LA SAISON 2025-2026 DE LA BAYERISCHE STAATSOPER DE MUNICH

Le Nationaltheater de Munich

La saison lyrique en Europe en 2025-2026 sera le plus souvent : cinquante nuances de gris…tant les saisons nous semblent moins stimulantes à quelques exceptions près.
La Bayerische Staatsoper ne fait pas exception et n’offre pas l’an prochain une de ces saisons qui fasse envie de se précipiter sur les réservations.

 

La Bayerische Staatsoper de Munich est en quelque sorte un baromètre de l’ambiance culturelle européenne, avec des nouvelles productions souvent originales et un riche répertoire. La saison 2025-2026, intitulée « Der Mensch ist, wozu er sich macht » (L’homme est ce qu’il fait de lui-même), assez grise, n’indique pas le beau fixe. D’abord parce que des travaux internes retardent le début de saison, repoussé à la toute fin octobre, si l’on excepte deux Ariadne auf Naxos concertantes hors les murs (dans la Herkulessaal).
Néanmoins sont affichées sept nouvelles productions, dont une par le studio dans le délicieux Cuvilliés (Die englische Katze/La Chatte anglaise) et une autre au Prinzregententheater, la création baroque plus ou moins annuelle du Festival (Alcina, de Haendel) tandis qu’au Nationaltheater, la saison des nouvelles productions s’ouvrira sur une rareté de Rimsky-Korsakov, La Nuit de Noël (Ночь перед Рождеством), se poursuivra  ensuite avec deux grands standards du répertoire, Faust de Gounod et Rigoletto de Verdi, une création mondiale de Brett Dean, Of one Blood et enfin Die Walküre, la très attendue première journée du Ring de Wagner, mis en scène par Tobias Kratzer après le triomphe de Das Rheingold en 2024.
Du côté du répertoire, 30 titres de novembre à juillet.
Nous nous limitons pour l’instant à l’opéra, bien qu’il ait aussi les concerts (dont un programme Brahms -concerto pour piano n°1 avec Daniil Trifonov- et la 4e de Tchaïkovski en décembre 2025 dirigé par Kirill Petrenko) les ballets les récitals.
Cette maison est aussi et surtout une maison de répertoire, comparable à Vienne, c’est-à-dire que les œuvres qui y sont créées sont appelées à y être reproposées, régulièrement pour les standards, moins régulièrement et à intervalles plus espacés pour les titres plus rares :  c’est avec Vienne le plus important théâtre de répertoire de l’aire germanophone.

La Bayerische Staatsoper a construit sa réputation sur Wagner, c’est la deuxième maison Wagner après Bayreuth, puisqu’y ont été créés Tristan und Isolde, Die Meistersinger von Nürnberg, Das Rheingold et Die Walküre, et si je ne me trompe, elle a affiché très tôt un Ring complet (1878, deux ans près Bayreuth).
Elle a aussi la réputation d’être une maison pour Mozart et Strauss, notamment grâce à Wolfgang Sawallisch qui durant son très long règne, en a affiché tous les titres.
Enfin elle dispose d’un des meilleurs orchestres de fosse en Europe, qui est aussi un orchestre symphonique de très grand niveau, le Bayerisches Staatsorchester (orchestre d’État de Bavière), dont l’histoire couvre plus de cinq siècles et qui recueille régulièrement de nombreux prix.

En revanche, comme beaucoup de grandes maisons allemandes, c’est une maison qui n’affiche du répertoire italien que l’essentiel des standards (très peu de Rossini par exemple) et qui pour le reste, n’est pas très en pointe. Elle est restée très chiche en Janáček, en Britten et plus généralement en grandes œuvres extérieures au répertoire germanophone du XXe, sans parler du contemporain.
Il faut donc saluer l’action de Serge Dorny qui en quelques années, a proposé notamment Le Nez de Chostakovitch, Peter Grimes de Britten, La petite renarde rusée et Kat’a Kabanova de Janáček, Giuditta de Lehár, Die Passagierin de Weinberg, Guerre et paix de Prokofiev, Les diables de Loudun de Penderecki, Hamlet de Brett Dean, Le Grand Macabre de Ligeti etc…  La plupart, pas toutes, ont été saluées par d’immenses succès et des mises en scène souvent passionnantes. C’est le cas de Guerre et Paix de Prokofiev, dans la production de Dmitri Tcherniakov et dirigée par Vladimir Jurowski qui a remporté une palanquée de prix et qui est sans doute l’une des productions les plus importantes qu’ait connues le monde lyrique en ce début de XXIe siècle, tombant, en plus, dans une brûlante actualité.

C’est une politique courageuse et affirmée, qui va contre les routines et ouvre à un nouveau répertoire.
Mais justement, on aurait pu croire que l’on allait revoir ces œuvres au répertoire une année ou l’autre, et on s’aperçoit qu’aussitôt créées in loco, la plupart disparaissent, malgré leur qualité, malgré leur immense succès pour certaines. Ainsi de Guerre et Paix, ainsi des Diables de Loudun, de Giuditta etc…
Tout se passe en effet comme si, en dehors des nouvelles productions, comme s’il y avait dans la saison un répertoire fait de standards tout venant et de quelques productions récentes (pas toutes) de la saison précédente (En 2025-26, ni Kat’a Kabanova ni Die Liebe der Danae ne sont repris). Certaines entrées au répertoire en sortent pratiquement aussitôt après avoir été créées et on ne les revoit plus.
Quelles qu’en soient les motivations, c’est une politique qui me paraît erronée et pour plusieurs raisons :

