FESTIVAL BERLIOZ DE LA CÔTE SAINT ANDRÉ: APERÇU DU PROGRAMME 2015

Un concert d'Hector Berlioz (A.Geiger-1846)
Un concert d’Hector Berlioz (A.Geiger-1846)

 

www.festivalberlioz.com/

Le Festival Berlioz de la Côte Saint André a eu au long de sa vie presque quadragénaire des fortunes diverses, né – je m’en souviens bien – pour être le Bayreuth berliozien français, il ne put accomplir ce rêve, il est vrai que les opéras de Berlioz sont peu nombreux, qu’ils coûtent très cher (Les Troyens et Benvenuto Cellini au moins) et que ce rendez-vous méritait plus d’originalité, plus « dailleurs » en lien avec le personnage particulier qu’était Hector Berlioz.
Depuis que l’ethnomusicologue Bruno Messina en a pris la direction, le Festival a labouré des espaces nouveaux, en cherchant à impliquer de manière plus systématique le territoire isérois, et en travaillant sur une sorte d’espace musical berliozien, c’est-à-dire sur Berlioz et son temps, Berlioz et son espace, Berlioz et ses rêves. Il en résulte une programmation riche, diversifiée, surprenante aussi, qui essaie de correspondre au personnage, et qui va plus loin que la simple exécution de ses œuvres dans le cadre de concerts traditionnels.
Certes, la petite ville de la Côte Saint André, où naquit le compositeur, avec son Château Louis XI reste le centre névralgique du Festival, mais les thématiques choisies portent ailleurs, en Amérique pour l’édition 2014, et cette année, bicentenaire du « Vol de l’aigle » de 1815 oblige, c’est autour de la figure napoléonienne que se construit la programmation, qui cherche à cheminer le long de cette « route Napoléon » qui traverse le territoire isérois.
On sait que toute la période de la monarchie de Juillet, la grande période créatrice de Berlioz est aussi une période où se constitue la légende napoléonienne, y compris dans la littérature (la Chartreuse de Parme de Stendhal est de 1839 et Une ténébreuse affaire de Balzac de 1841), avec le transfert des cendres en 1840, et qu’elle se conclut sur le retour au pouvoir de Louis Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III (le « petit » selon Victor Hugo).

Alors, la programmation concoctée par Bruno Messina qui prend appui sur le regard berliozien sur Napoléon et toutes les évocations napoléoniennes de la musique, commence le 20 août par des errances, au bord de la route Napoléon, jalonnée de banquets et de moments célébratifs, à Corps, à la Prairie de la rencontre à Grenoble, pour se terminer par un banquet-cabaret à La Côte Saint André où c’est le célèbre chansonnier Bérenger qui sera à l’honneur.

Ce Festival Berlioz sonnera Berliozz à Vienne, le 21 août par l’exécution du Te Deum qu’il voulait dédier à Napoléon Bonaparte et qu’il dédia finalement au prince Albert, époux de la reine Victoria. Il fut créé à Saint Eustache en 1855 avec 950 exécutants. A Vienne, 600 enfants venus du département de l’Isère y participeront, le Jeune Orchestre Européen Hector Berlioz et les Grands Chœurs de Spirito, les solistes Nicolas Courjal et Pascal Bourgeois, ainsi que Daniel Roth à l’orgue, le tout sous la direction de François Xavier Roth.
La soirée se terminera par une promenade musicale très jazzy ( hommage à Jazz à Vienne) à partir de thèmes de la musique de Berlioz.
Le 22 août, le Festival sera à Saint Antoine l’Abbaye pour une soirée construite autour de Tristia, la méditation religieuse de Berlioz, accompagnée d’évocations funèbres diverses, de Napoléon Bonaparte et d’autres souverains, (La marche funèbre pour les funérailles de Napoléon 1er dont la dépouille fut ramenée de Sainte Hélène, d’Auber  la Messe des morts à la mémoire de Marie-Antoinette de Plantade et enfin le Requiem en ut mineur à la mémoire de Louis XVI de Cherubini). C’est le Concert Spirituel (Orchestre et Choeur) sous la direction d’Hervé Niquet qui officiera.

