Dir : Michele Mariotti (A)/Dmitri Matvienko (B) / MeS : Shirin Nesrat)
A (24 sept/19 oct)
Dir : Michele Mariotti, avec Saioa Hernandez (Jusqu’au 16 oct.), Ewa Płonka (19 oct), Piotr Beczala (Jusqu’au 16 oct.), Gregory Kunde (19 oct.), Eve-Maud Hubeaux (Jusqu’au 16 oct.)/Judit Kutasi(19 oct.), Roman Burdenko, Alexander Köpecki etc…
B (22 oct./4 nov.)
Dir: Dmitry Matvienko avec Ewa Płonka, Gregory Kunde, Judit Kutasi, Roman Burdenko/Amartuvshin Enkhbat (1er et 4 nov.).
Opéra Bastille.

On se moque du monde, pour être poli.
D’un côté la maison a une nouvelle production d’Aida mise en scène par Lotte de Beer, il est vrai un peu dérangeante (et complexe) pour le public parisien si peu ouvert à la mise en scène, et qui traite de questions de colonisation, un sujet si si choquant pour les bonnes âmes. Cette production, victime du Covid, a été présentée pour 2 représentations devant un public réduit, et été télévisée (pas si mal distribuée avec Michele Mariotti au pupitre et Radvanovski/Kaufmann/Dudnikova/Tézier/Belosselski). On la met aux ordures après deux représentations en un temps où paraît-il il faut faire des économies. De l’argent public foutu en l’air pour la remplacer par une mise en scène présentée à Salzbourg en 2017 (même metteuse en scène, même décorateur et mêmes costumes) même si (on va nous l’expliquer)  madame Shirin Nesrat qui avait signé un travail nullissime – le jugement fut universel – va sans doute la revoir et l’approfondir – comme ce fut le cas lors de la reprise salzbourgeoise de 2022 qui a autant déçu qu’en 2017 (approfondir le zéro, c’est un peu difficile…). On prend le public pour des zozos.
Bien heureusement du côté musical, cela va mieux.
Rien à redire pour le choix des chefs, Michele Mariotti est l’un des grands verdiens d’aujourd’hui et déjà en 2021 son Aida était magnifique, et Dmitry Matvienko peu connu du public est sans doute l’une des grandes baguettes du futur, à découvrir absolument.
Pour les voix c’est plus contrasté. Piotr Beczala qui était Radamès à Salzbourg est un chanteur sérieux à la voix solide mais au charisme limité, mais dans cette mise en scène ça n’est pas grave, Saioa Hernandez une grande voix, qui ne fera pas vibrer… Il vaut mieux essayer Ewa Płonka qu’une offensive d’agent met sur le marché à toutes les sauces et surtout Gregory Kunde qui accuse les ans, mais qui reste un immense ténor et un vrai styliste.
Eve-Maud Hubeaux aura la présence, mais la voix d’Amnéris c’est autre chose, et Judit Kutasi qui lui succède est très correcte (pour l’avoir entendue à Munich) mais sans plus. Au risque de se répéter, Amnéris, c’est autre chose… Roman Burdenko est un excellent baryton pour le répertoire russe et pas très bon (euphémisme) dans l’italien, mais pourquoi pas pour Amonasro, rôle court fait d’aboiements et de toute manière Amartuvshin Enkhbat qui est aujourd’hui un grand fera les deux dernières. Alexander Köpecki a une très belle voix, mais dans Ramfis, c’est court et c’est dommage.
Bref, si vous n’avez qu’une date possible je choisirais l’une des deux dernières, 1er et 4 nov parce qu’elles me semblent plus équilibrées. Si vous en avez deux, alors l’une des dates de la première distribution et de toute manière les deux dernières…
Mais ils ne se sont pas trop fatigués à l’Opéra de Paris, pour donner envie.
Question subsidiaire, pourquoi faire Aida à ce prix et ne pas reprendre Macbeth qu’on n’a pas revu à Paris depuis 2009, (Tcherniakov… mais à Paris on en a peur) ou en faire une nouvelle production.

Richard Wagner : Die Walküre
6 repr. du 11 au 30 nov (Avt-première jeunes le 8 nov.) (Dir : Pablo Heras-Casado/ MeS : Calixto Bieito)
Avec Iain Paterson, Stanislas de Barbeyrac, Günther Groissböck, Elza van der Heever, Tamara Wilson, Eve-Maud Hubeaux etc…
Opéra Bastille.

Après le demi-échec de Das Rheingold dont la mise en scène a fait à peu près l’unanimité contre elle, et dont la direction musicale a divisé à tout le moins, le Ring continue. Das Rheingold, particulièrement difficile à réussir, donne souvent l’esprit de toute une production du Ring. Die Walküre est plus « traditionnelle » et souvent sauf chez les plus grands (Chéreau, Kupfer, Castorf) elle constitue un écueil. Donc, à vérifier…
On peut aussi plus briller en fosse dans Walküre que dans Rheingold, plus conversatif et théâtral, mais la manière habituelle de diriger d’Heras-Casado ne le tire pas vers le brillant.

