FESTIVAL INTERNATIONAL D’ART LYRIQUE D’AIX-EN-PROVENCE 2016: COSÌ FAN TUTTE de W.A.MOZART le 8 JUILLET 2016 (Dir.mus: Louis LANGRÉE; Ms en scène: Christophe HONORÉ)

Dorabella (Kate Lindsey) Fiordiligi (Lenneke Rutien) ©Pascal Victor / ArtComArt
Dorabella (Kate Lindsey) Fiordiligi (Lenneke Rutien) ©Pascal Victor / ArtComArt

Si je me trompai dans mes résultats, rien n’est plus étonnant que la sécurité d’âme avec laquelle je m’y livrai. (J.J Rousseau, Confessions, Livre VIII)

Les opéras de Mozart sont très souvent représentés, mais, et c’est paradoxal, les productions en sont rarement convaincantes, y compris musicalement. Des trois opéras de Da Ponte, seul Le Nozze di Figaro (vertu de Beaumarchais ?) ont connu des représentations exceptionnelles (Strehler, Solti, à Paris par exemple) mais qui peut citer un Don Giovanni qui fasse l’unanimité ? Strehler s’y frotté sans convaincre (Scala 1987), Chéreau n’a pas plus réussi (Salzbourg 1994) pour ne parler que de ceux qui me sont chers, mais combien d‘échecs cuisants!  De la trilogie Da Ponte, Cosi fan tutte est l’autre opéra délicat à mettre en scène, avec son intrigue faussement légère, ses dialogues ambigus et ses faux semblants. L’histoire même des représentations, avec le trou d’un siècle (le XIXème) qui range l’œuvre au rang des pochades, met en évidence plus que pour tout autre opéra la question de sa réception. Pochade il y a cent ans et chef d’œuvre aujourd’hui, fragilité des jugements humains pour une œuvre sur la fragilité des sentiments humains.
À certains moments, il me prend le désir d’un Così fan tutte à la Michael Hampe (il en existe une vidéo, production Salzbourg-Scala des années 80), soleil, Naples et perruques, avec de faux albanais qui ne trompent personne, mais auxquels tout le monde fait semblant de croire, sans trop se creuser la cervelle. Il y a dans Così un jeu sur le théâtre qu’avait bien saisi Luca Ronconi en son temps, voire Chéreau aussi sur la scène d’Aix, bien que ce ne soit pas sa mise en scène la plus convaincante, mais aussi d’autres jeux sur la vérité et le mensonge, en des constructions en abyme. Les Hermann à Salzbourg en 2004 présupposaient que les deux sœurs comprenaient immédiatement de qui elles étaient le jeu et que derrière les albanais il y avait leurs fiancés. Double « burla », double farce. Toujours à Salzbourg, mais quelques temps avant, en 2000, Hans Neuenfels en faisait une expérience d’entomologiste, où Alfonso, mettait en éprouvette de petits insectes interchangeables (nos couples), et mélangeait pour voir le résultat. Autant de visions, la plupart justes, mais pas toujours rendues avec la conviction voulue. De toutes les productions vues ces dernières années, celle de Claus Guth (Scala 2014)est sans doute la plus juste, la plus équilibrée, qui fait d’ailleurs des choix bien proches que ce qu’Honoré ressent confusément. Cela reste ma référence récente.

Cosi fan tutte, acte I ©Pascal Victor / ArtComArt
Cosi fan tutte, acte I ©Pascal Victor / ArtComArt

