OPERA NATIONAL DE PARIS 2019-2020: LA TRAVIATA de GIUSEPPE VERDI le 4 OCTOBRE 2019 (Dir.mus: Michele MARIOTTI, MeS: Simon STONE)

La fête du premier acte: au centre Violettq (Pretty Yende)

En 2014, l’Opéra de Paris, l’impulsion de son directeur Nicolas Joel, homme de goût, choisissait de remplacer la belle production de Traviata, si originale et si juste, de Christoph Marthaler créée sous Mortier en 2007 par une médiocre, signée Benoît Jacquot. 
En 2019, parce qu’il faut avoir une 
Traviata digne au répertoire, Stéphane Lissner appelle Simon Stone, nouvelle coqueluche des scènes, avec une distribution enviable, Pretty Yende, pour une prise de rôle, Benjamin Bernheim qui devient à juste titre un des ténors français en vue, et Ludovic Tézier, l’un des plus grands barytons actuels avec un chef qui est aujourd’hui une des grandes références dans Verdi, Michele Mariotti. Et c’est le triomphe : opération pleinement réussie donc.
Si l’opération est réussie dans son management, est-ce pour autant dans tous ses éléments une 
Traviata de référence au niveau artistique. Je n’en suis pas si sûr.

On connaît la nature du travail de Simon Stone qui à l’opéra et au théâtre est passionné par la relation entre l’œuvre de répertoire et la société d’aujourd’hui et il s’est ainsi fait une spécialité des transpositions modernes d’œuvres classiques, avec une véritable originalité, comme dans ses Trois Sœurs de Tchekhov ou Die Tote Stadt à Bâle : une manière de montrer une éternité du genre et peut-être d’attirer un public nouveau. Avec Lear au festival de Salzbourg, il obtient une reconnaissance internationale qui en fait une des références de la mise en scène qui pour une fois ne doit rien au Regietheater allemand, mais suit une voie très contemporaine qui essaie de respecter scrupuleusement la lettre ou l’esprit des œuvres. 
Avec Médée au Festival de Salzbourg cette année, il a proposé un spectacle qui a fait beaucoup discuter, parce qu’il en fait un drame de couple d’aujourd’hui, se débarrassant des dialogues originaux, ce qui aux dires de beaucoup a montré les limites de l’exercice. En démythifiant totalement l’histoire réduite à un fait divers tragique, il enlevait peut-être tout le côté archétypal que le mythe pouvait avoir. 

Entreprise voisine dans cette Traviata transposée de nos jours où Violetta est une reine de la nuit suivie par des milliers de followers sur Twitter passant de boîte en boîte,  vendant ses produits dérivés (le parfum « Villain »)et pianotant sans cesse sur son smartphone, avec sa mère ou ses amies, son docteur ou sa banque (au troisième acte). 

La Traviata est une œuvre difficile pour le chant, on va le voir, et difficile pour la mise en scène avec une tradition fortement marquée par le travail de Luchino Visconti avec Callas, continué par Franco Zeffirelli son élève le plus doué qui en a fait plusieurs mises en scène (dont une très belle à Paris, appelé par Bogianckino en 1984) et un film, et qui récemment juste avant sa disparition au printemps dernier, en a proposé une version ultime pour Vérone (voir notre compte rendu sur Wanderersite). 
Si l’on quitte ces versions merveilleusement montées, mais archéologiques, trois productions à mon avis ont marqué ces dernières années :

  • Celle de Willy Decker en 2005 à Salzbourg, puis au MET, qui outre le fait d’avoir révélé définitivement Anna Netrebko, était un travail épuré et plein de sens sur le dernier soubresaut amoureux dans une course à l’abîme.
  • Celle de Christoph Marthaler, à Paris en 2007 géniale transposition de l’histoire de Violetta qu’il identifie au dernier amour d’Edith Piaf pour Théo Sarapo. Une production sensible, d’une rare justesse, mais qui requérait des artistes spécifiques, et peut-être pas transposable à d’autres chanteurs que la merveilleuse Christine Schäfer et l’encore jeune Jonas Kaufmann. C’était une parfaite fusion entre musique et mise en scène, évidemment critiquée par les grincheux, mais dont la direction de Sylvain Cambreling avait suscité les réactions les plus violentes, parce que c’était un principe à Paris que de toujours siffler Cambreling.
  • Celle de Dimitri Tcherniakov à la Scala en 2013, (voir notre compte rendu dans ce blog) profonde, nostalgique, sur la mémoire, sur la solitude, magnifiée par la direction extraordinaire de Daniele Gatti, mais production si honnie du public de la Scala (dont on connaît l’aversion pour les mises en scènes un peu « décalées ») que Pereira est revenu prudemment à la production très traditionnelle et sans intérêt de Liliana Cavani qui date de 1990.

Intelligemment, Lissner propose, comme Mortier, cette Traviata à Garnier, cadre idéal pour cet opéra né au Second Empire (On se souvient comme la production Zeffirelli semblait une sorte de prolongement de la salle sur la scène) avec une relation scène-salle à l’équilibre parfait pour faire naître l’émotion.