Quant à la distribution il y a deux wagnériens qui ont un vrai passé dans l’œuvre,
– Iain Paterson, Wotan pâle et donc plutôt inexistant, parce que pour Wotan notamment dans la Walkyrie, il faut une énorme personnalité et une voix au relief attesté. Il n’est pas l’un et sa voix n’a pas l’autre.
– Günther Groissböck, connaît le style, sait ce que chanter veut dire, et c’est une référence, mais il traverse depuis deux ans au moins d’énormes difficultés vocales.

Pour les autres ce sont des nouveaux sur le marché. On est heureux d’entendre Stanislas de Barbeyrac en Siegmund qu’il a rôdé en version de concert la saison dernière avec Yannick Nézet Séguin au TCE et qu’il chante aussi dans la Walkyrie de Londres (un vrai hasard). Mais le passage à la scène, et dans une salle aussi vaste que Bastille constitue un saut plus délicat…
Elza van der Heever a une voix, incontestablement. Il faut plus pour Sieglinde, et en général pour tout ce qu’elle chante. Elle ne fait pas vraiment vibrer, mais elle est chérie de ceux qui écoutent les sirènes des agents puissants.
Eve-Maud Hubeaux pourrait être une Fricka somptueuse, après son succès dans Rheingold, même si Fricka de Rheingold et de Walküre n’ont pas vraiment le même profil vocal. Et puis il y a Tamara Wilson, elle aussi fortement poussée par les sirènes d’outre-atlantique auxquelles on est si sensible à Paris. Elle y fut une Beatrice di Tenda volumineuse et hors belcanto, mais assez marquante pour tous ceux qui l’ont entendue. La voix est immense et très ductile, l’artiste est sérieuse, très préparée et elle semble donc avoir les papiers en main… mais Brünnhilde n’est pas seulement une voix, c’est une personnalité et une sensibilité… À écouter donc non sans curiosité.

Richard Wagner : Siegfried
5 repr. du 17 au 31 janv (Avt-première jeunes le 14 janv.) (Dir : Pablo Heras-Casado/ MeS : Calixto Bieito)
Avec Andreas Schager, Iain Paterson, Gerhard Siegel, Brian Mulligan, Tamara Wilson, Ilanah Lobel-Torres, Mika Kares, Marie-Nicole Lemieux.
Opéra Bastille.
On connaît le Siegfried d’Andreas Schager promené partout dans le monde et peut-être le seul rôle dans lequel sa manière de chanter-hurler convienne, scéniquement et vocalement très au point. Si la voix n’a pas cédé, c’est une assurance. Gerhard Siegel en Mime aussi : il reste l’un des grands ténors de caractère de ce temps et même si les ans ont sans doute leur effet, c’est un tel styliste et une telle intelligence qu’on peut avoir confiance. J’ai moins confiance en Brian Mullighan que je n’ai jamais trouvé très intéressant, moins intéressant en tous cas que tous les Alberich vus sur les scènes ces dernières années, mais qui sait ? Même remarque pour Mika Kares, voix aussi énorme qu’incarnation sommaire, mais pour Fafner, rôle court et demandant peu d’incarnation (il se réveille, grogne et meurt) ça peut passer. En Erda Marie-Nicole Lemieux ne devrait pas décevoir et on découvrira la jeune Ilanah Lobel-Torres en Waldvogel.
De Iain Paterson je n’ai rien à dire, l’ayant entendu et subi par ailleurs en Wotan et en Wanderer…
La direction de Pablo Heras Casado a en général déçu dans Rheingold. On attendra donc le verdict dans les deux premières journées. Ayant toujours considéré avec distance les enthousiasmes autour de ce chef, je n’en attends rien, sinon une éventuelle agréable surprise.
Mais disons-le tout net, ni cette Walküre ni ce Siegfried ne font rêver a priori .

P.I. Tchaïkovski : Eugène Oneguine
11 repr. du 26 janv. au 27 fev. (Avt-première jeunes le 23 janv.)   (Dir : Semyon Bychkov (jusqu’au 16 fév.) – Case Scaglione (18-27 fév.) / MeS : Ralph Fiennes)
Avec Boris Pinkhasovich, Ruzan Mantashyan, Bogdan Volkov, Dmitry Belosselsky, Elena Zaremba, Marvic Monreal, Susan Graham, Peter Bronder.
Palais Garnier
Des nouvelles productions, c’est la seule qui risque d’être intéressante avec un cast vraiment solide et un chef de référence, Semyon Bychkov, et un second chef Case Scaglione dont on commence à parler (fourni évidemment par la même et puissante agence – on n’est jamais mieux servi que par soi-même ). Volkov et Pinkhasovich sont des immenses, Mantashyan est un soprano de qualité, Belosselsky au moins un nom important pour Grémine, et entre Elena Zaremba et Susan Graham, le spectateur aura ses mythes du passé récent. Quant à Ralph Fiennes, attendu comme le Messie par certains, il signe sa première mise en scène d’opéra… Circonspection. Mais de toutes les nouvelles productions c’est celle qu’il faut absolument voir.