Alors, on imagine avec quelle curiosité je pouvais attendre la vision de Christophe Honoré, dont j’ai tant apprécié les Dialogues des Carmélites et Pelléas et Mélisande à Lyon.
Le Così qui nous été offert à Aix en Provence est dur, cruel : aucun personnage ne s’y rachète. Cette lecture qui privilégie les tensions, les frustrations et les ambiguïtés installe l’action dans un contexte qui surprend, l’Abyssinie italienne des années 30, celle de la colonisation fasciste, celle d’une Italie dominatrice à mille lieues de la Naples solaire souriante et légère de l’original. Ce qui frappe d’abord, c’est l’ambiance nocturne, avec ces feux installés qui ressemblent aux fanaux installés par les prostituées de la via Appia pour signaler leur présence. Alors que Così fan tutte est originellement une affaire de six personnages en quête d’amour( ?), ce Così s’installe dans une société coloniale, avec des dominants et des dominés, une société qui s’ennuie et qui trompe son ennui par l’exploitation notamment sexuelle des autochtones. Il y a donc beaucoup de personnages, des oisifs, des soldats désœuvrés dans un monde étouffant, dans la nuit tropicale moite et infinie. Six personnages en quête de rien.
Qui dit colonisation dit colonisateurs et colonisés, dit violence mentale et physique et en même temps un type de rapports humains pervertis : le désir de l’autre est quelquefois transgressif et le désir de l’altérité absolue est dans cette Abyssinie fasciste le désir de l’autre, de l’africain, de celui qui est à l’opposé de moi, que je méprise et que j’exploite. Mais le désir ignore ces frontières-là. C’est ce que Christophe Honoré se propose d’explorer, et c’est ce qui fait doute chez moi : il y a dans Così, quels que soient les points de vue, un espace typiquement « XVIIIème » qui est celui du jeu. Ce peut être un jeu à la Valmont-Merteuil, qui finit mal, un jeu à la Crébillon, moins définitif, mais peut-être plus excitant. Il y a dans ce Mozart là quelque chose des égarements du cœur et de l’esprit, quelque chose des fragilités, des sentiments vacillants, de la lutte des sentiments contre le désir, ou même de la lutte du désir contre les sentiments, ou du désir qui les révèle, y compris contre la volonté. Le cœur, celui qui a ses raisons que la raison ne connaît pas, est quand même le noyau de l’histoire : Honoré s’intéresse beaucoup plus au désir, Da Ponte aux fragilités du cœur.
Chez Honoré, le jeu grince dès le départ, ce qui pipe un peu les dés : Don Alfonso est un homme mur ravagé par l’alcool, désabusé, misogyne, un tantinet vulgaire qui lui aussi erre dans ce milieu oisif et cherche à se divertir, au sens pascalien du terme, les deux fiancés sont frustes, en terrain conquis : ils trompent leur oisiveté en lutinant l’autochtone. Rien de souriant ni de sympathique. Bien sûr, il y a dans Così fan tutte de quoi faire un film gris, voire noir, et beaucoup s’y sont essayés, mais pas que. Il y a un vaste espace pour toutes les ambiguïtés et tous les doutes : Così fan tutte, comme Don Giovanni est un Dramma giocoso : l’expression aujourd’hui lue de manière presque oxymorique laisse un espace pour le serio, pas forcément pour le serioso (entendu au sens de trop sérieux).
Ce qui me gêne dans le choix de Christophe Honoré, ce n’est pas qu’il pose les questions- il pose d’ailleurs les vraies questions-, c’est qu’il les résolve de manière univoque. Il nous impose dès le départ une réponse indiquant la voie à suivre, comme une sorte de mécanique implacable. Imposant un milieu surprenant (l’Abyssinie italienne à laquelle personne de pensait et personne ne pense plus) et imposant des comportements univoques (de militaires, de corps de garde, de violence exprimée ou rentrée, de colons), il verse des révélateurs pour produire un résultat au fond attendu. Mais dans ce Così plutôt sérieux, dont les personnages inspirent de moins en moins la sympathie, il ne peut échapper à la machine mise en place par Da Ponte, notamment au premier acte, aux lazzi, au jeu, qui devient étrange dans un décor nocturne par ailleurs très suggestif. J’avoue ne pas être du tout convaincu par ce choix de transfert de contexte, destiné à noircir les personnages et à exacerber leurs désirs au contact de l’altérité et du pouvoir local que ces personnages ont sur les gens : la scène du deuxième acte, où les deux femmes se frottent de manière sans équivoque à un serviteur noir est à ce titre emblématique, très bien faite, mais est-elle si justifiée ?

