TEATRO ALLA SCALA 2015-2016: DER ROSENKAVALIER DE Richard STRAUSS le 29 JUIN 2016 (Dir.mus: Zubin MEHTA; ms en scène: Harry KUPFER)

Die Feldmarschallin (Krassimira Stoyanova) ©Brescia/Amisano
Die Feldmarschallin (Krassimira Stoyanova) ©Brescia/Amisano

On connaît ce beau spectacle d’Harry Kupfer présenté à Salzbourg en 2014 et repris la saison dernière. Il arrive cette saison à la Scala, par la vertu des opérations Salzbourg-Milan tant reprochées à Alexander Pereira, mais qui valent d’avoir là sans doute l’un des meilleurs spectacles de la saison.
Et pourtant, et c’est stupéfiant à constater, la salle était à moitié vide (au moins la Platea) et bien des loges inoccupées. Certes, l’augmentation massive des prix des billets (jusqu’à 300 €, le prix le plus élevé d’Europe) y est sans doute pour quelque chose, mais on n’a jamais vu la Scala aussi désertée. Tous le constatent, il y a un problème de public à Milan, dû sans doute à la structure de ce public, composé essentiellement de population locale (dans un rayon de 2 km disait Stéphane Lissner) et non comme on le croit trop souvent, de touristes qui se précipiteraient.
L’augmentation du nombre de représentations n’a pas ouvert à d’autres spectateurs, dans la mesure où l’augmentation des prix décourage les éventuels candidats et où la politique culturelle de l’état italien, depuis Berlusconi, a démobilisé pas mal les publics potentiels.
Il est plus difficile de reconquérir le public que de vider les salles. Certes, l’opéra reste le genre roi en Italie, mais tous les habitués de la Scala constatent, malgré des spectacles de bon niveau, que la salle n’est pratiquement plus jamais pleine, et que l’on brade les billets les deux ou trois derniers jours avant les représentations. Ce n’est pas seulement la Scala qui est en cause, d’autres institutions dans d’autres pays vivent les mêmes problèmes, mais c’est particulièrement sensible dans une salle qui il y a quelques années encore affichait régulièrement complet. L’opéra serait-il en danger?

Il reste que le spectacle présenté, dirigé par Zubin Mehta, l’un des mythes de la direction d’orchestre, constitue une des grandes réussites de la saison. Der Rosenkavalier ya été assez souvent représenté à la Scala depuis 1952 (Herbert von Karajan avec Elisabeth Schwartzkopf), en 1961 (avec Karl Böhm et toujours Schwartzkopf – et Ludwig), en 1976 (avec Carlos Kleiber et le trio Lear, Popp, Fassbaender), en 2003 (avec Jeffrey Tate et Adrianne Pieczonka), et enfin en 2010 (avec Philippe Jordan et Anne Schwanewilms et Joyce Di Donato dans la production de Salzbourg d’Herbert Wernicke). Trois productions en 13 ans, le rythme s’accélère et montre la popularité du titre.

Acte II ©Brescia/Amisano
Acte II ©Brescia/Amisano

Harry Kupfer, ultra-octogénaire, vient de l’école de l’Allemagne de l’Est où il a travaillé dans de nombreux théâtres de la DDR, pour devenir entre 1981 « Chefregisseur » de la Komische Oper, dont il restera le directeur artistique jusqu’en 2002. Alexander Pereira, homme de fidélités artistiques, a fait appel à lui pour plusieurs mises en scène à Zürich, dont Die Meistersinger von Nürnberg (qu’on verra la saison prochaine à la Scala), et une fois à Salzbourg, l’a appelé de nouveau pour ce Rosenkavalier qui a fait les beaux soirs du Festival, dont l’œuvre est un pilier. La mise en scène installe l’intrigue à l’époque de la création (1911), dans une Vienne « fin de siècle » monumentale, la Vienne de François-Joseph, c’est à dire aussi la Vienne « fin d’Empire ». Discrètement, et sans insister, avec une certaine finesse, Kupfer raconte un peu la même histoire que celle de « Il Gattopardo », à savoir la fin de la domination de la noblesse au profit de la bourgeoisie, et l’obligation aux mésalliances pour survivre. L’image de Faninal, très bien interprété par Adrian Eröd, très juste en personnage dépassé et encore soumis aux caprices d’un Ochs pour une fois élégamment vêtu, rajeuni, plus sûr de son statut que mal éduqué, et finalement lui aussi un peu anachronique dans son sens des rapports humains qui ne considère pas l’évolution des relations sociales. C’est cette élégance dans la manière de dire les choses, accompagnée par une précision particulière dans le travail sur les personnages, Ochs bien sûr et Faninal, mais aussi la Maréchale, très retenue, réservée, déjà presque maternelle, dont Kupfer saisit « l’attimo fuggente », l’instant fugace qui la fait basculer dans la maturité. J’ai évoqué ce travail dans deux articles sur le Festival de Salzbourg, en 2014  et en 2015 , où la dominante est la nostalgie : nostalgie d’une Autriche dominante en Europe et dont l’architecture viennoise monumentale affirmait la puissance, nostalgie d’un monde où tout semblait facile et souriant, nostalgie aussi au second degré de la Vienne du XVIIIème, celle de l’impératrice Marie-Thérèse, dont la Maréchale porte justement le prénom et qui fait aussi rêver Milan qui lui doit bien des palais. De ce monde souriant et apaisé, que resterait-il quelques années après ? Que resterait-il de ce monde qui allait à la guerre comme un somnambule (pour reprendre le titre d’un fameux livre de Christopher Clark).

Mais c’est aussi musicalement que cette production désormais scaligère frappe ce soir. Habilement, Alexander Pereira a repris pour les rôles principaux la même distribution qu’à Salzbourg, excepté Sophie incarnée ici par Christiane Karg, vue à Dresde il y a deux ans sous la direction de Thielemann avec Anja Harteros, qui est un choix particulièrement bien ciblé pour composer une des meilleures distributions de l’œuvre aujourd’hui.
Krassimira Stoyanova est désormais une Maréchale qui compte dans le paysage lyrique. Elle était un peu hésitante, pas trop à l’aise avec le répertoire allemand il y a deux ans. Elle, que Bayreuth avait appelé pour Eva l’an prochain dans Meistersinger, – invitation déclinée- se refuse à abandonner les rôles italiens qui ont fait sa réputation. Néanmoins, le rôle de la Maréchale lui va parfaitement, et elle le domine pleinement désormais. On la sent beaucoup plus à l’aise, complètement maîtresse d’un texte qui exige inflexions, nuances, couleurs. La voix colle parfaitement au rôle, une voix magnifique, modulée, expressive, et qui donne au personnage à la fois une distance aristocratique, mais aussi une bonhomie particulière. J’évoquais plus haut une couleur un peu maternelle, c’est à dire un basculement vers la maturité. Krassimira Stoyanova dit tout cela, et sa réserve naturelle en scène convient parfaitement au personnage que Kupfer dessine, marqué par la discrétion et une relative distance aristocratique. Rien de démonstratif, mais de petites touches, une allure, un port qui finissent par en imposer. Vraiment la Stoyanova est désormais une grande Maréchale.
Effet de l’acoustique, rapport orchestre-plateau différent, volume de l’orchestre, on ne sait qu’imputer à une prestation de Sophie Koch moins froide et convenue qu’à Salzbourg. La voix qui est grande semble plus retenue, le personnage plus naturel, plus fluide : de toutes les soirées où je l’ai vue en Octavian, celle-ci est sans aucun doute la meilleure : c’est Octavian, sans aucune réserve, avec ses réactions brusques, son côté à la fois jeune et farouche, sa tendresse aussi. La voix est toujours là, bien sûr, mais le volume est plus contrôlé, plus maîtrisé. Il est vrai qu’à Salzbourg, Welser-Möst imposait un rythme et un volume tels qu’elle se sentait contrainte de pousser en permanence. Rien de tel ici. Elle est vraiment un Octavian de premier plan.

Octavian (Sophie Koch) Sophie (Christiane Karg) ©Brescia/Amisano
Octavian (Sophie Koch) Sophie (Christiane Karg) ©Brescia/Amisano

Christiane Karg était Sophie, cette chanteuse attachante a été ici la meilleure Sophie des trois (avec Mojka Erdmann en 2014 et Golda Schultz en 2015) vues dans cette production. Il y a dans ce chant la légèreté, le contrôle, la poésie, la fraîcheur : c’est elle qui se rapproche le plus de ma regrettée et préférée Lucia Popp, inégalée dans le duo de l’acte II. J’aime surtout sa spontanéité et son naturel, qui se lit aussi bien dans le chant que dans l’attitude scénique. Une Sophie de référence.

Octavian (Sophie Koch) Ochs (Günther Groissböck) Die Feldmarschallin (Krassimira Stoyanova) ©Brescia/Amisano
Octavian (Sophie Koch) Ochs (Günther Groissböck) Die Feldmarschallin (Krassimira Stoyanova)
©Brescia/Amisano

Revenir sur Günther Groissböck en Ochs, c’est souligner la nouveauté de cette interprétation et de la vision du personnage. Habituellement – et l’Ochs le plus fréquent des années précédentes, Peter Rose (excellent au demeurant), en était la preuve – Ochs est un hobereau ignorant des règles policées de la vie aristocratique citadine. L’Ochs de Groissböck est vocalement remarquable, comme toujours dans les rôles qu’il aborde, beau timbre, voix puissante, volume, contrôle, intelligence du texte. Mais c’est surtout le personnage qui évolue, plus jeune, moins brutal, mieux habillé, mais en décalage par rapport aux usages et à la situation sociale du moment. Un Ochs hobereau vulgaire convenait au XVIIIème, l’Ochs de Groissböck refuse de voir les évolutions du XXème siècle et de la situation de l’Empire, refuse de voir que l’aristocratie ne peut plus faire « comme si », et Kupfer a bien cerné le personnage, plus obtus que vulgaire : voulant épouser Sophie par besoin financier, il représente cette relation typiquement aristocratique à l’argent dans l’ancien régime, qui se dépense sans se gagner, au contraire de ce que représente Faninal, la réussite et l’argent gagnés par le travail, la bourgeoisie besogneuse qui explose au XIXème siècle.

