LUCERNE FESTIVAL 2013 – ÉTÉ: LE PROGRAMME DES CONCERTS

Le Festival de Lucerne de l’été 2013 sera un peu redimensionné. Effet de la crise? Une grosse semaine en moins puisque cette année le Festival ouvre le 16 août et non le 8 comme l’an dernier. La programmation en est-elle affectée? Pas vraiment: on trouve comme d’habitude la théorie des orchestres de prestige présents au bord du Lac, Philharmonique de Berlin(Rattle), Philharmonia(Salonen), Concertgebouw(Gatti), Radio Bavaroise (Jansons), Staatskapelle de Dresde (Thielemann), Philharmonique de Vienne (Maazel), Philharmonique de Saint Pétersbourg (Temirkanov), Symphonique de Pittsburgh (Honeck), avec cette année, Wagner oblige (il a séjourné à Lucerne, dans la villa de Tribschen), un Ring des Nibelungen complet avec l’excellent Symphonique de Bamberg, un des orchestres de grande tradition, on pourrait même dire de Haute École, qui fut l’orchestre de Joseph Keilberth, dirigé aujourd’hui par Jonathan Nott.

Et Abbado? la thématique de cette édition “Révolution” l’a conduit à programmer un concert d’ouverture (16 et 17 août) composé de trois compositeurs à leur manière “révolutionnaires”, Luigi Nono (Extraits de Prometeo), Schönberg (Extraits des Gurrelieder – à quand le moment rêvé de la programmation de l’intégrale?) et l’Eroica de Beethoven. Le second concert continuera d’explorer Bruckner avec la Symphonie n°9 WAB 109, pour trois concerts (23, 24, 26 août).

Sans répéter ce que vous lirez parfaitement dans le programme officiel publié dans le site, je voudrais attirer votre attention sur ce que j’estime être incontournable. D’abord Der Ring des Nibelungen , direction Jonathan Nott, Bamberger Symphoniker, les 30 et 31 août et les 2 et 4 septembre  avec entre autres Klaus Florian Vogt (Siegmund), Petra Lang/Eva Johansson (Brünnhilde), Albert Dohmen (Wotan/Wanderer) Torsten Kerl (Siegfried) , Mikhaïl Petrenko (Fafner/Hunding) Elisabeth Kulman (Fricka).

Chaya Czernowin, compositrice israélienne, sera l’artiste en résidence 2013, et plusieurs orchestres joueront ses oeuvres, à commencer par le  West Eastern Diwan Orchestra, dirigé par Daniel Barenboim qui donnera deux concerts, le 18 août (Verdi, Haddad, Wagner, Czernowin) et le 19 août (Wagner, Berg, Beethoven) deux concerts où l’on jouera Wagner, mais aussi un compositeur israélien et un compositeur arabe.
Le Concertgebouw pour sa venue annuelle, sera dirigé par Daniele Gatti les 1er et 3 septembre pour deux concerts, au programme Mahler IX (le 1er septembre) et Bartok/Prokofiev le 3 septembre, parce que Mariss Jansons leur chef dirigera son autre orchestre (Orchestre de la Radio Bavaroise) quelques jours après, le 7 septembre dans un programme Beethoven (concerto pour piano n°4 – Mitsuko Uchida)/Berlioz (Symphonie Fantastique), et le 8 septembre dans un programme Mahler avec la symphonie n°2 “Résurrection”, et le chœur de la Radio Bavaroise, Anna Larsson et Genia Kühmeier en solistes…on y sera!

J’ai noté aussi le Philharmonia Orchestra dirigé par Esa Pekka Salonen dans une Damnation de Faust de Berlioz avec Paul Groves (Faust) etGérard Finley, mais aussi, hélas, Christianne Stotjin.

Je n’oublie pas Maurizio Pollini le 1er septembre à 11h et Pierre Boulez, programmé avec le chef Pablo Heras Casado avec le Lucerne Festival Academy Orchestra le 7 et le 9 septembre pour deux concerts différents, l’un très contemporains (Mason, Attahir, Ammann,  Boulez) l’autre plus “classique” (Webern, Berg | Berio, Stravinski).

C’est la fête à Lucerne, comme vous pouvez le constater, et le 25 août ce sera encore plus fort, puisque les deux orchestres Lucerne Festival Orchestra et Lucerne Festival Academy Orchestra, dirigés par David Robertson, seront réunis dans la ville pour un programme surprise connu seulement en juin prochain!
Prenons donc notre mal en patience, et délectons-nous à l’avance de ce programme un peu allégé, mais si alléchant.

LUCERNE FESTIVAL 2013 – PÂQUES : LE PROGRAMME DES CONCERTS DU 16 AU 24 MARS 2013

Le programme de Lucerne 2013, 75ème anniversaire du festival fondé en 1938 est paru, tant le programme de Pâques (début de la location 3 décembre) que celui d’été (location 4 mars). Vous pouvez le consulter celui de Pâques en suivant ce lien Lucerne Festival Pâques . Vous pouvez aussi consulter celui d’été en cliquant sur Lucerne Festival Eté.
A Pâques, la ligne initiée les autres années se poursuit avec trois grands moments qu’on ne manquera pas: un moment Abbado, un moment Haitink, et un moment Jansons, et quelques autres encore….
Ouverture du Festival le 16 mars 2013 avec un concert de Claudio Abbado, l’Orchestra Mozart et en soliste Martha Argerich , au programme:
Ludwig van Beethoven
(1770-1827) Ouverture n° 3 de l’opéra Léonore op. 72
Wolfgang Amadé Mozart
(1756-1791) Concerto pour piano et orchestre en do majeur KV 503
Ludwig van Beethoven
(1770-1827) Ouverture Coriolan op. 62
Wolfgang Amadé Mozart
(1756-1791) Symphonie en si bémol majeur KV 319.

Le lundi 18 mars 2013, un second programme d’Abbado toujours avec Martha Argerich:
Ludwig van Beethoven
(1770-1827) Ouverture n° 2 de l’opéra Léonore op. 72
Wolfgang Amadé Mozart
(1756-1791) Concerto pour piano et orchestre en ré mineur KV 466
Franz Schubert
(1797-1828) Extraits de la musique de scène pour Rosamunde D 797
Joseph Haydn
(1732-1809) Symphonie en ré majeur Hob. I:96 Le Miracle

En clôture, deux concerts de l’Orchestre de la Radio Bavaroise, dirigé par Mariss Jansons
– le samedi 23 mars 2013, le War Requiem de Britten avec en solistes Emily Magee, Christian Gerhaher et Marc Padmore, Tölzer Knabenchor et Choeur de la Radio Bavaroise.
– Le dimanche 24 mars 2013, la Symphonie n°6 de Chostakovitch et la Symphonie n°5 de Beethoven

Et entre les deux, une master class de Bernard Haitink (les 21 ,22, 23 mars), et puis quelques menus autres concerts, dont deux concerts du Los Angeles Philharmonic dirigé par Gustavo Dudamel (le 20 marsJohn Adams, The Gospel According to the Other Mary Oratorio pour solistes, chœur et orchestre en présentation scénique  et le 21 mars  un concert Vivier, Debussy, Stravinsky – L’Oiseau de Feu) et enfin le 22 mars les English Baroque Soloists et le Monteverdi Choir sous la direction de John Eliot Gardiner exécuteront la Passion selon Saint Jean de Bach dans une nouvelle édition “Urtext” .
Vous n’en avez sans doute pas assez: Isabelle Faust donnera aussi un récital le 17 mars et la Jeune Philharmonie de Suisse centrale un concert à la Jesuitenkirche le 19 mars avec deux oeuvres rarement jouées, le Stabat Mater de Poulenc et le Te Deum de Bizet.

Vous avez compris, comme d’habitude, il faut aller à Lucerne, au moins pour le week end d’ouverture et celui de la clôture. On ne manquera ni Argerich et Abbado, ni Jansons dans ce Britten qui promet d’être un sommet (Gerhaher!!).

TEATRO ALLA SCALA 2011-2012: SIEGFRIED de Richard WAGNER le 18 novembre 2012 (Ms en scène Guy CASSIERS; dir.mus Daniel BARENBOÏM)

©Marco Brescia et Rudy Amisano

Des quatre opéras qui constituent l’Anneau du Nibelung, Siegfried est assurément le plus difficile au spectateur qui entre en Wagnérie. C’est aussi le moins connu, coincé entre la Walkyrie très populaire et le Crépuscule des Dieux très spectaculaire. Trois actes d’un récit, où les personnages s’affrontent deux à deux: Mime-Siegfried/Wanderer-Mime/Wanderer-Alberich/Alberich-Mime/Wanderer-Erda/Wanderer-Siegfried/Siegfried-Brünnhilde; rien de spectaculaire, que du dialogue très théâtral, avec trois sommets musicaux fameux: le chant de la forge, les murmures de la forêt et le réveil de Brünnhilde. Trois actes où les rapports entre les personnages se tendent, et où apparaissent d’étranges complicités: Alberich et le Wanderer(Wotan) s’allient objectivement pour avertir Fafner de ce qui l’attend. Chéreau avait bien marqué la chose en les habillant plus ou moins de la même manière.
Mime est l’un des personnages clefs: il a élevé Siegfried dans l’espoir de l’utiliser pour récupérer l’or, et Siegfried, dont tout le savoir procède de l’observation et de la sensibilité, sent confusément l’hostilité de Mime et la lui rend bien, un rapport de haine à haine, de deux êtres qui se supportent et où se construit un rapport de forces qui va jusqu’au désir  de meurtre. Mime, personnage veule, lâche, mais persévérant, rejeté par tous à commencer par son frère Alberich croit faire de Siegfried son œuvre, alors que l’œuvre lui échappe peu à peu, et cela dès le premier acte lorsque Siegfried, seul, invente la manière de forger Nothung, refusant tout l’art de Mime. Il faut pour interpréter Mime des ténors dits de caractère, c’est à dire des chanteurs capables de jouer, capables d’interpréter, capables de dire le texte plutôt que de le chanter. Les bons Mime ne manquent pas aujourd’hui, mais la référence reste l’extraordinaire Heinz Zednik qu’il faut voir et revoir en vidéo dans la mise en scène de Chéreau.
Siegfried n’est pas forcément le personnage le plus sympathique du Ring: on aime plutôt les jumeaux Siegmund et Sieglinde, les plus déchirants. Siegfried est un adolescent en apprentissage, avec sa brutalité, sa grande sensibilité (le rapport à la nature, le rapport à la mère) et le Wanderer lui-même se méfie de cet être en matériau brut.
Siegfried est aussi un opéra d’hommes, où les femmes (oiseau mis à part) sont rejetées au troisième acte: Erda qui renvoie le Wanderer à son destin, et Brünnhilde qui vit sa transformation de Walkyrie en femme, et qui découvre la fragilité humaine, et la peur, et aussi l’effroi devant le désir. Son réveil ne peut être que traumatique. Ce réveil est aussi pour la chanteuse une des pages les plus difficiles de la partition: aigus ravageurs, écarts redoutables, le tout à froid.
Siegfried enfin est sans doute le plus “théâtral” des opéras du Ring. Au sens où il exige un vrai travail d’acteur, un vrai travail psychologique sur les personnages, une “mise en scène” largement appuyée sur la relation des personnages entre eux, une gestion fine des dialogues et des affrontements, avec ses moments un peu “difficiles” comme la manière de représenter le dragon, que d’aucuns pensaient l’un des rares points faibles de la mise en scène de Chéreau, qui avait pensé faire un dragon “comme le voyait Siegfried”, c’est à dire une sorte de jouet mécanique géant qui ne pouvait faire peur: il se refusait à représenter un dragon de théâtre, en toc: il préférait montrer le toc. Et les gens lui reprochaient de ne pas faire peur (comme si un dragon de théâtre pouvait faire peur!).
On a dit combien la mise en scène de Guy Cassiers, du Toneelhuis d’Anvers, avait séduit dans Rheingold et déçu dans Walküre. Ce qu’il fait dans Siegfried donne une des clefs de ce travail, qui part de la même hypothèse que Lepage à New York: revenir à l’histoire, et la représenter, sans donner le primat au signifié du récit, base du travail des metteurs en scène depuis Chéreau. C’est bien la représentation qui compte, et l’univers créé, plus que ce que l’histoire nous dit du monde et de ses turpitudes (naissance du monde industriel, ou du capitalisme, relations entre l’or et le pouvoir etc…). Ce parti-pris a fait le demi-succès à Berlin. Le public allemand est habitué à un travail de mise en scène analytique, qui travaille sans cesse sur les possibles d’un livret. Ici, c’est l’histoire qui est représentée, avec des moyens techniques d’aujourd’hui, mais  sans plonger dans le monde touffus des significations et cela volontairement. Le public italien, qui craint comme la peste le Regietheater, et qui aime avant tout le “spectacle”, a fait en revanche un bon accueil au travail de Cassiers dans Siegfried.
Après un Rheingold à la fois surprenant et abstrait, un prologue où les personnages eux-mêmes mettent en place l’histoire, et où tous sont accompagnés de mimes ou danseurs représentant leur inconscient, leurs désirs, leurs pensées, la Walkyrie avait surpris par sa sagesse. Rien que le récit, dans des ambiances assez bien construites (les Dieux dans un Walhalla conçu comme un fronton de temple par exemple), et quelques éléments qui avaient laissé perplexes le public (la Walkyrie endormie sous une masse de lampes à infrarouge, comme une sorte de couveuse), mais qui néanmoins garantissaient le spectaculaire,  sans prendre bien soin du théâtre et de la direction d’acteurs, laissant la tragédie aux mains des chanteurs: quand c’est Waltraud Meier, ça va, pour d’autres, c’est plus délicat.
Siegfried exige un vrai suivi des chanteurs-acteurs et cette fois Cassiers a manifestement plus travaillé le jeu des chanteurs notamment au premier et au dernier acte.
On commence à mieux comprendre les intentions du parcours complet: comme je l’ai dit, Cassiers veut créer les conditions modernes d’une représentation stricte de ce récit, en créant surtout un espace nouveau, une esthétique, bref insérer l’histoire dans une ambiance et un décor où les lumières, la vidéo, les matériaux utilisés créent un univers particulier et cohérent. Ce spectacle est d’abord un incontestable univers.