Les joies de la campagne: Ludovic Tézier (Germont) et Pretty Yende (Violetta)

La transposition proposée par Simon Stone fonctionne globalement avec certaines idées intéressantes, et d’autres inutiles: avec la vache du deuxième acte on passe du Veau d’Or Castellucien  clairement référencé ici (toujours l’intertextualité des mises en scène), à la vache à lait stonienne. Tcherniakov avait rendu exactement la même idée de retrait du couple dans un monde nouveau au style « retour à la terre » en faisant simplement pètrir la pâte de la pasta à Alfredo (ce qui ulcéra les spectateurs milanais : un Alfredo ne pétrit pas la pasta). Ici Violetta trait une vache et Alfredo piétine le raisin pour en faire son vin. Si Milan fut ulcéré de la pasta, Paris glousse devant lait et raisin. On comprend l’intention très démonstrative de Simon Stone, mais on reste dubitatif devant les outils de la démonstration, comme une volonté très didascalique, très didactique de surligner au stabilo un changement d’état du couple comme pour s’assurer que le public comprendra bien la situation, et aussi pour s’amuser un peu, et sans doute enfin pour laisser entendre par cet excès même le probable échec de cette retraite. 

Fontaine de champagne

Le premier acte souligne que « Paris sera toujours Paris », avec ses fêtes délirantes, une société riche qui s’amuse, un culte de l’apparence dominant : Violetta vend du cosmétique, elle vend son visage et le reste, et n’a pas le droit d’afficher maladie ou faiblesse. Par son allure excessive et vulgaire, c’est une société non du grand monde, mais du demi-monde qui claque son fric pour montrer sa puissance. Alors que des salons Second Empire rutilants soient remplacés par les boites à la mode où l’on alimente une fontaine à champagne, pourquoi pas ? Mais qu’est-ce que ça change ?
Et pour faire bonne mesure et pour montrer que la roche Tarpéienne est près du Capitole, quand Violetta s’isole pour se reprendre, elle passe dans les « coulisses », dans « l’arrière -cour » au container d’ordure, comme si le trash était le lieu de l’intimité…

Jeanne protectrice des amants: Pretty Yende (Violetta) chante « È strano »

Quelques détails font un peu too much, comme le kiosque à Kebab (merci à Frank Castorf d’avoir donné au Kebab une légitimité lyrique) ou la limousine où elle s’engouffre en chantant Ah fors’è lui. Un peu plus subtile (?) la statue de Jeanne d’Arc de la place des Pyramides, enlevée à la mythologie du Front National pour devenir un lieu des amants (et une allusion à la nouvelle virginité à laquelle Violetta aspire, à relier avec la chapelle du deuxième acte).
Le deuxième acte est le plus démonstratif, on la dit, l’un fait son vin et l’autre son lait, mais on aperçoit aussi au hasard des tours de la tournette qui est sans cesse en mouvement (l’idée que le temps avance, que la roue tourne, – que Willy Decker avait rendu intelligemment jadis par une horloge omniprésente sur la scène dans sa fameuse mise en scène à Salzbourg puis au MET), une petite chapelle de campagne, pour souligner non seulement le retour à la terre, mais aussi aux valeurs de la religion, mais une religion de la simplicité plus intimiste, rappelées au moment où Germont demande au nom des valeurs sociales (ou des préjugés) à Violetta de quitter la scène.

D’ailleurs, un des points les plus problématiques d’une transposition moderne de Traviata est justement l’intervention de Germont, improbable dans la société d’aujourd’hui. Germont est le représentant typique de la morale bourgeoise du XIXe (dont le Valentin de Faust est le versant borné) mais pas du XXe. Pour faire passer cette pilule-là au XXe, il faut donner dans la caricature et Stone choisit de motiver la visite de Germont par le mariage de sa fille à un prince saoudien. Plus c’est gros et plus ça passe.

Pretty Yende (Violetta) et Ludovic Tézier (Germont): celle par qui le scandale arrive…

On voit défiler les titres de la presse qui montent en épingle la situation.
D’une part, il est clair que si Violetta a jadis vendu son corps, Germont (un Ludovic Tézier habillé non en vieillard – comme dans la tradition – mais plutôt en père quinquagénaire assez ordinaire) a vendu sa fille (on pense à Senta vendue par Daland au Hollandais pour quelques diamants) et ainsi Stone jette une lumière crue sur la société d’aujourd’hui, aussi vendue que celle du XIXe, et du même coup, montre une amoralité communément partagée et l’hypocrisie d’un Germont demandant à une Violetta sincère de se sacrifier pour sauver un mariage arrangé.