W.A.Mozart : La finta Giardiniera
6 repr. du 24 mars au 1er avril (Dir : Chloé Dufresne/MeS : Julie Delille)
Avec les artistes de l’Académie de l’Opéra national de Paris
À la MC93 Bobigny
Salutaire et habituel spectacle de l’Académie, servi par une équipe artistique intéressante : Julie Delille est directrice du Théâtre du Peuple de Bussang, et Chloé Dufresne, une cheffe déjà bien rompue à l’opéra et qui connaît la maison pour avoir été cheffe en résidence à l’Académie en 2023-2024. Un spectacle hors les murs dans un établissement traditionnellement ouvert aux expériences scéniques (Sellars y fit il y a bien longtemps sa trilogie Mozart – Da Ponte), permet quelquefois de vraies surprises, acceptons-en l’augure. Mais on aimerait que ces productions « spéciales » restent ensuite au répertoire ou tournent, pourquoi pas?

Philip Glass : Satyagraha
8 repr. du 10 avril au 7 mai (Avt-première jeunes le 7 avr.) (Dir : Ingo Metzmacher/MeS : Bobi Jene Smith/Or Schraiber)
Avec Anthony Roth Costanzo, Ilanah Lobel-Torres, Davóne Tines, Adriana Bignagni Lesca, Olivia Boen, Nicky Spence, Amin Ahangaran, Deepa Johnny.
Palais Garnier.
C’est le premier opéra de Philip Glass à entrer au répertoire de l’Opéra de Paris. Satyagraha créé en 1980 évoque la biographie de Gandhi et appartient à la trilogie formée par Einstein on the Beach (1975-1976), et Akhnaten (1984) qu’on a vu encore récemment dans une belle production à Nice.
Dans la lignée de la proposition de Sidi Larbi Cherkaoui à Anvers, Paris appelle les chorégraphes Bobbi Jene Smith et Or Schraiber pour la mise en scène, pourquoi pas, si cela s’intègre dans un projet à plus long terme…
En effet, cette création à l’Opéra prend place dans la promotion par l’Opéra de Paris d’œuvres lyriques américaines jamais présentées (A Quiet place de Bernstein, Nixon in China de John Adams) ce qui est une excellente initiative. Encore souhaiterait-on savoir s’il est prévu une programmation articulée, verra-t-on de Philip Glass Akhnaten et une production nouvelle d’Einstein on the Beach qui rompe le charme Bob Wilson ? Verra-t-on d’Adams La mort de Klinghoffer ? ou West Side Story, Wonderful Town ou Candide de Bernstein ? Un projet musical (et scénique) construit et pensé serait le bienvenu.
En tous cas, avec Ingo Metzmacher dans la fosse, on a la promesse d’une solide assise musicale.

Antonia Bembo : Ercole amante
7 repr. du 28 mai au 14 juin (Avt-première jeunes le 25 mai) (Dir : Leonardo Garcia Alarcon ; MeS : Netia Jones)
Avec Andreas Wolf, Julie Fuchs, Ana Vieira Leite, Deepa Johnny, Marcel Beekman, Alasdair Kent, Sandrine Piau, Theo Imart
Cappella Mediterranea
Chœur de chambre de Namur
Opéra Bastille

Pour le monde baroque, Ercole amante est l’œuvre de Cavalli prévue à l’origine pour le mariage de Louis XIV et Marie-Thérèse en 1660 et créée en réalité en 1662 quand la salle de théâtre put accueillir ce très lourd spectacle. Sur le même livret, la compositrice Antonia Bembo, elle-même élève de Francesco Cavalli a écrit un Ercole amante en 1707 que Leonardo Garcia Alarcon, grand découvreur d’œuvres inconnues devant l’Éternel, a découverte et va révéler à la tête d’une distribution particulièrement solide et de sa Cappella Mediterranea. Confiée à Netia Jones qui a déjà commis une production des Nozze di Figaro diversement appréciée, la mise en scène s’installe dans la vaste nef de Bastille, qui n’est pas a priori destinée à ce type de répertoire, à moins que le spectacle ne soit pyrotechnique. Il reste que cette œuvre inconnue mérite évidemment notre curiosité, Netia Jones ou non…

Répertoire :

Giacomo Puccini : La Bohème
11 repr. du 12 sept. au 14 Oct. (Dir : Domingo Hindoyan/MeS : Claus Guth)
Avec
(A) du 12 au 30 sept : Nicole Car / Charles Castronovo
(B) du 2 au 14 oct : Yaritza Véliz / Joshua Guerrero
et Andrea Carroll, Etienne Dupuis, Xiaomeng Zhang, Alexandros Stavrakakis etc…
Opéra Bastille.

