TEATRO MASSIMO – PALERMO 2020: PARSIFAL de RICHARD WAGNER le 31 JANVIER 2020 (Dir.mus : Omer MEIR WELLBER, Ms : Graham VICK)

Cérémonie du Graal Acte I ©Franco Lannino

Il y avait en ce début d’année trois productions de Parsifal, à Toulouse, à Strasbourg et à Palerme. J’ai choisi Palerme pour des raisons qui m’apparaissent évidentes : c’est à Palerme que Wagner a terminé la composition  de son opéra d’une part, et d’autre part le Teatro Massimo n’avait pas affiché Parsifal depuis 65 ans, enfin, c’est une (quasi) prise de rôle pour notre wagnérienne nationale, Catherine Hunold, appelée à chanter Kundry, puisque la Kundry prévue à l’origine a déclaré forfait.

Pour un théâtre comme le Massimo de Palerme, Parsifal est un défi : d’une part, le symbole de Richard Wagner achevant son Parsifal à Palerme fait évidemment regarder une production de Parsifal à Palerme d’une manière particulière, qui donne une singulière responsabilité aux équipes du théâtre, et d’autre part, excite la curiosité du public qui fait que les représentations ont toutes été très bien remplies.
Il y a en ce moment un réel effort de ce théâtre de sortir d’une routine aimable, et de proposer un répertoire plus ouvert et des productions plus stimulantes, une volonté de donner au public une qualité et un regard nouveaux, d’autant que la salle immense est faite pour accueillir des grosses machines. Le Massimo est un très beau théâtre qui mérite l’attention et mérite aussi la qualité.
Le Ring de Wagner a été bouclé il y a peu, et c’était déjà une belle entreprise, confiée aussi à Graham Vick, qui signe la production de ce Parsifal.

Il y avait donc bien des motifs de venir en Sicile, outre la joie de retrouver une ville aimée et une douceur ineffable en plein cœur de l’hiver.
Graham Vick travaille beaucoup en Italie : dans un paysage lyrique où l’art de la mise en scène reste traditionnel, plus esthétique que dramaturgique, avec un public souvent rétif à l’innovation, son théâtre semble accepté comme un symbole de modernité, ici sur un répertoire qui n’est pas italien, sur lequel on peut « tenter » du neuf ou de l’inhabituel.

Filles-fleurs© Rosellina Garbo

Ainsi de ce Parsifal « multipolaire », tant il brasse des concepts divers, qui s’entrecroisent, tantôt séduisants, tantôt rebattus voire recuits, tantôt indifférents. Comme si Parsifal œuvre syncrétique s’il en est où se croisent Moyen Âge, Chrétienté, Orient, mais aussi la magie des épopées de la Renaissance du Tasse ou de l’Arioste…Klingsor et son royaume magique n’est que l’avatar de celui d’Alcina et Parsifal un lointain héritier de Rinaldo ou d’Orlando : c’est d’ailleurs amusant que Wagner ait achevé son œuvre au pays des marionnettes siciliennes qui ne cessent de représenter ces épopées médiévales ou de la Renaissance.
Que la Sicile, une île où se sont croisées les civilisations et cultures grecques, romaines, arabes, franques ou espagnoles, accueille une œuvre aussi touffue dans ses sources est aussi intéressant, et donc que Vick produise un Parsifal qui soit melting pot culturel ici ne peut choquer. La Sicile étant l’un des plus beaux carrefours des cultures qui soient.
S’il y a quelque chose de séduisant dans son approche, c’est d’abord la volonté d’insérer l’action dans la nudité du théâtre, qui laisse voir tout ce qu’on cache, les murs nus, les dispositifs scéniques, les machinistes faisant du plateau central celui d’une cérémonie qui prend sa forme sur un large plan incliné (décor de Timothy O’Brien) et qui utilise les trucs de théâtre simples, des rideaux qu’on tire à la main, des fonds suspendus accrochés aux cintres, des outils élémentaires qui ignorent les manies du jour, vidéo, laser, projections. Le théâtre est le décor lui-même et l’immense arche du fond qui ouvre sur l’arrière-scène a quelque chose d’une arche de cathédrale (Sienne ?). Cette mise en scène est un hommage à l’artisanat théâtral -tel que Kosky le vantait il y a peu dans sa dernière production berlinoise (Frühlingsstürme). La cérémonie théâtrale agit. Il n’y a point besoin de décor, les costumes sont s’une simplicité rare, (costumes de Mauro Tinti) le théâtre et ses mécanismes se suffisent : le théâtre, c’est cette surface sur laquelle tout se joue, un espace vide cher à Peter Brook (on voit où Graham Vick puise ses sources). Ainsi, ce Parsifal installé dans cet immense espace ne manque pas d’allure.
Mais Graham Vick remplit aussi l’espace d’idées nombreuses tantôt intéressantes, tantôt rebattues (notamment ces dernières années) qui nuisent à la cohérence de l’ensemble. Il part du concept de moine-soldat ou de soldat-moine, en se posant la question, où sont les moines-soldats aujourd’hui et que défendraient-ils ?
Dans ce concept, on se projette au Proche Orient, mais pas tout à fait à la mode de Laufenberg dans la production de Bayreuth, parce que la production de Laufenberg se veut précise jusqu’au détail géographique. Ici, l’espace vide nous rattache à l’abstraction, comme si on assistait à un drame sacré (il s’agit après tout d’un Festival scénique sacré), détaché d’un lieu.

