LA SAISON 2022-2023 DU TEATRO ALLA SCALA

La saison de la Scala est parue et avec elle son cortège de discussions et de considérations diverses. Il y a ceux qui défendent les choix et il y a ceux qui s’en désolent, comme de juste. Mais en l’occurrence la Scala ne mérite ni cet excès d’honneur ni cette indignité. Au vu de cette saison et de quelques autres il est clair que le Teatro alla Scala peine à rester un leader artistique en Europe. Certes le théâtre reste un phare « mythique », mais sa programmation n’a plus la force d’entraînement qu’elle a pu avoir jadis, et elle n’est plus une référence musicale, sauf à de rares exceptions. La Scala est essentiellement un objet médiatique qui fonctionne encore…. Si la saison est attendue avec curiosité, c’est par un vague espoir que ses couleurs en seront ravivées. Ce n’est encore pas le cas pour 2022-2023.

Il y a déjà belle lurette que la Scala n’est plus la référence européenne  ou « le plus grand théâtre lyrique du monde », même s’il en est encore sans aucun doute le plus célèbre : pas de productions phares, pas de voix nouvelles découvertes, peu de chefs d’envergure – nous avions à ce propos la saison dernière proposé une comparaison cruelle avec une saison du passé.
Mais, plus étonnant, la Scala est en train de perdre aussi ce statut en Italie où d’autres institutions proposent des productions qui attirent plus, des spectacles plus avancés, plus intelligemment distribués et plus ouverts. En bref qui font plus envie.
Cette maison vit sur sa gloire passée, sur son histoire et sa mythologie, et c’est un peu ce qui lui reste: une force d’inertie. Mais elle n’a plus de couleur artistique claire, comme si le pouvoir avait été pris par un algorithme qui prévoit un certain nombre de productions selon des recettes qui recommandent la voie moyenne, sinon quelquefois la poussière, à tous les niveaux. Une saison anonyme, qui n’apparaît être faite que par dosages sans envie, et pourtant malgré une vraie variété dans l’offre et des choix qui peuvent sans aucn doute séduire: paradoxal, je sais.

Les innovations, on les trouve dans un nouveau design pour l’image du matériel promotionnel de la Scala (à part les affiches et « locandine » historiques) ou une façade qui va retrouver les couleurs originales voulues par son architecte Piermarini et un nouveau bâtiment qui agrandit les espaces arrière. La Scala s’agrandit, la Scala ne cesse de se moderniser, c’est parfait, mais pour quelle politique?
Si innovation et couleur pouvaient aussi inonder autre chose que design et façade, on penserait moins à Potemkine…

Il y a longtemps que le spectateur que je suis a constaté cette très lente dégradation : elle ne date pas de cette année ni de la saison précédente, elle a commencé par l’ère Muti, qui au moins avait pour garantie un chef d’envergure dont on pouvait ne pas partager les options, mais qui était très présent . Il y a eu aussi la période Barenboim qui a redonné du brillant, même si Stéphane Lissner était critiqué : mais tout de même, Lohengrin de Claus Guth avec Kaufmann et Harteros, Tristan de Chéreau avec Meier, et le Ring de Cassiers, ou La Traviata de Tcherniakov avec Gatti en fosse, qu’on partage ou non les options des mises en scène, tout cela avait de la gueule.
On chercherait en vain un spectacle qui ait « de la gueule » aujourd’hui, malgré des forces locales toujours exceptionnelles quand elles sont motivées et emportées par l’envie: c’est un point à souligner, choeur, orchestre, et techniciens restent parmi les équipes les plus enviables au monde.
Quant à la saison, un peu de Kaufmann et un peu de Netrebko ne font pas une saison brillante, même si, reconnaissons-le, les temps que nous traversons sont difficiles pour tous les théâtres : mais comment expliquer que la Scala, le théâtre le mieux doté d’Italie, soit l’un des moins stimulants ?

Sur les 14 productions d’opéra certaines peuvent attirer et même valoir le voyage, d’autres choix sont inexplicables et d’autres enfin sans autre intérêt que remplir un agenda. C’est une somme sans ligne, parce que cela va dans tous les sens. Pas de ligne artistique, mais simplement un souci de gestion des attentes supposées du public. Il aime Bohème de Zeffirelli ? on lui donne La Bohème de Zeffirelli. Il rêve au nom de Strehler, si lié à cette maison, on lui sert des Nozze di Figaro qui ne sont que la resucée en moins bien du spectacle parisien. Qu’importe puisque tout le monde, depuis 1981 (date de la production) a oublié…
La politique des metteurs en scène évite soigneusement les grands noms qui circulent dans toute l’Europe et même aux USA aujourd’hui (même à New York qui est pourtant un temple du conservatisme), on cherche soit les morts, les poussiéreux qui l’étaient déjà il y a vingt ans et au mieux ceux qui frôlent de loin une apparence de modernité non dérangeante en se risquant à un ou deux noms à la mode qui apaiseront les regards critiques.

En fait, on n’aime pas le théâtre en ce moment à la Scala. C’est assez singulier dans cette maison, qui accueillit Visconti, Strehler, Ronconi, Lioubimov, Vitez, Ponnelle, Wilson et plus récemment Tcherniakov, Cassiers, Bondy et Chéreau. Mais le phénomène a commencé dès le mandat de Riccardo Muti comme directeur musical, où les spectacles ont perdu de leur intérêt. Le passage de Lissner, si décrié par certains milanais, à un peu rafraîchi l’offre, mais celui d’Alexander Pereira est resté bien trop prudent en la matière.
Mais qu’un Barrie Kosky qui n’est pas un révolutionnaire soit encore inconnu à Milan, ou pire, un italien comme Romeo Castellucci, salué dans le monde entier, c’est tout de même d’un ridicule achevé. On leur préfère Davide Livermore, herméneute de la superficialité insignifiante, qui a son rond de serviette depuis des années et dont on reverra le Macbeth insupportable cette année, avec, en plus une nouvelle production des Contes d’Hoffmann sans doute plumes, paillettes et vidéo.
Même étrangeté dans la politique des chefs d’orchestres, erratique, entre très grands noms particulièrement légitimes et chefs de répertoire à la viennoise (ce qui n’est pas forcément un compliment) dans le théâtre le plus symbolique du système stagione, où le choix du chef est essentiel pour chaque production, où comme disait il y a 50 ans Paolo Grassi, le résultat de la représentation du soir est déterminant et où la programmation devrait être, disent d’autres, le Festival permanent: quand on est la Scala, trouver une dizaine de chefs de bon profil ne doit pas être si difficile … Visiblement, comme on ne les trouve pas, cela signifie qu’ils sont ailleurs et que la Scala n’a plus de pouvoir d’attraction, ou bien, plus vraisemblable, qu’on n’a pas envie de les chercher.
Mais c’est aussi un débat qui remonte à très loin puisque déjà Carlo Fontana répondait que les « grands » chefs ne voulaient plus faire d’opéra hors de leur propre maison. Alors quand on regarde le passé,  les saisons de la Scala sont quelquefois contrastées mais dans l’ensemble elles se tiennent du point de vue des choix de chefs, comme le montrent les cinq exemples ci-dessous : il y a des noms très connus aujourd’hui, mais à l’époque, c’était des chefs plus jeunes, voire débutants, et leur carrière depuis montre que le théâtre avait eu du nez…
Cinq saisons au hasard ( 3 sous Carlo Fontana/Riccardo Muti, et 2 sous Stéphane Lissner/Daniel Barenboim) assez différentes et considérons seulement  les noms des chefs invités