©Marco Brescia et Rudy Amisano

Le premier acte se déroule dans un univers métallique, et la forge est enserrée entre deux piliers faits d’un enchevêtrement d’épées, qui font penser à de la limaille de fer, qui sont toutes les épées forgées par Mime et qu’il a jetées: joli moyen de rappeler le pourquoi de la relation Mime-Siegfried, l’avantage de ces structures est qu’elles accrochent bien la lumière et qu’elle donnent quelquefois un côté mystérieux (notamment lors de l’arrivée du Wanderer). Le plateau où évolue les acteurs, sorte de grille métallique avec quelques cubes sur lesquels ils montent où ils s’assoient se soulève à l’oblique à l’arrivée du Wanderer, puis à la verticale: basculement des surfaces qui change les perspectives, notamment lors du chant de la forge où Siegfried est ainsi en haut et Mime en bas, cela permet aussi par le jeu de la vidéo du fond de scène (enchevêtrement d’objets métalliques apparemment, qui se transforme en formes végétales, à la fois mouvant, mais difficilement lisible sinon par projection fantasmatique du spectateur qui voit ce qu’il souhaite voir) et des écrans et donc donne l’impression d’un véritablement embrasement de tout l’espace lors de la scène de la forge.

Le Wanderer au deuxième acte (Juha Uusitalo)©Marco Brescia et Rudy Amisano

L’acte II dessine aussi un univers mystérieux, grâce à des arbres faits en une sorte de cotte de mailles , qui continue de marquer cet univers de froideur, mais des troncs qui accrochent merveilleusement lumières et ombres, ce qui rend ce décor l’un des plus suggestifs de ces dernières années. Fafner est une tache de lumière au fond, puis un drap mouvant, mu par des mimes qui vont aussitôt accompagner Siegfried dès que Fafner aura été assassiné.

 

©Marco Brescia et Rudy Amisano

Les mêmes qui entouraient Fafner entourent et protègent Siegfried de leurs épées, claire allusion à la prophétie de Siméon dans la légende de la vierge des sept douleurs: « Voici, cet enfant est destiné à amener la chute et le relèvement de plusieurs en Israël, et à devenir un signe qui provoquera la contradiction, et à toi-même une épée te transpercera l’âme, afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient dévoilées. » (Lc 2, 34-35).

Notre Dame des Sept Douleurs

Ce qui écrit en quelque sorte le destin de Siegfried. Ainsi les mimes dessinent autour de Siegfried des dessins avec leurs épées qui rappellent certaines représentations médiévales de la vierge.
Le troisième acte, fait apparaître Erda d’une manière très spectaculaire: le sol se soulève on perçoit les racines des plantes et sous une sorte de puits de tissu, enroulée au fond dort Erda qui apparaît sortie de son réveil. Erda est ainsi liée structurellement à la terre; voilà une très jolie image, très claire, et esthétiquement assez réussie.

Acte II (avec Stemme) ©Marco brescia et Rudy Amisano

Puis après la traversée des flammes (vidéo) qui s’éteignent, Siegfried découvre un rocher de Brünnhilde qui rappelle celui de la Walkyrie, mais couvert de cendres grises, ressemblant vaguement à une bougie fondue autour duquel les deux personnages jouent une sorte de cache-cache, l’un monte pendant que l’autre descend, tout un jeu d’évitement qui traduit les hésitations de Brünnhilde, dont les habits (bouclier, casque) se sont consumés et ne sont plus que des moignons de casque ou de bouclier. Là aussi, de belles idées, assez cohérentes avec l’histoire, et qui marquent bien la nature d’un duo qui marque de manière prémonitoire le malheur de Brünnhilde, avec un final où le couple se réunit debout sur le rocher, tout honte et toute peur bues.

Un spectacle cohérent, qui colle à l’histoire, tout en en éclairant le contexte, qui donne des indications psychologiques sur les personnages: le traitement de Brünnhilde, aidé en cela par une Irene Theorin qui maîtrise au plus haut point l’art de l’interprétation est original: il en fait un personnage qui fuit Siegfried, dès qu’elle comprend ce qu’elle est en train de perdre, un personnage hésitant, plutôt introverti qui a tout perdu de la vierge triomphante qu’elle était dans Die Walküre.

Le plateau réuni n’est pas forcément le meilleur qu’on puisse entendre aujourd’hui, mais aucun ne démérite: le Wanderer de Terje Stensvold, qui remplace Juha Uusitalo prévu à l’origine est un Wanderer vieilli, âgé, qui n’a plus l’énergie qu’il déployait précédemment, et le choix de ce chanteur de quasi 70 ans (né en 1943) donne aussi une cohérence forte à cette intention. Stensvold a effectivement une voix fatiguée, des aigus évidemment plus opaques, mais il garde un très beau timbre, et en bel engagement. La prestation d’ensemble impose le respect.
Le Mime de Peter Bronder est l’un des bons Mime du moment, avec un très bel engagement scénique, un jeu  sur la voix et l’expressivité intelligents et exemplaires, une présence scénique remarquable, son deuxième acte m’a particulièrement plu.
Le Fafner de Alexander Tsymbalyuk, qui interprétait la veille Sparafucile dans Rigoletto a nettement plus de relief cette fois, la voix porte, sonore, bien posée, jeune, et il impose un personnage très humain et fort. Joli moment qui prouve une fois de plus combien finalement il est plus facile de chanter Wagner que Verdi. La médiocrité chez Wagner peut passer, la musique reste puissante, l’orchestre aide. Chez Verdi, la médiocrité ne pardonne pas et l’orchestre seul sans la voix est une cathédrale dans un désert. Chez Wagner, l’orchestre s’il est bien dirigé sauve toujours la mise.
Le meilleur du plateau, c’est  Johannes Martin Kränzle dans Alberich: diction exemplaire, voix caverneuse et puissante, présence incontestable dans son jeu de cache-cache avec le Wanderer dans la forêt. Belle personnalité et vocale et scénique.
Quant au Siegfried de Lance Ryan, avec sa voix claire et juvénile, il n’a rien du Heldentenor traditionnel, dans ce rôle pour lequel on attend des voix plus larges et peut-être mieux assises. Mais malgré tout, il domine à peu près toutes les difficultés, en jouant avec la couleur, en donnant du caractère et de la ductilité à sa voix et aussi en dominant les moments épiques comme à peu près seul il est capable de le faire aujourd’hui. J’ai vu ses premiers Siegfried à Karlsruhe il y a une dizaine d’années, dans la mise en scène stimulante de Denis Krief. Il avait plus de puissance et de largeur, mais toujours ce timbre clair et juvénile. Depuis, il a enchaîné les Siegfried partout, ce qui n’est pas forcément recommandable pour la longueur d’une carrière et il a pour ce rôle, notamment dans Siegfried plus que dans Götterdämmerung, d’authentiques qualités et une vraie présence.
La Erda qu’Anna Larsson promène elle aussi dans de nombreux théâtres était ce soir plus réussie que d’autres fois, la voix sombre portait, la silhouette de la chanteuse, très grande, très belle, lui donnait grande allure et la mise en scène la valorisait.
Magnifique prestation de la jeune Rinnat Moriah dans l’oiseau, un peu trop en fond de scène:  ce qu’on entendait était vraiment réussi.
Reste Irene Theorin, Brünnhilde qui remplaçait ce soir là Nina Stemme. La qualité intrinsèque de sa voix est peut-être supérieure à celle de Theorin, qui de plus j’en ai l’impression, était en petite forme (aigus moins triomphants que d’habitude). Il reste que je ne pense pas que Nina Stemme ait un sens de la couleur et de l’interprétation qui atteigne ce sommet. Si les aigus (meurtriers) n’ont pas tous été bien négociés, elle m’a littéralement stupéfié par la manière dont le texte était dit, jamais en force, quelquefois même retenu, murmuré, et par son air “ailleurs” qui en faisait un personnage hésitant, chantant pour elle même, ne regardant Siegfried que par instants, le fuyant, et peu à peu se laissant aller au désir tout en le craignant visiblement. Du très grand art:  j’ai rarement vu plus de sens donné à un rôle et à un texte. Elle a été huée par l’imbécile de service qui n’a rien compris à sa manière d’aborder le personnage. Je pense pour ma part que le public n’y a pas perdu au change.

Quant à Daniel Barenboim, il a rendu méconnaissable l’orchestre de la Scala (sauf les cuivres toujours un peu en deçà)  notamment cordes et bois. Les cordes ont été retenues à l’extrême, notamment dans le prélude qui rappelle un peu le début de Rheingold, avec ce son grave qui monte du sol, et aussi au début du second acte, où les violons sont menés aux limites du son. Jamais il ne couvre les voix, même dans les grandes envolées orchestrales, et il a réservé aux auditeurs des moments sublimes, dont naturellement le réveil de Brünnhilde, à tirer des larmes. Il a été de bout en bout inspiré, tour à tour énergique, poétique, sensible, accompagnant les chanteurs, les suivant, imposant une couleur à un ensemble  d’une clarté remarquable. En bref  du grand Barenboim comme il sait l’être quand il veut: il a d’ailleurs remporté un véritable triomphe, et porté ce Siegfried à la fulgurance et au succès, une vingtaine de minutes d’applaudissements, public debout, Scala heureuse. Il a effacé le médiocre Siegfried précédent (1997), il a montré que Wagner à la Scala est de nouveau chez lui: Furtwängler y fit en 1951 un Ring resté légendaire, et Barenboim pouvait difficilement rendre plus bel hommage au maître qu’il admire tant.
Les jours se sont suivis, sans se ressembler. C’est ce dimanche qu’il fallait être à la Scala et pas la veille pour Verdi.
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TEATRO ALLA SCALA 2011-2012: RIGOLETTO de Giuseppe VERDI, le 17 novembre 2012 (Ms en scène Gilbert DEFLO; Dir.Mus Gustavo DUDAMEL)

La fête; ©Marco Brescia & Rudy Amisano

Week end à la Scala, un Verdi, Rigoletto le samedi 17 novembre, un Wagner, et pas forcément le plus simple, Siegfried, le 18 novembre. Conformément à la chronique de la Scala ces dernières années, que pensez-vous qu’il arriva? Siegfried est à retenir, Rigoletto à oublier. Une fois de plus, c’est le répertoire identitaire du théâtre qui fait problème.Et pourtant, le public se pressait ce samedi 17 novembre: un de ces rares soirs où il n’y avait  pas le moindre billet, où les “bagarini” revendeurs au marché noir était tous partis 30 minutes avant le lever de rideau, une de ces soirées où l’affluence extrême fait penser qu’on va assister à un événement. Un public largement international: beaucoup de touristes se réjouissent d’un Rigoletto à la Scala, Verdi chez lui.
Ce devait être une nouvelle production de Luc Bondy, pour finir, on a repris la production usée de Gilbert Deflo, 18 ans d’âge, mais au pupitre Gustavo Dudamel, une des jeunes stars actuelles de la baguette , et sur scène Vittorio Grigolo, le ténor italien du moment, dans le Duc, Elena Mosuc, qui promène dans le monde entier sa Gilda, et un jeune baryton qui commence une jolie carrière, George Gagnidze (qui alterne avec l’autre baryton verdien qui émerge Zeljko Lucic).
Et c’est une déception. Ce n’est pas scandaleux, pas de quoi siffler, mais pas de quoi applaudir:  de rapides applaudissements à la fin des actes, et un lourd silence pour le “Caro nome”,  à la fin sept minutes d’applaudissements forcés et tout le monde à la maison.
La malédiction de Monterone a frappé ce Rigoletto
La production évidemment n’aide pas. Gilbert Deflo n’est pas réputé pour être un metteur en scène inventif, mais plutôt un bon faiseur de spectacles. Comme Rigoletto est un titre qui attrape le public comme le miel les mouches, la direction de la Scala (Fontana-Muti) de l’époque avait pensé à une production fastueuse,  beaux décors monumentaux tout dorés de Ezio Frigerio et magnifiques costumes de Franca Squarciapino, une production à livrer en pâture aux flashes des japonais, couleur, or, monumentalité: la Scala de toujours quoi! Mais Deflo n’est pas Zeffirelli, capable de faire une Bohème qui dure depuis une cinquantaine d’années. 18 ans c’est déjà la limite et l’état du décor en dit long, par exemple des miroirs monumentaux en toc, tous scandaleusement froissés, sans que la direction technique n’y trouve à redire. Et du point de vue scénique, un lever de rideau sur une fête affligeante et ridicule (petit ballet à faire pleurer). Pour le reste: vide sidéral. Les chanteurs font plus ou moins ce qu’ils veulent et il n’y a pas de mise en scène sauf un tout petit effort au troisième acte, mais vraiment petit. Ce soir, le cerveau est en repos, total.
Musicalement,  jamais cela ne décolle, jamais on est ému, jamais un moment de tension sur le plateau. C’est passable.