Catherine Hunoid (Kundry)© Rosellina Garbo

Cependant, l’arrivée de Kundry voilée de noir comme à l’acte II une partie des filles fleurs, rappelle furieusement le travail de Laufenberg, tout comme l’Amfortas christique presque nu avec sa couronne d’épines. Ces voiles noirs, ces niqab deviendraient-ils pour Parsifal un lieu commun lassant et une fausse bonne idée, sinon une provocation inutile qui pointe une religion par un fantasme négatif (vu de l’occident), aucun intérêt sinon se faire peur à peu de frais. Mais on comprend bientôt que ce n’est pas l’Islam qui est visé, parce que même Gurnemanz pour prier adopte la position du musulman et s’accroupit, comme d‘ailleurs plus tard des soldats, et ainsi les gestes religieux se mélangent et se stratifient. Gurnemanz porte d’ailleurs au lever de rideau une écharpe qui fait penser au talith juif, ce qui laisserait penser que Vick vise dans ce Parsifal les trois religions révélées, leurs rituels, leurs excès, leur violence et leur clôture. Car c’est bien d’un univers clos et sur la défensive qu’il s’agit. La vision d’un Gurnemanz racontant l’histoire à ces deux jeunes Knappen, l’un couvert d’une sorte de kippa et l’autre d’un vague Kefieh renforce l’idée d’une diversité réunie autour du combat du Graal, encore faut-il définir – et Vick le suggère – de quel combat il s’agit et si ce combat du Graal n’est pas vain. Les deux autres soldats qui s’attachent à insulter ou agresser Kundry ont eux aussi des silhouettes bien construites, plus individualisés que ce à quoi on est accoutumé dans un Parsifal « ordinaire ». Ce souci de donner aux rôles de complément des attitudes très individualisées est d’ailleurs une des particularités heureuses de cette mise en scène
Culturellement Vick en appelle d’ailleurs à tous les éléments de la culture occidentale, y compris des références à l’antiquité : lors de la « Verwandlungsmusik », il représente derrière le rideau blanc en ombre chinoises une série d’éléments qui sont des signes, femmes dénudées, cortège de soldats, mais aussi joueurs de musique, on reconnaît presque au passage un joueur d’aulos grec, cette flûte à double tuyau, du moins une évocation, en un défilé qui semble presque une représentation de personnages qui peuplent les vases grecs ou dans un autre tradition ce cortège qui suivrait le joueur de flûte de Hameln. Il y a là une vision globale d’une culture qui se réunit à la cérémonie du Graal comme si elle était l’Alpha et l’Oméga de l’existence : en quelque sorte, la cérémonie du Graal devient une sorte de lieu de régénérescence de notre monde dans la globalité culturelle, et aussi ses dérives, le rendez-vous des aimés et des damnés de la terre.
Vick d’ailleurs aime à parsemer son travail de signes non dénués d’ironie, en travaillant beaucoup sur les détails de comportement des figurants qui prennent une importance singulière en ce premier acte. Durant la cérémonie du Graal, ce pauvre Amfortas en Christ décrucifié (merci Laufenberg) se traîne et les soldats bien rangés ne cessent de bouger, de le regarder de manière oblique, de se retourner, bref, de déranger le bel ordonnancement qu’on a l’habitude de voir. Encore merci à Laufenberg et Tcherniakov d’avoir fourni l’idée du sang de la plaie (qu’Amfortas ouvre lui-même selon le vieux principe qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même) qui est versé dans un calice (un gros gobelet) et que les soldats se repassent de main en main pour en prendre quelques gouttes, puis se scarifier à leur tour pour partager les souffrances (Mit-Leid) – c’est la variation de Vick- pendant que le jeune Parsifal circule incrédule dans les rangs : bref, depuis Schlingensief (avec plus de sens à mon avis), Tcherniakov et Laufenberg, le sang coule, et on s’en repait, rien de bien nouveau sous le soleil.

Titurel (Alexei Tanovitski) face à Amfortas (Tómas Tómasson) @Franco Lannino


Que Titurel apparaisse en complet sombre, avec une pochette assez voyante, nous indique simplement que le vrai criminel dans l’histoire n’est peut-être pas Klingsor, mais Titurel, le dictateur exigeant qui tel le Moloch, exige sa part de sang filial pour survivre et épuiser son fils. Dans ce monde de soldats prêts au combat, il est la figure du politique, du dictateur, de celui qui se sert des autres pour sa propre survie…c’est dans l’air du temps.

Dans ce monde étrange, qui est théâtre c’est à dire représentation et artifice, Parsifal apparaît évidemment en décalage, il est jeune, un peu marginal, en tous cas complètement en dehors de ce combat et de ces peurs, il est naturel, c’est l’enfant rousseauiste qui a vécu des offres de la nature, de l’état de nature, quand la société du Graal est bien proche de ce que serait un état de culture au bord du dévoiement.

L’enjeu de toute mise en scène de Parsifal se lit essentiellement dans les premier et troisième actes, pratiquement jamais dans le deuxième. On peut souligner que seuls, parmi les très grandes mises en scènes de Parsifal, Tcherniakov a donné un sens au deuxième acte, avec ce Klingsor pédophile (joué et chanté merveilleusement par Tómas Tómasson (qui est ici Amfortas), ainsi que Herheim à Bayreuth indiquant en Klingsor l’horreur nazie.
Dans la plupart des autres, le deuxième acte se contente plus ou moins de suivre le livret. Vick invite à quelques précisions et donne quelques signes, mais ne va pas bien loin non plus. Espace vide, c’est à peu près le même qu’au premier acte (et de fait le royaume de Klingsor est une copie en négatif du royaume du Graal), et très vite, Klingsor baisse son pantalon pour apparaître en slip, un slip taché de sang là où il faut pour montrer la blessure définitive qu’il s’est infligé pour rester chaste. Il apparaît d’ailleurs presque comme un double d’Amfortas. Amfortas et Klingsor, les deux victimes du Graal titurelesque…

Kundry en Marie-Madeleine @Franco Lannino

Kundry dans cette vision, n’a rien de la bête sauvage qu’on y voit quelquefois. Elle est séductrice, sous une icône de Marie-Madeleine, l’une de ses nombreuses identités, mais sous cette icône, elle est plus Marie que Madeleine, si l’on peut me permettre cette image. Elle a une douceur et une force de persuasion « maternelle » qui ne la quittera presque pas de tout l’acte, même dans la dernière partie.
Et l’acte se conclut en étrange manière : Klingsor envoie ses soldats attaquer Parsifal, des soldats qui furent du Graal et qu’on a déjà vus au début de l’acte à moitiés nus poursuivre des filles-fleurs. En cela il respecte le livret. Comme on l’a dit le royaume de Klingsor est un royaume du Graal en négatif, là où l’un est chaste, l’autre est sexuel, là où tout s’ordonne, l’autre est un charivari, là où il n’y a que des hommes, l’autre est rempli de femmes : la cérémonie du Graal était presque ordonnée autour des soldats, là les soldats sont soumis et ce qui règne dans la cérémonie des filles-fleurs (le pendant klingsoresque de la cérémonie du Graal) ce sont les femmes, dans un ordonnancement double. D’une part le groupe le plus important, en niqab, comme Kundry au premier acte qui semble être l’uniforme féminin de l’armée de Klingsor (symbole du mal ? ou de la valeur de soumission que le niqab semble avoir aux yeux occidentaux ?), pendant que les filles fleurs qui chantent « Des Garten’s Zier » ou « Komm holder Knabe » chargées de séduire Parsifal sont en paréo multicolore, comme en « service commandé » et adoptant l’habit de séduction nécessaire, sous les yeux de leurs compagnes. Du côté de Klingsor comme de celui du Graal, une organisation, une armée des ombres. Mais, là encore rien de bien neuf sous le soleil.

Acte III : un monde d’enfants: John relyea (Gurnemanz), Catherine Hunold (Kundry), Parsifal (Julian Hubbard) @Franco Lannino