La production intergalactique de Claus Guth et un bon chef. Pour le reste, une distribution pour l’essentiel faite d’artistes de la même agence (chef compris) il est vrai devenue pratiquement monopolistique, et pour tout dire, sans aucun intérêt. Si vous avez de l’argent à perdre…

Georg Friedrich Haendel : Ariodante
11 repr. Du 16 sept. au 12 oct. 2025 (Dir : Raphael Pichon/MeS : Robert Carsen)
Avec Cecilia Molinari, Luca Tittoto, Jacquelyn Stucker, Sabine Devieihle, Enrico Casari, Rupert Charlesworth, Christophe Dumaux.
Ensemble Pygmalion
Chœur Opéra de Paris
Palais Garnier
Pichon et Pygmalion, c’est une assurance de qualité et de succès. La production de Robert Carsen qui date de 2023 est reprise avec une distribution largement renouvelée mais très solide (Devielhe, Molnari, Tittoto..) . C’est une reprise qui vaut le voyage pour une œuvre bien connue dont c’est la troisième production à Paris après Pizzi et Lavelli.

W.A. Mozart: Le nozze di Figaro
14 repr. du 15 nov. au 27 déc. (Dir : Antonello Manacorda/MeS : Netia Jones)
(A) : 15 nov-22 déc : Gordon Bintner, Sabine Devieihle, Christian Gerhaher, Hanna Elisabeth Müller, Lea Desandre, Ilanah Lobel-Torres.
(B) : 25-27 déc : Vartan Gabrielian, Ilanah Lobel-Torres, Jérôme Boutillier, Margarita Polonskaya, Seray Pinar, Boglárka Brindás.
Et Monica Bacelli, James Creswell, Eric Huchet, Nicholas Jones, Franck Leguérinel
Antonello Manacorda est un chef à la mode, c’est à dire sans grande personnalité, et donc facile à caser, qui cette saison a dirigé à Paris un Pelléas et Mélisande (dit-on) attentif, et qui fera Maria Stuarda à Salzbourg… Il fait un peu de tout et il ne me convainc dans rien, mais la mode faisant de rien un tout, il fera des Nozze pour tous. Une distribution « jeune » et « troupe » pour les fêtes, et auparavant un cast solide dominé par Christian Gerhaher en Conte, ce qui à lui seul vaudrait le voyage. Alors, même au prix de Netia Jones et de Manacorda…

Giacomo Puccini : Tosca
24 repr. du 23 nov. au 18 avril 2026 (Dir: Oksana Lyniv (A)-Jader Bignamini (B) /MeS : Pierre Audi.
(A) (Nov-Déc.) Dir: Oksana Lyniv
avec
23 nov- 8 déc : Saioa Hernandez, Roberto Alagna (23 nov-29 nov) / Jonas Kaufmann (2, 5, 8 Déc), Alexey Markov/Ludovic Tézier (2, 5, 8 Déc
11-27 déc : Elena Stikhina, Adam Smith, Alexey Markov,
Et Carlo Bosi, Amin Ahangaran, Florent Mbia etc…
(B) (Mars-Avril) Dir : Jader Bignamini
Avec
12-28 mars : Angel Blue, Freddie De Tommaso, Alexey Markov
31 mars-18 avril : Sondra Radvanovsky, Yusif Eyvazov, Gevorg Hakobyan
Et Carlo Bosi, Vartan Gabrielian, Florent Mbia etc…
Vu les agendas et les dates, il n’y a pas de distribution idéale. Alors il faudra où il y aller au moins deux fois, ou faire des choix dramatiques.
Pour le chef, aucun doute possible, il faut choisir Jader Bignamini, remarquable chef pour le répertoire italien, grand chef d’opéra et qui plus est, intelligent. Oksana Lyniv est pour mon goût un peu poussée médiatiquement, et n’est pas la cheffe qu’on voudrait qu’elle soit notamment dans ce répertoire.
Du côté des Tosca, c’est plus simple : une seule vaut le voyage, c’est Sondra Radvanovsky, Saoia Hernandez a la voix, mais n’est jamais une incarnation, Elena Stikhina attire les foules mais n’est pas pour moi une grande chanteuse, au moins de répertoire italien, et Angel Blue a encore bien du chemin à faire avant de devenir une Tosca.
Pour les Mario : Jonas Kaufmann s’il a encore la voix, a encore de toute manière le charisme, Alagna de même, et Freddie De Tommaso commence à s’affirmer comme un très bon ténor. Reste Yusif Eyvazov, sérieux et appliqué, avec une vraie voix mais qui ne fait pas rêver. Éviter dans tous les cas Adam Smith, braillard et sans intérêt.
Enfin pour les Scarpia : mille fois oui pour Ludovic Tézier et Alexey Markov, tous deux absolument exceptionnels dans ce rôle. Gevorg Habobyan arrive sur le marché…
Et maintenant choisissez une date possible… dur dur…

