2) 20 Août
Wolfgang Amadé Mozart (1756-1791)
“Misera, dove son!” – “Ah, non son io che parlo,” K. 369
“Ah, lo previdi” – “Ah, t’invola,” K. 272
“Vorrei spiegarvi, oh Dio!,” K. 418
Christine Schäfer, soprano
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphony No. 5 in B flat major, WAB 105
Par rapport à la veille, la première partie du concert, toujours mozartienne, était cependant radicalement différente, puisque le programme proposait trois airs de Mozart chantés par Christine Schäfer. Des airs assez mélancoliques qui parlent d’amours perdues, d’abandon, de départ. Plusieurs remarques s’imposent : cette première partie a été un exemple de ce qu’est un accompagnement orchestral, de ce qu’est un dialogue entre orchestre et soliste, et de ce qu’est chanter.
L’accompagnement tout à fait extraordinaire, avec un orchestre qui savait s’effacer devant la voix soliste quand il le fallait, sans jamais la couvrir dans une salle que je trouve assez difficile pour les voix (les expériences de concerts n’ont pas toujours été concluantes, et Elina Garanca ou Magdalena Kozena, qui ont chanté avec le Lucerne Festival Orchestra, n’en sont pas vraiment sorties indemnes), des cordes discrètes et soyeuses, des bois à se damner, la voix soliste est vraiment portée. Le dialogue a atteint son sommet dans le troisième air où le hautbois (Lucas Macias Navarro, toujours lui) et la soprano se renvoient les notes en un duo de rêve. C’est que Madame Schäfer est une vraie chanteuse et pas un produit : une voix d’une qualité moyenne, sans particularités, un volume assez réduit ne sont pas des atouts pour Mozart, mais voilà, Christine Schäfer sait respirer, sait prendre ses appuis sur le diaphragme, sait aussi projeter la voix qu’on entend en toutes circonstances, elle exerce un contrôle sur le souffle remarquable, et en plus, elle prononce les paroles à la perfection et sait articuler, enfin, elle maîtrise le suraigu (ce fut une Lulu mémorable). Pour qui se souvient de ses prestations parisiennes dans Le Nozze du Figaro (étourdissant Cherubino) ou dans Traviata sait quelle artiste elle est. C’est donc à une vraie leçon de chant que nous avons assisté et ce moment du concert a été d’une très grande qualité.
Quant à Bruckner…Dangereux Abbado ! Il est capable de me le faire aimer…Ce second soir a été encore supérieur à la veille, de l’avis de nombreux spectateurs. j’en suis sorti en pensant: fabuleux, fabuleux! Une qualité technique et une précision encore supérieures si c’est possible, des murmures, des sons à peine audibles, des échos lointains, une clarté cristalline qui met à nu toute l’architecture de l’œuvre et nous indique les principes de composition. On ne se laisse jamais aller à l’ivresse de la mélodie : dès qu’une phrase musicale a trouvé un rythme, une mélodie qui finit par accrocher l’oreille ou la charmer, Bruckner interrompt brutalement la magie sonore, par des ruptures, par des violents contrastes entre des sons à peine perçus et une explosion de l’ensemble de l’orchestre. Les répétitions des thèmes ne sont jamais des répétitions, mais des reconstructions, des déconstructions, des miroitements sonores faits à partir de pupitres différents, ou du moins avec des ajouts, ou des modifications des pupitres sollicités : c’est un jeu permanent d’agencements divers, multiples comme des tuyaux d’orgue (l’orgue fermé en première partie, majestueusement ouvert pour la symphonie, comme une métaphore présente et obsessionnelle.). On remarque encore plus le jeu de la clarinette, en lien et en écho permanent avec la flûte et le hautbois, dans le premier mouvement, mais aussi l’adagio, phénoménal ce soir (ah, la trompette de Reinhold Friedrich). Les rythmes sont encore accentués dans le scherzo où l’on passe d’une couleur qui rappelle l’adagio à une sorte de Ländler, jamais grotesque (alors que chez Mahler…). La reprise de l’adagio du 1er mouvement initie le quatrième mouvement, avec une distribution légèrement différente des contrebasses (10 !) des violoncelles et des altos, qui ensemble produisent un son à se damner que Bruckner évidemment interrompt brutalement: pas de plaisir du son gratuit ! C’est ainsi des crescendo qui précèdent le final, et qui semblent clore sans jamais clore, le crescendo final étant encore beaucoup plus large et varié, qui paraît s’ouvrir sur l’infini, comme un final d’orgue. Magie.
Magie d’une construction mise en évidence par Abbado qui nous prend par la main, une main pourtant rétive quand il s’agit de Bruckner, pour cette extraordinaire visite sonore, encore plus évidente qu’hier, qui nous force tranquillement à rentrer dans un système qui semble une construction en abîme, dont on découvre à chaque fois des lumières nouvelles. Je ne suis pas encore tout à fait brucknérien, mais…oui, j’en écouterai bien encore un peu. Vivement le 6 et le 8 octobre…
Évidemment succès énorme, standing ovation, pluie de fleurs du dernier soir des abbadiani itineranti, comme il est de tradition, bref, du très ordinaire quand il s’agit d’Abbado et du Lucerne Festival Orchestra
Mozart n’a absolument pas écrit “Misera, dove son!” – “Ah, non son io che parlo,”
Mosaert s’est comporté ici comme un simple et vulgaire plagieur de Christoph Willibald Gluck!!!
Oui, comme beaucoup de musiciens du XVIIIème et XIXème où le plagiat n’était pas un crime.