Faninal (Adrian Eröd) Sophie (Christiane Karg) ©Brescia/Amisano
Faninal (Adrian Eröd) Sophie (Christiane Karg) ©Brescia/Amisano

On croirait justement Faninal conçu directement en fonction d’Adrian Eröd, l’interprète du jour. Physiquement par son physique plutôt malingre il s’oppose à Groissböck, grand gaillard musclé. A cette opposition physique correspond aussi une opposition vocale, de volume et de couleur. Eröd n’a pas une voix volumineuse et on le lui a reproché dans cette production, même si Welser Möst dirigeait très fort. Mais il a un contrôle et une élégance du chant qui tranche avec un Ochs qui porte bien son nom vocalement ( le bœuf). Et donc l’opposition entre les deux personnages est bien construite, juste scéniquement et vocalement. Eröd est un artiste intelligent qui sait ce que texte veut dire et la direction de Mehta n’étouffe pas sa voix. Comme d’habitude, la prestation est très satisfaisante. J’apprécie ce chanteur qui incarnait à Bayreuth un Beckmesser très intéressant il y a quelques années.

Die Feldmarschallin (Krassimira Stoyanova) Ein Sänger (Benjamin Bernheim) ©Brescia/Amisano
Die Feldmarschallin (Krassimira Stoyanova) Ein Sänger (Benjamin Bernheim) ©Brescia/Amisano

Der Sänger, le chanteur italien, est évidemment un petit rôle, mais confié dans tous les enregistrements à des ténors très célèbres, qui aident à faire vendre. De fait, le bref épisode du chanteur italien est quasiment un « pezzo chiuso » puis pezzo « interotto » qui dérange, comme pour empêcher l’artiste de monter à l’aigu. Et l’air n’est pas si facile : je me souviens de Marcelo Alvarez distribué à la Scala dans la production Wernicke s’écrabouillant de belle manière, sans élégance, sans style, sans ligne.

Benjamin Bernheim donne ici une preuve supplémentaire de la qualité de son chant. On l’a noté dans Cassio de l’Otello de Salzbourg à Pâques avec Thielemann où il a remporté un vrai succès personnel (et justifié car il était le meilleur du plateau). Il est ici un chanteur italien vraiment impeccable : élégance, ligne, contrôle du souffle, style, mais aussi puissance et phrasé. Il serait temps de l’entendre dans des rôles plus importants. C’est vraiment un chanteur digne de la plus grande attention.

Et tous les rôles secondaires sont tenus remarquablement, parce qu’ils donnent vraiment l’impression d’une troupe , ce qui est singulier à la Scala, et qu’ils se sentent à l’aise. À commencer par Annina ( Janina Baechle) et Valzacchi (Kresimir Spicer) dans une belle composition et avec une vraie présence. Les interventions de Janina Baechle à l’acte III sont vraiment claires marquées d’un aigu puissant et d’un bel allant. Même chose, en un peu plus pâle de la Marianne Leitmetzerin de Silvana Dussmann . Le Polizeikommissar de Thomas Bauer s’en tire bien, même si il n’a pas la présence de Tobias Kehrer à Salzbourg. Seule ombre au tableau, les interventions des trois orphelines, issues de l’accademia di perfezionamento del Teatro alla Scala, sont décalées, mal coordonnées, pas en mesure et les voix fusionnent mal : cela gêne vraiment beaucoup.

Acte III ©Brescia/Amisano
Acte III ©Brescia/Amisano

Mais l’ensemble de la distribution répond quand même à l’exigence d’un Rosenkavalier de grand niveau, à quelques détails près, parce qu’il y a un maître d’œuvre qui s’appelle Zubin Mehta. Il aborde l’œuvre avec un tempo plus lent que Welser Möst, mais tellement moins agressif, tellement plus rond, laissant tellement respirer les chanteurs que la couleur change complètement. Il y a dans cette manière de lire la partition quelque chose d’indulgent, de souriant qui frappe. Je dirais presque qu’il y a correspondance entre la couleur de l’interprétation de Krassimira Stoyanova et la couleur de cette direction, précise, mais chaleureuse et charnue.

La deuxième observation est l’extraordinaire clarté de cette lecture et le relief donné à certains pupitres, notamment les bois, favorisés par l’acoustique de la Scala, avec une fosse assez haute, mais au rendu sonore irrégulier, notamment en platea. Pour en juger encore mieux il eût fallu être en hauteur où le son est très différent et plus « fondu ». Il reste que la performance de Mehta, avec une respiration peu commune, laissant au chanteur un confort inédit, est singulière et séduisante, avec une vraie personnalité. On sent un plateau à l’aise et détendu, et une direction maîtrisée et intelligente qui construit la cohésion de l’ensemble.

On aura compris que cette soirée fut une très belle soirée, qui permet de redécouvrir la qualité d’un chef protéiforme quelquefois discuté, voire méprisé par certains, et de confirmer celle d’une production qui mériterait d’entrer au répertoire pour quelque temps, car dans son apparent classicisme et sa précision, elle raconte beaucoup de l’œuvre. Kupfer est décidément un metteur en scène encore surprenant. Mehta a 80 ans, Kupfer un peu plus. Et leur travail a une vraie jeunesse et une vraie fraîcheur. C’est dans les vieux pots…[wpsr_facebook]

Octavian (Sophie Koch) Sophie (Christiane Karg) Die Feldmarschallin (Krassimira Stoyanova) ©Brescia/Amisano
Octavian (Sophie Koch) Sophie (Christiane Karg) Die Feldmarschallin (Krassimira Stoyanova) Adrian Eröd (Faninal)©Brescia/Amisano

SALZBURGER FESTSPIELE 2015: DER ROSENKAVALIER, de Richard STRAUSS le 23 AOÛT 2015 (Dir.mus: Franz WELSER-MÖST; Ms en scène: Harry KUPFER)

Merveilleuse entrée d'Octavian, acte II © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus
Merveilleuse entrée d’Octavian, acte II © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus

Ayant rendu compte l’an dernier de cette production dans les détails (voir ce blog) je ne répéterai pas ce que j’ai à l’époque souligné de la mise en scène de Harry Kupfer, qui vient d’avoir 80 ans il y a deux semaines. Non seulement une mise en scène élégante qui peut plaire à tous : il y a à voir un magnifique décor et de somptueuses vidéos, mais aussi et surtout une gestion des espaces et un travail sur l’acteur d’une précision et d’une intelligence exceptionnelles. Il y a dans ce travail un vrai « naturel » (du naturel comme au théâtre évidemment) tel que Diderot le rêvait dans « Le paradoxe sur le comédien », c’est à dire un travail millimétré, au pas près, au petit geste près (ah, cette Sophie mettant son index entre les dents, comme gênée, enfantine, lorsqu’elle rencontre Octavian). Il y a aussi une réussite évidente dans le rapport à l’espace, avec sa monumentalité exagérée, non dépourvue de grandeur, qui écrase les personnages dans le « wienerisch ». En bref, cette mise en scène est un modèle de raffinement et de justesse dans la peinture des ambiances et personnages (Faninal…et surtout Ochs, pris à revers de la tradition grâce à un Günther Groissböck bluffant).

Silvana Dussman (Jungfer Marianne Leitmetzerin), Golda Schultz (Sophie), Sophie Koch (Octavian) © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus
Silvana Dussman (Jungfer Marianne Leitmetzerin), Golda Schultz (Sophie), Sophie Koch (Octavian) © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus

J’ai déjà décrit l’an dernier ma longue fréquentation des Rosenkavalier de légende, dont celui-ci aurait pu faire partie sous certaines conditions. Mais il fera partie de ma galerie des spectacles aimés, qui ont justifié ma volonté de le revoir cette année, d’autant que le maillon faible de l’an dernier, Mojka Erdman, était substitué cette année par Golda Schultz, une merveilleuse chanteuse sud-africaine qui a rendu à Sophie ses lettres de noblesse (enfin, une noblesse de Faninal, c’est à dire de raccroc).

Acte I, chanteur italien © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus
Acte I, chanteur italien © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus

On retrouve presque toute la distribution de l’an dernier, et notamment les petits rôles, dont seul le chanteur italien de Andeka Gorrotxategi, nouveau venu, provoque quelques doutes: la voix passe mal, projette mal et surtout n’a pas la couleur claire que la partie exige pour trancher avec l’ambiance et être vraiment évocatoire. On est en droit d’exiger que Salzbourg puisse choisir un chanteur italien de haut lignage: Francesco Meli, présent au Festival eût pu merveilleusement remplir ce rôle. Les autres rôles sont tous magnifiquement tenus, l’excellent Tobias Kehrer en Polizeikommissar, la Jungfer Marianne Leitmetzerin bien plantée de Silvana Dussmann, le joli couple Annina (excellente Wiebke Lehmkuhl) et Valzacchi (plus pâle Rudolf Schasching), et même le Leopold de Rupert Grössinger, rôle muet mais très présent dans la mise en scène.