Vittorio Grigolo ©Marco Brescia & Rudy Amisano

Vittorio Grigolo dans le Duc nous prouve qu’il est un ténor: il en a tous les tics traditionnels, y compris celui de saluer le public en levant les bras en signe de triomphe, de s’agenouiller pour recueillir et provoquer les applaudissements. Sur scène, il semble nous dire: ” hein? vous avez vu, hein, comme je chante bien!” Un vrai adolescent attardé. Sympathique au demeurant.
Et le chant? Incontestablement, un très beau timbre et une très belle couleur italienne lumineuse. Mais il n’était sans doute pas dans une bonne soirée: problème de style, de raffinement (le Duc n’est certes pas un personnage psychologiquement complexe, mais c’est quand même un Prince ), le volume est correct mais l’extension à l’aigu plutôt insuffisante; il m’est apparu court et ses airs très acceptables sans plus, pas de quoi  se dire en tous cas “voilà le grand ténor du jour!”. Succès ordinaire.

Salut de George Gagnidze et Elena Mosuc

George Gagnidze est un Rigoletto au chant plutôt stylé, mais au volume très nettement insuffisant, à la personnalité vocale très pâle, sans aucune extension à l’aigu, sans projection, avec la conséquence qu’on ne l’entend pas dans les ensembles. On ne l’entend que lorsque l’orchestre ne joue pas ou joue bas…La voix est  engorgée, et il n’a rien vocalement d’un Rigoletto, même s’il sait être émouvant au dernier acte. Pour moi, il s’agit d’une erreur de casting.

Elena Mosuc ©Marco Brescia & Rudy Amisano

Elena Mosuc est une artiste très appliquée, très sérieuse, qui affronte la difficulté, qui sait chanter avec style et qui existe vocalement. Sa Gilda n’est pas exceptionnelle, mais au moins, elle ne triche pas, et même si elle se déjoue des quelques difficultés par quelques artifices, ce n’est jamais hors de propos. Elle chante Gilda un peu dans tous les théâtres et reste l’une des soprano colorature réclamées (c’est aussi une Zerbinetta très demandée). Une prestation très honorable, même si le jeu reste un peu élémentaire.
Dans une distribution où il n’a même pas été possible de trouver une Giovanna italienne, Maddalena (Ketevan Kemolidze) semble avoir un joli timbre . Je dis “semble” parce qu’on ne l’entend pas: elle est vocalement inexistante. Quant à Alexander Tsymbalyuk, basse ukrainienne très jeune et valeureuse, il chante un Sparafucile en place, et au moins on l’entend. Il a cependant été bien meilleur le lendemain dans Fafner.
On le voit, pas de quoi frémir de plaisir. Aucun des chanteurs de la distribution n’est franchement insuffisant (Rigoletto/Gagnidze cependant accuse des faiblesses sérieuses), mais rien que des prestations au maximum honnêtes, avec un bon point pour Elena Mosuc et un doute pour Vittorio Grigolo qui, malgré la gloire naissante, a encore bien des choses à prouver. Sa “Donna è mobile” passe la rampe, mais est loin d’être un modèle du genre.
Le chœur de la Scala, comme d’habitude dans ce répertoire, mérite des louanges, et l’orchestre aussi, mené d’une main très ferme, trop ferme peut-être par Gustavo Dudamel. C’est très précis, très net, cela sonne bien, il y a du rythme, de la tension (des crescendos magnifiques). Bref, tout ce qui est conduite de l’orchestre est vraiment très solide.
Le problème, c’est qu’il en va autrement du suivi des chanteurs et de la conduite du plateau. Dudamel est beaucoup plus soucieux de l’effet d’orchestre que du plateau. Il en résulte l’impression que le chef n’entend pas vraiment les chanteurs, il les couvre, il ne prête pas attention aux voix plus en difficulté pour les soutenir, l’impression est que les chanteurs sont un peu laissés à leur chant, sans construire une véritable homogénéité scène/fosse, ou même simplement de plateau. L’impression musicale est donc assez contrastée: Gustavo Dudamel, lancé par Rattle, Abbado et Barenboim (présent en proscenium et qui lui faisait des “singeries” amicales ) construit essentiellement sa carrière au concert et n’est apparu en fosse qu’à Berlin et Milan. Il n’a pas une expérience lyrique énorme et cela se sent et dans les conditions de ce Rigoletto, cela pèse.
Au total, une déception, et l’amertume que cela tombe encore (on dirait encore et toujours) sur Verdi: la saison 2012-2013, avec ses nombreux Verdi, commence à susciter des doutes, d’autant que commence la valse des changements de distribution, traditionnels quand la Scala hésite, qui sont très commentés par ceux qui sont à l’affût du prochain scandale. Ce week end, c’est Wagner qui a gagné…
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MC2 GRENOBLE 2012-2013: Yuri TEMIRKANOV DIRIGE L’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE SAINT PETERSBOURG le 14 NOVEMBRE 2012 (PROKOFIEV-CHOSTAKOVITCH)

Prokofiev:
Symphonie n°1 en ré majeur “classique”op.27
Roméo et Juliette, extraits des suites d’orchestre n°1 et n°2 op 64 a et b
Chostakovitch:
Symphonie n°5 en ré mineur op.47

Il y a dans l’art ce merveilleux de la permanence: au-delà des clivages, au delà des vicissitudes politiques, au-delà des drames de l’histoire, l’art et ses serviteurs sont au rendez-vous. Voir le Philharmonique de Saint-Petersbourg (que j’ai connu comme Philharmonique de Leningrad dans mon jeune temps) et Yuri Temirkanov, c’est évidemment toucher cette permanence, cette tradition de 130 ans (ils ont été fondés en 1882) qui défie les circonstances et les contingences. Tels ils sont, tels ils étaient:  extraordinaires.
Ce soir ils donnaient un programme fait de deux compositeurs qui ont joué à cache cache avec le pouvoir stalinien, Prokofiev, qui était dedans-dehors, et Chostakovitch, qui vivait dedans et composait trop souvent “en dehors”, en dehors de la ligne, en dehors des schémas, des classicismes, des conformismes. Lui aussi donc, un dedans-dehors, peut-être plus radical que Prokofiev. L’orchestre donnait un programme d’ œuvres qu’il a créées, pour une grande part, la Symphonie Classique de Prokofiev en 1918, et la Symphonie n°5 de Chostakovitch en 1937, ainsi que la suite d’orchestre de Roméo et Juliette n°2 là aussi en 1937. Ce qui nous été donné à voir ou à entendre, c’est le génome de l’orchestre, tout simplement.
Que cet orchestre impérial (fondé pour Alexandre III et sa cour) se retrouve un soir à Grenoble – c’est sans doute la première fois que se produit une phalange d’un tel prestige, est en soi exceptionnel, et il faut en remercier Michel Orier,  directeur de la création artistique au Ministère de la Culture et ex-directeur de la MC2; il reste à espérer que son successeur Jean-Paul Angot fasse de même.
Et il y a aussi Yuri Temirkanov, le successeur du mythique Mravinsky (50 ans à la tête de l’orchestre) depuis 1988. Temirkanov, qui étudie à Leningrad le violon et l’alto, le pur produit de l’école russe de direction d’orchestre, issu du conservatoire de Leningrad, qui commence à 27 ans une carrière qui l’amènera dans le monde entier. Succéder à Evguenyi Mravinski en URSS, en 1988,  c’était à peu près comme succéder à Karajan l’année suivante pour Abbado. Faire exister l’orchestre après l’irremplaçable: c’était le défi.  Et pourtant, autant le Philharmonique de Berlin change avec ses chefs, autant le Philharmonique de Saint Petersbourg, tel qu’en lui même enfin l’éternité le change, reste le même. Il est de ces orchestres immuables, tels qu’on les connaissaient avant la “mondialisation” de la musique classique. En occident, les orchestres sont aujourd’hui plurilingues, multinationaux par leurs membres, et on leur reproche d’aller quelquefois vers un son uniforme et sans âme, alors que Saint Petersbourg, c’est au contraire un orchestre vraiment national, un orchestre de racines, qui est incomparable, par le son, par le répertoire, par l’incroyable personnalité. Et pourtant, Yuri Temirkanov fait le modeste, avec son geste limité, et minuscule quelquefois:  il dirige, dirait-on, par signes plus que par gestes, faisant avec ses deux mains, sans baguette, des signes entendus, confirmés par quelque sourire en coin, il ne prend pas la musique à pleine mains, mais il a caresse, il la titille, il la déchaîne d’un minuscule geste: il y a des mouvements qu’on devine sans les voir tant les mains bougent et pas les bras. Temirkanov le “simple” qui réussit à obtenir de l’orchestre par ses seuls regards ou son sourire en coin, une précision métronomique dans les gestes et dans le son. Rarement j’ai vu des cordes au geste si précis qu’on a l’impression de la reproduction par dizaines du même mouvement, de la même amplitude, du même engagement, ce qui produit un son compact, plein, et un son authentiquement collectif: époustouflant. Et ce n’est pas mécanique, c’est  extraordinairement contrôlé, et en même temps joyeux; joyeux par les si nombreux sourires des musiciens entre eux, ou pour soi , joyeux et serein. De cette sérénité qui construit des montagnes. Ici ni de la part du chef, ni de ses musiciens, pas de gestes démonstratifs, pas de mouvements de l’orchestre comme des vagues ou une mer déchainée, non, le son explose du fond d’une machine impeccablement entretenue, huilée, d’une machine humaine toute dédiée à son œuvre, et à son chef. Une merveilleuse bête humaine.
Quand on entend les premières notes de la Symphonie classique, on comprend de suite le propos: Prokofiev voulait une œuvre qui fût à la fois un hommage au monde de la symphonie de Haydn, en privilégiant un orchestre calqué sur l’orchestre du XVIIIème, influencé par son maître Glière, grand admirateur de Haydn, mais avec un système référentiel du  XXème, y compris de l’école de Vienne. J’ai l’habitude du Prokofiev d’Abbado, énergique et élégant. Temirkanov propose un Prokofiev très raffiné, avec des sons d’une grande délicatesse, d’une très grande légèreté, y compris dans le premier mouvement si vital.
Le larghetto confirme largement cette option d’où émerge à la fois une délicatesse de salon, et une certaine tension. Magnifique dernier mouvement, tout en dynamique comme une course au son, qui reste néanmoins très dominé (ah, les flûtes!).
Les suites de Roméo et Juliette sont issues de ce premier grand ballet de l’ère soviétique, crée en Tchécoslovaquie en 1938, dont Prokofiev a tiré trois suites (la troisième est peu connue). Les extraits présentés sont dans le désordre,  mélangent Suite n°1 et 2 qui elles mêmes ne suivent pas l’ordre des scènes. Cela s’ouvre par Montaigus et Capulets, le moment le plus connu de la partition, qui pose à la fois les antagonismes, une certaine grandeur et aussi une certaine lourde violence, d’autres extraits font irrésistiblement penser à Pierre et le Loup, et l’orchestre sait contrôler le volume, et les rythmes souvent légers et dansants et syncopés. J’ai beaucoup aimé la tendresse, la douceur, et la jovialité de “Juliette jeune fille” et surtout la suavité avec laquelle le chef emmène l’orchestre, ainsi que “Masques” avec son côté mystérieux et aussi ironique. Bref, variété, couleur, acrobatie sonore et virtuosité ont émaillé cette première partie dédiée à Prokofiev, mais ce qui frappe, c’est la capacité de Temirkanov à obtenir de l’orchestre une incroyable palette de couleurs, lourdeur et légèreté, délicatesse et brutalité, tout cela se tisse dans un feu musical intense. Merveille
Chostakovitch a composé sa Symphonie n°5, on le sait, “comme la réponse d’un compositeur à de justes critiques” après l’accueil terrible de Staline à sa Lady Macbeth du district de Mtzensk qui avait signé la disgrâce du compositeur,: il se voyait déjà arrêté. Il compose donc une symphonie d’une facture très classique, d’une longueur habituelle (40 minutes) en quatre mouvements (moderato, allegretto, presto, allegro  non troppo). En fait Chostakovitch veut à la fois se montrer docile et faire comprendre à qui veut l’entendre qui ne l’est pas tant. Son final très optimiste fait contraste avec la majeure partie d’une symphonie plutôt douloureuse et recueillie. Mais ce qui m’a frappé, c’est qu’on entend Mahler partout, Mahler et donc partout une douleur structurelle . Le largo (troisième mouvement) entièrement joué sur les cordes et le hautbois est particulièrement emblématique, et comme les cordes du Philharmonique de Saint-Petersbourg sont prodigieuses, sublimes, il en résulte une forte tension et une infinie tristesse, on navigue sur une vague d’émotion intense. Et le dernier mouvement n’en paraît que plus banal, écrit pour rattraper l’opéra maudit: ” les transports de joie ont été obtenus par des menaces” , Chostakovitch insistera bien sur l’artifice de ce final, là aussi très mahlérien, mais c’est un Mahler surjoué. Il n’est que de voir l’hystérie collective qui saisit les cordes dans le crescendo final avec leurs mouvements rapides, saccadés, tous ensemble, en une sorte de danse presque macabre, rien moins qu’optimiste. Non Chostakovitch ne positive pas, il prend la pose, la posture de la joie, mais il reste en retrait.
Enorme succès, bis extraordinaire de tension et de technicité (sons mourants à se damner) et en sortant le regret que ce passage à Grenoble se limite à un soir. Il est vrai que ce n’était pas plein, qu’il y avait des rangées vides, à cause du prix exceptionnel pour Grenoble (76 €) et évidemment les absents avaient tort, grand tort parce que le paradis n’a pas de prix.