Chez Flora : Thomas Dear (Douphol) et Pretty Yende (Violetta)

La fête chez Flora devient une sorte de fête carnavalesque décadente, plutôt licencieuse avec ces néons de couples copulant joyeusement, comme un bal des échangistes, et une Violetta en blanc, mais complètement artificielle, produit d’affichage, de façade d’une tristesse insigne, et toujours ce passage en coulisse devant les ordures…
C’est très clair, très fléché, et au total pas très subtil. Il y a un côté vignette de bande dessinée, qui désigne l’essentiel signifiant, pour donner au public des clefs évidentes et lisibles de compréhension, pour créer un cadre contemporain reconnaissable au premier coup d’œil.

Acte III: Marion Lebègue Annina) Pretty Yende (Violetta) et Benjamin Bernheim (Alfredo)

Un peu plus intéressant la manière dont le troisième acte est proposé. Violetta ruinée est en unité de soins palliatifs (elle souffre d’un cancer en phase terminale…autre adaptation : aujourd’hui on ne meurt plus de phtisie) au milieu d’autres malades, dans une salle d’hôpital, elle n’est pas seule et singulière, mais une parmi d’autres devenue anonyme. Le fait même qu’elle soit au milieu d’autres malades renforce sa solitude. Et du coup, aussi bien Annina que le Docteur Grenvil sont hors champ, comme rêvés et Violetta sort du champ pour retrouver dans la file d’entrée de la boite du premier acte Martina’s (avec le logo de l’apéritif Martini bien connu…Alcool, délires et mort) Annina en robe de boite et Grenvil en smoking comme occupés ailleurs, non concernés, et c’est une jolie manière de considérer la situation finale de l’histoire, cela rend le personnage d’autant plus émouvant, par l’ambiance et le cadre. L’extérieur tout à ses fêtes ne peut supporter la vision du malheur. Il ne fait pas bon être malade dans ce monde-là qui ne connaît pas les grands sentiments, mais que les gros portefeuilles. Et l’Addio del passato qui voit défiler tous les lieux du bonheur, est à ce titre particulièrement bien réglé.

Simon Stone s’occupe en effet plus du cadre d’ensemble que de la conduite d’acteurs : dans cette ambiance outrageusement, caricaturalement contemporaine, le jeu des chanteurs n’est pas vraiment travaillé, chacun est plus ou moins laissé à lui-même. Changeons le décor et les costumes et retournons dans une bonne vieille mise en scène XIXe et ils feront exactement les mêmes gestes de l’éternel opéra de la main sur le cœur et des bras écartés.

En changeant le cadre, Simon Stone ne change rien de ce qu’attend le public ravi de rester dans sa zone de confort. il transpose, mais ne dérange pas, ne démontre rien de différent de ce que Zeffirelli pouvait montrer (de fait, la mise en scène de Vérone de ce dernier est tout aussi émouvante, sinon plus et ne dit rien de moins que Stone, l’un à grand renfort de foules et de palais Second Empire, l’autre de néons et de vaches): on en sort sans rien avoir appris de plus sur l’œuvre. Autant dans ses Trois sœurs, il montrait la modernité de Tchékhov dans ce Tchékhov sans Tchékhov, il réinsérait l’auteur russe dans un monde contemporain désespérant, autant ici il se montre un conquérant de l’inutile. C’est très bien fait, Simon Stone est à l’évidence un artiste habile qui sait manœuvrer les idées, mais ici, il finit par faire système, et se perd dans l’anecdote qu’il fait passer pour signe : une Traviata qui se veut une sémiologie du contemporain et qui n’est en grande partie qu’une vision anecdotique d’un quelconque téléfilm.

Pretty Yende (Violetta) et produits dérivés

De plus, pour qu’elle fonctionnât totalement, il eût fallu une Violetta totalement incarnée, pleinement dans le rôle et pas seulement pleinement dans les notes, ce qui n’est pas le cas ici. Pretty Yende bénéficie à Paris notamment depuis ses Lucia en 2016 d’un a priori très favorable, mais beaucoup avaient déjà noté sa Teresa discutable de Benvenuto Cellini.
On serait injuste de ne pas noter une fois de plus une voix splendide, magnifiquement timbrée, et l’étendue du registre du grave à l’aigu : elle sait parfaitement en jouer et c’est techniquement sans failles. 
Mais dans Traviata, avoir les notes est une chose, incarner en est une autre, et les grandes Violetta qui, à peine entrées en scène, par un geste, par un regard, suscitent l’émotion sont relativement rares. Elle réussit à émouvoir dans l’Addio del passato, plus par la situation et par le cadre de la mise en scène (le défilé du passé) peut-être que par le chant qui est maîtrisé certes mais convenu ; mais le travail de Stone en fait ce petit oiseau isolé qui touche le spectateur. Violetta est un personnage protéiforme, une reine sociale et donc une personnalité forte, on voit avec quelle autorité elle répond à Germont, elle prend des décisions, elle est résolue. Mais c’est aussi une amoureuse, qui sacrifie tout à cet (ultime) amour. Alfredo ne sacrifie rien, il a papa derrière et on ne réussira pas à voir en lui autre chose qu’un jeune homme riche qui a pris, comme on dit en italien una cotta (qui s’est entiché) pour Violetta. Lui survivra…
Pretty Yende a un côté victime qui peut plaire aujourd’hui où l’on préfère les victimes aux héroïnes, mais surtout son chant si précis, si maîtrisé reste pauvre en couleur et n’est jamais vraiment émouvant, même dite alla giovine chanté mais pas vraiment ressenti et amami Alfredo qui manque d’intensité malgré un orchestre sublime. La différence est grande avec une Lisette Oropesa, qui à Vérone, même dans un cadre tout sauf intimiste, réussissait à toucher immédiatement. Mais peut-être aussi le personnage voulu par la mise en scène ne lui convenait il pas 
Gageons que c’est une prise de rôle, que la jeune chanteuse n’a pas encore la maturité ni le poids voulu pour une Violetta. Je suis néanmoins heureux pour elle de la longue standing ovation reçue à Garnier. C’est toujours une joie qu’un artiste soit ainsi récompensé, mais la prestation à mon avis ne valait pas un tel triomphe.