Acte III © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus
Acte III © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus

Dans l’ensemble, les chanteurs ont gagné en sveltesse (comme on dit en italien) c’est à dire en aisance et en naturel dans la manière de chanter : c’est très évident en ce qui concerne Krassimira Stoyanova, tout aussi poétique, délicate, mais plus déliée, plus vraie en scène. C’est une Maréchale d’une rare élégance au chant d’un raffinement extrême que la fréquentation du bel canto amplifie encore, tout est contrôlé mais l’expressivité a gagné en naturel et même en présence. C’est vraiment une très grande performance que cette entrée dans le répertoire germanique, mais elle m’a confié avoir renoncé à Eva à Bayreuth pour se préserver encore quelques années pour les rôles de bel canto. Elle retarde son entrée réelle dans le grand répertoire allemand. À noter un détail de mise en scène qui a son importance : la Maréchale de Kupfer est désormais du 1er au dernier acte vêtue de blanc, le costume du dernier acte qui la rendait un peu « dame mûre » est remplacé par une robe et une cape blanches, qui rend son apparition à l’acte III celle d’un Deus ex machina, porteuse d’une certaine pureté et d’une certaine noblesse et surtout qui en fait immédiatement le centre des regards : la comparaison des photos d’une année à l’autre est parlante.

Sophie Koch avec sa voix affirmée, sa belle maîtrise du dialecte viennois, son aisance en scène, est évidemment un Octavian de très grand niveau, d’autant que sa voix puissante en fait la seule du plateau capable de résister au volume démesuré imposé par l’orchestre. Il lui manque toujours cependant cette capacité innée à émouvoir, une capacité qu’avait par exemple une Troyanos dès sa première apparition. Elle reste un peu froide pour mon goût, un peu trop « jouée », mais c’est un détail.

Sophie (Golda Schultz) et Octavian (Sophie Koch), acte III © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus
Sophie (Golda Schultz) et Octavian (Sophie Koch), acte III © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus

La Sophie de Golda Schultz possède cette capacité et cette fraîcheur qui font les grandes Sophie : elle irradie en scène. La technique vocale et certains sons ne sont pas sans rappeler Lucia Popp, dont elle a un peu le physique, même si elle manque encore de volume (il faudrait l’écouter avec un chef moins envahissant). En tous cas, son deuxième acte est vraiment magnifique et fait basculer le plateau, déséquilibré l’an dernier à cause de l’inexistence de Mojka Erdman (qui a enregistré le DVD…). Il y a là timidité, délicatesse, jeunesse, et du point de vue du chant un beau contrôle, une belle technique lisible dans le duo de la rose, dans la mise en scène magique de ce moment réglée par Harry Kupfer.
Adrian Eröd prête son élégance vocale à Faninal, un rôle habituellement représenté avec une sorte de distance ironique (le bourgeois « gentilhomme »). Eröd réussit toujours à donner aux rôles qu’il incarne (c’était vrai dans Beckmesser à Bayreuth) un certain raffinement. La voix n’est pas très grande (un vrai handicap ici au vu de la direction musicale), mais grâce à la technique, à l’émission et à la projection, et surtout à l’intelligence, cela n’est pas vraiment gênant.

Ochs 5Günther Groissböck) © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus
Ochs (Günther Groissböck) et Octavian (Sophie Koch) © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus

Il reste l’absolu triomphateur de la soirée, Günther Groissböck, qui révolutionne la vision qu’on peut avoir de Ochs, revenant aux fondamentaux de ce qu’écrivait Hoffmannsthal sur le personnage. Ochs n’est pas un gros aristocrate vulgaire, mais un homme jeune et élégant, simplement éloigné de l’ambiance policée de Vienne. Il en arrive même à être émouvant au troisième acte tellement il est perdu. Groissböck, habitué aux brutes, propose ici une interprétation complexe, jamais vulgaire, mais toujours au bord…et avec une vraie séduction presque donjuanesque. C’est une composition magnifique qui désormais va sans doute coller à sa carrière : il sera Ochs à Munich l’été prochain avec Kirill Petrenko, aux côtés d’Anja Harteros, Hanna Elisabeth Müller, et Daniela Sindram ; il ne faudra pas le (les?)manquer.

Trio final © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus
Trio final © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus

Avec un plateau pareil, et dans un lieu pareil, seuls les Wiener Philharmoniker peuvent défendre la partition, l’une des plus emblématiques du Festival. Ils sont tout simplement prodigieux, avec des bois à se damner, des cordes chaudes, souples, qui émettent des sons hallucinants, presque incroyables . Même les cuivres qui quelquefois y laissent quelques plumes furent ce soir-là sans aucune scorie. Ce fut comme un enchantement, avec un son, une netteté, une précisions uniques. Un océan de sublime.
On aurait aimé que cette perfection et ce plateau fussent néanmoins accompagnés par une direction qui entraînât cette production dans la légende.
Mais Franz Welser-Möst, qui est un chef remarquable de technique et de précision n’arrive jamais à « décoller » ou du moins à effleurer les sphères de l’émotion. Et dans Rosenkavalier, c’est délétère car sans émotion ni frémissement dans l’orchestre, la construction s’écroule. Sa direction est une mécanique de précision, froide comme une Rolex en vitrine, rien ne palpite et rien n’a de vie intérieure : aucun murmure, aucune sève, aucun sang dans ce travail pourtant parfait, de cette perfection glaciale des monuments magnifiques et inhabités.
Et imposant un volume trop important, il empêche souvent d’entendre vraiment les chanteurs (Schultz, Stoyanova et même quelquefois Groissböck), et l’émotion même du plateau s’efface, car les chanteurs doivent veiller d’abord à surpasser le volume de la fosse, ce qui empêche parfois de percevoir les couleurs, les nuances et les délicatesses diverses des uns et des autres. Ainsi non seulement la direction est froide, mais en plus elle est un obstacle à l’épanouissement réel du plateau. C’est encore plus vrai cette année que l’an dernier, parce que cette année grâce à Golda Schultz la distribution est équilibrée et impeccable, parfaitement en place et d’une grande sensibilité. J’avoue ne pas comprendre cette option. Franz Welser-Möst est un chef très estimable et qui plus est un straussien de référence : sans doute l’ivresse d’avoir retrouvé les Wiener Philharmoniker qu’il a quittés avec fracas lorsqu’il a abandonné ses fonctions de GMD du jour au lendemain à Vienne a provoqué en lui cette excessive confiance dans les effets sonores, et seulement les effets sonores, en oubliant que ce qui fait la réussite d’un Rosenkavalier, c’est l’alliance du symphonisme et de la délicatesse, du raffinement et surtout de l’émotion. Et l’absence d’émotion ruine le sentiment d’ensemble.
Ce fut donc un beau Rosenkavalier, mais le trépied direction/mise en scène/plateau n’en avait que deux, et nous y laissons de vrais regrets.[wpsr_facebook]

Rosenkavalier, acte III © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus
Rosenkavalier, acte III © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus

LUCERNE FESTIVAL 2013: DER RING DES NIBELUNGEN, DAS RHEINGOLD (concertant) de Richard WAGNER le 30 AOÛT 2013 (BAMBERGER SYMPHONIKER, Dir: Jonathan NOTT)