C’est souvent le troisième acte qui est résolutif, et qui donne son sens à tout ce qui précède. Dans les mises en scène de Parsifal qui ont marqué les dernières décennies, c’est celle de Götz Friedrich à Bayreuth en 1982 qui me semble avoir ouvert la voie : elle représente un Parsifal libérateur, qui ouvre au peuple, à tous, un royaume du Graal devenu un lieu fossile et clos, et qui vivait séparé du monde.
Entre les Parsifal qui pacifient (Herheim, Warlikowski) qui fuient (Tcherniakov), qui unissent les religions (Laufenberg), celui de Vick est sans doute plus proche de l’esprit de Friedrich en 1982 et un peu de Laufenberg (que, je pense, Graham Vick a vu…).
Toute la première partie du troisième acte est à peu près conforme à la tradition, jusqu’au baptême où Gurnemanz, Kundry, Parsifal se retrouvent dans une sorte de bain lustral et où très vite des enfants envahissent la scène et jouent avec l’eau. L’idée centrale du troisième acte est celle du « grand remplacement » d’une génération épuisée par une autre, faite d’enfants qui jouent, qui se moquent du rite, ouverte, neuve, et surtout libre : elle abat les cubes qu’on leur donnait sorte de puzzle reconstituant un ciel d’azur à peine traversé de nuages,  elle envahit la cérémonie du Graal, funèbre, où les soldats sont devenus des épaves, où Amfortas à la blessure refermée parce que jamais plus ouverte, mais à la souffrance toujours vive et insupportable, ouvre violemment le cercueil de Titurel et le fait rouler sur le sol. Ce monde-là, mortifère, fait de contrition et de souffrance est étouffé par ces enfants style « United colors of Benetton » joyeusement destructeurs, qui reconstruisent autre chose, Amfortas guéri par la lance s’en va, au loin – ce monde-là n’est plus sien. Kundry qui veut « dienen » (servir) se met en souriant au service des enfants, encore une fois maternelle, et Parsifal devient le conteur qui va raconter à ces enfants assis autour de lui une belle histoire des temps anciens qui pourrait aussi être celle de l’avenir, libérée des règles qui étouffent la vie, et qui sont les règles établies des religions, qui sont ici vues comme freins à la vie, à la liberté et au bonheur. Parsifal est vu comme un homme nouveau, au parfum presque nietzschéen. Ce que la blessure lui a appris, c’est la vanité des Amfortas et des Klingsor, c’est la vanité des rites, c’est la vanité du religieux dans la mesure où le religieux étouffe et fossilise. Il devient presque ce joueur de flûte de Hameln, dont il était question plus haut, qui emmène derrière lui les enfants comme un « bon petit diable ».

Comme on le voit, Vick puise dans les dernières traditions parsifaliennes, dans la vulgate des mises en scène de l’œuvre où Wagner a réuni tellement d’éléments divers que tout semble possible, et propose la vision symbolique d’un Festival scénique sacré où le sacré – dans la mesure où il est lié au religieux – cède la place au profane, qui semble être la seule voie possible au monde pour faire cesser la peur, la violence, la haine. Le Graal est en nous en quelque sorte.
Ce travail irrégulier qui cède aussi aux peurs actuelles, aux idées préconçues actuelles (pour les dénoncer) qui évoque aussi les différents travaux qui l’ont précédé (et l’histoire de la mise en scène de l’œuvre est riche) est un millefeuille de mille idées, avec ce qu’il faut de provocation et quelques idées force qui ne sont pas forcément à écarter, mais qui ne font pas forcément un travail de référence. Il reste que c’est une production honorable qui d’une certaine manière fait le point sur les lectures de l’œuvre et surtout honore le théâtre, son cadre et son architecture.

Au niveau musical, les choses sont aussi plutôt honorables voire plus solides. Il faut prendre en compte la situation d’un orchestre certes valeureux, mais qui n’a pas toujours l’habitude de ce type de répertoire, qui demande une exposition instrumentale particulière notamment du côté des cuivres et des bois. Cela veut dire préparation, travail approfondi, qui a deux conséquences majeures, d’une part, une représentation vraiment digne, d’autre part un « apprentissage » qui fait grandir l’orchestre. À ce titre, il faut saluer le travail d’Omer Meir Wellber, qui par sa précision et sa clarté, par son côté aussi un peu didascalique, permet sans doute à l’orchestre de mieux prendre ses marques, d’être plus à l’aise avec un Wagner particulièrement délicat. À cela il faut ajouter aussi qu’exceptionnellement, on a joué Parsifal deux soirs de suite (les 30 et 31 janvier) sans changements de distribution ; pour une œuvre de cette durée et de cette épaisseur ce n’est pas indifférent. Et donc il faut saluer la performance des forces du théâtre, orchestre et chœur , qui ont offert une prestation de bon niveau, qui ne pâlit pas par rapport à d’autres maisons.
Omer Meir Wellber a été à bonne école wagnérienne auprès de Daniel Barenboim, et il adopte la mode de son maître en faisant saluer tout l’orchestre à la fin de la représentation, ce qui est quasiment unique en Italie, et qui est aussi une bonne manière de valoriser les musiciens et de leur faire honneur. Il est le directeur musical du Teatro Massimo en début de mandat, et ce type de signe ne peut qu’être positif.
Son approche est particulièrement précise notamment au premier acte, claire, scandant les différents moments, sur un tempo pas toujours lent d’ailleurs (certains motifs sont pris sur un tempo plus vif qu’à l’accoutumé), l’ouverture laisse se dérouler les différents motifs qui s’enchaînent, sans toujours la fluidité attendue, mais d’une manière limpide. Les parties dramatiques (et notamment le deuxième acte, plus théâtral et d’une certaine manière plus traditionnel) sont bien accompagnées, il veille à ne jamais couvrir les voix. Le troisième acte est peut-être le plus réussi et le mieux dominé, même si la partie finale n’a pas la respiration « mystique » qu’on attend généralement. Il est vrai que la fin profane de la mise en scène pourrait le justifier. Il reste que cela manque un peu d ‘épaisseur sonore dans les dernières mesures, et de recueillement. Mais nous sommes au théâtre et pas à la messe, comme on le croit trop souvent. Dans l’ensemble Omer Meir Wellber s’en tire très bien, et sans doute mieux que dans d’autres productions notamment de répertoire italien où il m’est apparu souvent plus superficiel et bruyant. Ici ce n’est pas le cas, c’est attentif et rigoureux et surtout il ne recherche pas l’effet gratuit dans un juste respect de l’esprit de l’œuvre.
Le chef des chœurs Ciro Visco prend ses fonctions aussi cette saison, puisqu’il a échangé son ancien poste à Santa Cecilia, avec l’ancien chef des chœurs Piero Monti. La prestation des chœurs est plus qu’honorable, on peut simplement regretter que la mise en scène les place souvent en arrière scène, ce qui nuit aux effets spectaculaires des grandes scènes chorales.
En somme, les forces stables du Teatro Massimo ont été globalement à la hauteur de l’événement.

Acte I: John Relyea (Gurnemanz) entour de ses Kanppen (Elisabetta Zizzo Sofia Koberidze David Haller Ewandro Stenzowski ) @Rosellina Garbo

Une attention particulière a été donnée à la distribution, évidemment essentielle pour une telle œuvre, qui alterne des chanteurs jeunes et des artistes beaucoup plus expérimentés dans ce répertoire. Mais on me permettra de marquer la découverte d’une voix qui m’est apparue d’emblée exceptionnelle, et c’est un « petit » rôle de ténor, l’un des quatre Knappe du premier acte, et il s’appelle Nathan Haller, c’est une voix qui immédiatement frappe. Il sera Bardolfo dans le Falstaff de Petrenko cet été à Munich, je pense qu’on en entendra parler très vite.
Dans l’ensemble d’ailleurs, les rôles de compléments sont bien tenus, ce qui est toujours un signe de qualité générale d’une distribution. Les Knappen et et les Gralsritter sont tout à fait honorables et la mise en scène, comme nous l’avons dit plus haut, cherche à individualiser les rôles qui ainsi se font remarquer plus que dans d’autres productions où ils apparaissent plus anonymes. Citons donc outre Nathan Haller, Elisabetta Zizzo Sofia Koberidze  Ewandro Stenzowski et les Gralsritter Adrian Dwyer et Dmitry Grigoriev, mais aussi l’ensemble des filles-fleurs, particulièrement bien choisies, et chantant dans une belle respiration et un bel ensemble, très précis et rigoureux, elles méritent aussi d’être citées :  Elisabetta Zizzo  Sofia Koberidze, Alena Sautier, Talia Or,  Maria Radoeva  et Stephanie Marshall.
Alexei Tanovitski campe un Titurel à la voix profonde et donne au personnage une allure glaciale et distante.
Klingsor, rôle difficile et souvent approximativement distribué est Thomas Gazheli, baryton-basse qui chante dans la plupart des théâtres allemands : il y a deux types de Klingsor, les subtils et persifleurs (du genre Tómas Tómasson) et les brutaux. Gazheli appartient à cette deuxième catégorie, voix forte, bien posée, expressive, et personnage puissant.