Giuseppe Verdi : Un ballo in maschera
11 repr. du 27 janv. au 26 fév. (Dir :  Speranza Scappucci / MeS : Gilbert Deflo)
(A) du 27 janv. au 8 fév. : Anna Netrebko, Matthew Polenzani, Igor Golovatenko (27 janv.-2 fév.)/Ludovic Tézier (5 au 8 fév.)
(B) du 11 au 26 fév. : Angela Meade, Matthew Polenzani, Ludovic Tézier (11 au 17 fév)/ Ariunbaatar Ganbaatar (20 au 26 fév)
Et Sara Blanch, Elizabeth DeShong etc…
Le plus difficile des opéras de Verdi dans une reprise de la production Deflo, sans aucun intérêt même si créée sous Mortier. Ici, inutile d’aller au-delà d’une Netrebko et consorts. Tout le monde se battra pour les premières représentations, d’autant qu’alternent deux barytons de classe exceptionnelle, Tézier et Golovatenko. Pour Riccardo, Matthew Polenzani, chanteur élégant et appliqué qui n’avait pas fait si mal à Naples en Don Carlo.
Ceux qui n’auront pas pu arracher un billet pour Netrebko auront Angela Meade, une voix qui m’a enthousiasmé jadis et qui a traversé de sérieuses difficultés récemment, dont on espère qu’elle est sortie. En fin de série le baryton mongol Ariunbaatar Ganbaatar qui est une vraie révélation, comme les lyonnais qui l’on entendu dans Forza del Destino ont pu le constater. Donc globalement un très bon cast. Speranza Scappucci est très appréciée dans certains Verdi, à Paris et ailleurs, mais Un ballo in maschera est une autre paire de manches et demande une culture du raffinement très spécifique…


Georges Bizet : Carmen

13 repr. du 7 fév. au 19 mars (Dir : Keri-Lynn Wilson/MeS : Calixto Bieito)
Avec

  • Du 7 fév. au 3 mars : Stéphanie d’Oustrac, Russell Thomas
  • Du 8 au 19 mars : Victoria Karkacheva, Jean-François Borras
    Et Amina Edris, Erwin Schrott, Nicholas Jones, Loïc Félix etc…
    Opéra Bastille.

Une Carmen à tout va où l’on note quand même D’Oustrac et Borras, mais pas ensemble. Une Micaela inutile, Amina Edris qu’on essaie à toutes forces de nous imposer alors que cette voix n’a rien, mais vraiment rien de spécial, et Erwin Schrott en Escamillo, qui jouera comme à son habitude de son immense voix pour être vulgaire à souhait…
Pour touristes en goguette.

John Adams: Nixon in China
8 repr. du 24 fév. au 20 mars. (Dir : Kent Nagano/MeS : Valentina Carrasco)
Avec Thomas Hampson, Renée Fleming, John Matthew Myers, Caroline Wettergreen, Joshua Bloom, Xiaomeng Zhang etc…
Opéra Bastille
Reprise de la production à succès de Valentina Carrasco, avec Kent Nagano au pupitre et le couple désormais mythique Hampson/Fleming… que demande le peuple ? Si on ne connaît pas l’œuvre, il y a là toutes les garanties pour une belle soirée découverte.

Antonín Dvořák: Rusalka
7 repr. du 2 au 20 mai (Dir : Kazushi Ōno / MeS : Robert Carsen)
Avec Nicole Car, Serghei Skorokhodov, Ekaterina Gubanova, Dmitry Ivaschenko, Alisa Kolosova, Jamie Barton etc…
Opéra Bastille
Retour de Kazushi Ōno en fosse après une éclipse, pourquoi pas ? c’est un chef attentif, sérieux, appliqué, qui garantit une exécution sans failles et solide, mais sans éclat. Une distribution contrastée, avec des garanties Skorokhodov, Gubanova, Ivaschenko, Kolosova… J’ai moins confiance en Jamie Barton, qui serait un grand mezzo dit-on (j’attends qu’on me le prouve) et en Nicole Car qui vient de débuter Rusalka, bon soprano à tout faire sans marquer en rien. Une reprise moins bien distribuée qu’en 2019 avec Susanna Mälkki au pupitre et Vogt, Mattila, Nylund et Th.Johannes Mayer… un tout autre niveau.