Enfin, le 23 août, le Festival se lovera de nouveau dans le berceau du musicien, à La Côte Saint André pour un concert « révolutionnaire et romantique » où seront exécutés ensemble, comme le voulait Berlioz, La Symphonie Fantastique et Lelio, sa suite qui, disait-il, « doit être entendue immédiatement après la Symphonie Fantastique, dont elle est la fin et le complément. »
L’exécution en sera confiée à l’Orchestre révolutionnaire et Romantique sous la direction de John Eliot Gardiner.

Le 24 août, toujours à la Côte Saint André, un concert très original tout dédié à la figure de Napoléon, Le Lion, l’Ogre et le Renard, avec au programme l’Ode à Napoléon de Schönberg (1942-43), trois fanfares pour les proclamations de Napoléon de Castanède, et la Suite symphonique sur le Napoléon d’Abel Gance d’Arthur Honegger et Marius Constant, par l’Orchestre Symphonique OSE, jeune collectif dynamique dirigé par Daniel Kawka qui explore des modes nouveaux pour l’exécution et la diffusion symphoniques.

C’est au tour de l’Orchestre National de Lyon dirigé par Fabien Gabel d’évoquer le 25 août l’Empereur pour un programme dédié à Guerre et Paix, marqué par le point de vue russe avec Tedi Papavrami, violon, et la participation de l’Ensemble à Vents de l’Isère. Au programme Hary Janos la suite symphonique de Z. Kodaly, qui narre l’histoire d’un hussard autrichien qui se vanta d’avoir conquis Marie-Louise et vaincu seul Napoléon, le concerto pour violon n°7 du Paganini français, Pierre Rode, un des fondateurs de l’école russe et de l’école allemande de violon romantique qui servit Napoléon, le Tsar et le Roi de Prusse,  ainsi que les plus connues  Ouverture 1812 de P. I. Tchaïkovsky et la Suite symphonique Guerre et Paix, de S. Prokofiev arrangée par Christopher Palmer.

L’héroïsme, part intrinsèque de la Légende napoléonienne, sera l’objet du concert (« héroïque fantaisie ») donné le, mercredi 26 août par l’excellent Orchestre des Pays de Savoie dirigé par le non moins excellent Nicolas Chalvin avec au programme Beethoven (La Bataille de Vitoria ou La Victoire de Wellington et la Symphonie n°3 « Eroica ») et Saint-Saëns ( Concerto pour piano n°5 « L’Egyptien » ).

Le 27 août la Corse fait irruption dans le programme pour une création mondiale sur des paroles de Napoléon Bonaparte de Nabulio Oratorio pour chœur polyphonique, orchestre symphonique et récitant avec l’orchestre Poitou Charente et A Filetta, polyphonies corses, Didier Sandre, récitant sous la direction de Jean-François Heisser, lequel offrira un concert d’évocations hispaniques le 28 août à 17h.

Le 28 août, au Château Louis XI, « Le Vol de l’Aigle » une intégrale des concertos pour piano de Beethoven (avec une pause ravitaillement appelée panier du Grognard) par François-Frédéric Guy et l’Orchestre de Chambre de Paris, couronnée par le Concerto n°5, L’Empereur .

Berlioz avait été profondément marqué par l’audition de la 9ème symphonie de Beethoven, et son dialogue avec Beethoven a été permanent. La soirée du 29 août s’appelle donc « Hymne à la joie » et conjugue des œuvres de Berlioz, Scène héroïque (La Révolution grecque) et la mort de Sardanapale et la 9ème de Beethoven, avec Sylvia Schwartz, soprano – Henriette Gödde, mezzo, Bogdan Volkov, ténor,  Michel de Souza, basse, Rodion Pogossov, basse. C’est l’Orchestre National de Lyon sous la direction de son chef permanent Leonard Slatkin avec le Chœur Spirito sous la direction de Bernard Têtu qui sera à l’œuvre pour une soirée qui promet d’être l’un des sommets du festival.