  • Dans une maison de répertoire, une nouvelle production qui entre au répertoire, doit être stockée et puis reprise à plus ou moins longue échéance. Un seul exemple sur un titre créé la saison dernière à Vienne et à Munich : Le Grand Macabre est repris à Vienne en répertoire la saison prochaine, mais pas à Munich.
  • La politique appliquée semble vouloir essayer de réunir les avantages du système stagione qui concentre tout sur les nouvelles productions de l’année, gloire éphémère de la maison, pour disparaître ensuite plus ou moins définitivement et les avantages financiers du répertoire dont les titres « populaires » doivent coûte que coûte rapporter, présentant seulement les standards, les Bohème, Tosca et autres qui racolent du public.
    Or il me semble qu’une production « rare » avec un public plus limité, mérite d’être reproposée pour être compensée par des productions plus rentables dans un théâtre qui a un bon stock de productions tiroir-caisse.
  • Tenir au répertoire des titres rares, c’est une gloire pour une institution qui est un phare de l’art lyrique en Europe, et cela laisse aussi une trace : que restera-t-il de la période Dorny si les grandes entrées au répertoire n’existent plus, n’ont plus été reprises ou ont été détruites ? Des souvenirs, du vent, et des productions moins bonnes (Dame de Pique, Nozze di Figaro, Aida) ou carrément problématiques (Tosca…) qui ne reflèteront en rien les réussites de la période, disparues (Le Nez, Peter Grimes, Guerre et Paix, Les diables de Loudun et d’autres…)
  • Un opéra comme la Bayerische Staatsoper a une fonction historique qui dépasse ses saisons singulières, il a une fonction de référence, surtout en cette période où la culture est un peu ballotée. Or on s’aperçoit que ce qui devrait en faire sa couleur disparaît ou a disparu, ou n’a pas été repris depuis des années ou ne sera jamais repris. Quelques exemples dont certains ont été déjà cités par le passé :
  1. Die Meistersinger von Nürnberg: opéra de Wagner créé à Munich, qu’on n’a pas repris à Munich depuis le départ de Bachler, prédécesseur de Dorny. La production de David Bösch n’est pas extraordinaire, mais elle n’est pas non plus catastrophique. Mais voilà, c’est un opéra qui exige une lourde distribution et une mobilisation du chœur et de l’orchestre, et une reprise désormais voudrait dire répétitions avec un tout nouveau cast, ce qui empêcherait peut-être une nouvelle production d’un autre titre en des temps de dépenses plus serrées. Donc pas de reprise.
  2. Les Oiseaux de Braunstein, non seulement une belle production de Frank Castorf, mais d’une urgente actualité, surtout depuis le retour de Trump, et qui a eu le malheur de tomber au moment du Covid et si je ne me trompe n’a eu droit qu’à une seule représentation en public. Un gâchis, sinon un scandale.
  3. Toujours de Castorf, De la maison des morts, un Janáček, belle production aussi mais disparue depuis les temps Bachler. On se demande d’ailleurs pourquoi ni Jenůfa ni De la maison des morts ne sont plus apparus. Avec La petite renarde rusée et maintenant Kat’a Kabanova cela voudrait dire quatre titres de Janáček en alternance et le public de Munich qui connaît peu ce répertoire s’habituerait et finirait sans doute par mieux remplir la salle si une politique intelligente de reprises ciblées était menée.
  4. J’ai incidemment appris que la production de Warlikowski de Die Frau ohne Schatten, après sa reprise triomphale au Festival 2022, a été détruite. Je n’ose croire qu’une telle erreur ait été faite sur une production qui pouvait durer une vingtaine d’années et qui constitue une des références récentes de cette maison dans un répertoire qui est son ADN…
  5. Sans parler de Guerre et Paix qui certes pose des énormes problèmes logistiques et artistiques dont une reprise équivaudrait sans doute à l’engagement d’une nouvelle production, mais signifierait un événement : il n’est qu’à voir quel remue-ménage suscite la reprise du Ring du même Tcherniakov à Berlin. Même discours sur une production aussi particulière que Giuditta qui me paraîtrait mériter quelquefois des reprises, accompagnées peut-être d’une pub ou d’opérations de com, d’autant que l’œuvre nous parle fortement, là encore au vu de la brûlante actualité.

L’impression qui prédomine est que l’important sont les nouvelles productions, sur lesquelles les feux de la rampe sont dirigés et que le répertoire et une partie du passé de la maison qui est son patrimoine culturel et le bien commun de ceux qui paient des impôts pour leur opéra est considéré comme secondaire ou alimentaire. Cette maison a un passé et une histoire qui méritent d’être valorisés, et pas seulement un présent aussi flatteur soit-il, comme l’Opéra de Vienne à qui elle est comparable et qui garde une politique de répertoire bien plus ouverte et variée (il est vrai avec une dizaine de titres en plus dans l’année).

Autre faiblesse chronique : la manière assez légère dont on distribue le répertoire italien, je le note depuis des années et les pâles productions nouvelles auxquelles on a eu droit le confirment hélas. Aida sans intérêt, Tosca indigne, Fille du régiment gentillette. Je comprends que les distributions pointent sur les noms à la mode connus du public, c’est l’effet tiroir-caisse, mais aussi bien sur les chefs que sur les voix, on ne sent aucune recherche, aucune imagination, aucun raffinement. Des choix sur catalogue des agents ou sur habitudes…
Bien évidemment, faire revenir un chef régulièrement signifie aussi une plus forte négociation sur les cachets et il faut souligner une augmentation du niveau moyen des chefs appelés pour le répertoire, mais une telle maison, même en période de vaches un peu plus maigres, reste une des plus riches d’Europe, et un peu d’imagination ou de renouvellement ne nuirait pas à son image.

 

Enfin le Festival de Munich (Münchner Opernfestspiele)
Traditionnellement le Festival offre une vue générale sur les nouvelles productions de l’année et quelques représentations de répertoire distribuées à des stars ou des chanteurs en vue.
La règle habituelle qui a toujours prévalu au Festival (qui a 150 ans cette année) depuis que je fréquente cette maison (1978) est que les distributions des premières pendant la saison soient affichées au Festival, une manière de souligner qu’à Munich, le festival, c’est toute l’année. C’est de la bonne communication.
Désormais, les distributions de Festival sont souvent différentes des premières, et affichent des stars, ce qui veut dire certes « logique de Festival », mais qui ignore cette loi très spécifique à Munich, qu’hors les représentations de répertoire un peu spéciales du Festival, les nouvelles productions affichaient leur distribution d’origine. Maintenant, pour certaines nouvelles productions, la distribution « améliorée » du festival laisse entendre que la Première en saison était moins bonne et certaines nouvelles productions de l’années, armature du Festival depuis toujours, ne sont pas programmées. Étrange manière de communiquer sur l’excellence d’une maison. Un seul exemple pris sur la saison 2025-2026 : Rigoletto, nouvelle production :

  • Première (Saison) : Igor Golovatenko (Rigoletto), Susanna Saenz (Gilda)
  • Festival : Ludovic Tézier (Rigoletto), Nadine Sierra (Gilda)

J’adore Golovatenko, mais il est peu connu du très grand public, ainsi que Susanna Saenz, encore jeune, ce n’est pas le cas du couple Tézier-Sierra. La logique eût voulu que Tézier et Sierra assurassent toutes les représentations de l’année (saison et Festival) et Golovatenko-Saenz la reprise en 2026-2027, ou l’inverse.

On a versé quelques larmes amères, mais qui aime bien châtie bien : Munich reste Munich, avec des productions intéressantes et quelques reprises de répertoire qui font envie, même si certaines autres font carrément peur. Nous allons essayer de guider l’amateur dans cette forêt de titres, mieux éclairés par un site (staatsoper.de) dont la clarté s’est un peu améliorée… (il était temps).