Tómas Tómasson (Amfortas) @Franco Lannino


Dans cette distribution, on note immédiatement les chanteurs habitués au répertoire allemand et familiers de la langue, c’est le cas de l’Amfortas de Tómas Tómasson, un chanteur qui soigne tout particulièrement son phrasé, l’expressivité, la précision du verbe, dans tous les rôles qu’il aborde. Son Amfortas est à ce titre une leçon de chant wagnérien expressif, prenant soin du sens et du poids de chaque mot. Ici le rôle christique et douloureux rend le personnage à la fois plein de relief et pitoyable (la fin à ce titre est très emblématique). Tómasson est sans nul doute le plus performant dans cette distribution, à l’égal de John Relyea, habitué des scènes, à la voix particulièrement puissante, chantante, au timbre velouté et chaleureux. Ce n’est pas un Gurnemanz qui sculpte chaque mot à l’instar des grands Gurnemanz germaniques, mais il incarne ce personnage de soldat de Dieu, alerte, assez jeune, de manière très crédible. Il remplit la scène et la salle d’une voix marquante sans jamais faiblir.
Kundry est Catherine Hunold, la wagnérienne française qui a été appelée par Palerme pour remplacer une Eva Maria Westbroek défaillante avant le début des répétitions, ce qui fait qu’elle a pu travailler et approfondir un rôle dont elle s’est bravement emparé (elle avait doublé Anja Kampe à Paris) et elle obtient un succès mérité pour un rôle dont elle se sort avec tous les honneurs, c’est une prise de rôle réussie. Elle est très attentive au texte, articulé avec soin, au phrasé et à l’expression, même si tout n’a pas encore la fluidité qu’elle ne va pas manquer de conquérir avec l’expérience.
Mais la voix est large, homogène sur tout le registre, avec des graves jamais détimbrés, très charnus et des aigus triomphants qui ont même fait sursauter mon voisin. Sans aucun doute une prestation qui non seulement mérite l’intérêt, mais qui est convaincante et riche de potentiel. Du point de vue du personnage, elle n’est pas une Kundry sauvage et aiguisée, elle propose un personnage plutôt humain, plus victime que tueuse, avec une attitude presque protectrice envers Parsifal plus mère que séductrice et dégageant une certaine émotion au troisième acte, par sa seule attitude scénique.
Parsifal est le jeune irlandais Julian Hubbard, qui a pris le rôle pendant les répétitions.

Julian Hubbard (Parsifal) @Rosellina Garbo


Parce que le Massimo a dû faire face à trois forfaits, la Westbroek et Nikitin qui devait être Amfortas, avant le début des répétitions, et Daniel Kirch, le Parsifal annoncé qui a dû abandonner la production. La direction artistique du théâtre s’en est tirée avec les honneurs, et avec beaucoup de chance car ce Parsifal venu d’Irlande qui arrive à peine sur le marché wagnérien est une voix à suivre. Certes, il lui manque encore une véritable maîtrise du texte qu’il a dû apprendre et approfondir pendant les répétitions, notamment au troisième acte, il lui manque aussi un peu de fluidité et l’aigu (Amfortas die Wunde !) n’a pas encore l’éclat ni la tenue voulus, mais la voix est belle, claire, juvénile, ardente le timbre velouté, le personnage bien campé et bien dessiné. C’est un vrai Parsifal, en devenir, mais déjà sur le chemin. Pour une prise de rôle, et quel rôle – et dans les conditions dans lesquelles il a dû le reprendre, c’est vraiment remarquable.

Comme on le voit, sans être la production ni la représentation de référence, c’est un ensemble valeureux, très honorable et en aucun cas un Parsifal au rabais. L’accueil chaleureux du public et l’émotion dégagée par la représentation montre que le théâtre a eu raison de remonter cette œuvre si emblématique de Palerme qui remet l’institution palermitaine dans les théâtres qui vont compter.


Richard Wagner (1813-1883)
Parsifal (1882)
Bühnenweihfestspiel in drei Akten
(Festival scénique sacré en trois actes)
Livret du compositeur

Direction musicale Omer Meir Wellber
Mise en scène Graham Vick
Décors Timothy O’Brien
Costumes Mauro Tinti
Mimes Ron Howell
Lumières Giuseppe De Iorio

Amfortas Tómas Tómasson
Titurel Alexei Tanovitski
Gurnemanz John Relyea
Parsifal Julian Hubbard
Klingsor Thomas Gazheli
Kundry Catherine Hunold
Erster Gralsritter Adrian Dwyer
Zweiter Gralsritter Dmitry Grigoriev
Vier Knappen Elisabetta Zizzo, Sofia Koberidze, Ewandro Stenzowski, Nathan Haller
Klingsor Zaubermädchen Elisabetta Zizzo, Sofia Koberidze, Alena Sautier, Talia Or, Maria Radoeva, Stephanie Marshall
Stimme aus der Höhe Stephanie Marshall

Orchestre, Chœur e Chœur d’enfants du Teatro Massimo

TEATRO LA FENICE VENISE 2011-2012: CARMEN de Georges BIZET le 26 juin 2012 (Dir.mus: Omer MEIR WELLBER, Ms en scène: Calixto BIEITO) avec Béatrice URIA MONZON.