Gioachino Rossini : La Cenerentola
13 repr. du 3 juin au 11 juil.  (Dir : Enrique Mazzola  / MeS : Guillaume Gallienne)
Avec Vasilisa Berzhanskaya ( du 3 juin au 2 juil. )/Gaelle Arquez (du 5 au 11 juil.), Lawrence Brownlee, Huw Montague Rendall, Nicola Alaimo, Adolfo Corrado etc…
Palais Garnier
Pour cette Cenerentola d’été, une distribution correcte avec un  chef de répertoire correct, Enrique Mazzola.
Bien sûr on privilégiera Vasilisa Berzhanskaya, aujourd’hui l’un des grands mezzo belcantistes et Nicola Alaimo, top du top en Don Magnifico ainsi que Lawrence Brownlee est un Ramiro de classe, mais il faudra aussi désormais chercher d’autres possibles Ramiro de nouvelle génération On se demande cependant ce que Huw Montague Rendall, magnifique chanteur mais hors style en Dandini, vient faire là. Quant à la production de Guillaume Gallienne, elle vient compléter les inutilités aimables de la maison.

 

Giuseppe Verdi : La Traviata
14 repr. du 4 juin au 13 juil. (Dir : Marta Gardolińska/MeS : Simon Stone)
Avec Aida Garifullina(A)/Pretty Yende(B), Xabier Anduaga(A)/René Barbera (B), Roman Burdenko(A)/Ludovic Tézier (B) etc…

  • (A) 4, 7 juin, du 1er au 13 juil.
  • (B) du 10 au 28 juin
    Opéra Bastille

La Traviata est le titre à tout faire, le McDo de l’opéra, régulièrement repris, le symbole de l’opéra tiroir-caisse quelle qu’en soit la production, avec le corollaire, des exécutions passepartout et leur doxa qui ne correspond pas toujours à la partition . La production de Simon Stone qui remonte à 2019 se voit régulièrement reprise à Vienne et à Paris, et cette année, pendant la période d’été, (Juin-juillet) elle est au programme pour 14 représentations et deux distributions, à la Bastille et pas à Garnier où elle a été créée, pour gagner 9800 spectateurs de plus si cela affiche complet chaque soir… C’est dommage pour la musique parce que Traviata convient très bien à Garnier… Mais pour l’or c’est moins rentable (2000 places au lieu de 2700).
Le production Stone est liée à Pretty Yende qui l’a créée, avec Tézier d’ailleurs en Germont. On privilégiera donc la distribution B, car en plus René Barbera est un bon ténor qui a du style, ce qui ne gâte rien.
Pour la distribution A, le seul intérêt est Xabier Anduaga. Ni Aida Garifullina ni Roman Burdenko n’apportent un plus dans le répertoire italien, même si on s’obstine à le faire croire. Il y a une foule de barytons en ce moment sur le marché et appeler Burdenko est la marque d’une imagination limitée ou de celui qui va faire ses courses au supermarché du coin de la rue.
La cheffe Marta Gardolińska qui fait des choses remarquables à Nancy est en revanche intéressante à découvrir dans la fosse parisienne.

Tirons les bilans.

Comme pour Munich, en plus des nouvelles productions, nous indiquons avec une astérisque les rares productions de répertoire qui paraissent vraiment mériter un voyage, au-delà des effets Netrebko, Kaufmann ou autres qui ne font qu’amuser la galerie.

Adams (1)
Nixon in China*

Bembo (1)
Ercole Amante (NP)

Bizet (1)
Carmen

Dvořák (1)
Rusalka

Glass (1)
Satyagraha (NP)

Haendel (1)
Ariodante*

Mozart (2)
La finta giardiniera (NP)
Le nozze di Figaro

 Puccini (2)
La Bohème
Tosca

Rossini (1)
Cenerentola

Verdi (3)
Aida (NP)
Un Ballo in maschera
La Traviata

Tchaikovski (1)
Eugène Onéguine (NP)

Wagner (2)
Die Walküre(NP)
Siegfried (NP)