Nouvelles productions :

Novembre 2025-Janvier 2026

Hans Werner Henze : Die englische Katze/La Chatte anglaise
3 repr. du 5 au 9 nov/3 repr du 25 au 30 janv (Dir : Katharina Wincor/MeS : Christiane Lutz)
Avec les artistes du studio.
Au Cuvilliés Theater
La saison commence donc par une nouvelle production du studio. En l’absence d’opéra en septembre et octobre, c’est une bonne manière d’attirer le public frustré de lyrique et et de focaliser l’attention sur une production un peu spécifique. Bonne technique de com.
C’est d’autant plus stimulant que le Studio de la Bayerische Staatsoper est excellent, et que cette production permet aussi d’afficher un « creative team » féminin, la jeune cheffe autrichienne Katharina Wincor, dont on dit grand bien, et la metteuse en scène Christiane Lutz, moins jeune et plus expérimentée, actuellement responsable de la programmation de la deuxième salle de l’opéra de Vienne, le NEST, dont les parisiens avaient vu La Ronde (spectacle apprécié) en 2017 pour les jeunes de l’académie à l’Amphi Bastille. Et puis, cela permet de découvrir Die englische Katze (The English Cat) de Henze créé en 1983 dans l’écrin baroque de Schwetzingen qui ressemble beaucoup au Cuvilliés et qui sera donné en allemand, dont le livret est tiré Peines de cœur d’une chatte anglaise de Balzac…

Pour tout dire, je suis bien tenté…

Novembre-décembre 2025

Nicolaï Rimski-Korsakov : La nuit de Noël (Ночь перед Рождеством)
6 repr. du 29 nov. au 22 déc. (Dir : Vladimir Jurowski/MeS : Barrie Kosky)
Avec Dmitri Ulyanov, Violeta Urmana, Sergei Leiferkus, Elena Tsallagova, Ekaterina Semenchuk, Sergey Skorokhodov etc…
Coproduction avec la Komische Oper Berlin.
Cette nouvelle production ne sera pas reprise en juillet 2026 pour le Festival, qui confirme que la gestion du Festival reste un peu erratique. Pourtant, Kosky et Jurowski devraient attirer, et la distribution en est remarquable. En plus, l’œuvre (d’après Gogol) qui remonte à 1895 est rarissime et entre au répertoire munichois après avoir été représentée à Francfort en 2021. Vladimir Jurowski l’a dirigée à Berlin en 2022 avec le Radio Sinfonie Orchester.
C’est un conte de Noël, l’histoire d’un paysan ukrainien, Wakula, amoureux d’Oksana qui répondra à ses avances s’il lui rapporte des chaussures de la tsarine. Avec l’aide des sorciers et du diable, il y arrivera, et tout finira bien.
Il faut évidemment courir découvrir cette œuvre : trop longtemps les opéras de Rimski-Korsakov ont été considérés comme secondaires.

Février 2026 (Festival Juillet 2026)

Charles Gounod : Faust
7 repr. du 1er au 27 févr/2 repr les 24 et 30 juil (Dir : Nathalie Stutzmann/MeS : Lotte de Beer)
Avec Jonathan Tetelman, Olga Kulchynska/Ailyn Perez, Florian Sempey/Boris Pinkasovich, Kyle Ketelsen, Emlily Sierra etc…
Le Faust de Gounod, un must du répertoire français, a longtemps fait carrière en Allemagne en version allemande sous le titre Margarethe. Rare à Munich, c’est une excellente idée que de le reproposer et ainsi d’afficher Nathalie Stutzmann au pupitre, désormais connue en Allemagne par son triomphe à Bayreuth dans Tannhäuser. Lotte de Beer, à qui les parisiens doivent une Aida qu’ils ne verront jamais (merci Monsieur Neef) assure la mise en scène et la distribution est à la fois flatteuse et bizarre.
Jonathan Tetelman en Faust, c’est médiatiquement au point, les râles de plaisir à voir le beau ténébreux en scène vont sans doute nécessiter les ambulanciers aux portes. Mais Tetelman est tout sauf un raffiné, c’est un brailleur au gosier d’or, et pour Faust, il faut du raffinement et un peu de tête… (Gedda, Kraus, Vanzo, Flórez… et aujourd’hui Bernheim…). Mais, n’est-ce pas, qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse…
Olga Kulchynska c’est au contraire un excellent choix en Marguerite, elle en a la couleur vocale, le sens dramatique, la présence. C’est pour cela qu’au Festival elle sera remplacée par Ailyn Pérez, plus pâle et anonyme, mais un « petit » nom poussé par les agents qui font prendre des vessies pour des lanternes.
Même cas pour Florian Sempey, très bon Valentin, qui a ce rôle dans les gênes, ce qui n’est pas le cas de Boris Pinkhasovich, remarquable baryton sans nul doute, mais nettement moins idiomatique…
Enfin en Mephisto Kyle Ketelsen, excellent, et spécialiste des diables (c’est un notable Nick Shadow).
Donc n’y allez pas au Festival, et allez-y en février…

Mars 2026 (Festival Juillet 2026)

Giuseppe Verdi : Rigoletto
7 repr. du 7 au 24 mars, 2 repr. les 28 et 31 juil. (Dir : Maurizio Benini ; MeS : Barbara Wysocka)
Avec Igor Golovatenko(Fev.)/Ludovic Tézier (Juil), Serena Saenz (Fev.)/Nadine Sierra (Juil), Bekhzod Davronov, Riccardo Fassi, Elmina Hasan etc…Il fallait à cette maison un nouveau Rigoletto, la production d’Arpad Schilling n’ayant pas donné les résultats escomptés. La mise en scène est confiée à Barbara Wysocka, à qui l’on doit dans ce théâtre Lucia di Lammermoor, production discutable, mais assez passable pour supporter le répertoire. Attendons-donc… Mais disons d’emblée que l’impression est circonspecte.
Le chef est Maurizio Benini… bon chef italien qui fait essentiellement carrière hors d’Italie, et plutôt engagé par les théâtres comme routinier de luxe. Il a fait les grandes séries au MET, dirigea notamment à Paris (et très bien) en 1993 une Adriana Lecouvreur où Freni fit tomber la salle de tous les balcons. Il était alors considéré un bel espoir. Mais il y a aujourd’hui en Italie une telle palanquée de jeunes chefs intéressants et riches d’avenir qu’on se demande pourquoi on va chercher pour une nouvelle production un chef qui certes assurera la représentation avec grande sûreté, mais loin d’exciter la curiosité et qui ne constituera pas une surprise. Circonspection là aussi.
Quant à la distribution sans un seul italien si l’on excepte Riccardo Fassi en Sparafucile, elle est très solide, mais on regrette que le Festival affiche le couple Tézier/Sierra comme attrape mouches de Festival alors que Golovatenko-Saenz pouvaient largement faire l’affaire dans la mesure où Rigoletto est de toute manière un titre qui attire ; Mais on a déjà plus haut évoqué le problème.
La seule curiosité intéressante c’est Bekhzod Davronov en Duca di Mantova, qui dans Guerre et Paix était un très bon Kouraguine, et qui depuis a essaimé un peu partout. Le Duca di Mantova est un rôle plus délicat qu’il n’y paraît, mais Davronov est intelligent. Encore faut-il se demander ce que la mise en scène fera de lui.
Quoi qu’il en soit, ce Rigoletto ne fait pas vraiment rêver. On ira, comme on dit au poker, pour voir.