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NOTES DE BAS DE PAGE: BARENBOIM, ISRAEL, WAGNER (suite à l’émission d’ARTE)

L’émission d’ARTE sur Wagner m’a tenu tard éveillé, et j’ai eu envie d’écrire quelques mots, tant cette affaire me touche au plus profond.
Daniel Barenboim est un artiste discuté. L’un n’aime pas le pianiste, l’autre n’aime pas le chef, le troisième n’aime pas le personnage, un peu démonstratif, exubérant, incontestablement  homme de pouvoir. mais on ne peut lui nier ni l’intelligence, ni la clairvoyance, ni le courage et ni l’humanité.
Il faut en effet lui reconnaître du courage, d’être allé directement affronter en Israël un tabou puissant, celui de la relation de Wagner aux juifs et celui de l’interdit qui y pèse sur Wagner : que lui, le juif, fasse jouer Wagner en Israël par un orchestre allemand, et provoque une discussion passionnée dans la salle pour savoir si on va jouer ou non le “Prélude et mort d’Isolde” est  symbolique et puissant.
Bien sûr, plus symbolique encore ses positions bien connues sur le conflit israélo-palestinien (et l’actualité brûlante nous le rappelle encore), qui l’ont conduit à créer son West-Eastern Diwan Orchestra, idée aussi géniale que celle du Sistema vénézuélien, et qui pose la pratique musicale comme un élément plus fort que les différences politiques ou les différences sociales, comme un élément fédérateur, comme un moyen extraordinaire d’écouter l’autre , tout en en étant aussi dépendant, dans une union, que Claudio Abbado appelle  zusammenmusizieren.
Dans l’expérience de Barenboim, c’est évidemment d’abord le “zusammen”(ensemble) qui pose le symbolique et le “musizieren” qui transforme ce “zusammen” en quotidien. Dans la peste que constitue le conflit israélo-palestinien et la situation inextricable qui en est le résultat,et qui finira évidemment dans le drame à moins qu’un jour un homme politique courageux (cela devient aujourd’hui un oxymore) n’aille au-delà et contre les positions arrêtées qui sont un des cancers de notre monde d’aujourd’hui, Daniel Barenboim, un artiste, un être complètement ouvert, multiple, par sa vie, par ses cultures, par ses origines essaie depuis des années, de sa place d’artiste et de musicien a fait un acte juste. Chapeau.
J’ai un soir à la Scala entendu je crois en 2005 le West Eastern Diwan Orchestra dans “Prélude et mort d’Isolde”, l’exécution en elle même n’était pas l’exécution musicale du siècle, mais elle était, oh oui la plus intense, la plus forte, la plus engagée que j’aie jamais entendue. Il fallait voir ces jeunes se donner, se donner oui au plus sublime chant d’amour inventé par un compositeur. Et l’émotion du public était palpable.
Un chant d’amour pour la musique, et surtout pour le futur, voilà pourquoi j’admire et je respecte Daniel Barenboim.
Quant à Wagner et le judaïsme, si on peut comprendre celui qui a vécu dans sa chair la barbarie, et si on peut comprendre que la manière dont les nazis ont investi (un certain) Wagner (les nazis n’aimaient pas trop Parsifal! ) confortés par son antisémitisme puisse rebuter bien des israéliens, il faut toujours évidemment séparer l’œuvre de l’homme: on le fait pour Céline, naturellement en France, mais on pourrait aussi le faire pour Racine, le plus détestable des hommes (dans “Plaintes d’un chrétien “je ne fais pas le bien que j’aime et je fais le mal que je hais”) et pour bien d’autres. Wagner n’est ni responsable de la barbarie ni associable à la barbarie. Les grands chefs juifs du XXème siècle, Walter, Solti, Bernstein, naguère et aujourd’hui encore Barenboim et Levine, sans parler au XIXème du créateur de Parsifal, Hermann Levi furent et sont encore des wagnériens de référence et on se fatiguerait à voir défiler les théories de chanteurs juifs qui ont défendu Wagner sur les scènes. Défendre Wagner dans la fosse et sur la scène, ce n’est pas et ne sera jamais défendre l’homme.
Enfin, si ces débats  et la réflexion de Barenboim vous intéressent, je vous renvoie à son beau livre, rédigé avec Edward Saïd, Parallèles et Paradoxes. Explorations musicales et politiques. Entretiens. Le Serpent à Plumes, Paris, 2003. 240 pages.

GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE 2012-2013 : SAMSON ET DALILA de Camille SAINT-SAËNS le 13 NOVEMBRE 2012 (Dir.Mus : Michel PLASSON ; Ms en scène : Patrick KINMONTH)

Samson, Dalila, serviteur ©GTG/Yunus Durukan

Pour réussir Samson et Dalila, il faut d’abord un Samson: des chanteuses qui ont Dalila au répertoire, il y en a; des vraies Dalila, c’est plus rare…Rares aussi les productions assez récentes de ce pilier (c’est le cas de le dire vu  l’histoire…) du répertoire français; dans mon cas il y a vingt ans que je n’en ai pas vu. Dernière production (Götz Friedrich, pas mal) à Vienne, avec Agnès Baltsa, Placido Domingo, Alain Fondary et Georges Prêtre dans la fosse…C’est un grand souvenir avec un Domingo exemplaire et bouleversant, et une Baltsa impériale (vous excuserez mon parti pris, j’ai toujours tout pardonné à Agnès Baltsa et sa Dalila n’était pas toujours “stable” vocalement, mais quelle artiste, et quelle présence )  Paris jadis nous a gratifiés d’une production raisonnablement kitsch de Piero Faggioni et de quelques Samson (Guy Chauvet, Gilbert Py) avec des Dalila comme Fiorenza Cossotto (qui n’a jamais, malgré sa voix phénoménale, jamais été une Dalila) et Francine Arrauzau, et des grands prêtres comme Robert Massard. On retiendra la reprise de 1978 avec Viorica Cortez, Jon Vickers, Ernest Blanc sous la direction de Georges Prêtre. ce fut mémorable, avec un Vickers exceptionnel que j’entends encore, c’est lui qui est à jamais imprimé dans ma mémoire, et notamment l’air de la meule, à tirer les larmes.
Je gage que dès que Jonas Kaufmann s’attaquera au rôle (qui lui ira comme un gant) et que sa Dalila aura pour nom Elina  Garanca avec un grand prêtre qui pourrait être Ludovic Tézier, alors on aura des productions qui fleuriront.
Le Grand Théâtre de Genève a anticipé, pour cette reprise d’un opéra qui devait être au départ un oratorio à la Haendel et qui est devenu emblématique du répertoire français (il a pourtant été créé en allemand à Weimar) et considéré aujourd’hui comme un peu suranné. Genève s’y attaque en s’entourant de garanties musicales imparables sur le papier en s’assurant la présence de Michel Plasson au pupitre et celle d’Alexandrs Antonenko, la voix lettone qu’on s’arrache pour les rôles de ténor “spinto”, comme Otello ou Hermann, ainsi que l’excellent Alain Vernhes dans le rôle du Grand Prêtre. Et Dalila, c’est une mezzo polonaise qui fait une carrière très respectable, Malgorzata Walewska.
Pour la mise en scène, c’est Patrick Kinmonth qui a été appelé: la production (décors et  costumes de Patrick Kinmonth et Darko Petrovic, dans des éclairages du grand Manfred Voss qui fut le magicien des éclairages à Bayreuth de 1976 à 2003) ira ensuite à la Deutsche Oper de Berlin.
Au total, une déception. Déception en ce qui concerne le propos de la mise en scène, déception en ce qui concerne la direction musicale, déception en ce qui concerne le chant.
Si le spectacle est honorable, esthétiquement très soigné, il ne laissera pas de grandes traces dans les mémoires.
J’attendais beaucoup de la direction de Michel Plasson qui dirige en général magnifiquement le répertoire français. On retrouve une extrême élégance, une manière d’aller chercher le son dans les moindres pupitres, de le mettre en valeur (notamment la petite harmonie) de révéler aussi des phrases musicales qu’on n’avait pas notées, et surtout une légèreté et une délicatesse  auxquelles on n’est pas toujours habitué dans cette œuvre. Tous ces aspects très positifs se heurtent néanmoins à un manque de dynamique et d’énergie qui pèse particulièrement dans le premier acte, qui n’arrive jamais à décoller, et à certains moments du deuxième acte, malgré une direction exemplaire du duo et du fameux air

©GTG/Yunus Durukan

“Mon coeur s’ouvre à ta voix”. On note d’ailleurs combien la dramaturgie wagnérienne et le schéma dramaturgique de l’acte II de Tristan est “derrière les yeux” de Saint-Saëns, un duo d’amour ici évidemment pipé, mais le souvenir est là. Souvenir aussi de Lohengrin: le duo qui devrait être d’amour et qui est trahison, la question du secret qui taraude, c’est aussi là un schéma auquel on peut penser, le  prêtre païen de Dagon n’étant alors qu’une sorte de version masculine de la païenne Ortrud…et puis Lohengrin comme Samson ont été créés à Weimar. Vous allez vous dire que je suis pris d’un délire wagnérien…mais je suis sûr qu’il y a quelque chose de voisin dans la dramaturgie, l’image du sauveur, l’intervention finale etc…bon, voilà une méditation pour les longues soirées d’hiver…
C’est au troisième acte et notamment à partir de la Bacchanale que tout cela s’est réveillé, ce n’est pourtant pas le meilleur moment de la partition, et j’ai toujours souri au ridicule “Dagon se réveille” de la scène finale. D’ailleurs,  la musique réservée aux Philistins est sans doute volontairement dans l’ensemble de l’opéra, plus vulgaire. il reste que mise en scène et direction semblent à ce moment trouver un discours qui concerne un peu plus le spectateur que le reste, même si le chœur (un peu trop réduit en nombre pour mon goût) est excellent comme toujours à Genève grâce à Ching-Lien Wu.

Le plateau était intéressant sur le papier: il résiste mal à l’audition.