La production de Bieito (à Barcelone) Foto ©Antoni Bofill

La Fenice est un théâtre un peu spécial. Incontestablement c’est l’un des grands théâtres historiques d’Italie (La Traviata  y fut créée entre autres), mais c’est aujourd’hui un théâtre “difficile”. En effet, sa situation, au centre d’une ville de 70000 habitants inaccessible à la voiture, et son accès difficile pour les gens du territoire (il faut prendre la voiture, la parquer, ou prendre le train, puis aller chercher le Vaporetto, jusqu’au Rialto, puis environ 10 minutes de marche dans le dédale des ruelles vénitiennes),  environ 1h30 de transport, arriver pour la représentation de 19h (soit partir du bureau en avance etc…) et s’assurer que le dernier train ne parte pas avant 22h30 au bas mot. Il faut donc caler beaucoup de paramètres pour organiser sa sortie à l’opéra.  Sans doute une réflexion territoriale s’imposerait (un théâtre au Tronchetto ou à Mestre aurait pour sûr moins de charme, mais serait plus aisé d’accès pour les populations concernées) mais ce n’est pas le moment, dans une Italie en proie à la crise, même dans la très très riche Vénétie.
Alors les seuls spectateurs réguliers de La Fenice, ce sont les touristes, qui remplissent la salle qu’ils mitraillent de photos. C’est un public qui vient plutôt pour le lieu que pour ce qu’on y entend, on le sentait bien même pour un opéra aussi populaire que Carmen. Est-ce à dire que La Fenice “sert la soupe” aux touristes, rien de moins vrai. Il y a un véritable effort pour alterner des grands standards et des œuvres moins connues, comme récemment la Lou Salomé de Giuseppe Sinopoli. Et en tous cas même les standards sont confiés à des metteurs en scène et à des équipes artistiques de bon niveau. Il reste que remplir le théâtre pendant toute la saison est difficile.
Pour Carmen, le choix a été de proposer 13 représentations avec deux distributions: c’est le début de la haute saison  et Venise déborde de touristes, bonne occasion de remplir le théâtre (qui pourtant le soir où j’y étais n’était pas plein),  Carmen est un opéra très connu, et il était bien distribué, dans une mise en scène d’un des enfants terribles des plateaux, l’espagnol Calixto Bieito, qui a travaillé partout en Europe, sauf bien entendu en France… Des atouts incontestables pour attirer le public, d’autant que la distribution est bonne et le chef, Omer Meir Wellber, désormais connu comme un chef qui monte.
Et de fait, ce fut une très bonne soirée.
La production de Calixto Bieito proposée au Liceu de Barcelone en 2010, est un spectacle que Bieito a conçu initialement en 1999 et qui a déjà bien tourné, Espagne, Hollande, Suisse, Italie. Le théâtre de Bâle la propose cette année, pendant qu’elle tourne en Italie, à Palerme, Venise et Turin.  Ce n’est donc pas une proposition nouvelle, mais le spectacle, comme on dit “ne prend pas une ride” et constitue sans doute une des grandes réussites de Bieito, qui ne donne même pas dans la provocation.
Le plateau est semblable à une arène, avec un cyclorama au fond qui projette quelques ombres, il est vide au centre,

Acte 1

avec au premier acte une hampe à laquelle on va hisser le drapeau espagnol, au second acte un espace vide sur lequel arrive une vielle voiture Mercedes d’où sortent Carmen Frasquita, Mercedes, Dancaïre et Remendado qui vont “piqueniquer” avec quelques caisses d’alcool de contrebande. Le troisième acte (voir photos )  se déroule sur le même plateau dominé par un taureau géant, sous lequel un Torero pendant l’introduction a pris nu son “bain de pleine lune” (très jolie scène), le quatrième sur un espace vide, qu’on délimite à la craie, au centre duquel Carmen et Don José livreront leur dernier combat.

La production de Bieito (Bâle) Foto©Hans-Jörg Michel

C’est la foule qui fait tous les changements, c’est elle qui varie: foule de soldats au premier acte,  de bohémiens (d’aujourd’hui, et pas d’opérette) aux deuxième et troisième actes, une foule bigarrée enthousiaste au quatrième acte, derrière une corde, qui regarde le défilé qui est réduit à son strict minimum. De l’Espagne, il y a une présence continue du drapeau, mais aucune “espagnolade” sinon quelques éléments ironiques,  comme lorsque Frasquita et Mercedes s’habillent en gitanes d’opérettes pour séduire les douaniers, ou comme le taureau gigantesque qui reproduit en fait un taureau vantant une marque d’alcool qu’on voit sur le bord des routes et autoroutes espagnoles aujourd’hui. La vision de Bieito s’insère donc dans la réalité d’une Espagne d’aujourd’hui, et dans un monde bohémien qui serait contemporain (avec les clichés d’usage, par exemple l’emploi des vieilles Mercedes)

Violence et sensualité sont les caractères de ce travail: violence notamment dans le traitement des soldats au premier acte, à peine libérés de leur service ils “s’éclatent” ou saccagent (la cabine téléphonique du premier plan), ils poursuivent les femmes, les contraignent, se frottent outrageusement à la hampe, se moquent du drapeau, en bref, se comportent à l’opposé de leur statut de soldat protecteur.
Lillas Pastia est un peu Monsieur Loyal, qui regarde le drame se nouer en se reposant sur une chaise pliante, au deuxième acte, ou en dessinant sur le sol le cercle de craie, au dernier acte. Il est une sorte de regard de la destinée, distante et à la fois présente du deuxième au dernier acte.
Le dernier acte est vécu comme un combat entre Don José et Carmen, dans une arène délimitée par un cercle de craie: poursuite, désespérance, violence (Carmen est égorgée). De leur côté les relations homme/femme sont un éternel jeu sensuel: y compris Micaela, jeune fille moderne et non oie blanche, qui “ose” baiser sur la bouche un Don José qui se recule: on sait qu’il ne l’aime pas dès le premier acte.

La production de Bieito(Bâle) ©Hans-Jörg Michel

Quant à Carmen, elle n’a pour argument que son corps, dont elle use avec beaucoup de provocation: dans la scène avec Don José au deuxième acte, elle laisse par exemple tomber sa culotte, rouge comme il se doit et se jette sur Don José. Sexe et sang, voilà la leçon de cette Carmen forte, bien structurée, bien jouée aussi et qui présente de très beaux tableaux. Calixto Bieito sait vraiment manier les foules et construire un projet de grande rigueur et de grande cohérence. Ce projet a pu surprendre un public un peu interdit devant le toréador nu (pourtant un seul nu dans une production de Bieito, c’est plutôt de la pruderie) ou l’usage irrévérencieux qui est fait du drapeau espagnol, mais dans l’ensemble, il correspond à ce que l’on peut attendre d’une Carmen d’aujourd’hui, bien supérieur dans le propos à la pâle production de Salzbourg au printemps dernier.
Musicalement, on ne peut que saluer l’ensemble de la performance.
A l’orchestre d’abord, mené d’une main de fer par Omer Meir Wellber. J’avais déjà noté ses qualités dans une représentation de Carmen à la Staatsoper de Berlin: le rythme est vif, l’énergie permanente. La précision des attaques, les modulations, le suivi des chanteurs et des chœurs, tout cela est vraiment remarquable et mérite d’être noté. Bien des raffinements de l’écriture de Bizet sont mis en valeur, même si l’orchestre de La Fenice ne vaut pas celui de la Staatsoper de Berlin. Le chef devra me semble-t-il  laisser peut-être  ses musiciens respirer, il paraît un peu “directif” quelquefois, mais c’est un très bon travail de “concertazione”. Il est beaucoup plus convaincant dans la fosse de la Fenice pour Carmen que dans celle de la Scala pour Aida, même si je n’avais pas détesté son travail. Il reste que ce jeune israélien, ex assistant de Daniel Barenboim, est sans doute un chef d’avenir à l’opéra. Enfin, le chœur est très bien préparé par Claudio Marino Moretti , et les scènes de foule, notamment à la fin sont impressionnantes.