Abyssinie...©Pascal Victor / ArtComArt
Abyssinie…©Pascal Victor / ArtComArt

Et c’est bien ce qui me bloque et m’a fait écrire un tweet lapidaire qualifiant cette mise en scène  de « ratée » : la lettre aux chanteurs du programme impose un contexte dont je persiste à ne pas voir la pertinence : rien dans le texte de Da Ponte ne dit que les albanais sont refusés parce qu’ils sont albanais ou qu’une intrusion d’étrangers est malvenue. Les deux femmes expriment leur désagréable surprise à ce qu’on leur mette dans les pattes deux hommes qui pénètrent chez elles alors qu’elles sont dans la déploration du départ de leurs amants, ce n’est pas l’autre qu’elles refusent a priori, mais la présence mâle dans leur univers à ce moment-là. Bien sûr, Christophe Honoré a voulu exacerber les tensions, et marquer les possibles du désir (son allusion à Sade dans son texte est en ce sens cohérente), mais je trouve que la lecture de Sade enrichit des œuvres bien plus avant dans le temps, de la première moitié du XXème siècle par exemple, et paradoxalement moins des œuvres contemporaines du divin marquis. La transposition dans un monde aux relations de pouvoir ou de force, destinée à aiguiser le désir, ne répond pas pour moi aux possibles de ce texte-là, ironique toujours, sarcastique quelquefois, pastiche des drames bourgeois ou des tragédies lyriques. Mozart mime le pathétique avec un sourire permanent, même si amer quelquefois.
Du coup, la comédie, intrusive dans un contexte qui ne lui est pas favorable, apparaît être un chien dans un jeu de quilles, même si le clown peut être triste, elle dérange bien sûr, et c’est voulu, et cela ne fonctionne pas.
Je trouve donc que la transposition ne prend pas sens, parce que Così fan tutte n’est pas un opéra noir. C’est une œuvre sans doute amère, sans doute porte-t-elle un double sens, sans doute le rire ou le sourire sont-ils quelquefois forcés. Mais orienter toute l’œuvre vers une vision où tout concourt ici à dévaloriser les personnages, les hommes comme les femmes, est « una forzatura » diraient nos amis italiens une sorte de vente forcée: personne n’en réchappe. Du côté des femmes, il y a de la sensibilité au moins en plus du désir: mais les hommes, aussi bien Alfonso, ivrogne revenu de tout que les deux tourtereaux, que Guglielmo qui embroche dans un coin une prostituée, ou que Ferrando pas bien malin sont peu recommandables…ces femmes n’ont pas un goût très sûr, mais elles ont le goût qui leur correspond et n’ont que ce qu’elles méritent. On a beaucoup glosé sur le déguisement « parfait » en Dubats, ces soldats locaux employés par les italiens (Regio Corpo di Truppe Coloniali), où les blancs deviennent noirs méconnaissables :  certes, l’impossibilité de reconnaître leurs amants donne au désir ces femmes un exquis parfum d’exotisme, avec tous les fantasmes que l’homme noir peut éveiller. Mais la possibilité de les reconnaître, dans d’autres mises en scènes, donne aussi au jeu peut-être encore plus de profondeur. Toujours ce côté univoque et presque chimique de réaction en chaîne qui me dérange ici.
Seule la Despina (magnifiquement incarnée par Sandrine Piau) équivoque, plus dame que suivante (un peu dans le sillage de Haneke ou même Guth), revenue de tout, sans illusion sur personne, ni même sur elle-même, réussit à se détacher et à imposer un vrai personnage singulier, le seul peut-être à exister face à des couples sans grand intérêt et un Alfonso à la dérive.
Ce manque de légèreté et ce pessimisme structurel ont été exploités dans d’autres mises en scène, mais le propos ici a généré chez moi un certain ennui, notamment dans la première partie, à cause d’un manque de rythme, voire de vitalité. J’ai trouvé cela mortifère, et je ne sens pas Mozart ainsi, même en 1790…Amer oui, mortifère non.
Il y a sans aucun doute de jolis moments notamment dans la deuxième partie (celui de la douche notamment) parce que Honoré est un sculpteur de caractères, parce qu’il est attentifs aux gestes, aux regards, mais dans un espace ( avec de très beaux décors d’Alban Ho Van) qui n’a pas emporté ma conviction parce que l’œuvre ne semble jamais prendre son envol, dans une atmosphère sombre et lourde que la musique ne contribue pas à éclairer.

En effet, pour conduire un tel travail de mise en scène, il eût fallu à mon avis que la distribution fût sans failles, et que la musique n’allât pas son chemin, et un chemin au total assez fade.
Le ténor Joel Prieto est Ferrando, une voix agréable sans caractère particulier ; peu de lyrisme, peu d’expressivité, peu d’accents : una aura amorosa complètement anonyme. On demande pour Ferrando une certaine présence, une certaine élégance qu’on n’a pas ici, un chant plat qui ne réussit jamais à captiver.
Nahuel di Pierro entendu dans Il Viaggio a Reims n’avait pas vraiment marqué dans Lord Sydney, même si c’est un chanteur valeureux. Il ne marquera pas plus dans Guglielmo. Une certaine brutalité qui va certes avec le rôle que lui dessine Christophe Honoré, maislà aussi un chant assez anonyme : c’est là qu’on s’aperçoit combien Mozart est difficile, il faut le style, la diction, l’expression et la présence. Ce chant est correct, sans scories, mais sans rien de particulier non plus.

Rod Gilfry est Don Alfonso : même si le rôle est toujours à la limite du chant et du récitatif et ne demande pas d’effort particulier, il exige un art aigu du parlando, une vélocité de l’expression particulière et de la couleur vocale : la voix de Gilfry est fatiguée, ou du moins apparaît telle. Même si dans Alfonso ce peut être un atout, cela reste ici décevant du point de vue de l’expression. Autant j’avais bien aimé ce chanteur dans Saint François d’Assise (il est vrai assez loin de Don Alfonso), autant aussi sur cette même scène son Don Giovanni m’avait déçu. J’écrivais : « Don Giovanni vocalement sans relief et scéniquement « forcé ». Il est mal dans le rôle que veut lui faire jouer Tcherniakov. Là où il y a trois ans un Bo Skhovus à la voix vacillante était phénoménal de justesse et d’adéquation à ce Marlon Brando bis voulu par la mise en scène, Rod Gilfry reste un peu extérieur: il joue mais il n’est pas, il chante mais sans éclat ni accent, il n’est pas Don Giovanni, ni dans la vision de Tcherniakov, ni dans toute autre vision ». Si on remplaçait Don Giovanni par Don Alfonso, on aurait exactement la même impression. Don Alfonso (ah ! Gabriel Bacquier ! Ah, Ruggero Raimondi à la voix même usée jusqu’à la garde !) exige non seulement une implication, mais surtout un maniement de la langue impressionnant (un maniement qui rappelle ce qu’exige Falstaff), une aisance dans l’expression. Ici tout est caricatural, exagéré, il joue ou surjoue mais on n’y croit pas. Et puis cet Alfonso vulgaire et usé voulu par la mise en scène correspond-il à ce seigneur libertin ? Je préfèrerais un vieux Valmont, bien plus crédible dans l’imposition du pari, bien plus crédible aussi auprès de Despina.