©GTG/Yunus Durukan

D’abord pour Alain Vernhes (le grand prêtre), c’est hélas tard. La voix n’a plus ni la puissance ni la stabilité pour affronter un rôle tendu d’un bout à l’autre et dès son entrée, elle ne suit pas à l’aigu, en volume, en couleur et c’est d’autant plus dommage que  le registre central est encore très beau, et surtout que la diction est un modèle:  le sens et le poids donné aux mots ( d’un livret assez minable il faut bien le dire de Ferdinand Lemaire) est exemplaire et  la manière d’articuler la parole donne à sa présence un relief évident. D’autant plus évident que la diction des deux autres (et surtout de Malgorzata Walewska) est loin d’être exemplaire, certes, on comprend bien Alexandrs Antonenko, mais lui comprend-il ce qu’il chante? C’est bien là un des problèmes: le chant ne pose à Antonenko ne pose aucun problème, la voix est énorme, la technique sans failles, mais cela laisse froid et reste totalement inexpressif, malgré un jeu un peu outré qui deviennt artificiel et comme une pièce rapportée dans l’air de la meule pourtant assez bien chanté.La Dalila de Malgorzata Walewska souffre du même problème, mais en plus son chant est souvent engorgé, la voix manque de projection, sauf à de rares moments où elle sort vraiment; pourtant, la qualité de la pâte vocale est là, assez belle, veloutée, avec de jolies modulations, mais elle ne saisit pas l’auditeur . Une Dalila doit prendre l’auditeur, par son énergie intérieure, par sa palpitation y compris érotique: il n’y avait rien de tout cela dans ce chant. L’émotion, il faut la trouver chez les deux petits rôles, l’Abimelech à la voix chaude et au joli timbre de Jean Teitgen et le vieillard hébreu très émouvant de Brian Bannatyne-Scott. C’est peu comme bilan.
Quant à la mise en scène, elle est peut être aussi un peu responsable de cet immobilisme général.

Le cimetière de Saint Privat le 18 mai 1870 (Alphonse Marie de Neuville, 1881)                             Musée d’Orsay, Paris

Patrick Kinmonth, inspiré par le tableau “Le cimetière de Saint Privat le 18 mai 1870”, d’Alphonse-Marie de Neuville (1881), implante l’action dans la France défaite de 1871 et sous la botte prussienne. Cela pouvait être une idée, mais comme souvent dans les transpositions hasardeuses, elle ne mène à rien et permet un mille-feuilles de détails plus ou moins inutiles. D’abord, quel sens à mettre les prussiens dans l’affaire, quand Saint-Saëns en 1877, donc quand les plaies sont encore vives, fait créer son opéra au cœur de l’Allemagne, à Weimar, l’une des grandes capitales de l’identité culturelle germanique, la ville de Goethe et de Schiller…De plus, construire un(joli) décor composé de deux quais de gare et de wagons à bestiaux, renvoie aux camps de concentration et superpose une image à l’autre sans vraiment faire sens. Faire d’un wagon aménagé la maison de Samson dans laquelle on le voit dans un lit avec Dalila, puis au dernier acte une sorte de loge de théâtre est assez joli par les éclairages et par l’image, mais fait-il là aussi sens?

©GTG/Yunus Durukan

Le premier acte est une longue cérémonie funèbre où le chœur “Voici le printemps nous portant des fleurs” et la danse des prêtresses de Dagon devient un repas de deuil autour des cercueils de victimes de la guerre, et Dalila chante “Printemps qui commence” en grand deuil.
La lande désolée du deuxième acte (où le wagon est devenu une draisine abandonnée) l’arrivée sur un cheval du grand prêtre de Dagon ajoutent-t-elle quelque chose? Pas vraiment non plus. Seule la lune rouge du duo (quel symbole!) fait là un très bel effet(voir plus haut la photo)
Reste le troisième acte: pas de meule mais un rideau blanc sorte d’image d’une fatalité virtuellement écrasante, devant lequel se roule Samson, et la Bacchanale est une représentation de ballet (pas mal, le ballet) à l’opéra (Rideau de Garnier en projection: Garnier avait deux ans à la création de Samson et Dalila à Weimar et ne reçut Samson qu’en 1892…) que le public chic du XIXème regarde, avec au centre le Grand Prêtre et Dalila assis dans le fameux wagon transformée en loge capitonnée.
Patrick Kinmonth ajoute aussi deux personnages muets, sorte de version “jeune” du couple, une dame de compagnie pour Dalila, qui est avec elle dès le deuxième acte, sorte de Brangäne muette, auquel fait pendant un jeune serviteur de Samson, qu’on retrouve au service des philistins quand Samson est aveugle (il repousse d’ailleurs Samson violemment au lieu de “guider ses pas vers le milieu du temple”) et qui lutine la petite “Brangäne”…
Seule idée intéressante, mais mal identifiable, confusément réglée, c’est d’abord la volonté bien arrêtée du Prêtre de Dagon de succéder à Samson dans le lit de Dalila, le refus net de celle-ci qui quitte la loge et se lève (bientôt remplacée par la petite servante qui quant à elle ferait volontiers son ordinaire du jeune serviteur et son extraordinaire du vieux prêtre). Dalila  réapparait bientôt dans la foule, une bouteille à la main, la robe défaite, ivre, sans doute dévorée par le remords – c’est du moins ce qu’on suppose.
Belle image finale du grill des projecteurs et de l’éclairage triangulaire violent qui tombe sur la foule et écrase le plateau qui s’enfonce.
Beaucoup d’idées,  beaucoup de détails, beaucoup de petits détails, pas beaucoup de cohérence, pas de ligne, pas de direction: une seule ligne vraiment marquée, des tableaux très bien éclairés, très bien mis en espace, des images très élégantes, très frappantes un soin esthétique ou esthétisant apporté à la forme du spectacle. De la forme, peu de substance, les italiens disent “molto fumo, poco arrosto”.
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Scène finale ©GTG/Yunus Durukan

 

LA SCALA APRÈS LISSNER: LES DÉBATS COMMENCENT…

C’était à prévoir, l’annonce du départ de Stéphane Lissner de la Scala a commencé à produire de l’agitation dans le Landerneau milanais. Articles de presse, polémiques dans les blogs lyriques, on jette quelques noms en pâture, et quelques uns jettent Lissner avec l’eau du bain.

Stéphane Lissner

Ils reprochent par exemple à Lissner d’avoir les dernières années plus pensé à sa carrière qu’à sa programmation. C’est un peu court, d’autant que Stéphane Lissner est arrivé à la Scala à carrière faite: c’était un pari vu l’état du théâtre à l’époque (grève, orchestre et choeur ayant voté pour le retrait de Riccardo Muti et de Carlo Fontana etc…), mais Lissner était déjà un personnage assis, reconnu et on parlait (déjà) de lui pour succéder à Gérard Mortier à l’Opéra de Paris….il succèdera en fait au successeur de Mortier, justement parce qu’il occupait la Scala. Je l’ai souvent écrit, Lissner est un manager d’une grande intelligence qui a un très gros réseaux d’artistes, au premier rang desquels Barenboim: il les a mobilisés, et cela a fonctionné.
Lissner a eu plusieurs mérites:
– redonner confiance aux masses artistiques du théâtre, très secouées par les dernières années Muti. Le théâtre sortait de 18 ans d’un règne qui a eu des mérites musicaux, certes, mais peu de mérites scéniques: peu de spectacles ont émergé de cette époque et les dernières années furent d’une médiocrité totale et plutôt routinière. Bref, et public et masses artistiques n’en pouvaient plus. C’est d’ailleurs amusant de lire que Carlo Fontana lui-même, le prédecesseur de Lissner, fait la leçon pour l’après Lissner!
– appeler des chefs  variés, et beaucoup de jeunes: Daniel Harding, Gustavo Dudamel, Robin Ticciati, Daniele Rustioni, Andrea Battistoni, Gianandrea Noseda pour les jeunes, John Eliot Gardiner, Daniele Gatti, Riccardo Chailly (qui avaient peu dirigé à la Scala), Fabio Luisi. Il a fait aussi revenir Zubin Mehta et bien sûr Daniel Barenboim.
– proposer des mises en scène plus actuelles en appelant des metteurs en scènes affichés partout sauf en Italie après une période (celle de Muti) où les spectacles étaient la plupart affligeants de conformisme: la tradition au pire sens du terme. Il a ainsi fait revenir Chéreau (Tristan und Isolde), mais aussi affiché Robert Carsen, Richard Jones, La Fura dels Baus, Claus Guth, Peter Mussbach, Peter Stein, Federico Tiezzi: tout n’a pas été une réussite, mais tout de même, on a vu à la Scala enfin des spectacles d’aujourd’hui, de valence européenne.
– enfin, grâce à Barenboim, il a reconstruit un répertoire wagnérien, et surtout proposé un Ring, dans une production bien distribuée, et bien dirigée  (malgré les critiques, souvent injustifiées) de l’un des metteurs en scène les plus recherchés aujourd’hui, Guy Cassiers, après le Ring (scéniquement) catastrophique de Riccardo Muti dans les années 90.
Quoi qu’on dise, c’est un vrai bilan.
Mais voilà, je le répète toujours, la Scala est le plus grand théâtre de province du monde: c’est le lieu où l’on retrouve souvent les mêmes têtes, c’est un public dont la majorité est dans un rayon de 2km autour du théâtre, c’est un public plutôt conservateur, et très peu cultivé en matière de spectacle vivant: que de découvertes en ces dernières années d’œuvres peu ou pas entendues à Milan, de metteurs en scènes inconnus, de chefs jamais venus. C’est que le paysage musical et théâtral de l’Italie est dévasté. Le berlusconisme est passé par là, bien sûr, qui se moquait éperdument de mener une politique pour le spectacle vivant, mais le gouvernement Monti avec ses restrictions budgétaires n’est pas beaucoup mieux. Les grandes troupes que l’ Europe s’arrache (Romeo Castellucci/Pippo Delbono) ont eu du mal à s’imposer en Italie, et il y a peu de metteurs en scène italiens exportables ou exportés qui ne soient pas octogénaires (Pier Luigi Pizzi, Franco Zeffirelli, Luca Ronconi), le seul jeune metteur en scène récent qu’on commence à s’arracher partout, c’est Damiano Michieletto, c’est quand même peu.
En appelant Barenboim comme directeur musical, il consacrait la Scala comme théâtre international tourné vers l’Europe du nord, car Barenboim est tout sauf un spécialiste de répertoire italien, et c’est là que le bât blesse. Car il y a un gros manque dans le bilan Lissner, c’est qu’il n’a pas vraiment réussi à faire de la Scala un fer de lance en matière de chant italien, ce qu’elle a toujours été traditionnellement (mais Muti et Fontana n’y ont pas réussi non plus!) : on a plus de chance d’y voir un beau Janacek ou un beau Britten qu’un grand Verdi. Et à ce que je sais le Rigoletto qui clôt cette saison, dirigé par Gustavo Dudamel dans la mise en scène plan plan de Gilbert Deflo a eu une première très houleuse il y a quelques jours.
Lissner a sans doute considéré que la priorité était ailleurs, outre qu’il n’y a pas suffisamment de chanteurs spécialistes du répertoire italien et surtout verdien pour pouvoir construire une saison italienne digne. D’autant que la presse conservatrice tire sur lui à boulets rouges (mais ne nous affolons pas, elle tirait aussi très violemment et souvent stupidement sur Paolo Grassi et Claudio Abbado) ou les “puristes” comme ceux du blog Il corriere della Grisi, font savoir bruyamment leur désaccord en huant régulièrement et ont une tendance fâcheuse à la critique universelle sans vraiment démontrer un sens de la nuance;  mais leurs remarques ne sont pas fausses, et leurs analyses sont bien ciblées et malheureusement souvent justifiées. Mais leur attitude agressive fait qu’il se diffuse aujourd’hui (comme au temps de Carlo Fontana d’ailleurs) l’idée que le public du Loggione (le poulailler) est un public inéduqué, hueur, au comportement sauvage, alors que s’il y a un public compétent à la Scala, il est aux première et seconde galeries. Et ce public, il faut le reconnaître, est tout de même frustré de l’absence d’une vraie politique en matière de répertoire et de chant italiens. Il est de bon ton à l’opéra, qui a toujours été un lieu de batailles, de jouer le consensus mou et d’accepter de bon gré la médiocrité: vu le prix des places on ne va pas mégoter! Le public du “Loggione” de la Scala est encore un public  qui n’accepte ni consensus mou, ni qu’on lui fasse prendre des vessies pour des lanternes, et c’est heureux. L’équilibre reste à trouver entre une programmation de théâtre international européen et théâtre emblématique du chant italien (débat qui n’est pas nouveau, déjà aux temps d’Abbado!): on ne compte plus les échecs de Lissner à ce niveau (Aida, Don Carlo par exemple) et les reprises finies dans les huées (comme Tosca l’an dernier). Le successeur devra sûrement mettre en place une vraie politique dynamique pour chercher et former des chanteurs qui sortent  le chant italien et notamment verdien de sa médiocrité actuelle. La Scala ne peut se reposer sur le marché russe ou slave pour défendre son répertoire. Et les grandes distributions de chant italien en Europe sont pour la plupart non italiennes (voir les Don Carlo avec Harteros, Kaufmann sur les scènes l’an prochain, voir le répertoire italien à Salzbourg). Il y a par exemple fort à parier que La Traviata qui ouvrira avec Diana Damrau la saison 2013-2014 finira dans le brouhaha. Je me demande comment les responsables de la Scala peuvent faire une telle erreur. Prenons date!