Béatrice Uria Monzon (à Barcelone) Foto ©Antoni Bofill

On ne présente plus la Carmen de Béatrice Uria Monzon, qui semble l’avoir dans les gènes: la voix est sonore, les aigus sont splendides (le grave un peu moins, avec une tendance à poitriner un peu), et le personnage est là, somptueux. Il est vrai qu’elle est en plus, d’une grande beauté, qui correspond exactement à l’image qu’on peut avoir de Carmen: elle se glisse avec un grand naturel dans le personnage voulu par Bieito (elle a déjà participé à la production de Barcelone) et le résultat est confondant. Le duo final donne le frisson.
Roberto Secco en Don José a toutes les notes, il a aussi une certaine intensité, mais il ne réussit pas encore à acquérir le style de chant voulu. La voix est lumineuse, mais les paroles n’ont pas encore le poids qu’il faut. Il chante, dirais-je, “à l’italienne”, avec un français clair mais encore mal dominé du point de vue des accents, il n’a pas les mezze voci, il ne sait pas adoucir suffisamment, bref il n’a pas encore suffisamment mastiqué ni domestiqué le rôle, même s’il est à certains moments émouvant  de brutalité et de gaucherie à la fois.
Alexander Vinogradov chantait Escamillo:  j’avais noté à Berlin où il chantait déjà le rôle une couleur vocale nettement plus orientée vers la basse que le baryton, et une inadéquation stylistique notable. Cette fois-ci c’est nettement meilleur du point de vue du style, même si pour la couleur nous n’y sommes pas vraiment:  incontestablement cette voix a une couleur slave tellement marquée que cet Escamillo peine à nous faire rêver de corridas. Il reste que Vinogradov ne dépare pas, et a une belle présence.
Ekaterina Bakanova compose une Micaela correcte, mais qu’on n’inscrira pas au nombre des Micaela qui font crouler un théâtre, n’est pas Genia Kühmeier qui veut. La composition est séduisante, la voix est jolie, le français est satisfaisant. Et elle passe bien la rampe.
Je regrette un peu que Frasquita et Mercedes n’aient pas été confiées à des voix françaises, l’accent ne convient pas toujours, et Frasquita (Sonia Ciani) a tendance à crier, sa voix un peu métallique ne convient pas, alors que celle de Mercedes (Chiara Fracasso) passait beaucoup mieux. Les rôles secondaires ont dans Carmen une grande importance, et notamment Mercedes et Frasquita, tout comme Dancaïre et Remendado, confiés à Francis Dudziak (il s’en est fait une spécialité, le rôle d’une vie) et Rodolphe Briand (Remendado), tous deux tout à fait à leur place, qui animent le quintette avec beaucoup d’allant.
Au total donc une belle soirée, dans ce théâtre étrange qui ressemble à une bonbonnière un peu froide, une grande dame qui se laisserait voir, sans vraiment avoir encore reconquis une âme. La politique artistique est assez rigoureuse cependant, et bien moins putassière qu’on  pourrait le craindre vu l’évolution de la ville.
Mais il est évident que le seul trajet de la gare au théâtre est toujours le même enchantement, tourisme ou pas, et que l’arrivée au petit “Campo San Fantin” reste  une émotion, quand la façade assez discrète de la Fenice se dresse, au détour d’une”calle”, et l’arrivée dans la salle croulant sous l’or après un hall d’entrée plutôt sobre fait toujours son effet.

Magie...

On a beau décrier l’évolution de Venise vers une sorte de Disneyland culturel, il est impossible de ne pas tomber sous le charme: on attend de voir Casanova au détour d’un rio, arrivant sur sa gondole à l’opéra. C’était une soirée de plaisir: à Venise, c’est presque un pléonasme.

[wpsr_facebook]

Au centre: Micaela, Carmen, Don José, Escamillo

Saluts

TEATRO ALLA SCALA 2011-2012: AIDA, de Giuseppe VERDI le 10 mars 2012 (Ms en scène:Franco ZEFFIRELLI, dir.mus: Omer MEIR WELLBER)

Aida est un opéra populaire entre tous essentiellement à cause de la scène de triomphe du deuxième acte, qui à elle seule motive l’exceptionnelle carrière aux arènes de Vérone, ou aux termes de Caracalla, mais aussi à Bercy et dans les grands stades du monde. Ainsi, on rassemble des centaines de figurants, de la couleur, des beaux costumes et l’affaire est pliée. Or Aida est pour le reste un opéra intimiste, comprenant de nombreuses scènes où évoluent deux ou trois personnages. Cela explique que le même Zeffirelli il y a quelques années ait pu mettre en scène Aida au (très) petit théâtre de Bussetto, d’une capacité de 300 places environ et que la création eut lieu au Caire, à l’Opéra dont la capacité est aujourd’hui de 1200 places (reconstruite après un incendie), mais la salle originelle était de capacité inférieure. Rien ne pouvait laissé supposer le destin hollywoodien de cette œuvre.
Un opéra difficile à monter car il faut des chanteurs très solides. Radamès est un rôle lourd pour un ténor, qui exige vaillance et lyrisme, et qui à peine en scène doit chanter son grand air (“celeste Aida”) “à froid” dans les cinq premières minutes de l’opéra. Aida exige à la fois une grande voix lyrique (un lirico spinto) et un très grand contrôle vocal, notamment à la fin où tout doit être chanté piano, voir pianissimo: tout le rôle est d’ailleurs presque concentré aux troisième et quatrième acte. Amneris est un grand mezzo verdien dans la tradition des Azucena, ou des Eboli qui doit tenir face à l’orchestre de manière soutenue au quatrième acte. Amonasro est un rôle bref (quelques répliques au deuxième acte, et tout le reste au troisième, mais qui exige une très grande voix de baryton, très vaillante. Musicalement, le plus beau moment est sans doute la scène du Nil (troisième acte) et tout le quatrième acte, notamment la grande scène d’Amneris au premier tableau, et aussi bien sûr le duo final. Autant dire que si votre Aida ne sait pas chanter piano ni émettre des notes filées, ce n’est pas une Aida.C’est bien là la contradiction d’une œuvre qu’on représente devant des milliers de personnes, et qui exige de l’héroïne un chant souvent murmuré. Les grandes Aida sont celles qui ont su conjuguer vaillance et poésie, dramatisme et lyrisme, volume et contrôle: elles ont nom Leontyne Price ouMartina Arroyo, mais aussi Maria Chiara, qui fut vraiment très grande aux côtés de Pavarotti à la Scala en 1985, ou, chère à mon coeur, Mirella Freni, dont on a dit qu’elle s’était fourvoyée, mais qui fut, aux côtés de José Carreras et de Marilyn Horne en 1979 à Salzbourg la plus poétique, la plus intense, la plus émouvante des Aida. Il est vrai qu’un chef était derrière ces choix qui apparurent discutables à l’époque, il s’appelait Herbert von Karajan. J’étais dans la salle pour mon premier spectacle à Salzbourg, et ce fut miraculeux.