Cosi fan tutte, acte I Despina (Sandrine Piau) ©Pascal Victor / ArtComArt
Cosi fan tutte, acte I Despina (Sandrine Piau) ©Pascal Victor / ArtComArt

La distribution féminine correspond mieux au niveau requis pour un festival, et même à ce qu’a voulu Christophe Honoré : on sent que dans cette œuvre  la psyché féminine l’intéresse plus en l’occurrence que son pendant masculin, sans doute aussi les qualités théâtrales des dames sont-elles bien plus convaincantes que celles de leurs collègues), même si je n’ai pas été emporté par la Fiordiligi de Lenneke Ruiten, au moins du point de vue du chant. Les qualités théâtrales sont, elles, notables. Elle montre une Fiordiligi d’un extraordinaire naturel, et d’une agilité scénique qui marque le spectateur. Si le ramage s’était rapporté au plumage, c’eût été sans doute un des clous de la soirée, et elle nous eût laissés pantois. Mais son chant reste plat, sans éclat particulier et sans caractère, même si correct. Ce n’est pas une Fiordiligi qui marque vocalement. Kate Lindsey a une voix plus personnelle, avec une belle chaleur et une belle rondeur, plus en phase avec l’œuvre et avec le caractère du personnage, même si Smanie implacabili n’a pas le relief qu’on attendrait. Sandrine Piau, on l’a déjà dit, est la seule vraie incarnation : elle incarne une Despina plus amie que suivante, désopilante dans ses déguisements successifs très couleur locale (très beaux costumes de Thibault Vancraenenbroek), même si la voix accuse certaines âpretés notamment à l’aigu. Il reste que des trois femmes, c’est elle qu’on va retenir, et qui ramasse la mise aux applaudissements.
Au-delà du chœur très épisodique, un Cape Town Opera Chorus dirigé par Marvin Kernelle très « couleur locale » et donc très vrai dans son comportement scénique, et bien en phase vocalement, le Freiburger Barockorchester était en fosse, ce qui garantissait niveau d’excellence et son légèrement rugueux qui convenait bien à l’ambiance voulue. Des cordes charnues, des cuivres impeccables, des bois de rêve qui confirment que nous avons là pour ce répertoire une des phalanges de référence : ils furent excellents. Mais j’ai été très déçu par la direction musicale, très précise, voire syncopée, de Louis Langrée. J’avais apprécié son Don Giovanni, je trouve son Così fan tutte assez anonyme, peu vital et pour tout dire sans prise de risque ni de direction claire. En ce sens, cette direction est à l’opposé de la mise en scène parce qu’elle est sans parti pris : ni marquée par la mise en scène : on aurait pu entendre dans la fosse quelque chose de plus sombre, ni par le « giocoso » : cela ne pétille pas non plus. C’est presque un pilotage automatique, tout ce qui est à faire est fait, mais sans accents ni personnalité.  Je pense que le manque d’engagement de la musique est pour beaucoup aussi dans l’impression d’ensemble distillée par la soirée : il eût fallu un Harnoncourt pour ce Così-là .
Une soirée qui laisse en bouche un goût d’inachevé. Un parti pris de mise en scène mené sans vraiment aller jusqu’au bout, comme au milieu du gué, qui commence par être « radical » et qui s’affadit à mesure malgré une direction d’acteurs très soignée, un parti pris de direction musicale justement sans parti pris malgré un orchestre superlatif, et un cast déséquilibré, qui n’est pas à la hauteur des attentes, malgré de fortes individualités. Le gracieux Mozart a encore frappé.[wpsr_facebook]

Dorabella (Kate Lindsey) Guglielmo (Nauel Di Pierro) ©Pascal Victor / ArtComArt
Dorabella (Kate Lindsey) Guglielmo (Nauel Di Pierro) ©Pascal Victor / ArtComArt

FESTIVAL INTERNATIONAL D’ART LYRIQUE D’AIX-EN-PROVENCE 2016: PELLÉAS ET MÉLISANDE de Claude DEBUSSY le 2 JUILLET 2016 (Dir.mus: Esa-Pekka SALONEN; ms en sc: Katie MITCHELL)