Carlo Fontana

Le départ de Lissner met en évidente difficulté ceux (la mairie de Milan, l’Etat, la Région, les partis…) qui vont devoir choisir un successeur. Jusqu’à Carlo Fontana, c’était l’apanage du parti socialiste, qui fourguait ses cadres. Lissner, venu d’ailleurs et premier manager étranger à la Scala (et l’un des premiers étrangers en Italie à diriger une grande institution) a changé la donne politique: aujourd’hui, on peut faire appel à un étranger, mais il faudrait alors un étranger qui connaisse bien la problématique spécifique de ce théâtre et qui accepte de s’y soumettre, car je ne vois personne actuellement qui ait, en Italie, les reins assez solides, et une connaissance suffisamment approfondie du marché international pour lui succéder. La médiocrité est telle (même à Rome, même à Florence, – Florence a souvent été l’antichambre de la Scala) que la tâche va être difficile.

Sergio Escobar

Parmi les noms qui circulent, il y a celui de Sergio Escobar, directeur du Piccolo Teatro, qui est milanais (un atout dans un monde aussi clochemerlesque), parce qu’il fut le directeur administratif de la Scala aux temps de Carlo-Maria Badini, un ex-socialiste, intelligent, mais sans aucun sens de l’artistique (on le voit dans la misère programmatique du Piccolo).

Le seul, qui pour moi pourrait au moins préparer une programmation digne, qui a une vision, une connaissance musicale approfondie, une connaissance du

Cesare Mazzonis

marché européen, un réseau et une grande intelligence, c’est Cesare Mazzonis, qui fut directeur artistique aux temps de Carlo Maria Badini (années 80!) , actuellement conseiller à l’orchestre de la RAI de Turin;  il a dépassé l’âge de la retraite, mais il pourrait être “conseiller spécial” auprès d’un surintendant lige. Et bien entendu je ne parle pas de l’autre question, très italienne, Surintendant/Directeur artistique, qui  multiplie le problème par deux car il n’y pas plus sur le marché italien de surintendants que de directeurs artistiques qui tiennent la route.
Stéphane Lissner avait exigé de cumuler les deux, alla francese.
Ainsi, en partant pour Paris avant le terme de son contrat en 2017 (il avait annoncé qu’il n’irait pas au-delà de 2015), il révèle un problème de succession qui est tout simplement l’indice de la grande misère des politiques culturelles publiques en Italie alors que la culture dans ce pays est un élément identitaire fort, et que l’opéra est l’art national: il ne faut jamais oublier que le symbole de la reconstruction du pays après la deuxième guerre mondiale fut la reconstruction de la Scala en peu de temps après les bombardements dont elle fut victime, et le concert de réouverture donné par Arturo Toscanini en 1946. La Scala est un théâtre étroitement lié à l’identité italienne. Les spectacles de Lissner ont été souvent une réussite qui risque d’être effacée par l’échec lourd sur le répertoire italien.  Bonne chance au successeur:  la Scala aujourd’hui est un vrai cadeau empoisonné.

SALZBURGER FESTSPIELE 2013: LE PROGRAMME EST SORTI – SANS TOUT A FAIT CONVAINCRE

Et voilà, le programme de Salzbourg 2013 est paru.
Vous pouvez le consulter sur le site du festival assez bien fait. Je vais essayer d’en tirer la substantifique moelle, et voir ce qui justifie le voyage et la dépense.

Alexander Pereira

On voit bien la ligne que veut imprimer Alexander Pereira, qui est assez proche de la politique qu’il menait à Zürich, et si l’on veut chercher la nouveauté ou l’originalité c’est plus du côté de l’offre théâtrale que de l’offre musicale qu’il faudrait chercher.
Du point de  vue musical, les concerts sont comme d’habitude un coffre aux merveilles, avec cette année une marque forte pour Mahler , et aussi au chef Gustavo Dudamel, qui apparaît plusieurs fois (trois concerts Mahler , la VIII , la VII, la III avec la  Simón Bolívar Symphony Orchestra of Venezuela), pour El Sistema  vénézuelien dont le fondateur José Antonio Abreu a pensé que l’orchestre était peut-être autant sinon plus que le foot capable d’instiller des valeurs morales et sociales fortes aux enfants des zones défavorisées. Le résultat, ce sont des centaines de milliers de jeunes impliqués dans des centaines d’orchestres au Venezuela. Les expériences qui sont tentées ailleurs sur ce modèle (par exemple à Moncton, Nouveau Brunswick, au Canada) montre l’incroyable prise que le travail d’orchestre a sur les jeunes qui apprennent le solfège en jouant l’instrument et le succès grandissant auprès des familles et des enfants. Outre la Simón Bolívar on entendra aussi (avec Sir Simon Rattle) la Orquesta Sinfónica Nacional Infantil de Venezuela et d’autres formations issues du Sistema comme le  Simón Bolívar String Quartet ou le Youth Orchestra of Caracas, le Venezuelan Brass Ensemble ou le Teresa Carreño Youth Orchestra of Venezuela dirigé par l’assistant d’Abbado, Diego Matheuz, devenu principal chef principal de la Fenice de Venise et du Melbourne Symphony Orchestra.
Notons l’ensemble des autres concerts Mahler, à commencer par  la Symphonie n°2 dirigée par Mariss Jansons avec le Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, les 3 et 4 août, le Symphonie n°6 par Michael Gielen et le SWR Sinfonieorchester Baden-Baden  und Freiburg, le 6 août,  le 12 août la Symphonie n°4 par le jeune Cornelius Meister, dont on dit beaucoup de bien et l’ORF Radio-Symphonieorchester Wien, la Symphonie n°5 dirigée par Zubin Mehta et les Wiener Philharmoniker  le 21 août, la symphonie n°9 dirigée par Riccardo Chailly et le Gewandhaus de Leipzig, le 31 août. Quant à la Symphonie n°1 (“Titan”), elle sera dirigée par Sir Simon Rattle à la tête de la Orquesta Sinfónica Nacional Infantil de Venezuela les 10 et 11 août.
Dans les concerts qui vont attirer du monde, un Requiem de Verdi dirigé par Riccardo Muti avec les Wiener Philarmoniker (Stoyanova, Garanca, Beczala, Belosselskyi) et un cycle Haydn bien attirant dirigé par Nikolaus Harnoncourt (Les Saisons, avec les Wiener Philharmoniker) les 27 et 28 juillet, La Création, avec le Concentus Musicus Wien le 19 juillet, et le Retour de Tobie, avec l’Orchestra La Scintilla der Oper Zürich le 19 août).
En dehors des orchestres cités, qui donnent aussi souvent un second programme d’autres phalanges  feront escale à Salzbourg, comme le NHK Symphony Orchestra (Charles Dutoit), le West-Eastern Divan Orchestra (Barenboim), les Berliner Philharmoniker (Sir Simon Rattle) et le GMJO-Gustav Mahler Jugendorchester (Philippe Jordan).
Dans les Liederabende, je retiens naturellement Christian Gerhaher dans Schumann le 8 août, Michael Schade dans Schubert le 24 août et Juan Diego Florez dans un programme tout italien (Donizetti Rossini Verdi) le 29 août.

En ce qui concerne les opéras,  l’abondance des anniversaires force à choisir entre des représentations scéniques et des représentations de concert et permet de faire quelques affaires en programmant plusieurs concerts d’un même opéra.
Comme Salzbourg est aussi la ville de Mozart, comment envisager une programmation sans Mozart: il y en aura deux en version scénique, à la Haus für Mozart
– le rare Lucio Silla, reprise de la production 2013 des Mozart Wochen, dirigée par Marc Minkowski avec les Musiciens du Louvre, dans une mise en scène de Marshall Pynkoski, avec Rolando Villazon, Olga Peretyatko, et Marianne Crebassa qui a eu tant de succès en 2012 dans Tamerlano.
– le plus fréquent Così fan tutte dirigé par Franz Welser-Möst, dans une mise en scène de Sven Eric Bechtholf, le directeur de la section théâtre, qui ne devrait pas trop écheveler le public, avec une distribution sans surprise (Luca Pisaroni, Gerard Finley), sauf la Dorabella de Marie-Claude Chappuis. Pereira aurait pu faire un effort…
Et deux opéras en version réduite à 70 minutes pour enfants
– Die Entführung aus dem Serail
– Die Zauberflöte
Deux opéras de Verdi sont présentés en version scénique, avec les Wiener Philharmoniker, un à la Haus für Mozart
Falstaff, direction Zubin Mehta, mise en scène Damiano Michieletto, avec Ambrogio Maestri, Fiorenza Cedolins (Alice), Elisabeth Kulman (Mrs Quickly) et Javier Camarena en Fenton. Une distribution assez classique et attendue avec une direction qui devrait être intéressante vu que Zubin Mehta est dans une belle période. Vaut d’abord pour la direction musicale.
Et un au Grosses Festspielhaus
Don Carlo, version en 5 actes et en italien,  direction Antonio Pappano, mise en scène Peter Stein avec Jonas Kaufmann, Anja Harteros, Matti Salminen, Thomas Hampson, Ekaterina Semenchuk. Une belle distribution, qui n’atteint pas pour moi les sommets de Londres et Munich. C’est le troisième grand Don Carlo de l’année, après Munich et Londres. et je crois qu’on aura intérêt à aller à Londres si on aime Pappano, et à Munich si on aime Mehta, car la distribution est la même à Londres et Munich (sauf Eboli, Sonia Ganassi à Munich et Christine Rice à Londres) et je ne pense pas que la mise en scène de Peter Stein, assez peu inspiré ces dernières années, nous apprenne quoi que ce soit, même si les Wiener Philharmoniker sont un plus dont on doit tenir compte.
Deux opéras de Verdi en version de concert pour compléter:
Giovanna d’Arco, à la fois intéressant parce que rare, et aussi parce que la pièce de Schiller sur laquelle le livret de Temistocle Solera s’appuie Die Jungfrau von Orléans, est programmée à la même période par le Festival au Landestheater dans une mise en scène de Michael Thalheimer avec la troupe du Deutsches Theater Berlin et avec Kathleen Morgeneyer dans le rôle de Johanna. L’opéra, dirigé par Paolo Carignani, sera joué trois fois, avec Anna Netrebko, Fabio Sartori et Placido Domingo et l’orchestre de la Radio de Munich (München Rundfunkorchester). Pereira a fait ses comptes: avec Domingo et Netrebko, inutile d’avoir un chef de prestige, le public viendra attiré comme les mouches sur le miel. Il a donc pris un chef très respectable de répertoire.
Nabucco, dirigé par Riccardo Muti et les complexes de l’Opéra de Rome (qui le présente dans la saison)  et avec Zeljko Lucic, Tatjana Serjan, et Dmitry Belosselskyi. Là le calcul est inverse et mise tout sur Riccardo Muti, vu que la distribution ne remuera pas les foules a priori. Je ne pense pas qu’on en apprendra beaucoup sur l’œuvre tant de fois dirigée par Muti, et l’opéra de Rome n’est pas celui d’antan, mais on entendra le fameux chœur qui a fait pleurer tant de spectateurs (et de choristes) il y a quelques années à l’Opéra de Rome.