  • 1988-1989 :
    (saison avec tournée du Bolchoï) Riccardo Muti, Seiji Ozawa, Gianandrea Gavazzeni, Daniele Gatti (débuts), Alexandre Lazarev (Bolchoï), Andrei Christiakov (Bolchoï), Gary Bertini, Tiziano Severini, Lorin Maazel, Gennadi Rozhdestvenski, Zoltan Pesko
    Riccardo Muti, directeur musical (6 productions)
  • 1997-1998 :
    Zoltan Pesko, Massimo Zanetti, Gianluigi Gelmetti, Riccardo Muti, Donald Runnicles, Adam Fischer, Valery Gergiev, Bruno Campanella
    Riccardo Muti, directeur musical (3 productions)
  • 1998-1999 :
    Riccardo Muti, Bruno Bartoletti, Giuseppe Sinopoli, Mstislav Rostropovitch, David Robertson, Riccardo Chailly, Gary Bertini.
    Riccardo Muti, directeur musical (5 productions)
  • 2010-2011:
    Daniel Barenboim, Omer Meir Wellber, Daniel Harding, Edward Gardner, Roland Boër, Susanna Mälkki, Yannick Nézet-Séguin, Franz Welser-Möst, Nicola Luisotti, Antonello Allemandi, Rinaldo Alessandrini, Roberto Abbado, Philippe Jordan, Valery Gergiev
    Daniel Barenboim, (1 production) n’était pas encore directeur musical il le sera la saison suivante.
  • 2011-2012
    Daniel Barenboim, Gustavo Dudamel, Daniele Rustioni, Enrique Mazzola, Fabio Luisi, Gianandrea Noseda, Robin Ticciati, Andrea Battistoni, Nicola Luisotti, Marc Albrecht, Marco Letonja, Omer Meir Wellber
    Daniel Barenboim, directeur musical (2 productions)
    Ces cinq exemples parlent d’eux mêmes.

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Cette saison Il y a quatorze productions d’opéra entre reprises et nouvelles productions.
On compte donc :

Nouvelles productions :

Boris Godounov
I Vespri Siciliani
Les contes d’Hoffmann
Li Zite n’galera
Lucia di Lammermoor
Rusalka
Peter Grimes
L’Amore dei tre re’

Reprises :
Salomé : même si la production n’a pas été vue par le public, elle a été, répétée et retransmise en streaming en 2021, c’est donc une reprise.
La Bohème
Andrea Chénier
Macbeth
Il Barbiere di Siviglia
Le nozze di Figaro

Au palmarès des compositeurs :

Répertoire italien
1 Vinci
1 Rossini
1 Donizetti
2 Verdi
1 Puccini
1 Giordano
1 Montemezzi

Répertoire non italien
1 Mozart
1 Offenbach
1 Moussorgsky
1 Dvořák
1 R.Strauss
1 Britten

Un peu de tout, couvrant scrupuleusement toutes les périodes de l’art lyrique, des compositeurs au profil classique, des metteurs en scène éprouvés sinon éprouvants, quelques bons à très bons chefs et deux chefs de grande envergure dont le directeur musical, d’autres chefs qui ailleurs font du répertoire pour une bonne moitié des productions, et des distributions correctes sans remuer les tripes.
J’ai lu avec amusement à propos de cette saison « pluie de stars » : il faudrait s’entendre sur la qualification de « star » Yoncheva ? Rebeka ? Allons donc… J’en trouve trois sur 14 productions, Kaufmann, Netrebko, Flórez… une bruine plutôt qu’une pluie. Et d’ailleurs, les stars viennent sur une ou deux productions, jamais plus, donc c’est un épiphénomène.

 

Décembre 2022
Modest Moussorgski
Boris Godounov

8 repr.(comprises l’Avant-première jeunes (4/12) et la « Prima » (7/12) et du 10 au 29 déc.) – Dir : Riccardo Chailly / MeS : Kasper Holten
Avec Ildar Abdrazakov, Ain Anger, Misha Didyk, Norbert Ernst…
43 ans après la production mythique de Iouri Lioubimov, dirigée par Claudio Abbado dans la version originale (version 1872) de Moussorgski (qui en fait lança cette musique dans tous les théâtres du monde jusque-là habitués à la version Rimsky), la Scala produit un nouveau Boris Godounov. Certes, depuis 1979, l’œuvre a été reprise en 1980-1981, puis le Bolchoï en 1988-1989 l’a présentée en tournée, et Gergiev a dirigé les forces de la Scala dans la production du Mariinski en 2001-2002, mais c’est la première production « maison » du chef d’œuvre de Moussorgski depuis 1979.
En outre, cette ouverture de saison sera marquée par la présentation de la version originale de 1969. Évidemment la direction de Riccardo Chailly sera particulièrement guettée car c’est là que se situe le plus grand intérêt. La distribution solide est quand même assez attendue, avec Ildar Abdrazanov en Boris, évidemment inévitable, avec un Ain Anger en Pimen qu’on eût pu peut-être éviter (ses dernières prestations sont médiocres), mais Misha Didyk est un autre des chanteurs « attendus », qui a l’avantage d’être ukrainien (important un soir de Prima) encore qu’il y ait des ténors russes aujourd’hui bien plus intéressants dans ce rôle. Norbert Ernst en Shuiski en revanche est une jolie idée.
La mise en scène est signée de Kasper Holten, qui avait fait un Ring remarqué à Copenhague en 2006, mais qui depuis n’a pas imprimé les mémoires par des productions notables.
Le débat a porté dans la critique italienne sur la présence d’un entracte, qui ne se justifie pas dans la version de 1869. Mais comment peut-on imaginer une Prima du 7 décembre sans entracte, autant enlever 95% de l’intérêt de la soirée… Enfin, Der fliegende Holländer, qui se joue sans entracte partout dans le monde, a des entractes à la Scala… Quand on vous dit que ce théâtre est unique…

Janvier 2023
Richard Strauss
Salomé

6 repr. du 1er au 31 janv. – Dir : Zubin Mehta/MeS : Damiano Michieletto
Avec Vida Miknevičiūtė, Michael Volle, Wolfgang Ablinger Sperrhacke, Linda Watson…
Comme ailleurs, les productions sacrifiées sur l’autel du Covid reviennent devant le public. Celle-ci avait été doublement frappée : d’une part Zubin Mehta, prévu, avait déclaré forfait et c’est Riccardo Chailly qui avait dirigé à sa place (magnifique interprétation d’ailleurs), et d’autre part, le confinement avait contraint la Scala à une reprise en streaming. Cette année, Mehta revient, et c’est l’attraction.
La production de Michieletto (qui ne m’a pas enthousiasmé) va enfin avoir droit à son vrai public, et attraction supplémentaire, c’est Vida Miknevičiūtė aujourd’hui appelée partout, qui va faire sa première apparition à la Scala en Salomé. Vaut le voyage donc, d’autant que Iochanaan sera l’immense Michael Volle, sauf le 31 janvier où ce sera Tomasz Konieczny. Hérode de choix avec Wolfgang Ablinger Sperrhacke, le meilleur ténor de caractère de langue allemande mais grave chute de goût avec Linda Watson en Hérodias quand on a sur le marché désormais Waltraud Meier… Conclusion : vaut le voyage

 