Barbara Hannigan (Mélisande) Laurent Naouri (Golaud) ©Patrick Berger / ArtComArt
Barbara Hannigan (Mélisande) Laurent Naouri (Golaud) ©Patrick Berger / ArtComArt

Ce Pelléas était très attendu.
La popularité d’Esa-Pekka Salonen dans le monde musical et chez les critiques faisait que la présence du chef finlandais avait un air d’événement, d’autant que la distribution était attirante, tout autant que la mise en scène de Katie Mitchell, très en faveur à Aix-en-Provence où depuis d’arrivée de Bernard Focroulle, elle a signé plusieurs mises en scène plutôt bien accueillies. Le triomphe est total. Le public et la presse ont accueilli ce travail de manière éminemment positive.
À une quinzaine de jours de la Première à laquelle j’ai eu la chance d’assister, le recul salutaire va permettre sans doute, pour chacune des productions de cette cuvée 2016 du Festival d’Aix, de se faire une idée moins immédiate et plus réfléchie, peut-être aussi plus pondérée.
Il est heureux de constater la fortune actuelle du Pelléas et Mélisande de Debussy, considéré comme un de ces chefs d’œuvres à l’accès difficile. Cette saison, il y a à peine un mois, c’était à Zurich la production de Dmitri Tcherniakov dirigée par Alain Altinoglu, la saison dernière, c’était Daniele Abbado à Florence qui mettait en scène aux côtés de Daniele Gatti ou Constantinos Carydis qui dirigeait la production de Christiane Pohle en ouverture du Festival de Munich 2015.
Pour beaucoup d’amateurs d’opéra, Pelléas est une œuvre qu’on apprécie après avoir vu toutes les autres. Pour certains, on commence par Wagner et on finit par Debussy. Pour d’autres au contraire, on commence par Debussy et on finit par Wagner. Le lien de Debussy à Wagner est en effet très fort, un « je t’aime moi non plus » fait de refus, mais aussi de citations presque textuelles (Parsifal dans Pelléas par exemple). Pelléas et Mélisande appartient à un moment où le monde intellectuel français littéraire ou musical courait à Bayreuth. C’est évidemment une œuvre qui se confronte à Tristan und Isolde, autre histoire de couple, autre version des relations entre Eros et Thanatos. D’ailleurs, le décor monumental de Lizzie Clachan à Aix n’est pas sans rappeler dans son organisation même celui de Boris Kudlička à Baden-Baden, avec deux niveaux, un escalier métallique à Jardin, plongeant vers les ténèbres, et des espaces contigus et changeants. Car c’est bien ce décor imposant qui frappe durablement, au point d’être ce qui reste de la mise en scène après deux semaines, si imposant qu’il nécessite une armée de machinistes pour le transformer pendant les intermèdes (qui viennent tous saluer de manière pleinement justifiée à la fin). Ce décor est celui d’une maison de poupée en coupe, rappelant celui de Written on Skin ou Alcina par sa structure, avec ses chambres et ses espaces, isolant chaque scène, lui donnant un contexte particulier avec comme climax les scènes de la piscine intérieure vidée, hyperréaliste, avec la vision de la nature à l’extérieur, mais laissant les personnages derrière une verrière étouffante pour les scènes qui sont parmi les plus célèbres de l’œuvre (les scènes de fontaine). Le décor d’ailleurs réussit à être hyperréaliste et onirique à la fois, implantant une ambiance surannée, temporellement si marquée qu’elle en devient intemporelle, voire étouffante.

A la fontaine: Stéphane Degout (Pelléas) Barbara Hannigan (Mélisande) ©Patrick Berger / ArtComArt
A la fontaine: Stéphane Degout (Pelléas) Barbara Hannigan (Mélisande) ©Patrick Berger / ArtComArt