Benjamin Bernheim est Alfredo, il lui rend ce côté chien fou amoureux au deuxième acte, et il a lui aussi sans aucun doute possible une voix claire, magnifiquement projetée et un timbre lumineux exceptionnel. Mais si cette voix le prédispose aux grands rôles de ténor lyrique, notamment du répertoire français, la diction italienne tellement sculptée, un peu maniérée, enlève du naturel et de la fluidité à la prestation, comme si Werther s’essayait à Alfredo. Son italien n’est pas suffisamment délié pour apparaître naturel, il est ici trop apprêté. Ce style peut convenir à un Faust, à un Werther ou à un Roméo, pas à un Alfredo. On ne peut pas être un chien fou qui surveille tellement son débit et son phrasé. Le naturel voulu par le rôle se heurte ici à l’artifice, et c’est dommage dans un rôle dont il a parfaitement la voix, et quelle voix. Je n’avais pas remarqué cela dans son magnifique Cassio à Salzbourg, mais il est vrai que le rôle était plus court et moins exposé.

Ludovic Tézier, annoncé malade (une bronchite), n’a pas laissé paraître dans sa prestation l’ombre d’une difficulté. Son Germont est complètement maîtrisé à tous les niveaux, homogénéité sur tout le registre, phrasé, délié de la diction et surtout couleur et expression, pleine de retenue, presque pudique. Toutes les nuances y sont, notamment le passage de l’agressivité à l’empathie, et il démontre, une fois de plus, être un des grands barytons de ce temps pour Verdi, par le timbre et l’expression le plus proche de Piero Cappuccilli, le dernier des immenses barytons-Verdi des cinquante dernières années. C’est une leçon de chant que de l’entendre, un chant toujours naturel, jamais prétentieux, jamais surjoué. C’est pour moi le sommet de la soirée, même si le jeu reste limité, mais ici tout est dans la voix, qui se suffit presque à elle-même. Grandiose, même malade.

Les rôles de complément (tous les autres rôles sont très épisodiques) sont tenus très correctement, notamment Flora (Catherine Trottman), un Douphol (Christian Helmer) qui existe plus que d’habitude, ou le docteur Grenvil plutôt réussi de Thomas Dear. Le chœur préparé par José Luis Basso est comme souvent impeccable et parfaitement réglé.
Pour mon goût, le véritable triomphateur est le chef Michele Mariotti, qui réussit par l’accompagnement orchestral à donner une vraie couleur à la soirée. 
Mariotti donne une impulsion et une tension dramatique fortes, mais sait aussi rendre les moments les plus lyriques vraiment émouvants. Les premières mesures de l’ouverture installent d’emblée un climat, et tout le deuxième acte est un chef d’œuvre de soutien discret, rythmé, palpitant, à l’écoute des chanteurs et essayant en même temps de les entraîner. L’accompagnement orchestral d’amami Alfredo qui doit par son intensité transcender la voix du soprano est anthologique. 
Le troisième acte réussit aussi à créer une couleur, une émotion qui naissent peut-être plus de l’orchestre que des voix. Cette direction est magistrale, parce qu’elle garde la pulsion et le tempo vif, caractère des grandes directions italiennes, mais en même temps d’une clarté exemplaire qui rappelle celle de Gatti de 2013 à la Scala, en ce qu’elle cherche sans être démonstrative, sans jamais être appuyée, à montrer la construction et les raffinements de la partition de Verdi. Elle tient l’ensemble à bout de bras. 
Le beau, ardent et triste, cher à Baudelaire. 

Le monde de Violetta: sms et Kebab ; Pretty Yende (Violetta)

Voilà donc une soirée qui ne réussit pas à convaincre avec du très grand et du perfectible et une mise en scène bien faite mais un peu trop démonstrative, qui brille par le tape-à-l’œil, moins par une substance qui ne va pas au-delà de ce qu’on a toujours su de l’œuvre, dont l’adaptation dans le monde des réseaux et de la société du spectacle laisse un peu indifférent. Même si c’est mieux que la production Jacquot (ce qui n’est pas difficile) ce n’est pas un coup de maître. À la prochaine donc.