Enfin, le 30 août, la clôture des dix jours de festivités, sera célébrée par une fête musicale funèbre et triomphale, avec l’ Orchestre d’harmonie de la Garde républicaine sous la direction du Colonel François Boulanger, avec Jacques Mauger, trombone pour un programme diversifié de Bizet, Saint Saëns, Chabrier, Fauré qui se terminera inévitablement par la Symphonie funèbre et triomphale, version 1840 d’Hector Berlioz.

J’ai passé sous silence les concerts de 17h, les voyages en musique orientale, les récitals, les multiples manifestations qui émaillent toute la semaine. Il y en a pour tous les goûts, pour ceux qui habitent ce territoire très agréable en fin d’été et pour ceux qui aimeraient terminer leurs vacances en musique.
C’est un festival à la fois culturellement exigeant et très ouvert, un peu hors des sentiers battus, qui célèbre notre Berlioz national par des chemins multiples, directs ou de traverses, dans une géographie musicale explosée et joyeuse. Berlioz rencontre Napoléon en cette fin d’été sur un territoire où chacun des deux a laissé ses traces, Berlioz rencontre Napoléon en cette fin d’été pour que la musique efface le sang des guerres épuisantes, et qu’il ne reste que la geste et la légende.[wpsr_facebook]

 

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LES WANDERUNGEN DU WANDERER: LES STATIONS de la PASSION. LA TABLE DES MATIÈRES 2013

Les 132 articles de l’année 2013

Janvier 2013 (8)

Les Troyens au cinéma (MET HD)
La succession de Sir Simon Rattle est ouverte (Actualité)
Der fliegende Holländer (Budapest)
Der Ring des Nibelungen: Das Rheingold (Bayerische Staatsoper München)
Der Ring des Nibelungen: Die Walküre (Bayerische Staatsoper München)
Der Ring des Nibelungen: Siegfried (Bayerische Staatsoper München)
Concert: Münchner Philharmoniker-Ingo Metzmacher-Michael Volle/Berg-Mahler-Pfitzner-Wagner (Philharmonie in Gasteig München)
Der Ring des Nibelungen: Die Götterdämmerung (Bayerische Staatsoper München)

Février 2013 (15)

Der Ring des Nibelungen, de Beckham à Wagner, une rêverie (Bayerische Staatsoper München)
Falstaff (Scala)
Nabucco (Scala)
La Traviata (Grand Théâtre de Genève)
Après Genève, La Traviata, promenade dans la discothèque (Grand Théâtre de Genève)
Der Ring des Nibelungen: Das Rheingold (Opéra de Paris)
Parsifal (MET-New York)
Rigoletto (MET-New York)
Théâtre: Sommergäste (Les estivants) (Schaubühne Berlin)
Concert: Gewandhausorchester-Riccardo Chailly/Mendelssohn-Schlee-Mahler (Gewandhaus Leipzig)
Sur Wolfgang Sawallisch (In memoriam)
Die Feen (Oper Leipzig)
Opéra de Paris, saison 2013-2014 (Actualité)
MET, saison 2013-2014 (Actualité)
DNO Amsterdam, saison 2013-2014 (Actualité)

Mars 2013 (12)

Remarques rêveries sur le Parsifal du MET (MET HD)
Teatro Real & Liceu Barcelona, saisons 2013-2014 (Actualité)
Das Rheingold (Grand Théâtre de Genève)
Der fliegende Holländer (Scala)
Concert: Orchestra Mozart-Claudio Abbado-Martha Argerich /Mozart-Beethoven (Lucerne Festival)
Théâtre: Phèdre (Comédie Française)
Concert: Symphonieorchester BR-Mariss Jansons/Britten (Lucerne Festival)
Concert: Symphonieorchester BR-Mariss Jansons/Beethoven-Chostakovitch (Lucerne Festival)
Concert: Staatskapelle Dresden-Christian Thielemann/Brahms (Osterfestpiele Salzburg 2013)
Concert: Staatskapelle Dresden-Christian Thielemann-Yefim Bronfman/Henze-Beethoven-Brahms (Osterfestspiele Salzburg 2013)
Parsifal (Bayerische Staatsoper München)
Parsifal (Osterfestspiele Salzburg)

Avril 2013 (11)