Comment rendre le mystère de Pelléas et Mélisande, une histoire en soi banale : un mariage plus ou moins forcé, un amour naissant hors mariage, un jaloux mal aimé. Une histoire qui rappelle beaucoup par son étrangeté La Princesse de Clèves, de Madame de Lafayette, notamment à travers le personnage du Prince de Clèves, bien proche de Golaud. L’atmosphère de mystère et d’étrangeté qui entoure la princesse (voir la scène du tableau et de la canne des indes observée de l’extérieur par un Nemours dévoré par le désir) me rappelle celle qui entoure Mélisande, étrangère au monde, venue de nulle part et dont la présence détruit la grise routine familiale, comme Dmitri Tcherniakov l’a si bien montré à Zürich.
Pour expliquer ce mystère et cette atmosphère et justifier d’une dramaturgie à ellipses, Katie Mitchell et son dramaturge Martin Crimp choisissent de faire du drame un rêve (prémonitoire) de Mélisande, à peine revenue de son mariage avec Golaud (elle est en robe de mariée), un mariage contraint générateur d’angoisse qui explique un rêve pour le moins tendu, mais référencé fortement à l’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, sauf que de merveilles, il y en aura peu dans ce rêve. C’est un choix dramaturgique cependant assez commun, on ne compte plus sur les scènes les rêves de personnages qui expliquent une action dramatique. Sans la référence à Lewis Carroll, on tout aussi bien pu concevoir un rêve de Golaud pris par le désir de possession, ou de Pelléas pris par celui d‘échapper à l’étouffement familial. Étouffement que l’on perçoit par des signes évidents dans la première partie, notamment à travers le personnage de Pelléas, engoncé, fagoté en « petit vieux » avant l’âge, un vieil enfant rempli de tics et de mouvements brusques, magistralement rendus par Stéphane Degout dont c’est hélas le dernier Pelléas.
Atmosphère pesante aussi à table, avec la vision d’un repas familial silencieux et raide. Bien sûr on pense aussi à l’atmosphère familiale de la production de Tcherniakov, mais le cadre de la maison, moderne, « design », ouverte, n’a rien à voir et de produit pas la même impression : les couleurs du décor, vert passé, le style de l’ameublement du premier XXème siècle, les éclairages pâles et timides, tout concourt à donner l’impression d’une maison où le temps s’est arrêté, qui génère un ennui abyssal, et un désir de respirer. Chaque scène est un espace clos vieillot, chambre à coucher, salle à manger, piscine même, et les circulations sont étroites (escalier en colimaçon).C’est aussi un espace envahi par le rêve, avec cet arbre qui prolifère dans la chambre, ou la terre, C’est vraiment le décor qui donne l’ambiance.
Katie Mitchell fait évoluer ses personnages dans cet espace hyperdétaillé. Il y a d’ailleurs plus de travail sur les personnages que sur la dramaturgie proprement dite. Au centre, la Mélisande de Barbara Hannigan, comme si la mise en scène était construite sur mesure pour elle, une femme déjà mûre, qui n’a rien du petit oiseau fragile qu’on a pu voir ailleurs (Tcherniakov par exemple), qui parcourt tout l’espace en regardant toutes les scènes, ou se regardant (elle regarde souvent son double), dedans et dehors comme dans les rêves. Hannigan avec son art suprême du mouvement et sa manière de gymnaste de se relever quand elle est allongée face contre terre, avec sa grâce et avec son corps qui se construit et tout à la fois se déconstruit, rend une Mélisande présente, mais met au centre le drame d’une femme assez manœuvrière et manipulatrice dont l’innocence et la fragilité se discutent fortement. Tout cela est magistral de la part de la chanteuse, mais n’ajoute rien à la lecture ou au sens de l’œuvre. Tcherniakov avec le même présupposé était pour mon goût plus convaincant.

Du même coup, la première partie m’est apparue quelquefois distante et vaguement ennuyeuse, sauf la scène prodigieuse du petit Yniold (Chloé Briot, très fraîche) et de Golaud forçant à regarder par la lucarne.

Sylvie Brunet-Grupposo (Geneviève) Stéphane Degout (Pelléas) Laurent Naouri (Golaud) Barbara Hannigan (Mélisande) Franz-Peter Selig (Ariel) ©Patrick Berger / ArtComArt
Sylvie Brunet-Grupposo (Geneviève) Stéphane Degout (Pelléas) Laurent Naouri (Golaud) Barbara Hannigan (Mélisande) Franz-Peter Selig (Ariel) ©Patrick Berger / ArtComArt

La deuxième partie plus dramatique et plus tendue par nature permet de relever l’intérêt avec des moments particulièrement bien construits entre les personnages : par exemple la scène où Golaud et Arkel saisissent Mélisande sur la table, ou les scènes sur le lit entre Golaud et Pelléas, ainsi que la scène sacrificielle où Golaud égorge Pelléas comme Abraham son fils (laissant supposer par le choix de la mort une préméditation). Scènes très tendues, très fortes, qui laissent une durable impression.
Comme on le voit, Katie Mitchell sait rendre l’atmosphère pesante, et sait conduire un travail d’acteur particulièrement détaillé, mais le propos général reste moins convaincant. Il y a certes du mystère et de la poésie, mais cela s’inscrit dans une atmosphère de drame familial au total assez banal. Quand Mélisande entre dans cette famille, cette dernière est déjà en déliquescence, au bord du gouffre et Mélisande n’est que la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Chez Tcherniakov, c’était la présence même de Mélisande comme révélateur qui déclenchait le processus délétère de destruction familiale de l’intérieur… Aussi le travail de Katie Mitchell, précis, intéressant parce que le rêve permet de développer plusieurs points de vue et de conjuguer vraisemblances et invraisemblances, ne me semble pas rendre compte de toutes les ambiguïtés de l’œuvre. Un travail onirico-réaliste, et en ce sens même acrobatique. Mais on a envie de dire : et après ?