A la Scala, quatre productions d’Aida depuis 1963, dont deux de Zeffirelli, celle de 1963, dirigée par Gianandrea Gavazzeni avec les magnifiques décors et costumes de Lila de Nobili inspirés d’estampes du XIXème siècle, celle de 2006, dirigée par Riccardo Chailly, où Zeffirelli a fait aussi les décors. Entre temps, en 1972, une nouvelle production dirigée par Claudio Abbado de Giorgio de Lullo, dans des décors de Pier Luigi Pizzi, et celle de 1985, dirigée par Lorin Maazel, mise en scène de Luca Ronconi dans des décors monumentaux de Mauro Pagano. La Scala reprend cette année, en hommage à Zeffirelli (89 ans) sa production de 1963, qui nous renvoie à une Egypte mythique, à une esthétique très XIXème siècle égyptomaniaque, et qui est d’une incontestable beauté. La production de Zeffirelli 2006 fut un grand ratage, avec ses kilos de dorures, ses foules impossibles à bouger, sa surcharge propre à écœurer sans impressionner. L’esthétique Zeffirelli a bien marqué le monde de l’Opéra, puisque Bohème et Aida ont inscrit son nom aux frontispices des opéras: sa Bohème est encore bien vivante depuis près de 50 ans dans plusieurs théâtres (MET, Vienne, Scala).

Acte 1 Scène 1, les esquisses

La production présente est à mon avis d’une grande beauté, certes, dans une mise en scène à qui aujourd’hui sans doute on donnerait une distance ironique ou sarcastique qu’on ne trouve pas ici, mais les toiles peintes, les perspectives, la monumentalité frappe encore. C’est une bonne idée que de la reproposer, et l’opération est réussie, on est à la Scala pour voir une production muséale, un témoin d’une certaine manière de faire et voir l’opéra. Pourquoi pas ? Ce n’est pas par là où le bât blesse, loin de là, et moi qui suis plutôt amateur de mises en scènes un peu moins sages, ait beaucoup apprécié ce grand moment de “mémoire” lyrique.

Quand on voit les distributions affichées par la Scala depuis 1963 dans Aida (1963, Cossotto-Amnéris, Leontyne Price/Leyla Gencer-Aida, Carlo Bergonzi-Radamès, Nicolai Ghiaurov-Ramfis et Aldo Protti-Amonasro, et les noms qui se sont succédés sur cette scène dans cette œuvre en 49 ans, Martina Arroyo, Jessie Norman, Maria Chiara, Gilda Cruz-Romo, Montserrat Caballé, Ghena Dimitrova, Violeta Urmana, Fiorenza Cossotto (Amneris pendant au moins 20 ans), Grace Bumbry, Viorica Cortez, Gabriella Tucci, Placido Domingo, Luciano Pavarotti, Gianfranco Cecchele, Carlo Cossutta, Piero Cappuccilli, Giampiero Mastromei et j’en oublie, on est étourdi, et on se demande quelle mouche a pu piquer le spécialiste des voix de la Scala de réunir cette année un cast aussi discutable, au moins pour les deux protagonistes. Il était possible de sauver l’entreprise, même en prenant des chanteurs de niveau moyen, mais au moins qui sachent articuler l’italien ou chanter piano.
Beaucoup de spectateurs ont hué le chef, le jeune israélien Omer Meir Wellber, et je pense qu’ils ont été très injustes: sa direction est contrastée, précise, fait bien sonner l’orchestre et notamment des phrases musicales moins connues (très  beau prélude), douée d’un vrai sens dramatique et d’un vrai sens du spectaculaire. Mais il faut être deux pour faire fonctionner l’affaire: quand le chef tire à hue et qu’obstinément, parce qu’ils sont simplement incapables de suivre ce que veut le chef, les chanteurs tirent à dia, on dit que le chef n’accompagne pas les chanteurs. Quand le duo final qui doit être en permanence chanté piano, est chanté forte par le ténor et miaulé forte par la soprano, cela ne peut aller. La meilleure preuve: quand Luciana d’Intino (Amnéris), une authentique chanteuse verdienne, attaque sa grande scène, au 4ème acte, non seulement elle chante, mais elle sait articuler, respirer, et suivre le chef avec grande attention, il en résulte le seul vrai  moment de théâtre de la représentation, en dépit d’une voix un peu abîmée, dédoublée (une voix pour le registre grave, une voix pour le centre et les aigus) mais une voix d’une présence malgré tout impressionnante.
Ainsi, merci à Luciana d’Intino d’avoir en l’occurrence montré ce qu’est le chant italien, et ce qu’est chanter Verdi.
Merci aussi à Giacomo Prestia, un Ramfis de qualité, avec une belle voix de basse. J’avais entendu ce chanteur dans Philippe II à Barcelone, et il m’avait alors beaucoup plu; l’impression est ici confirmée, mais on ne fait pas Aida avec le seul Ramfis, ni le seul Amonasro, fût-il interprété avec vaillance et avec une voix forte et imposante par Ambrogio Maestri, l’un de nos meilleurs Falstaff (il en a le physique). Son Amonasro est impressionnant, même si on dénote çà et là quelques problèmes de justesse; mais quelle présence, quel engagement!
Alors que le jeune Jorge de Leon était affiché pour toutes les représentations, il a souvent été substitué par Stuart Neill, le Don Carlo d’il y a quelques années dans cette même salle (Gatti, Braunschweig) qu’il vaut mieux oublier. Stuart Neill ne fait pas de faute de chant particulière, mais la voix est toujours ouatée, jamais claire, ouverte, et les aigus en rétrécissent le volume et sont toujours chantés en arrière. Incapacité à chanter piano, aucune lumière solaire, mais aucune ombre non plus, parce qu’il n’y que linéarité et monotonie dans cette manière de chanter, avec des moments inaudibles dès qu’on descend dans le grave ou le murmure. Aucune séduction, un jeu fruste, une présence inexistante sur le plateau. C’est un de ces chanteurs qui conduit une représentation sans trop d’encombres jusqu’à la fin mais sans jamais rien d’intéressant. Ce n’est pas ce qu’on attend d’un chanteur à la Scala.
Venons en enfin au plus problématique, l’Aida d’Oksana Dyka. L’ayant vue plusieurs fois affichée (l’an dernier dans Cavalleria Rusticana, cette année, outre Aida, elle sera Tosca),  je me suis dit qu’elle devait avoir quelque intérêt, d’autant qu’elle chante dans des grands théâtres internationaux (Hambourg, Los Angeles…). Las, je ne peux comprendre ce qui pousse les programmateurs à afficher une telle chanteuse dans ce répertoire. D’abord, on ne comprend strictement rien à ce qu’elle chante: c’est une bouillie, sans articulation, sans veiller aux paroles, sans scander le texte. Il en résulte une absence totale d’implication, gestes convenus, texte passé au robot Moulinex. On pourrait alors se rattraper sur la qualité vocale. Aucune homogénéité, une voix quelquefois stridente, qui crie plus qu’elle ne chante et qui miaule dans les parties les plus lyriques. Une incapacité structurelle à chanter piano. Son entrée au dernier acte, du fond de la tombe, se fait à pleine voix, à voix si pleine qu’on sursaute, un contresens total pendant que l’orchestre veille à diminuer les volumes pour rendre cette atmosphère si particulière, qui mime la vie qui s’éteint, du final d’Aida. J’avoue ne pouvoir comprendre un tel choix…errare humanum est, perseverare diabolicum. J’ai en 2006 critiqué l’Aida de Violeta Urmana, et ceux qui me lisent savent que je ne suis pas vraiment un laudateur de cette voix, mais au moins, madame Urmana sait chanter,  sait moduler, et la voix est de qualité. Alors Mille Urmana contre une Dyka. Madame Dyka a su ruiner les “concertati”, les ensembles où elle est incapable de s’adapter aux autres, où l’on entend de vilains sons, des cris inadéquats.
Quelques “buh!” ont accueilli son salut final. Je n’aime pas huer, mais je comprends ces réactions:  avec le ténor, les deux ont réussi à rendre cette représentation pénible, alors qu’un simple chant moyen aurait pu satisfaire.
J’ai plusieurs fois écrit la misère actuelle du chant italien, et l’absence de vraie politique de la Scala sur le répertoire italien et notamment verdien. Dans le cas qui nous occupe, c’est vraiment la Scala qui est responsable: on aurait pu trouver une Aida italienne qui aurait sauvé le niveau de la représentation, une Raffaella Angeletti par exemple,  chanteuse intelligente, bonne technicienne, plutôt faite pour Puccini, mais qui a chanté Aida avec Mehta à Tel Aviv et qui au moins, sans une voix d’exceptionnelle qualité, sait vraiment chanter et sait s’imposer en scène avec efficacité.
Ainsi l’hommage à Zeffirelli justifié vu son rôle éminent durant les cinquante dernières années en Italie (il a aujourd’hui 89 ans), dans le bel écrin de cette production mémorielle, a tourné court, par la faute d’une distribution sans marque vraiment stimulante où seul triomphe une Amnéris de grande tradition, qui sait  chanter, simplement, et le ballet chorégraphié par Vladimir Vassiliev, légende de la danse.