Tout cela n’est pas bien passionnant, mais comme les parisiens auront un plus large choix de salles d’opéra, ce n’est pas si dramatique, et en plus le TCE affiche  en version de concert Siegfried et Ariodante… cerises inutiles sur un gâteau sans crème.
Mais on reste un peu étonné du manque d’imagination et de la platitude d’une programmation où la poursuite du Ring constitue la seule armature forte de la maison, mais où les autres nouvelles productions ne secouent pas trop le cocotier. Aida est déjà connue pour sa médiocrité vue déjà à deux reprises à Salzbourg et jamais deux sans trois, Satyagraha complète la découverte d’œuvres américaines mais sans véritable ligne de force : on ne sait s’il s’agit de butinage ou d’un véritable travail d’approfondissement de ce répertoire, Ercole amante est une découverte, une curiosité qui fait émerger une compositrice du XVIIe ou du début du XVIIIe, une Artemisia Gentileschi de la musique, c’est très intéressant sur le moment, et surtout dans l’air du temps, mais reste à savoir si l’œuvre prendra le public au vol. La Finta giardiniera hors les murs trouvera sans nul doute son public, mais la production aura-t-elle un avenir ? Reste Eugène Onéguine dont la production de Willy Decker pouvait peut-être durer (dernière reprise en 2017) alors qu’il manque Dame de Pique, non revue depuis 2012 tandis que Mazeppa n’est même pas entré au répertoire de Paris non plus que l’Enchanteresse (deux œuvres données à l’Opéra de Lyon aux temps de Dorny), mais ce ne sont pas des œuvres de supermarché si faciles à monter…
Quelques tendances se laissent deviner pourtant.
D’abord, on préfère sans doute les mises en scène faciles à remonter et donc pas celles qui exigent un vrai metteur en scène, avec une exigence artistique marquée: je sens venir le temps des productions passepartout pour des reprises aisées.
Chaque année je reprends mon exemple du Faust de Gounod, typique du répertoire maison et de plus facile à distribuer, avec des artistes français. La production Kratzer a connu depuis sa création en 2021, 8 représentations en tout, celle de Lavelli, qui avait fait un tel scandale historique à l’époque de Liebermann avait déjà connu dans un laps de temps similaire après sa création 26 représentations…
Sans doute cette production n’est-elle pas trop aimée de la direction actuelle de l’opéra, compliquée, ironique, trop ouverte, mais c’est une vraie mise en scène: voilà son problème.  Un travail bien plus élaboré (c’est son défaut sans doute) que celui  de l’iranienne en exil Shirin Nesrat qui dans la fausse nouvelle production d’Aida qu’on s’apprête à présenter au public,  » va insister sur la cruauté du fanatisme religieux si prompt à opprimer les femmes  » (sic, extrait de la brochure): ça c’est vendeur dans un rayon de supermarché culturel.

L’impression est que cette maison engloutit des sous en flottant sur une médiocrité confortable qui ne dérange personne, comme si des distributions sans invention, sans véritable artisanat de l’opéra, sans vrai goût sinon celui de savoir remplir des cases vides par des noms souvent tout aussi vides et des titres battus et rebattus faisaient office de programme… Bonjour tristesse.

La Saison du Ballet

 

(Par Jean-Marc Navarro)

2025-2026 est la première saison sur laquelle José Martinez a semble-t-il eu pleinement la main en matière de programmation. Nous avons suffisamment dénoncé ici les programmations affligeantes des années Dupont et l’esprit d’arrogance branchouille dans laquelle la Compagnie était alors plongée pour ne pas nous réjouir de la persistance d’une « méthode Martinez » qui s’accentue là, au sein d’une saison que d’aucuns jugent pépère, sans fantaisie, besogneuse. Nous voyons plutôt dans cette sagesse sans remous un mal nécessaire ; reconstruire une Compagnie, lui faire redécouvrir et se réapproprier un répertoire que même ses plus éminents représentants méprisaient, rebâtir une confiance en interne et vis-à-vis du public et surtout faire retrouver une joie de danser collective et exercer l’œil des nouvelles générations de balletomanes, tout cela ne se fait pas en claquant des doigts, et José Martinez l’a bien compris.

Alors on arbore les valeurs sûres en bandoulière d’abord : on ouvre la saison avec Giselle, intensément programmée depuis 2020 (quel beau rituel ce serait, d’ailleurs, de la retrouver chaque saison !), on reprend Roméo & Juliette par Noureev, qui fait un carton au box-office et dont les artistes s’arrachent les rôles titres, on remet sur l’ouvrage une Bayadère donnée il y a peu. Tout cela remplira les salles et les caisses, mais surtout tout cela permettra aux danseurs et au public de se réimprégner de ce répertoire chéri.

Et puis, on ressort un peu de répertoire maison plus récent. On ré-ré-essaie de donner Le Parc de Preljocaj, dont les dernières séries avaient été annulées en totalité, en 2019 du fait des grèves spécialités de la Maison – sans, donc, que Mathieu Ganio pût y faire ses débuts –, en 2021 à cause du Covid ! On ré-essaie Notre-Dame de Paris de Roland Petit, là aussi victime du Covid en 2021, quoique la dernière reprise n’ait pas laissé de souvenir impérissable n’était le dernier Quasimodo de Nicolas Le Riche.

La Dame aux camélias de John Neumeier fera enfin son grand retour à Garnier près de 8 ans après la dernière reprise ; nul doute que le Maître, désormais délié de sa charge de directeur du Ballet de Hambourg, fera le déplacement pour superviser les répétitions de ce chef d’œuvre qui sous nos cieux a la réputation, imméritée, d’être languide et un peu aride.