Blessures: Barbara Hannigan (Mélisande) Laurent Naouri (Golaud)Stéphane Degout (Pelléas) ©Patrick Berger / ArtComArt
Blessures: Barbara Hannigan (Mélisande) Laurent Naouri (Golaud)Stéphane Degout (Pelléas) ©Patrick Berger / ArtComArt

Elle est servie, et c’est son immense chance, par une distribution particulièrement engagée et qui semble partager le point de vue qu’elle exprime. Chacun est un chanteur acteur de très grand niveau, la Geneviève à la fois discrète et timide de Sylvie Brunet-Grupposo, dont la lecture de la lettre est un modèle de parlar-cantando contrôlé, naturel et sans prétention ni théâtralité excessive, l’Arkel monumental de Franz-Josef Selig, patriarche lui aussi bousculé par les manipulations de Mélisande, le Golaud de Laurent Naouri, toujours magistral, avec son faux air de Butler, qui réussit à chanter le texte sur le ton de la conversation, avec un naturel confondant, à la fois distancié et impliqué. Ce que réussit Katie Mitchell, grâce aux éminentes qualités de cette distribution, c’est de faire de chaque personnage ou presque un Janus bi-face, avec une face au monde et une face cachée, face externe et interne. Et Naouri est ici un chanteur exceptionnel d’intelligence, intérieur, retenu, mais en même temps ravagé, avec un sens rêvé du texte et de l’expression et une diction modèle.
Stéphane Degout est Pelléas depuis plus de cinquante fois. C’est d’abord un Pelléas musicien avec un sens du texte exceptionnel, dont il réussit à exprimer les moindres nuances, les moindres inflexions, de la douceur à la violence, de la tendresse à la tension, de l’innocence au désir, la diction est éblouissante (une qualité largement partagée par l’ensemble du plateau d’ailleurs), elle atteint le stade de la perfection quand elle s’allie à une telle expressivité, c’est une diction théâtrale presque avant que d’être musicale. Et puis il y a le personnage, merveilleusement conduit dans son évolution, depuis le Pelléas engoncé, plein de tics, étouffé et timide du début, celui soumis au « paterfamilias » Arkel, qui ne va pas voir Marcellus mourant, paralysé par la maladie paternelle et par l’interdiction d’Arkel, au Pelléas plus accompli par l’amour de la deuxième partie, plus ouvert et plus libre.
Justement, l’Arkel de Franz-Josef Selig joue vraiment le « Paterfamilias », aux mouvements calculés, plus souvent assis à la table à « présider » comme un Arkel « commandeur ». La diction est soignée, l’expression bien contrôlée, ainsi que la projection, avec un langage clair, qui exprime l’autorité et qui n’empêche pas le feu intérieur qui s’allume au contact de cette Mélisande volontairement perturbatrice. Un Arkel lui aussi Janus, aux limites de son contrôle sur lui-même. Belle composition de Chloé Briot en Yniold chantant en équilibre instable sur une échelle, même si je préfère les Yniold interprétés par de jeunes garçons (le magnifique enfant du Tölzer Knabenchor à Zürich). Quant à Thomas Dear, il prête un beau timbre, très présent, à la figure fugace du médecin.

Dans ce monde un peu paralysé, vaguement fossilisé, Mélisande a évidemment le statut d’élément perturbateur : elle est la femme, plus mûre mais encore jeune, d’une séduction presque animale. Elle n’a rien de l’oiseau fragile dont le texte parle. En scène elle est affirmée, notamment lorsqu’elle porte cette robe rouge-vermillon, couleur de la passion, qui l’isole par rapport aux teintes pastel presque effacées ambiantes. Aucun des costumes des autres ne possède cette agressivité. La présence scénique d’Hannigan fait le reste, un oiseau (de proie ?) sensuel et mûr vaguement destructeur. Comme toujours son chant peut diviser : sa diction, peut-être d’un souffle moins parfaite que celle de ses partenaires lui donne justement un souffle d’étrangeté et d’absence, mais l’expression est décidée, le ton est affirmé, la voix est merveilleusement placée à tous les degrés du registre et magnifiquement expressive par de multiples modulations. Je la préfère néanmoins dans la Marie manipulée de Die Soldaten à Munich que dans cette Mélisande manipulatrice où elle est néanmoins admirable. Peut-être aussi est-ce d’ailleurs la nouveauté du personnage qui me trouble. En tous cas, et c’est la magie des festivals, je ne vois pas quelle autre chanteuse pourrait incarner Mélisande dans cette production si elle entrait dans le répertoire d’un théâtre. C’est une production construite pour elle et autour d’elle, c’est sa grandeur et aussi sa faiblesse que d’être un Pelléas et Mélisande-Hannigan plutôt qu’un Pelléas et Mélisande.

 

On attendait aussi beaucoup, comme je l’ai écrit au début, de la direction d’Esa-Pekka Salonen particulièrement adapté aux œuvres de la première moitié du XXème siècle, dans une œuvre qui a priori est faite pour lui et qu’il connaît sur le bout des ongles, d’autant qu’il y dirigeait son Philharmonia Orchestra.