Février 2023
Giuseppe Verdi
I Vespri Siciliani

7 repr. du 28 janv. au 21 fev. – Dir : Fabio Luisi/MeS : Hugo de Ana
Avec Marina Rebeka/Angela Meade, Piero Pretti, Luca Micheletti/Roman Burdenko, Dmitry Beloselskiy.
Cette production n’est pas en soi une mauvaise idée : depuis la production Pizzi dirigée par Riccardo Muti en 1987-1988 et 1989-1990, pas de Vespri Siciliani à la Scala. Il est vrai aussi que ce n’est pas un titre typiquement scaligère. La confier à Fabio Luisi, solide, élégant, très ductile, ce n’est pas non plus un mauvais choix d’autant qu’il est très aimé de l’orchestre.
Mais donner la mise en scène à Hugo de Ana, qui avait déjà au début des années 2000 massacré un Trovatore dirigé par Muti, c’est une très mauvaise idée. De Ana est peut-être(?) un bon décorateur, mais un mauvais metteur en scène, et il écume les scènes depuis des années sans rien faire de vraiment original. De la vieillerie.
Distribution correcte sans être exceptionnelle, Marina Rebeka fait de belles notes, mais c’est de la glace à aigus. Angela Meade est une vraie Elena (entendue jadis au MET, et avec quel éclat !): si vous y allez, mieux vaut choisir les 11 ou 21 février. Piero Pretti est un bon ténor, mais sans grande personnalité, Dmitry Beloselskiy une belle basse, mais quand on a en Italie un Roberto Tagliavini… Pour Monforte, du neuf, Luca Micheletti qu’on voit plusieurs fois dans la saison, et Roman Burdenko, plus habituel.
Enfin, quand tous les théâtres désormais proposent le plus souvent la version originale en français, la Scala se distingue en programmant la traduction italienne. C’est une faute pour un théâtre qui se dit un temple verdien.
L’Opéra de Rome inaugura sa saison en 2019 par la version française « Les Vêpres siciliennes » sous la direction d’un Daniele Gatti au sommet. Ainsi on évitera les comparaisons…
Un spectacle globalement inutile des choix discutables, qui part sous de mauvais auspices.

Mars 2023
Giacomo Puccini
La Bohème

8 repr. du 4 au 26 mars – Dir : Eun Sun Kim MeS : Franco Zeffirelli
Avec Marina Rebeka/Irina Lungu, Irina Lungu/Mariam Battistelli, Freddie De Tommaso, Yongmin Park, Luca Micheletti
Présenter la énième fois la Bohème de Zeffirelli a été raillé par certains commentateurs ; je ne suis pas de cet avis dans la mesure où cette production attire à chaque fois un public ravi et qu’elle est une signature du théâtre, un des symboles de cette maison. Et donc on peut comprendre.
On peut comprendre aussi l’appel à la jeune cheffe Eun Sun Kim, qui dirige beaucoup en Europe. Et c’est aussi une bonne idée de faire appel à Freddie De Tommaso comme Rodolfo, qui est l’une des voix nouvelles intéressantes du répertoire italien qu’on commence à s’arracher, et le faire débuter à la Scala en Rodolfo qui n’est pas un rôle trop difficile, pourquoi pas ?
Pour le reste, Marina Rebeka en Mimi, ça n’a aucun intérêt, tant les Mimi écument les salles, et Rebeka ne me semble pas avoir le cœur puccinien (en tous cas elle ne me fait pas pleurer) et donner à Irina Lungu Mimi et Musetta en alternance, est-ce une si bonne idée ? On s’ingénie habituellement à bien séparer les deux typologies vocales.
Pour une Bohème à la Scala, l’alternative est simple : ou bien on appelle des stars, et là on crée un événement, ou bien on compose une distribution de jeunes très prometteurs (chef compris), sur Bohème c’est sans grand risque et il y a en Italie des chefs et des cheffes jeunes capables de diriger.
Là on est dans un entre deux, un peu fade, qui ne donne pas vraiment envie.

Mars 2023
Jacques Offenbach
Les Contes d’Hoffmann

6 repr. du 15 au 31 mars – Dir : Frédéric Chaslin/MeS : Davide Livermore
Avec Vittorio Grigolo, Ildar Abdrazakov, Eleonora Buratto, Federica Guida, Francesca Di Sauro, Marina Viotti
Pendant la saison 1994-1995, Les Contes d’Hoffmann fut signé Alfredo Arias et dirigé par Riccardo Chailly. Ça ne manquait pas de gueule. La production fut reprise plusieurs saisons et remplacée en 2012 par celle bien connue de Robert Carsen.
Une nouvelle production, pourquoi pas ?
Comme une saison n’est pas concevable aujourd’hui à la Scala sans Davide Livermore, on lui donne l’opéra fantastique, avec ses jeux d’images vidéos dont il a le secret, quelle que soit l’œuvre, mais au moins celle-ci s’y prêtera. Direction musicale Frédéric Chaslin, très apprécié par Dominique Meyer (bien moins par d’autres) et une distribution que Marina Viotti, Ildar Abdrazakov, Vittorio Grigolo et Eleonora Buratto rendent très solide.
Dans une saison qui ne brille pas par l’originalité, et où on donne pas mal de platitudes de luxe, des Contes d’Hoffmann paillettes sur scène peuvent attirer. Ne vaut pas le voyage en tous cas pour mon goût.

Avril 2023
Leonardo Vinci
Li zite n’galera
5 repr. du 4 au 21 avril – Dir : Andrea Marcon/MeS: Leo Muscato
Avec Raffaele Pe, Marco Filippo Romano, Francesca Aspromonte, Cecilia Molinari etc…
Leo Muscato, vous vous souvenez ? Celui qui avait inversé la fin de Carmen au nom de l’honneur des femmes…
Metteur en scène sans grand intérêt (cependant meilleur dans le comique) mais qui a deux productions à la Scala cette année, comme quoi…
Andrea Marcon, au contraire est l’un des maîtres du répertoire baroque en Italie, une référence internationale. Et donc, c’est un choix judicieux pour cette œuvre inconnue, une commedia per musica, créée à Naples en 1722.
Dans la distribution, Raffaele Pe le contre-ténor et d’autres spécialistes bien connus de ce répertoire. Tout cela fait, si on ferme les yeux sur Muscato (à moins qu’il ne trouve l’inspiration, ce qui est toujours possible), une production qui devrait valoir le voyage, rien que par curiosité.

 

Avril-Mai 2023
Gaetano Donizetti
Lucia di Lammermoor

8 repr. du 13 avril au 5 mai – Dir : Riccardo Chailly/MeS :  Yannis Kokkos
Avec Boris Pinkhasovich, Lisette Oropesa, Juan Diego Flórez, Ildebrando D’Arcangelo, Leonardo Cortellazzi
Avec Flórez, Oropesa et Chailly en fosse, c’est un tiercé gagnant, qui devait être de la Prima annulée pour Covid en 2020 et remplacée par ce spectacle ridicule télévisé réalisé par Davide Nevermore, oh pardon, Livermore.
Entourés, en plus par Boris Pinkhasovich : la Scala va découvrir l’un des meilleurs barytons actuels, et Ildebrando d’Arcangelo bien connu, c’est la garantie d’un succès.
Pour la mise en scène, la dernière, pas géniale mais passable, venait du MET (Mary Alice Zimmermann), et l’avant-dernière était signée Pier’Alli, mieux. Pourquoi faire une nouvelle production si les autres sont encore dans les cartons ? Lucia est l’un de ces titres qui n’a pas besoin de changer si souvent et la production Zimmermann tenait le coup. Alors on fait du neuf (?)… en appelant Yannis Kokkos.
Le décorateur de Vitez (mort en 1990) est un décorateur souvent inspiré mais jamais ne fut un metteur en scène, sauf peut-être pour Les Troyens, sa production qui a le plus marqué, un peu comme le bien plus médiocre Hugo De Ana (voir plus haut). En tous cas pas un metteur en scène d’avenir, mais plutôt des années 1990. Un choix peu explicable sinon par la peur de la nouveauté.
Mais devrait, pour la musique, valoir le voyage.