Der Ring des Nibelungen: Siegfried (Opéra de Paris)
Opéra National de Lyon, la saison 2013-2014 (Actualité)
Il Prigioniero/Erwartung (Opéra de Lyon)
Macbeth (Scala)
Claude (Opéra de Lyon)
Concert: Mahler Chamber Orchestra – Claudio Abbado-Martha Argerich/Beethoven-Mendelssohn (Salle Pleyel, Paris)
Théâtre: Le Misanthrope (Sivadier) Comédie de Valence
Bayerische Staatsoper, la saison 2013-2014 (Actualité)
Grand Théâtre de Genève, la saison 2013-2014 (Actualité)
Wiener Staatsoper, la saison 13-14 (Actualité)
Staatsoper Berlin/Deutsche Oper Berlin, saisons 13-14 (Actualité)

Mai 2013 (12)

Oberto conte di San Bonifacio (Scala)
Concert: Orchestra Mozart-Orchestra del Maggio Musicale Fiorentino- Claudio Abbado/Wagner-Verdi-Berlioz (Teatro Comunale Firenze)
Oper Frankfurt Saison 2013-2014 (Actualité)
ROH Covent Garden et ENO, saisons 2013-2014 (Actualité)
Capriccio (Opéra de Lyon)
Der Fliegende Holländer (Staatsoper Berlin)
Le Grand Macabre (Komische Oper Berlin)
Concert: Berliner Philharmoniker-Claudio Abbado/Mendelssohn-Berlioz (Philharmonie Berlin)
Teatro alla Scala, saison 2013-2014 (Actualité)
Der fliegende Holländer (MC2 Grenoble)
Le Vaisseau fantôme ou le maudit des mers (MC2 Grenoble)
Der Ring des Nibelungen: Die Götterdämmerung (Scala)

Juin 2013 (8)

La Gioconda (Opéra de Paris)
Alexander Pereira, nouveau sovrintendente de la Scala (Actualité)
Rigoletto à Vernier (Le Lignon, Stadttheater Biel)
Die Meistersinger von Nürnberg (Amsterdam DNO)
Concert: Orchestra Mozart-Claudio Abbado/Beethoven-Mozart-Haydn-Prokofiev (Salle Pleyel, Paris)
Cosi fan tutte (Teatro Real à la TV)
Bon anniversaire Claudio (Actualité)
Interview de Claudio Abbado dans Die Zeit (Actualité)

Juillet 2013 (14)

Die Zauberflöte (Opéra de Lyon)
Concours international de Chant Toti dal Monte (Trévise)
Rienzi (Bayreuth 2013 – Wagnerjahr)
Das Liebesverbot (Bayreuth 2013 – Wagnerjahr)
Der Ring des Nibelungen, Siegfried (Münchner Opernfestspiele 2013)
Otello (Münchner Opernfestspiele 2013)
Wagnerjahr 2013, Frühwerke: quelques questions sans réponses (Bayreuth 2013 – Wagnerjahr)
Elektra (Aix 2013)
Don Giovanni (Aix 2013)
Rigoletto (Aix 2013)
Un ballo in maschera (Scala)
Don Carlo (Münchner Opernfestspiele 2013)
Boris Godunov (Münchner Opernfestspiele 2013)
Der Ring des Nibelungen, ce qu’on en dit (Bayreuth 2013)

Août 2013 (11)

Sur Regina Resnik (In memoriam)
Concert: Lucerne Festival Orchestra-Claudio Abbado/Brahms-Schönberg-Beethoven (Lucerne Festival 2013)
Tannhäuser (Bayreuth 2013)
Der Ring des Nibelungen: Die Götterdämmerung (Bayreuth 2013)
Der fliegende Holländer (Bayreuth 2013)
Concert: Percussive Planet Ensemble-Martin Grubinger/Xenakis-Bartok (Lucerne Festival 2013)
Die Meistersinger von Nürnberg (Salzburg 2013)
Concert: Lucerne Festival Orchestra-Claudio Abbado/Schubert-Bruckner (Lucerne Festival 2013)
Norma (Salzburg 2013)
Claudio Abbado nommé “Senatore a vita” (Actualité)
Der Ring des Nibelungen: Das Rheingold (version de concert) Lucerne Festival 2013