Photos: © Charles Duprat / Opéra national de Paris

FESTIVAL INTERNATIONAL D’ART LYRIQUE D’AIX-EN-PROVENCE 2016: PELLÉAS ET MÉLISANDE de Claude DEBUSSY le 2 JUILLET 2016 (Dir.mus: Esa-Pekka SALONEN; ms en sc: Katie MITCHELL)

Barbara Hannigan (Mélisande) Laurent Naouri (Golaud) ©Patrick Berger / ArtComArt
Barbara Hannigan (Mélisande) Laurent Naouri (Golaud) ©Patrick Berger / ArtComArt

Ce Pelléas était très attendu.
La popularité d’Esa-Pekka Salonen dans le monde musical et chez les critiques faisait que la présence du chef finlandais avait un air d’événement, d’autant que la distribution était attirante, tout autant que la mise en scène de Katie Mitchell, très en faveur à Aix-en-Provence où depuis d’arrivée de Bernard Focroulle, elle a signé plusieurs mises en scène plutôt bien accueillies. Le triomphe est total. Le public et la presse ont accueilli ce travail de manière éminemment positive.
À une quinzaine de jours de la Première à laquelle j’ai eu la chance d’assister, le recul salutaire va permettre sans doute, pour chacune des productions de cette cuvée 2016 du Festival d’Aix, de se faire une idée moins immédiate et plus réfléchie, peut-être aussi plus pondérée.
Il est heureux de constater la fortune actuelle du Pelléas et Mélisande de Debussy, considéré comme un de ces chefs d’œuvres à l’accès difficile. Cette saison, il y a à peine un mois, c’était à Zurich la production de Dmitri Tcherniakov dirigée par Alain Altinoglu, la saison dernière, c’était Daniele Abbado à Florence qui mettait en scène aux côtés de Daniele Gatti ou Constantinos Carydis qui dirigeait la production de Christiane Pohle en ouverture du Festival de Munich 2015.
Pour beaucoup d’amateurs d’opéra, Pelléas est une œuvre qu’on apprécie après avoir vu toutes les autres. Pour certains, on commence par Wagner et on finit par Debussy. Pour d’autres au contraire, on commence par Debussy et on finit par Wagner. Le lien de Debussy à Wagner est en effet très fort, un « je t’aime moi non plus » fait de refus, mais aussi de citations presque textuelles (Parsifal dans Pelléas par exemple). Pelléas et Mélisande appartient à un moment où le monde intellectuel français littéraire ou musical courait à Bayreuth. C’est évidemment une œuvre qui se confronte à Tristan und Isolde, autre histoire de couple, autre version des relations entre Eros et Thanatos. D’ailleurs, le décor monumental de Lizzie Clachan à Aix n’est pas sans rappeler dans son organisation même celui de Boris Kudlička à Baden-Baden, avec deux niveaux, un escalier métallique à Jardin, plongeant vers les ténèbres, et des espaces contigus et changeants. Car c’est bien ce décor imposant qui frappe durablement, au point d’être ce qui reste de la mise en scène après deux semaines, si imposant qu’il nécessite une armée de machinistes pour le transformer pendant les intermèdes (qui viennent tous saluer de manière pleinement justifiée à la fin). Ce décor est celui d’une maison de poupée en coupe, rappelant celui de Written on Skin ou Alcina par sa structure, avec ses chambres et ses espaces, isolant chaque scène, lui donnant un contexte particulier avec comme climax les scènes de la piscine intérieure vidée, hyperréaliste, avec la vision de la nature à l’extérieur, mais laissant les personnages derrière une verrière étouffante pour les scènes qui sont parmi les plus célèbres de l’œuvre (les scènes de fontaine). Le décor d’ailleurs réussit à être hyperréaliste et onirique à la fois, implantant une ambiance surannée, temporellement si marquée qu’elle en devient intemporelle, voire étouffante.

A la fontaine: Stéphane Degout (Pelléas) Barbara Hannigan (Mélisande) ©Patrick Berger / ArtComArt
A la fontaine: Stéphane Degout (Pelléas) Barbara Hannigan (Mélisande) ©Patrick Berger / ArtComArt