Mai 2023
Umberto Giordano
Andrea Chénier
7 repr. du 3 au 27 mai – Dir : Marco Armiliato/MeS : Mario Martone
Avec Sonya Yoncheva, Yusif Eyvazov/Jonas Kaufmann, Ambrogio Maestri / Amartuvshin Enkhbat , Elena Zilio
Reprise de la mise en scène de Mario Martone qui avait enchanté la Prima de 2017 (Eyvazov, Salsi, Netrebko). La star cette fois est Jonas Kaufmann, et la starlette Sonya Yoncheva qui n’a pas la moitié de la voix de Netrebko… Pour le reste du solide, avec la seule apparition émouvante, celle de Elena Zilio en Madelon. En fosse, Marco Armiliato, qui avec Fedora l’automne prochain arrivera enfin à diriger à la Scala après une carrière qui l’a mené dans tous les grands opéras de la planète pour diriger le répertoire italien. C’est un bon chef sans aucun doute, en particulier dans le vérisme, un chef de répertoire de série A, qui a beaucoup dirigé au MET et à Vienne.
À Vienne qui propose, si vous avez des envies, un André Chénier avec Jonas Kaufmann, Carlos Alvarez, Maria Agresta sous la direction de Francesco Lanzillotta. Comparez, et décidez…

 

Juin 2023
Antonín Dvořák
Rusalka
6 repr. du 6 au 22 juin 2023 – Dir : Tomáš Hanus/MeS : Emma Dante
Avec Dmitry Korchak, Elena Guseva, Olga Bezsmertna, Okka von der Damerau, Yongmin Park
Emma Dante comme metteuse en scène, c’est au moins un nom italien de prestige dont le choix ne peut heurter. Tomáš Hanus en fosse, c’est un très bon chef d’opéra sur ce répertoire qui assurera un niveau musical très enviable. Okka von der Damerau en Jezibaba et Elena Guseva en princesse étrangère, c’est excellent. Mais Olga Bezsmertna en Rusalka, c’est médiocre, et Dmitry Korchak en prince, c’est une idée baroque. Distribution bizarre, faite d’excellentes idées d’un côté et de drôles d’idées de l’autre qui risquent de gâcher la fête.

 

Juin-Juillet 2023
Giuseppe Verdi
Macbeth

8 repr. du 17 juin au 8 juillet – Dir : Giampaolo Bisanti/MeS : Davide Livermore
Avec Ekaterina Semenchuk/Anna Netrebko, Luca Salsi/ Amartuvshin Enkhbat
Fabio Sartori/Giorgio Berrugi, Jongmin Park
La mise en scène lamentable de Davide Livermore ne sera pas rééquilibrée par la direction de Chailly, remplacé par Giampaolo Bisanti, chef correct sans doute, mais pas pour ce type d’œuvre qui nécessite une toute autre personnalité.  Netrebko en juin-juillet, pour aimanter les premiers touristes qui feront l’aller et retour Vérone-Milan, la solide Semenchuk fera le reste.

Septembre 2023
Gioachino Rossini

Il barbiere di Siviglia
6 repr. du 4 au 18 septembre 2023 – Dir : Evelino Pidò/MeS Leo Muscato
Avec les artistes de l’Accademia del Teatro alla Scala
Orchestra dell’Accademia del Teatro alla Scala.
Toujours excellente idée d’une production de l’Accademia insérée dans le programme annuel. La production est celle de Leo Muscato, qui a remporté un certain succès en septembre 2021, avec Chailly en fosse et une jolie distribution. Ici Evelino Pidò est une garantie de précision pour des jeunes chanteurs et les jeunes musiciens de l’orchestre de l’académie.

Septembre-Octobre 2023
W.A.Mozart
Le nozze di Figaro
7 repr. du 30 sept. au 20 oct – Dir : Andres Oroczo-Estrada/MeS : Giorgio Strehler
Avec Ildebrando D’Arcangelo, Olga Bezsmertna, Luca Micheletti, Benedetta Torre, Svetlina Stoyanova
Andrès Oroczo-Estrada, vient de démissionner de son poste de directeur musical des Wiener Symphoniker après à peine un an d’exercice comme Directeur musical où il succédait à Philippe Jordan. Le chef colombien a une réputation assez solide dans le Mozart symphonique. À noter la comtesse d’Olga Bezsmertna qui m’a vraiment déçu dans ce rôle quand je l’ai entendue à Munich. Ildebrando D’Arcangelo est un chanteur particulièrement rôdé, dans Le nozze où il a chanté Bartolo, Figaro et il Conte Almaviva. Svetlina Stoyanova a chanté Cherubino à Vienne en 2018, Luca Micheletti est metteur en scène devenu chanteur, avec un certain succès et il apparaît plusieurs fois cette saison à la Scala, Benedetta Torre est une jeune chanteuse à laquelle on commence à s’intéresser. Une distribution qui mélange jeunes et moins jeunes. À découvrir seulement si vous êtes par hasard à Milan.


Octobre-Novembre 2023
Benjamin Britten
Peter Grimes

6 repr. du 18 oct. au 2 nov – Dir : Simone Young/ MeS : Robert Carsen
Avec Brandon Jovanovich, Nicole Car, Ólafur Sigurdarson, Natasha Petrinsky
Simone Young est un bon choix pour le chef d’œuvre de Britten, je l’ai entendue à Vienne en janvier dernier et sa direction était très solide. Robert Carsen est Robert Carsen : il n’a plus grand chose à inventer, mais il plaît en Italie où il représente une modernité sans grand risque, donc évidemment en odeur favorable à la Scala. Distribution sans grande saveur cependant, sinon Natasha Petrinsky et Nicole Car, une Ellen Orford sans doute intéressante, mais Brandon Jovanovich en Peter Grimes, ce n’est pas vraiment attirant… Donc une production nouvelle, sur laquelle le théâtre n’a pas l’air de parier, comme si on se disait, « inutile de chercher la distribution idéale, de toute manière le théâtre ne sera pas plein ».

 

Italo Montemezzi
L’amore dei tre re’

5 repr. du 28 oct. au 12 nov – Dir : Michele Mariotti /MeS :Alex Ollé, La Fura dels Baus
Avec Günther Groissböck, Roberto Frontali, Giorgio Berrugi, Chiara Isotton, Giorgio Misseri
Pour information, deux reprises à la Scala l’une en 1948 (dir.Franco Capuana) et l’autre en 1953 (direction Victor De Sabata), chacune pour trois représentations. Avec les cinq prévues, cela fera 11 représentations en 75 ans… L’œuvre est donc un peu disparue des programmes, même si elle fut un des grands succès du MET où elle fut créée en 1914.
On ne peut pas donc reprocher au théâtre de la ré-exhumer et de parier sur L’amore dei tre re’ d’Italo Montemezzi sur un livret de Sem Benelli, créé à la Scala en 1913. Puisque le centenaire n’a pas été fêté, on fête donc en 2023 le 110e anniversaire de la création qui bénéficia de la direction de Tullio Serafin.
Pour ce retour à la Scala, à 71 ans de la mort de Montemezzi, c’est Alex Ollé, de la Fura dels Baus qui met en scène. Entre Carlus Pedrissa et Alex Ollé, c’est le moins intéressant et évidemment le plus consensuel des deux qui a été choisi dans l’équipe de la Fura dels Baus pour cette production. En revanche musicalement, entre Günther Groissböck qu’on n’attendait pas dans ce répertoire, Roberto Frontali, Giorgio Berrugi et Chiara Isotton, c’est une très belle distribution et en fosse, Michele Mariotti ranimera sans doute la flamme morte, du moins on l’espère. Une œuvre à connaître de toute manière, qui ne jouit pas d’une grande faveur cependant malgré son succès avant la deuxième guerre mondiale.
C’est donc un voyage possible, si vous êtes curieux.