 

Septembre 2013 (12)

Orphée et Eurydice (version de concert) (Festival Berlioz)
Der Ring des Nibelungen: Die Walküre (version de concert) (Lucerne Festival 2013)
Concert: Concertgebouw-Gatti/Mahler (Lucerne Festival 2013)
Der Ring des Nibelungen: Die Götterdämmerung (version de concert) (Lucerne Festival 2013)
Concert: Maurizio Pollini (Schönberg-Schumann-Chopin) (Lucerne Festival 2013)
Gérard Mortier limogé du Teatro Real (Actualité)
Claudio Abbado annule sa tournée au Japon (Actualité)
Arrivée anticipée de Stéphane Lissner à Paris (Actualité)
Concert: Symphonieorchester BR-Jansons-Uchida/Beethoven-Berlioz (Lucerne Festival 2013)
Concert: Symphonieorchester BR-Jansons/Mahler (Lucerne Festival 2013)
Alceste (Opéra de Paris)
Concert: Budapest Festival Orchestra-Ivan Fischer/Bartok-Dvorak (Lucerne Festival 2013)
Concert: Philharmonia Orchestra/Esa-Pekka Salonen (Lucerne Festival 2013)

Octobre 2013 (13)

Falstaff (Opéra de Budapest)
Die Soldaten-1 (Opernhaus Zürich)
Patrice Chéreau (In memoriam)
Aida (Opéra de Paris)
Les Dialogues des Carmélites-1 (Opéra de Lyon)
Les Noces de Figaro d’après Mozart (Odyssée – Eybens)
Les Dialogues des Carmélites-2 (Opéra de Lyon)
Théâtre: Lucrèce Borgia (Athénée)
Concert: ONF-Gatti/Haydn-Ravel-Tchaïkovski (TCE)
Lucerne 2014: La programmation de Pâques 2014 (Lucerne Festival)
Lucerne 2014: La programmation de l’été et de l’automne (Lucerne Festival)
Inauguration Académie Liszt de Budapest (Liszt Academy)
Die Soldaten-2 (Opernhaus Zürich)

Novembre 2013 (7)

Der fliegende Holländer (Geneva Wagner Festival, BFM-Genève)
Théâtre: L’Avare (Toneelgroep Amsterdam) (MAC Créteil)
Norma (version de concert) (Opéra de Lyon)
Théâtre: Le Conte d’hiver (MC2 Grenoble)
Elektra (Opéra de Paris)
Mémopéra, l’opéra et la mémoire (Opéra de Paris)
I Puritani (Opéra de Paris)

Décembre 2013 (9)

Die Frau ohne Schatten (1) (Bayerische Staatsoper München)
Die Frau ohne Schatten (2) (Bayerische Staatsoper München)
La Traviata (Scala)
Les contes d’Hoffmann (Opéra de Lyon)
Les Dialogues des Carmélites (TCE)
La Grande Duchesse de Gerolstein (Athénée)
Méditation sur Forza del destino (streaming)
Les Wanderungen 2013 du Wanderer (Blog Wanderer)
Le Palmarès 2013 du Blog du Wanderer (Blog Wanderer)

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FESTIVAL BERLIOZ (LA CÔTE SAINT ANDRÉ): ORPHÉE ET EURYDICE (concertant) de Christoph Willibald GLUCK (Version H.BERLIOZ), le 28 AOÛT 2013 dirigé par Nicolas CHALVIN (ORCHESTRE DES PAYS DE SAVOIE)