L’ensemble des artistes ©Priska Ketterer / Lucerne Festival


Enfin!
Enfin on va pouvoir se concentrer sur la musique de Wagner. Une musique qui ne sera pas perturbée, pervertie, pourrie par des élucubrations de metteurs en scène qui osent faire de l’ombre à la divinité. Et pourtant, une exécution concertante du Ring a quelque chose d’antiwagnérien, parce qu’elle efface le théâtre que Wagner a voulu toute sa vie remettre au premier rang, jusqu’à en construire un spécifique pour ses œuvres. Le théâtre est intrinsèque chez Wagner.
Mais si le théâtre est absent, le théâtral lui, est bien présent dans l’oeuvre et donc un Ring concertant peut avoir une couleur théâtrale, sans qu’il y ait forcément une mise en scène. Le théâtre apparaît souvent là où on ne l’attend pas.
Le prologue de l’Anneau du Nibelungen est sans doute en l’occurrence le moment le plus théâtral du Ring,  pas de longs monologues, des dialogues et des débats continus, des personnages très construits et différenciés, une palette de voix très large, y compris avec des couleurs différentes dans la même tessiture (les basses!) et des performances d’acteur nécessaires (Mime, Alberich, Loge). Les femmes y sont plutôt secondaires, victimes (Freia), épouses-au-côté-du-mari (Fricka), gentilles écervelées (Filles du Rhin): seule Erda, si son apparition est bien conduite, peut constituer un moment fort et asseoir le personnage. Chez les hommes, une belle brochette de voleurs (Wotan, Loge, Alberich), une victime (Mime), deux brutes (les géants) dont une au coeur tendre (Fasolt) et deux bouches inutiles (Froh et Donner): bref un raccourci d’humanité.
Dramaturgiquement, le prologue doit se dérouler en continu, parce qu’il est prologue,  et dans une fluidité totale voulue par la musique que le metteur en scène doit aménager: si possible tout à rideau ouvert, avec des transformations à vue; c’était d’ailleurs le seul problème à mon avis du Rheingold de Chéreau, où à chaque scène (descente au Nibelheim notamment), le rideau se fermait, laissant cependant se déployer la musique.
Dans la salle toute blanche du KKL, ce Rheingold a fière allure, avec un accompagnement scénique minimaliste, mais enrichi de ce que les chanteurs n’ont pas de partition et peuvent s’échanger des regards, et faire quelques mouvements, sans qu’on puisse dire qu’il s’agit d’une version semi-scénique (ou semi-concertante), il y a quelques éclairages très discrets (filles du Rhin, apparition d’Erda, apparition du Walhalla), bref, une concession minimaliste au théâtral.
Mais la représentation concertante exige un certain nombre de conditions: d’abord, n’ayant pas à gérer une mise en scène, les chanteurs sont beaucoup plus concentrés sur le texte et soignent particulièrement sa diction: c’est le cas, et il faut saluer la performance de tout le plateau pour une émission particulièrement claire du texte, dans ses moindres inflexions: Alberich (Thomas Johannes Kränzle) en est le meilleur exemple, avec Loge (Adrian Eröd), Fricka (Elisabeth Kulman) et Wotan (Albert Dohmen). Une excellente diction chez Wagner peut compenser certains problèmes vocaux (c’est notable chez Dohmen). Car diction veut aussi dire couleur, modulation sur telle ou telle parole, insistance ou allègement, le tout dans une compréhension parfaite du texte, qui apparaît par ailleurs en surtitrage.
Un autre problème est le rapport orchestre/voix, essentiel chez Wagner. La voix doit être entendue et clairement entendue (ah, le théâtre, toujours le théâtre) et à Bayreuth, c’est d’abord la voix qui est favorisée, et le spectateur qui est dans la salle pour la première fois est toujours surpris de la relative discrétion de l’orchestre. Dans une représentation concertante, où le chanteur doit affronter l’orchestre qui est immédiatement derrière lui avec sa centaine de musiciens, trouver des équilibres acoustiques est plus délicat, et l’on a déjà entendu des représentations concertantes où les voix sont englouties dans la vague orchestrale. Pour essayer d’équilibrer ici, quelques solutions techniques: orchestre et chanteurs sont sur le même niveau: sur le plateau pas de niveaux différents pour les musiciens, sauf un petit rehaussement minime pour les cuivres, ensuite, quand les chanteurs interviennent (c’est très notable dans toute la première partie , l’orchestre est très retenu, se fait assez discret, pour laisser au dialogue et aux paroles tout l’espace. On a rarement entendu une scène des filles du Rhin aussi claire au niveau vocal, et la scène des Dieux laisse  la conversation s’épanouir. Dès qu’il y a un intermède symphonique en revanche, l’orchestre reprend ses droits, de manière très marquée, et le volume sonore grossit, s’élargit, jusqu’à devenir presque explosif (bien trop quelquefois, par contraste). Ainsi donc, la primauté des voix est respectée, scrupuleusement, ce qui n’est pas si facile dans une salle très réverbérante, et pas toujours favorable aux chanteurs. Il faudrait encore vérifier l’acoustique à d’autres places, notamment vers les galeries.
Ce qui impressionne d’abord, c’est le son de l’orchestre et sa qualité.
Les Bamberger Symphoniker sont une formation de tradition, mais relativement récente, fondée en 1946, par des ex musiciens du Deutsches Philharmonisches Orchester Prag  (l’orchestre Philharmonique allemand de Prague) que dirigeait Joseph Keilberth et des musiciens qui avaient dû fuir l’Allemagne pendant le nazisme. Il prit d’abord le nom de Bamberger Tonkünstlerorchester. Il est profondément lié à Joseph Keilberth, qui le dirigea de 1950 à 1968. Immédiatement, il fut considéré comme l’un des meilleurs orchestres allemands et il a été dirigé par les plus grands chefs (Hans Knappertsbusch, Rudolf Kempe, Clemens Krauss, Sir Georg Solti, Christoph von Dohnanyi, Günter Wand, Giuseppe Sinopoli) et plus récemment Gustavo Dudamel – vainqueur du premier concours de direction d’orchestre Gustav Mahler (2004), qui a lieu à Bamberg – et Ingo Metzmacher. Il est dirigé depuis 2000 par le chef britannique Jonathan Nott, et depuis 2003, l’orchestre a la qualification de Bayerische Staatsphilharmonie (Philharmonie d’Etat de Bavière). C’est la formation emblématique de la petite ville de Bamberg (70000 habitants et presque 10% de la population abonnée à l’orchestre) , connue par sa cathédrale et notamment la statue gothique du Cavalier de Bamberg. La ville est située au Nord de la Bavière, à égale distance entre Nuremberg et Würzburg, à 65 km à l’ouest de Bayreuth. L’orchestre dispose d’un vaste auditorium moderne. Formation de tradition à cause de ce son très stable, très plein, aux cordes merveilleuses (elle furent dans Rheingold vraiment étourdissantes), un ensemble très singulier, charnu, très « symphonique » au sens fort du terme: les musiciens à l’évidence s’écoutent, et illustrent à merveille cette école allemande qui semble disparaître hors Leipzig et Dresde, et qui reste ici profondément enracinée. Évidemment, la musique de Wagner est ici chez elle, géographiquement, historiquement, viscéralement: on connaît les Wagner que Keilberth a dirigés à Bayreuth, mais aussi Eugen Jochum (qui fut « Ehrendirigent » et qui joua un grand rôle à la mort de Keilberth pour continuer la tradition) et Horst Stein, le chef suisse qu’on connaissait bien à Paris du temps de Rolf Liebermann, très grand wagnérien  qui fut directeur musical des Bamberger Symphoniker de 1985 à 1996.
C’est donc une grande chance d’écouter cette phalange très respectée en Allemagne, qui ne fait pas grand bruit, mais qui continue de porter une tradition musicale riche; je renvoie le lecteur au site de l’orchestre pour qu’il se rende compte de ce que peut être l’apport d’un tel orchestre pour une petite ville (http://www.bamberger-symphoniker.de). Et ce Rheingold laisse espérer un Ring d’une très grande qualité à l’orchestre, tant c’est lui qui est le véritable triomphateur de la soirée, pas un pupitre ne fait défaut (très bons bois, cuivres un peu plus faibles mais globalement d’assez bon niveau, cordes phénoménales d’homogénéité, de rythme, d’engagement).

Jonathan Nott ©Priska Ketterer / Lucerne Festival

À sa tête, Jonathan Nott, qui en a perdu sa baguette. Direction somptueuse, énergique, veillant scrupuleusement aux équilibres sonores, au geste précis. Son interprétation n’a pas l’originalité qu’on lit chez d’autres chefs, mais c’est un Wagner de grande tradition, très engagé, très sonore, et en même temps très modulé pour laisser la place aux voix qu’on entend.

La distribution est de haut niveau, et très homogène, avec des chanteurs connus pour leurs prestations dans les grands rôles wagnériens.

Thomas Blondelle, Elisabeth Kulman, Mikhail Petrenko, Christoph Stephinger, Adrian Eröd ©Priska Ketterer / Lucerne Festival

Albert Dohmen est Wotan, il l’a aussi été à Bayreuth, c’est une des grandes basses wagnériennes des 15 dernières années, avec une diction, un jeu sur les paroles, un art de la coloration exemplaires. La voix a beaucoup perdu de son éclat et de sa force, le timbre n’est plus non plus ce qu’il était: un organe  vieilli, mais il reste un style, il reste une émission, il reste une technique, il reste une personnalité  et cette capacité qu’ont les grands de savoir compenser les problèmes de volume par exemple, par des artifices techniques qui les masquent habilement : c’est toujours possible chez Wagner, moins chez Verdi…

Adrian Eröd et Thomas Johannes Kränzle ©Priska Ketterer / Lucerne Festival

À ses côtés Thomas Johannes Kränzle, l’un des meilleurs Alberich d’aujourd’hui. La voix n’est pas d’une qualité intrinsèque particulière, ni le timbre, ni même le volume et semble un peu usée. Mais il a l’expressivité, l’intelligence du texte, le sens de l’interprétation et de la couleur; la prestation est supérieure de présence et de tension avec une capacité  remarquable à masquer les insuffisances. Beau travail

Thomas Laske Thomas Blondelle Meagan Miller Adrian Eröd ©Priska Ketterer / Lucerne Festival

Remarquable aussi le Loge d’Adrian Eröd; Eröd est un baryton, Loge est écrit pour un ténor de caractère. Il a déjà interprété Loge avec grand succès à Vienne. On l’a entendu à Bayreuth (et Amsterdam) dans Beckmesser. La qualité de ce chanteur, c’est d’abord la ductilité de la voix, l’expressivité, le sens du texte (il a étudié à Vienne avec Walter Berry), l’intelligence qui sort par tous les pores, la construction immédiate d’un personnage. Alors il joue avec une voix qui n’est pas tout à fait celle du rôle, mais il est aussi un baryton au timbre très clair, aux frontières du baryténor, ce qui rend cohérent ce choix. Le personnage lui même, petit, mobile, aux gestes rapides renforce la présence scénique incontestable.

Adrian Eröd

Pour ceux qui ne le connaîtraient pas,  il ressemble beaucoup (par l’allure) à notre ancien président Nicolas Sarkozy: après tout, Sarkozy en Loge, intelligent, roublard, et plein d’idées, et pas trop regardant, cela colle, non?
Les deux géants sont vocalement très différenciés, deux voix de basse qui évoluent dans deux univers opposés. Fasolt (Christoph Stephinger) à la voix imposante, large, un peu brute, très soucieuse de l’expressivité et de la diction, et qui correspond bien à un personnage un peu fruste, mais avec un coeur, et Fafner (Mikhail Petrenko) au timbre jeune, velouté, plus éduqué, et par là même pas toujours vraiment au rendez-vous de la force et de la projection nécessaires, avec de vrais problèmes de diction quand le discours s’accélère. Petrenko sera Hunding dans Walküre et Hagen dans Götterdämmerung, une autre paire de manches . On connaît (Aix et Salzbourg) son Hagen juvénile et subtil et même un peu léger pour mon goût: il est ici un Fafner pas tout à fait dans le rôle, un peu vocalement « border line ». Mime est le ténor suisse Peter Galliard, ténor de caractère qui s’en sort avec les honneurs, sans avoir un timbre particulièrement séduisant. On revoit avec plaisir le ténor Thomas Blondelle (David dans les Meistersinger à Amsterdam), mais Froh est vraiment un rôle de complément, et le Donner de Thomas Laske est très honorable notamment dans ses « Heda Hedo », sans marquer particulièrement.