Le Ballet :

Le Ballet de la Scala a une grande tradition classique et ceux qui s’y intéressent se rendront certainement à Milan pour constater les premiers résultats du travail de Manuel Legris et de voir sur scène le dernier arrivé, Jacopo Tissi, « guest », et danseur étoile du BolchoÏ, qui a quitté la Russie suite aux événements que vous savez. Les ballettomanes auront peut-être plus de chance que les lyricomanes. Une saison brillante.

Productions :

Casse-Noisette (Chor. Rudolf Noureev)
Soirée chorégraphes : Dawson, Duato, Kratz, Kylián
Le Corsaire (Chor.Manuel Legris)
Soirée William Forsythe (Chor.William Forsythe)
Romeo et Juliette (Chor. Kenneth Mac Millan)
Gala Fracci
Le Lac des Cygnes (Chor.Rudolf Noureev)
Aspects of Nijinsky (Chor.John Neumeier)

 

Les concerts :

C’est toujours une carte maîtresse du théâtre, et cette année, entre les chefs de premier plan et des petits nouveaux, les concerts sont bien diversifiés et, comme la saison dernière, la programmation musicale hors opéra a des attraits que la programmation lyrique n’a pas toujours.
Les concerts symphoniques mêlent orchestre du Teatro alla Scala pour les grands concerts avec chœur et de la Filarmonica pour les concerts strictement symphoniques
La saison de la Filarmonica peut être consultée sur le site https://www.filarmonica.it/

Novembre 2022
9, 10, 12 novembre
Orchestre du Teatro alla Scala
Chœur de femmes du Teatro alla Scala
Chœur d’enfants de l’Accademia du Teatro alla Scala

Daniele Gatti, direction

Mahler, Symphonie n°3

Gatti grand mahlérien revient pour un des monuments de Gustav Mahler. À ne pas manquer

Janvier 2023
16, 18, 19 janvier
Filarmonica della Scala

Daniel Lozakovich, violon
Riccardo Chailly, direction

Tchaïkovski,
Concerto en ré majeur pour violon et orchestre op.35
Symphonie n°6 en si mineur op.74 « Pathétique »

Un programme de couleur russe quelques jours après le Boris Godounov d’ouverture

Février 2023
15, 16, 18 février
Filarmonica della Scala

Daniel Harding, direction

Mozart
Symphonie n° 39 en mi bemol majeur KV 543
Symphonie n° 40 en sol mineur KV 550
Symphonie n° 41 en ut majeur KV 551 « Jupiter »

Les trois dernières symphonies de Mozart, par Daniel Harding, assez familier de cette maison. Harding n’est jamais inintéressant,

Mars 2023
6, 8, 10 mars

Filarmonica della Scala

Marc Bouchkov, violon
Lorenzo Viotti, direction

Haydn
Symphonie n° 104 en ré majeur Hob:I:104 « London »
Korngold
Concerto en ré majeur op. 35 pour violon et orchestre
Strauss
Tod und Verklärung op.24

L’un des jeunes chefs désormais chéris de cette maison, engagé dans un programme très diversifié et une rareté, le concerto de Korngold

Avril 2023
24, 27, 28 avril

Filarmonica della Scala

Timur Zangiev, direction

Tchaikovski, Symphonie n°5 en mi mineur op.64
Chostakovitch, Symphonie n°5 en ré mineur op.47

Le jeune chef russe qui a remplacé Gergiev non sans succès dans les Dame de Pique de ce printemps, dans un programme idiomatique.


Mai 2023
18,19,20 mai
Orchestra del Teatro alla Scala
Chœur du Teatro La Fenice di Venezia
Chœur d’enfants de l’Accademia del Teatro alla Scala
Solistes:
Marina, Rebeka, Krassimira Stoyanova, Regula Mühlemann, Okka von der Damerau, Klaus Florian Vogt, Andrè Schuen, Ain Anger

Mahler, Symphonie n°8 en mi bemol majeur “Des Mille”

Immanquable, évidemment

Octobre 2023
11, 12, 14 octobre

Yuja Wang, piano
Zubin Mehta, direction

Messiaen, Turangalila Symphonie pour piano, ondes Martenot, et orchestre

Tout autant immanquable


Concerts exceptionnels


Décembre 2022
22 décembre 2022
Concert de Noël
Orchestre et chœur du Teatro alla Scala
Lauren Michelle, Annalisa Stroppa, Giovanni Sala, Luca Micheletti

Chef des chœurs : Alberto Malazzi

Zubin Mehta, direction

Haydn,
Symphonie n° 104 en ré majeur Hob:I:104 « London »
Messe en ut majeur « Paukenmesse » Hob:XXII:9

Concert de noël désormais traditionnel, au programme alléchant

Mai 2023
11 mai
Concert pour l’anniversaire de la reconstruction de la Scala
Chœur du Teatro alla Scala

Alberto Malazzi, direction

Rossini, Petite messe solennelle pour solistes, chœur, harmonium et deux pianos

Évidemment passionnant

Juin 2023
14 juin
Armonia Atenea
Gaelle Arquez, Max Emanuel Cencic, Julia Lezhneva, Suzanne jerosme, Dennis ORellana, Stefan Sbonnic
George Petrou, direction

Nicola Porpora, Carlo il calvo

Même en version de concert, la distribution vaut le coup .

Orchestres invités

Novembre 2022
19 novembre
Orchestra dell’Accademia nazionale di Santa Cecilia

Lisa Batiashvili, violon
Antonio Pappano, direction

Beethoven,
Concerto en ré majeur pour violon et orchestre op.61
Schumann,
Symphonie n°2 en ut majeur op.61

Programme très (trop ?) classique.

 

Décembre 2022
3 décembre 2022

English Baroque Solists
Monteverdi Choir

John Eliot Gardiner, direction

Bach,
du « Weihnachtsoratorium » BWV 248
Parties I-II-III

Difficile de manquer Gardiner

Mai 2023
25 mai 2023
Gustav Mahler Jugendorchester

Daniele Gatti, direction

Mahler,
Adagio de la Symphonie n°10
Symphonie n°1 en ré majeur « Titan »

Encore un Mahler, décidément prisé cette année et avec un orchestre de jeunes désormais mythique, jadis créé par Abbado. L’Italie a la chance d’avoir en son sein deux des plus grands chefs mahlériens actuels, qui sont dans la saison de la Scala, il faut en profiter.

Juin 2023
20 juin 2023
Wiener Philharmoniker

Riccardo Chailly, direction

R. Strauss
Don Juan, op 20
Guntram op. 25 Prélude
Feuersnot op.50 Scène d’amour
Ein Heldenleben op.40 Poème symphonique

Un programme Strauss qui offre deux raretés, Guntram et Feuersnot. On ne va pas bouder son plaisir avec un tel orchestre et un tel chef.