Comment rendre le mystère de Pelléas et Mélisande, une histoire en soi banale : un mariage plus ou moins forcé, un amour naissant hors mariage, un jaloux mal aimé. Une histoire qui rappelle beaucoup par son étrangeté La Princesse de Clèves, de Madame de Lafayette, notamment à travers le personnage du Prince de Clèves, bien proche de Golaud. L’atmosphère de mystère et d’étrangeté qui entoure la princesse (voir la scène du tableau et de la canne des indes observée de l’extérieur par un Nemours dévoré par le désir) me rappelle celle qui entoure Mélisande, étrangère au monde, venue de nulle part et dont la présence détruit la grise routine familiale, comme Dmitri Tcherniakov l’a si bien montré à Zürich.
Pour expliquer ce mystère et cette atmosphère et justifier d’une dramaturgie à ellipses, Katie Mitchell et son dramaturge Martin Crimp choisissent de faire du drame un rêve (prémonitoire) de Mélisande, à peine revenue de son mariage avec Golaud (elle est en robe de mariée), un mariage contraint générateur d’angoisse qui explique un rêve pour le moins tendu, mais référencé fortement à l’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, sauf que de merveilles, il y en aura peu dans ce rêve. C’est un choix dramaturgique cependant assez commun, on ne compte plus sur les scènes les rêves de personnages qui expliquent une action dramatique. Sans la référence à Lewis Carroll, on tout aussi bien pu concevoir un rêve de Golaud pris par le désir de possession, ou de Pelléas pris par celui d‘échapper à l’étouffement familial. Étouffement que l’on perçoit par des signes évidents dans la première partie, notamment à travers le personnage de Pelléas, engoncé, fagoté en « petit vieux » avant l’âge, un vieil enfant rempli de tics et de mouvements brusques, magistralement rendus par Stéphane Degout dont c’est hélas le dernier Pelléas.
Atmosphère pesante aussi à table, avec la vision d’un repas familial silencieux et raide. Bien sûr on pense aussi à l’atmosphère familiale de la production de Tcherniakov, mais le cadre de la maison, moderne, « design », ouverte, n’a rien à voir et de produit pas la même impression : les couleurs du décor, vert passé, le style de l’ameublement du premier XXème siècle, les éclairages pâles et timides, tout concourt à donner l’impression d’une maison où le temps s’est arrêté, qui génère un ennui abyssal, et un désir de respirer. Chaque scène est un espace clos vieillot, chambre à coucher, salle à manger, piscine même, et les circulations sont étroites (escalier en colimaçon).C’est aussi un espace envahi par le rêve, avec cet arbre qui prolifère dans la chambre, ou la terre, C’est vraiment le décor qui donne l’ambiance.
Katie Mitchell fait évoluer ses personnages dans cet espace hyperdétaillé. Il y a d’ailleurs plus de travail sur les personnages que sur la dramaturgie proprement dite. Au centre, la Mélisande de Barbara Hannigan, comme si la mise en scène était construite sur mesure pour elle, une femme déjà mûre, qui n’a rien du petit oiseau fragile qu’on a pu voir ailleurs (Tcherniakov par exemple), qui parcourt tout l’espace en regardant toutes les scènes, ou se regardant (elle regarde souvent son double), dedans et dehors comme dans les rêves. Hannigan avec son art suprême du mouvement et sa manière de gymnaste de se relever quand elle est allongée face contre terre, avec sa grâce et avec son corps qui se construit et tout à la fois se déconstruit, rend une Mélisande présente, mais met au centre le drame d’une femme assez manœuvrière et manipulatrice dont l’innocence et la fragilité se discutent fortement. Tout cela est magistral de la part de la chanteuse, mais n’ajoute rien à la lecture ou au sens de l’œuvre. Tcherniakov avec le même présupposé était pour mon goût plus convaincant.

Du même coup, la première partie m’est apparue quelquefois distante et vaguement ennuyeuse, sauf la scène prodigieuse du petit Yniold (Chloé Briot, très fraîche) et de Golaud forçant à regarder par la lucarne.

Sylvie Brunet-Grupposo (Geneviève) Stéphane Degout (Pelléas) Laurent Naouri (Golaud) Barbara Hannigan (Mélisande) Franz-Peter Selig (Ariel) ©Patrick Berger / ArtComArt
Sylvie Brunet-Grupposo (Geneviève) Stéphane Degout (Pelléas) Laurent Naouri (Golaud) Barbara Hannigan (Mélisande) Franz-Peter Selig (Ariel) ©Patrick Berger / ArtComArt

La deuxième partie plus dramatique et plus tendue par nature permet de relever l’intérêt avec des moments particulièrement bien construits entre les personnages : par exemple la scène où Golaud et Arkel saisissent Mélisande sur la table, ou les scènes sur le lit entre Golaud et Pelléas, ainsi que la scène sacrificielle où Golaud égorge Pelléas comme Abraham son fils (laissant supposer par le choix de la mort une préméditation). Scènes très tendues, très fortes, qui laissent une durable impression.
Comme on le voit, Katie Mitchell sait rendre l’atmosphère pesante, et sait conduire un travail d’acteur particulièrement détaillé, mais le propos général reste moins convaincant. Il y a certes du mystère et de la poésie, mais cela s’inscrit dans une atmosphère de drame familial au total assez banal. Quand Mélisande entre dans cette famille, cette dernière est déjà en déliquescence, au bord du gouffre et Mélisande n’est que la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Chez Tcherniakov, c’était la présence même de Mélisande comme révélateur qui déclenchait le processus délétère de destruction familiale de l’intérieur… Aussi le travail de Katie Mitchell, précis, intéressant parce que le rêve permet de développer plusieurs points de vue et de conjuguer vraisemblances et invraisemblances, ne me semble pas rendre compte de toutes les ambiguïtés de l’œuvre. Un travail onirico-réaliste, et en ce sens même acrobatique. Mais on a envie de dire : et après ?