C’est au tour de Wagner, représenté au festival par une seule réalisation scénique:
Die Meistersinger von Nürnberg, mise en scène Stefan Herheim, avec Daniele Gatti (spectacle en coproduction avec l’Opéra de Paris qui ainsi découvrira Stefan Herheim: il est temps) pour 6 représentations. La distribution  comprend comme à Zürich en 2011 et avec le même chef, Michael Volle en Hans Sachs,  Roberto Saccà en Walther, et Peter Sonn en David, s’y ajoutent Georg Zeppenfeld en Pogner, Anna Gabler en Eva et Markus Werba en Beckmesser. On ne rate pas une représentation de Meistersinger, notamment avec les Wiener Philharmoniker, celle-là aura musicalement un petit parfum de déjà vu, même si Daniele Gatti est un excellent wagnérien et qu’on aura plaisir à l’écouter encore.
A cette production s’ajoute une version de concert de Rienzi, der letzte der Tribunen, on espère en version complète , pour deux soirées dans une excellente distribution (Christopher Ventris, Emily Magee, Georg Zeppenfeld, Sophie Koch, Martin Gantner) dirigée par Philippe Jordan (aura-t-il l’inspiration de faire vibrer cette musique?) à la tête, et c’est une excellente idée, du Gustav Mahler Jugendorchester.
A part Mozart, Verdi et Wagner, trois autres titres dont deux productions scéniques qui promettent d’être passionnantes:
Gawain, de Harrison Birtwistle, à la Felsenreitschule, avec l’équipe qui a fait triompher Die Soldaten en 2012, Ingo Metzmacher à la tête de l’ORF Radio-Symphonieorchester Wien dans une mise en scène d’ Alvis Hermanis, avec notamment Christopher Maltman, Laura Aikin, John Tomlinson: on y courra évidemment, par curiosité, et grâce à l’excellence de la distribution.
Norma de Vincenzo Bellini (production du Festival de Pentecôte) dirigée par Giovanni Antonini, mise en scène par Patrice Caurier et Moshe Leiser, avec Cecilia Bartoli et John Osborn, Rebeca Olvera et Michel Pertusi. Au moment de cette reprise (fin août) tout aura été dit par la critique en mai-juin, mais la version “archéologique” avec orchestre baroque (Orchestra La Scintilla de l’Opéra de Zürich) dans l’espace plus réduit de la Haus für Mozart ne manquera pas de susciter des discussions infinies, car Norma est encore un opéra quasi intouchable depuis Callas et Caballé. Bartoli ose, et c’est tant mieux.
Enfin, comme à la Deutsche Oper Berlin qui ose, elle, reprendre la version scénique (de Christoph Schlingensief), en version de concert sera présenté l’opéra de Walter Braunfels, Jeanne d’Arc, Szenen aus dem Leben der Heiligen Johanna, sans doute à cause de l’ambiance créée par le drame de Schiller et l’opéra de Verdi (il ne manque plus que Jeanne au bûcher d’Arthur Honegger), dirigé par Manfred Honeck à la tête de l’ORF Radio-Symphonieorchester Wien avec une belle distribution, Juliane Banse, Pavol Breslik, Brian Himel.
Voilà les nouveautés de Salzbourg. A vrai dire, je ne suis pas si enthousiaste même si il y a des spectacles qui peuvent exciter la curiosité. Je trouve les distributions plutôt habituelles, je trouve que Pereira ne se détache pas de sa longue période  zurichoise, et je trouve certains choix de chefs sans grande imagination (Carignani pour Giovanna d’Arco): au total, je choisis seulement Gawain pour la découverte, Meistersinger, pour Herheim, mon metteur en scène favori, Norma, pour Bartoli et pour l’audace, avec la 2ème de Mahler par Mariss Jansons pour l’éternité.

 

OPÉRAS EN EUROPE ET AILLEURS 2012-2013 (3) : SPECTACLES A RETENIR – LEIPZIG – DRESDE – MUNICH

Il y a en Allemagne de grandes scènes historiques, prestigieuses, qui ont fait la gloire du chant et de la musique allemands, des fosses où jouent des orchestres mondialement reconnus, Staatskapelle de Dresde, Gewandhaus de Leipzig, Orchestre d’Etat de Bavière. De ces trois salles historiques, deux ont été des phares de la musique en Allemagne de l’Est: la Staatskapelle a continué à produire des disques avec les plus grands (Carlos Kleiber), le Gewandhaus grâce à Kurt Masur a été l’un de moteurs des manifestations avant la chute du mur, quant au Bayerisches Staatsorchester, il a été la phalange de Wolfgang Sawallisch pendant des dizaines années où ce chef magnifique a produit un travail de fourmi, modestement au pupitre des dizaines de fois dans l’année pour Wagner, Strauss ou Mozart et pour des représentations aussi bien prestigieuses que de répertoire.
Aujourd’hui, les difficultés financières de l’est mettent  surtout Leipzig, un peu moins Dresde en posture  délicate. La Staatskapelle de Dresde s’est donnée à Christian Thielemann, qui après ses échecs à Berlin et Munich a peut-être  trouvé sur les bords de l’Elbe la phalange qui lui convient.
Quant à Munich, c’est sans doute la salle d’opéra la plus rodée, la plus productive, la plus prestigieuse d’Allemagne: il suffit de considérer sa programmation, ses nouvelles productions, ses distributions. Ici Jonas Kaufmann, Anja Harteros et René Pape sont à portée de tram, comme jadis Carlos Kleiber ou Dietrich Fischer-Dieskau et Julia Varady. La salle est l’une des plus belles qui soient, avec ses deux appendices, le délicieux

La salle du Cuvilliestheater
Façade du Prinzregententheater

 

 

 

 

Cuvilliestheater, joyau baroque à portée de corridors de la salle principale (qui sert essentiellement pour le théâtre aujourd’hui), et le wagnérien Prinzregententheater, imitation de la salle de Bayreuth à quelques arrêts de tram (qui sert à tout, et quelquefois à l’opéra).

Vue de la salle du Prinzregententheater

Chaque ville par son charme et caractère mérite une ou plusieurs visites, et donc une soirée à l’opéra est toujours possible à organiser.

La façade de l’Oper Leipzig

Leipzig est la grande ville commerciale de la Saxe, et mérite une visite: c’est une ville aérée, avec ses maisons bourgeoises, son histoire musicale (Bach), bien nettoyée depuis la “Wende”, et puis un concert au Gewandhaus (acoustique exceptionnelle) dirigé par Riccardo Chailly en face de l’Opéra ne peut se refuser, ainsi qu’une virée à Halle la ville de Haendel toute proche  ou à Bad Lauchstädt avec son petit Goethe Theater… un petit week end s’impose!

Le Semperoper de Dresde

Dresde s’est reconstruite peu à peu, et le centre horrible avec ses bâtiments typiques des années soixante socialistes est en train d’être refait. Déjà la fameuse Frauenkirche, l’église luthérienne la plus fameuse d’Allemagne, de l’architecte George Bähr,  qui trônait au XVIIIème sur les peintures de Bellotto, détruite lors du bombardement, est de nouveau debout, et Zwingermuseum et Semperoper trônent sur les bords de l’Elbe, au centre de celle qu’on appelle la Florence du nord, avec son extraordinaire Musée, l’Albertinum, qui est l’un des plus riches d’Europe (Giorgione…Vermeer). Une petite excursion au château de Pillnitz dans la vallée de l’Elbe, et le week end est déjà fini, avec un bel opéra ou un beau concert au milieu.

Le Nationaltheater, façade

Quant à Munich, entre les palais (Nymphenburg), les musées (Neue Pinakothek et Alte Pinakothek), les églises baroques (des frères Asam) le théâtre et les concerts, les brasseries (Hofbräuhaus de grande tradition et Mathäser plus populaire) et un tour chez Dallmayr pour les pâtisseries, offre de quoi remplir un très large week end.
Voilà trois week ends de l’année déjà réservés, il vous reste à choisir les spectacles…

Ces trois théâtres ont en commun un passé et une histoire avec Richard Wagner: Leipzig où il est né, Dresde où il a vécu et où il était le “Königlich-Sächsischer Hofkapellmeister” directeur de l’actuelle Staatskapelle et où il a créé Rienzi, Der fliegende Holländer et Tannhäuser avant d’en être chassé après avoir grimpé sur les barricades de 1848, et Munich qui peut à juste titre entrer en compétition avec Bayreuth puisque bien des opéras y ont été créés, Tristan und Isolde, Die Meistersinger von Nürnberg, Das Rheingold, Die Walküre. D’ailleurs, entre Munich et Bayreuth, une saine émulation règne depuis des  d’années. Je m’en vais donc regarder ces programmes sous le signe de Wagner, puis explorer ce qui peut faire l’objet d’un intérêt particulier dans le reste des programmes.

Vue de la salle de l’Oper Leipzig

S’il y a un moment où aller à Leipzig, c’est en février 2013: en calculant bien vous y verrez Die Feen, de Wagner, opéra dirigé par Ulf Schirmer, GMD et Intendant de l’Opéra de Leipzig, dans la nouvelle production de Renaud Doucet et les décors d’André Barbe, qui va ensuite aller à Bayreuth, et un concert du Gewandhaus dirigé par Riccardo Chailly (Mahler 5ème symphonie). Certes, il peut faire froid à cette période, mais entre Wagner et Mahler, il y a de quoi se réchauffer l’âme.
Entre diverses nouvelles productions, signalons tout de même le 4 mai 2013 (et en mai-juin) le début d’un nouveau Ring, cette saison, Das Rheingold dirigé aussi par Ulf Schirmer dans une mise en scène de la danseuse, chorégraphe et metteur en scène anglaise mais bien enracinée en terre germanique, Rosamund Gilmore, plutôt spécialisée dans les créations de musique contemporaine, qui est appelée par Ulf Schirmer avec qui elle a travaillé à Munich, à réaliser le nouveau Ring de Leipzig.
Dans les reprises retravaillées (Wiederauhnahmen), on remarque Rienzi en mars (Une  soirée le 2) et en mai (Une soirée le 25) dirigé par le “erster ständiger Gastdirigent”, premier chef invité (qui dirige en fait l’essentiel des reprises et pas mal de premières) Matthias Foremny, dans une version plus longue que celle de la Deutsche Oper Berlin, et la mise en scène de Nicolas Joel et les décors de Andreas Reinhardt. Rienzi sera Stefan Vinke, qui est un solide ténor. On voit si peu Rienzi (même si Toulouse vient d’en présenter un, avec Torsten Kerl et Marika Schönberg, prévue dans la distribution de Leipzig) que cela peut valoir le déplacement. On attendra peut-être le Rienzi de Bayreuth (mi juillet)  avec Christian Thielemann au pupitre.

La Salle du Semperoper Photo: Jürgen Männel

Alors que l’Oper Leipzig s’appuie beaucoup sur le travail de la troupe et des chefs maison, la Semperoper de Dresde s’appuie plutôt sur un grand nombre de chanteurs invités (comme “Gast”) et fait appel à des chefs extérieurs qu’on retrouve souvent dans d’autres scènes, et ainsi la programmation y est plus proche des standards internationaux. La présence de Christian Thielemann depuis cette année oblige à un niveau moins “local” qu’à Leipzig. Voyons donc d’abord “Wagner à Dresde“, titre d’un colloque qui a ouvert la saison le 15 septembre dernier. Les manifestations et productions wagnériennes courront toute l’année 2013 sur les deux saisons; ainsi en automne 2013 verra-t-on fin octobre Tannhäuser dans la mise une scène de Peter Konwitschny et mi-novembre une reprise de Tristan und Isolde dans celle de Marco Arturo Marelli.

La salle du Semperoper . Photo Jürgen Männel

En janvier 2013, Christian Thielemann dirigera à partir du 13 janvier trois représentations de Lohengrin dans une mise en scène de Christine Mielitz (qui remonte à 1983…) , très demandée en terre germanique (elle a aussi signé le Parsifal viennois et beaucoup de mises en scène à Dresde). La distribution est de choix: Robert Dean Smith, Kwanchoul Youn, Soile Isokoski, Jane Henschel et Wolfgang Koch, le futur Wotan de Bayreuth. Passons sur le Parsifal qu’on ne verra qu’à Salzbourg (23 mars et 1er avril) cette année, en coproduction avec la Semperoper, mise en scène Michael Schütz avec Johan Botha en Parsifal. A Dresde est prévue en revanche en juin (le 15) une nouvelle production de Der fliegende Holländer dirigée par Constantin Trinks, mise en scène de Florentine Klepper, dans une distribution plutôt locale, si l’on excepte Georg Zeppenfeld dans Daland.
Deux originalités, deux opéras que Wagner admirait tout particulièrement, une nouvelle production de La Juive, de Halévy, en mai 2013, mise en scène de Jossi Wieler et Sergio Morabito, dirigé par le jeune chef tchèque qui monte, l’excellent Tomáš Netopil avec Marcello Giordani dans Eleazar, et une représentation concertante de La Vestale de Spontini pour trois soirs en juin et juillet, dirigée par le vétéran Gabriele Ferro, avec Maria Agresta, la soprano dont on parle de plus en plus.
Enfin deux concerts donnés à l’occasion de l’anniversaire de la naissance de Wagner (22 mai), le 18 mai avec Das Liebesmahl der Apostel de Wagner (1843) et la Reformations Symphonie de Mendelssohn, et le 21 mai (le 22 Thielemann dirige à Bayreuth) un concert composé des scènes pour ténor des opéras de Wagner créés à Dresde avec… Jonas Kaufmann.
Si vous êtes amateur de surprises, il vous faudra aussi venir à Dresde en mars, avril, mai ou juin, voir Manon Lescaut de Puccini dans une mise en scène de Stefan Herheim avec Norma Fantini dans Manon (disparue des scènes italiennes, mais bien vivante en Allemagne) et le jeune ténor qui monte, Thiago Arancam (entendu à Lyon l’an dernier  dans Il Tabarro) dans Des Grieux, le tout dirigé par…Christian Thielemann qu’on n’attend vraiment pas dans Puccini. Pour Herheim, pour Arancam, pour Thielemann..vaudra le voyage.
Autre curiosité, mais en janvier février mars (et juin pour une représentation), Orlando de Haendel dirigée par Jonathan Darlington dans une mise en scène sans doute inventive d’Andreas Kriegenburg (le Ring de Munich).
Enfin, un opéra pour enfants de 50 minutes en un acte de Ernst Krenek dans la petite salle, Das geheime Königsreich, direction Mihkel Kütson et mise en scène Manfred Weiß.

