IN MEMORIAM : SHIRLEY VERRETT et PETER HOFMANN

SHIRLEY VERRETT

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Ces dernières semaines ont été marquées hélas par de nombreuses disparitions, Joan Sutherland, que je ne vis qu’une fois lors d’un concert à Garnier, Shirley Verrett qui  frappa de stupeur le jeune mélomane que j’étais, dans Azucena, où elle était une hallucinante bête de scène douée d’une voix incroyable, au-delà du réel tant elle était présente, chaude, puissante, sauvage! Mais  Liebermann hélas ne l’appela plus, lui préférant la Cossotto. Il faudra attendre les années 80 pour la revoir si souvent, impériale dans Gluck (une inoubliable Alceste, mais aussi une Iphigénie de rêve), bouleversante dans le Moïse de Rossini où elle chante une éblouissante Sinaïde. Elle fut aussi une grande Lady Macbeth à Paris,

verrett4.1292194164.jpgmais elle fut surtout à jamais inoubliable dans celle de Milan, avec Strehler et Abbado avec cette cape à traîne qui se croisait avec la cape de Macbeth-Cappuccilli au premier acte ou qui traçait son parcours dans la scène de la folie, images gravées pour la vie dans notre mémoire de spectateur. Mezzosoprano aux moyens de soprano, elle osa aussi Desdemona ou même Norma après avoir été une grandissime Adalgisa. Mais elle fut toujours moins convaincante dans certains rôles de soprano (Norma) que dans les rôles de mezzo où elle fut  irremplaçable.

verrett3.1292194156.jpgElle frappait le spectateur, qui ne la quittait pas des yeux, par son port altier et sa stupéfiante beauté. Son Alceste était à ce titre anthologique, tout comme sa Lady Macbeth. Elle revint à Paris pour inaugurer Bastille dans les Troyens de Pizzi où elle fut Didon, à jamais, face à une Bumbry tout aussi mythique.
Ainsi s’éteint un mezzosoprano qui porta le chant verdien à son sommet. Jamais remplacée depuis qu’elle quitta la scène.

PETER HOFMANN 

peterhofmann.1292194769.jpgPeter Hoffmann aussi nous a quittés, à 66 ans seulement, emporté par une maladie de Parkinson qui l’attaqua très tôt. Il restera pour moi à jamais le Siegmund de rêve de la mise en scène de Chéreau: jeune, frais, un enfant perdu au milieu de méchants, image qui frappa tous les spectateurs de ce sommet qu’était le premier acte de la Walkyrie.

ringboulez.1292194631.jpgAvec Gwyneth Jones (Walkyrie, Chéreau, Acte II)

Il fut aussi Siegmund à Paris avec Solti dans la mise en scène de Grüber. A Paris on le vit aussi dans le 3ème acte de Parsifal avec Karajan, tout comme à Bayreuth avec Levine et Rysanek puis la jeune Waltraud Meier dans la mise en scène de Götz Friedrich. Il était la star des ténors wagnériens des années 80, notamment à Bayreuth où il fit aussi

peterhofmann3.1292194580.jpgLohengrin et où il aborda Tristan avec Barenboim dans la belle mise en scène de Ponnelle.

A la fin de la décennie, je l’entendis à Bayreuth dans un Tristan pour la dernière fois, avec une phénoménale Catarina Ligendza, artiste injustement oubliée aujourd’hui, qui fut l’une des grandes Isolde de la fin du XXème siècle. Déjà atteint par la maladie, il marqua plus qu’il ne chanta le dernier acte, ce fut la dernière fois je l’entendis .
Sa stature, son physique de Dieu pangermanique, ses cheveux très blonds, son aspect héroïque, tout le prédestinait à chanter les grands ténors wagnériens. Seule la voix est toujours restée en deçà, dans Siegmund comme dans Tristan. C’était un bon Parsifal, un bon Lohengrin, mais il ne fut jamais un chanteur de légende, bien qu’il eût dans les années 80 une notoriété internationale absolument exceptionnelle. Il fut le ténor wagnérien de Karajan avec qui il fit Pasifal, Lohengrin, mais aussi Erik du Vaisseau Fantôme, il fut le ténor vedette de Bayreuth à un moment où le chant wagnérien peinait à trouver ses stars. Il accompagna lui aussi mon parcours et je le vis souvent sur les scènes, mais assez rarement à Paris.

Il était au départ chanteur de rock, il finit chanteur de musical (Le fantôme de l’Opéra) avant d’être terrassé définitivement par la maladie et de finir dans le besoin. Triste destin d’un chanteur qui fut à un moment de l’histoire de l’Opéra incontournable dans toute distribution wagnérienne.

Une réflexion sur « IN MEMORIAM : SHIRLEY VERRETT et PETER HOFMANN »

  1. J’ai appris avec stupeur et une grande tristesse la fin tragique d’un « Heldentenor » que j’ai découvert grâce à la mise en scène du « Ring » par Chéreau: Peter Hoffmann.
    C’est grâce à son Siegmund et la bonne retransmission de la Tétralogie sur la Tv française que jai commencé à m’intéresser à Wagner. Etant d’origine allemande, j’avais bien essayé à l’âge des études de me procurer un billet pour Bayreuth. Vain effort! Dès les années 50/ 60,il fallait avoir des relations pour « décrocher » une place dans le Bayreuth Festival. D’où mon enthousiasme bien des années plus tard en découvrant à la télé une interprétation moderne et accessible grâce à un homme de théâtre (comme pour le « Werther » de la Bastille en 2010) et un jeune ténor talentueux ; heureusement, l’Allemagne a fait naître depuis un digne successeur dans le même rôle: Jonas Kaufmann. Grâce au site de Marion Tung, j’ai pu voir de larges extraits de la mise en scène de la Walkyrie de la Met.
    J’apprécie énormément ces possibilités pour des mélomanes comme moi, vivant loin des grands centres. L’Opéra de Bordeaux doit en général se contenter de chanteurs moins illustres…..

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