Les Filles du Rhin ©Priska Ketterer / Lucerne Festival

Du côté des rôles féminins, je m’arrête sur les excellentes filles du Rhin, que la version concertante met en valeur, avec une note toute particulière pour la magnifique Wellgunde de Ulrike Helzel, sens du contrôle vocal, volume notable, timbre séduisant mais les trois, avec la Flosshilde de Viktoria Vizin et la Woglinde de Martina Welschenbach (un peu plus en retrait) composent un ensemble notable. La Freia de Meagan Miller est assez fraîche mais ne m’a pas particulièrement impressionné, elle chante Sieglinde ce soir aux côtés de Klaus Florian Vogt, ce sera une épreuve de vérité. En revanche, la Fricka d’Elisabeth Kulman est vraiment intéressante (plus qu’à Munich cet hiver dans Rheingold). Rôle ingrat que celui de Fricka dans Rheingold, seulement insérée dans des dialogues, sans vraiment un moment qui soit concentré sur elle (dans ce sens, c’est bien plus intéressant dans Walküre où elle n’a qu’une scène, mais quelle scène!). Mais la version concertante nous fait nous concentrer de manière plus systématique sur les qualités d’émission, de diction, sur l’expressivité et la Fricka d’Elisabeth Kulman à ce titre un vrai modèle de chant intelligent, modulé, coloré, presque même un peu maniériste. Beau personnage, bien dessiné, magnifiquement interprété.
Reste enfin la Erda de Christa Mayer, en troupe au Semperoper de Dresde, vue il y a peu à Bayreuth dans Mary du Fliegende Holländer, rôle épisodique qui permet de voir les défauts mais non les qualités d’une voix. S’il manque ici la mise en scène pour mettre en valeur le personnage et son mystère (on ne peut pas dire que Christa Mayer apparaisse vraiment mystérieuse…), la voix est ici bien isolée et mise en valeur, une voix sonore, aux riches harmoniques, bien posée: une très agréable surprise qu’il faudrait revoir en Erda à la scène, mais déjà, l’impression est favorable.
Ainsi donc ce Rheingold, sans être une référence, fait honneur et aux 75 ans du Festival, et au bicentenaire de Richard Wagner, dans cette ville où il a séjourné (Tribschen est à quelques centaines de mètres): c’est pour moi l’orchestre qui emporte la conviction (c’est lui d’ailleurs qui provoque la standing ovation) et cela laisse augurer de beaux moments pour la suite des trois autres journées. [wpsr_facebook]

Salut final

 

DE NEDERLANDSE OPERA 2012-2013: DIE MEISTERSINGER VON NÜRNBERG de Richard WAGNER le 7 JUIN 2013 (Dir.mus Marc ALBRECHT; Ms en scène David ALDEN)

Festwiese © DNO

Die Meistersinger von Nürnberg n’est pas l’opéra le plus joué sur les scènes internationales; c’est pourtant une comédie, et donc a priori plus accessible à un large public, plus accessible en tous cas que Parsifal ou que Tristan. Mais voilà, c’est une œuvre qui requiert des forces importantes en termes de chœur, en termes de distribution (16 rôles) et qui pour le protagoniste (Hans Sachs) est épuisante et donc les théâtres hésitent à la programmer. A l’Opéra de Paris, depuis l’ouverture de Bastille, une seule présentation en version de concert à l’automne 2003, et la dernière production scénique remonte au  règne de Jean-Louis Martinoty, pendant la saison 1988-1989, dans une production de Herbert Wernicke venue de Hambourg.
L’œuvre est longue, aussi longue sinon plus que Götterdämmerung (4h30 minutes environ), et la plupart des wagnériens n’entrent dans cette partition foisonnante que plus tard, après Parsifal, Tristan ou le Ring. En Allemagne en revanche elle reste très populaire, et je me souviens qu’à Bayreuth, le public des Meistersinger est souvent différent, plus ouvert, plus populaire, en tous cas pendant très longtemps, il fut plus difficile d’obtenir des billets pour Meistersinger que pour d’autres titres.
Symboliquement, c’est aussi une œuvre plus complexe, puisque c’est la seule qui fut autorisée par les nazis jusqu’à la fin de la guerre et en tous cas la seule qui fut jouée jusqu’au bout à Bayreuth. C’est certes une comédie bon enfant, mais qui bascule à la toute fin par le discours de Hans Sachs  se terminant par une célébration de l’art allemand:
zerging’ im Dunst                                         S’en irait en fumée
Das heil’ge röm’sche Reich                          Le Saint Empire Romain Germanique
uns bliebe gleich,                                          Nous resterait encore
die heil’ge deutsche Kunst                           Le saint art allemand
C’est aussi une œuvre sur le chant et sa technique, une belle leçon que donne Wagner aux chanteurs puisque l’on nous montre d’acte en acte l’évolution de l’air de Walther, avec les corrections suggérées, jusqu’à la parfaite exécution finale. C’est enfin une méditation sur l’amour, ou sur la renonciation à l’amour par un Sachs déjà trop âgé. Plusieurs niveaux de lecture qui engagent les metteurs en scène à en embrasser telle ou telle.
J’ai plusieurs fois rendu compte de la dernière production  à Bayreuth de Katharina Wagner , très critiquée, qui reste un effort authentique pour lever l’ambiguïté sur le rapport du Festival de Bayreuth à cette œuvre et éclairer les aspects idéologiques de cet opéra; on attend avec intérêt celle de Stephan Herheim à Salzbourg. La production de David Alden, présentée par l’Opéra d’Amsterdam en ouverture du Festival de Hollande se place plutôt dans le sillon de celle de Katharina Wagner, même si elle est très différente et moins idéologique. Dans une interview, David Alden affirme qu’il ne faut pas toujours prendre Wagner au sérieux et que sa mise en scène travaille sur l’humour. Certes…mais un humour assez cauchemardesque dans sa représentation des bourgeois de Nuremberg, aux visages couverts de masques inquiétants, un Nachtwächter qui est en réalité la faucheuse. La Nuremberg d’Alden est une société fossilisée qui au premier acte ne cesse de se heurter à Walther à qui elle présente de manière agressive les Bibles, ou les livres contenant psaumes ou cantiques qu’on entonne,  et qu’elle vient d’utiliser à la messe. Ce thème du Livre et des règles est central dans le décor du premier acte où, après avoir descendu le Christ monumental de l’église du premier tableau et l’avoir glissé au fond,  l’on ouvre des caisses contenants bibles et manuscrits et différents objets rituels, ainsi qu’un tableau représentant Adam et Eve qui fait penser de loin à un Cranach .

Final Acte 2 © DNO

Malgré tout, les espaces relativement métalliques du décorateur Gideon Davey contiennent peu d’objets, et l’ensemble de l’opéra se déroule dans une boite blanche qui s’ouvre quelquefois vers le fond, sur plusieurs espaces plutôt distribués verticalement: un pont qui se lève des dessous fait apparaître l’espace des Maîtres au premier acte, le deuxième acte se déroule aussi sur deux niveaux, maison de Pogner au dessous, la rue au dessus avec l’étal du cordonnier et en un troisième niveau un escalier avec un pot de fleur sur lequel se dissimulent Walther et Eva, le troisième acte donnant au premier tableau la salle du cordonnier avec ses rayons remplis de boites de chaussures, et au second tableau une sorte de Biergarten avec une scène au fond où apparaîtront successivement les Maîtres, Sachs, puis le peuple, et sur lequel Beckmesser chantera son air.
David Alden propose le croisement de plusieurs regards sur l’œuvre. Tout d’abord, un discours sur les relations entre musique et scène, comme dans une comédie musicale où la chorégraphie joue un grand rôle: ici les étudiants apparaissent toujours selon une chorégraphie précise, avec des mouvements qui rappellent la comédie musicale. De même les ensembles ou même les chanteurs chantent le plus souvent de face. Ainsi, Alden souligne-t-il le rôle de la musique, qui souvent accompagne ou même décrit le mouvement, un peu comme au cinéma. Les techniques ou mouvement de cinéma d’animation l’ont visiblement beaucoup inspiré.

Acte 1: les règles inscrites dans la pierre, et les Maîtres en musiciens d’orchestre…© DNO

Tout ce travail est centré sur les groupes ou les ensembles, car les personnages principaux ne sont pas caricaturaux, ils sont au contraire presque « normaux », avec quelques signes extérieurs, Sachs porte une redingote verte, qui le distingue des costumes noirs ambiants, Pogner un col de fourrure et des signes extérieurs de richesse comme un bourgeois parvenu, Beckmesser est un dandy, cheveux longs genre petit marquis du XVIIème, costumes voyants, allure un peu féminine, les autres maîtres portent quelque peu l’habit qui correspond à leur nom, avec des objets qui leur correspondent ou des instruments de musique stylisés qui en font une sorte d’orchestre de dessin animé: au-delà des personnages principaux, les Maîtres se distinguent des autres bourgeois de Nuremberg, mais comme des sortes de caricatures, ce que ne sont ni Eva, ni Walther (encore que son armure soit bien voyante), ni Sachs.