Blessures: Barbara Hannigan (Mélisande) Laurent Naouri (Golaud)Stéphane Degout (Pelléas) ©Patrick Berger / ArtComArt
Blessures: Barbara Hannigan (Mélisande) Laurent Naouri (Golaud)Stéphane Degout (Pelléas) ©Patrick Berger / ArtComArt

Elle est servie, et c’est son immense chance, par une distribution particulièrement engagée et qui semble partager le point de vue qu’elle exprime. Chacun est un chanteur acteur de très grand niveau, la Geneviève à la fois discrète et timide de Sylvie Brunet-Grupposo, dont la lecture de la lettre est un modèle de parlar-cantando contrôlé, naturel et sans prétention ni théâtralité excessive, l’Arkel monumental de Franz-Josef Selig, patriarche lui aussi bousculé par les manipulations de Mélisande, le Golaud de Laurent Naouri, toujours magistral, avec son faux air de Butler, qui réussit à chanter le texte sur le ton de la conversation, avec un naturel confondant, à la fois distancié et impliqué. Ce que réussit Katie Mitchell, grâce aux éminentes qualités de cette distribution, c’est de faire de chaque personnage ou presque un Janus bi-face, avec une face au monde et une face cachée, face externe et interne. Et Naouri est ici un chanteur exceptionnel d’intelligence, intérieur, retenu, mais en même temps ravagé, avec un sens rêvé du texte et de l’expression et une diction modèle.
Stéphane Degout est Pelléas depuis plus de cinquante fois. C’est d’abord un Pelléas musicien avec un sens du texte exceptionnel, dont il réussit à exprimer les moindres nuances, les moindres inflexions, de la douceur à la violence, de la tendresse à la tension, de l’innocence au désir, la diction est éblouissante (une qualité largement partagée par l’ensemble du plateau d’ailleurs), elle atteint le stade de la perfection quand elle s’allie à une telle expressivité, c’est une diction théâtrale presque avant que d’être musicale. Et puis il y a le personnage, merveilleusement conduit dans son évolution, depuis le Pelléas engoncé, plein de tics, étouffé et timide du début, celui soumis au « paterfamilias » Arkel, qui ne va pas voir Marcellus mourant, paralysé par la maladie paternelle et par l’interdiction d’Arkel, au Pelléas plus accompli par l’amour de la deuxième partie, plus ouvert et plus libre.
Justement, l’Arkel de Franz-Josef Selig joue vraiment le « Paterfamilias », aux mouvements calculés, plus souvent assis à la table à « présider » comme un Arkel « commandeur ». La diction est soignée, l’expression bien contrôlée, ainsi que la projection, avec un langage clair, qui exprime l’autorité et qui n’empêche pas le feu intérieur qui s’allume au contact de cette Mélisande volontairement perturbatrice. Un Arkel lui aussi Janus, aux limites de son contrôle sur lui-même. Belle composition de Chloé Briot en Yniold chantant en équilibre instable sur une échelle, même si je préfère les Yniold interprétés par de jeunes garçons (le magnifique enfant du Tölzer Knabenchor à Zürich). Quant à Thomas Dear, il prête un beau timbre, très présent, à la figure fugace du médecin.

Dans ce monde un peu paralysé, vaguement fossilisé, Mélisande a évidemment le statut d’élément perturbateur : elle est la femme, plus mûre mais encore jeune, d’une séduction presque animale. Elle n’a rien de l’oiseau fragile dont le texte parle. En scène elle est affirmée, notamment lorsqu’elle porte cette robe rouge-vermillon, couleur de la passion, qui l’isole par rapport aux teintes pastel presque effacées ambiantes. Aucun des costumes des autres ne possède cette agressivité. La présence scénique d’Hannigan fait le reste, un oiseau (de proie ?) sensuel et mûr vaguement destructeur. Comme toujours son chant peut diviser : sa diction, peut-être d’un souffle moins parfaite que celle de ses partenaires lui donne justement un souffle d’étrangeté et d’absence, mais l’expression est décidée, le ton est affirmé, la voix est merveilleusement placée à tous les degrés du registre et magnifiquement expressive par de multiples modulations. Je la préfère néanmoins dans la Marie manipulée de Die Soldaten à Munich que dans cette Mélisande manipulatrice où elle est néanmoins admirable. Peut-être aussi est-ce d’ailleurs la nouveauté du personnage qui me trouble. En tous cas, et c’est la magie des festivals, je ne vois pas quelle autre chanteuse pourrait incarner Mélisande dans cette production si elle entrait dans le répertoire d’un théâtre. C’est une production construite pour elle et autour d’elle, c’est sa grandeur et aussi sa faiblesse que d’être un Pelléas et Mélisande-Hannigan plutôt qu’un Pelléas et Mélisande.