 

Récitals

Soulignons encore une fois l’initiative louable de proposer une saison de récitals, profitant souvent de la présence dans les distributions de bien des impétrants. Mais il y a récitals et récitals et je doute de Vittorio Grigolo et Michael Volle rencontrent le même public. Mais c’est aussi habile de réunir des artistes au profil radicalement différent, pour d’authentiques soirées de Lieder (Volle, Werba), de grandes soirées de folie lyrique (Netrebko, Grigolo), de belles soirées vocales (Salsi, Bernheim) et un récital que personne ne doit manquer : Rachmaninov par Evgueni Kissin et Renée Fleming sans doute le must de l’année.
C’est varié, la salle ne sera sans doute pas toujours remplie, mais c’est un programme au dosage assez séduisant.


Décembre 2022
18 décembre
Michael Volle, baryton
Helmut Deutsch, piano

Mozart, Schubert, Liszt


Janvier 2023
8 janvier 2023
Markus Werba, baryton
Michele Gamba, piano

Schubert, Winterreise op.89 D. 911

28 janvier 2023
Renée Fleming soprano
Evgueny Kissin, piano

Rachmaninov

Février 2023
26 février 2023
Vittorio Grigolo, ténor
Vincenzo Scalera, piano

Programme non communiqué

Mars 2023
19 mars 2023
Anna Netrebko, soprano
Elena Bashkirova, piano

Tchaïkovski, Rachmaninov, Rimski-Korsakov, Glinka

Juin 2023
10 juin 2023

Luca Salsi, baryton
Nelson Calzi, piano

Rossini, Bellini, Donizetti, Verdi

Octobre 2023
5 octobre 2023
Benjamin Bernheim, ténor
Carrie-Ann Matheson, piano

Chausson, Berlioz, Duparc, Puccini, Verdi

 

Grands pianistes à la Scala

On oublie souvent quand on ne vit pas ou qu’on n’a pas vécu à Milan que la Scala est non seulement le théâtre lyrique que l’on sait, mais aussi le lieu des « grands » concerts et des « grands » récitals. Il y a certes des auditoriums liés à des orchestres locaux (deux) : le troisième c’est celui du Conservatoire Giuseppe Verdi, belle salle mais moins prestigieuse et à la capacité qui ne concurrence pas la Scala. Milan n’a pas en dehors de la Scala un autre grand lieu de rendez-vous musical de prestige.
Alors les grands récitals de piano ont toujours lieu à la Scala, j’y ai par exemple entendu Horowitz, sauf pour certains programmes : un de mes souvenirs les plus frappants fut la deuxième sonate de Boulez par Maurizio Pollini au Conservatoire. Un de ces souvenirs qui poursuivent une vie.
Les solistes invités font partie de la fleur des pianistes du moment, avec le traditionnel concert de Maurizio Pollini, et la conclusion en octobre avec l’immense Igor Levit. De quoi remplir de grandes soirées.

 

Décembre 2022
11 décembre
Khatia Buniatishvili

Mozart, Bach, Chopin, Liszt, Rachmaninov, Prokofiev

 

Février 2023
13 février 2023

Maurizio Pollini

Programme non communiqué


Mars 2023
20 mars 2023

Jan Lisieki

Chopin, Études et Nocturnes

Avril 2023
2 avril

Rudolf Buchbinder

Bach, Suite anglaise n°3 en sol mineur BWV 808
Beethoven, Sonate n°23 en fa mineur op. 57 « Appassionata »
Schubert, Sonate en si bémol majeur D 960

Octobre 2023
22 octobre 2023

Igor Levit

Liszt, Liebestraum n°3
Mahler, Adagio de la Symphonie n° 10 (arrangement Ronald Stevenson)
Wagner, Prélude de Tristan und Isolde (Arrangement Zoltán Koksis)
Liszt, Sonate en si mineur.

______________________________________

Comme on le voit, comme on a pu le lire, il y a des grands moments à prévoir dans cette saison, mais pas forcément à l’opéra. Ballet, concerts symphoniques, récitals divers devraient offrir de quoi remplir les soirées.

On reste un peu hésitant face au programme lyrique, ce qui est presque un comble concernant la Scala. Des choix souvent ennuyeux, des productions qui ne font pas envie, marquées par la prudence et l’évitement de tout ce qui pourrait secouer les attentes d’un public qu’on doit estimer un peu rassis pour lui servir des choses aussi tièdes.
On connaît ce public de la Scala, très local, ou touristique et d’affaires (les foires) mais on sait aussi que les abonnements ont chuté, que l’on affiche désormais rarement tutto esaurito (complet). À ce type de public, c’est vrai qu’il ne faut servir que du digeste, et surtout pas d’effervescent. Comme d’autres théâtres, la Scala doit se relever des deux années de pandémie, mais la crise du public avait commencé bien avant. On voyait beaucoup de russes et beaucoup d’asiatiques : pour des raisons diverses, les uns et les autres ne voyagent plus. Est-ce la raison de cette prudence affichée pour ne pas heurter le public qui reste ?
Et pourtant, s’il y a des choix difficilement compréhensibles (I vespri siciliani), il y a des titres exigeants ou moins connus (Boris, Salomé, Peter Grimes, Rusalka Macbeth), des titres rares (Li zite n’galera, L’amore dei tre Re’) des titres populaires (Barbiere, Lucia, Chénier, Hoffmann ), des productions mythiques (Nozze, Bohème), c’est à dire une composition soucieuse d’équilibres qui devrait convaincre, et qui ne convainc pas.

Je persiste à croire qu’un peu plus d’ouverture sur les productions et les mises en scène ne devrait pas nuire, je persiste à croire que c’est cette image un peu passéiste des choix scéniques qui jette sur l’ensemble, peut-être injustement, une image poussiéreuse qui n’est pas compensée par des chefs incontestables et des distributions qui font naître l’envie… Mais on continue à l’aimer, ce satané théâtre qui nous énerve tant.

TEATRO ALLA SCALA 2011-2012: AIDA, de Giuseppe VERDI le 10 mars 2012 (Ms en scène:Franco ZEFFIRELLI, dir.mus: Omer MEIR WELLBER)

Aida est un opéra populaire entre tous essentiellement à cause de la scène de triomphe du deuxième acte, qui à elle seule motive l’exceptionnelle carrière aux arènes de Vérone, ou aux termes de Caracalla, mais aussi à Bercy et dans les grands stades du monde. Ainsi, on rassemble des centaines de figurants, de la couleur, des beaux costumes et l’affaire est pliée. Or Aida est pour le reste un opéra intimiste, comprenant de nombreuses scènes où évoluent deux ou trois personnages. Cela explique que le même Zeffirelli il y a quelques années ait pu mettre en scène Aida au (très) petit théâtre de Bussetto, d’une capacité de 300 places environ et que la création eut lieu au Caire, à l’Opéra dont la capacité est aujourd’hui de 1200 places (reconstruite après un incendie), mais la salle originelle était de capacité inférieure. Rien ne pouvait laissé supposer le destin hollywoodien de cette œuvre.
Un opéra difficile à monter car il faut des chanteurs très solides. Radamès est un rôle lourd pour un ténor, qui exige vaillance et lyrisme, et qui à peine en scène doit chanter son grand air (« celeste Aida ») « à froid » dans les cinq premières minutes de l’opéra. Aida exige à la fois une grande voix lyrique (un lirico spinto) et un très grand contrôle vocal, notamment à la fin où tout doit être chanté piano, voir pianissimo: tout le rôle est d’ailleurs presque concentré aux troisième et quatrième acte. Amneris est un grand mezzo verdien dans la tradition des Azucena, ou des Eboli qui doit tenir face à l’orchestre de manière soutenue au quatrième acte. Amonasro est un rôle bref (quelques répliques au deuxième acte, et tout le reste au troisième, mais qui exige une très grande voix de baryton, très vaillante. Musicalement, le plus beau moment est sans doute la scène du Nil (troisième acte) et tout le quatrième acte, notamment la grande scène d’Amneris au premier tableau, et aussi bien sûr le duo final. Autant dire que si votre Aida ne sait pas chanter piano ni émettre des notes filées, ce n’est pas une Aida.C’est bien là la contradiction d’une œuvre qu’on représente devant des milliers de personnes, et qui exige de l’héroïne un chant souvent murmuré. Les grandes Aida sont celles qui ont su conjuguer vaillance et poésie, dramatisme et lyrisme, volume et contrôle: elles ont nom Leontyne Price ouMartina Arroyo, mais aussi Maria Chiara, qui fut vraiment très grande aux côtés de Pavarotti à la Scala en 1985, ou, chère à mon coeur, Mirella Freni, dont on a dit qu’elle s’était fourvoyée, mais qui fut, aux côtés de José Carreras et de Marilyn Horne en 1979 à Salzbourg la plus poétique, la plus intense, la plus émouvante des Aida. Il est vrai qu’un chef était derrière ces choix qui apparurent discutables à l’époque, il s’appelait Herbert von Karajan. J’étais dans la salle pour mon premier spectacle à Salzbourg, et ce fut miraculeux.