Mai 2026 (Festival Juin2026)

Brett Dean: Of one blood
4 repr. Du 10 au 21 mai, 2 repr. les 27 et 29 juin (Dir : Vladimir Jurowski ; MeS : Claus Guth)
Avec Johanni van Oostrum, Vera Lotte Boecker, Seonwoo Lee, Mirjam Mesak, Lotte Betts-Dean, Natalie Lewis, Rose Naggar-Tremblay, Liam Bonthrone (Mai)/Michael Butler(Juin) etc…
Coproduction Santa Fe Opera
Après Hamlet coproduit avec le MET, Of one blood coproduit avec Santa Fe. La Bayerische Staatsoper accueille cette première mondiale de Brett Dean. Ce seront les trompettes de la renommée : on adore les premières mondiales dans la bonne presse, et de plus la trame aborde l’histoire de Marie Stuart et d’Elisabeth 1ère, un must de la scène, censé attirer le public. Si on avait l’assurance d’une entrée au répertoire… mais il y a fort à parier qu’après une reprise (éventuelle), l’œuvre sera mise dans les tiroirs comme la plupart des raretés et créations à Munich, hélas. On n’a pas revu l’Hamlet du même Brett Dean…
Musicalement la garantie est donnée par la présence de Vladimir Jurowski au pupitre et scéniquement on retrouve Claus Guth dont Die Liebe der Danae en 2024-25 n’a pas trop enthousiasmé. Mais c’est un vieux routier ; l’œuvre est vocalement centrée autour de Johanni van Oostrum, splendide Elsa de la production Mundruczó en ce théâtre et Vera-Lotte Boecker, une des voix sûres de l’Allemagne d’aujourd’hui. On ira voir, parce qu’une création dans un théâtre doit être saluée.

Juin-Juillet 2026

Richard Wagner, Die Walküre
5 repr. Du 25 juin au 8 juil. 2025 (Dir : Vladimir Jurowski/MeS : Tobias Kratzer)
Avec Joachim Bäckström, Nicholas Brownlee, Ain Anger, Irene Roberts, Miina-Liisa Värelä, Ekaterina Gubanova etc…
Coproduction avec Grand Teatro del Liceu
Enfin, la première journée du Ring après un prologue (Das Rheingold) qui fut sans nul doute la production phare de la saison 2024-2025. L’attente est donc très grande, et confiante avec au pupitre un Vladimir Jurowski qui fut excellent l’automne dernier.
Du côté des chanteurs, on ne peut que saluer l’effort d’afficher des chanteurs nouvelle génération dans la distribution, Irene Roberts en Sieglinde, Joachim Bäckström en Siegmund, Nicholas Brownlee en Wotan qui a explosé l’audimat cet automne et d’un coup est devenu LE nouveau Wotan. Miina-Liisa Värelä est aussi une voix neuve sur les scènes internationales, une grosse, très grosse voix, mais malheureusement sans expression ni intérêt… c’est une Brünnhilde qui me procure de sérieux doutes. On aura ainsi l’occasion de se faire aussi une opinion définitive de Joachim Bäckström, entendu à Bâle en Don Carlos où il n’était pas convaincant, mais Don Carlos n’est pas Siegmund, et Siegmund est un rôle qui lui est plus habituel.
Qu’importe, on ira ventre à terre.

Juillet 2026

Georg Friedrich Händel : Alcina
6 repr. du 5 au 28 juil. (Dir : Stefano Montanari ; MeS : Johanna Wehner)
Avec Jeanine de Bique, John Holiday, Jessica Niles, Avery Amereau, Julien Prégardien etc…
Une des metteuses en scène les plus riches de potentiel de la jeune génération allemande, récompensée par un prix (Der Faust) pour une mise en scène de L’Orestie au Staatstheater Kassel. Formée entre autres à Munich à l’Académie August Everding, elle met en scène pour la première fois à la Bayerische Staatsoper. Stefano Montanari est un habitué de Munich, nous l’apprécions particulièrement depuis ses premières apparitions lyonnaises, mais ne pourrait-on pas aussi appeler pour ce répertoire d’autres chefs qui ont éclos : il y a maintenant une offre très riche en chefs baroqueux de qualité et le public munichois pourrait y avoir droit.
La distribution avec Jeanine de Bique, John Holiday, Julien Prégardien, Jessica Niles et Avery Amereau est de bon niveau. Le problème est avec les productions de la Bayerische Staatsoper au Prinzregententheater qu’on ne les revoit pratiquement plus… là encore un point à méditer.

 

 

Répertoire

Octobre 2025

Richard Strauss : Ariadne auf Naxos
2 repr. les 15 et 18 octobre 2025 – Direction : Daniele Rustioni
En version de concert.
Avec Krassimira Stoyanova, Michael Nagy, Caroline Wettergreen, David Butt Philip, Catriona Morison etc…
C’est un apéritif hors les murs et concertant en attendant l’ouverture de saison pour montrer que la Bayerische Staatsoper est là. Ariadne auf Naxos est un titre qui ne nécessité ni chœur, ni orchestre important (25 musiciens) et donc c’est une opération pas trop coûteuse, avec une distribution qui affiche des jeunes (Catriona Morison en Komponist, Caroline Wettergreen en Zerbinetta), un ténor plus dramatique qu’on voit maintenant beaucoup sans qu’il arrive encore à percer (David Butt Philip), et des valeurs sûres (Stoyanova et Nagy)…
Mais le plus intéressant, c’est évidemment Daniele Rustioni au pupitre, à l’épreuve de Strauss chez Strauss, après son intéressante Frau ohne Schatten à Lyon.
Pour mélomanes curieux.

Novembre

Pietro Mascagni/Ruggero Leoncavallo : Cavalleria rusticana/Pagliacci
4 repr. du 8 au 15 nov. (Dir : Antonino Fogliani ; MeS : Francesco Micheli)
Avec
Cav : Elina Garança, Vittorio Grigolo, Rosalind Plowright, Luca Salsi
Pag : Ailyn Pérez, Luca Salsi, Yonghoon Lee
Bonne reprise de répertoire, même si Yonghoon Lee en Canio peut laisser un peu froid… mais Garança en Santuzza, cela ne se manque pas… ainsi que Grigolo en Turiddu (s’il n’annule pas).

Giuseppe Verdi : La Traviata
4 repr. du 11 au 20 nov (Dir : Henrik Nánási ; MeS : Günter Krämer)
Avec Lisette Oropesa, Granit Musliu, Luca Salsi etc…
Inusable Traviata. Une Traviata qui fera le plein à cause de Lisette Oropesa, et qui a l’immense avantage d’être une production facile à remonter à peu de frais dans la mise en scène inexistante de Günter Krämer.
Avec Luca Salsi en Germont, la deuxième star fera remplir les places qui restent et c’est une excellente occasion de valoriser en Alfredo le jeune ténor Granit Musliu, excellent Alfred de Fledermaus en février 2025, c’est une belle initiative et cela rend cette série de représentations vocalement intéressante à plus d’un titre.