 

On attendait aussi beaucoup, comme je l’ai écrit au début, de la direction d’Esa-Pekka Salonen particulièrement adapté aux œuvres de la première moitié du XXème siècle, dans une œuvre qui a priori est faite pour lui et qu’il connaît sur le bout des ongles, d’autant qu’il y dirigeait son Philharmonia Orchestra.

J’avoue avoir été moins sensible à son travail qu’en d’autres occasions. On a plusieurs manières d’aborder Pelléas, une manière impressionniste, miroitante, relevant chaque son en faisant une sorte de multiplication de reflets diamantesques : c’était le cas jadis d’Abbado, qui savait cependant, en immense chef de théâtre qu’il était, accompagner le drame et donner de la tension. Ce fut aussi le cas de Gatti à Florence, qui avec une incroyable clarté, révélait l’ensemble des secrets de la partition, dans des conditions acoustiques difficiles, mais rendant chatoyant et riche de tous ses reflets un texte musical imprégné de l’ambiance littéraire de la période et pas seulement de Maeterlinck. Maazel jadis à Paris (avec Jorge Lavelli, Frederica Von Stade, Richard Stillwell et Gabriel Bacquier) avait su conjuguer l’onirique, le poétique et de dramatique. C’est à lui que je dois mon amour pour cette œuvre que je regardais avec distance dans ma prime jeunesse, tout occupé à découvrir Wagner. J’aime les directions musicales qui illuminent et qui éclairent tous les détails de ma mosaïque debussyste, faite de tesselles orientées différemment, tout à la fois ombres et lumières, et qui néanmoins savent créer tension et drame.
Je n’ai pas trouvé tant de tension dans l’accompagnement musical du drame surtout dans un première partie que j’ai trouvée trop linéaire. Certes, on peut dire que Salonen suit en cela la mise en scène, dans sa continuité et sa fluidité dramatique qui passe de scène en scène comme un regard presque extérieur au drame (celui de la Mélisande rêvant). J’ai écrit linéaire, je devrais dire lisse, trop lisse, sans aspérités, et avec une discrétion étonnante qui fait qu’à certains moments on n’entend peu l’orchestre. Un parti pris de discrétion qui me perturbe parce que je n’y entend plus les chatoyances, les différences de couleurs, les ruptures aussi, mais une sorte d’uniformité.
Certes, la deuxième partie plus dramatique donne un peu plus de relief à l’ensemble, mais sans jamais être abrupt, ou brutal. Ce parti-pris me paraît courir le risque de ne pas rendre justice à l’œuvre, de ne pas lui rendre sa profondeur, au profit d’une certaine fadeur, de la couleur un peu passée du décor, un son lointain et quelquefois indifférent.
J’entends bien que le parti-pris scénique, un rêve qu’on regarde, contribue à éloigner, et peut induire le chef à proposer un son sans le son, une sorte de second degré, de vision derrière la vision et donc éloigner le choc direct, j’entends bien – pour le défendre à chaque fois- que le chef et le metteur en scène ne peuvent jouer des partitions différentes, mais j’avoue avoir quelque peu regretté un relief qui me paraît si indispensable ici.

Indiscutablement cette production interroge et ce n’est pas la seule du festival (on le verra bientôt avec Cosi fan tutte). C’est intéressant de proposer un Pelléas et Mélisande d’un « réalisme onirique » qui a incontestablement trouvé un ton. Pourtant, malgré l’excellence de la distribution et sa justesse de ton, je suis resté un peu sur ma faim.
Il y a un mois, j’étais à Zürich pour un autre Pelléas et Mélisande, dirigé par Alain Altinoglu et mis en scène par Dmitri Tcherniakov, qui proposait lui aussi une vision de famille en déliquescence, mais avec une violence inouïe et inédite dans cette œuvre (magistral Golaud de Kyle Ketelsen, imposante Geneviève d’Yvonne Naef et incroyable Arkel de Brindley Sherratt) que relayait dans la fosse un Alain Altinoglu original et poignant, très expressionniste (certains ont dit puccinien), plein de couleurs et de tensions, de contrastes, de dynamique, très surprenant dans sa manière d’emprunter une voie inédite. J’ai préféré ce Pelléas coup de poing, ou le Pelléas suspendu et ailleurs de Christophe Honoré à Lyon, plutôt que ce goût amer et lointain laissé par le travail de Katie Mitchell, au contact d’artistes admirables, nous laissant des images souvent belles, mais ni le cœur lacéré, ni l’âme en capilotade. [wpsr_facebook]

Thanatos : Sylvie Brunet-Grupposo (Geneviève) Laurent Naouri (Golaud) Barbara Hannigan (Mélisande) Stéphane Degout (Pelléas) Franz-Peter Selig (Arkel) Thomas Dear (le médecin) ©Patrick Berger / ArtComArt
Thanatos : Sylvie Brunet-Grupposo (Geneviève) Laurent Naouri (Golaud) Barbara Hannigan (Mélisande) Stéphane Degout (Pelléas) Franz-Peter Selig (Arkel) Thomas Dear (le médecin) ©Patrick Berger / ArtComArt