Ces six « full-length » forment les piliers d’une saison de nature à susciter l’enthousiasme de balletomanes impatients et à former de nouvelles vagues de spectateurs – si tant est qu’ils en aient les moyens, les prix atteignant des sommets délirants (jusqu’à 190€ pour Giselle, bigre !).

Manifestement, l’air du temps n’est pas à l’investissement dans de grandes nouvelles productions ou créations – il faut dire que le dernier coup d’essai, Le Rouge et le Noir, a sans doute refroidi certaines ardeurs. Ces reprises coûteront peu (en l’absence de grèves, ce qui n’est évidemment pas acquis !) et rapporteront beaucoup. Mais on peut toutefois regretter l’absence de reprises de ballets du début du XXIème siècle dont la mémoire se perd (Wuthering Heights de Belarbi ? Caligula de Nicolas Le Riche ? Ou, pourquoi pas, Les Enfants du Paradis du désormais maître de ces lieux ?).

On imagine en revanche que José Martinez a investi un peu en agence de communication ou cabinet de conseil, nous offrant 4 soirées mixtes structurées autour de thématiques-programmes aux noms aussi clinquants que publicitaires : Racines, Contrastes, Empreintes, Vibrations… C’est lors de ces soirées, aux colorations chorégraphiques plus actuelles, que seront proposées quelques créations et des entrées au répertoire. Martinez y répond aussi à de nombreuses critiques qui se sont élevées depuis sa prise de fonction sur le manque de femmes, le manque de diversité, etc., bref la petite musique habituelle de la bien-pensance de l’Occident culturel à la sauce années 2020 wokisées. Des femmes ? Oui, il y en aura ; des chorégraphes habituées de la maison (Trisha Brown dans une reprise et une création, Crystal Pite dans la reprise de son désormais légendaire The Seasons’ Canon, Annabelle Lopez Ochoa pour le Gala d’ouverture de saison, Clairemarie Osta pour le spectacle de l’École), des chorégraphes nouvelles (Morgann Runacre-Temple, Jessica‎ Wright, Imre van Opstal, Marne van Opstal), et même, pour les soirées full length, des cheffes d’orchestre, pour Le Parc (Zoe Zeniodi) ou Giselle (Andrea Quinn) !
Des représentants de la diversité racisée ? Oui, il y en aura ; le Sud-Africain Mthuthuzeli November, entouré de Balanchine et Wheeldon ! Et alors, des femmes représentantes de la diversité racisée ? Eh bien oui, il y en aura ; Micaela Taylor, aux côtés de Mats Ek et Crystal Pite ! Les tutelles ont dû être comblées d’aise à la lecture de ces propositions. Ces pots-pourris conceptuels attisent la curiosité et on espère qu’ils ouvriront des horizons et des perspectives intéressants en matière de danse.

Sinon, l’École de danse présentera ses habituelles démonstrations et son spectacle, qui comptera comme nous l’évoquions plus haut une création de l’ancienne danseuse Étoile Clairemarie Osta autour du Petit Prince. Malheureusement, Mlle Platel ne renouvelle pas cette année l’expérience du Gala des Écoles, gardons espoir pour la saison suivante.

Au regard d’une saison lyrique qui fait bien peu vibrer, José Martinez continue d’imprimer sa marque discrète, équilibrée et sûre dans sa programmation. Dans la vie du Ballet également, puisqu’après avoir suspendu le sacro-saint concours pour les sujets (les premiers danseurs étant nommés directement par la direction), il l’a également suspendu pour les coryphées (la direction promeut directement les danseurs et danseuses au rang de sujet) – Benjamin Millepied avait raison 10 ans trop tôt sur cette question épineuse ! Les interventions publiques des artistes du Ballet, qui ne s’interdisent plus de dire leur plaisir de danser (au-delà des-souffrances-et-des-blessures et des la-danse-c ’est-du-sport-de-haut-niveau), leur communication beaucoup moins institutionnelle et semblant plus venir du cœur sur les désormais incontournables réseaux sociaux, leurs invitations plus fréquentes dans les galas internationaux les plus en vue signalent des petites mutations progressives. En moins de trois ans et compte tenu des contraintes du moment, il y a tout lieu de se satisfaire de la trajectoire du Ballet !

 

Une réflexion sur « LA SAISON 2025-2026 DE L’OPERA NATIONAL DE PARIS »

  1. La grisaille de toutes les saisons de Munich à Paris est d’autant plus incompréhensible, que la baisse générale des budgets, le désintérêt de plus en plus assumé des politiques nous auraient fait croire à un sursaut de courage, d imagination des directeurs de salles d opéra, pour attirer un nouveau public et garantir l intérêt du public traditionnel.
    Au contraire on ronronne pour mieux disparaître….

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