Gaetano Donizetti : La fille du régiment
3 repr. du 22 au 28 nov (Dir : Antonino Fogliani/MeS : Damiano Michieletto)
Avec Pretty Yende, Misha Kiria, Xabier Anduaga, Sunnyi Melles, Dorothea Röschmann etc…
Antonino Fogliani succède à Stefano Montanari qui n’avait pas tout à fait convaincu lors des premières séries. C’est une valeur sûre. La distribution est celle de la première, de haut niveau, succès assuré pour tous, même si Pretty Yende en Marie ne m’avait pas emporté le cœur ni l’oreille, mais les gens autorisés disent que c’est une Marie….
Mais il y a Anduaga…

Décembre 2025

En décembre, une nouvelle production, la Nuit de Noël de Rimsky Korsakov (voir les nouvelles productions ci-dessus) et un ensemble de productions dites « tiroir-caisse » (La Bohème, Die Fledermaus, Hänsel et Gretel, Die Zauberflöte) qui attirent le public pour le titre (La Bohème est souvent prise d’assaut quelle que soit la distribution) ou parce que ce sont les opéras traditionnels de la période des fêtes où on amène les enfants (Hänsel und Gretel, Die Zauberflöte). Faire des sous sans être trop regardant… c’est la loi du genre et de la période.

 

Engelbert Humperdinck : Hänsel und Gretel
4 repr. Du 5 au 12 déc (2 rep. le 12) (Dir : Vladimir Jurowski / MeS : Richard Jones)
Avec Thomas Mole, Juliane Banse, Rachael Wilson/Emily Sierra, Nikola Hillebrand/Erika Baikoff, Ya-ChungDie Fledermaus Huang/Kevin Conners etc…
Production traditionnelle en cette période, spécialement programmée pour les enfants (une représentation le 12 décembre à 11h par ex.) distribuée pour l’essentiel à la troupe, ce qui n’est pas problématique vu la qualité de l’ensemble munichois, mais avec cette fois-ci une surprise : Vladimir Jurowski le GMD au pupitre, ce qui est plus qu’une curiosité et présente un intérêt certain pour l’approche de la partition. Alors cela mérite d’être couplé avec le Rimski…

Giacomo Puccini: La Bohème
5 repr. du 14 au 26 déc. (Dir : Nicola Luisotti / MeS : Otto Schenk)
Avec Sonya Yoncheva, Benjamin Bernheim/Stephen Costello, Aida Garifullina, Andrzej Filończyk, Roberto Tagliavini etc…
Inusable production d’Otto Schenk que je vis pour la première fois avec Freni-Pavarotti et Carlos Kleiber. Ici avec Nicola Luisotti, routinier sans invention ni intérêt devant l’Éternel, on ne joue pas dans la même cour, de même avec Yoncheva et Garifullina en Mimi et Musette, ou Stephen Costello le transparent à tout faire en Rodolfo. Alors il reste Bernheim et Tagliavini dans les trois premières dates… mais c’est maigre pour une Bohème…
Soyons honnêtes aussi : Yoncheva en Mimi fera moins de dégâts qu’en Norma où elle est carrément hors de propos. Mais à Munich où les casting-managers sont des gens de goût, on aime Yoncheva..

 

Décembre 2025 – Janvier 2026

W.A.Mozart : Die Zauberflöte
4 repr. du 27 déc. au 4 janv. 2026. (Dir : Christopher Moulds/ MeS : August Everding)
Avec Bogdan Volkov, Christoph Fischesser, Erika Baikoff, Jessica Pratt, Vitor Bispo etc…
Bon chef, distribution solide (où on note Jessica Pratt en reine de la nuit et la jeune Erkia Baikoff en Pamina) dominée par le Tamino de Bogdan Volkov. Là où Volkov chante, il faut y courir, d’autant que la production est légendaire…

Johann Strauß : Die Fledermaus
4 repr. du 31 déc. au 10 janv. 2026 (Dir : Zubin Mehta/MeS : Barrie Kosky)
Avec Rolando Villazon, Martin Winkler, Rachel Willis Sørensen/Diana Damrau, John Holiday, Pavol Breslik, Konstantin Krimmel, Max Pollak etc…La production de Barrie Kosky est dès sa création rentrée dans la légende, et donc ce sera archi-complet, n’en doutons pas. Zubin Mehta à 90 ans dans la fosse c’est un nom immense pour une œuvre où il n’est peut-être pas le plus adapté, mais c’est sur le nom qu’on compte ici (même s’il vient d’annuler une série de Don Carlo) et Rolando Villazon en Eisenstein sera sans doute scéniquement délirant, mais pour le reste… Je reste d’avis que le pivot de cette production était Georg Nigl en Eisenstein, incroyable, inoubliable et que Villazon est une idée baroque… mais wait and see. En Rosalinde, sur la version papier de la saison on lit Hanna Elisabeth Müller, ce qui peut fonctionner, mais sur la version on-line (sans doute plus récente) on lit Rachel Willis-Sørensen, ce qui fait rire (pour ne pas faire pleurer) et constitue une insulte à l’œuvre. Alors on attendra Damrau le 10 janvier, une vraie Rosalinde ou des jours meilleurs pour voir ou revoir cette production.

Janvier 2026

Giuseppe Verdi: Nabucco
4 repr. du 18 au 28 janv. (Dir : Francesco Ivan Ciampa/ MeS : Yannis Kokkos
Avec Vladislav Sulimski, Ewa Płonka, Georg Zeppenfeld, Kang Wang etc…
Ciampa est un bon chef qui m’avait bien plu dans Nabucco (il y a quelques années à Parme), distribution solide avec Zeppenfeld dans un rôle inattendu, mais surtout Sulimski, chanteur exceptionnel. Quant à Ewa Płonka, en l’absence d’Abigaille à 100% convaincante sur le marché lyrique, elle fera largement l’affaire.