Sachs et Beckmesser © DNO

Des mouvements sont souvent dictés  par les indications de la musique et  cherchent à mimer quelque chose de la comédie musicale sans tomber dans le cliché mais avec quelques éléments de décalage qui déclenchent les rires par la répétition (les bibles sous le nez de Walther, par exemple): la deuxième ligne de force de ce travail est bien la caricature, et notamment la caricature des groupes, groupe des maîtres, groupe des bourgeois  de Nuremberg, groupe des étudiants, ce qui contraint d’ailleurs l’excellent David (Thomas Blondelle) à des mouvements et des contorsions singulières. Des bourgeois, on l’a dit plutôt  inquiétants et fantomatiques, comme dans la scène finale du deuxième acte, scandée par l’apparition d’un Nachwächter « faucheuse » qui sont rejetés toujours vers le fond de scène, qui observent, qui commentent, qui n’interviennent jamais, mais qui sont toujours là et semblent conditionner l’action. Dans ce tableau qui semble un peu fixé, quelques éléments qui marquent les différences sociales: le chevalier Walther (partiellement en armure) face au parvenu Pogner, le dandy Beckmesser qui a quelque chose d’aristocratique (usurpé?) dans le comportement.
Ce sont les scènes de foule qui ont visiblement intéressé Alden, les scènes plus intimistes n’étant pas réglées de manière plus originale que dans une mise en scène classique.
La Festwiese va nous fournir le troisième axe de lecture: la fête de la Saint Jean (Johannistag, comme nous le souligne un écrit géant en fond de scène)  nous donne l’impression d’une fête populaire villageoise, avec Biergarten, et défilé de figures géantes en carton pâte représentant divers acteurs de la société du temps, l’ultime étant brûlée sur scène comme pour les feux de la Saint Jean: je dirais, avec la distance voulue que cela commence comme une sorte de fête à la Breughel. Mais sur la scène, fixée comme élément de spectacle avec un rideau qui s’ouvre et se ferme, d’abord les Maîtres, avec devant, étendue sur une table, Eva comme l’offrande (voir photo ci-dessus).

la « performance » finale de Beckmesser © DNO

Puis Beckmesser qui, comme chez Katharina Wagner, présente une performance, couché sur un lit,  il chante, et plus il chante et plus le public rit, il se déglingue et s’offre enfin dans sa vérité, celui d’un travesti,  il s’offre en combinaison, il est enfin lui même: c’est la vérité de la scène qui devient vérité de la vie.
Enfin, Sachs en costume rouge de Monsieur Loyal, prononce son discours final devant un pupitre et c’est le final « politique » qui entre en scène et bouscule toute la bonhomie  de la fête; derrière Sachs, les maîtres et tous les bourgeois inquiétants montés sur scène comme s’ils représentaient désormais une force presque menaçante que Beckmesser dans la dernière image s’empressera de repousser vers le fond.
Walther ne monte pas sur scène, il ne se prête pas à la représentation, il reste chanter parmi le peuple au pied de l’estrade, à distance de Sachs, des Maîtres, et de tout ce qui se profile sur la scène avec un Pogner dépité qui tient en main un collier de Maître inutile, pauvre breloque que refuse Walther, et qui finit par emmener Eva hors de scène laissant seul Beckmesser. Cette fin, on l’avait déjà vue chez Pierre Strosser, à Genève, plus violente encore avec une Eva prête à partir, valise en main et suivre Walther, et la politisation du discours de Sachs, devenu meneur d’hommes, elle allait encore plus loin chez Katharina Wagner qui en faisait une image de Hitler. Il reste que ces bourgeois fossilisés vus sur scène sont dans le programme de salle inscrits en photo sur fond de Stadion de Nuremberg, où avaient lieu les grandes fêtes nazies et que ce cube géométrique blanc qui encadre l’espace scénique pourrait en être une vague allusion.
On le voit, des points de vue se croisent, et il faut aussi le dire, pas toujours très clairement: on met du temps à vraiment entrer dans la logique de ce regard à facettes multiples, distancié, mais pas toujours, sarcastique, mais pas toujours, rarement humoristique, et pas vraiment souriant. Cela reflète toute l’ambiguïté de cette œuvre qui se dérobe à l’auditeur sous des allures simples et bon enfant. Il reste cette extraordinaire musique, très complexe, qui porte en elle bien des trouvailles symphoniques des décennies suivantes, qui invente une musique qui est authentique musique de scène, accompagnant les mouvements des chanteurs (Beckmesser, au troisième acte!), commentant les actions, jamais mise à distance, tantôt rutilante, tantôt flamboyante, tantôt intimiste, un immense chef d’œuvre qu’il faut écouter avec attention: après avoir écouté l’ouverture, écoutez donc le prélude du troisième acte, vous aurez la quintessence de la variété miroitante qui préside à ce chef d’œuvre.
Marc Albrecht réussit à rendre justice à cette complexité, dans une direction énergique, assez sonore et pleine de relief et à laquelle le Nederlands Philharmonisch Orkest rend bien justice si l’on oublie quelques menues scories aux cuivres (trombones). Les cordes d’abord un peu couvertes (mais c’est peut-être l’acoustique du théâtre, plutôt généreuse pour les instruments très sonores), finissent par apparaître vraiment bien travaillées, subtiles, et équilibrées. Le troisième acte est particulièrement réussi, avec une nette réserve sur le quintette où les cinq voix manquent d’équilibre et n’arrivent jamais à se fondre entre elles, le ténor est trop haut et met mal à l’aise (justesse!), Sachs s’entend peu, David et Magdalena sont trop en retrait, seule Eva est vraiment merveilleuse, mais cela ne fait pas un quintette.
Le chœur de l’opéra d’Amsterdam est toujours stupéfiant de ductilité et d’engagement scénique, ses interventions sont souvent exemplaires, et éblouissantes au dernier acte: la première partie de la Festwiese est vraiment exceptionnelle.
Quant aux solistes, il faut bien reconnaître que la distribution a connu des modifications qui pouvaient atténuer les envies de voyage: on attendait Thomas Johannes Mayer dans Hans Sachs et celui-ci a tout annulé depuis mars;

Hans Sachs (James Johnson) © DNO

c’est James Johnson qui assume le rôle, avec une voix un peu vieillie, un peu voilée, et quelques menus problèmes de justesse, mais qui s’en sort dans l’ensemble avec honneur, en dominant bien son troisième acte. Il est bien engagé dans la mise en scène avec un faux air ( involontaire) de Gérard Depardieu à s’y méprendre, il dégage une distance de bon aloi et une certaine émotion notamment dans sa manière d’aborder le deuxième acte sans se départir d’une certaine mesure ni jamais de vulgarité. J’ai cru voir notamment au premier acte une volonté du metteur en scène de lui donner des attitudes des postures qui rappelleraient Wagner, mais par petites touches; mais je suis bien en peine d’en avoir une réelle preuve, même si Alden dans une interview suppose que Sachs pourrait être une vision idéalisée de lui-même.
Le Pogner d’Alister Miles est vraiment convaincant, l’artiste est valeureux et montre encore une belle présence vocale, outre qu’il incarne un vrai personnage  de parvenu, dans son volumineux costume de nouveau riche à col de fourrure et des billets plein les poches.
La Eva de Agneta Eichenholz (qui a chanté Traviata à Genève récemment) est la très belle surprise de la soirée. Eva n’est pas toujours un personnage incarné sur scène, et pour ma part, depuis Lucia Popp il y a longtemps à Munich, je n’ai entendu qu’une Eva convaincante, Anja Harteros à Genève il y a déjà bien sept ou huit ans -rappelons au passage ces Meistersinger de Genève avec Klaus-Florian Vogt, Anja Harteros et Albert Dohmen (aujourd’hui on tomberait à genoux pour pareille distribution…)-. Eh bien Agneta Eichenholz est la troisième Eva marquante: elle est jeune, jolie, très naturelle dans son jeu et dans son chant, un chant au volume étonnant, à la présence chaleureuse, un chant très contrôlé (dans le quintette du 3ème acte, elle est vraiment magnifique) et surtout une vraie présence scénique. Cette jeune chanteuse a de l’avenir: je ne me souviens pas d’Eva à Bayreuth qui aient eu cette aura.
Le Walther de Roberto Saccà, chanteur germano-italien a une voix forte, bien projetée, qui fait un Walther tirant plus vers le Heldentenor que vers le lyrique. Il manque quelquefois de legato, a quelques petits problèmes de justesse (quintette!), mais dans l’ensemble compose un Walther honorable. Il m’avait beaucoup plus séduit dans le même rôle à Zürich avec Daniele Gatti au pupitre: il m’est apparu ici plus fatigué et un peu moins intéressant, même si dans l’ensemble son Walther passe la rampe, mais sans brio.
Adrian Eröd, Beckmesser, est l’un de ces chanteurs polymorphes, capables de composer un personnage, avec un chant particulièrement raffiné et contrôlé. Déjà son Beckmesser à Bayreuth où il a repris le rôle du fabuleux Michael Volle marquait d’une manière toute différente de Volle, tout en subtilité, tout en couleur, tout en diction. Voilà ici un chanteur dandy, élégant, jamais vulgaire, sachant donner cette touche d’humour qui le rend plutôt pathétique qu’antipathique; trouvaille magnifique de mise en scène, il entre chez Sachs avec une cape et un chapeau qui en font presque un des personnages de la « Ronde de Nuit » de Rembrandt, ce qui à Amsterdam, peut se justifier. Bon chanteur, acteur de composition remarquable, Adrian Eröd (en troupe à Vienne) est l’un des grands Beckmesser d’aujourd’hui, sans moyens exceptionnels, mais par la seule force de son intelligence de son jeu et de sa manière d’utiliser sa voix.