La salle du Nationaltheater

Et Munich? Incontestablement nous passons à la vitesse supérieure, la Bayerische Staatsoper étant pour mon goût le théâtre de niveau international qui en Europe, est le plus régulier pour la qualité musicale, la qualité des productions et les larges choix de répertoire. A Munich, vous serez rarement déçu car l’offre est de haut niveau et chaque soirée a quelque chose à offrir: c’est à la fois un théâtre de grande et longue tradition, mais qui n’hésite pas, et depuis longtemps, à proposer des spectacles stimulants, modernes tout en conservant dans ses cartons des productions traditionnelles de bon aloi, ou qui ont marqué l’histoire. En terme d’offre, Munich peut largement soutenir la comparaison avec Vienne.
De plus chaque année, en juillet, c’est le moment du Festival (Münchner Opernfestspiele), 130 années d’existence, qui reprend des représentations de répertoire avec des distributions renouvelées et de grand niveau, et qui propose une à deux nouvelles productions. Le Festival 2013 (27 juin-31 juillet)  propose une ligne honorant et Verdi et Wagner, dont c’est le 200ème anniversaire). On y verra donc une nouvelle production de Il Trovatore le 27 juin 2013 et pour quatre représentations dans une mise en scène d’Olivier Py, dirigé par Paolo Carignani, avec Alexey Markov (Luna), Elena Manistina (Azucena) et …Anja Harteros (Leonora) et Jonas Kaufmann (Manrico). Jonas Kaufmann n’a pas la couleur d’un Manrico, mais c’est un tel chanteur…On verra aussi une reprise de Falstaff dans une production d’Eike Gramms (Aïe) dirigée par Paolo Carignani avec Ambrogio Maestri, et Véronique Gens dans le rôle d’Alice Ford, de La Traviata dirigée par Dan Ettinger avec le trio Marina Rebeka, Piotr Beczala, et Simon Keenlyside dans la mise en scène de Günter Krämer (Aïe), de Simon Boccanegra, nouvelle production de la saison (et non du Festival) dont la première aura eu lieu le 3 juin 2013 (suivie de quatre représentations) dans une mise en scène de Dimitri Tcherniakov, dirigée par Bertrand de Billy, avec Zeljko Lucic, Krassimira Stoyanova, Vitalij Kowaljov et Ramon Vargas, d’Otello dans la mise en scène sans grand intérêt de Francesca Zambello dirigée par Paolo Carignani, avec le trio Johan Botha dans le Maure, Claudio Sgura dans Jago, Pavol Breslik dans Cassio et…Anja Harteros comme Desdemona, de Rigoletto, nouvelle production de la saison dont la première est prévue le 15 décembre dirigée par Marco Armiliato , reprise au Festival sous la direction de Fabio Luisi, dans une mise en scène d’Árpád Schilling, ce qui devrait être particulièrement intéressant, avec Joseph Calleja, Franco Vassallo, et Patricia Petibon dans Gilda pour trois représentations, de Macbeth pour une seule représentation avec Zeljko Lucic et Nadja Michael dans la production de Martin Kušej (ce qui est toujours stimulant) et dirigée par Massimo Zanetti. enfin, ce festival Verdi impressionnant permettra de revoir la production de Don Carlo de Verdi de Jürgen Rose pour deux représentations de folie, les 25 et 28 juin, avec, tenez vous bien, Jonas Kaufmann et Anja Harteros, René Pape, Mariusz Kwiecien, Sonia Ganassi et dirigée par Zubin Mehta…qui manquerait  cela?
Et ce n’est pas fini! Parce que après Verdi vient Wagner, dès le début du Festival avec une seule représentation de Der Fliegende Holländer, dirigée par Asher Fisch (bof), dans la mise en scène de Peter Konwitschny, avec Johan Reuter et Hans-Peter König, la Senta de Anja Kampe et l’Erik de Klaus Florian Vogt….immédiatement suivie le lendemain d’une seule représentation de Tannhäuser dirigée par Kent Nagano dans la mise en scène de David Alden avec rien moins que Robert Dean Smith, Christiph Fischesser, Petra Lang dans Venus, et Anne Schwanewilms dans Elisabeth, et le Wolfram de Mathias Goerne. Deux jours après, le 3 juin, une seule reprise de Lohengrin (vous l’aurez compris, tout y passera!) dans la mise en scène de Richard Jones, dirigée par Lothar Koenigs, avec Annette Dasch, Klaus Florian Vogt, Evguenyi Nikitin, Micaela Schüster et Hans Peter König, et le 15 juillet, Tristan und Isolde dans la mise en scène de Peter Konwitschny, dirigé par Kent Nagano, avec Gary Lehmann dans Tristan, Petra-Maria Schnitzler dans Isolde, Ekatera Gubanova dans Brangäne, MArkus Eiche dans Kurwenal et René Pape en Roi Marke.
On n’échappera pas non plus au Ring dans la production discutée et inégale d’Andreas Kriegenburg, qu’on verra déjà en janvier, sous la direction de Kent Nagano (13,14, 15, 18 juillet) avec notamment  dans Wotan Johan Reuter(Rheingold), Bryn Terfel (Walküre), le Wanderer de Juha Uusitalo (Siegfried), Sophie Koch dans Fricka, Tomasz Konieczny dans Alberich, la Brünnhilde de Katarina Dalayman (Walküre), Catherine Naglestad (Siegfried), et Nina Stemme (Götterdämmerung), le Siegmund de Simon O’Neill et la Sieglinde de Petra Lang,  le Siegfried de Stephen Gould, sans compter Iain Paterson (Günther), Hans-Peter König (Hunding et Hagen). Ce déluge wagnérien sera conclu le 31 juillet par Parsifal, dans la mise en scène de Peter Konwitschny, dirigé par Kent Nagano, avec Christopher ventris, Thomas Hampson dans Amfortas, Kwanchoul Youn dans Gurnemanz, le Klingsor d’Evguenyi Nikitin, et la Kundry de Petra Lang.
Seul absent de cette impressionnante série, Die Meistersinger von Nürnberg qui aux temps de Sawallisch clôturait le Festival le 31 juillet mais dont on peut penser qu’ils seront proposés à la fin de l’année Wagner en automne 2013.
Ce n’est pas fini, parce qu’il fallait bien au programme quelques œuvres “autres” que du Verdi ou du Wagner. On pourra ainsi voir au Prinzregententheater Ariadne auf Naxos dans la mise en scène de Robert Carsen, dirigée par Bertrand de Billy, avec Burkhard Fritz dans Bacchus, Sophie Koch dans le Compositeur, Jane Archibald dans Zerbinetta, et Eva-Maria Westborek dans la Primadonna, une reprise pour une seule représentation (le 21 juillet)  de l’événement de ce début de saison, Babylon, le nouvel opéra de Jörg Widmann sur un texte de la star des philosophes Peter Sloterdijk, dirigé par Kent Nagano dans une mise en scène de Carlus Padrissa de la Fura dels Baus avec notamment Anna Prohaska,  Willard White et Gabriele Schnaut, une reprise (le 26 juillet) pour deux représentations d’une des nouvelles productions de la saison, Boris Godunov, de Mussorgski, dirigé par Kent Nagano dans la version de 1869 et dans la mise en scène très attendue de Calixto Bieito avec Alexander Tsymbalyuk dans Boris, Analtoli Kotscherga dans Pimen et Gerhard Siegel dans Schuiski. Enfin, dernière Première prévue, au

La salle du Prinzregententheater

Prinzregententheater, celle de Written on skin, de Georges Benjamin, qui fait le tour du monde, le 23 juillet (et les 25 et 27) dans la mise en scène de Katie Mitchell, dirigée par Kent Nagano, avec Barbara Hannigan.
En considérant la programmation du festival, on a une idée de ce que peut-être la saison 2012-2013 de la Bayerische Staatsoper. Vous pouvez allez voir les spectacles dans l’année à un prix moindre qu’en période de festival, à commencer par Lohengrin en ce mois de novembre, qui affichera Anja Harteros et Klaus Florian Vogt, à partir du 15 décembre, nouvelle production de Rigoletto mise en scène Árpád Schilling, dans la même distribution qu’au festival, mais dirigé par Marco Armiliato,  et un adieu à la vieille production de Herbert List (1965) de Hänsel und Gretel, dirigée par Kazushi Ono  pour préparer Noël, avant la nouvelle production de mars 2013, dirigée par Tomáš Hanus, mise en scène par Richard Jones, en janvier deux Ring complets, à la distribution à peu près semblable à celle de juillet, et pendant tout le mois de février le nouveau Boris Godunov, mise en scène de Calixto Bieito et dirigé par Kent Nagano, dans la version de 1869, sans l’acte polonais, dont il était question pour le festival. Et pour mémoire en juin le Simon Boccanegra mis en scène par Dimitri Tcherniakov et dirigé par Bertrand de Billy dont il était question plus haut.
Dans les reprise, notons une Aida (dirigée par Paolo Carignani, mise en scène Christof Nel) très bien distribuée (Michael Volle Amonasro, Sondra Radvanovski Aida, Anna Smirnova Amneris et Robert Dean Smith inattendu dans Radamès) , en janvier une Lucrezia Borgia de la nostalgie, dirigée par Paolo Arrivabeni, mise en scène (Aïe) de Christof Loy, avec Edita Gruberova, Sonia Ganassi, Charles Castronovo et Franco Vassallo, une distribution qui inspire l’envie. En continuant avec le bel canto, on pourrait voir en février une reprise de I Capuleti e i Montecchi , dans la mise en scène de Vincent Boussard, et dirigée par Yves Abel avec Joyce Di Donato et Ekaterina Siurina, à partir du 3 mars pour trois représentations, la production du Tristan und Isolde, avec Gary Lehmann et Waltraud Meier (direction Kent Nagano), et à Pâques deux représentations de Parsifal (Michael Weinius en Parsifal,  Michael Volle (Amfortas) et Petra Lang, suivies de quelques Otello (voir plus haut) avec Anja Harteros en Desdemona et Johan Botha en Otello; le jeune et talentueux Patrick Lange dirigera en avril aussi un Entführung aus dem Serail avec Peter Rose en Osmin, Rainer Trost en Belmonte et Maria Bengtsson en Konstanze, tandis que en mai Adam Fischer reprendra Don Giovanni (mise en scène Stephan Kimmig) avec Erin Wall et Annette Dasch, Alex Esposito et Gerard Finley. Tout cela entrelardé de Fliegende Holländer, de Hänsel et Gretel, l’Elisir d’amore, de

La salle du Cuvilliestheater

Macbeth, de Traviata et surtout de la nouvelle production de l’Elegie für junge Liebende de Henze, qui vient de disparaître,  au Cuvilliestheater, avec les jeunes de l’opéra-studio dans une mise en scène de Christiane Pohle.

Un aussi vaste choix laisse une grande liberté, il y en a pour tous les goûts, et le festival a une programmation impressionnante. Don Carlo reste le moment à ne pas manquer, mais Boris Godunov, le Ring, et ce nouveau Trovatore attirent aussi…quant aux admirateurs de Madame Harteros, ils ont l’embarras de choix, entre Lohengrin, Otello, Trovatore et Don Carlo.
Il ne vous reste plus qu’à vous précipiter sur vos agendas, sur les sites des compagnies aériennes, et d’organiser vos week-ends germaniques et lyriques, je suis sûr que vous ne le regretterez pas.