W.A.Mozart : Don Giovanni
3 repr. du 22 au 30 janv. (Dir : Konstantin Trinks / MeS : David Hermann)
Avec Konstantin Krimmel, Christoph Fischesser, Vera-Lotte Boecker, Julien Prégardien, Julia Kleiter, Michael Sumuel, Erika Baikoff, Paweł Horodyski.
On connaîtra en juin la qualité de la production. Dans cette première reprise, on retrouve Konstantin Krimmel magnifique baryton mozartien, et la Donna Anna attendue de Vera-Lotte Boecker, mais succède à Kyle Ketelsen un nouveau Leporello, Michael Sumuel, venu d’outre Atlantique et doué d’un magnifique timbre et à Samantha Hankey en Elvira Julia Kleiter qu’on adore. Au pupitre Konstantin Trinks, ce qui garantit au moins une approche solide. Si vous passez par Munich…

Janvier-Février 2026

Giacomo Puccini : Madama Butterfly
3 repr. du 31 janv. au 6 févr. (Dir : Eun Sun Kim : MeS : Wolf Busse)
Avec Eleonora Buratto, Shannon Keegan, Riccardo Massi, Ariunbaatar Ganbaatar etc…
Du pur répertoire tiroir-caisse, dans une mise en scène sans âge ni intérêt avec une cheffe en revanche qui sait ce que diriger veut dire, et ça c’est déjà mieux. En Butterfly, Eleonora Buratto plutôt bienvenue, et en Suzuki la jeune américaine Shannon Keegan, dont le nom monte chez les mezzosopranos en troupe en Allemagne. Du côté des voix masculines, la paire de la Forza del Destino lyonnaise, le ténor Riccardo Massi, beau timbre à l’expression plate, mais pour Pinkerton, c’est moins problématique que pour Alvaro, et le jeune mongol Ariunbaatar Ganbaatar en Sharpless que les théâtres vont s’arracher et presque sous-distribué ici. Si vous êtes à Munich pour autre chose, allez-y

Bedřich Smetana: Die verkaufte Braut (La fiancée vendue)
4 repr. du 7 au 17 févr. (Dir : Tomáš Hanus / Mes : David Bösch)
Avec Pavol Breslik, Martin Winkler, Emily Pogorelc, Erika Baikoff, Bálint Szabó, Ya-Chung Huang etc…
Nous avions rendu compte de la production (2018-2019) qui à l’époque avait eu un gros succès surtout grâce à Pavol Breslik, très populaire à Munich, et Günther Groissböck, très populaire en absolu. Les problèmes vocaux de ce dernier ont sans doute poussé le management munichois à se tourner vers un autre chanteur, Martin Winkler, tout aussi bon comédien (on peut même dire extraordinaire) et diseur, dans le rôle de Kezal. Il n’est pas sûr cependant que la voix soit en meilleur état… Pour Marie, la gentille Emily pogorelc, bon choix et remplaçant en Wenzel Ablinger-Sperrhacke, Ya-Chung Huang, qui nous a bien plu en Mercure de Die Liebe der Danae. Au pupitre, Tomáš Hanus comme à la première, ce qui garantit une direction idiomatique de ce phare de la musique tchèque. Si vous ne connaissez pas l’œuvre, cela peut valoir un voyage, d’autant que la production de David Bösch est très correcte.
À coupler avec la nouvelle production de Faust de Gounod…

Février-mars 2026

Richard Strauss : Salomé
4 repr. du 23 févr. au 5 mars (Dir : Thomas Guggeis / MeS : Krzysztof Warlikowski)
Avec Asmik Grigorian, Wolfgang Koch, Gerhard Siegel, Claudia Mahnke, Joachim Bäckström, Avery Amereau etc…
La production de Warlikowski (2019) est un must, à voir et revoir et revoir (nous en sommes à quatre ou cinq visions). Wolfgang Koch y est magnifique, depuis la première. Si elle n’annule pas comme elle l’a fait cette saison avec Fliegende Holländer, Asmik Grigorian devrait entrer dans cette mise en scène comme dans un beau costume. Gerhard Siegel est un très bel Herodes et nous adorons Claudia Mahnke qui sera Herodias. Narraboth est Joachim Bäckström, futur Siegmund de la maison.
En fosse, Thomas Guggeis, qui depuis ses premières Salomé en 2018 (Hans Neuenfels, Staatsoper Unter den Linden, Berlin) a pris de l’assurance et du galon (il est GMD à Francfort).
Y courir ventre à terre, en surveillant les éventuelles annulations…

Mars – Juillet 2026

L.v. Beethoven : Fidelio
3 repr. du 8 au 15 mars, 3 repr. du 12 au 18 juil. (Dir : Yoel Gamzou / MeS : Calixto Bieito)
Avec Johanni van Oostrum(mars)/Camilla Nylund (juillet), Josef Wagner (mars), Tomasz Konieczny (juillet), Benjamin Bruns (mars)/Matthew Polenzani (juillet), René Pape, Myriam Mesak, Caspar Singh (mars), Samuel Stopford (juillet), Milan Siljanov (mars)/Ryan Speedo Green (juillet).
La bonne production de Calixto Bieito résiste au temps, le chef Yoel Gamzou est devenu un incontournable en Allemagne et Autriche, avec une réputation plutôt positive, et deux distributions, une pour mars (avec Bruns en Florestan) , plutôt bonne et moins chère, une pour le festival, globalement moins bonne (avec Polenzani en Florestan…) et plus chère. Choisissez…

Richard Strauss : Elektra
3 repr. du 18 eu 27 mars (Dir : Vladimir Jurowski/MeS : Herbert Wernicke)
Avec Nina Stemme, Christine Goerke, Vida Miknevičiūtė, Iain Paterson, Charles Workman etc…
Aucun doute que tout sera complet. Nina Stemme en Clytemnestre après avoir été l’Elektra des quinze dernières années, Christine Goerke qui a ses fans irréductibles (et qui ne me plait pas trop) considérant qu’elle est la miss Univers des Elektra des siècles et siècles, et la très solide Vida Miknevičiūtė en Chrystothemis, cela vaut le voyage et du côté des rôles masculins Charles Workman qu’on aime quoi qu’il chante en Aegisth et Iain Paterson en Orest qui fait moins rêver mais enfin…
Au pupitre, Vladimir Jurowski qui est une vraie garantie dans une des très belle productions de cette maison, signée du regretté Herbert Wernicke.
Vaut le voyage, qu’on pourra coupler avec la nouvelle production moins stimulante de Rigoletto qui ne le vaut sans doute pas à elle seule.

Avril 2026

Richard Wagner : Parsifal
3 repr. du 5 au 11 avril (Dir : Sebastian Weigle / MeS Pierre Audi)
Avec Christof Fischesser, Bálint Szabó, Peter Mattei, Clay Hilley, Nina Stemme, Josef Wagner etc…
Reprise pascale, et donc traditionnelle en cette période, du Parsifal terne de Pierre Audi et Georg Baselitz avec au pupitre le très fiable Sebastian Weigle, et une distribution qui devrait intéresser, si des annulations ne viennent pas la ternir. On connaît la Kundry de Nina Stemme, qui a créé la production en juillet 2018, on attend avec impatience Peter Mattei dans Amfortas, qui nous avait jadis (Février 2013) stupéfié au MET dans la production François Girard et le Parsifal de Clay Hilley, le ténor wagnérien désormais réclamé partout vu le manque de matières premières en ténors. Pour le reste, du solide. Parsifal fera le plein de toute manière, quelle que soit la distribution.