David, Walther, Eva, Magdalene © DNO

Bonne note aussi pour la Magdalene de Sarah Castle, qui réussit elle aussi à composer un joli personnage, avec une voix malheureusement un peu anonyme qui ne réussit pas à s’imposer (quintette) rousse, en costume marron, version tristounette d’une élégante Eva (qui échange son costume avec elle au deuxième acte) et l’échange des costumes ne change pas la nature des personnages: même dans le costume de Magdalene, Eva est resplendissante.
Enfin, le David de Thomas Blondelle a remporté tous les suffrages, ce jeune ténor belge de 31 ans membre de la troupe du Deutsche Oper Berlin a un joli timbre, et un très bon contrôle sur la voix et le souffle, le rôle de David dans Meistersinger n’est pas vocalement insignifiant, il faut une voix assez large, qui sache monter à l’aigu, qui sache aussi émettre des notes filées, et qui au total demande une variété dans l’émission et une diction exemplaires. Un bon David de Meistersinger, c’est un futur Tamino, ou un Mime ou un Loge ou même un Ottavio. Une vraie découverte, avec un vrai pouvoir sur le public car son jeu est très engagé, il bouge bien, il danse et en plus, il chante!
On le voit, ces Meistersinger dans cette mise en scène complexe à l’image de l’oeuvre, sont conformes à l’univers habituel des productions d’Amsterdam, jamais médiocres musicalement, et proposant toujours des visions scéniques intéressantes qui interrogent sans jamais vraiment décevoir. Une soirée à Amsterdam garantit presque toujours un vrai moment d’opéra: le public, qui ne remplissait malheureusement pas toute la salle, et pas les places les moins chères, spontanément debout, a fait très bon accueil à ce spectacle, qui sans être un miracle, est solide et rend justice à l’œuvre.
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BAYREUTHER FESTSPIELE 2011: DIE MEISTERSINGER VON NÜRNBERG, le 26 juillet 2011 (dir.mus: Sebastian WEIGLE, ms en scène: Katharina WAGNER)

Comme Eva est un rôle ingrat!  Le rôle est scéniquement et vocalement assez plat pendant deux actes, et la chanteuse surtout sollicitée au dernier acte où les aigus du fameux quintette sont ravageurs, ainsi que la scène avec Sachs qui précède. Pour ma part, je me souviens de deux Eva très différentes, Lucia Popp, avec Wolfgang Sawallisch à Munich, et Anja Harteros, à Genève il y a quelques années, deux magnifiques personnalités, deux Eva très présentes. Cette année, comme l’an dernier c’est Michaela Kaune qui chante Eva à Bayreuth. L’an dernier c’était passable, cette année c’est un peu plus difficile : les aigus que cette voix n’a pas vraiment naturellement sont tirés et mobilisent toute l’énergie, d’où des sons métalliques et des difficultés dans les passages. On l’oubliera assez vite dans ce rôle qui ne lui convient pas : pas de poésie, interprétation plate, difficultés techniques. A ses côtés, la Magdalena de Carola Guber est carrément inexistante : on ne l’entend simplement pas. On n’entend pas beaucoup non plus (à Bayreuth c’est un comble) Burkhard Fritz, le nouveau Walther qui succède à Klaus Florian Vogt. Autant Vogt avait une voix sonore, autant Fritz, qui s’applique et qui sait chanter, a une voix trop petite pour le rôle (il disparaît dans les ensembles) et des aigus lui aussi difficiles (c’est très perceptible dans l’air final). L’interprétation scénique est tout à fait satisfaisante dans ce rôle d’artiste insupportable et mauvais garçon, mais on est assez déçu de la prestation vocale, en dépit, je le répète, d’évidente qualités. Je doute que Walther apporte quelque chose d’intéressant pour sa carrière.
James Rutherford en Hans Sachs manque de personnalité vocale. Le timbre est voilé, la puissance limitée, même si cette année certains moments sont vraiment musicalement très réussis (les plus retenus, les plus lyriques : début du second acte, magnifique, et première moitié du troisième acte). Il est aidé par l’orchestre qui l’a vraiment accompagné de manière exceptionnelle.
Encore une fois, j’ai aimé le David de Norbert Ernst, ténor de caractère techniquement parfait, à la voix claire, bien posée, très bien contrôlée, et bien sûr le magnifique Beckmesser d’Adrian Eröd, qui sans moyens exceptionnels, mais avec un phrasé modèle, un texte dit à la perfection, et des qualités d’acteur exceptionnelles, très sollicitées dans cette mise en scène propose un personnage complexe, polymorphe, d’une présence ahurissante. Une interprétation de très grand niveau. On signalera aussi le Pogner de Georg Zeppenfeld, basse de très grande qualité, l’une des meilleures basses en Allemagne aujourd’hui (il fut le Sarastro d’Abbado) et dans l’ensemble le reste de la distribution n’appelle pas de réserves (un bon point pour Friedemann Röhlig, Nachtwächter toujours efficace).
Le chœur dirigé par Eberhard Friedrich est comme toujours exceptionnel, et notamment dans les parties moins spectaculaires (le tout début par exemple), et la direction de Sebastian Weigle m’est apparue un peu plus intéressante que l’an dernier, notamment dans les parties plus lyriques, mais elle manque tout de même de relief (c’est frappant dans l’ouverture) : le final du second acte semble toujours aussi brouillon on ne sent toujours pas le crescendo qui doit gouverner toute la fin de l’acte. C’est dommage.
Quant à la mise en scène de Katharina Wagner, last but not least, elle garde tout son intérêt et son intelligence. C’est une mise en scène sur le conformisme et l’originalité : sur le conformisme en art (y compris dans la fausse marginalité artistique représentée par Walther – puisque les rôles sont inversés à la fin, Sachs et Walther étant les conformistes et Beckmesser celui qui dit non et qui fuit le totalitarisme- et sur le conformisme du public qui siffle l’artiste qui sort du rang, et qui applaudit aux valeurs télévisuelles et consensuelles. Un conformisme qui mène tout droit au totalitarisme (Hans Sachs en métaphore d’Hitler, est à la fois inquiétant et tellement juste). Un regard à rebours sur une œuvre qui a symbolisé largement l’âme et la culture allemandes (et qui fut la préférée des nazis, jamais interdite à Bayreuth, au contraire de Parsifal): voilà où la culture allemande nous a menés, semble dire Katharina Wagner, notamment dans ce terrible bal des gloires germaniques ou quand Sachs brûle tous ces oripeaux culturels et reste seul, illuminé par une flamme qui rappelle étrangement, par ses jeux d’ombre et de lumière, les films de propagande des grands rassemblements de Nuremberg, réunis autour du bûcher de la pensée..

Ce spectacle fourmille d’idées, les chanteurs sont magnifiquement dirigés, les mouvements sont d’une redoutable précision. Katharina Wagner est un authentique metteur en scène, qui affronte bravement les huées du public (de ce même public qui hue les travaux originaux à la fin de sa mise en scène des Maîtres), et dont le travail mérite tout notre intérêt. J’ai écrit précédemment combien ce spectacle gagnait à être revu. Avec une distribution vraiment à la hauteur, et un chef moins banal, c’eût été un très grand soir. Notons tout de même que – fait rarissime – il y avait des gens qui vendaient des billets « biete Karte » alors qu’on voit habituellement des « Suche Karte » (je cherche un billet). Alors, si vous avez des velléités de Bayreuth cette année, n’hésitez pas, vous trouverez des places pour ces Maîtres Chanteurs et vous le ne regretterez sans doute pas.

BAYREUTHER FESTSPIELE 2010: DIE MEISTERSINGER VON NÜRNBERG le 2 août 2010 (Sebastian WEIGLE – Katharina WAGNER)

 

020820102257.1281000874.jpgLe sort m’a attribué cette année non pas des billets pour le nouveau Lohengrin, dirigé par Andris Nelsons, mis en scène par Hans Neuenfels, avec Jonas Kaufmann, Annette Dasch, Evelyn Herlitzius et Hans Joachim Ketelsen remplaçant Lucio Gallo, mais pour les Meistersinger, avec un Hans Sachs nouveau, le jeune britannique James Rutherford. J’ai déjà écrit l’an dernier sur cette production : à la revoir, on l’apprécie de plus en plus. Elle pose directement la problématique de l’artiste et du social, et s’affiche comme ouvertement idéologique, refusant de s’intéresser à la relation Eva-Stolzing (s’intéressant d’ailleurs un peu plus à la relation Sachs-Eva) c’est-à-dire évitant de traiter les relations entre individus, mais traitant bien plutôt la situation artistique et idéologique.