A la Scala, quatre productions d’Aida depuis 1963, dont deux de Zeffirelli, celle de 1963, dirigée par Gianandrea Gavazzeni avec les magnifiques décors et costumes de Lila de Nobili inspirés d’estampes du XIXème siècle, celle de 2006, dirigée par Riccardo Chailly, où Zeffirelli a fait aussi les décors. Entre temps, en 1972, une nouvelle production dirigée par Claudio Abbado de Giorgio de Lullo, dans des décors de Pier Luigi Pizzi, et celle de 1985, dirigée par Lorin Maazel, mise en scène de Luca Ronconi dans des décors monumentaux de Mauro Pagano. La Scala reprend cette année, en hommage à Zeffirelli (89 ans) sa production de 1963, qui nous renvoie à une Egypte mythique, à une esthétique très XIXème siècle égyptomaniaque, et qui est d’une incontestable beauté. La production de Zeffirelli 2006 fut un grand ratage, avec ses kilos de dorures, ses foules impossibles à bouger, sa surcharge propre à écœurer sans impressionner. L’esthétique Zeffirelli a bien marqué le monde de l’Opéra, puisque Bohème et Aida ont inscrit son nom aux frontispices des opéras: sa Bohème est encore bien vivante depuis près de 50 ans dans plusieurs théâtres (MET, Vienne, Scala).

Acte 1 Scène 1, les esquisses

La production présente est à mon avis d’une grande beauté, certes, dans une mise en scène à qui aujourd’hui sans doute on donnerait une distance ironique ou sarcastique qu’on ne trouve pas ici, mais les toiles peintes, les perspectives, la monumentalité frappe encore. C’est une bonne idée que de la reproposer, et l’opération est réussie, on est à la Scala pour voir une production muséale, un témoin d’une certaine manière de faire et voir l’opéra. Pourquoi pas ? Ce n’est pas par là où le bât blesse, loin de là, et moi qui suis plutôt amateur de mises en scènes un peu moins sages, ait beaucoup apprécié ce grand moment de « mémoire » lyrique.

Quand on voit les distributions affichées par la Scala depuis 1963 dans Aida (1963, Cossotto-Amnéris, Leontyne Price/Leyla Gencer-Aida, Carlo Bergonzi-Radamès, Nicolai Ghiaurov-Ramfis et Aldo Protti-Amonasro, et les noms qui se sont succédés sur cette scène dans cette œuvre en 49 ans, Martina Arroyo, Jessie Norman, Maria Chiara, Gilda Cruz-Romo, Montserrat Caballé, Ghena Dimitrova, Violeta Urmana, Fiorenza Cossotto (Amneris pendant au moins 20 ans), Grace Bumbry, Viorica Cortez, Gabriella Tucci, Placido Domingo, Luciano Pavarotti, Gianfranco Cecchele, Carlo Cossutta, Piero Cappuccilli, Giampiero Mastromei et j’en oublie, on est étourdi, et on se demande quelle mouche a pu piquer le spécialiste des voix de la Scala de réunir cette année un cast aussi discutable, au moins pour les deux protagonistes. Il était possible de sauver l’entreprise, même en prenant des chanteurs de niveau moyen, mais au moins qui sachent articuler l’italien ou chanter piano.
Beaucoup de spectateurs ont hué le chef, le jeune israélien Omer Meir Wellber, et je pense qu’ils ont été très injustes: sa direction est contrastée, précise, fait bien sonner l’orchestre et notamment des phrases musicales moins connues (très  beau prélude), douée d’un vrai sens dramatique et d’un vrai sens du spectaculaire. Mais il faut être deux pour faire fonctionner l’affaire: quand le chef tire à hue et qu’obstinément, parce qu’ils sont simplement incapables de suivre ce que veut le chef, les chanteurs tirent à dia, on dit que le chef n’accompagne pas les chanteurs. Quand le duo final qui doit être en permanence chanté piano, est chanté forte par le ténor et miaulé forte par la soprano, cela ne peut aller. La meilleure preuve: quand Luciana d’Intino (Amnéris), une authentique chanteuse verdienne, attaque sa grande scène, au 4ème acte, non seulement elle chante, mais elle sait articuler, respirer, et suivre le chef avec grande attention, il en résulte le seul vrai  moment de théâtre de la représentation, en dépit d’une voix un peu abîmée, dédoublée (une voix pour le registre grave, une voix pour le centre et les aigus) mais une voix d’une présence malgré tout impressionnante.
Ainsi, merci à Luciana d’Intino d’avoir en l’occurrence montré ce qu’est le chant italien, et ce qu’est chanter Verdi.
Merci aussi à Giacomo Prestia, un Ramfis de qualité, avec une belle voix de basse. J’avais entendu ce chanteur dans Philippe II à Barcelone, et il m’avait alors beaucoup plu; l’impression est ici confirmée, mais on ne fait pas Aida avec le seul Ramfis, ni le seul Amonasro, fût-il interprété avec vaillance et avec une voix forte et imposante par Ambrogio Maestri, l’un de nos meilleurs Falstaff (il en a le physique). Son Amonasro est impressionnant, même si on dénote çà et là quelques problèmes de justesse; mais quelle présence, quel engagement!
Alors que le jeune Jorge de Leon était affiché pour toutes les représentations, il a souvent été substitué par Stuart Neill, le Don Carlo d’il y a quelques années dans cette même salle (Gatti, Braunschweig) qu’il vaut mieux oublier. Stuart Neill ne fait pas de faute de chant particulière, mais la voix est toujours ouatée, jamais claire, ouverte, et les aigus en rétrécissent le volume et sont toujours chantés en arrière. Incapacité à chanter piano, aucune lumière solaire, mais aucune ombre non plus, parce qu’il n’y que linéarité et monotonie dans cette manière de chanter, avec des moments inaudibles dès qu’on descend dans le grave ou le murmure. Aucune séduction, un jeu fruste, une présence inexistante sur le plateau. C’est un de ces chanteurs qui conduit une représentation sans trop d’encombres jusqu’à la fin mais sans jamais rien d’intéressant. Ce n’est pas ce qu’on attend d’un chanteur à la Scala.
Venons en enfin au plus problématique, l’Aida d’Oksana Dyka. L’ayant vue plusieurs fois affichée (l’an dernier dans Cavalleria Rusticana, cette année, outre Aida, elle sera Tosca),  je me suis dit qu’elle devait avoir quelque intérêt, d’autant qu’elle chante dans des grands théâtres internationaux (Hambourg, Los Angeles…). Las, je ne peux comprendre ce qui pousse les programmateurs à afficher une telle chanteuse dans ce répertoire. D’abord, on ne comprend strictement rien à ce qu’elle chante: c’est une bouillie, sans articulation, sans veiller aux paroles, sans scander le texte. Il en résulte une absence totale d’implication, gestes convenus, texte passé au robot Moulinex. On pourrait alors se rattraper sur la qualité vocale. Aucune homogénéité, une voix quelquefois stridente, qui crie plus qu’elle ne chante et qui miaule dans les parties les plus lyriques. Une incapacité structurelle à chanter piano. Son entrée au dernier acte, du fond de la tombe, se fait à pleine voix, à voix si pleine qu’on sursaute, un contresens total pendant que l’orchestre veille à diminuer les volumes pour rendre cette atmosphère si particulière, qui mime la vie qui s’éteint, du final d’Aida. J’avoue ne pouvoir comprendre un tel choix…errare humanum est, perseverare diabolicum. J’ai en 2006 critiqué l’Aida de Violeta Urmana, et ceux qui me lisent savent que je ne suis pas vraiment un laudateur de cette voix, mais au moins, madame Urmana sait chanter,  sait moduler, et la voix est de qualité. Alors Mille Urmana contre une Dyka. Madame Dyka a su ruiner les « concertati », les ensembles où elle est incapable de s’adapter aux autres, où l’on entend de vilains sons, des cris inadéquats.
Quelques « buh! » ont accueilli son salut final. Je n’aime pas huer, mais je comprends ces réactions:  avec le ténor, les deux ont réussi à rendre cette représentation pénible, alors qu’un simple chant moyen aurait pu satisfaire.
J’ai plusieurs fois écrit la misère actuelle du chant italien, et l’absence de vraie politique de la Scala sur le répertoire italien et notamment verdien. Dans le cas qui nous occupe, c’est vraiment la Scala qui est responsable: on aurait pu trouver une Aida italienne qui aurait sauvé le niveau de la représentation, une Raffaella Angeletti par exemple,  chanteuse intelligente, bonne technicienne, plutôt faite pour Puccini, mais qui a chanté Aida avec Mehta à Tel Aviv et qui au moins, sans une voix d’exceptionnelle qualité, sait vraiment chanter et sait s’imposer en scène avec efficacité.
Ainsi l’hommage à Zeffirelli justifié vu son rôle éminent durant les cinquante dernières années en Italie (il a aujourd’hui 89 ans), dans le bel écrin de cette production mémorielle, a tourné court, par la faute d’une distribution sans marque vraiment stimulante où seul triomphe une Amnéris de grande tradition, qui sait  chanter, simplement, et le ballet chorégraphié par Vladimir Vassiliev, légende de la danse.