Hector Berlioz photographié en 1963

Connaissez-vous La Côte Saint André? C’est une petite ville de quelques milliers d’habitants au centre de l’Isère, à une quarantaine de km de Grenoble, avec une longue histoire depuis le Moyen âge, un joli château (le Château Louis XI) et quelques monuments médiévaux.
C’est aussi la ville natale d’Hector Berlioz.
Les relations du public français à Berlioz sont plus ou moins contrastées. Dans ma jeunesse, c’était plutôt les anglais qui servaient particulièrement le répertoire berliozien et notamment Colin Davis, récemment disparu. Il a fallu attendre 1990 pour que l’Opéra de Paris affiche Les Troyens en version intégrale, puis, en 1992 ou 1993, Benvenuto Cellini dans une mise en scène “hénaurme” de Denis Krief et dans la foulée une Damnation de Faust (mieux servie) dans une mise en scène de Luca Ronconi. Mais si en France, Berlioz est un peu trop timidement entré au répertoire des théâtres, à l’étranger, cela fonctionne mieux: il y a de belles productions des Troyens à Londres, à Amsterdam, et on annonce une reprise cette année à Berlin et une nouvelle production à la Scala. Le répertoire symphonique est mieux partagé, on vient d’entendre à Berlin avec les Berliner Philharmoniker une Symphonie fantastique d’anthologie dirigée par Claudio Abbado, on va la réentendre dans quelques jours avec le Symphonieorchester des bayerischen Rundfunks dirigé par Mariss Jansons à Lucerne, et à Lucerne toujours, dans deux semaines, Esa Pekka Salonen dirigera Roméo et Juliette avec le Philharmonia. Berlioz vit, et c’est heureux.

L’idée d’un festival Berlioz n’est pas nouvelle, d’une part parce que Berlioz aimait cette forme de manifestation qu’il a plus ou moins inventée, ensuite parce que l’idée d’un grand festival consacré à Berlioz, inspirée de la forme de Bayreuth, a nourri les premières années du Festival à Lyon (sous la direction de Serge Baudo). Il est vrai que le répertoire de Berlioz, entre opéras, cantates, symphonies, se prête bien par son côté spectaculaire à la forme Festival, à condition que la structure de production soit suffisamment riche et puissante pour pouvoir gérer les masses impressionnantes (orchestre et choeurs) que ce répertoire implique, ainsi que l’appel à des solistes qui puissent chanter les rôles, quand on pense à l’Énée des Troyens, ou même  à Benvenuto Cellini (rôle qui exige un ténor d’exception) ou même la plus populaire Damnation de Faust (à propos, Jonas Kaufmann fit de la production d’Olivier Py au Grand Théâtre de Genève un inoubliable souvenir) . L’acte I du festival Berlioz à Lyon, prit fin en 1989, mais l’idée fut reprise en 1994 en la liant de manière étroite aux lieux de la jeunesse de Berlioz, à savoir la Côte Saint André. On peut lire l’histoire du Festival sur le site http://www.festivalberlioz.com/.
Programmer un festival Berlioz qui illustre l’oeuvre du maître est complexe à cause des problèmes de coûts, mais aussi de public: il n’est pas sûr que l’on trouve chaque année un public suffisamment nombreux pour venir voir Les Troyens, Benvenuto Cellini et même La Damnation de Faust – cette année tout de même et comme pour me faire mentir, le Festival s’ouvre sur une version scénique de  Béatrice et Benedict (mise en scène Lilo Baur), mais sans les dialogues, remplacés par un récitant – ou même ne voir et n’entendre que des oeuvres de Berlioz: Wagner a suscité des pèlerins, mais pas Berlioz. Essentiellement financé par le Ministère de la Culture et de la Communication, la Région Rhône-Alpes, le Conseil Cénéral de l’Isère et la Communauté de Communes Bièvre-Liers et la Commune de La Côte Saint André, c’est un Festival qui draine (et c’est heureux) un public local et régional, assidu, passionné, disponible et curieux, environ 22000 spectateurs, sur une dizaine de jours à la fin du mois d’août. La programmation du directeur Bruno Messina, structurée autour d’une thématique liée à Berlioz, permet d’ouvrir le programme à des formes et à des auteurs divers (cette année Wagner, Beethoven entre autres), dont la musique populaire (Bruno Messina est ethnomusicologue) et à occuper divers lieux alentour.