J’aime passionnément la Scala, j’aime passionnément le chant verdien, j’en suis d’autant plus colère, j’en suis d’autant plus déçu. Ce théâtre devrait peaufiner ses distributions verdiennes, car c’est son fonds de commerce:  il a fait simplement le calcul qu’une Aida spectaculaire allait attirer les foules, bons chanteurs ou non, et que cela suffirait bien puisque la salle serait pleine. Choix touristique et non artistique. Détestable.

[wpsr_facebook]

STAATSOPER BERLIN 2009-2010: CARMEN avec Anita RACHVELISHVILI (15 MAI 2010)

LA SURPRISE DU CHEF

150520102048.1274223237.jpgEt voilà! On pense assister à une représentation de répertoire ordinaire d’une production vieille de 6 ans, on attend des voix moyennes, on se prépare à une production poussiéreuse, on ne fait même pas cas du nom du chef, et surgit la surprise, le miracle, la découverte qui dès le départ et les première mesures, font penser qu’on va assister là à quelque chose de remarquable: un chef, un jeune chef israélien de 28 ans, élève de Barenboim qui fait tout basculer par une direction miraculeuse, tellement supérieure à celle de son maître à la Scala. Si vous êtes de Toulouse et que vous lisez cette chronique, prenez d’emblée des places pour les concerts de Barenboim la saison prochaine, car c’est ce jeune qui dirigera, il s’appelle Omer Meir Wellber. Quelques amis italiens l’ont déjà entendu diriger à Padoue Aida et Trovatore, et sont restés étonnés devant l’engagement et la finesse de son travail. Son agenda est plein jusqu’en 2014, et pour sûr on en entendra parler. Mais quelle joie, quelle joie d’entendre enfin une exécution exacte, qui rend justice à tous les raffinements de la partition, avec un sens dramatique, voire tragique, consommé, avec une dynamique étonnante, tout en restant d’une limpidité cristalline, on entend tous les pupitres, rien n’est étouffé, et les chanteurs sont vraiment accompagnés, sans jamais être couverts, une telle tension a été créée qu’après le final, la salle explose d’enthousiasme alors qu’elle avait au départ accueilli poliment sans plus, ce chef encore inconnu. Guettez ce nom sur les programmes, et allez le découvrir: sa Carmen est d’un niveau très rarement atteint dans les théâtres aujourd’hui.

Vous connaissez aussi la production si vous l’avez vue à la télévision ou assisté aux représentations du Châtelet avec Sylvie Brunet et Marc Minkowski au pupitre, c’est la même, de l’autrichien Martin Kusej. Lumière blanche, béton, géométrie, femmes offertes, hommes tout en désir et lubricité dans une usine de cigares qui a tout du lupanar. Une mise en scène qui propose comme jadis chez Faggioni, un flash back dès le départ, puisque Don José est fusillé dès les premières mesures, et qui fait de Carmen un ange noir dans ce monde sans couleur, sinon le rouge du foulard qui tombe des cintres dès le lever de rideau, avec lequel Carmen se drapera et attrapera Don José. A vrai dire j’ai trouvé la première partie peu convaincante, un peu excessive, démonstrative, d’autant que Kusej a modifié les dialogues parlés dans le sens de son travail…J’aime son travail en général, j’ai aimé ici ses troisième et quatrième acte, plus rigoureux, mieux construits, avec des idées très fortes (l’apparition du corps ensanglanté d’Escamillo, qu’on retire de l’arène, et pousse Carmen à ouvrir les bras au couteau de Don José par exemple). Ce n’est donc pas un travail négligeable, qui est très cohérent avec l’approche du chef.

150520102050.1274223270.jpgOn remarquera les choeurs un peu forts de la Staatsoper, mais très au point,  et un ensemble de chanteurs jamais indignes, pas toujours impeccables, mais qui contribuent fortement au succès de la soirée. Si Micaela a des stridences désagréables et n’est pas toujours émouvante (Adriane Queiroz), la voix est passable et son deuxième air “je dis que rien ne m’épouvante”est assez réussi. l’Escamillo d’Alexander Vinogradov manque sans doute de maturité: ce chanteur est jeune, et affiche une voix insolente, plus basse que baryton, lancée un peu à la va-comme-je-te pousse sans contrôle ni surtout de style adapté au personnage et au ton de Bizet. Des moyens stupéfiants, non dominés, mais au total, cela passe. Le Don José du coréen Yonghoon Lee, un peu “forcé” au début (on avait l’impression qu’il gonflait sa voix) prend corps au fur et à mesure du déroulement de l’œuvre et s’affirme vraiment dans les deux derniers actes, où il ne manque ni d’émotion, ni de style, le voix est puissante, sonore, bien posée. Une découverte, là aussi.

150520102054.1274223298.jpgEnfin, la jeune Anita Rachveslishvili a mûri son personnage depuis décembre dernier à la Scala, la voix est magnifique, assurée, forte,  avec une technique et une présence sans failles. Une vraie Carmen, de grand niveau. L’actrice manque peut-être de féminité: elle n’a rien du félin que Carmen pourrait être, elle manque aussi un peu d’humour, de cet humour si marqué dans la Carmen de Berganza, par exemple, les attitudes sont convenues, pas toujours élégantes, mais du point de vue musical rien à dire, c’est une grande Carmen, très sûre, au volume qui remplit la salle, et un sens dramatique affirmé.
Au total, une excellente soirée, couronnée par cette direction exemplaire, qui m’a vraiment très fortement marqué . C’est une grande joie que celle de la découverte,  où l’on entre sans préjugés aucun et où l’on sort conquis, étonné, ravi, parce que l’on voit que l’avenir est assuré, et que les références au passé si chères au mélomane et à votre serviteur, peuvent céder la place à l’attente confiante de demain.