J’aime passionnément la Scala, j’aime passionnément le chant verdien, j’en suis d’autant plus colère, j’en suis d’autant plus déçu. Ce théâtre devrait peaufiner ses distributions verdiennes, car c’est son fonds de commerce:  il a fait simplement le calcul qu’une Aida spectaculaire allait attirer les foules, bons chanteurs ou non, et que cela suffirait bien puisque la salle serait pleine. Choix touristique et non artistique. Détestable.

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METROPOLITAN OPERA (MET) 2009-2010: LA BOHEME , le 27 février 2010, avec Anna Netrebko et Piotr Beczala

La Bohème est une valeur sûre du panthéon lyrique, et parmi les Bohèmes qui traînent dans les opéras du monde, qui ne connaît pas La Bohème de Zeffirelli? sa mise en scène pour la Scala qui remonte aux années 60  avec Karajan, est toujours à l’honneur à Milan, ainsi qu’à Vienne qui en est la copie conforme. Pour New York, Zeffirelli en 1981 a refait des décors nouveaux, adaptés à l’immense scène,  encore plus impressionnants et plus chargés qu’ailleurs, le deuxième acte, qui arrache des applaudissements nourris d’un public heureux est à ce titre ahurissant! On y trouve tout, y compris une calèche avec un vrai cheval pour l’arrivée de Musetta!! Autre variation, la mansarde, vue de l’extérieur (en pan coupé), ce qui éloigne les protagonistes du spectateur  ( le premier plan est occupé par des toits, et la mansarde est en fait surélevée au deuxième plan) ce qui  ne favorise pas la naissance de l’émotion.
La direction de Marco Armiliato n’est pas dénuée de poésie, elle est même assez fine et souligne de beaux détails de la partition, mais elle manque un peu de chair, ce qui chez Puccini est difficile à admettre. L’orchestre ne sonne pas suffisamment, le pathos nécessaire est quelquefois absent. C’est un peu dommage parce qu’il y a un vrai travail de direction.
Le plateau réunit des chanteurs de très bon niveau. le Rodolfo de Madame Netrebko est Piotr Beczala, étoile qui monte vers l’Olympe des ténors. L’an dernier à Baden-Baden, dans Yolantha, avec Anna Netrebko, il avait vraiment  remporté un très gros succès. Ce soir, il remporte aussi les suffrages du public: la voix est carrée, solide, l’aigu soutenu avec vaillance, il n’y a rien à dire au plan technique mais le timbre, la couleur et le style ne correspondent pas vraiment au personnage solaire qu’on attend. Il reste que ce Rodolfe est crédible, même avec la voix d’Hermann de la Dame de Pique… Gérard Finley est un bon Marcello, on ne s’en étonnera pas, le chant est élégant et expressif, la diction est un modèle, le troisième acte est vraiment réussi. Musetta est la jeune soprano américaine Nicole Cabell, qui chante avec beaucoup de vivacité et d’engagement et obtient un triomphe personnel après « quando m’en vo ». Une vraie découverte.
Anna Netrebko est-elle une Mimi? Elle en a indiscutablement la voix, mais en a-t-elle  l’âme. Si l’on puise dans les stars du passé récent, il eut des Mimi improbables, Kiri Te Kanawa par exemple, et des Mimi dans l’âme: Mirella Freni d’abord, LA Mimi des quarante dernières années, sans l’ombre d’une discussion, et Ileana Cotrubas, autre Mimi dans l’âme, elle aussi née victime du Destin. Anna Netrebko n’a pas le physique du rôle, à voir cette figure délicieuse et charnue (elle a pris un peu de corps…) on croit difficilement à la maladie. La voix est incroyablement pure, ronde, le timbre est magnifique, la couleur somptueuse, mais justement, ce chant somptueux sans douleur dans la voix ne convient peut-être pas non plus. C’est très beau, très pur, mais peut-être pas assez habité ou concerné.

Au total bien sûr une matinée (commencée à 13h…) de qualité, on ne crache jamais sur une Bohème, surtout honorablement distribuée: les autres chanteurs sont bons (Massimo Cavaletti dans Schaunard) sans être exceptionnels (Oren Gradus dans Colline) et on se réjouit de voir le vétéran Paul Plishka faire les utilités (Benoît, Alcindoro): je vis ainsi Erich Kunz dans Benoît à Vienne. Le réemploi des gloires passées, loin d’être une aumône, est une marque de fabrique des grandes maisons.  Enfin, ce samedi commença par Bohème à 13h et se clôtura par Attila à 20h, c’est cela aussi, les grandes maisons.