Du point de vue théâtral, les scènes d’ensemble sont assez bien traitées, la « Festwiese » finale manquant peut-être de mouvement, mais la partie finale est une telle explosion d’idées diverses que l’on n’y prête pas trop attention.
On peut rappeler le concept : au départ Hans Sachs et Walther von Stolzing sont les non conformistes, Beckmesser étant un personnage totalement coincé, engoncé dans la tradition et le conformisme bourgeois. Sachs refuse les rituels des maîtres, marche pieds nus, lui le cordonnier, et Walther est une véritable « tête à claques » pendant presque les deux premiers actes dans leur ensemble. Tout bascule au final du second acte, sorte de happening général (avec allusion à la Campbell Soup de Warhol) qui confine à l’anarchie, Sachs et Walther réalisent qu’ils ne veulent pas voir l’art mener à ça : Walther commence à nettoyer les peintures qu’il a gribouillées. Beckmesser au contraire se décoince ! Et c’est tout l’enjeu du troisième acte que de voir comment Sachs et Walther se « normalisent » au point de devenir l’un une sorte d’Hitler (Sachs), l’autre (Walther) un médiocre promoteur de l’art officiel., pendant que Beckmesser se lance dans la
performance échevelée, et fuit devant cette normalisation artistique encadrée par Sachs.

kthrina.1281001402.jpgBeaucoup de huées pour la mise en scène à la fin. La nouveauté venait donc de ce jeune anglais, James Rutherford, succédant à Franz Hawlata (génial acteur, mais sans voix), puis à Alan Titus (voix vieillie et acteur peu à l’aise dans le personnage voulu par la mise en scène ). La performance n’est pas concluante. Il est visiblement lui aussi mal à l’aise avec ce que la mise en scène lui demande (notamment à la fin), et ne bouge pas vraiment avec bonheur. Le chant n’est pas vraiment tout à fait au rendez-vous. Non qu’il chantât mal, mais la voix est engorgée, opaque, sans vraie projection, ce qui gêne beaucoup notamment au premier acte et dans les longs monologues. L’absence de personnalité scénique et aussi sans doute de maturité rendent son chant complètement inexpressif. Le reste de la distribution est honorable, avec trois magnifiques prestations, 

– d’abord le Beckmesser d’ Adrian Eröd, en tous points remarquable: c’est lui qui, avec Klaus Florian Vogt, emporte tous les suffrages : expressivité, intelligence du jeu et du chant, voix claire, bien projetée, une vraie performance, alors qu’il m’avait moins impressionné l’an dernier. En tous cas, voilà un chanteur à ne pas manquer. eroed.1281001429.jpg

– ensuite, Klaus Florian Vogt est vraiment l’un des plus beaux Walther qui soient, la voix est saine, lumineuse, solaire, puissante et il compose un personnage délirant !

– enfin, David (Norbert Ernst) est excellent à tous égards, et remporte un triomphe mérité (décidément, nous sommes dans une années à ténors).

On reste plus réservé sur les prestations de chanteuses : Michaela Kaune est une Eva correcte, mais sans vraie poésie, Magdalene (Carola Guber) semble cette année avoir plus de difficulté, sons désagréables, voix inégale et peu homogène.

Le chœur dirigé par Eberhard Friedrich est éblouissant comme toujours, et l’orchestre dirigé par Sebastian Weigle, directeur musical à Francfort, reste comme l’an dernier un peu plat, sans mettre en exergue certains pupitres (les bois notamment). Même si tout cela sonne fort bien dans la salle, on reste avec l’ impression mitigée d’un travail très professionnel sans touche vraiment personnelle.

Il reste que la soirée a été bonne, et comme d’habitude, malgré les plaintes, les remarques acerbes, les critiques des productions, on n’a qu’une seule envie, c’est de revenir…

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BAYREUTHER FESTSPIELE 2009: DIE MEISTERSINGER VON NÜRNBERG (Ms en scène: Katharina WAGNER, Dir.Mus: Sebastian WEIGLE))

 

Je suis en train d’écouter un bel enregistrement de Die Meistersinger von Nürnberg dirigé en 1953 par Fritz Reiner au MET, le 11 janvier 1953 (4 CDs Walhall). Je suis toujours frappé par la qualité des interprétations de ce chef, respecté, mais qui n’est pas très connu du grand public (sauf peut-être pour sa Salomé avec Ljuba Welitsch), limpidité de l’orchestre, tempi très étudiés, en fonction du texte, attention visible à ce qui se passe sur scène, sens du lyrisme, avec des chanteurs qui ont pour nom Paul Schöffler, Victoria de Los Angeles, Josef Greindl, seul Hans Hopf en Walther ne me touche pas trop, comme toujours. Une magnifique soirée. J’ai acheté ce coffret pour la somme de 14,99 à Berlin, chez Dussmann, le paradis des mélomanes de tous poils, à côté duquel la FNAC fait figure de petite échoppe. Si vous allez à Berlin, il faut vous y précipiter, on peut même y fureter après une soirée à la Staatstoper, toute proche, puisque c’est ouvert jusqu’à minuit (Métro Friedrichstrasse).

Bon, je reviens à mes Maîtres: cette audition de Reiner m’a fait mettre en perspective une fois de plus, la production actuelle de Bayreuth de Katharina Wagner, moins horrible que certains ont pu le dire, mais à la direction musicale d’une fadeur désespérante. La cuvée 2009 du Festival, en demi-teinte, ne présentait aucune production nouvelle, et quelques modifications des productions existantes. En fait, l’attraction était la première année effective du tandem Katharina Wagner-Eva Wagner-Pasquier, demi-sœurs qui succèdent à leur père Wolfgang. Interviews, reportages des magazines musicaux et non, conférences de presse, mais aussi difficultés initiales avec menaces de grève des techniciens, événement incroyable et unique dans les annales. C’est que le Festival a vécu durant les années Wolfgang sur des principes et un fonctionnement héritant largement des années cinquante, qu’il faut aujourd’hui revoir complètement, tant au niveau économique qu’organisationnel et artistique. Cette redoutable tâche, les deux sœurs semblent l’assumer avec énergie, Katharina se consacrant plus sur la production et l’organisation, et Eva sur l’artistique. Premier objectif, le bicentenaire de 2013, année Wagner. En attendant, on a revu avec plaisir le Tristan mis en scène par Christoph Marthaler, même si l’Isolde de Irène Theorin crie un peu, le Parsifal très intelligent et dérangeant de Stefan Herheim (voir l’article dans ce blog), magnifiquement dirigé par Daniele Gatti, chanté par la même compagnie que l’an dernier, mais un peu fatiguée, et ces Meistersinger, qui après deux ans offraient rien moins qu’un nouveau Sachs (le vétéran Alan Titus) et un nouveau Beckmesser (le jeune Adrian Eröd). La mise en scène de Katharina Wagner a été légèrement modifiée selon l’habitude du neues Bayreuth, atelier de réflexion sur le théâtre de Wagner(« Werkstatt Bayreuth ») pour s’adapter aux nouveaux chanteurs, mais l’esprit en est toujours le même : il s’agit pour la première fois au Festspielhaus, d’évoquer le problème idéologique posé par l’œuvre, et notamment sa relation au nazisme. Pour ce faire, elle inverse la lecture traditionnelle : Sachs et Walther de marginaux au départ (dans cette lecture) deviennent conformistes, le discours final de Sachs étant même assimilé à un discours d’Hitler, avec ses tics et ses gestes, tandis que Beckmesser au contraire peu à peu devient le créatif, le marginal, celui qui trouve enfin son identité artistique. Ce travail, marque d’une réflexion intelligente, pêche par radicalité et manque de « musicalité », des moments musicaux marquants sont en effet gauchis par une mise en scène envahissante (final du II° acte, ou quintette du III° acte que les rires du public empêchent d’entendre). La direction de Sebastian Weigle manque de sensibilité, même si elle est un peu plus énergique que les années précédentes., mais tout cela reste d’une grande platitude. Quant aux chanteurs, Adrian Eröd, baryton élégant, excellent technicien, compose un Beckmesser dandy et maniéré, et c’est très réussi, mais la voix reste un peu légère, et la couleur un peu claire pour le rôle. Il ne fait pas oublier Michael Volle dont la composition alliait élégance et puissance. Paradoxalement, Alan Titus ne fait pas oublier non plus Franz Hawlata, alors que vocalement, il lui est supérieur. Mais Hawlata était le personnage exactement voulu par la mise en scène et sa composition restait impressionnante malgré un chant problématique . Titus est gauche, mal à l’aise dans le personnage, et son chant peu expressif et linéaire ne peut compenser l’absence de présence scénique : une très grosses déception. En revanche Klaus Florian Vogt est un magnifique Walther, pleinement convaincant, la voix qui s’est élargie est claire, l’émission parfaite, et le personnage totalement crédible. Micaela Kaune est une Eva honorable, sans être exceptionnelle, et Norbert Ernst un David solide face à une Magdalena honnête (Carola Guber). Mais, malgré les réserves, c’est toujours une fête d’entendre Die Meistersinger, que j’écoute et j’aime de plus en plus, peut-être est-ce l’oeuvre la plus complexe et la plus passionnante du Maître de Bayreuth, en tous cas elle a alimenté bonne partie du symphonisme de la fin du XIXème, Mahler en tête (dernier mouvement de la 5ème symphonie!).

BAYREUTH 2009
Die Meistersinger von Nürnberg
3 Août 2009

Hans Sachs, Schuster Alan Titus
Veit Pogner, Goldschmied
Artur Korn Kunz Vogelgesang, Kürschner Charles Reid Konrad Nachtigall, Spengler Rainer Zaun Sixtus Beckmesser, Stadtschreiber Adrian Eröd Fritz Kothner, Bäcker Markus Eiche Balthasar Zorn, Zinngießer Edward Randall Ulrich Eisslinger, Würzkrämer Timothy Oliver Augustin Moser, Schneider Florian Hoffmann Hermann Ortel, Seifensieder Martin Snell Hans Schwarz, Strumpfwirker Mario Klein Hans Foltz, Kupferschmied Diógenes Randes Walther von Stolzing Klaus Florian Vogt David, Sachsens Lehrbube Norbert Ernst Eva, Pogners Tochter Michaela Kaune Magdalene, Evas Amme Carola Guber Ein Nachtwächter Friedemann Röhlig

Direction musicale: Sebastian Weigle Mise en scène: Katharina Wagner Décor: Tilo SteffensCostumes: Michaela Barth
Tilo Steffens
Choeur:
Eberhard FriedrichLumières: Andreas Grüter