Gluck par Duplessis

D’où ce soir Orphée et Eurydice, de Gluck, mais dans la version Berlioz écrite pour Pauline Viardot (soeur de la Malibran) et mezzo soprano, avec les forces de l’Orchestre des Pays de Savoie dirigé par Nicolas Chalvin, et les choeurs et solistes de Lyon Bernard Têtu.
La légende d’Orphée a inspiré comme de juste de très nombreux compositeurs, notamment baroques depuis les origines de l’opéra (Orfeo de Monteverdi, Euridice de Caccini, Orfeo de Rossi pour n’en citer que quelques uns, mais aussi ne l’oublions pas l’Orphée aux Enfers d’Offenbach qui est le pendant bouffe de celui de Gluck qui a toujours bénéficié d’une gloire immense.
Orphée et Eurydice de Gluck est l’un des premiers opéras que j’ai vus dans ma vie de mélomane longtemps liée à la programmation de l’Opéra de Paris. Or, Rolf Liebermann pour sa première (courte) saison en 1973 avait programmé  Le Nozze di Figaro, ParsifalOrphée et Eurydice et un peu après Il Trovatore. Orphée et Eurydice était présenté dans la version faite pour Paris par Gluck (1774) grâce à Marie-Antoinette qui l’avait fait venir de Vienne, dans une mise en scène (peu inventive) de Raymond Rouleau, avec Orphée ténor, et le ténor avait nom Nicolaï Gedda, cette immense gloire du chant, dont je me souviens l’incroyable facilité à l’aigu et les agilités dont il gratifiait le rôle, qu’il était à l’époque à peu près le seul à pouvoir le chanter (il a enregistré le rôle avec Janine Micheau en 1955): c’est que le rôle est en fait écrit pour un contre-ténor, tessiture qui court les rues baroques aujourd’hui et bien moins fréquente sinon inexistante dans les années 50-60. J’ai revu l’Orphée de Gluck dans la version référentielle de Pina Bausch, qu’on aura l’occasion de revoir à l’Opéra-Garnier au Printemps 2014 et dans la version originale italienne (faite pour Vienne en 1762) à la Scala de Milan en juin 1989, dirigé par Riccardo Muti, qui a beaucoup contribué à remettre Gluck à l’honneur, avec Bernardette Manca di Nissa (Orfeo, contralto), Lella Cuberli (Euridice, soprano) et Elisabeth Norberg-Schultz (Amore, soprano) dans une mise en scène de Roberto de Simone (hum). Il a d’ailleurs enregistré cette version avec le Philharmonia et une distribution peu baroque, Agnès Baltsa, Margaret Marshall et Edita Gruberova.
C’est donc avec beaucoup d’intérêt que j’ai entendu à La Côte Saint André la version Berlioz, que je n’avais jamais vue et qui n’est pas une totale réorchestration, mais une adaptation du texte musical à de nouveaux équilibres vocaux. L’interprétation donnée n’est donc pas baroque, et l’orchestre des Pays de Savoie (qui a déjà présenté plusieurs fois l’an dernier l’opéra de Gluck, dans le cadre des manifestations autour du tricentenaire de J.J. Rousseau )  joue donc sur instruments modernes, sous l’impulsion énergique de Nicolas Chalvin.

Nicolas Chalvin © Philippe Hurlin

Il faut souligner le travail de cet orchestre et de ce chef sur les territoires alpins, portant la musique là où elle va peu (voire jamais) avec une action très active auprès du jeune public. C’est un orchestre “à géométrie variable”, avec de jeunes musiciens très engagés et l’interprétation offerte est vraiment de très bonne facture, où l’on retrouve l’énergie de Gluck et sa manière d’avoir transformé l’orchestre pour en faire un protagoniste et non un simple écrin pour acrobaties vocales. L’influence de Gluck est presque directe sur Mozart, mais aussi sur Cherubini, sur Spontini, sur Rossini et même sur Wagner. Gluck a transformé l’opéra (à la grande satisfaction de Rousseau), le sortant de la gratuité de l’acrobatie vocale, mais mettant la technique au service de l’expression et de la psychologie des personnages. L’Orphée de Gluck est encore dramaturgiquement assez linéaire et demeure en fait un long et profond lamento d’Orphée, qui tient pratiquement seul la scène d’un bout à l’autre, en dialoguant avec le chœur (excellents chœur et solistes de Lyon Bernard Têtu); c’est dans la nature d’Orphée d’être inconsolable, car c’est cela qui génère son chant et lui fait être un musicien et un poète, Apollinaire l’a bien compris dans sa Chanson du mal aimé.
L’opéra s’ouvre sur un chœur funèbre et sur la mort d’Eurydice: l’action est donc concentrée sur le chagrin, la descente aux Enfers et la remontée d’Eurydice, et elle est si concentrée qu’un ballet a été rajouté par Gluck à Paris (version de 1774) pour fêter le retour d’Eurydice sur terre: on sait quelle importance revêt de ballet dans la tradition parisienne, et cela par ricochet autorisa Pina Bausch à en faire la version que l’on sait; Gluck sans doute aussi se devait aussi d’honorer l’amour et la joie, pour fêter l’amour des nouveaux souverains Louis XVI et Marie-Antoinette: Orphée et Eurydice est créé le 2 août 1774 et Louis XV est mort le 10 mai de la même année.