Giacomo Puccini : Tosca
3 repr. du 6 au 12 avril (Dir : Marco Armiliato / MeS : Kornél Mundruczó)
Avec Ailyn Pérez, Najmiddin Mavlyanov, Ludovic Tézier, Roman Chabaranok etc…
C’est un mois où se succèdent des productions tiroir-caisse, il faut bien le dire, sans grand intérêt. Cette production de Tosca est un ratage, nous l’avons écrit. Elle bénéficie de la présence de Ludovic Tézier, comme à sa création. Pour le couple Tosca/Mario, Ailyn Pérez, pas très inspirante en Tosca (pas très inspirante dans grand-chose à vrai dire) et Najmiddin Mavlyanov qui pourrait être un peu plus intéressant. Dans la fosse Marco Armiliato, sécurité pour l’orchestre parce que c’est un très bon chef de répertoire (et quelquefois même un peu mieux).

Avril 2026 – Juillet 2026

Giuseppe Verdi : Macbeth
3 repr. du 7 au 13 avril 2 repr. les 2 et 5 juillet (Dir : Andrea Battistoni / MeS : Martin Kušej)
Avec Saioa Hernandez (avril)/Asmik Grigorian (juillet) ; Amartuvshin Enkhbat (avril)/Gerald Finley (juillet), Roberto Tagliavini, SeokJong Baek, Samuel Stopford (avril) /Granit Musliu (juillet).
Deux distributions pour cette reprise du Macbeth sans grand intérêt de Martin Kušej, dirigé par Andrea Battistoni, fréquent à Munich mais sans aucun intérêt non plus. Les deux distributions sont vocalement solides (en avril le couple Saioa Hernandez/ Amartuvshin Enkhbat) mais du point de vue de l’intensité d’interprétation c’est en juillet qu’il faut venir écouter Asmik Grigorian/Gerald Finley, s’ils n’annulent pas comme ils l’ont fait cette saison où ils étaient affichés dans Der Fliegende Holländer. Mais pour un aussi grand Verdi, ne pourrait-on pas trouver un chef ?

Avril 2026

Gaetano Donizetti : L’Elisir d’amore
3 repr. du 19 au 24 avril (Dir : Nicholas Carter / MeS : David Bösch)
Avec Aida Gariffulina, Bekhzod Davronov, Ambrogio Maestri, Thomas Mole, Iana Aivazian
La production de David Bösch est intelligente, inusable, et mérite le voyage pour qui ne l’a pas vue. La direction de Nicholas Carter futur GMD de Stuttgart peut être intéressante.  Bekhzod Davronov est à découvrir en Nemorino, mais il ne faudrait pas qu’il devienne à Munich un ténor à tout faire (Ottavio, Duca di Mantova, Nemorino…) Garifullina sans interêt et Maestri vu revu et revu dans ce rôle… seule curiosité, le jeune Thomas Mole dans Belcore. À passer dans l’ensemble.

Avril – Mai 2026

Giuseppe Verdi : Il Trovatore
5 repr. du 26 avril au 9 mai (Dir : Andrea Battistoni / MeS : Olivier Py)
Avec Judit Kutasi, Rachel Willis-Sørensen, Artur Rucinski, Piotr Beczala, Alexander Köpeczi etc…
Soyons clairs et rapides : avec ce chef et cette distribution dans cette très mauvaise mise en scène de Py, inutile de perdre son temps et dépenser le moindre sou pour un Trovatore où le seul nom plus sérieux est le placide Piotr Beczala, mais le fougueux Manrico n’est pas vraiment pour lui.

 

Mai 2026

W.A. Mozart : Le Nozze di Figaro
3 repr. du 16 au 24 mai (Dir : Patrick Hahn / MeS : Evgeny Titov)
Avec Gerald Finley, Diana Damrau, Joélle Harvey, Riccardo Fassi, Kate Lindsey, Juliane Banse, Martin Snell, Tansel Akzeybek, Iana Aivazian.
Gerald Finley, Diana Damrau sont attirants dans ces rôles, ainsi que la jeune Joélle Harvey dans Susanna, moins Riccardo Fassi en Figaro. Mais ce qui m’attirerait le plus c’est d’entendre le jeune et très doué Patrick Hahn, l’un des seuls réels espoirs de la baguette en Autriche et Allemagne, dans cette production foutraque et discutable mais pas si bête de Evgeny Titov.

 

Mai-juin 2026 – Juillet 2026

Vincenzo Bellini : Norma
4 repr. du 22 mai au 2 juin, 2 repr. les 17 et 20 juillet (Dir : Giacomo Sagripanti / MeS : Jürgen Rose)
Avec Najmiddin Mavlyanov, Sonya Yoncheva (mai-juin)/Elena Stikhina (juillet), Erwin Schrott (mai-juin) / Roberto Tagliavini (juillet), Emily Sierra (mai-juin) / Aigul Akhmetshina (juillet), Michael Butler, Ekaterine Buachidze.
Nous avons entendu la Norma de Yoncheva la saison dernière et elle y fut piteuse : pour le dire simplement, Tara Erraught en Adalgisa eut plus de succès qu’elle… Najmiddin Mavlyanov n’aura aucun mal à faire mieux que Joseph Calleja à bout de voix ne le fit en 2024. Erwin Schrott en Oroveso est un contresens, mais c’est un nom (tiroir-caisse) et Emily Sierra est à entendre en Adalgisa, mais la malheureuse est peu entourée.
Au pire, si l’on veut un peu moins souffrir, on attendra Elena Stikhina en juillet, il paraît que c’est une grande chanteuse de répertoire italien, laissez-moi rire, mais elle a du succès et elle aura plus de présence que la Yoncheva. Roberto Tagliavini sera comme d’habitude remarquable et Aigul Akhmetshina en Adalgisa remportera la mise ; en fosse, Giacomo Sagripanti, sans grand intérêt mais chef de répertoire désormais fréquent partout. Donc à choisir : Juillet peut-être, mais sûrement pas Mai.


Mai-juin 2026

W.A. Mozart : Die Entführung aus dem Serail
3 repr. du 31 mai au 5 juin (Dir : Ivor Bolton / MeS : Martin Duncan)
Avec Regula Mühlemann, Jasmin Delfs, Ben Bliss, Jonas Hacker, Peter Rose, Bernd Schmidt
Le titre est devenu si rare sur les scènes à cause de la bienpensance ambiante qu’on est heureux de le revoir, dans la production colorée et sans aucune idéologie (ni idées) de Martin Duncan… Musicalement du très solide, avec Ivor Bolton au pupitre et une distribution sans aucune faille. Voilà une production à voir, pour la musique (la mise en scène ne dérange pas) et les chanteurs mêlant vieux routiers (Peter Rose), et jeune et toute nouvelle génération (Mühlemann, Delfs, Bliss, Hacker…).