J’avoue avoir été moins sensible à son travail qu’en d’autres occasions. On a plusieurs manières d’aborder Pelléas, une manière impressionniste, miroitante, relevant chaque son en faisant une sorte de multiplication de reflets diamantesques : c’était le cas jadis d’Abbado, qui savait cependant, en immense chef de théâtre qu’il était, accompagner le drame et donner de la tension. Ce fut aussi le cas de Gatti à Florence, qui avec une incroyable clarté, révélait l’ensemble des secrets de la partition, dans des conditions acoustiques difficiles, mais rendant chatoyant et riche de tous ses reflets un texte musical imprégné de l’ambiance littéraire de la période et pas seulement de Maeterlinck. Maazel jadis à Paris (avec Jorge Lavelli, Frederica Von Stade, Richard Stillwell et Gabriel Bacquier) avait su conjuguer l’onirique, le poétique et de dramatique. C’est à lui que je dois mon amour pour cette œuvre que je regardais avec distance dans ma prime jeunesse, tout occupé à découvrir Wagner. J’aime les directions musicales qui illuminent et qui éclairent tous les détails de ma mosaïque debussyste, faite de tesselles orientées différemment, tout à la fois ombres et lumières, et qui néanmoins savent créer tension et drame.
Je n’ai pas trouvé tant de tension dans l’accompagnement musical du drame surtout dans un première partie que j’ai trouvée trop linéaire. Certes, on peut dire que Salonen suit en cela la mise en scène, dans sa continuité et sa fluidité dramatique qui passe de scène en scène comme un regard presque extérieur au drame (celui de la Mélisande rêvant). J’ai écrit linéaire, je devrais dire lisse, trop lisse, sans aspérités, et avec une discrétion étonnante qui fait qu’à certains moments on n’entend peu l’orchestre. Un parti pris de discrétion qui me perturbe parce que je n’y entend plus les chatoyances, les différences de couleurs, les ruptures aussi, mais une sorte d’uniformité.
Certes, la deuxième partie plus dramatique donne un peu plus de relief à l’ensemble, mais sans jamais être abrupt, ou brutal. Ce parti-pris me paraît courir le risque de ne pas rendre justice à l’œuvre, de ne pas lui rendre sa profondeur, au profit d’une certaine fadeur, de la couleur un peu passée du décor, un son lointain et quelquefois indifférent.
J’entends bien que le parti-pris scénique, un rêve qu’on regarde, contribue à éloigner, et peut induire le chef à proposer un son sans le son, une sorte de second degré, de vision derrière la vision et donc éloigner le choc direct, j’entends bien – pour le défendre à chaque fois- que le chef et le metteur en scène ne peuvent jouer des partitions différentes, mais j’avoue avoir quelque peu regretté un relief qui me paraît si indispensable ici.

Indiscutablement cette production interroge et ce n’est pas la seule du festival (on le verra bientôt avec Cosi fan tutte). C’est intéressant de proposer un Pelléas et Mélisande d’un « réalisme onirique » qui a incontestablement trouvé un ton. Pourtant, malgré l’excellence de la distribution et sa justesse de ton, je suis resté un peu sur ma faim.
Il y a un mois, j’étais à Zürich pour un autre Pelléas et Mélisande, dirigé par Alain Altinoglu et mis en scène par Dmitri Tcherniakov, qui proposait lui aussi une vision de famille en déliquescence, mais avec une violence inouïe et inédite dans cette œuvre (magistral Golaud de Kyle Ketelsen, imposante Geneviève d’Yvonne Naef et incroyable Arkel de Brindley Sherratt) que relayait dans la fosse un Alain Altinoglu original et poignant, très expressionniste (certains ont dit puccinien), plein de couleurs et de tensions, de contrastes, de dynamique, très surprenant dans sa manière d’emprunter une voie inédite. J’ai préféré ce Pelléas coup de poing, ou le Pelléas suspendu et ailleurs de Christophe Honoré à Lyon, plutôt que ce goût amer et lointain laissé par le travail de Katie Mitchell, au contact d’artistes admirables, nous laissant des images souvent belles, mais ni le cœur lacéré, ni l’âme en capilotade. [wpsr_facebook]

Thanatos : Sylvie Brunet-Grupposo (Geneviève) Laurent Naouri (Golaud) Barbara Hannigan (Mélisande) Stéphane Degout (Pelléas) Franz-Peter Selig (Arkel) Thomas Dear (le médecin) ©Patrick Berger / ArtComArt
Thanatos : Sylvie Brunet-Grupposo (Geneviève) Laurent Naouri (Golaud) Barbara Hannigan (Mélisande) Stéphane Degout (Pelléas) Franz-Peter Selig (Arkel) Thomas Dear (le médecin) ©Patrick Berger / ArtComArt