Marianna Pizzolato

Vu le symbole que représente Orphée (c’est celui qui par son chant, charme les hommes, la nature vivante (les plantes et les arbres) et les rochers, il est nécessaire d’avoir à disposition un Orphée solide, car sans une voix assise, tout l’édifice s’écroule. Et l’Orphée de la soirée est une mezzo-soprano italienne, Mariana Pizzolato, une jeune sicilienne à la carrière déjà bien engagée qui a étudié à Palerme. Si elle se dédie actuellement au répertoire baroque, c’est plutôt vers Rossini que sa carrière s’est orientée d’abord. Des trois chanteuses, c’est elle dont la diction française est la plus claire, ensuite, la voix, plutôt étendue, sonne particulièrement dans le registre grave. Jolies agilités (habitude de Rossini oblige), et beau timbre. Il faudrait peut-être accentuer l’interprétation et varier la couleur; cela reste un tantinet monocorde quelquefois, mais la prestation et bien plus qu’honorable: elle tient la scène et le rôle.

Bénédicte Tauran

L’Amour bénéficie de la fraîcheur et du naturel de Bénédicte Tauran, très à l’aise en scène, même quand elle ne réussit pas à en sortir (elle a dû frapper à une porte latérale!). Pour l’Amour, ce côté naturel convient bien.  Mais la qualité intrinsèque du chant ne m’est pas apparue totalement convaincante (dans un rôle plutôt épisodique, il est vrai) je n’ai pas trouvé la voix suffisamment allégée, mais plutôt rêche, un peu rude. Il faudra que je la réécoute dans un rôle plus important, car il est difficile il est vrai dans une partie aussi brève d’imposer un style ou une personnalité.

Marie Arnet

La soprano suédoise Marie Arnet a déjà une carrière bien engagée, avec un répertoire qui va du baroque (Ariodante) à Lulu, ce qui signifie une voix très aiguë capable de dominer un orchestre important. Sa blondeur et son élégance en font une jolie image d’Eurydice. Son chant est bien contrôlé, mais je trouve que la diction fait un peu défaut (très frappant face à Mariana Pizzolato, et aussi face à Bénédicte Tauran – française il est vrai), les paroles ne sont pas sculptées, elles sont plutôt savonnées avec un peu trop d’utilisation du portamento, notamment dans l’air d’entrée (après c’est mieux) évoquant il est vrai  “l’agrément” des Champs Elysées: on est d’ailleurs surpris du désespoir d’Orphée d’un côté à l’acte I et de la sérénité résignée d’Eurydice au début de l’acte II; au fond, elle ne semble pas si mal lotie, voilà une idée à travailler pour une mise en scène. Marie Arnet possède un style et une technique bien particuliers (une Eurydice de l’ailleurs…) qui se différencie nettement des deux autres protagonistes. À réécouter dans un autre répertoire…

Mais, même avec quelques réserves, l’ensemble est apparu bien maîtrisé, bien en place et avec un beau relief à tous niveaux. Cet Orphée et Eurydice (un peu) mâtiné de Berlioz, méritait le voyage par sa qualité d’ensemble et l’on ne peut que se réjouir de le voir porté dans ce petit coin de France qui a vu Hector Berlioz grandir, une pierre précieuse dans le jardin de l’évangélisation musicale.
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