 

Juin 2026

Georges Bizet : Carmen
4 repr. du 13 au 21 juin (Dir : Karel Mark Chichon / MeS : Lina Wertmüller)
Avec Aigul Akhmetschina, Eleonora Buratto, Charles Castronovo, Ryan Speedo Green etc..
La vieille production de Lina Wertmüller tient le coup parce que Carmen est Carmen. En fosse Karel Mark Chichon a plutôt une bonne réputation, et sur scène Aigul Akhmetshina, aura un immense succès bien que je ne sois pas si sûr de sa Carmen. Castronovo est le ténor à tout faire et fera un Don José passepartout, mais deux mystères : Ryan Speedo Green (belle voix, belle présence sans aucun doute) en Escamillo alors que les barytons-basses plus aguerris pullulent dans le rôle, et pourquoi Eleonora Buratto dans Micaela, une voix qui chante désormais Aida ou Tosca peut se passer de ce rôle distribuable à tant de jeunes sopranos lyriques… Elle est surdistribuée.

 

Juin-Juillet 2026

Giacomo Puccini : Turandot
4 repr. du 6 au 17 juin (A), 3 repr. du 30 juin au 6 juil.(B) (Dir : Zubin Mehta / MeS : Carlus Padrissa – La Fura dels Baus).
Avec Olga Maslova(A)/Sondra Radvanovsky(B), Dmitry Ulyanov(A)/Christian van Horn (B), Jonas Kaufmann (A), Yonghoon Lee(B), Ermonela Jaho (A)/Golda Schultz (B)
Zubin Mehta au pupitre dans un de ses titres fétiches, cela ne se manque pas (s’il n’annule pas). D’autant que les deux distributions ont de quoi attirer : Maslova est robuste et Kaufmann est un mythe d’un côté, et de l’autre Radvanovsky est le mythe face à Yonghoon Lee peu excitant. Et en Liù alternent Ermonela Jaho (Liù par excellence) et Golda Schultz qui n’est pas mal non plus.
Seul doute mais dans un rôle moins important: Christian van Horn, grosse voix sans intérêt désormais qu’on croyait riche d’avenir et qui n’est plus désormais que très pauvre en harmoniques. Mieux vaut mille fois Ulyanov.

Juillet 2026

Gioachino Rossini : La Cenerentola
2 repr. les 9 et 11 juil. (Dir : Antonino Fogliani /MeS : Jean-Pierre Ponnelle)
Avec Isabel Leonard, René Barbera, Erwin Schrott, Konstantin Krimmel, Misha Kiria etc…
Juste deux soirées tiroir-caisse, distribution sans intérêt (Isabel Leonard… Erwin Schrott), seuls Misha Kiria et René Barbera relèvent, mais n’allez pas mettre des sous là-dedans, sauf si vous n’avez jamais vu la merveilleuse production Ponnelle. En fosse le solide Fogliani.

Antonín Dvořák: Rusalka
2 repr. les 23 et 25 juil. (Dir : Petr Popelka / MeS : Martin Kušej)
Avec Malin Byström, Pavel Černoch, Elena Guseva, Christof Fischesser, Jamie Barton, Tansel Akzeybek etc…
Si l’on excepte Jamie Barton, pour moi sans intérêt, une belle distribution (Pavel Černoch magnifique dans ce répertoire) et surtout un chef à suivre, Petr Popelka, nouveau directeur musical des Wiener Symphoniker et directeur musical de l’orchestre de la Radio de Prague. Ce devrait être passionnant.

 

Carl Maria von Weber: Der Freischütz
2 repr. les 26 et 29 juil (Dir: Daniele Rustioni /MeS : Dmitri Tcherniakov)
Avec Golda Schultz, Miriam Mesak, Kyle Ketelsen, Stanislas de Barbeyrac, Tareq Nazmi etc…
Pour Rustioni, que bien peu connaissent dans ce répertoire, pour Tcherniakov, dont la production fut perturbée par le Covid, pour la distribution plus qu’honorable avec Stanislas de Barbeyrac en Max et les retours de Kyle Ketelsen en Kaspar et de Golda Schultz en Agathe, ces deux représentations méritent qu’on s’y arrête si on traine en Bavière en ce mois de juillet…

Bilans (astérisque pour les prods – hors NP- qui peuvent éventuellement valoir le voyage)

1 Beethoven: Fidelio
1 Bellini: Norma
1 Bizet: Carmen
1 Dean: Of one blood (NP)

2 Donizetti :

  • La Fille du régiment
  • L’Elisir d’amore

1 Dvořák : Rusalka*
1 Gounod : Faust (NP)
1 Händel: Alcina (NP)
1 Henze: Die englische Katze (NP)
1 Humperdinck : Hänsel und Gretel

1 Mascagni/Leoncavallo : Cavalleria rusticana/Pagliacci *
4 Mozart :

  • Don Giovanni
  • Le nozze di Figaro`
  • Die Zauberflöte*
  • Die Entführung aus dem Serail*

4 Puccini :

  • La Bohème
  • Madama Butterfly
  • Turandot*
  • Tosca

1 Rimski Korsakov : Nuit de Noël (NP)
1 Rossini : Cenerentola

1 Smetana : Die Verkaufte Braut *

1 Strauß : Die Fledermaus

3 Strauss :

  • Ariadne auf Naxos (Concertant)
  • Elektra*
  • Salome*

5 Verdi :

  • Rigoletto (NP)
  • La Traviata
  • Nabucco
  • Trovatore
  • Macbeth

2 Wagner :

  • Parsifal*
  • Die Walküre (NP)

1 Weber: Freischütz*

Quelques observations sur ce bilan global. Derrière la diversité des titres présentés (35) avec laquelle peu de théâtres peuvent rivaliser (Vienne et Staatsoper unter den Linden essentiellement) se lit une politique qui ne semble pas avoir trouvé de ligne globale. Si en ce qui concerne les nouvelles productions, un équilibre a été trouvé désormais entre titres rares, créations et grand répertoire standard, il semble que les reprises de répertoire (et cette saison en est aussi l’indice fort), on ait renoncé à une certaine diversité où alternent standards et titres plus rares qui enrichirait le poids et le rôle culturel de cette maison au profit des seuls grands standards susceptibles de racoler du public : dans les reprises de l’année (hors festival), on relève un seul titre (Die verkaufte Braut/La fiancée vendue) qui sorte de l’ordinaire standardisé des opéras habituels. Rusalka et Freischütz qui entraient dans les titres (un peu) plus rares sont réservés au Festival, au public plus large, plus mélomane et plus monnayable… À cela s’ajoute que sont absents deux titres des nouvelles productions de la saison précédente, Die Liebe der Danae, énorme succès et Kat’a kabanova, production magnifique. On souhaite simplement qu’elles réapparaissent rapidement et qu’elles ne tombent pas aux oubliettes selon les mauvaises habitudes prises ces dernières années.
Les distributions quant à elles, à part quelques exceptions, n’excitent pas vraiment la curiosité, avec quelques séries (Il Trovatore…) franchement risibles pour tout amateur d’opéra italien. Peu de recherches en matière de chefs, peu d’efforts en matière de distribution et quelques explorations en matière de mise en scène ne donnent pas à cette saison l’occasion d’envies irrépressibles de sauter dans un ICE, TGV, ou dans un avion. Mais comme nous aimons ce théâtre, nous irons évidemment de-ci de-là…